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Document 62004CJ0273

    Arrêt de la Cour (grande chambre) du 23 octobre 2007.
    République de Pologne contre Conseil de l'Union européenne.
    Recours en annulation - Décision 2004/281/CE du Conseil - Politique agricole commune - Acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne - Adaptation - Violation du principe de non-discrimination.
    Affaire C-273/04.

    Recueil de jurisprudence 2007 I-08925

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2007:622

    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Dispositif

    Parties

    Dans l’affaire C-273/04,

    ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 230 CE, introduit le 28 juin 2004,

    République de Pologne, représentée initialement par M. T. Nowakowski et M me E. Ośniecka-Tamecka, puis par M. T. Nowakowski, M e M. Szpunar, M. B. Majczyna, M me K. Rokicka et M. I. Niemirka, en qualité d’agents,

    partie requérante,

    soutenue par:

    République de Lettonie, représentée par M mes A. Zikmane et E. Balode-Buraka, en qualité d’agents,

    République de Lituanie, représentée par M. D. Kriaučiūnas, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Bruxelles,

    République de Hongrie, représentée par M. P. Gottfried et M me R. Somssich, en qualité d’agents,

    parties intervenantes,

    contre

    Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. F. Ruggeri Laderchi et M me K. Zieleśkiewicz, puis par M. F. Florindo Gijón et M me K. Zieleśkiewicz, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    soutenu par:

    Commission des Communautés européennes, représentée par M. T. van Rijn, M me A. Stobiecka-Kuik et M. L. Visaggio, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie intervenante,

    LA COUR (grande chambre),

    composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas et K. Lenaerts, L. Bay Larsen, présidents de chambre, M. J. N. Cunha Rodrigues, M me R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. K. Schiemann, J. Makarczyk, A. Ó Caoimh, M me P. Lindh et M. J.‑C. Bonichot, juges,

    avocat général: M. M. Poiares Maduro,

    greffier: M. M.‑A. Gaudissart, chef d’unité,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 janvier 2007,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 juin 2007,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt

    1. Par sa requête, la République de Pologne demande à la Cour l’annulation de l’article 1 er , point 5, de la décision 2004/281/CE du Conseil, du 22 mars 2004, portant adaptation de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne, à la suite de la réforme de la politique agricole commune (JO L 93, p. 1, ci-après la «décision litigieuse»).

    2. Par ordonnance du président de la Cour du 15 mars 2005, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie et la Commission des Communautés européennes ont été admises à intervenir à la présente procédure au soutien, pour ces trois États membres, de la République de Pologne et, pour la Commission, du Conseil.

    Le cadre juridique

    Le règlement (CE) n° 1259/1999

    3. Aux termes de l’article 1 er du règlement (CE) n° 1259/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune (JO L 160, p. 113), tel que modifié par le règlement (CE) nº 1244/2001 du Conseil, du 19 juin 2001 (JO L 173, p. 1, ci-après le «règlement nº 1259/1999»):

    «Le présent règlement s’applique aux paiements octroyés directement aux agriculteurs dans le cadre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et financés en partie ou en totalité par la section ‘garantie’ du [Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA)], à l’exception de ceux qui sont prévus par le règlement (CE) n° 1257/1999 [du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le FEOGA et modifiant et abrogeant certains règlements (JO L 160, p. 80)].

    Ces régimes de soutien sont énumérés à l’annexe du présent règlement.»

    4. L’article 11, paragraphe 4, deuxième tiret, du règlement n° 1259/1999 prévoit que la Commission arrête les modifications à apporter, le cas échéant, à l’annexe de ce règlement, compte tenu des critères définis à l’article 1 er de celui-ci.

    5. Ladite annexe est intitulée «Liste des régimes de soutien répondant aux critères mentionnés à l’article 1 er ». Cette liste a été élargie par le règlement (CE) n° 41/2004 de la Commission, du 9 janvier 2004 (JO L 6, p. 19).

    Le traité et l’acte d’adhésion

    6. Aux termes de l’article 2, paragraphe 3, du traité entre le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, l’Irlande, la République italienne, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (États membres de l’Union européenne) et la République tchèque, la République d’Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie, la République slovaque relatif à l’adhésion de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque à l’Union européenne, signé à Athènes le 16 avril 2003 (JO L 236, p. 17, ci-après le «traité d’adhésion»):

    «Par dérogation au paragraphe 2, les institutions de l’Union peuvent arrêter avant l’adhésion les mesures visées […] aux articles 21 et 23 […] [de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations aux traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO L 236, p. 33, ci-après l’‘acte d’adhésion’)] [...]. Ces mesures n’entrent en vigueur que sous réserve et à la date de l’entrée en vigueur du présent traité.»

    7. L’article 23 de l’acte d’adhésion prévoit:

    «Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut procéder aux adaptations des dispositions du présent acte relatives à la politique agricole commune qui peuvent s’avérer nécessaires du fait d’une modification des règles communautaires. Ces adaptations peuvent être faites avant la date d’adhésion.»

    8. De même, l’article 20 de l’acte d’adhésion dispose que les actes énumérés dans la liste figurant à l’annexe II de celui-ci font l’objet des adaptations définies dans cette annexe.

