Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62000TJ0005

Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre) du 16 décembre 2003.
Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie BV contre Commission des Communautés européennes.
Ententes - Vente de matériel électrotechnique aux Pays-Bas - Association nationale des grossistes - Accords collectifs d'exclusivité et de fixation de prix - Amendes.
Affaires jointes T-5/00 et T-6/00.

Recueil de jurisprudence 2003 II-05761

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2003:342

Arrêt du Tribunal

Affaires jointes T-5/00 et T-6/00


Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandelop Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie BV
contre
Commission des Communautés européennes


«Ententes – Vente de matériel électrotechnique aux Pays-Bas – Association nationale des grossistes – Accords collectifs d'exclusivitéet de fixation de prix – Amendes»

Arrêt du Tribunal (première chambre) du 16 décembre 2003
    

Sommaire de l'arrêt

1.
Concurrence – Procédure administrative – Communication des griefs – Contenu nécessaire – Éléments de preuve pouvant être retenus

2.
Concurrence – Procédure administrative – Respect des droits de la défense – Document à charge – Notion

3.
Concurrence – Procédure administrative – Examen des plaintes – Obligations de la Commission – Respect d’un délai raisonnable – Violation – Conséquences – Annulation de la décision de rejet – Exclusion

(Règlement du Conseil nº 17)

4.
Concurrence – Procédure administrative – Examen des plaintes – Obligations de la Commission – Respect d’un délai raisonnable – Nécessité de distinguer entre la phase d’instruction antérieure à la communication des griefs et le reste de la procédure administrative

(Règlement du Conseil nº 17, art. 3)

5.
Concurrence – Amendes – Prescription prévue par le règlement nº 2988/74 – Absence d’atteinte aux droits de la défense avant l’expiration du délai de prescription

(Règlements du Conseil nos 17 et 2988/74)

6.
Procédure – Requête introductive d’instance – Exigences de forme – Exposé sommaire des moyens invoqués – Moyens de droit non exposés dans la requête – Renvoi à l’ensemble des annexes – Irrecevabilité

[Règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1, sous c)]

7.
Concurrence – Ententes – Pratique concertée – Notion – Critères de coordination et de coopération – Interprétation

(Art. 81, § 1, CE)

8.
Concurrence – Règles communautaires – Champ d’application matériel – Décision en matière de prix d’une association d’entreprises – Exclusion en raison de l’existence d’une réglementation nationale l’ayant inspirée – Condition – Caractère impératif de la réglementation

(Art. 81, § 1, CE)

9.
Concurrence – Ententes – Participation à des réunions d’entreprises ayant un objet anticoncurrentiel – Circonstance permettant, en l’absence de distanciation par rapport aux décisions prises, de conclure à la participation à l’entente subséquente

(Art. 81, § 1, CE)

10.
Concurrence – Règles communautaires – Infractions – Réalisation de propos délibéré – Notion

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15)

11.
Concurrence – Amendes – Décision infligeant des amendes – Obligation de motivation – Portée – Indication des éléments d’appréciation ayant permis à la Commission de mesurer la gravité et la durée de l’infraction – Indication suffisante

(Art. 253 CE; règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2, alinéa 2)

12.
Concurrence – Amendes – Appréciation en fonction du comportement individuel de l’entreprise – Incidence de l’absence de sanction à l’encontre d’un autre opérateur économique – Absence

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15)

1.
Le respect des droits de la défense, qui constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être observé en toutes circonstances, notamment dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, même s’il s’agit d’une procédure administrative, exige que l’entreprise intéressée ait été en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission.

La communication des griefs doit contenir un exposé des griefs libellé dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission. Ce n’est, en effet, qu’à cette condition que la communication des griefs peut remplir la fonction qui lui est attribuée par les règlements communautaires et qui consiste à fournir tous les éléments nécessaires aux entreprises et associations d’entreprises pour qu’elles puissent faire valoir utilement leur défense avant que la Commission n’adopte une décision définitive.

En principe, seuls les documents qui ont été cités ou mentionnés dans la communication des griefs constituent des moyens de preuve valables. Toutefois, les documents annexés à la communication des griefs, qui n’y sont pas mentionnés, peuvent être retenus dans la décision contre la partie requérante, si celle-ci a pu déduire raisonnablement à partir de la communication des griefs les conclusions que la Commission entendait en tirer.

(voir points 32-34)

2.
Un document ne peut être considéré comme un document à charge que lorsqu’il est utilisé par la Commission à l’appui de la constatation d’une infraction commise par une entreprise. Aux fins d’établir une violation de ses droits de la défense, il ne suffit pas, pour l’entreprise en cause, de démontrer qu’elle n’a pas pu se prononcer au cours de la procédure administrative sur un document utilisé à un quelconque endroit de la décision attaquée. Il faut qu’elle démontre que la Commission a utilisé ce document, dans la décision attaquée, comme un élément de preuve additionnel pour retenir une infraction à laquelle l’entreprise aurait participé.

(voir point 35)

3.
S’il est vrai que la Commission est tenue de statuer dans un délai raisonnable dans les procédures administratives diligentées en matière de concurrence en application du règlement nº 17 et susceptibles d’aboutir aux sanctions prévues par celui-ci, le dépassement d’un tel délai, à le supposer établi, ne justifie pas nécessairement l’annulation de la décision attaquée.

En effet, s’agissant de l’application des règles de concurrence, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation que dans le cas d’une décision constatant des infractions, dès lors qu’il a été établi que la violation de ce principe a porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non-respect de l’obligation de statuer dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative au titre du règlement nº 17, tout en pouvant justifier la réduction du montant de l’amende à infliger.

(voir points 73-74, 436-438)

4.
Pour apprécier le caractère éventuellement excessif du délai séparant une demande de renseignements adressée par la Commission à une entreprise, au titre de l’article 11 du règlement nº 17, des premières vérifications sur place, il convient, aux fins de l’application du principe du délai raisonnable, d’opérer une distinction entre la phase d’instruction antérieure à la communication des griefs et le reste de la procédure administrative.

À cet égard, il y a lieu d’observer, d’une part, que, en matière pénale, le délai raisonnable visé à l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l’homme court à partir du moment où une personne se trouve accusée et, d’autre part, que les droits fondamentaux garantis par ladite convention sont protégés en tant que principes généraux du droit communautaire. Dans une procédure en matière de politique communautaire de la concurrence, les intéressés ne font l’objet d’aucune accusation formelle jusqu’à la réception de la communication des griefs. Dès lors, la seule prolongation de cette étape de la procédure n’est pas, en soi, susceptible de porter atteinte aux droits de la défense.

Au contraire, la notification de la communication des griefs dans une procédure visant la constatation d’une infraction suppose l’engagement de la procédure au titre de l’article 3 du règlement nº 17. Par l’engagement de cette procédure, la Commission manifeste sa volonté de procéder à une décision de constatation d’infraction. Ce n’est qu’à compter de la réception de la communication des griefs qu’une entreprise peut prendre connaissance de l’objet de la procédure qui est engagée contre elle et des comportements qui lui sont reprochés par la Commission. Les entreprises ont donc un intérêt spécifique à ce que cette étape de la procédure soit conduite avec une diligence particulière par la Commission, sans toutefois qu’il soit porté atteinte à leurs droits de la défense.

Le caractère raisonnable de cette étape de la procédure doit s’apprécier en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, de la conduite des parties au cours de la procédure, de l’enjeu de l’affaire pour les différentes entreprises et associations d’entreprises intéressées et de son degré de complexité.

(voir points 77-80, 82)

5.
Aussi longtemps que la prescription prévue au règlement nº 2988/74, relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne, n’est pas acquise, toute entreprise ou association d’entreprises faisant l’objet d’une enquête en matière de politique de la concurrence au titre du règlement nº 17 demeure dans l’incertitude quant à l’issue de cette procédure et l’infliction éventuelle de sanctions ou d’amendes. Ainsi, la prolongation de cette incertitude est inhérente aux procédures d’application du règlement nº 17 et ne constitue pas, en soi, une atteinte aux droits de la défense.

(voir point 91)

6.
En vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d’instance doit notamment contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

Si le corps de la requête peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexés, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale.

(voir points 100-101)

7.
La notion de pratique concertée au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence. Les critères de coordination et de coopération doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun.

Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à, ou que l’on envisage de, tenir soi-même sur le marché, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché.

(voir points 284-286)

8.
La circonstance qu’une décision d’une association d’entreprises, restreignant la liberté de fixation des prix de ses membres et poursuivant un objet restrictif de concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, a été inspirée d’une réglementation nationale en vigueur lors de son adoption ne lui permet pas d’échapper à l’application de cet article, si cette association ne démontre pas qu’elle ne disposait d’aucune autonomie à son égard.

(voir points 295-296)

9.
Dès lors qu’une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant pour objet de fixer les prix de leurs produits et qu’elle ne se distancie pas publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu’elle souscrit au résultat des réunions et qu’elle s’y conformera, il peut être considéré comme établi qu’elle participe à l’entente résultant desdites réunions.

(voir point 359)

10.
Pour qu’une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n’est pas nécessaire que l’entreprise ait eu conscience d’enfreindre ces règles; il suffit qu’elle n’ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence.

(voir point 396)

11.
S’agissant d’une décision de la Commission infligeant une amende pour violation des règles de concurrence, les exigences de la formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction qu’elle doit prendre en compte. En l’absence de tels éléments, la décision serait viciée pour défaut de motivation.

La portée de l’obligation de motivation doit être appréciée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce, sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant être pris en compte.

(voir points 421-422)

12.
Dès lors qu’une entreprise a, par son comportement, violé l’article 81, paragraphe 1, CE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d’autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d’amende, alors même que le juge communautaire n’est pas saisi de la situation de ces derniers.

(voir point 430)




ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
16 décembre 2003(1)

«Ententes – Vente de matériel électrotechnique aux Pays-Bas – Association nationale des grossistes – Accords collectifs d'exclusivité et de fixation de prix – Amendes»

Dans les affaires jointes T-5/00 et T-6/00,

Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied, établie à La Haye (Pays-Bas), représentée par Mes E. Pijnacker Hordijk et S. B. Noë, avocats,

partie requérante dans l'affaire T-5/00,

Technische Unie BV, établie à Amstelveen (Pays-Bas), représentée par Mes P. Bos et B. Eschweiler, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-6/00,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. W. Wils, en qualité d’agent, assisté de Me H. Gilliams, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue parCEF City Electrical Factors BV, établie à Rotterdam (Pays-Bas),etCEF Holdings Ltd, établie à Kenilworth (Royaume-Uni),représentées par Mes C. Vinken-Geijselaers et J. Stuyck, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2000/117/CE de la Commission, du 26 octobre 1999, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire IV/33.884 – Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie) (JO 2000, L 39, p. 1),



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),



composé de MM. B. Vesterdorf, président, N. J. Forwood et H. Legal, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

rend le présent



Arrêt




Décision attaquée

1
La présente affaire concerne la décision 2000/117/CE de la Commission, du 26 octobre 1999, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire IV/33.884 – Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie) (JO 2000, L 39 p. 1, ci-après la «décision attaquée»). La Commission a infligé, par cette mesure, des amendes à la Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied (Fédération néerlandaise pour le commerce de gros dans le domaine électrotechnique, ci-après la «FEG»), association d’entreprises actives dans le secteur du commerce de gros d’articles électrotechniques aux Pays-Bas, ainsi qu’à Technische Unie (ci-après «TU»), l’un de ses membres.

2
La notion de matériel électrotechnique recouvre un ensemble de produits utilisés dans l’industrie, le bâtiment et les travaux publics. Il s’agit notamment de matériels d’infrastructure [fil et câble, tubes en chlorure de polyvinyle (PVC), par exemple], de matériels techniques (commutateurs, relais), d’éclairages ainsi que des systèmes d’alarme et de téléphonie (décision attaquée, point 12).

3
CEF Holdings Ltd (ci-après «CEF UK»), grossiste en matériel électrotechnique établi au Royaume Uni, a décidé de s’implanter sur le marché néerlandais, où elle a créé à cette fin, en mai 1989, une filiale, CEF City Electrical Factors BV (ci‑après «CEF BV»). S’estimant confrontées à des problèmes d’approvisionnement aux Pays-Bas, CEF BV et CEF UK (ci-après conjointement dénommées «CEF») ont, le 18 mars 1991, saisi la Commission d’une plainte, enregistrée par elle le lendemain.

4
Cette plainte visait trois associations d’entreprises actives sur le marché électrotechnique, ainsi que leurs membres. Outre la FEG, il s’agissait de la Nederlandse Vereniging van Alleenvertegenwoordigers op Elektrotechnisch Gebied (Association néerlandaise des représentants exclusifs dans le domaine électrotechnique, ci-après la «NAVEG») et l’Unie van de Elektrotechnische Ondernemers (Union des entreprises électrotechniques, ci-après l’«UNETO»).

