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Document 62004CC0410
Opinion of Mr Advocate General Geelhoed delivered on 12 January 2006. # Associazione Nazionale Autotrasporto Viaggiatori (ANAV) v Comune di Bari and AMTAB Servizio SpA. # Reference for a preliminary ruling: Tribunale amministrativo regionale per la Puglia - Italy. # Freedom to provide services - Local public transport service - Award with no call for tenders - Award by a public authority to an undertaking of which it owns the share capital. # Case C-410/04.
Conclusions de l'avocat général Geelhoed présentées le 12 janvier 2006.
Associazione Nazionale Autotrasporto Viaggiatori (ANAV) contre Comune di Bari et AMTAB Servizio SpA.
Demande de décision préjudicielle: Tribunale amministrativo regionale per la Puglia - Italie.
Libre prestation des services - Service de transport public local - Attribution sans appel d'offres - Attribution par une collectivité publique à une entreprise dont elle détient le capital.
Affaire C-410/04.
Conclusions de l'avocat général Geelhoed présentées le 12 janvier 2006.
Associazione Nazionale Autotrasporto Viaggiatori (ANAV) contre Comune di Bari et AMTAB Servizio SpA.
Demande de décision préjudicielle: Tribunale amministrativo regionale per la Puglia - Italie.
Libre prestation des services - Service de transport public local - Attribution sans appel d'offres - Attribution par une collectivité publique à une entreprise dont elle détient le capital.
Affaire C-410/04.
Recueil de jurisprudence 2006 I-03303
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2006:27
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. L. A. GEELHOED
présentées le 12 janvier 2006 (1)
Affaire C-410/04
Associazione nazionale autotrasporto viaggiatori (ANAV)
contre
Comune di Bari,
AMTAB Servizio SpA
[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale per la Puglia (Italie)]
«Entreprises publiques – Réglementation nationale reconnaissant aux entités locales le pouvoir d’attribuer à une société au capital entièrement public un marché de services en l’absence d’une procédure de passation»
I – Introduction
1. Par la présente demande de décision préjudicielle, le Tribunale amministrativo regionale per la Puglia (Italie) interroge la Cour sur la conformité au droit communautaire d’une réglementation nationale permettant l’attribution directe d’un service de transport public local à une entreprise détenue et contrôlée par l’organisme public attributeur. Il s’agit d’une nouvelle affaire où la Cour est invitée à élucider la portée de son arrêt Teckal (2).
2. Au point 49 de cet arrêt, la Cour a établi que, pour qu’existe un marché public de fournitures au sens de la directive 93/36/CEE du Conseil (3), il faut notamment qu’il y ait une convention entre deux personnes distinctes.
3. À cet égard, la Cour a précisé, au point 50 dudit arrêt:
«[…] il suffit, en principe, que le marché ait été conclu entre, d’une part, une collectivité territoriale et, d’autre part, une personne juridiquement distincte de cette dernière. Il ne peut en aller autrement que dans l’hypothèse où, à la fois, la collectivité territoriale exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et où cette personne réalise l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent.»
II – Le cadre juridique
4. Dans la législation italienne, l’article 14 du décret-loi nº 269/03 a modifié l’article 113 du décret législatif nº 267/00. La nouvelle version de l’article 113, paragraphe V, qui en a résultée, prévoit:
«La prestation du service est effectuée conformément aux règles du secteur et dans le respect de la réglementation de l’Union européenne, le service étant attribué à:
a) des sociétés de capitaux sélectionnées au moyen de procédures d’appel d’offres à caractère public;
b) des sociétés à capital mixte dans lesquelles l’associé privé est sélectionné par le biais de procédures d’appel d’offres à caractère public garantissant le respect des réglementations nationales et communautaires sur la concurrence conformément aux lignes directrices arrêtées par les autorités compétentes et concrétisées par des mesures ou circulaires spécifiques;
c) des sociétés à capital entièrement public à condition que la ou les collectivités territoriales détentrices du capital social exercent sur la société un contrôle analogue à celui qu’elles exercent sur leurs propres services et que cette société réalise l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent.»
III – Le litige au principal et la question préjudicielle
5. Par décision du 17 juillet 2003, l’administration communale de Bari a lancé une procédure d’appel d’offres à caractère public en vue de l’attribution du marché de service de transport public local sur le territoire du Comune di Bari. Puis, par décision du 18 décembre 2003, elle a prévu de ne pas poursuivre la procédure d’appel d’offres lancée et de procéder à l’attribution de gré à gré du marché en question à la société AMTAB Servizio SpA.