    9. Ladite annexe contient un chapitre 6. A, intitulé «Législation agricole», dont le point 27, sous b), prévoit l’insertion dans le règlement nº 1259/1999 d’un article 1 er  bis, rédigé dans les termes suivants:

    «Introduction de régimes de soutien dans les nouveaux États membres

    En République tchèque, en Estonie, à Chypre, en Lettonie, en Lituanie, en Hongrie, à Malte, en Pologne, en Slovénie et en Slovaquie (ci-après dénommés ‘nouveaux États membres’), les paiements directs accordés au titre des régimes de soutien visés à l’article 1 er sont introduits par paliers conformément au calendrier ci-après, les chiffres correspondant au pourcentage du niveau applicable de ces paiements dans la Communauté dans sa composition au 30 avril 2004.

    25 % en 2004

    30 % en 2005

    35 % en 2006

    40 % en 2007

    50 % en 2008

    60 % en 2009

    70 % en 2010

    80 % en 2011

    90 % en 2012

    100 % à compter de 2013.»

    Le règlement (CE) n° 1782/2003

    10. Le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) n° 2019/93, (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001, (CE) n° 1454/2001, (CE) n° 1868/94, (CE) n° 1251/1999, (CE) n° 1254/1999, (CE) n° 1673/2000, (CEE) n° 2358/71 et (CE) n° 2529/2001 (JO L 270, p. 1, et rectificatif, JO 2004, L 94, p. 70), a abrogé le règlement n° 1259/1999 à compter du 1 er mai 2004.

    11. Selon son article 1 er :

    «Le présent règlement établit:

    – des règles communes en matière de paiements directs au titre des régimes de soutien des revenus relevant de la politique agricole commune et financés par le [FEOGA], section ‘Garantie’, énumérés à l’annexe I, à l’exception de ceux qui sont prévus par le règlement (CE) n° 1257/1999,

    – une aide au revenu des agriculteurs (ci-après dénommée ‘le régime de paiement unique’),

    – des régimes de soutien pour les agriculteurs produisant […] des fruits à coque, des cultures énergétiques, […] du lait […]»

    12. Ces derniers régimes de soutien étant des paiements directs d’après l’article 2 de ce même règlement, ils sont financés par le FEOGA, section «Garantie».

    13. L’annexe I du règlement n° 1782/2003 est intitulée «Liste des régimes de soutien répondant aux critères visés à l’article 1 er » de ce règlement. Cette liste comprend notamment l’aide pour les fruits à coque, l’aide aux cultures énergétiques ainsi que la prime et les paiements supplémentaires dans le secteur laitier prévus, respectivement, aux chapitres 4 (articles 83 à 87), 5 (articles 88 à 92) et 7 (articles 95 à 97) dudit règlement.

    La décision litigieuse

    14. La décision litigieuse a été adoptée en vertu des articles 2, paragraphe 3, du traité d’adhésion et 23 de l’acte d’adhésion. Elle prévoit notamment, à son article 1 er , point 5, le remplacement du point 27 du chapitre 6. A de l’annexe II de l’acte d’adhésion, dont les dispositions modifiaient le règlement n° 1259/1999, par des dispositions qui modifient le règlement nº 1782/2003, afin de tenir compte des aménagements introduits dans la législation relative à la politique agricole commune (PAC) par l’adoption de ce dernier règlement, intervenue après la signature des instruments d’adhésion.

    15. À son article 1 er , point 5, sous c), ladite décision prévoit notamment l’insertion dans le règlement n° 1782/2003 d’un article 143 bis, rédigé comme suit:

    «Introduction des régimes de soutien

    Dans les nouveaux États membres, les paiements directs sont introduits par paliers conformément au calendrier ci-après, les chiffres correspondant au pourcentage du niveau applicable de ces paiements dans la Communauté dans sa composition au 30 avril 2004:

    – 25 % en 2004,

    – 30 % en 2005,

    – 35 % en 2006,

    – 40 % en 2007,

    – 50 % en 2008,

    – 60 % en 2009,

    – 70 % en 2010,

    – 80 % en 2011,

    – 90 % en 2012,

    – 100 % à compter de 2013.»

    16. Aux termes de l’article 8 de la décision litigieuse:

    «La présente décision est établie en langues espagnole, tchèque, danoise, allemande, estonienne, grecque, anglaise, française, irlandaise, italienne, lettone, lituanienne, hongroise, maltaise, néerlandaise, polonaise, portugaise, slovaque, slovène, finnoise et suédoise, chacun de ces vingtetun textes faisant également foi.»

    Les faits

    17. Les faits à la base du présent recours en annulation trouvent leur point de départ dans les négociations d’adhésion de la République de Pologne à l’Union.

    18. Ainsi qu’il ressort d’un document sur la position de la République de Pologne en vue des négociations dans le domaine de l’agriculture, adopté par le Conseil des ministres le 9 décembre 1999, et de la réponse de la République de Pologne à la position commune de l’Union européenne du 20 juin 2002 dans le domaine de l’agriculture, adoptée par le Conseil des ministres le 8 octobre 2002, la République de Pologne a, lors de ces négociations, manifesté à maintes reprises son intention d’«adopter, à compter du jour de l’adhésion, l’intégralité du dispositif légal relatif à l’organisation commune des marchés agricoles, à condition qu’il soit garanti à l’agriculture polonaise l’accès à tout le dispositif de la [PAC], y compris [celui] aux paiements directs».