5
CEF estimait que ces associations et leurs membres avaient conclu des accords collectifs d’exclusivité réciproque à tous les niveaux de la filière de distribution du matériel électrotechnique aux Pays-Bas. Sans être membre de la FEG, il serait donc quasi impossible pour un grossiste en matériel électrotechnique de s’implanter sur le marché néerlandais. Les fabricants et leurs agents ou importateurs ne livreraient ainsi qu’aux membres de la FEG; les installateurs ne s’approvisionneraient qu’auprès d’eux. Par lettre du 22 octobre 1991, CEF a élargi la portée de sa plainte, de manière à dénoncer des accords passés entre la FEG et ses membres concernant les prix et les réductions de prix, ainsi que des accords visant à empêcher CEF de participer à certains projets. À partir de janvier 1992, CEF s’est également plainte d’accords verticaux sur les prix entre certains fabricants de matériel électrotechnique et les grossistes membres de la FEG.

6
Entre-temps, de juin à août 1991, la Commission avait adressé à la FEG ainsi qu’à TU diverses demandes de renseignements, fondées sur l’article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204). En particulier, la Commission a, le 25 juillet 1991, adressé une demande de renseignements à TU, laquelle a répondu les 16 et 28 août 1991.

7
Par lettre du 16 septembre 1991, la Commission a adressé à la FEG une lettre d’avertissement concernant, notamment, des pressions exercées sur certains fournisseurs de matériel électrotechnique pour qu’ils n’approvisionnent pas CEF, des concertations pratiquées par les membres de la FEG sur les prix et les rabais ainsi que le seuil de chiffre d’affaires utilisé comme critère d’adhésion à la FEG.

8
Le 27 avril 1993, la Commission a interrogé certains fournisseurs de matériel électrotechnique, au titre de l’article 11 du règlement n° 17.

9
Le 10 juin 1994, la Commission a demandé des renseignements à la FEG, au titre de l’article 11 du règlement n° 17.

10
Les 8 et 9 décembre 1994, la Commission a effectué des vérifications, au titre de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, auprès de la FEG et de certains de ses membres, dont TU.

11
Le 3 juillet 1996, la Commission a communiqué ses griefs à la FEG et à sept de ses membres: Bernard, Brinkman & Germeraad, Conelgro, Schiefelbusch, Schotman, Wolff et TU (ci-après la «communication des griefs»). La FEG et TU ont émis des observations en réponse à cette communication, respectivement le 13 décembre 1996 et le 13 janvier 1997.

12
La FEG et TU ont adressé à la Commission plusieurs demandes d’accès au dossier. Après avoir, le 16 septembre 1997, eu communication de certaines pièces complémentaires figurant au dossier, elles ont chacune, le 10 octobre suivant, remis à la Commission un mémoire ampliatif en réponse à la communication des griefs.

13
Une audition s’est déroulée le 19 novembre 1997, en présence de tous les destinataires de la communication des griefs ainsi que de CEF.

14
C’est ainsi que, le 26 octobre 1999, la Commission a arrêté la décision attaquée, dont le dispositif est rédigé comme suit:

«Article premier

La FEG a enfreint l’article 81, paragraphe 1, du traité en mettant en œuvre, sur la base d’un accord conclu avec la NAVEG, ainsi que sur la base de pratiques concertées avec des fournisseurs non représentés au sein de la NAVEG, un régime collectif d’exclusivité visant à empêcher les livraisons aux entreprises n’appartenant pas à la FEG.

Article 2

La FEG a enfreint l’article 81, paragraphe 1, du traité en restreignant, directement et indirectement, la faculté de ses membres de fixer leurs prix de vente de manière libre et indépendante, et cela sur la base de la décision contraignante sur les prix fixes, de la décision contraignante en matière de publications, au moyen de la diffusion auprès de ses membres de recommandations portant sur les prix bruts et nets ainsi que par la mise à disposition de ses membres d’un forum leur permettant de mener des discussions sur les prix et les rabais.

Article 3

TU a enfreint l’article 81, paragraphe 1, du traité en participant activement aux infractions mentionnées aux articles 1er et 2.

Article 4

1.       La FEG est tenue de mettre fin immédiatement, si elle ne l’a pas encore fait, aux infractions mentionnées aux articles 1er et 2.

2.       TU est tenue de mettre fin immédiatement, si elle ne l’a pas encore fait, aux infractions mentionnées à l’article 3.

Article 5

1.       Une amende de 4,4 millions d’euros est infligée à la FEG pour les infractions constatées aux articles 1er et 2.

2.       Une amende de 2,15 millions d’euros est infligée à TU pour les infractions constatées à l’article 3.»


Procédure et conclusions des parties

15
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 janvier 2000, la FEG a introduit le recours enregistré sous le numéro T-5/00.

16
Par requête déposée le même jour au greffe du Tribunal, TU a introduit le recours enregistré sous le numéro T-6/00.

17
Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 24 et 28 août 2000, CEF BV et CEF UK ont conjointement demandé à intervenir, respectivement dans les affaires T-6/00 et T-5/00, au soutien des conclusions de la Commission.

18
Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 septembre 2000, la FEG a introduit, en vertu de l’article 242 CE, une demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée (affaire T-5/00 R).

19
CEF BV et CEF UK (ci-après les «intervenantes») ont été admises à intervenir dans les affaires T-5/00 et T-6/00 à l’appui des conclusions de la Commission par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 16 octobre 2000.

20
Par acte déposé au greffe le 18 octobre 2000, les intervenantes ont introduit une demande d’intervention à l’appui des conclusions de la Commission, aux fins de la procédure en référé.

21
Par ordonnance du 14 décembre 2000, le président du Tribunal, après avoir fait droit à cette demande d’intervention, a rejeté la demande en référé dans l’affaire T-5/00 R et réservé les dépens. Le pourvoi formé contre cette ordonnance par la FEG a été rejeté par ordonnance du président de la Cour du 23 mars 2001, FEG/Commission [C-7/01 P(R), Rec. p. I-2559].

22
Par lettres reçues au greffe du Tribunal les 21 mars 2001 (T-5/00) et 5 avril 2001 (T-6/00), les requérantes se sont prononcées dans les délais impartis sur les mémoires en intervention déposés le 8 janvier 2001 dans chacune des deux affaires. La Commission a renoncé à déposer des observations sur ces mémoires en intervention.

23
Par décision du président du Tribunal du 7 mai 2002, les parties entendues, les affaires T-5/00 et T-6/00 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

24
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

25
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 14 mai 2002.

26
Dans l’affaire T-5/00, la FEG conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler la décision attaquée;

à titre subsidiaire, annuler l’article 5, paragraphe 1, de la décision attaquée;

à titre éminemment subsidiaire, réduire le montant de l’amende figurant à l’article 5, paragraphe 1, de cette décision à 1 000 euros;

condamner la Commission et les intervenantes aux dépens.

27
Dans l’affaire T 6/00, TU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler la décision attaquée;

à titre subsidiaire, annuler les articles 3 et 5, paragraphe 2, de la décision attaquée;

à titre éminemment subsidiaire, réduire le montant de l’amende figurant à l’article 5, paragraphe 2, de cette décision;

condamner la Commission et les intervenantes aux dépens.

28
Dans les affaires T-5/00 et T-6/00, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter les recours;

condamner les requérantes aux dépens.

29
Dans les affaires T-5/00 et T-6/00, les intervenantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter le recours;

majorer le montant de l’amende;

condamner les requérantes aux dépens.


En droit

30
Il convient d’abord d’examiner les moyens qui se rattachent aux conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée, puis ceux relatifs aux conclusions visant à obtenir l’annulation des amendes ou la réduction de leur montant.

Sur les conclusions en annulation

31
Les requérantes invoquent successivement plusieurs violations des droits de la défense et contestent l’existence des infractions à l’article 81 CE qui leur sont imputées par la décision attaquée.

I – Sur les droits de la défense

A – Sur le droit d’être entendu au cours de la procédure administrative

32
À titre liminaire, il convient de rappeler que le respect des droits de la défense, qui constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être observé en toutes circonstances, notamment dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, même s’il s’agit d’une procédure administrative, exige que l’entreprise intéressée ait été en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann‑La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 11, et du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 25).

33
Selon la jurisprudence, la communication des griefs doit contenir un exposé des griefs libellé dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission. Ce n’est, en effet, qu’à cette condition que la communication des griefs peut remplir la fonction qui lui est attribuée par les règlements communautaires et qui consiste à fournir tous les éléments nécessaires aux entreprises et associations d’entreprises pour qu’elles puissent faire valoir utilement leur défense avant que la Commission n’adopte une décision définitive (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec. p. I-1307, point 42).

34
En principe, seuls les documents qui ont été cités ou mentionnés dans la communication des griefs constituent des moyens de preuve valables (arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C-62/86, Rec. p. I-3359, point 21; arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11/89, Rec. p. II-757, point 55, et ICI/Commission, T-13/89, Rec. p. II-1021, point 34). Toutefois, les documents annexés à la communication des griefs, qui n’y sont pas mentionnés, peuvent être retenus dans la décision contre la partie requérante, si celle‑ci a pu déduire raisonnablement à partir de la communication des griefs les conclusions que la Commission entendait en tirer (arrêts Shell/Commission, précité, point 56, et ICI/Commission, précité, point 35).

35
Un document ne peut être considéré comme un document à charge que lorsqu’il est utilisé par la Commission à l’appui de la constatation d’une infraction commise par une entreprise. Aux fins d’établir une violation de ses droits de la défense, il ne suffit pas, pour l’entreprise en cause, de démontrer qu’elle n’a pas pu se prononcer au cours de la procédure administrative sur un document utilisé à un quelconque endroit de la décision attaquée. Il faut qu’elle démontre que la Commission a utilisé ce document, dans la décision attaquée, comme un élément de preuve additionnel pour retenir une infraction à laquelle l’entreprise aurait participé.

36
En l’espèce, la FEG et TU reprochent à la Commission de ne pas leur avoir offert la possibilité d’être entendues sur certains éléments qui, bien que retenus dans la décision attaquée, n’apparaissaient pas dans la communication des griefs. Elles dénoncent ainsi, d’une part, le fait que la Commission a omis de leur transmettre certains documents au stade de la communication des griefs et, d’autre part, le défaut de concordance entre les griefs communiqués et les infractions retenues.

37
Il convient d’examiner ces griefs à la lumière des principes énoncés ci-dessus.

1. Défaut de transmission de certains documents avec la communication des griefs

38
Les requérantes prétendent qu’elles n’ont pas été en mesure d’émettre des observations sur les documents à charge suivants: d’une part, les documents relatifs à l’Agenten Grossiers Contract (le contrat agents-grossistes, ci-près l’«accord AGC») et, d’autre part, le compte rendu de l’assemblée générale de la NAVEG du 28 avril 1986.

a) Pièces relatives à l’accord AGC

Arguments des parties

39
Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir cité les documents relatifs à l’accord AGC dans la communication des griefs ou, à tout le moins, indiqué, au cours de la procédure administrative, les conclusions qu’elle avait l’intention d’en tirer. Ces documents devraient donc être retirés des débats et la légalité de la décision attaquée appréciée sans eux. Ainsi, l’assertion de la Commission, selon laquelle les comportements observés ne seraient que la poursuite de pratiques anciennes, serait dépourvue de tout fondement. À cet égard, la FEG souligne qu’il est indifférent que les documents en cause ne concernent pas la période infractionnelle, puisque l’infraction repose sur la thèse de la permanence d’un accord illicite depuis 1957 (voir décision attaquée, considérants 44, 45 et 53).

40
La Commission estime que ces griefs sont dénués de pertinence dans la mesure où la décision attaquée ne reproche pas aux requérantes l’existence de l’accord AGC. Les requérantes auraient eu l’occasion de se prononcer sur la genèse du régime collectif d’exclusivité dans leurs réponses à la communication des griefs et de faire ainsi valoir leurs droits de façon effective.

41
Les intervenantes précisent avoir obtenu, le 22 septembre 1997, du ministère des Affaires économiques néerlandais, le droit d’accès aux pièces relatives à la procédure par laquelle il avait annulé l’accord AGC en 1957. Dès lors, les requérantes ne sauraient légitimement faire valoir qu’elles n’étaient pas en mesure de prendre connaissance des pièces relatives à l’accord AGC.

Appréciation du Tribunal

42
Bien que les requérantes n’aient pas désigné précisément les documents relatifs à l’accord AGC sur lesquels elles affirment n’avoir pu se prononcer, il ressort des points 39 et suivants de la décision attaquée, figurant dans la partie relative à la genèse des infractions, que la Commission a mentionné plusieurs documents au soutien de l’assertion selon laquelle l’origine des infractions remonterait à l’accord AGC. Il s’agit des documents suivants:

le mémorandum du ministère des Affaires économiques, du 23 février 1959, concernant l’«enquête sur l’ancien contrat agents-grossistes dans la branche électrotechnique» (décision attaquée, considérant 41, et note n° 42);

les réponses écrites de TU et de la FEG à la communication des griefs (respectivement, p. 28 et p. 29), auxquelles se réfère la Commission pour soutenir que TU et la FEG n’ont pas nié l’existence de l’accord AGC au cours de la procédure administrative (décision attaquée, considérant 42, et note n° 44);

le plan stratégique de la FEG, établi en 1993, dans lequel il serait implicitement fait référence à l’accord AGC (décision attaquée, considérant 42, et note n° 45).

