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Document 62002CJ0463

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 15 juillet 2004.
    Commission des Communautés européennes contre Royaume de Suède.
    Manquement d'État - Directive 77/388/CEE - TVA - Article 11, A, paragraphe 1, sous a) - Base d'imposition - Subvention directement liée au prix - Règlement (CE) nº 603/95 - Aides accordées dans le secteur des fourrages séchés.
    Affaire C-463/02.

    Recueil de jurisprudence 2004 I-07335

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2004:455

    Arrêt de la Cour

    Affaire C-463/02


    Commission des Communautés européennes
    contre
    Royaume de Suède


    «Manquement d'État – Directive 77/388/CEE – TVA – Article 11, A, paragraphe 1, sous a) – Base d'imposition – Subvention directement liée au prix – Règlement (CE) nº 603/95 – Aides accordées dans le secteur des fourrages séchés»

    Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 27 novembre 2003
        
    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 15 juillet 2004
        

    Sommaire de l'arrêt

    Dispositions fiscales – Harmonisation des législations – Taxes sur le chiffre d'affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Base d'imposition – Livraison de biens et prestation de services – Subventions directement liées au prix – Notion – Aides accordées dans le secteur des fourrages séchés – Exclusion – Régime national n'appliquant pas la taxe sur la valeur ajoutée sur le montant desdites aides – Admissibilité

    (Directive du Conseil 77/388, art. 11, A, § 1, a))

    L’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, vise à soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée la totalité de la valeur des biens ou des prestations de services en prévoyant que la base d’imposition comprend les subventions directement liées au prix de l’opération en cause, versées aux assujettis. Ne manque pas aux obligations lui incombant en vertu de cette disposition un État membre qui s’abstient d’appliquer la taxe sur le montant des aides versées en application du règlement nº 603/95 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés.

    En effet, la notion de «subventions directement liées au prix» comprend uniquement les subventions qui constituent la contrepartie totale ou partielle d’une opération de livraison de biens ou de prestation de services et qui sont versées par un tiers au vendeur ou au prestataire.

    Or, les conditions d’une soumission desdites aides à la taxe ne sont pas remplies en ce qui concerne la vente par une entreprise de transformation, après séchage, de fourrages achetés auprès de producteurs de fourrages verts, dès lors que dans ce cas l’aide n’est pas spécifiquement versée au profit de l’entreprise de transformation afin que celle-ci fournisse du fourrage séché à un acheteur à un prix inférieur au cours du marché mondial. Elles ne sont pas non plus remplies en ce qui concerne le contrat de travail à façon conclu par une telle entreprise avec un producteur de fourrages verts, l’aide reçue par l’entreprise de transformation n’étant dans ce cas pas versée à son profit et ladite entreprise n’assumant qu’un rôle d’intermédiaire entre l’organisme dispensateur de l’aide et le producteur de fourrages.

    (cf. points 31-32, 36-37, 41, 43, 47, 50)




    ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
    15 juillet 2004(1)


    «Manquement d'État – Directive 77/388/CEE – TVA – Article 11, A, paragraphe 1, sous a) – Base d'imposition – Subvention directement liée au prix – Règlement (CE) n° 603/95 – Aides accordées dans le secteur des fourrages séchés»

    Dans l'affaire C-463/02,

    Commission des Communautés européennes, représentée par MM. E. Traversa et K. Simonsson, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante,

    contre

    Royaume de Suède, représenté par Mme A. Falk, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse,

    soutenu parRépublique de Finlande, représentée par Mme T. Pynnä, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie intervenante,

    ayant pour objet de faire constater que le royaume de Suède a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 11 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), en n'ayant pas perçu la taxe sur la valeur ajoutée sur les montants d'aide versés conformément au règlement (CE) n° 603/95 du Conseil, du 21 février 1995, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés (JO L 63, p. 1),