    19. La position de l’Union a été définie à cette époque sur la base d’un document de réflexion établi par la Commission le 30 janvier 2002, qui était essentiellement fondé sur la nécessité de poursuivre la restructuration en cours dans le secteur agricole des nouveaux États membres, sur la situation du revenu des agriculteurs de ces États membres ainsi que sur l’exigence d’éviter d’y créer des déséquilibres par rapport à d’autres secteurs économiques ou des situations de rente spéculative. Eu égard à ces considérations, ledit document concluait qu’il ne devrait pas être accédé aux demandes des nouveaux États membres de bénéficier, dès l’adhésion, des paiements directs au même niveau que celui applicable aux quinze États membres à l’époque de l’Union (ci-après les «anciens États membres»), de sorte que «[l]es paiements directs devraient être introduits progressivement dans les nouveaux États membres au cours d’une période transitoire».

    20. En outre, la position de négociation des anciens États membres par rapport à la République de Pologne a été fixée dans la position commune de l’Union européenne du 31 octobre 2002, qui mentionnait que cette dernière «prend note de la demande de la Pologne visant à ce que les paiements directs soient accordés à ses agriculteurs après l’adhésion dans la même mesure qu’ils le sont aux agriculteurs de [l’Union. Celle-ci] estime qu’il ne devrait pas être accédé à cette demande, mais que les paiements directs devraient être introduits progressivement en Pologne au cours d’une période transitoire».

    21. Faute d’un accord entre les parties, les négociations sur ce point se sont poursuivies jusqu’au Conseil européen de Copenhague des 12 et 13 décembre 2002, et à la conférence d’adhésion qui a eu lieu en marge de celui-ci, dont les conclusions indiquent que la question de l’introduction progressive des paiements directs dans les nouveaux États membres a été résolue selon les termes de la position commune de l’Union européenne du 31 octobre 2002.

    22. Le 16 avril 2003, au sommet du Conseil européen d’Athènes, la République de Pologne a signé le traité d’adhésion.

    23. Par ailleurs, le 29 septembre 2003, le règlement n° 1782/2003 a été adopté.

    24. Eu égard à la nécessité d’adapter l’acte d’adhésion à la réforme de la PAC opérée notamment par ce règlement, la Commission a présenté, le 27 octobre 2003, une proposition de décision prévoyant l’application du mécanisme d’introduction par paliers à tous les paiements directs. Dès qu’il a eu connaissance de ce projet, le gouvernement polonais s’est opposé, à toutes les étapes du processus législatif et par le biais de nombreuses communications écrites, à ce qu’il présentait comme une extension du système d’introduction par paliers des paiements directs, faisant valoir en particulier que l’adoption de la mesure projetée entraînerait une modification des conditions d’adhésion et ne serait pas conforme à l’article 23 de l’acte d’adhésion.

    25. La décision litigieuse a été adoptée le 22 mars 2004.

    26. Considérant que cette décision constitue non une adaptation de l’acte d’adhésion, mais une modification substantielle des conditions d’adhésion fixées dans cet acte, la République de Pologne a formé le présent recours en annulation.

    Sur la recevabilité du recours

    Position des parties

    27. Au cours de la procédure écrite, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité tirée de l’introduction tardive du recours.

    28. Selon le Conseil, la décision aurait été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 30 mars 2004 (JO L 93). La requête ayant été enregistrée au greffe de la Cour le 28 juin 2004, le recours aurait donc été introduit hors délai, en vertu des dispositions des articles 230, cinquième alinéa, CE et 81 du règlement de procédure de la Cour.

    29. La République de Pologne conteste le bien-fondé de cette exception d’irrecevabilité.

    30. La République de Pologne, soutenue par les États membres intervenants, estime, en premier lieu, que le délai dont dispose un nouvel État membre pour introduire un recours en annulation d’un acte arrêté en vertu de l’article 23 de l’acte d’adhésion ne commence à courir qu’à compter de la date de l’adhésion de cet État membre, afin d’éviter, d’une part, que ledit État membre ne jouisse que d’un délai de recours tronqué et, d’autre part, que l’institution communautaire dont émane un tel acte puisse se soustraire à un contrôle juridictionnel de la Cour à l’initiative des États adhérents en adoptant et en faisant publier cet acte au moins deux mois avant que ces États accèdent à la qualité d’État membre.

    31. En deuxième lieu, lesdits États membres soutiennent que, le 30 mars 2004, la publication de la décision litigieuse n’avait pas été accomplie dans toutes les langues officielles des nouveaux États membres, ce qu’exigeait cependant l’article 8 de cette décision. Dans le cadre de son mémoire en réplique, la République de Pologne suggère en outre que le Journal officiel publiant ladite décision en langue polonaise pourrait avoir été antidaté, en violation du principe de sécurité juridique. À cet égard, la Cour a, par ordonnance du 15 novembre 2006, ordonné une mesure d’instruction en vertu de laquelle il était demandé au directeur général de l’Office des publications officielles des Communautés européennes de répondre par écrit à la question de savoir quelle était la date réelle de la publication de la décision litigieuse, date à laquelle cette décision était disponible pour le public.

    32. En troisième lieu, la République de Pologne et les États membres intervenants font valoir le principe de protection juridictionnelle effective, considérant que les institutions communautaires ne peuvent, par le seul choix de la date de publication de la mesure adoptée, priver les nouveaux États membres de la possibilité de former un recours juridictionnel à l’encontre de cette mesure.

