Affaire T-109/01
Fleuren Compost BV
contre
Commission des Communautés européennes
«Recours en annulation – Aides d'État – Aides accordées par le royaumedes Pays-Bas à des entreprises de traitement du lisier – Régime autorisé par la Commission pour une durée déterminée – Aides octroyées avant ou après la période autorisée»
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Arrêt du Tribunal (deuxième chambre élargie) du 14 janvier 2004 |
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Sommaire de l'arrêt
- 1.
- Aides accordées par les États – Procédure administrative – Obligation de la Commission de mettre les intéressés en demeure de présenter leurs observations – Droit du bénéficiaire de l’aide d’être entendu – Limites
(Art. 88, § 2, CE)
- 2.
- Aides accordées par les États – Décision de la Commission – Obligation de diligence de l’État membre octroyant l’aide et du bénéficiaire de celle-ci quant à la communication de tout
élément pertinent
(Art. 88, § 2, CE)
- 3.
- Aides accordées par les États – Examen par la Commission – Absence d’observations des intéressés – Absence d’incidence sur la validité de la décision de la Commission – Obligation d’examiner d’office des éléments non expressément invoqués – Absence
(Art. 88, § 2, CE)
- 4.
- Aides accordées par les États – Décision de la Commission – Contrôle juridictionnel – Limites – Appréciation de la légalité en fonction des éléments d’information disponibles au moment de l’adoption de la décision
(Art. 88, § 3, CE et 230 CE)
- 5.
- Aides accordées par les États – Interdiction – Dérogations – Aides pouvant être considérées comme compatibles avec le marché commun – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Contrôle juridictionnel – Limites
(Art. 87, § 3, CE)
- 6.
- Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Décision de la Commission qualifiant une mesure d’aide – Décision de la Commission constatant l’incompatibilité d’une aide non notifiée avec le marché commun
(Art. 87, § 1, CE, 88, § 3, CE et 253 CE)
- 7.
- Aides accordées par les États – Récupération d’une aide illégale – Application du droit national – Confiance légitime éventuelle dans le chef des bénéficiaires – Protection – Conditions et limites
(Art. 87 CE et 88 CE)
- 1.
Lors de la phase d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission doit mettre les intéressés en demeure de
présenter leurs observations.
À cet égard, la publication d’un avis au Journal officiel des Communautés européennes constitue un moyen adéquat en vue de faire connaître à tous les intéressés l’ouverture d’une procédure. Cette communication
vise à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future.
Une telle procédure donne aussi aux autres États membres et aux milieux concernés la garantie de pouvoir se faire entendre.
Cependant, dans la procédure de contrôle des aides d’État, les intéressés autres que l’État membre responsable de l’octroi
de l’aide ne sauraient prétendre eux-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit de
ce dernier. À cet égard, aucune disposition de cette procédure ne réserve, parmi les intéressés, un rôle particulier au bénéficiaire
de l’aide, étant donné que la procédure n’est pas ouverte à son encontre, ce qui impliquerait qu’il puisse se prévaloir de
droits aussi étendus que les droits de la défense en tant que tels.
(cf. points 40-44)
- 2.
Dès lors que la décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE contient une analyse préliminaire suffisante
de la Commission exposant les raisons pour lesquelles elle éprouve des doutes quant à la compatibilité d’aides d’État avec
le marché commun, il appartient à l’État membre concerné et, le cas échéant, au bénéficiaire des aides d’apporter les éléments
de nature à démontrer que ces aides sont compatibles avec le marché commun et, éventuellement, de faire part de circonstances
spécifiques relatives au remboursement d’aides déjà versées dans l’occurrence où la Commission viendrait à exiger celui-ci.
(cf. point 45)
- 3.
Si l’article 88, paragraphe 2, CE impose à la Commission, avant de prendre une décision en matière d’aides d’État, de recueillir
les observations des parties intéressées, il n’interdit pas à cette institution de conclure qu’une aide est incompatible avec
le marché commun en l’absence de telles observations. Il ne saurait davantage lui être reproché de ne pas avoir tenu compte
d’éventuels éléments de fait ou de droit qui auraient pu lui être présentés pendant la procédure administrative, mais qui
ne l’ont pas été, la Commission n’étant pas dans l’obligation d’examiner d’office et par supputation quels sont les éléments
qui auraient pu lui être soumis.
(cf. points 48-49)
- 4.
Dans le cadre d’un recours en annulation fondé sur l’article 230 CE, la légalité de l’acte communautaire concerné doit être
appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où cet acte a été adopté.
Ainsi, la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont
la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée. Un État membre ne saurait ainsi se prévaloir devant le juge
communautaire d’éléments de fait qui n’ont pas été avancés au cours de la procédure précontentieuse prévue à l’article 88
CE.
(cf. points 50-51, 96)
- 5.
La Commission jouit, pour l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice
implique des évaluations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire. Le juge
communautaire, en contrôlant la légalité de l’exercice d’un tel pouvoir, ne saurait substituer son appréciation en la matière
à celle de l’autorité compétente, mais doit se limiter à examiner si cette dernière appréciation est entachée d’erreur manifeste
ou de détournement de pouvoir.
(cf. point 90)
- 6.
La motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon
claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître
les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle.
La Commission doit ainsi indiquer les raisons pour lesquelles elle considère qu’une mesure étatique entre dans le champ d’application
de l’article 87, paragraphe 1, CE. À cet égard, même dans les cas où il ressort des circonstances dans lesquelles l’aide a
été accordée qu’elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence,
il incombe tout au moins à la Commission d’évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision.
La Commission n’est cependant pas tenue de faire la démonstration de l’effet réel d’aides déjà accordées. Si tel était le
cas, en effet, cette exigence aboutirait à favoriser les États membres qui versent des aides en violation du devoir de notification
prévu à l’article 88, paragraphe 3, CE au détriment de ceux qui notifient les aides à l’état de projet.
(cf. points 119-121)
- 7.
Compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l’article 88 CE, des
entreprises ne sauraient, en principe, avoir une confiance légitime dans la régularité de l’aide dont elles ont bénéficié
que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par ledit article. En effet, un opérateur économique
diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée, même si l’État concerné était à
ce point responsable de l’illégalité de la décision d’octroi de l’aide que son retrait apparaît comme étant contraire à la
bonne foi.
Si les bénéficiaires d’une aide illégale peuvent invoquer, dans le cadre de la procédure de récupération, des circonstances
exceptionnelles qui ont pu légitimement fonder leur confiance légitime dans le caractère régulier de cette aide, pour s’opposer
à son remboursement, ces bénéficiaires ne peuvent invoquer de telles circonstances exceptionnelles, sur la base des dispositions
pertinentes du droit national, que dans le cadre de la procédure de récupération devant les juridictions nationales, auxquelles
seules il appartient d’apprécier, le cas échéant après avoir posé à la Cour des questions préjudicielles en interprétation,
les circonstances de la cause.
Enfin, d’éventuelles espérances suscitées à tort par les autorités de l’État dispensateur, sans même que la Commission en
ait été informée, ne sauraient en aucun cas affecter la légalité de la décision de récupération. Admettre une telle possibilité
reviendrait à priver les dispositions des articles 87 CE et 88 CE de tout effet utile dans la mesure où les autorités nationales
pourraient ainsi se fonder sur leur propre comportement illégal ou leur négligence pour mettre en échec l’efficacité des décisions
prises par la Commission en vertu des dispositions du traité.
(cf. points 135-137, 143)