43
Dans le cadre du présent grief, seul le premier de ces documents pourrait être pertinent. En effet, les documents visés au deuxième tiret ci-dessus émanent de TU et de la FEG. Le dernier document, dont la FEG est l’auteur, était manifestement connu de TU en sa qualité d’entreprise membre de la FEG et siégeant au conseil d’administration de cette association. TU et la FEG ne se sont d’ailleurs pas spécifiquement prononcées sur ces derniers documents dans leurs écritures.

44
Les griefs des requérantes concernant le mémorandum du 23 février 1959 doivent être rejetés, car il est constant que la FEG et TU ont eu connaissance de ce document au cours de la procédure administrative. La Commission a communiqué le mémorandum du ministère des Affaires économiques aux requérantes avant l’audition (voir requête T‑5/00, point 53, et requête T‑6/00, point 110). Les requérantes ont donc eu l’occasion de se prononcer sur cette pièce au cours de la procédure administrative. Par conséquent, toute violation des droits de la défense doit être exclue.

45
Il apparaît, à titre surabondant, que le mémorandum du 23 février 1959 n’est pas invoqué pour appuyer la constatation de l’infraction relative au régime collectif d’exclusivité, mais pour illustrer la genèse de celui‑ci. D’un point de vue matériel, ce document ne vise que l’accord AGC, qui ne fait pas partie des infractions constatées. D’un point de vue temporel, ce document vise une période antérieure à la période infractionnelle. Alors que, dans la communication des griefs, la Commission avait fixé le début de la période infractionnelle à 1956, la décision attaquée retient finalement la date du 11 mars 1986 comme point de départ.

b) Compte rendu de l’assemblée générale de la NAVEG du 28 avril 1986

Arguments des parties

46
Les requérantes soutiennent ne pas avoir eu connaissance du compte rendu de l’assemblée générale des membres de la NAVEG du 28 avril 1986. Ce document ferait état d’une réunion du 11 mars 1986 entre le conseil d’administration de la FEG et celui de la NAVEG et serait invoqué par la Commission à titre de preuve de l’infraction relative au régime collectif d’exclusivité (décision attaquée, considérant 46, troisième tiret). Les requérantes prétendent que ce document n’a pas été mentionné dans la communication des griefs et qu’il ne saurait être réputé avoir été en leur possession, puisqu’il s’agit d’un document interne à la NAVEG.

47
Les requérantes ajoutent que la Commission ne peut se prévaloir de la lettre que la NAVEG a adressée à la FEG le 27 septembre 1989 pour établir l’existence de discussions relatives au régime collectif d’exclusivité, qui auraient eu lieu le 28 avril 1986. Bien que mentionnée dans la communication des griefs, cette lettre ne contiendrait toutefois aucune information concernant la date à laquelle les grossistes se seraient opposés aux livraisons destinées à CEF; la Commission n’aurait d’ailleurs pas exposé les conclusions qu’elle avait l’intention d’en tirer.

48
Par ailleurs, TU prétend que, en se fondant sur une pièce datant de 1986, qui ne figurait pas dans la communication des griefs, la Commission a allongé la durée de l’infraction. Le compte rendu de l’assemblée générale des membres de la NAVEG du 28 avril 1986 aurait en effet permis à la Commission d’étendre de trois ans la durée de l’infraction, en fixant son point de départ à 1986. TU précise à cet égard que la communication des griefs est exclusivement basée sur des pièces relatives à la période comprise entre 1989 et 1993. Dès lors, l’utilisation de cette pièce aurait nécessité une nouvelle communication des griefs. En conséquence, TU prie le Tribunal de retirer des débats le compte rendu de l’assemblée générale des membres de la NAVEG du 28 avril 1986 et de déterminer la durée de la prétendue infraction, au plus tôt à partir de la réunion entre la FEG et la NAVEG, du 28 février 1989 (décision attaquée, considérant 46, premier tiret).

49
La Commission récuse ces griefs, à deux titres.

50
D’une part, elle affirme que les requérantes ont eu connaissance du compte rendu du 28 avril 1986 dans le cadre de la procédure d’accès au dossier, les 4 et 9 septembre 1996. Par ailleurs, cette pièce porterait sur des faits évoqués dans la lettre de la NAVEG à la FEG du 27 septembre 1989 (voir décision attaquée, considérant 49), mentionnée dans la communication des griefs au considérant 25.

51
D’autre part, la Commission fait observer que ce document ne vient à l’appui d’aucun grief nouveau, de sorte que le fait qu’il n’ait pas été mentionné dans la communication des griefs est sans incidence sur la validité de la décision attaquée. En effet, il s’agirait d’une nouvelle pièce, mais invoquée au soutien d’un grief existant.

52
S’agissant des arguments de TU relatifs à la détermination du point de départ de l’infraction, la Commission estime que TU ne pouvait ignorer qu’il était antérieur à 1989, car, dans la communication des griefs, il était fixé en 1956.

Appréciation du Tribunal

53
Il convient de rappeler que le compte rendu de l’assemblée générale des membres de la NAVEG, du 28 avril 1986, est invoqué par la Commission, dans la décision attaquée (considérant 46), comme preuve d’une entente illicite prenant la forme d’un régime collectif d’exclusivité, entente dénoncée dans la communication des griefs. Il est constant que les requérantes ont pu consulter cette pièce après la communication des griefs, dans le cadre de l’accès au dossier (4, 6 et 9 septembre 1996). Par conséquent, TU a été en mesure de se prononcer sur cette pièce dans sa réponse à la communication des griefs, ainsi que dans son mémoire ampliatif du 10 octobre 1997 et lors de l’audition du 19 novembre 1997. De même, la FEG a pu prendre position dans sa réponse à la communication des griefs du 13 décembre 1996. Dans de telles circonstances, il ne saurait être question de violation des droits de la défense. Dès lors, doivent être rejetés les arguments relatifs à la communication du compte rendu de l’assemblée générale de la NAVEG du 28 avril 1986, ainsi que la demande visant au retrait des débats de ce compte rendu. La pertinence de ce compte rendu sera discutée dans le cadre de l’examen du bien-fondé de la décision attaquée.

2. Défaut de concordance textuelle entre la décision attaquée et la communication des griefs

54
Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission est tenue d’adresser une communication des griefs additionnelle si elle souhaite fonder sa décision sur des éléments qui n’apparaissent pas dans la communication des griefs. Les documents qui ne sont pas mentionnés dans la communication des griefs ne pourraient ainsi être retenus comme éléments de preuve (arrêts de la Cour du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, points 27 et 28, et du Tribunal du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-36/91, Rec. p. II-1847, point 107). Sur plusieurs points, les requérantes estiment se trouver en présence d’une discordance entre la décision attaquée et la communication des griefs.

a) Lien entre les deux infractions (affaire T-6/00)

Arguments des parties

55
TU prétend que la Commission a, au considérant 122 de la décision attaquée, affirmé que le régime collectif d’exclusivité visait à soutenir les accords de fixation des prix. TU déduit de ce passage de la décision attaquée que l’infraction principale est constituée par les accords sur les prix, le régime collectif d’exclusivité n’étant qu’accessoire. TU affirme que, au considérant 49 de la communication des griefs, la Commission avait cependant retenu la thèse inverse, de sorte que la décision attaquée contiendrait un grief nouveau. TU estime qu’il s’agit là d’une modification fondamentale, qui a eu une influence sur sa défense. En effet, dans son mémoire en réponse à la communication des griefs, TU se serait défendue à titre principal contre les accusations de régime collectif d’exclusivité et, dans une moindre mesure, contre les accusations d’accords sur les prix.

56
La Commission réfute ces allégations. Si, admet-elle, elle a pu conclure, dans la décision attaquée, que le régime collectif d’exclusivité avait pour fonction de soutenir les accords sur les prix (considérant 122), il ne s’agirait nullement d’un nouveau grief.

Appréciation du Tribunal

57
L’argumentation de TU repose sur une lecture erronée de la décision attaquée et de la communication des griefs. Le rapport entre le régime collectif d’exclusivité et les accords sur les prix ne constitue pas un grief indépendant. En effet, les passages de la communication des griefs invoqués par TU sont rédigés comme suit:

«Les régimes collectifs d’exclusivité ont pour objet ou pour effet une restriction de la concurrence au sein du marché commun. En effet, en vertu de ce régime, la circulation de matériel d’installation électrotechnique aux Pays-Bas ne peut avoir lieu qu’entre fournisseurs et grossistes affiliés auprès de la FEG. Les fournisseurs de ces produits ne peuvent, pour ce motif, contracter avec les grossistes aux Pays‑Bas qui ne sont pas affiliés à la FEG, alors que, d’autre part, les grossistes aux Pays‑Bas qui ne sont pas affiliés auprès de la FEG (parce qu’ils n’ont pas été admis par la FEG ou parce qu’ils ne souhaitent pas adhérer à la FEG) voient leurs possibilités d’achat limitées, parce qu’ils ne peuvent pas, ou seulement très difficilement, se procurer du matériel d’installation électrotechnique destiné au marché néerlandais.

[...]

Le système du régime collectif d’exclusivité est complété par des accords et/ou des pratiques concertées entre les membres de la FEG pour ce qui concerne leur politique de prix et de rabais.»

58
Quant au considérant 122 de la décision attaquée, précédé du titre «Rapport entre le régime collectif d’exclusivité et les accords horizontaux sur les prix», il est rédigé comme suit:

«Enfin, il convient de mettre en évidence la relation directe existant entre le régime collectif d’exclusivité et les accords sur les prix conclus au sein de la FEG. Comme le précise le considérant 111, ces accords visent à instaurer un niveau de prix artificiellement stable, s’accompagnant de ‘marges suffisantes’ pour le commerce de gros. Cet objectif ne peut être atteint que si les grossistes pratiquent une certaine discipline en matière de prix. C’est pour cette raison que la FEG a, de différentes manières, exercé des pressions sur ses membres pour qu’ils renoncent à se livrer à une vive concurrence par les prix. Il ne fallait donc plus craindre, en principe, une telle concurrence sur les prix que de la part des grossistes n’appartenant pas à la FEG. En gênant, au moyen du régime collectif d’exclusivité, les livraisons à ces ‘bradeurs’ potentiels, il était possible de réduire le risque de pression sur le niveau artificiel des prix. Le régime collectif d’exclusivité avait par conséquent pour fonction de soutenir les accords sur les prix.»

59
Force est de constater que tant la décision attaquée que la communication des griefs invoquent deux infractions, l’une relative au régime collectif d’exclusivité, l’autre aux accords de fixation des prix. Ainsi, le régime collectif d’exclusivité a fait l’objet de constatations de fait aux considérants 33 à 70 de la décision attaquée (section F, intitulée «Lien entre l’appartenance à la FEG et les livraisons»). Quant aux accords sur les prix entre les membres de la FEG, ils ont été examinés à la section G de la décision attaquée (considérants 71 à 93). Dans l’appréciation juridique, la Commission a examiné les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE à l’égard de ces deux chefs d’infraction (décision attaquée, considérants 94 à 126). De même, s’agissant de la fixation du montant de l’amende, la Commission a examiné successivement, pour chacune des deux infractions, leur caractère délibéré, leur durée, leur gravité et les circonstances atténuantes ou aggravantes (décision attaquée, considérants 131 à 150).

60
Le considérant 122 de la décision attaquée et les considérants 47 et 49 de la communication des griefs, précités, ne visent qu’à illustrer le rapport naturel entre les ententes en cause et à démontrer que les conséquences prévisibles et escomptées du régime d’exclusivité étaient de renforcer la probabilité du maintien des prix, par les accords procédant à leur fixation, à un niveau supérieur à celui auquel le jeu normal des forces du marché eût abouti en l’absence d’ententes. Le bien-fondé de cette appréciation sera examiné dans le cadre du moyen tiré de la violation de l’article 81 CE. Il s’ensuit que l’argumentation des requérantes concernant le lien entre les deux infractions ne peut qu’être rejetée.

b) Niveau des prix artificiellement élevé sur le marché néerlandais

Arguments des parties

61
TU fait valoir que la Commission n’a pas mentionné, dans la communication des griefs, le niveau artificiellement élevé des prix sur le marché néerlandais, élément pourtant retenu dans la décision attaquée (considérant 122). Elle estime ne pas avoir été entendue sur le point de savoir si les prix étaient trop élevés.

62
La Commission rétorque que ce grief repose sur une lecture erronée de la décision attaquée.

Appréciation du Tribunal

63
Il convient tout d’abord de rappeler que, au considérant 122 de la décision attaquée, la Commission ne s’est pas prononcée sur l’augmentation des prix sur le marché néerlandais, ni sur la question de savoir si ces prix étaient trop élevés. À cet égard, le considérant 140 de la décision attaquée conclut:

«Il est difficile de mesurer avec précision l’incidence sur le marché du régime collectif d’exclusivité. Il est en tout cas établi que l’infraction a considérablement retardé et gêné l’entrée de CEF sur le marché néerlandais. Bien que des indications existent quant au niveau relativement élevé des prix du matériel électrotechnique sur le marché néerlandais, il convient de remarquer que l’incidence des accords horizontaux sur les prix n’est pas plus aisée à établir de manière précise. De manière générale, la FEG et ses membres ne cherchaient pas tant à fixer des prix uniformes pour tous les produits électrotechniques qu’à contrôler et à limiter la part de concurrence par les prix encore existante, afin de préserver la stabilité des prix et la marge des grossistes.»