    Appréciation de la Cour

    33. Dans la présente affaire, la Cour estime nécessaire de se prononcer d’emblée sur le fond de l’affaire.

    Sur le fond

    34. La République de Pologne soulève trois griefs à l’encontre de la décision litigieuse, tirés, respectivement, de l’incompétence du Conseil, celui-ci ayant outrepassé les pouvoirs qui lui ont été attribués à l’article 23 de l’acte d’adhésion, qui constitue le fondement de cette décision, de la violation du principe d’égalité par l’instauration d’une discrimination non prévue par cet acte et de la méconnaissance du principe de bonne foi, le compromis issu des négociations d’adhésion ayant été remis en cause de façon unilatérale.

    Sur le premier grief, tiré de l’incompétence du Conseil du fait de la violation de l’article 23 de l’acte d’adhésion

    Position des parties

    35. Par ce premier grief, la République de Pologne, soutenue par les États membres intervenants, considère que l’article 23 de l’acte d’adhésion ne saurait servir de base légale pour l’adoption des mesures prévues à l’article 1 er , point 5, de la décision litigieuse, qui consistent à étendre aux nouveaux paiements directs le système d’introduction par paliers. En effet, ces mesures ne constitueraient pas une «adaptation nécessaire» de l’acte d’adhésion à la réforme de la PAC, au sens dudit article 23, car, d’une part, elles correspondraient à une modification substantielle des conditions d’adhésion fixées dans cet acte et, d’autre part, la condition de nécessité en raison d’une modification des règles communautaires n’aurait pas été démontrée ni justifiée dans le préambule de la décision.

    36. Ainsi, l’article 143 bis du règlement nº 1782/2003, introduit par l’article 1 er , point 5, de la décision litigieuse, constituerait une véritable modification de l’acte d’adhésion, dans la mesure où il établit des pourcentages et un calendrier applicables de manière générale à tous les paiements directs à octroyer dans les nouveaux États membres, alors que, auparavant, les articles 1 er et 1 er  bis du règlement n° 1259/1999 auraient limité ce mécanisme d’introduction par paliers exclusivement aux paiements directs accordés au titre des régimes de soutien limitativement énumérés à l’annexe de ce dernier règlement.

    37. Selon la République de Pologne, un tel élargissement du nombre d’aides soumises à ce mécanisme d’introduction par paliers déborde la notion d’«adaptations nécessaires» au sens de l’article 23 de l’acte d’adhésion, qui a un caractère exclusivement technique et ne saurait aboutir à une modification des résultats des négociations d’adhésion. Or, une modification de la liste des paiements soumis audit mécanisme telle qu’opérée par la décision litigieuse n’aurait pu être effectuée qu’à partir de la date d’adhésion, sur le fondement de l’article 9 de l’acte d’adhésion.

    38. Enfin, dans sa réplique, la République de Pologne conteste la thèse du Conseil selon laquelle l’annexe du règlement n° 1259/1999 aurait un caractère exclusivement déclaratif. À cet égard, il ressortirait tant d’une interprétation littérale que d’une interprétation téléologique de l’article 1 er de ce règlement que le mécanisme d’introduction par paliers s’applique exclusivement aux paiements directs accordés au titre des régimes de soutien limitativement énumérés à l’annexe dudit règlement, de sorte que le champ d’application de ce mécanisme ne pourrait être plus large que le champ d’application du règlement n° 1259/1999 lui-même. La requérante invoque aussi l’existence de la procédure de modification de cette annexe prévue à l’article 11 dudit règlement, qui militerait en faveur de la nature constitutive, et non déclaratif, de ladite annexe.

    39. Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste la prémisse sur laquelle repose toute l’argumentation de la République de Pologne, selon laquelle le mécanisme d’introduction par paliers des paiements directs, ou mécanisme dit de «phasing-in», ne s’appliquerait qu’aux paiements directs énumérés de façon exhaustive à l’annexe du règlement n° 1259/1999.

    40. En effet, conformément à ses termes, l’article 1 er  bis de ce règlement s’appliquerait à tous les «paiements directs accordés au titre des régimes de soutien visés à l’article 1 er » dudit règlement. Or, cet article 1 er contiendrait une définition générale de la notion de paiements directs qui viserait toutes formes d’aides, existantes ou futures, versées directement aux agriculteurs dans le cadre des régimes de soutien relevant de la PAC et financées en tout ou en partie par le FEOGA, section «Garantie». Cette définition générale de la notion de paiements directs attesterait que le règlement n° 1259/1999 a vocation à s’appliquer à tous les paiements directs établis dans le cadre de la PAC. Dans cette perspective, l’annexe dudit règlement n’aurait qu’une nature déclarative, ce qui serait confirmé par le pouvoir de modification de cette annexe conféré à la Commission à l’article 11, paragraphe 4, deuxième tiret, du même règlement.

    41. La prémisse sur laquelle repose la thèse de la République de Pologne s’avérant erronée, le premier grief serait dénué de fondement. Partant, le Conseil n’aurait pas outrepassé les limites de la compétence qui lui a été conférée à l’article 23 de l’acte d’adhésion en adoptant la décision litigieuse, dès lors que celle-ci correspond parfaitement à la notion de simple «adaptation», au sens dudit article. De l’avis du Conseil, le principe de l’application du mécanisme dit de «phasing-in» à toutes les aides directes avait d’ailleurs été arrêté pendant les négociations d’adhésion et est prévu expressément par l’acte d’adhésion, qui a introduit l’article 1 er  bis dans le règlement nº 1259/1999. Le fait de prévoir l’application de ce mécanisme pour toutes les aides directes dans le règlement nº 1782/2003 ne représenterait donc pas une nouveauté ou une modification substantielle au regard de l’approche adoptée lors desdites négociations.