    LA COUR (deuxième chambre),,



    composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. C. Gulmann (rapporteur), J.-P. Puissochet et J. N. Cunha Rodrigues, et Mme N. Colneric, juges,

    avocat général: M. L. A. Geelhoed,
    greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

    ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 16 octobre 2003, au cours de laquelle la Commission a été représentée par MM. E. Traversa, K. Simonsson, K. Gross et I. Koskinen, en qualité d'agents, le royaume de Suède par M. A. Kruse et la république de Finlande par Mme T. Pynnä,

    ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 27 novembre 2003,

    rend le présent



    Arrêt



    1
    Par requête déposée au greffe de la Cour le 23 décembre 2002, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l’article 226 CE, un recours visant à faire constater que le royaume de Suède a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), en n’ayant pas perçu la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») sur les montants d’aide versés conformément au règlement (CE) n° 603/95 du Conseil, du 21 février 1995, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés (JO L 63, p. 1).


    Le cadre juridique

    La réglementation communautaire en matière de TVA

    2
    L’article 2, paragraphe 1, de la sixième directive soumet à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

    3
    L’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la même directive dispose:

    «La base d’imposition est constituée:

    a)
    pour les livraisons de biens et les prestations de services […] par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations».

    La réglementation communautaire en matière d’aides pour les fourrages séchés

    4
    L’article 3 du règlement n° 603/95 prévoit que l’aide est accordée à hauteur de 68,83 euros par tonne pour les fourrages séchés artificiellement à la chaleur et à hauteur de 38,64 euros par tonne pour les fourrages séchés au soleil.

    5
    L’article 4, modifié par le règlement (CE) n° 1347/95 du Conseil, du 9 juin 1995 (JO L 131, p. 1), institue, pour chaque campagne de commercialisation, des quantités maximales garanties de produits pour lesquelles l’aide peut être accordée. Il répartit par ailleurs ces quantités entre les États membres.

    6
    L’article 5 énonce:

    «Si, au cours d’une campagne de commercialisation, la quantité de fourrage séché pour laquelle une aide est demandée […] dépasse la quantité maximale garantie visée à l’article 4 […], l’aide à verser au cours de cette campagne est calculée comme suit:

    pour les cinq premiers pour cent au-delà de la quantité maximale garantie, l’aide est diminuée, dans tous les États membres, d’un pourcentage proportionnel à celui du dépassement,

    au-delà des 5 %, des diminutions supplémentaires sont effectuées dans tout État membre dans lequel la production dépasse la quantité nationale garantie, majorée de 5 % au prorata du dépassement.

    […]»

    7
    L’article 6, paragraphe 2, subordonne le versement d’une avance sur l’aide à la condition que les fourrages séchés aient quitté l’entreprise de transformation.

    8
    L’article 8 prévoit:

    «L’aide visée à l’article 3 est accordée, sur demande de l’intéressé, pour les fourrages séchés ayant quitté l’entreprise de transformation et répondant aux conditions suivantes:

    a)
    la teneur maximale en humidité doit se situer entre 11 et 14 % et peut être différenciée selon les modes de présentation du produit;

    b)
    la teneur minimale en protéines brutes totales par rapport à la matière sèche ne doit pas être inférieure à:

    15 %, pour les produits visés à l’article 1er point a) et point b) second tiret,

    45 %, pour les produits visés à l’article 1er point b) premier tiret;

    c)
    les fourrages séchés doivent être de qualité saine, loyale et marchande.