64
Ce point est inséré dans la partie de la décision attaquée relative à la détermination du niveau de l’amende. Il ne contient pas de grief nouveau selon lequel les prix seraient trop élevés. Dès lors, l’argumentation des requérantes concernant le niveau des prix sur le marché néerlandais doit être rejetée.

B – Sur le caractère tardif de la transmission de certaines pièces (affaire T-6/00)

1. Arguments des parties

65
TU soutient ne pas avoir disposé de suffisamment de temps avant l’audition pour se prononcer sur le mémorandum du ministre des Affaires économiques du 23 février 1959, concernant l’accord AGC, ainsi que sur le compte rendu de l’assemblée générale de la NAVEG du 28 avril 1986 (décision attaquée, considérant 46). Leur communication tardive ne saurait être, selon elle, équivalente à l’envoi d’une communication des griefs complémentaire (arrêt du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T‑39/92 et T‑40/92, Rec. p. II-49, points 56 à 61). Dès lors, la Commission ne saurait les invoquer dans la décision attaquée.

66
La Commission considère que la communication des pièces relatives à l’accord AGC n’est pas de nature à porter atteinte aux droits de la requérante. En effet, ces pièces ne contiendraient aucun grief nouveau; elles ne viseraient qu’à éclairer le contexte de l’affaire. En outre, fait-elle observer, le conseil de la FEG était convenu avec le conseiller‑auditeur, par lettre du 5 novembre 1997, que toutes les parties pouvaient produire de nouvelles pièces jusqu’à une semaine avant l’audition. TU et la FEG auraient eu l’occasion de se prononcer sur ces documents lors de l’audition, de telle sorte que les droits de la défense auraient été respectés.

2. Appréciation du Tribunal

67
TU ne conteste pas avoir reçu, environ deux semaines avant l’audition, la note du ministre de l’Économie de 1959, concernant l’accord AGC. Par ailleurs, il est constant que, au cours de la procédure administrative, les parties se sont accordées avec la Commission pour transmettre tout élément de preuve jusqu’à une semaine avant la date de l’audition (voir annexe 3 aux mémoires en défense de la Commission dans les affaires T‑5/00 et T-6/00). Quant au compte rendu de l’assemblée générale des membres de la NAVEG du 28 avril 1986, il a déjà été jugé que TU avait pu prendre connaissance de ce document lors de l’accès au dossier, les 4 et 9 septembre 1996. TU a ainsi disposé d’un délai raisonnable pour prendre connaissance de ces pièces et préparer sa défense. Compte tenu de ces éléments, l’argumentation de TU, selon laquelle la communication de ces pièces serait intervenue tardivement et aurait ainsi compromis l’exercice des droits de la défense, doit être rejetée.

C – Violation du délai raisonnable

1. Arguments des parties

68
Il est constant que la procédure ayant abouti à la décision attaquée a duré 102 mois, soit près de huit années et demie. Les parties reconnaissent qu’un tel délai est considérable mais s’opposent quant aux conséquences que le Tribunal doit en tirer.

69
Les requérantes invoquent le «principe général du délai raisonnable», qui, selon elles, s’applique à l’adoption des décisions prises à l’issue des procédures administratives en matière de politique de la concurrence. Dérivé de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (CEDH), un tel principe aurait été consacré dans les arrêts du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission (T-213/95 et T-18/96, Rec. p. II-1739, point 56), du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit «PVC II» (T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T‑325/94, T-328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, points 120 et suivants), et du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission (T‑228/97, Rec. p. II‑2969, points 276 et suivants). Elles estiment en effet que la durée totale de la procédure, ainsi que celle de chacune des étapes qui la compose, excède notablement ce qui peut être considéré comme raisonnable. À ce titre, elles concluent à l’annulation de la décision attaquée. Selon elles, toute sanction autre que l’annulation ne serait pas à même de garantir l’effectivité du principe du délai raisonnable.

70
La mémoire des événements s’atténuant nécessairement avec l’écoulement du temps, les requérantes ne s’estiment plus en mesure d’assurer pleinement leur défense, puisque les faits qui leur sont reprochés remontent à de nombreuses années. Elles insistent sur le tort que leur a causé la poursuite d’une enquête en matière de concurrence. Elles excipent de leur intérêt à obtenir la conclusion rapide de la procédure, compte tenu de l’incertitude prolongée que ladite procédure a fait peser sur elles quant à l’éventualité de l’imposition d’une amende, ainsi que des atteintes à leur réputation résultant d’une telle enquête. Elles ajoutent que cette incertitude est également renforcée par la circonstance selon laquelle, le 22 février 1998, CEF les a assignées devant le tribunal civil de Rotterdam, en réparation du préjudice subi du fait de comportements prétendument anticoncurrentiels.

71
La Commission rejette cette argumentation et estime avoir déjà tiré toutes les conséquences du délai considérable de la procédure en réduisant le montant des amendes de 100 000 euros dans la décision attaquée.

72
Pour leur part, les intervenantes font valoir que l’annulation de la décision attaquée pour violation du délai raisonnable constituerait, à leur égard, une sanction contraire au principe de proportionnalité et reviendrait à valider une entente contraire à l’article 81 CE. En leur qualité de plaignantes, elles estiment avoir souffert de la durée de l’enquête. L’annulation de la décision attaquée les placerait dans la situation où elles se trouvaient lors du dépôt de leur plainte. Les conséquences préjudiciables d’une annulation seraient ainsi directement proportionnelles à la durée de la procédure. À cet égard, elles insistent sur les conséquences des arrêts de la Cour du 14 décembre 2000, Masterfoods et HB (C‑344/98, Rec. p. I‑11369), et du 20 septembre 2001, Courage et Crehan (C‑453/99, Rec. p. I-6297).

2. Appréciation du Tribunal

73
S’il est vrai que la Commission est tenue, conformément à la jurisprudence citée par les requérantes, de statuer dans un délai raisonnable dans les procédures administratives diligentées en matière de concurrence en application du règlement n° 17 et susceptibles d’aboutir aux sanctions prévues par celui-ci, le dépassement d’un tel délai, à le supposer établi, ne justifie pas nécessairement l’annulation de la décision attaquée.

74
En effet, s’agissant de l’application des règles de concurrence, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation que dans le cas d’une décision constatant des infractions, dès lors qu’il a été établi que la violation de ce principe a porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non‑respect de l’obligation de statuer dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative au titre du règlement n° 17 (arrêts du Tribunal PVC II, précité, point 122; du 14 février 2001, Sodima/Commission, T‑62/99, Rec. p. II‑655, point 94, et Trabisco/Commission, T‑26/99, Rec. p. II‑633, point 52; voir, en ce sens, les conclusions de l’avocat général M. Mischo sous l’arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, I‑8391, en particulier les points 75 à 86 des conclusions dans l’affaire C‑250/99 P).

75
En l’espèce, les parties s’accordent sur le caractère considérable de la durée de la procédure. Les requérantes estiment que la Commission en porte toute la responsabilité, ce que cette dernière conteste. De plus, les requérantes soutiennent que le dépassement d’un délai raisonnable a porté atteinte à leurs droits de la défense.

76
La Commission admet qu’un laps de temps considérable sépare la lettre d’avertissement à la FEG du 16 septembre 1991 et les vérifications du 8 décembre 1994. Elle n’offre cependant aucune justification permettant de comprendre l’origine de son inaction à ce stade de la procédure. Elle fait valoir que la procédure aurait duré moins longtemps si les requérantes avaient mis un terme aux comportements qui leur étaient reprochés.

77
Ce dernier argument ne saurait être accepté. En effet, il appartient à la Commission de procéder aux enquêtes avec la diligence requise. Le règlement n° 17 met à sa disposition des moyens lui permettant, éventuellement par la contrainte, de procéder à la recherche et à l’établissement des faits (sur ces moyens, voir arrêt du Tribunal du 20 février 2001, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑112/98, Rec. p. II‑729). En l’espèce, la Commission a attendu plus de trois ans après avoir adressé une demande de renseignements à TU le 25 juillet 1991, au titre de l’article 11 du règlement n° 17, pour effectuer les premières vérifications sur place. En l’absence d’information ou de justification complémentaire de la part de la Commission quant aux actes d’enquêtes diligentés au cours de cette période, il convient d’admettre qu’une telle durée est excessive et résulte d’une inaction imputable à la Commission.

78
Toutefois, la durée excessive de cette phase de la procédure administrative n’est pas, en soi, de nature à porter atteinte aux droits de la défense. Ainsi que l’a relevé l’avocat général M. Mischo aux points 40 à 53 de ses conclusions dans l’affaire C‑250/99 P, ayant donné lieu à l’arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, il convient en effet, aux fins de l’application du principe du délai raisonnable, d’opérer une distinction entre la phase d’instruction antérieure à la communication des griefs et le reste de la procédure administrative.

79
À cet égard, il y a lieu d’observer, d’une part, que, en matière pénale, le délai raisonnable visé à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH court à partir du moment où une personne se trouve accusée (voir Cour eur. D. H., arrêt Corigliano du 10 décembre 1982, série A n° 57, § 34) et, d’autre part, que les droits fondamentaux garantis par la CEDH sont protégés en tant que principes généraux du droit communautaire. Dans une procédure en matière de politique communautaire de la concurrence, telle que celle en cause dans la présente affaire, les intéressés ne font l’objet d’aucune accusation formelle jusqu’à la réception de la communication des griefs. Dès lors, la seule prolongation de cette étape de la procédure n’est pas, en soi, susceptible de porter atteinte aux droits de la défense.

80
Au contraire, la notification de la communication des griefs dans une procédure visant la constatation d’infraction suppose l’engagement de la procédure au titre de l’article 3 du règlement n° 17. Par l’engagement de cette procédure, la Commission manifeste sa volonté de procéder à une décision de constatation d’infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 février 1973, Brasserie de Haecht, 48/72, Rec. p. 77, point 16). D’autre part, ce n’est qu’à compter de la réception de la communication des griefs qu’une entreprise peut prendre connaissance de l’objet de la procédure qui est engagée contre elle et des comportements qui lui sont reprochés par la Commission. Les entreprises ont donc un intérêt spécifique à ce que cette étape de la procédure soit conduite avec une diligence particulière par la Commission, sans toutefois qu’il soit porté atteinte à leurs droits de la défense (arrêt PVC II, précité, point 132).

81
En l’espèce, cette phase de la procédure administrative a excédé 39 mois et ses principales étapes sont les suivantes:

communication des griefs: 3 juillet 1996;

procédure d’accès au dossier: 4, 6 et 9 septembre 1996;

observations en réponse de la FEG: 13 décembre 1996;

observations en réponse de TU: 13 janvier 1997;

transmission complémentaire des pièces du dossier: 16 septembre 1997;

mémoire ampliatif en réponse à la communication des griefs (FEG et TU): 10 octobre 1997;

audition des parties: 19 novembre 1997;

décision attaquée: 26 octobre 1999.

82
Le caractère raisonnable de cette étape de la procédure doit s’apprécier en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, de la conduite des parties au cours de la procédure, de l’enjeu de l’affaire pour les différentes entreprises et associations d’entreprises intéressées et de son degré de complexité.

83
En l’espèce, il convient de souligner la complexité des faits en cause, celle-ci tenant notamment à la nature du marché pertinent, au nombre important d’entreprises appartenant à la FEG et aux difficultés à établir la preuve de la participation des entreprises et de l’association d’entreprises aux infractions alléguées. Ainsi, la Commission a adressé la communication des griefs à sept entreprises ainsi qu’à la FEG et il est constant que son dossier comportait plus de 10 000 pages.

84
Pendant les seize mois qui se sont écoulés entre la communication des griefs et l’audition des parties, la Commission n’est pas restée inactive. Elle a examiné les réponses de la FEG et des entreprises destinataires de la communication des griefs ainsi que leurs mémoires ampliatifs déposés à la suite de sa décision d’organiser une procédure visant à accorder un accès supplémentaire au dossier le 16 septembre 1997. La durée de cette partie de la procédure ne revêt donc pas un caractère excessif.

85
En revanche, il s’est écoulé environ 23 mois entre l’audition des parties et la décision attaquée. Cette durée revêt un caractère considérable, sans qu’il soit possible d’en imputer la responsabilité aux requérantes ou à d’autres entreprises auxquelles la Commission avait adressé la communication des griefs. En effet, au titre des circonstances susceptibles de justifier la longueur de cette période, la Commission se limite à invoquer, en vain, l’ouverture d’une nouvelle enquête, à la suite de renseignements fournis par CEF concernant la poursuite des infractions. La Commission n’ayant pas fait valoir d’éléments permettant de considérer que la durée nécessaire à la préparation de la décision était imputable à des facteurs autres que son inaction prolongée, il ressort de ce qui précède que, en laissant s’écouler 23 mois après l’audition des parties, la Commission a excédé le délai normalement nécessaire à l’adoption de la décision attaquée.

86
Dès lors, il convient d’examiner si les droits de la défense ont été affectés par la durée de cette phase de la procédure.