    Appréciation de la Cour

    42. Le premier grief concerne, en substance, l’étendue des pouvoirs conférés au Conseil à l’article 23 de l’acte d’adhésion.

    43. Afin de déterminer le bien-fondé de ce grief, il y a lieu, tout d’abord, d’analyser la notion d’«adaptations nécessaires» au sens de cet article et, ensuite, de déterminer quelle était la portée du mécanisme d’introduction par paliers des paiements directs initialement instauré à l’article 1 er bis du règlement n°1259/1999 tel que modifié par l’acte d’adhésion, afin de vérifier ultérieurement si, en adoptant la décision litigieuse, le Conseil a outrepassé lesdits pouvoirs.

    – Sur la notion d’«adaptations nécessaires» au sens de l’article 23 de l’acte d’adhésion

    44. Il y lieu, tout d’abord, de relever que la finalité de l’article 23 de l’acte d’adhésion était de permettre au Conseil d’adopter les dispositions nécessaires pour assurer la concordance de cet acte avec les changements législatifs résultant de l’activité normative des institutions dans le cadre de la PAC entre la signature dudit acte et l’adhésion effective des nouveaux États membres.

    45. Cependant, cette attribution de pouvoir ne saurait être interprétée d’une manière extensive, sous peine de méconnaître les résultats des négociations des conditions d’adhésion desdits États.

    46. À cet égard, il convient de souligner que la Cour s’est déjà prononcée sur la notion d’«adaptations nécessaires» dans le cadre d’actes d’adhésion, indiquant que les mesures d’adaptation prévues par de tels actes n’autorisent, en principe, que les adaptations destinées à rendre des actes communautaires antérieurs applicables dans les nouveaux États membres, à l’exclusion de toute autre modification [voir, en ce sens, s’agissant de l’article 169 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion du Royaume de Norvège, de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21), arrêt du 2 octobre 1997, Parlement/Conseil, C‑259/95, Rec. p. I‑5303, points 14 et 19; s’agissant de l’article 57 de l’acte d’adhésion, arrêts du 28 novembre 2006, Parlement/Conseil, C‑413/04, Rec. p. I‑11221, points 31 à 38, et du 28 novembre 2006, Parlement/Conseil, C‑414/04, Rec. p. I‑11279, points 29 à 36].

    47. S’il est vrai que ces arrêts avaient trait à des dispositions prévoyant l’adaptation des actes des institutions qui n’avaient pas été adaptés par l’acte d’adhésion concerné lui-même, il n’en demeure pas moins que, ainsi que M. l’avocat général l’a souligné au point 64 de ses conclusions, l’acception très restreinte de la notion d’adaptation découlant desdits arrêts est énoncée de manière générale, quelle que soit la disposition de l’acte d’adhésion concerné qui constitue la base de la mesure adoptée, et doit donc, à plus forte raison, être retenue lorsque, comme en l’espèce, il s’agit d’adapter des dispositions de l’acte d’adhésion lui-même pour tenir compte d’une modification des règles communautaires auxquelles ces dispositions étaient relatives.

    48. Dans cette perspective, la notion d’adaptation doit être circonscrite aux mesures qui ne sauraient en aucun cas influer sur le champ d’application d’une des dispositions de l’acte d’adhésion relatives à la PAC ni en modifier substantiellement le contenu, mais qui constituent uniquement des ajustements visant à assurer la cohérence dudit acte et des nouvelles dispositions adoptées par les institutions communautaires dans l’intervalle compris entre la signature de l’acte d’adhésion et cette adhésion elle-même.

    49. Quant à l’exigence de nécessité requise pour l’adoption d’une telle mesure d’adaptation, il suffit d’indiquer qu’une telle exigence découlerait de façon directe de toute modification des règles communautaires intervenue à la suite d’une innovation normative de la part des institutions communautaires touchant à la PAC et ayant pour conséquence de créer une discordance entre les dispositions de l’acte d’adhésion et le nouveau régime résultant de cette modification.

    50. Sur la base de ces considérations, il y a lieu de vérifier si la décision litigieuse peut être qualifiée d’«adaptation nécessaire».

    51. À cet égard, il s’impose, au préalable, d’analyser le contenu et la portée des modifications de l’acte d’adhésion résultant de l’article 1 er , point 5, de ladite décision et de replacer cette mesure dans le contexte général de la PAC dans lequel elle s’inscrit.

    – Sur la portée du mécanisme d’introduction par paliers des paiements directes

    52. La thèse de la République de Pologne selon laquelle le système d’introduction par paliers des paiements directs instauré à l’article 1 er  bis du règlement n° 1259/1999 tel que modifié par l’acte d’adhésion n’est applicable qu’à un numerus clausus d’aides directes énumérées à l’annexe dudit règlement, et non à tous les paiements directs, est incompatible avec une interprétation tant littérale que systématique ou téléologique des dispositions en cause.

    53. Il convient, tout d’abord, de relever que ledit article 1 er  bis disposait que, dans les nouveaux États membres, «les paiements directs accordés au titre des régimes de soutien visés à l’article 1 er sont introduits par paliers», conformément au calendrier repris dans ce même article. Il en ressort donc expressément que le système d’introduction par paliers avait vocation à s’appliquer à tous les paiements directs accordés au titre des régimes de soutien visés à l’a rticle 1 er du règlement n° 1259/1999.

