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Document 62001CC0324
Opinion of Mr Advocate General Léger delivered on 12 September 2002. # Commission of the European Communities v Kingdom of Belgium. # Failure by a Member State to fulfil its obligations - Conservation of natural habitats - Wild fauna and flora - Incomplete transposition. # Case C-324/01.
Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 12 septembre 2002.
Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique.
Manquement d'État - Conservation des habitats naturels - Faune et flore sauvages - Transposition incomplète.
Affaire C-324/01.
Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 12 septembre 2002.
Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique.
Manquement d'État - Conservation des habitats naturels - Faune et flore sauvages - Transposition incomplète.
Affaire C-324/01.
Recueil de jurisprudence 2002 I-11197
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2002:489
Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 12 septembre 2002. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement d'État - Conservation des habitats naturels - Faune et flore sauvages - Transposition incomplète. - Affaire C-324/01.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-11197
1. Par le présent recours, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages .
2. La Commission reproche aux autorités belges de ne pas avoir adopté, dans le délai prescrit, les mesures nécessaires pour assurer la transposition complète et correcte d'une série de dispositions de la directive. Les dispositions visées par la requête (ci-après les «dispositions litigieuses») sont les suivantes:
- l'article 1er, définissant les principales notions utilisées dans la directive;
- l'article 4, paragraphe 5, définissant le régime applicable aux sites prioritaires inscrits sur la liste des sites d'importance communautaire;
- l'article 5, paragraphe 4, définissant le régime applicable aux sites concernés pendant la durée de la procédure de concertation;
- les articles 6 et 7, relatifs aux mesures nécessaires pour assurer la protection des zones spéciales de conservation;
- les articles 12 et 13, relatifs aux mesures de protection des espèces animales et végétales;
- l'article 14, relatif au prélèvement de spécimens des espèces de la faune et de la flore;
- l'article 15, relatif à l'interdiction des moyens non sélectifs de capture ou de mise à mort de certaines espèces;
- l'article 16, paragraphe 1, relatif aux conditions dans lesquelles les États membres peuvent déroger à certaines dispositions de la directive;
- l'article 22, sous b), relatif à l'introduction d'espèces non indigènes dans la nature;
- l'article 22, sous c), imposant de promouvoir l'éducation et l'information sur la nécessité de protéger les espèces et les habitats, et
- l'article 23, paragraphe 2, exigeant que les mesures de transposition adoptées par les États membres contiennent ou opèrent une référence à la directive.
3. Compte tenu de la structure fédérale du royaume de Belgique, les parties ont présenté leurs arguments en identifiant les éléments propres à chaque région concernée. Il ressort, en effet, du dossier que, selon la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 , les régions sont les entités compétentes pour légiférer dans les domaines couverts par la directive. Les parties avancent les arguments suivants.
4. S'agissant de la Région wallonne, la Commission considère que les autorités compétentes n'ont pas adopté les mesures nécessaires pour assurer la transposition de l'ensemble des dispositions litigieuses, à l'exception de l'article 23, paragraphe 2, de la directive. Le gouvernement belge ne conteste pas ce grief. Il souligne que, postérieurement à l'avis motivé, la Région wallonne a adopté un décret assurant la transposition desdites dispositions . À la lumière de ce texte, la Commission a, dans sa réplique , renoncé aux griefs formulés à l'encontre de la Région wallonne.
5. S'agissant de la Région flamande, la Commission estime que les autorités régionales ont omis d'adopter les mesures nécessaires pour assurer la transposition de l'ensemble des dispositions litigieuses, à l'exception de l'article 22, sous c), de la directive . Le royaume de Belgique ne conteste pas ce grief. Il reconnaît que les mesures actuellement en vigueur n'assurent qu'une «transposition partielle» de la directive.
6. Enfin, s'agissant de la Région de Bruxelles-Capitale, la Commission fait valoir que les autorités compétentes n'ont pas adopté les mesures nécessaires pour assurer la transposition des articles 6, paragraphe 4, premier alinéa, seconde phrase, 7 et 22, sous c), de la directive. Le royaume de Belgique conteste ces griefs .
7. Il ressort de ces éléments que le seul point contesté par les parties porte sur les griefs formulés par la Commission à l'encontre de la Région de Bruxelles-Capitale. En conséquence, nous limiterons l'objet de nos conclusions à l'examen de ces griefs, tout en proposant à la Cour, pour le surplus, d'accueillir le recours tel qu'il a été circonscrit par la Commission.
Sur le grief tiré de la non-transposition de l'article 6, paragraphe 4, premier alinéa, seconde phrase, de la directive
8. L'article 6 de la directive définit le régime applicable aux zones spéciales de conservation ainsi qu'aux sites d'importance communautaire. Il est libellé comme suit:
«1. Pour les zones spéciales de conservation, les États membres établissent les mesures de conservation nécessaires [...].
2. Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d'espèces [...].
3. Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d'affecter ce site de manière significative [...] fait l'objet d'une évaluation appropriée de ses incidences [...].
4. Si, en dépit de conclusions négatives de l'évaluation des incidences sur le site et en l'absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l'État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Nature 2000 est protégée. L'État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.»
9. La Commission souligne que la Région de Bruxelles-Capitale n'a pas assuré la transposition de l'article 6, paragraphe 4, premier alinéa, seconde phrase, de la directive. Selon elle, aucune disposition de l'arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, du 26 octobre 2000, relatif à la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ne prévoit l'obligation, pour les autorités compétentes, d'informer la Commission des mesures compensatoires qui sont adoptées en application de l'article 6, paragraphe 4.