    Toutefois, des conditions supplémentaires, notamment en ce qui concerne la teneur en carotène et en fibres peuvent être arrêtées […]»

    9
    L’article 9, sous c), dispose:

    «L’aide visée à l’article 3 n’est accordée qu’aux entreprises de transformation […] qui:

    […]

    c)        entrent dans au moins une des catégories suivantes:

    entreprises ayant passé des contrats avec des producteurs de fourrage à sécher,

    entreprises ayant transformé leur propre production ou, en cas de groupements, celle de leurs adhérents,

    entreprises ayant été fournies par des personnes physiques ou morales offrant certaines garanties à déterminer, et ayant passé des contrats avec des producteurs de fourrage à sécher; ces personnes physiques ou morales doivent être des acheteurs agréés par les autorités compétentes des États membres où les fourrages ont été récoltés […]»

    10
    L’article 11, paragraphe 2, précise:

    «Lorsque les contrats visés à l’article 9 point c) premier tiret sont des contrats de travail à façon portant sur la transformation de fourrages livrés par les producteurs, ils précisent au moins la superficie dont la récolte est destinée à être livrée et comportent une clause prévoyant l’obligation, pour les entreprises de transformation, de verser aux producteurs l’aide visée à l’article 3 qu’elles reçoivent pour les quantités transformées dans le cadre des contrats.»


    La procédure précontentieuse et le recours

    11
    Le 18 novembre 1998, ayant constaté que le royaume de Suède n’appliquait pas la TVA aux aides versées dans le cadre du règlement n° 603/95 et considérant que cette situation était contraire à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, la Commission lui a adressé, conformément à la procédure prévue à l’article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), une lettre de mise en demeure l’invitant à lui présenter ses observations dans un délai de deux mois.

    12
    Le 15 janvier 1999, le gouvernement suédois a répondu que l’aide, compte tenu de son objet et de la manière dont elle est calculée et versée, ne peut être considérée comme une subvention directement liée au prix d’une livraison de biens ou d’une prestation de services au sens de l’article 11 de la sixième directive.

    13
    Ne partageant pas cette analyse, la Commission a, le 6 août 1999, adressé un avis motivé au gouvernement suédois, invitant celui-ci à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois.

    14
    Le gouvernement suédois a maintenu sa position dans une lettre du 4 octobre 1999.

    15
    Dans ces conditions, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

    16
    Par ordonnance du président de la Cour du 29 avril 2003, la république de Finlande a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la partie défenderesse.


    Sur le fond

    Argumentation des parties

    17
    La Commission estime que sont imposables à la TVA les opérations effectuées par les entreprises de transformation de fourrages selon deux des trois modalités possibles d’exercice de leurs activités, à savoir:

    l’achat de fourrages verts auprès des producteurs, puis la revente du produit transformé à des tiers;

    la conclusion, avec les producteurs, de contrats de travail à façon des fourrages verts sans transfert de la propriété de ceux-ci, puis la restitution du produit transformé auxdits producteurs.

    18
    Dans le cas d’entreprises de transformation qui achètent les fourrages auprès de producteurs pour les revendre ensuite à des tiers, il y aurait passation de contrats d’achat et de revente de biens, opérations qui devraient manifestement être considérées comme des livraisons de biens au sens de la sixième directive et seraient par conséquent imposables.

    19
    Dans le cas des contrats de travail à façon, du fait de la restitution, par l’entreprise de transformation, du fourrage déshydraté au producteur de fourrages verts, l’opération devrait être considérée comme la prestation d’un service de séchage du fourrage. Cette prestation de service serait donc, en tant que telle, imposable sur le fondement de la sixième directive.

    20
    Conformément à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de celle-ci, les opérations imposables devraient donner lieu à l’application de la TVA aux aides versées dans le cadre du règlement n° 603/95.

    21
    La Commission relève que, aux termes de l’article 9 du règlement n° 603/95, «[l’]aide visée à l’article 3 n’est accordée qu’aux entreprises de transformation […]». Ces entreprises seraient ainsi les destinataires des subventions au sens juridique du terme, que le législateur communautaire entendait désigner en se référant, à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, à «la contrepartie à obtenir par le fournisseur ou le prestataire». Le règlement n° 603/95 ne mentionnerait aucun autre bénéficiaire, au sens juridique du terme, de l’aide à la commercialisation des fourrages séchés.