    54. Ledit article 1 er contenait, à son premier alinéa, une définition générale de la notion de paiements directs aux fins de l’application dudit règlement, s’agissant des «paiements octroyés directement aux agriculteurs dans le cadre des régimes de soutien relevant de la [PAC] et financés en partie ou en totalité par la section ‘garantie’ du FEOGA, à l’exception de ceux qui sont prévus par le règlement (CE) n° 1257/1999».

    55. Ce libellé indique que, à la seule exception, consignée expressément, des régimes d’aides instaurés par le règlement n° 1257/1999, le règlement n° 1259/1999 était destiné à s’appliquer à toute aide répondant à cette définition, c’est-à-dire octroyée directement aux agriculteurs dans le cadre des régimes de soutien relevant de la PAC et financés en partie ou en totalité par le FEOGA, section «Garantie».

    56. Cette vocation du règlement n° 1259/1999 à s’appliquer à tout régime, existant ou futur, prévoyant des paiements directs, telle qu’elle se dégage d’une interprétation littérale des dispositions concernées, est confortée par le premier considérant de ce règlement, aux termes duquel l’un des objectifs dudit règlement est de «définir certaines conditions communes pour les paiements directs dans le cadre des divers régimes de soutien relevant de la [PAC]».

    57. De surcroît, cette interprétation littérale est confirmée par la finalité ayant présidé à l’adoption du texte de l’article 1 er bis du règlement n° 1259/1999 tel que modifié par l’acte d’adhésion. En effet, il ressort des travaux préparatoires de la conférence d’adhésion que l’intention de celle-ci était d’imposer le mécanisme dit de «phasing-in» dans les nouveaux États membres pour l’ensemble des paiements directs.

    58. Ainsi, dans le document de réflexion du 30 janvier 2002, la Commission a préconisé l’introduction progressive des paiements directs, sans les soumettre à des conditions qui seraient de nature à en restreindre la portée. Cette approche a été adoptée dans la position commune de l’Union européenne du 31 octobre 2002, par laquelle les anciens États membres ont exprimé la volonté d’introduire progressivement les paiements directs au cours d’une période transitoire, sans que cette formulation générale ne soit assortie de précisions de nature à en réduire la portée. Enfin, les conclusions du Conseil européen de Copenhague des 12 et 13 décembre 2002, reflétant le résultat des négociations d’adhésion, indiquent que la question de l’introduction progressive des paiements directs dans les nouveaux États membres a été résolue selon les termes de la position commune du 31 octobre 2002, de sorte que cette question n’a pas donné lieu à un compromis qui aurait consisté à limiter la portée du mécanisme dit de «phasing-in».

    59. Par ailleurs, cette interprétation littérale n’est nullement remise en cause par les termes de l’article 1 er , second alinéa, du règlement n° 1259/1999.

    60. En faisant référence aux paiements directs, ce second alinéa de l’article 1 er énonce que «ces régimes de soutien sont énumérés à l’annexe du présent règlement».

    61. Contrairement à ce que soutient la République de Pologne, cette disposition ne peut pas être interprétée en ce sens que l’article 1 er ne viserait que les régimes de soutien énumérés limitativement à l’annexe du règlement n° 1259/1999.

    62. Une telle thèse n’est pas conciliable avec une interprétation systématique de l’article 1 er , second alinéa, dudit règlement, qui concerne l’annexe de ce dernier.

    63. En effet, la lecture combinée des articles 1 er , second alinéa, et 11, paragraphe 4, deuxième tiret, du règlement n° 1259/1999 révèle que le champ d’application de ce règlement résulte de la définition générale figurant à son article 1 er , premier alinéa, et non de l’énumération contenue à l’annexe dudit règlement.

    64. L’article 11, paragraphe 4, deuxième tiret, dudit règlement autorise la Commission à arrêter, dans le respect de la procédure dite «du comité de gestion», «les modifications à apporter, le cas échéant, à l’annexe, compte tenu des critères définis à l’article 1 er ».

    65. Il apparaît clairement à la lecture de cette disposition que le législateur communautaire a simplement entendu donner à la Commission une compétence d’exécution en vue d’assurer l’actualisation constante de l’annexe du règlement n° 1259/1999 en cas d’instauration de nouvelles aides répondant aux critères définis à l’article 1 er , premier alinéa, de ce règlement. Ainsi, la Commission est uniquement habilitée à modifier cette annexe pour y faire figurer les paiements directs instaurés ou modifiés par le législateur communautaire qui correspondent à ces critères.

    66. Il est également indéniable que l’inclusion d’un régime d’aides dans cette annexe ne peut intervenir que lorsque ce régime remplit les conditions définies à l’article 1 er , premier alinéa, du règlement n° 1259/1999, ladite annexe n’étant qu’une concrétisation de cette disposition .

    67. Il s’ensuit que le critère essentiel définissant le champ d’application du règlement n° 1259/1999 réside dans les conditions énoncées à l’article 1 er , premier alinéa, de ce règlement, et non dans l’inclusion d’une aide déterminée à l’annexe dudit règlement.

    68. Enfin, ainsi que M. l’avocat général l’a souligné au point 72 de ses conclusions, une interprétation téléologique des articles 1 er et 1 er bis du règlement n° 1259/1999 aboutit à une conclusion identique, dès lors que le but qui justifiait la mise en place du système d’introduction par paliers des paiements directs dans les nouveaux États membres plaide pour qu’une portée générale soit reconnue à ce système.