87
S’agissant des arguments des requérantes tirés de la perte des preuves en raison de l’écoulement du temps, il convient, tout d’abord, d’observer que, en vertu du devoir général de prudence qui incombe à toute entreprise ou association d’entreprises, les requérantes sont tenues de veiller à la bonne conservation en leurs livres ou archives des éléments permettant de retracer leur activité, afin, notamment, de disposer des preuves nécessaires dans l’hypothèse d’actions judiciaires ou administratives. Lorsque les requérantes ont fait l’objet de demandes de renseignements de la part de la Commission au titre de l’article 11 du règlement n° 17, il leur appartenait, a fortiori, d’agir avec une diligence accrue et de prendre toutes les mesures utiles afin de préserver les preuves dont elles pouvaient raisonnablement disposer.

88
Ensuite, il y a lieu de constater que les infractions reprochées se poursuivaient encore au moment où la Commission a effectué les premières demandes de renseignements au titre de l’article 11 du règlement n° 17 auprès des requérantes, soit dès le mois de juin 1991 s’agissant de la FEG et le 25 juillet 1991 s’agissant de TU. Les infractions se sont encore poursuivies jusqu’en 1994, la Commission ayant estimé leur terme respectif au 25 février 1994, s’agissant de l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée, et au 24 avril 1994 pour celle visée à l’article 2 de la décision attaquée. Dans de telles circonstances, les requérantes ne sauraient sérieusement prétendre avoir rencontré des difficultés pour la préparation de leur défense, alors même que les infractions en cause ont perduré après l’ouverture de la procédure administrative.

89
Enfin, force est de constater que la Commission disposait du pouvoir d’arrêter une décision prononçant une sanction ou une amende aussi longtemps que la prescription des infractions n’était pas acquise. En application des articles 1er, paragraphes 1, sous b), et 2, ainsi que 2, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 2988/74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1), la prescription des poursuites est acquise dès lors que la Commission n’a pas prononcé une amende ou une sanction dans les cinq ans suivant son point de départ sans que, entre‑temps, soit intervenu un acte interruptif ou, au plus tard, dans les dix ans suivant le même point de départ si des actes interruptifs ont été accomplis.

90
En l’espèce, s’agissant d’infractions continues, la prescription court à compter du jour où l’infraction a pris fin, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 2988/74. La Commission ayant estimé que les infractions constatées avaient pris fin en 1994, et compte tenu des actes interruptifs de prescription intervenus ultérieurement, la prescription n’était pas acquise lorsque la Commission a adopté la décision attaquée, circonstance que les requérantes n’ont nullement contestée dans le cadre de la présente instance.

91
Aussi longtemps que la prescription prévue par le règlement n° 2988/74 n’est pas acquise, toute entreprise ou association d’entreprises faisant l’objet d’une enquête en matière de politique de la concurrence au titre du règlement n° 17 demeure dans l’incertitude quant à l’issue de cette procédure et l’imposition éventuelle de sanctions ou d’amendes. Ainsi, la prolongation de l’incertitude alléguée par les requérantes quant à leur sort et quant aux atteintes portées à leur réputation est inhérente aux procédures d’application du règlement n° 17 et ne constitue pas, en soi, une atteinte aux droits de la défense.

92
S’agissant de l’argument selon lequel l’inaction de la Commission aurait été préjudiciable aux requérantes en raison des procédures intentées par CEF à l’encontre de FEG et de TU devant les juridictions néerlandaises, il convient de considérer que, aux fins du présent recours en annulation, ces procédures judiciaires nationales sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. En outre, même fondé, cet argument ne saurait aboutir à la constatation d’une violation des droits de la défense ou à remettre en cause la validité des motifs de la décision attaquée.

93
Par conséquent, il y a lieu de conclure que l’allongement excessif de la procédure administrative après l’audition n’a pas affecté les droits de la défense des requérantes.

94
Dans le cadre des conclusions en annulation de la décision attaquée, c’est donc l’ensemble des arguments pris de la violation d’un délai raisonnable qui doivent être rejetés.

D – Violation du principe dit de «l’interprétation favorable» (affaire T‑6/00)

1. Arguments des parties

95
D’après TU, la présomption d’innocence, inscrite à l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH, aurait pour conséquence que des éléments de preuve à propos desquels un doute existe doivent être interprétés à décharge (voir Cour eur. D. H., arrêt Barberà, Messegué et Jabardo du 6 décembre 1988, série A n° 146, § 77, et arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, point 265).

96
En l’espèce, la Commission aurait enfreint ce principe et méconnu son devoir de diligence et d’indépendance en tirant, systématiquement, des conclusions de membres de phrases, afin d’en déduire la preuve d’infractions graves aux règles de concurrence. TU invoque à cet égard les éléments de preuve et appréciations de la Commission aux considérants 8, 37, 43, 44, 46 à 50, 57 à 66, 81 et 84 de la décision attaquée, qui ne permettraient pas de se forger la conviction absolue de l’existence des infractions. En conséquence, la requérante considère que ces éléments doivent être écartés des débats, la décision annulée et/ou l’amende réduite.

97
Pour sa part, la Commission conteste, à titre principal, l’applicabilité à l’espèce du principe in dubio pro reo. En effet, il appartiendrait uniquement à la Commission, dans les procédures régies par le règlement n° 17, d’apporter la preuve des griefs qu’elle retient (arrêt PVC II, précité, points 512 à 514).

98
À titre subsidiaire, la Commission conteste avoir tiré des conclusions à partir d’éléments parcellaires et réfute les arguments de la requérante.

2. Appréciation du Tribunal

99
Bien que présentés sous l’angle d’une violation des droits de la défense, les griefs de TU visent à mettre en cause la valeur probante des éléments à charge retenus par la Commission. Ils ne présentent pas de caractère autonome par rapport aux griefs relatifs à l’existence des infractions constatées. Ils seront donc examinés dans le cadre du moyen tiré de la violation de l’article 81 CE.

II – Sur l’existence des infractions à l’article 81 CE

100
À titre liminaire, il y a lieu d’observer que, dans sa requête, TU renvoie aux observations présentées au cours de la procédure administrative, en réponse à la communication des griefs (requête, point 64). Ce renvoi vise les pièces annexées de manière générale et ne permet pas d’identifier les arguments qui pourraient être considérés comme complétant les moyens développés dans la requête. Dès lors, pour autant qu’elle renvoie aux mémoires en réponse à la communication des griefs, la requête ne satisfait pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et ne saurait être prise en considération.

101
En effet, si le corps de la requête peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexés, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêt du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T‑84/96, Rec. p. II‑2081, point 34). Ainsi, il convient d’écarter des débats les mémoires en réponse à la communication des griefs en tant que TU s’y réfère de manière générale pour compléter l’argumentation développée dans la requête.

102
Pour le reste, les requérantes ont contesté dans leurs écritures la définition du marché pertinent, l’existence d’infractions à l’article 81 CE ainsi que leur imputabilité.

A – Détermination du marché pertinent

1. Décision attaquée

103
Après avoir envisagé plusieurs définitions (décision attaquée, considérants 13 et 14), la Commission a finalement retenu comme pertinent le marché de la vente en gros de matériel électrotechnique. La décision attaquée est en effet rédigée comme suit:

«(15)
Le marché de produits le plus large que l’on puisse définir est le marché de gros. Sur ce marché, la concurrence se déroule entre grossistes individuels vendant une large gamme de produits qui relèvent du concept de matériel électrotechnique. Bien que ces produits ne soient pas tous nécessairement substituables ni du point de vue de la demande ni du point de vue de l’offre, de solides arguments plaident en faveur de la conclusion que tous ces produits font partie d’un marché unique. Pour arriver à cette conclusion, il convient d’examiner la ou les fonctions spécifiques que le grossiste remplit pour un grand nombre de ses clients, tels que les installateurs et les détaillants en électrotechnique. Cette fonction consiste notamment à offrir, à partir d’un stock, un large assortiment de matériels électrotechniques. Les installateurs ont, par exemple, souvent besoin d’une grande quantité de produits différents pour l’exécution d’un projet et ils préfèrent acheter ces produits à un grossiste plutôt qu’à un fournisseur spécialisé dans un produit ou un groupe de produits. Cette approche simplifie leur politique d’achat et est plus avantageuse du point de vue logistique et financier. Sous cet angle, la concurrence s’exerce surtout entre les différents grossistes [...]. Le commerce de gros est également soumis à la concurrence des fabricants qui pratiquent la vente directe, mais cette concurrence est plus limitée [...]

(16)
La pratique décisionnelle de la Commission tend à confirmer la préférence pour la dernière définition du marché de produits en cause [...]»

2. Arguments des parties

104
Les requérantes prétendent que l’analyse du marché est affectée de plusieurs erreurs. Par convention, elles désignent les fabricants, agents et importateurs par le vocable de «fournisseurs».

105
En premier lieu, les requérantes récusent la thèse de la Commission, selon laquelle la définition du marché pertinent peut être circonscrite au commerce de gros de matériel électrotechnique. Elles allèguent, tout d’abord, que la Commission a négligé l’importance de la concurrence directe entre les grossistes et leurs fournisseurs. Les requérantes estiment en effet que la moitié des acheteurs professionnels s’approvisionneraient directement auprès des fournisseurs, sans recourir aux services des grossistes.

106
La FEG précise à cet égard que, avec une part de marché d’environ 50 %, il serait exclu que les grossistes puissent augmenter les prix ne serait ce que de 5 %, sans que la demande se reporte immédiatement sur l’offre émanant directement des fournisseurs. Il serait erroné de considérer que ces ventes effectuées directement par les fournisseurs ne concernent que quelques très gros clients ou des opérations ponctuelles. En outre, les fournisseurs ne feraient pas tous appel à un nombre restreint de revendeurs. En revanche, la FEG souligne que, lorsqu’un fournisseur décide de sélectionner ses revendeurs, l’adhésion à la FEG de ces derniers ne constitue pas un critère déterminant de sélection. Les grossistes qui n’appartiennent pas à la FEG ne rencontreraient aucun problème particulier d’approvisionnement.

107
En deuxième lieu, TU reproche à la Commission d’avoir sous-estimé la complexité du marché du matériel électrotechnique aux Pays‑Bas. TU expose que la demande de matériel électrotechnique émane des installateurs et autres opérateurs de l’industrie, du secteur du bâtiment et des travaux publics ainsi que des revendeurs détaillants. Elle distingue parmi eux les acheteurs primaires (installateurs professionnels et revendeurs au détail) et les acheteurs secondaires (installateurs, industrie de transformation, autorités publiques, associations de construction de logements et hôpitaux).

108
TU explique que les acheteurs exigent de pouvoir commander et être livrés à bref délai pour un vaste assortiment de produits, ainsi que de disposer d’une information à jour sur les caractéristiques techniques des produits, leurs prix et les stocks disponibles. Répondre à ces exigences constitue, selon TU, le noyau de la fonction de «grossiste‑stockiste» (annexe 37a à la réplique). Du fait de cette spécialisation et de la distinction entre acheteurs primaires et secondaires, il n’existerait pas un marché unique, mais au moins neuf marchés distincts.

109
Quant aux fournisseurs de grandes marques de matériel électrotechnique, TU expose qu’ils préfèrent faire appel à des grossistes capables d’offrir des services complémentaires (capacité de stockage, couverture géographique, information, service après‑vente). En sélectionnant leurs grossistes, les fournisseurs seraient en mesure de réduire leurs coûts de surveillance, de mercatique et de formation. Ils chercheraient à établir une relation basée sur le partenariat, dans laquelle les grossistes assurent la promotion de la marque et s’investissent dans la connaissance des produits et disposent d’un large assortiment d’articles en stock.

110
Les fabricants étrangers, d’après TU, représentent 52 % du marché, en raison des normes et standards techniques en vigueur aux Pays‑Bas, qui favorisent les fabricants nationaux. Les fabricants étrangers les plus importants disposeraient de leurs propres établissements aux Pays‑Bas, les autres étant représentés par des importateurs ou des agents. Enfin, quelques grossistes s’approvisionneraient directement à l’étranger.

111
En troisième lieu, TU reproche à la Commission d’avoir surestimé l’importance de la NAVEG et de ses membres, d’un point de vue tant qualitatif que quantitatif.

112
En quatrième lieu, les requérantes soulignent les différences commerciales qui opposent CEF aux membres de la FEG, afin de démontrer que les déconvenues de CEF sont exclusivement attribuables à l’échec de sa politique commerciale, fondamentalement inadaptée au marché néerlandais. Cette allégation serait confirmée par un expert indépendant, M. Traas, dont la Commission aurait ignoré le rapport. TU expose ainsi que, depuis de nombreuses années, elle offre aux fournisseurs et à ses clients des services à valeur ajoutée, grâce à l’étendue de sa gamme de produits, à l’importance de ses stocks et de ses moyens informatiques. En revanche, les requérantes font valoir que CEF n’est pas un véritable «grossiste‑stockiste», mais plus vraisemblablement un revendeur détaillant. Elles estiment qu’une telle politique, adaptée au marché britannique, ne pouvait réussir aux Pays‑Bas.

113
Dans ces circonstances, il serait naturel que certains fournisseurs n’aient pas voulu confier à CEF la distribution de leurs produits. Des années de négociation seraient souvent nécessaires avant qu’un fournisseur de renom ne décide d’intégrer un grossiste dans son réseau. TU invoque à cet égard les témoignages de plusieurs fournisseurs, collectés par ses soins, et FEG se réfère à l’enquête menée par la Commission (requête, annexes 20, 25 et 31).