    22
    La Commission admet qu’une subvention octroyée à une catégorie d’entreprises déterminée peut avoir des effets économiques bénéfiques pour des opérateurs se situant, dans le cycle de production, tant en amont des entreprises subventionnées (en l’occurrence les producteurs de fourrages verts) qu’en aval de celles-ci (en l’occurrence les éleveurs de bétail). Elle observe que, dans le cas des contrats de travail à façon, le législateur communautaire lui-même exige, à l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 603/95, que l’entreprise de transformation reverse aux producteurs l’aide obtenue de l’organisme d’intervention.

    23
    Néanmoins, la possibilité qu’une subvention bénéficie à d’autres opérateurs ou l’obligation de reverser tout ou partie d’une subvention à d’autres opérateurs ne modifierait en rien les données juridiques du problème. En effet, le destinataire de l’aide au sens juridique du terme, c’est-à-dire l’entreprise de transformation, devrait être distingué du bénéficiaire indirect de la subvention au sens économique du terme.

    24
    La Commission fait valoir que, en utilisant, à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, la notion de «subventions directement liées au prix», le législateur communautaire a voulu inclure dans la base d’imposition de la TVA toutes les aides qui ont une incidence directe sur le montant de la contrepartie obtenue par le fournisseur ou le prestataire. Ces subventions devraient présenter un lien direct, ou même un lien de causalité, avec la fourniture de biens ou de services précisément quantifiés ou quantifiables: l’aide serait versée dans la mesure où ces biens ou services seraient effectivement vendus sur le marché. Or, tel serait le cas en l’espèce.

    25
    Le gouvernement suédois soutient que l’aide en cause n’entre pas dans le champ d’application de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive.

    26
    Il fait valoir, notamment, que cette aide n’est pas spécifiquement versée à son bénéficiaire afin qu’il livre un bien ou fournisse un service déterminé.

    27
    Les critères déterminants pour le versement de l’aide, fixés par le règlement no 603/95, seraient que:

    les fourrages séchés aient quitté l’entreprise de transformation;

    ils répondent à certains critères de qualité;

    il existe ou non un dépassement des quantités maximales garanties.

    28
    Il ne serait pas exigé que l’entreprise de transformation procède, en outre, à des opérations assujetties, telles que la vente de fourrage séché ou le séchage de fourrage pour le compte d’un producteur.

    29
    Dans le cas d’un contrat de travail à façon, l’aide ne pourrait pas être considérée comme une contrepartie du travail de transformation, puisque l’entreprise a l’obligation de reverser aux producteurs l’aide qu’elle a reçue.

    30
    Le gouvernement finlandais n’a pas déposé de mémoire en intervention. Au cours de la procédure orale, il a soutenu les conclusions de la partie défenderesse.

    Appréciation de la Cour

    31
    En prévoyant que la base d’imposition à la TVA comprend, dans les hypothèses qu’il détermine, les subventions versées aux assujettis, l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive vise à soumettre à la TVA la totalité de la valeur des biens ou des prestations de services et, ainsi, à éviter que le versement d’une subvention n’entraîne un rendement moins élevé de la taxe.

    32
    Conformément à son libellé, cette disposition s’applique lorsque la subvention est directement liée au prix de l’opération en cause.

    33
    Pour que tel soit le cas, la subvention doit d’abord être spécifiquement versée à l’opérateur subventionné afin qu’il fournisse un bien ou effectue un service déterminé. Ce n’est que dans ce cas que la subvention peut être considérée comme une contrepartie de la livraison d’un bien ou de la prestation d’un service et que, partant, elle est imposable. Il doit être constaté, notamment, que le droit de percevoir la subvention est reconnu au bénéficiaire dès lors qu’une opération taxable a été accomplie par ce dernier (arrêt du 22 novembre 2001, Office des produits wallons, C-184/00, Rec. p. I-9115, points 12 et 13).