    69. En effet, le souci de ne pas ralentir la nécessaire restructuration du secteur agricole de ces États membres et celui de ne pas créer des disparités de revenus considérables et des distorsions sociales par l’octroi d’aides disproportionnées par rapport au niveau des revenus des agriculteurs et de la population en général valaient pour l’ensemble du secteur agricole, et donc pour toutes les aides directes existantes ou futures. En outre, si le mécanisme d’introduction par paliers des paiements directs n’avait été destiné à s’appliquer qu’à certaines cultures, soit celles pour lesquelles des paiements directs avaient déjà été institués avant l’adoption de l’acte d’adhésion, un risque aurait existé que les agriculteurs desdits États membres ne s’en soient détournés pour se consacrer aux cultures pour lesquelles ils auraient pu obtenir d’emblée des paiements directs intégraux.

    70. Il résulte de tout ce qui précède que l’interprétation de l’article 1 er  bis du règlement n° 1259/1999 tel que modifié par l’acte d’adhésion qui est préconisée par la requérante, selon laquelle le système d’introduction par paliers des paiements directs prévu à cette disposition ne serait applicable qu’à un numerus clausus d’aides directes énumérées à l’annexe de ce règlement, et non à tous les paiements directs répondant aux critères définis à l’article 1 er , premier alinéa, de ce même règlement, n’est conciliable ni avec le libellé ni avec l’esprit dudit règlement.

    71. Compte tenu de cette conclusion, et eu égard à la notion d’«adaptations nécessaires» au sens de l’article 23 de l’acte d’adhésion, telle que précisée aux points 44 à 48 du présent arrêt, il convient de vérifier si, en adoptant la décision litigieuse, le Conseil a outrepassé les attributions qui lui ont été conférées à l’article 23 de l’acte d’adhésion.

    – Sur la conformité de la décision litigieuse à la notion d’« adaptations nécessaires» au sens de l’article 23 de l’acte d’adhésion

    72. Ainsi qu’il a été exposé aux points 53 à 70 du présent arrêt, l’article 1 er  bis du règlement nº 1259/1999 tel que modifié par l’acte d’adhésion, lu en combinaison avec l’article 1 er de ce règlement, a établi un système général d’introduction par paliers des paiements en ce qui concerne toutes les aides directes répondant aux critères définis au premier alinéa dudit article 1 er accordées pour les nouveaux États membres.

    73. Ledit article 1 er  bis a été introduit dans le règlement nº 1259/1999 par le chapitre 6. A, point 27, de l’annexe II de l’acte d’adhésion, qui, ainsi, s’aligne sur le mécanisme d’introduction par paliers des aides directes instauré par ledit règlement.

    74. Ensuite, le règlement n° 1259/1999 tel qu’ainsi modifié par l’acte d’adhésion a été abrogé par le règlement n° 1782/2003 à compter du 1 er mai 2004. Il résulte de l’article 1 er et de l’annexe I de ce dernier règlement que celui-ci ajoute à ceux déjà existants des régimes de soutien direct aux agriculteurs produisant des fruits à coque et des cultures énergétiques, et prévoit des paiements supplémentaires dans le cadre du régime de soutien direct au secteur laitier.

    75. Enfin, par la décision litigieuse, le Conseil a remplacé les dispositions du point 27 du chapitre 6. A de l’annexe II de l’acte d’adhésion, qui modifiaient le règlement n° 1259/1999, par des dispositions modifiant le règlement n° 1782/2003, afin de tenir compte des aménagements introduits dans la PAC par l’adoption de ce dernier règlement. Ainsi, la décision litigieuse insère un article 143 bis dans le règlement n° 1782/2003, article qui reprend, pour les paiements directs dans les nouveaux États membres, le calendrier et les pourcentages antérieurement fixés à l’article 1 er  bis du règlement nº 1259/1999 tel que modifié par l’acte d’adhésion.

    76. Ainsi qu’il a été exposé aux points 57 et 58 du présent arrêt, le principe de l’application générale du mécanisme dit de «phasing-in» à toutes les aides directes a été convenu lors des négociations d’adhésion et prévu expressément par l’acte d’adhésion qui a introduit l’article 1 er  bis dans le règlement n° 1259/1999.

    77. Cet article a fixé un calendrier indiquant, pour chaque année concernée, un pourcentage pour l’introduction dans les nouveaux États membres des aides directes visées à l’article 1 er dudit règlement.

    78. Or, il est constant que l’article 1 er , point 5, de la décision litigieuse se limite à prévoir l’introduction par paliers des paiements directs dans les nouveaux États membres selon le même calendrier et les mêmes pourcentages que ceux fixés au préalable à l’article 1 er  bis du règlement nº 1259/1999 tel que modifié par l’acte d’adhésion.

    79. Partant, il ne saurait être considéré que la décision litigieuse a apporté une modification substantielle soit au champ d’application du mécanisme dit de «phasing-in», soit au contenu essentiel des obligations et des droits en découlant, dès lors que ni le calendrier, ni les pourcentages, ni les aides concernés n’ont été affectés. Dans ces conditions, la décision litigieuse doit être considérée comme une adaptation nécessaire de l’acte d’adhésion par suite de la réforme de la PAC.

    80. Par conséquent, en adoptant ladite décision, le Conseil n’a pas outrepassé les compétences qui lui ont été attribuées à l’article 23 de l’acte d’adhésion en vue de procéder aux adaptations des dispositions de cet acte relatives à la PAC pouvant s’avérer nécessaires du fait d’une modification des règles communautaires.