114
La Commission conteste ces arguments. Tout d’abord, elle rappelle que les accords qui ont pour objet de restreindre la concurrence sont prohibés par l’article 81, paragraphe 1, CE, sans qu’il soit nécessaire de prendre en considération leurs effets (arrêts de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429, et du Tribunal du 27 octobre 1994, Fiatagri et New Holland Ford/Commission, T‑34/92, Rec. p. II-905, point 49). Compte tenu de l’objet des infractions, une définition erronée du marché ne pourrait, de plus, entraîner l’annulation de la décision attaquée. Elle souligne que l’importance que les acheteurs peuvent attacher aux services offerts par les grossistes conforte la thèse de la décision attaquée, selon laquelle il existerait un marché propre à ce type de services.

115
Ensuite, la Commission s’interroge sur l’objet et la pertinence des allégations de TU quant à la structure du marché et à l’importance de la NAVEG et de ses membres, au regard de la définition du marché pertinent.

116
Enfin, s’agissant des allégations relatives à l’échec commercial de CEF, la Commission rétorque qu’elles se limitent à des spéculations. Elle ajoute que la thèse selon laquelle les services de CEF seraient profondément différents de ceux offerts par les membres de la FEG est manifestement contredite par les efforts déployés par ces derniers, ainsi que par la FEG, pour s’opposer à l’approvisionnement de CEF (voir, notamment, décision attaquée, considérants 53 à 66).

3. Appréciation du Tribunal

117
Les requérantes contestent la définition du marché retenue dans la décision attaquée, en faisant valoir qu’elle repose sur une délimitation trop restreinte du produit pertinent. Elles ne remettent toutefois pas en cause la définition du marché dans sa dimension géographique.

118
Tout d’abord, la définition du produit pertinent ne vise que l’activité de distribution de matériel électrotechnique par les grossistes. Il s’ensuit que le foisonnement d’arguments techniques de TU relatifs à la structure complexe du marché du matériel électrotechnique est dénué de pertinence: il concerne la production du matériel électrotechnique et non l’activité spécifique de distribution et de vente de ces biens sur le marché géographique pertinent. De même, les arguments de TU pris d’une surestimation de l’importance économique de la NAVEG sont, à ce stade de l’analyse, dénués de pertinence.

119
Ensuite, les requérantes n’ont pas avancé d’éléments permettant de mettre en doute le fait que les activités de distribution effectuées par les grossistes sont dotées de caractéristiques propres permettant de les distinguer des autres canaux de distribution rivaux. Au contraire, leur insistance, partagée par la Commission, à argumenter sur des caractéristiques telles que les capacités de stockage et de livraison, ainsi que les services auxiliaires (après‑vente, expertise du personnel de vente), vient conforter la constatation qu’il existe un marché spécifique à l’activité de distribution des grossistes.

120
Si TU et, dans une moindre mesure, la FEG cherchent essentiellement à démontrer que l’activité des membres de la FEG est distincte de celle de CEF, une telle argumentation est dénuée de pertinence. En effet, les infractions retenues dans la décision attaquée ne concernent pas directement les refus de vente dont CEF s’est estimée victime, mais l’existence d’accords et de pratiques concertées entre grossistes membres de la FEG, visant à altérer le fonctionnement normal de la concurrence.

121
Enfin, les requérantes mettent en cause l’analyse de la substituabilité de l’activité de distribution assurée par les grossistes avec d’autres canaux de distribution rivaux. En effet, elles soulignent que près de la moitié des ventes de matériel électrotechnique sont réalisées directement par les fabricants, sans faire appel aux grossistes. Par cette précision, elles soulignent la fongibilité de ces deux types de canaux de distribution et, partant, proposent une définition alternative du marché en cause, élargie à l’ensemble de l’offre de matériel électrotechnique.

122
Toutefois, force est de constater que cet argument a été pris en compte dans la décision attaquée. D’une part, au considérant 23 de celle‑ci, la Commission précise: «Le matériel destiné aux grandes entreprises d’installation, aux groupements d’achats, etc., est souvent livré directement, sans intervention du commerce de gros, par les fabricants ou leurs agents/importateurs. Le reste, environ la moitié selon les estimations de la FEG, est distribué par l’intermédiaire du commerce de gros.» D’autre part, se fondant sur des documents de la FEG (inventoriés à la note n° 24), la décision attaquée (considérant 24) précise que les membres de cette association détiennent environ 96 % du marché et que, si l’on tient compte d’une définition de celui-ci élargie aux livraisons directes des fabricants, cette part de marché est d’environ 50 %. Les requérantes n’ont pas contesté ces données.

123
À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de l’application de l’article 81 CE, c’est pour déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun qu’il faut définir le marché en cause. C’est pourquoi les griefs formulés à l’encontre de la définition du marché retenue par la Commission ne sauraient revêtir une dimension autonome par rapport à ceux relatifs à l’atteinte à la concurrence (voir arrêts du Tribunal du 21 février 1995, SPO/Commission, T‑29/92, Rec. p. II‑289, points 74 et 75, et du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec. p. II-3141, points 90 à 105).

124
Il convient, dès lors, d’admettre que c’est à juste titre que la Commission a pu considérer, au considérant 16 de la décision attaquée:

«Quelle que soit la définition du marché retenue, cela n’a cependant qu’une influence limitée sur la présente affaire, étant donné que les membres de la FEG, comme il ressort des informations fournies ci-dessous, détiennent une position forte, voire très forte, sur chacun des marchés.»

125
Par conséquent, les griefs relatifs à la délimitation du marché pertinent doivent être rejetés.

B – Régime collectif d’exclusivité entre la FEG et la NAVEG (article 1er de la décision attaquée)

126
La Commission a décidé que la FEG et TU avaient commis une première infraction à l’article 81 CE en mettant en œuvre un régime collectif d’exclusivité visant à empêcher les livraisons aux entreprises n’appartenant pas à la FEG (décision attaquée, article 1er). Elle a estimé que cette infraction se composait de deux éléments. Il s’agissait, d’une part, d’un accord d’approvisionnement exclusif entre la FEG et la NAVEG et, d’autre part, de pratiques concertées par lesquelles la FEG et ses membres avaient cherché à étendre ledit accord à certains fournisseurs qui n’appartenaient pas à la NAVEG (décision attaquée, considérants 39 et 101). Il convient d’examiner successivement les griefs relatifs à ces deux éléments.

1. Gentlemen’s agreement entre la FEG et la NAVEG

a) Rappel de la décision attaquée

127
La Commission a considéré que le gentlemen’s agreement «a[vait] pour caractéristique que les membres de la NAVEG et les fournisseurs qui y particip[ai]ent n’[avaient] le droit d’approvisionner que les grossistes qui [étaient] membres de la FEG» (décision attaquée, considérant 39). Au considérant 103, la Commission précise que «la NAVEG s’est engagée à l’égard de la FEG à conseiller à ses membres de ne fournir en matériel électrotechnique que les sociétés de commerce de gros appartenant à la FEG». La relation d’exclusivité n’était toutefois pas réciproque:

«Les membres de la FEG [étaient] en principe libres d’acheter aussi des produits à des entreprises qui ne particip[ai]ent pas au régime.» (Décision attaquée, considérants 45 et 103.)

128
Dans la décision attaquée, la Commission a tout d’abord souligné l’absence d’un accord formalisé par un écrit (décision attaquée, considérant 40), ce qu’elle a attribué à des circonstances historiques. En effet, entre 1928 et 1959, la FEG, la NAVEG, ainsi que la Bond van Grossiers in Electrotechnische Artikelen (Union des grossistes en articles électrotechniques, ci-après la «BOGETA»), une troisième association représentant des grossistes, étaient liées par un accord d’exclusivité réciproque, l’accord AGC. Toutefois, le 11 décembre 1957, le ministre des Affaires économiques néerlandais a déclaré l’accord AGC illicite en raison de son caractère anticoncurrentiel (décision attaquée, considérant 42).

129
Selon la Commission, les parties à l’accord AGC ont choisi d’ignorer cette décision et de poursuivre leur coopération, sur la base d’un gentlemen’s agreement. Ainsi, selon le procès-verbal d’une réunion de la BOGETA du 24 janvier 1958 (décision attaquée, considérant 43):

«Ce que l’on prévoyait s’est produit. Après que la perspective de dissolution de l’AGC à plus ou moins long terme était apparue lors d’un entretien avec le ministre Zijlstra, les responsables de l’association néerlandaise (FEG), de [la] NAVEG et de [la] BOGETA se sont réunis pour déterminer la ligne de conduite à adopter en cas de dissolution. En fait, il y aura peu de changements: un gentlemen’s agreement entre fabricants, agents et grossistes agréés remplacera l’AGC. Le contrat agents-grossistes devient un contact agents-grossistes. L’ancien système était unanimement considéré comme bon et fonctionnant de manière satisfaisante.»

130
Dans la décision attaquée, la Commission estime avoir prouvé l’existence d’un gentlemen’s agreement pour la période comprise entre 1986 et 1994 (décision attaquée, considérant 103 et renvoi aux considérants 44 à 52) à partir d’un faisceau d’indices documentaires. Elle a, en particulier, identifié des documents rendant compte de propos échangés au cours de deux réunions pendant lesquelles la FEG et la NAVEG avaient évoqué le régime collectif d’exclusivité.

131
La première de ces réunions a eu lieu le 11 mars 1986 (décision attaquée, considérant 46). Le procès‑verbal de l’assemblée générale de la NAVEG du 28 avril 1986 indique, à propos de cette réunion:

«Dans le cadre des accords entre les deux associations, les livraisons aux sociétés Nedeximpo, Dego, van de Meerakker et Hagro ne sont pas souhaitables.»

132
La Commission précise qu’aucune de ces sociétés n’était alors membre de la FEG.

133
La seconde réunion a eu lieu le 28 février 1989. Au considérant 46 de la décision attaquée, la Commission a retenu trois documents à titre d’éléments de preuve des propos qui y furent échangés:

procès-verbal de l’assemblée générale de la NAVEG du 24 avril 1989;

compte rendu de la réunion du 28 février 1989, rédigé par la NAVEG;

compte rendu de la réunion du 28 février 1989, rédigé par la FEG (décision attaquée, considérant 46, document cité à la note n° 48).

134
Selon la décision attaquée, le premier de ces documents indique que, le 28 février 1989, la FEG a demandé à la NAVEG de conseiller à ses membres d’arrêter les livraisons aux entreprises qui se retireraient de la FEG. Aux termes de la décision attaquée (considérant 46):

«Les membres de la NAVEG ne sont certes pas obligés d’approvisionner ceux de la FEG, mais ‘les livraisons s’effectuent sur la base d’un gentlemen’s agreement et il convient de noter, à cet égard, que le fait de livrer à des entreprises qui ne sont pas membres de la FEG peut constituer un obstacle’.»

135
Le deuxième document indique, d’après la décision attaquée, que la FEG avait interrogé la NAVEG sur l’attitude qui serait la sienne lorsqu’un grossiste membre de la FEG se retirerait de cette association. La NAVEG aurait alors répondu que «le mot d’ordre sera[it] de ne pas livrer», ce qui aurait, par ailleurs, été confirmé par le troisième document.

136
La Commission attribue l’existence du régime d’exclusivité et, en particulier, son caractère unilatéral, au rapport de forces entre la FEG et la NAVEG. Il est en effet constant que les membres de la FEG détiennent une part de marché de 96 %, selon une définition étroite du marché pertinent, et de 50 % selon une définition élargie. Selon la décision attaquée, cette puissance économique explique l’intérêt que représente, pour les membres de la NAVEG, le régime collectif d’exclusivité. La Commission a estimé que cet intérêt ressortait également des éléments suivants (décision attaquée, considérant 47):

une lettre du 23 août 1991 adressée par Hofte, une société membre de la NAVEG, à Paul Hochköpper & Co., un fabricant de matériel électrotechnique. Cette lettre fait suite à la demande de renseignements adressée à Hofte par la Commission le 25 juillet 1991 et contient le passage suivant:

«[...] La NAVEG se trouvait évidemment dans une position un peu plus difficile, étant donné qu’il n’existe certes pas de lien officiel avec la FEG, mais une sorte de relation idéale [ideelle Verbindung]. Néanmoins, la position que nous faisons valoir à Bruxelles est la suivante: ‘Dans vos documents, vous soutenez que les membres de la FEG détiennent 98 % du marché. En tant qu’agent membre de la NAVEG, il nous est impossible de ne pas prendre en considération les souhaits de la FEG, car celle‑ci représente la quasi-totalité de notre chiffre d’affaires. Si cela vous pose des problèmes, votre seul interlocuteur est la FEG’»;

le compte rendu de l’assemblée des membres de la NAVEG du 9 mai 1988, ainsi rédigé:

«Étant donné que la majeure partie du chiffre d’affaires des agents membres est réalisé avec les membres de la FEG, une bonne collaboration présente néanmoins un intérêt considérable.»

137
Dans la décision attaquée, la Commission a invoqué plusieurs exemples de mise en œuvre du régime collectif d’exclusivité.