6. Il ressort de la décision de renvoi que la nouvelle décision du Comune di Bari est intervenue à la suite de l’entrée en vigueur de l’article 14 du décret-loi nº 269/03, qui a modifié l’article 113, paragraphe V, du décret législatif nº 267/00.
7. En particulier, la nouvelle disposition de l’article 113, paragraphe V, sous c), qui décrit la gestion «interne» d’un service public selon la définition qu’en a donnée la Cour au point 50 de l’arrêt Teckal, précité, et dont il découle que la gestion «interne» d’un service public ne relève pas du champ d’application du droit communautaire relatif aux appels d’offres, aurait incité ladite administration communale de Bari à ne pas poursuivre la procédure d’appel d’offres.
8. Selon ce qui ressort de la décision de renvoi, la société concessionnaire AMTAB Servizio SpA est une société dont le capital social est entièrement détenu par le Comune di Bari et dont la seule et unique activité consiste à fournir un service de transport public local dans la ville de Bari. Cette société est entièrement sous le contrôle de l’administration communale de Bari en vertu du contrat de service qui lie les deux entités.
9. La partie requérante au principal, l’Associazione nazionale autotrasporto viaggiatori, s’est pourvue devant la juridiction de renvoi en demandant l’annulation de la décision du 18 décembre 2003 du Comune di Bari par laquelle le service en question était attribué à la société AMTAB Servizio SpA au motif qu’elle violait le droit communautaire et notamment les articles 3 CE, 16 CE, 43 CE, 49 CE, 50 CE, 51 CE, 70 CE, 71 CE, 72 CE,81 CE, 82 CE, 86 CE et 87 CE.
10. Au vu de cette argumentation, le Tribunale amministrativo regionale di Puglia a sursis à statuer et déféré à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L’article 113, paragraphe V, du décret législatif nº 267/00, tel qu’il a été modifié par l’article 14 du décret-loi nº 269/03, en ce qu’il ne fixe aucune limite à la liberté de choix de l’administration publique entre les différentes formes d’attribution du service public et, en particulier, entre l’attribution au moyen d’une procédure d’appel d’offres et l’attribution directe à une société qu’elle contrôle entièrement, est-il compatible avec le droit communautaire et, en particulier, avec les obligations de transparence et de libre concurrence visées aux articles 46 CE, 49 CE et 86 CE?»
IV – Appréciation
11. Les articles 43 CE, 49 CE et 86 CE s’opposent-ils à une réglementation, telle que celle qui est visée dans la question préjudicielle, qui laisse aux administrations locales le choix de confier la gestion d’un service, tel le transport public, à une société relevant de l’administration locale concernée ou d’engager une procédure d’appel d’offres à caractère public en vue de l’attribution d’une concession pour ce service à une partie privée?
12. Telle est en substance la question sur laquelle le juge de renvoi s’interroge et qui, à la lumière de la jurisprudence récente et très récente de la Cour (4), est relativement aisée à trancher.
13. Il ressort du dossier de l’affaire au principal, déposé au greffe de la Cour, que le service en question est rémunéré, du moins en partie, par l’achat de titres de transport par les usagers, de sorte qu’il s’agit d’une concession de services relevant non pas des directives communautaires sur les marchés publics, mais directement des dispositions du droit primaire, et plus particulièrement des libertés fondamentales prévues par le traité CE (5). Le juge de renvoi semble être arrivé au même constat, car sa question préjudicielle ne se réfère qu’aux articles 43 CE (6), 49 CE et 86 CE, et non pas à la directive 92/50/CEE (7).
14. Les éléments de réponse les plus importants se trouvent au point 50 de l’arrêt Teckal, précité, ainsi qu’au point 49 de l’arrêt Stadt Halle et RPL Lochau, précité. Il en ressort que l’appel à la concurrence n’est pas obligatoire, même si le cocontractant est une entité juridiquement distincte de l’autorité publique, dans l’hypothèse où cette dernière, qui est un pouvoir adjudicateur, exerce sur l’entité distincte en question un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et où cette entité réalise l’essentiel de son activité avec la ou les autorités publiques qui la détiennent (8).