10. Le royaume de Belgique reconnaît que l'arrêté précité ne contient pas de dispositions relatives à l'obligation d'information. Il soutient cependant que les États membres n'étaient pas tenus de transposer cette obligation en droit interne. Selon lui, l'article 6, paragraphe 4, premier alinéa, seconde phrase, ne présente aucune «portée normative» dans la mesure où il ne «crée[...] pas de droit ni d'obligation dans le chef d'une catégorie générale de citoyens» .
11. Selon nous, cette argumentation ne saurait être accueillie.
12. En effet, le royaume de Belgique opère une confusion entre deux notions juridiquement distinctes: le caractère obligatoire de la disposition et son effet direct. S'il est vrai que l'article 6, paragraphe 4, premier alinéa, seconde phrase, de la directive ne saurait être pourvu d'effet direct au sens de la jurisprudence, il n'en reste pas moins qu'il présente un caractère obligatoire en vertu du traité CE. Cette disposition est libellée en des termes impératifs et impose une obligation claire à la charge des États membres. Elle est donc dotée d'une force obligatoire au sens de l'article 249, troisième alinéa, CE.
13. En outre, il convient de rappeler que la directive a pour objectif de créer un réseau écologique européen cohérent, dénommé «Natura 2000», qui est formé par des sites abritant des types d'habitats naturels figurant à l'annexe I et des habitats des espèces figurant à l'annexe II . Ce réseau doit assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d'habitats naturels et des habitats d'espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle .
14. Il convient également de rappeler que la Commission remplit une fonction centrale au regard de ces objectifs. En effet, la Commission est la seule institution à pouvoir coordonner le réseau Natura 2000 et à en assurer la cohérence . Ainsi, elle est la seule, par exemple, à pouvoir apprécier l'état de conservation d'un habitat naturel ou d'une espèce par rapport à l'ensemble du territoire européen des États membres .
15. Compte tenu de ces éléments, l'obligation d'information de la Commission présente un caractère essentiel dans le système mis en place par la directive. Sans cette obligation, la Commission ne serait plus en mesure de remplir efficacement la mission qui lui incombe en vertu de la directive. L'argument du royaume de Belgique, selon lequel les États membres ne sont pas tenus de transposer l'obligation d'information prévue à l'article 6, paragraphe 4, de la directive, doit donc être rejeté.
Sur le grief tiré de la non-transposition de l'article 7 de la directive
16. La Commission souligne que la Région de Bruxelles-Capitale n'a pas adopté les mesures nécessaires pour assurer la transposition de l'article 7 de la directive.
17. Le royaume de Belgique ne conteste pas cet élément de fait. Il soutient simplement que «la non-transposition de l'article 7 [...] n'est que la conséquence du fait que la Région de Bruxelles-Capitale estime que l'article 6 [de la directive] ne doit pas être transposé» .
18. Cet argument doit être rejeté dans la mesure où nous avons déjà constaté que la Région de Bruxelles-Capitale était tenue d'assurer la transposition de l'ensemble des dispositions de l'article 6 de la directive.
Sur le grief tiré de la non-transposition de l'article 22, sous c), de la directive
19. L'article 22 de la directive prévoit:
«Dans la mise en application des dispositions de la présente directive, les États membres:
[...]
c) promeuvent l'éducation et l'information générale sur la nécessité de protéger les espèces de faune et de flore sauvages et de conserver leurs habitats ainsi que les habitats naturels.»
20. La Commission souligne qu'elle n'a reçu aucune information permettant de considérer que la Région de Bruxelles-Capitale a adopté les mesures visant à mettre en oeuvre les obligations découlant de l'article 22, sous c), de la directive.
21. Le royaume de Belgique conteste cet élément de fait. Il soutient que, depuis plusieurs années, la Région de Bruxelles-Capitale exécute les obligations découlant de l'article 22, sous c), en assurant, par diverses conventions, le financement de programmes d'éducation à la nature.
22. Nous pensons que, en l'état, cette argumentation ne saurait être accueillie. En effet, il est constant que le gouvernement belge n'a communiqué aucune information permettant à la Commission de considérer que la Région de Bruxelles-Capitale avait correctement mis en oeuvre les obligations prescrites par l'article 22, sous c), de la directive. En outre, les autorités belges n'ont pas communiqué à la Cour les programmes d'éducation dont elles assurent le financement ni les conventions conclues avec les organismes concernés.
23. Dans ces conditions, ni la Commission ni la Cour ne sont en mesure d'apprécier si les programmes litigieux permettent d'assurer une exécution correcte de l'article 22, sous c), de la directive. En l'état du dossier, il y a donc lieu de conclure que le troisième grief formulé par la Commission est également fondé.
Conclusion
24. Au regard des considérations qui précèdent, nous proposons donc à la Cour de déclarer:
«1) Le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, en ce que:
- la Région flamande n'a pas adopté, dans le délai prescrit, les mesures législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour assurer la transposition complète et correcte des articles 1er, 4, paragraphe 5, 5, paragraphe 4, 6, 7, 12 à 15, 16, paragraphe 1, 22, sous c), et 23, paragraphe 2, de ladite directive, et
- la Région de Bruxelles-Capitale n'a pas adopté, dans le délai prescrit, les mesures législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour assurer la transposition complète et correcte des articles 6, paragraphe 4, premier alinéa, seconde phrase, 7 et 22, sous c), de ladite directive.
2) Le royaume de Belgique est condamné aux dépens.»