138
En premier lieu, la Commission relève que, pour le bon fonctionnement du gentlemen’s agreement, il était nécessaire que les deux associations échangent des informations, telles que la liste des entreprises membres de la FEG. La Commission a retenu plusieurs documents qui font état de tels échanges d’informations (décision attaquée, considérants 48 et 49):

«[…] une lettre de la NAVEG au secrétaire de la FEG en date du 27 septembre 1989, par laquelle elle s’enquérait de la situation concernant la demande d’adhésion à la FEG introduite par CEF. La NAVEG dit: ‘Plusieurs fabricants étrangers, qui sont représentés par nos membres, approvisionnent cette organisation dans d’autres pays et souhaitent le faire aussi aux Pays-Bas. Toutefois, tant que [CEF] n’est pas admise au sein de la FEG, la direction conseille bien entendu à ses membres de ne pas procéder à des livraisons.’ Le passage suivant met en évidence les risques commerciaux qu’implique, par ailleurs, un tel conseil: ‘Plusieurs membres qui, dans le passé, ont suivi un conseil analogue à l’égard de Nedeximpo se voient, maintenant que Nedeximpo a acquis la qualité de membre de la FEG, rejetés en tant que fournisseurs’,

selon le compte rendu de la réunion du 28 février 1989 entre la FEG et la NAVEG, il a été convenu que [la NAVEG] communiquerait à la FEG les adresses des grossistes dont elle considérait qu’ils devaient devenir membres de la FEG.»

139
En second lieu, la Commission a relevé plusieurs exemples de mise en œuvre des «conseils» de la NAVEG par ses membres. Ainsi, la décision attaquée indique:

«(50)
Il s’avère que les membres de la NAVEG suivent aussi les ‘conseils’ donnés par l’association dans la pratique. Par exemple, Hateha, un membre de la NAVEG qui représente d’importants fabricants [...] a fait savoir explicitement à CEF qu’il ne livrait que par l’intermédiaire de grossistes appartenant à la FEG et que toute livraison à CEF était par conséquent exclue [...]. L’observation des parties selon laquelle Hateha utilisait le critère de l’appartenance à la FEG pour établir la solvabilité de l’entreprise concernée n’est pas convaincante, d’autant plus qu’il existe des méthodes plus précises pour s’assurer de la santé financière d’une entreprise: l’appartenance à la FEG ne constitue pas en soi une garantie absolue à cet égard. Enfin, on peut encore faire observer que le directeur de Hateha était à l’époque aussi secrétaire de la NAVEG et que celle-ci était établie à la même adresse que Hateha. Dans les années 80, Hateha avait du reste déjà indiqué à une autre entreprise n’appartenant pas à la FEG, Frigé, qu’il n’était pas possible de l’approvisionner car elle n’était pas membre de la FEG [...]

(51)
Un autre membre de la NAVEG, Hemmink [...] a également refusé – après concertation avec la FEG, la société membre de la FEG Schiefelbusch et d’autres membres de la NAVEG – d’approvisionner directement une entreprise n’appartenant pas à FEG (Van de Meerakker). Le directeur de Hemmink était à l’époque également secrétaire de la NAVEG, et celle-ci était établie à la même adresse que Hemmink [...]. L’argument invoqué par les parties selon lequel il s’agissait, en l’occurrence, d’un acte purement unilatéral de Hemmink sans aucun rapport avec un éventuel gentlemen’s agreement entre la FEG et la NAVEG ne tient pas compte des circonstances [...] Le directeur de Hemmink était, en tant que secrétaire de la NAVEG, sans aucun doute informé du conseil que la NAVEG donnait à ses membres de ne livrer qu’aux membres de la FEG. Le comportement décrit ci‑dessus, qui consiste à s’informer sur l’appartenance d’un grossiste à la FEG avant de décider de l’approvisionner ou non, est conforme à cette politique.

(52)
Les membres de la NAVEG ne se souciaient manifestement pas d’exposer aussi longuement les raisons de leur refus de fournir au client potentiel. Le passage suivant de la lettre précitée de la société Hofte, membre de la NAVEG, à Paul Hochköpper & Co. est éloquent à cet égard:

à propos de la plainte déposée par CEF auprès de la Commission, on peut y lire: ‘Qui plus est, elle a naturellement transmis des documents, dont certains émanant malheureusement d’agents membres de la NAVEG, qui n’ont pas réfléchi, dans lesquels il était indiqué qu’on ne pouvait pas l’approvisionner car elle n’était pas membre de la FEG’ [...]»

b) Sur la matérialité des faits

140
Les requérantes contestent l’existence du gentlemen’s agreement. TU fait tout d’abord valoir qu’un régime collectif d’exclusivité unilatéral, tel qu’envisagé dans la décision attaquée, n’aurait aucune utilité. Les requérantes attaquent tour à tour les appréciations relatives aux rapports de force entre la FEG et la NAVEG, à la genèse du gentlemen’s agreement, puis celles concernant les réunions entre la FEG et la NAVEG et, enfin, celles qui ont trait à sa mise en œuvre.

141
À la lumière de ces arguments, il convient d’apprécier si, dans la décision attaquée, la Commission s’est acquittée de la charge de la preuve qui lui incombait lorsqu’elle a conclu à l’existence d’un gentlemen’s agreement dont il existerait des preuves à compter du 11 mars 1986. Cette appréciation repose sur une évaluation globale de l’ensemble des preuves et indices pertinents.

Utilité d’un régime collectif d’exclusivité

– Arguments des parties

142
Premièrement, TU soutient que les membres de la NAVEG ne pouvaient pas conclure un accord poursuivant un objet anticoncurrentiel tel que celui envisagé par la Commission. En effet, en leur qualité d’agents, ils ne disposeraient pas du pouvoir d’engager leurs mandants d’une telle manière.

143
Deuxièmement, TU ajoute que le prétendu régime collectif d’exclusivité nタルa aucun sens compte tenu de son caractère unilatéral. Dans la mesure où les membres de la FEG demeurent libres de s’approvisionner auprès de fabricants qui n’appartiennent pas à la NAVEG, les membres de cette association n’auraient aucun intérêt à conclure un tel accord.

144
Troisièmement, s’il y avait eu un régime collectif d’exclusivité, tous les membres de la FEG auraient pu revendiquer un droit égal à des livraisons de la part des fournisseurs. Or, tel ne serait pas le cas.

145
Quatrièmement, TU prétend que les fournisseurs ne traitent pas avec CEF parce qu’ils préfèrent limiter leur réseau de distribution à quelques grossistes capables de leur offrir des services à valeur ajoutée.

146
La Commission rétorque que ce sont les membres de la NAVEG, et non leurs mandants, qui, dans la grande majorité des cas, décident de leur politique commerciale sur le marché néerlandais. La Commission soutient que le régime collectif d’exclusivité est la conséquence d’un rapport de forces profondément déséquilibré entre la NAVEG et la FEG, en faveur de cette dernière. Pour écouler leurs marchandises, les membres de la NAVEG auraient tout intérêt à tenir compte des souhaits de la FEG. Le régime collectif d’exclusivité viserait à empêcher les membres de la NAVEG de fournir du matériel électrotechnique à des grossistes non affiliés à la FEG. Toutefois, la Commission admet que les membres de la NAVEG n’étaient pas tenus d’approvisionner les membres de la FEG.

– Appréciation du Tribunal

147
S’agissant du premier argument de TU, il convient de relever qu’est dénuée de pertinence la question de savoir si les membres de la NAVEG, en leur qualité d’agents, étaient autorisés par leurs mandants à conclure un accord d’exclusivité avec la FEG. Est seule pertinente, au regard de la décision attaquée, la question de savoir si cet accord existait. À cet égard, il convient de rappeler que l’accord d’exclusivité en cause ne concernait que les ventes effectuées sur le marché néerlandais par les agents eux-mêmes et non les ventes conclues directement par leurs mandants. En tout état de cause, l’argument de TU est insuffisamment étayé pour remettre en cause les constatations de fait opérées aux considérants 47 à 52 de la décision attaquée. Ce premier argument doit donc être rejeté.

148
Le deuxième argument de TU concerne la question de savoir si un régime collectif d’exclusivité unilatéral est dépourvu de sens. À cet égard, il suffit de constater que les membres de la FEG disposaient d’une puissance économique sur le marché pertinent qui suffit à expliquer le caractère unilatéral du lien d’exclusivité avec la NAVEG. Avec une part du marché pertinent d’environ 96 %, les membres de la FEG jouissaient d’une position dominante (voir décision attaquée, considérant 67). Quand bien même la définition élargie du marché pertinent serait retenue, les membres de la FEG disposaient, avec une part de marché agrégée de 50 % environ, d’une puissance économique considérable sur le marché de la distribution du matériel électrotechnique aux Pays‑Bas (distribution directe, par grossistes et détaillants). En leur qualité de principaux acheteurs de ce type de marchandises, les membres de la FEG disposaient ainsi collectivement d’un poids économique considérable leur conférant une puissance d’achat que la NAVEG et ses membres ne pouvaient ignorer.

149
Dans de telles conditions, c’est à juste titre que la Commission a pu estimer que les membres de la NAVEG avaient intérêt à se plier aux exigences des membres de la FEG lorsque ceux-ci adoptaient une position coordonnée, puisqu’ils «dépend[ai]ent de la FEG pour la majeure partie de leur chiffre d’affaires» (décision attaquée, considérant 47). Le régime collectif d’exclusivité envisagé dans la décision attaquée constituait ainsi un moyen permettant aux membres de la FEG de s’assurer l’exclusivité de l’approvisionnement des fournisseurs affiliés à la NAVEG. Les entreprises de vente en gros de matériel électrotechnique qui n’appartenaient pas à la FEG étaient par conséquent exclues d’un tel régime collectif d’exclusivité et se trouvaient donc placées, aux fins de leur approvisionnement, dans une situation économique désavantageuse par rapport aux membres de la FEG.

150
Par conséquent, le caractère unilatéral du régime collectif d’exclusivité n’est pas de nature à jeter un doute sur la validité de la thèse défendue par la Commission dans la décision attaquée. Au contraire, il convient de considérer, à la lumière de la puissance économique collective des membres de la FEG, qu’un tel régime constituait un moyen destiné à limiter la compétitivité de leurs rivaux, en restreignant leur accès à certaines sources d’approvisionnement en matériel électrotechnique aux Pays-Bas. Le deuxième argument de TU doit donc être rejeté.

151
Par son troisième argument, TU fait valoir que le fait que les membres de la FEG n’ont pas exigé de leurs fournisseurs un «droit égal à des livraisons» contredirait la thèse de l’existence d’un régime collectif d’exclusivité. Il y a lieu de constater que cet argument repose sur la prémisse selon laquelle le caractère collectif du régime d’exclusivité supposerait nécessairement une parfaite égalité dans sa mise en œuvre par ses bénéficiaires. Or, le droit à un traitement égalitaire dont se prévaut ainsi TU n’est pas une condition essentielle au fonctionnement d’un régime collectif d’exclusivité, tel que celui envisagé en l’espèce. Dès lors, cet argument, qui n’est, d’ailleurs, étayé par aucun élément tangible, doit être rejeté.

152
Enfin, s’agissant du quatrième argument, selon lequel les fournisseurs préféreraient maintenir des relations d’affaires avec les membres de la FEG en raison de la qualité de leurs services, force est de constater que la Commission s’est appuyée, dans la décision attaquée, sur un certain nombre de pièces à charge afin de démontrer que les refus de vente opposés aux grossistes qui n’appartenaient pas à la FEG étaient la conséquence d’une collusion entre les membres de cette association. Cet argument est donc indissociable de ceux par lesquels les requérantes contestent la valeur probante des pièces qui ont été retenues contre elles, arguments qui seront examinés ultérieurement.

Rapport de forces entre la FEG et la NAVEG

– Arguments des parties

153
La FEG conteste les appréciations de la Commission relatives au déséquilibre des puissances économiques respectives de la FEG et de la NAVEG. Elle soutient que, au considérant 47 de la décision attaquée, la Commission a affirmé sans aucun fondement que la puissance économique de la NAVEG est minime par rapport à celle de la FEG. Or, il serait erroné de penser que les membres de la FEG agissent de manière coordonnée et disposent de ce fait d’une quelconque puissance économique. Elle ajoute que les deux documents invoqués par la Commission (la lettre de la société Hofte, adhérent de la NAVEG, à Paul Hochköpper & Co. en date du 23 août 1991 et le compte rendu de l’assemblée générale de la NAVEG du 9 mai 1988) sont dépourvus de caractère probant.

154
Pour sa part, TU reproche à la Commission d’avoir surestimé l’importance de la NAVEG et de ses membres, tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif.

155
En premier lieu, TU fait valoir que la grande majorité des membres de la NAVEG sont des agents de fabricants de moindre renommée (réponse du 28 août 1991 de la NAVEG aux questions de la Commission; annexe 19 à la requête). Elle conteste l’affirmation selon laquelle «les quelque 30 membres de la NAVEG représentent environ 400 fabricants – principalement étrangers – de matériel électrotechnique sur le marché néerlandais» (décision attaquée, considérant 21) et estime que seulement dix membres de la NAVEG représentent des marques de grand renom (annexe 41b à la réplique).