15. Or, en comparant le libellé de la nouvelle version de l’article 113, paragraphe V, sous c), du décret législatif nº 267/00 [« des sociétés à capital entièrement public à condition que la ou les collectivités détentrices du capital social exercent sur la société un contrôle analogue à celui qu’elles exercent sur leurs propres services et que cette société réalise l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent»] aux passages de la jurisprudence de la Cour cités au point précédent, on constate que le législateur italien s’est à l’évidence conformé à cette jurisprudence.
16. Cela est confirmé par la Commission des Communautés européennes, qui relève, dans ses observations écrites, que la rédaction actuelle dudit article 113, paragraphe V, sous c), est issue d’une procédure d’infraction qu’elle avait ouverte à l’encontre de la République italienne.
17. Étant donné la conformité de la réglementation nationale à la jurisprudence de la Cour, toute décision d’une administration locale qui, à son tour, est conforme à cette réglementation doit également être considérée comme compatible avec le droit communautaire.
18. À cet égard, il convient cependant d’observer que les critères d’admission des situations «internes» sont d’application stricte. Il ressort notamment des arrêts précités Parking Brixen et Commission/Autriche, d’une part, que le contrôle exercé par la collectivité adjudicatrice ne doit pas être dilué par la participation, «fût-elle minoritaire», d’une entreprise privée dans le capital de la société à laquelle la gestion du service concerné a été confiée et, d’autre part, que ladite société doit réaliser l’essentiel de ses activités avec la ou les collectivités qui la détiennent.
19. Dans les circonstances factuelles qui se trouvent à l’origine du litige au principal, il nous paraît être satisfait à ces deux critères, de sorte que nous pourrions terminer notre analyse par ce constat, s’il ne découlait pas de l’arrêt Commission/Autriche (9) un troisième critère, à savoir l’exigence que les deux critères mentionnés doivent être remplis en permanence.
20. En effet, dans l’hypothèse où, après qu’il a été satisfait aux deux premiers critères lors de l’attribution de la gestion du service concerné, l’administration compétente procéderait à la cession d’une partie «fût-elle minoritaire» des parts de la société concernée à une entreprise privée, il en résulterait que, par le biais d’une construction artificielle comprenant plusieurs phases distinctes, à savoir la création de la société, l’attribution de la gestion du service de transport public à celle-ci et la cession d’une partie de ses parts à une entreprise privée, une concession de service public serait attribuée à une entreprise d’économie mixte sans mise en concurrence préalable.
21. Le même raisonnement vaut pour la situation où l’entité concessionnaire originaire se verrait attribuer d’autres services publics, sans mise en concurrence préalable, par des collectivités publiques autres que celle qui la détient.
22. Dans les deux hypothèses décrites ci-dessus, il ne serait plus satisfait aux principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence, tels qu’ils ont été rappelés par la Cour dans les arrêts précités Coname et Parking Brixen.
V – Conclusion
23. À la lumière des observations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par le Tribunale Amministativo Regionale per la Puglia :
«Les articles 43 CE, 49 CE et 86 CE doivent être interprétés comme ne faisant pas obstacle à l’application d’une disposition telle que l’article 113, paragraphe V, du décret législatif italien nº 267/00 dans son libellé actuel, à condition que les deux critères qu’elle prévoit, à savoir que la société concessionnaire doit être soumise à un contrôle analogue à celui que l’administration exerce sur ses propres services et doit réaliser l’essentiel de ses activités avec la collectivité qui la détient, restent durablement remplis après l’attribution de la gestion d’un service public à cette société.»
1 – Langue originale: le français.
2 – Du 18 novembre 1999 (C‑107/98, Rec. p. I‑8121).
3 – Directive du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures (JO L 199, p. 1).
4 – Arrêts Teckal, précité; Stadt Halle et RPL Lochau, du 11 juin 2005 (C-26/03, Rec. p. I‑1); Coname, du 21 juillet 2005 (C-231/03, non encore publié au Recueil); Parking Brixen, du 13 octobre 2005 (C-458/03, non encore publié au Recueil), et Commission/Autriche, du 10 novembre 2005 (C-29/04, non encore publié au Recueil).
5 – Arrêt Coname, précité (point 16).
6 – Dans la question préjudicielle le juge a quo cite l’article 46 CE, et non pas l’article 43 CE. De la lecture complète de la décision de renvoi il est à déduire qu’il s’agit d’une erreur matérielle.
7 – Directive du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1).
8 – Voir, également l’arrêt Commission/Autriche, précité (point 34).
9 – Voir points 38 à 42.