    81. Il ressort de tout ce qui précède que le premier grief soulevé par la République de Pologne, selon lequel le Conseil, en adoptant la décision litigieuse, aurait outrepassé les compétences qui lui ont été attribuées à l’article 23 de l’acte d’adhésion, doit être rejeté comme non fondé.

    Sur le deuxième grief, tiré de la violation du principe de non-discrimination

    Position des parties

    82. La République de Pologne, soutenue par les États membres intervenants, considère que l’extension du mécanisme d’introduction par paliers à tous les paiements directs comporte une discrimination entre les producteurs agricoles des anciens États membres et ceux des nouveaux États membres, alors que l’ensemble de ces agriculteurs auraient dû être traités sur la base de principes identiques dès l’adhésion des nouveaux États membres.

    83. La position adoptée à cet égard par le Conseil et la Commission est fondée sur la constatation opérée dans le cadre de l’examen du premier grief selon laquelle l’article 1 er du règlement n° 1259/1999 contenait une définition générale visant tout paiement direct octroyé dans le cadre de la PAC et remplissant les conditions y énumérées.

    84. Dans cette perspective, la décision litigieuse ne donnerait pas une portée plus large au mécanisme dit de «phasing-in» que celle qui avait été prévue par l’acte d’adhésion dans sa rédaction initiale, de sorte que la discrimination alléguée aurait été créée par le droit primaire, et non par cette décision. Par ailleurs, le Conseil relève que la situation de l’agriculture dans les nouveaux États membres est radicalement différente de celle prévalant dans les anciens États membres et qu’elle demande une adaptation progressive aux règles communautaires.

    Appréciation de la Cour

    85. Dans le cadre du deuxième grief, la requérante fait valoir, en substance, que, du fait de la décision litigieuse, la dérogation au principe d’égalité de traitement qu’implique l’application du mécanisme dit de «phasing-in» aurait été étendue au-delà des limites tracées par l’acte d’adhésion, cette décision comportant ainsi une extension arbitraire d’un mécanisme discriminatoire qui accentuerait la différence de traitement entre les anciens et les nouveaux États membres.

    86. À cet égard il suffit de rappeler que le principe de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 30 mars 2006, Espagne/Conseil, C‑87/03 et C‑100/03, Rec. p. I‑2915, point 48 et jurisprudence citée).

    87. Or, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’argumentation du Conseil selon laquelle la décision litigieuse ne peut pas être discriminatoire dès lors qu’elle dérive directement de l’acte d’adhésion, il est constant, en l’espèce, que la situation de l’agriculture dans les nouveaux États membres était radicalement différente de celle existant dans les anciens États membres, ce qui a justifié une application progressive des aides communautaires, en particulier de celles relatives aux régimes de soutien direct, afin de ne pas perturber la nécessaire restructuration en cours dans le secteur agricole des ces nouveaux États membres.

    88. Il résulte de ces considérations que la requérante se trouve dans une situation qui n’est pas comparable à celle des anciens États membres bénéficiant sans limitation des régimes de soutien direct, ce qui empêche d’établir une comparaison valable (voir, par analogie, arrêt du 13 octobre 1992, Espagne/Conseil, C‑73/90, Rec. p. I‑5191, point 34).

    89. Le deuxième grief doit donc être rejeté comme non fondé.

    Sur le troisième grief, tiré de la violation du principe de bonne foi

    Position des parties

    90. Le troisième grief invoqué par la République de Pologne a trait à la prétendue violation du principe de bonne foi régissant le droit des traités. D’après cet État membre, le traité d’adhésion, dont l’acte d’adhésion fait partie, a été négocié, signé et ratifié de bonne foi par toutes les parties contractantes, et la Communauté n’aurait donc pas dû, par des actes posés après la signature de cet acte, enfreindre les objectifs de ce dernier ni méconnaître les attentes légitimes desdites parties et des personnes opérant sur leur territoire.

    91. Dans le cadre de ce grief, le Conseil, tout en souscrivant au principe selon lequel la bonne foi a présidé aux négociations d’adhésion, souligne que toutes les parties au traité d’adhésion, parmi lesquelles la requérante, ont librement consenti aux dispositions octroyant au Conseil le pouvoir d’adapter les dispositions de l’annexe de l’acte d’adhésion relatives à la PAC avant même l’adhésion. L’utilisation de cette faculté par l’adoption de la décision litigieuse ne saurait donc, en aucun cas, être considérée comme une violation du principe de bonne foi.

    Appréciation de la Cour

    92. En ce qui concerne le troisième grief, il apparaît que, ainsi qu’il a été constaté au point 79 du présent arrêt, la décision litigieuse reprend le prin cipe et les modalités d’application du mécanisme dit de «phasing-in» en ce qui concerne les paiements directs dans les nouveaux États membres tels qu’ils avaient été inscrits dans l’acte d’adhésion, sans en étendre la portée, de telle sorte que cette décision ne saurait être considérée comme une remise en cause du compromis issu des négociations d’adhésion, contrairement à ce que prétend la requérante.

    93. Le troisième moyen ne pouvant pas non plus être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

    Sur les dépens

    94. En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation de la République de Pologne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément à l’article 69, paragraphe 4, du même règlement, il convient de délaisser aux parties intervenantes leurs propres dépens.

    Dispositif

    Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

    1) Le recours est rejeté.

    2) La République de Pologne est condamnée aux dépens.

    3) La République de Lettonie, la République de Lituanie et la République de Hongrie ainsi que la Commission des Communautés européennes supportent leurs propres dépens.

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