    34
    Il doit par ailleurs être vérifié que les acheteurs du bien ou les preneurs du service tirent profit de la subvention octroyée au bénéficiaire de celle-ci. En effet, il est nécessaire que le prix à payer par l’acheteur ou par le preneur soit fixé de telle façon qu’il diminue à proportion de la subvention accordée au vendeur du bien ou au prestataire du service, laquelle constitue alors un élément de détermination du prix exigé par ces derniers. Il doit ainsi être vérifié si, objectivement, le fait qu’une subvention est versée au vendeur ou au prestataire permet à celui-ci de vendre le bien ou de fournir le service à un prix inférieur à celui qu’il devrait exiger en l’absence de subvention (arrêt Office des produits wallons, précité, point 14).

    35
    La contrepartie représentée par la subvention doit, à tout le moins, être déterminable. Il n’est pas nécessaire que le montant de la subvention corresponde strictement à la diminution du prix du bien livré ou du service fourni. Il suffit que le rapport entre celle-ci et ladite subvention, qui peut avoir un caractère forfaitaire, soit significatif (arrêt Office des produits wallons, précité, point 17).

    36
    En définitive, la notion de «subventions directement liées au prix» au sens de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive comprend uniquement les subventions qui constituent la contrepartie totale ou partielle d’une opération de livraison de biens ou de prestation de services et qui sont versées par un tiers au vendeur ou au prestataire (arrêt Office des produits wallons, précité, point 18).

    37
    Force est de constater que, en l’espèce, les conditions d’une soumission des aides litigieuses à la TVA ne sont remplies à l’égard d’aucune des deux catégories d’opérations visées par la Commission, à savoir, d’une part, la vente par une entreprise de transformation, après séchage, de fourrages achetés auprès de producteurs de fourrages verts et, d’autre part, le contrat de travail à façon conclu par une entreprise de transformation avec un producteur de fourrages verts.

    Vente après séchage de fourrages achetés auprès de producteurs

    38
    Ainsi que le soutient la Commission, la vente de fourrages séchés par une entreprise de transformation, après acquisition de la matière première auprès de producteurs de fourrages verts, constitue une livraison de biens au sens de la sixième directive.

    39
    L’aide est versée au profit de l’entreprise de transformation, qui peut en disposer.

    40
    Cependant, elle n’est pas directement liée au prix de l’opération taxable au sens de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive.

    41
    En effet, elle n’est pas spécifiquement versée afin que l’entreprise de transformation fournisse du fourrage séché à un acheteur.

    42
    En l’espèce, les parties s’accordent à reconnaître qu’il n’existe pas de pénurie de fourrages séchés sur le marché mondial. Il est également constant que l’objectif du régime d’aide est, d’une part, une incitation à la production au sein de la Communauté en dépit de coûts de production supérieurs à ceux du marché mondial, afin de garantir une source d’approvisionnement interne, et, d’autre part, la production de fourrages séchés de qualité. À cet égard, le onzième considérant du règlement n° 603/95 souligne «le but de favoriser l’approvisionnement régulier en fourrage vert des entreprises de transformation et de faire bénéficier les producteurs du régime d’aide», et le dixième considérant constate la nécessité de déterminer des critères de qualité minimale des fourrages séchés éligibles à l’aide, critères qui sont précisés à l’article 8 dudit règlement.

    43
    Dans ce contexte, il n’apparaît pas que le régime d’aide soit un régime de promotion de la consommation. Il ne tend pas à inciter les tiers à acheter du fourrage séché du fait de prix qui, grâce à l’aide, seraient inférieurs au cours du marché mondial, situation dans laquelle une base d’imposition à la TVA limitée au prix payé ne correspondrait pas à la totalité de la valeur du bien livré. Il vise à permettre à ces tiers de s’approvisionner dans la Communauté à un prix comparable au cours du marché mondial, cours auquel ils pourraient en toute hypothèse s’approvisionner en dehors de la Communauté si, en l’absence d’aide, l’offre au sein de celle-ci n’existait pas ou se révélait insuffisante. La TVA appliquée à ce prix couvre donc la totalité de la valeur du bien sur le marché.

    44
    Pour ces seuls motifs, et sans qu’il y ait lieu d’examiner si les autres conditions d’une intégration de l’aide dans la base d’imposition à la TVA sont réunies, il doit être constaté que le grief formulé par la Commission en ce qui concerne la vente après séchage de fourrages achetés auprès de producteurs n’est pas fondé.

    Contrat de travail à façon

    45
    Ainsi que le relève la Commission, le contrat de travail à façon a pour objet une prestation de séchage, c’est-à-dire une prestation de service, effectuée par l’entreprise de transformation pour le compte du producteur de fourrages verts.

    46
    Toutefois, l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive suppose que la subvention, pour être imposable, soit versée au profit du fournisseur du bien ou du prestataire du service, de sorte qu’il puisse en disposer.

    47
    Or, dans le cas de contrats de travail à façon, l’aide reçue par l’entreprise de transformation n’est pas versée à son profit.

    48
    Certes, l’article 9 du règlement n° 603/95 énonce que «[l’]aide […] n’est accordée qu’aux entreprises de transformation [...]».

    49
    Cependant, le quinzième considérant du règlement n° 603/95 prévoit, en ce qui concerne les contrats de travail à façon, la répercussion de l’aide en faveur du producteur et l’article 11, paragraphe 2, dudit règlement énonce l’obligation, pour les entreprises de transformation, de verser aux producteurs l’aide qu’elles reçoivent pour les quantités transformées dans le cadre des contrats conclus.

    50
    Ainsi, l’entreprise de transformation ne peut disposer de l’aide perçue. Elle n’assume qu’un rôle d’intermédiaire entre l’organisme dispensateur de l’aide et le producteur de fourrages. À cet égard, ne saurait être retenu le critère proposé par la Commission, tiré de la notion de «destinataire juridique» d’une subvention, indépendamment du bénéfice économique de celle-ci.

    51
    Dans ces conditions, l’aide ne peut être considérée comme la contrepartie, pour l’entreprise de transformation, de sa prestation de service et elle ne lui permet pas de fournir celle-ci à un prix inférieur.

    52
    Le prix du service de séchage doit donc prendre en compte les coûts normaux de la transformation, de sorte que la TVA appliquée à ce prix couvre la totalité de la valeur de la prestation.

    53
    L’aide répercutée en faveur du producteur allège le coût, pour ce dernier, du fourrage séché. Cependant, l’allégement n’intervient pas lors du paiement du prix de l’opération taxable. Il intervient a posteriori, après paiement d’un prix correspondant à la valeur totale de la prestation.

    54
    Intégrer également dans la base d’imposition l’aide versée en définitive au producteur de fourrages verts aurait pour conséquence une surtaxation de l’opération de séchage, contrairement à l’objectif de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive.

    55
    Pour ces seuls motifs, et sans qu’il y ait lieu d’examiner si les autres conditions d’une intégration de l’aide dans la base d’imposition sont réunies, il doit être constaté que le grief formulé par la Commission en ce qui concerne les contrats de travail à façon n’est pas fondé.

    56
    En définitive, aucun des deux griefs invoqués par la Commission n’étant fondé, le recours doit être rejeté.


    Sur les dépens

    57
    Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens, elle sera condamnée aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la partie défenderesse.

    58
    La république de Finlande, qui est intervenue au soutien des conclusions présentées par celle-ci, supportera ses propres dépens, conformément à l’article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure.

    Par ces motifs,

    LA COUR (deuxième chambre)

    déclare et arrête:

    1)
    Le recours est rejeté.

    2)
    La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

    3)
    La république de Finlande supporte ses propres dépens.

    Timmermans

    Gulmann

    Puissochet

    Cunha Rodrigues

    Colneric

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juillet 2004.

    Le greffier

    Le président de la deuxième chambre

    R. Grass

    C. W. A. Timmermans


    1
    Langue de procédure: le suédois.

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