156
En second lieu, TU allègue que les membres de la NAVEG ne représenteraient collectivement qu’une faible proportion du marché.

157
Premièrement, leur part de marché (décision attaquée, considérant 23) serait surévaluée. TU rappelle que le chiffre d’affaires annuel total du marché néerlandais de matériel électrotechnique pour la période 1992 à 1994 était compris entre 1,36 et 1,82 milliard d’euros (décision attaquée, considérant 23). Avec un chiffre d’affaires agrégé de 84 millions d’euros (décision attaquée, considérant 21), les membres de la NAVEG disposeraient ainsi de parts de marché comprises entre 4,6 et 6,2 %. TU souligne que la Commission a méconnu ses propres données en se basant sur une part de marché provisoire de 10 % au considérant 23 de la décision. La Commission aurait alors multiplié par deux la part de marché des agents de la NAVEG pour fixer celle-ci à environ 20 % (décision attaquée, considérant 23).

158
Deuxièmement, TU considère que l’évaluation du chiffre d’affaires des membres de la NAVEG à 84 millions d’euros en 1993 est trop élevée et repose sur une méthode de calcul peu transparente. Tout d’abord, TU considère comme irréaliste l’affirmation de la Commission (décision attaquée, note n° 20) selon laquelle cette estimation est probablement inférieure à la vérité. Ensuite, elle fait valoir que, dans la mesure où les membres de la NAVEG ne sont que des agents, le chiffre d’affaires agrégé est, en grande partie, celui des fabricants qu’ils représentent. Enfin, TU soutient que les statistiques de la NAVEG, sur lesquelles la Commission s’est appuyée (note n° 20 de la décision; annexe 41a à la réplique), manquaient de fiabilité au point de contraindre la NAVEG à mettre un terme à leur collecte après 1994.

159
En conclusion, TU estime que le poids économique de la NAVEG serait quinze fois moins important que ne le suggère la Commission dans la décision attaquée.

160
La Commission rejette les arguments de TU, qu’elle estime pour la plupart dénués de pertinence. Par ailleurs, les allégations de TU seraient contredites par la FEG, qui évalue à 10 % environ la part de marché des membres de la NAVEG (décision attaquée, considérant 23), et par la réponse de TU à la communication des griefs dans laquelle cette part est estimée à 7 % (réponse à la communication des griefs, page 6). De même, l’évaluation à 400 du nombre des membres de la NAVEG serait directement tirée de la réponse de la FEG à la communication des griefs (dossier F-22-209).

– Appréciation du Tribunal

161
En réponse aux arguments de la FEG, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, les appréciations relatives au rapport de forces entre la FEG et la NAVEG sont pour partie fondées sur le fait que les membres de la FEG représentent, ensemble, 96 % du marché pertinent. Dans la mesure où les griefs relatifs à la définition du marché pertinent ont déjà été rejetés, il convient d’écarter les critiques de la FEG visant à remettre en question l’appréciation par la Commission de la puissance de marché collectivement exercée par ses membres.

162
De plus, la Commission a conclu, au considérant 47 de la décision attaquée, à l’existence d’un rapport de forces déséquilibré entre la FEG et la NAVEG en se référant à certaines pièces documentaires. Il s’agit tout d’abord de la lettre de Hofte à Paul Hochköpper & Co. du 23 août 1991, à propos de laquelle la FEG explique qu’il est parfaitement logique que Hofte estime avoir une «relation idéale» avec la FEG, car celle-ci représente 96 % des grossistes aux Pays‑Bas. La FEG insiste cependant sur le fait que, ni cette déclaration ni aucune autre partie de cette lettre ne prouve l’existence d’un accord illicite entre la FEG et la NAVEG.

163
Ces arguments ne sont pas convaincants. La lettre en cause émane d’une société représentée au conseil d’administration de la NAVEG et constitue, pour le moins, un indice de l’existence d’une relation privilégiée entre la FEG et la NAVEG, ainsi qu’entre leurs membres respectifs. Cette relation peut raisonnablement être expliquée par le déséquilibre des poids économiques respectifs des membres de ces deux associations et, en particulier, par la circonstance selon laquelle les membres de la NAVEG dépendent pour leurs ventes, à 96 %, des membres de la FEG.

164
S’agissant du compte rendu de l’assemblée générale de la NAVEG du 9 mai 1988, invoqué au considérant 47 de la décision attaquée, la FEG soutient que cette pièce ne prouve pas l’existence d’un accord illicite. Elle admet néanmoins (requête, point 92) que cette pièce démontre l’importance qu’attachent les membres de la NAVEG à une bonne coopération avec les membres de la FEG.

165
Cette argumentation n’est pas convaincante. Il apparaît clairement que l’extrait du compte rendu de l’assemblée générale de la NAVEG du 9 mai 1988, cité au considérant 47 de la décision attaquée, se réfère à l’«intérêt considérable» qu’attachent les membres de la NAVEG à une «bonne collaboration» avec la FEG, intérêt dicté par la circonstance selon laquelle «la majeure partie du chiffre d’affaires des agents membres est réalisé avec les membres de la FEG». Une telle déclaration constitue un indice probant de l’existence de liens étroits entre les deux associations et illustre la dépendance économique des membres de la NAVEG par rapport aux grossistes affiliés à la FEG.

Genèse du gentlemen’s agreement

– Arguments des parties

166
Les requérantes contestent l’affirmation figurant aux considérants 39 à 43 de la décision attaquée, selon laquelle la FEG et la NAVEG auraient continué d’appliquer l’accord AGC après 1957. Elles notent que la Commission a cité pour seule preuve le mémorandum du ministère des Affaires économiques du 23 février 1959. Ce document ne démontrerait nullement le maintien en vigueur de l’accord AGC jusqu’à la fin de la période infractionnelle. En outre, la FEG souligne que, depuis ce mémorandum, les autorités néerlandaises n’auraient trouvé aucune preuve d’une entente illicite entre la FEG et la NAVEG. La FEG affirme avoir toujours agi en conformité avec le droit néerlandais.

– Appréciation du Tribunal

167
Dans la décision attaquée, la Commission se réfère au mémorandum du ministère des Affaires économiques du 23 février 1959 (décision attaquée, note n° 42, considérant 41) afin d’illustrer les circonstances de la genèse du régime collectif d’exclusivité. S’agissant de la valeur probante de ce document, il est vrai que, dans la décision attaquée, la Commission fait état d’une pratique en vertu de laquelle les parties à l’accord AGC ont continué d’adhérer à ce dernier accord après 1957, avec quelques modifications, puisque le «contact agents-grossistes» qui a succédé à l’accord AGC ne prévoit plus qu’un engagement unilatéral de la part des agents (décision attaquée, considérants 41 à 43).

168
Toutefois, force est de constater qu’au considérant 145 de la décision attaquée la Commission a considéré que l’infraction relative au régime collectif d’exclusivité s’était poursuivie du 11 mars 1986 au 25 février 1994. Il ressort de la partie de la décision attaquée consacrée à l’appréciation juridique que la Commission a circonscrit cette période à partir de documents dont l’origine est comprise entre le 28 avril 1986 et le 25 février 1994. Ainsi, au considérant 103 de la décision attaquée, la Commission a précisé que cette appréciation juridique reposait sur les «faits et circonstances mentionnés aux considérants 44 à 52». Il apparaît donc que les éléments relatifs à l’accord AGC rappelés aux considérants 41 à 43 de la décision attaquée ne servent qu’à illustrer les antécédents des accords ou pratiques ayant donné lieu à la décision attaquée, ainsi qu’il a été exposé au point 45 ci‑dessus. Il s’ensuit que les arguments des requérantes se rapportent à une période antérieure à la période infractionnelle retenue dans la décision attaquée, période dont le point de départ a été fixé en 1986. Ainsi, quand bien même ces arguments seraient fondés en ce qu’ils concernent la période comprise entre 1957 et 1986, ils ne sont pas susceptibles de remettre en cause les appréciations de la Commission quant à l’existence d’une entente illicite entre 1986 et 1994. Dès lors, ces arguments doivent être rejetés.

Réunions entre la FEG et la NAVEG

169
Les requérantes contestent la valeur probante des pièces invoquées au considérant 46 de la décision attaquée, concernant les prétendues réunions entre la FEG et la NAVEG en date des 11 mars 1986 et 28 février 1989.

Réunion du 11 mars 1986

– Arguments des parties

170
TU n’a pas développé d’arguments spécifiques à l’encontre de la force probante du compte rendu de l’assemblée générale de la NAVEG, tenue le 28 avril 1986.

171
Pour sa part, premièrement, la FEG, doute de l’existence de la réunion du 11 mars 1986 au motif qu’elle n’a pu en trouver aucune trace écrite. Deuxièmement, la FEG estime que le compte rendu de l’assemblée générale du 28 avril 1986 ne peut lui être opposé comme preuve, car il émane de la NAVEG. Troisièmement, la FEG ajoute que la Commission ne saurait se fonder sur une seule réunion pour établir l’existence d’un accord avec la NAVEG.

172
La Commission rejette ces arguments et fait valoir que le compte rendu de l’assemblée générale de la NAVEG du 28 avril 1986 démontre l’existence d’un accord entre la FEG et la NAVEG, en vertu duquel les membres de cette dernière ne devaient pas livrer de matériel à des entreprises n’appartenant pas à la FEG.

– Appréciation du Tribunal

173
S’agissant du premier argument de la FEG, il convient de souligner que la circonstance selon laquelle cette dernière n’a pas conservé de documents relatifs à la réunion du 11 mars 1986 ne permet nullement de remettre en cause l’existence de cette réunion, qui est attestée par le compte rendu de l’assemblée générale de la NAVEG du 28 avril 1986, dont l’authenticité n’est pas contestée.

174
Deuxièmement, s’agissant du caractère prétendument inopposable de cette pièce, il y a lieu de souligner que la qualité de destinataire d’une pièce à charge ne saurait déterminer le caractère probant de celle-ci. Il appartient en effet à la Commission d’apprécier la valeur probante des pièces qu’elle entend utiliser à titre de preuve, en fonction de leur contenu et de leur portée, sous le contrôle du Tribunal. En l’espèce, la Commission a invoqué le compte rendu de l’assemblée générale de la NAVEG du 28 avril 1986 à titre de preuve de la réunion du 11 mars 1986 entre la FEG et la NAVEG. Ce document est contemporain de la réunion dont il vise à établir la réalité et le contenu. Il contient les passages suivants:

«Compte rendu des discussions NAVEG-FEG au niveau du conseil d’administration

Une réunion de détente a eu lieu le mardi 11 mars 1986 à l’Euromotel, Oude Haagseweg, à Amsterdam. Étaient présents: pour le conseil d’administration de [la] FEG: MM. Schuurman, Brinkman, Coppoolse, van de Meer, Goedhart, Schiefelbusch, Vos et van Diessen. Pour le conseil d’administration de [la] NAVEG: MM. Gunneman, Amesz, Hofte et Onstee.

M. Schuurman (FEG) fait savoir qu’on travaille avec succès avec des commissions de groupes d’articles (les noms sont connus du conseil d’administration de [la] NAVEG).

Dans le cadre des accords entre les deux associations, les livraisons aux sociétés Nedeximpo, Dego, van de Meerakker et Hagro ne sont pas souhaitables.

On souhaite vivement savoir quels membres de [la] FEG gèrent du matériel contractuel de la firme Heinrich Kopp; on veut alors prendre des mesures.

La FEG reste très intéressée par la collaboration avec la NAVEG et espère qu’elle se poursuivra dans une relation ouverte.

M. Gunneman (NAVEG) soulève les questions suivantes:

Communication sur la politique d’admission de la FEG à la suite de l’adhésion des firmes Timmermans et Gro-Ham.

Un aperçu des concessions et ventes exclusives de et par la FEG.

Livraisons de matériel contractuel à des entreprises qui ne sont pas membres de [la] FEG, à savoir Olpa-Ardomy et Jan de Vries.

Timmermans et Gro-Ham sont des membres pour des appareils; la FEG demande qu’aucun matériel d’installation ne soit offert ou vendu.

La FEG enverra les listes des grossistes pour appareils et pour matériel d’installation (elles n’ont toujours pas été reçues).

La FEG enverra la liste des ventes exclusives des grossistes et la liste des livraisons de membres de la FEG à des entreprises non membres de la FEG (pas encore reçue à ce jour).

La relation entre la FEG et la NAVEG vis à vis de l’étranger (Allemagne-Angleterre) doit être considérée comme satisfaisante.»

175
À ce stade, il y a lieu de conclure, sur la base de ce document pris dans son contexte, que certains membres des conseils d’administration de la FEG et de la NAVEG se sont rencontrés le 11 mars 1986 et ont évoqué «dans le cadre de [leurs] accords» la question de la livraison par les membres de la NAVEG à des firmes qui n’appartenaient pas à la FEG (Nedeximpo, Dego, van de Meerakker, Hagro, Olpa-Ardomy et Jan de Vries). Ces éléments constituent des indices documentaires de l’existence d’«accords» et de réunions entre les deux associations à compter du 11 mars 1986, indices pris en considération par le Tribunal dans sa conclusion d’ensemble sur le gentlemen’s agreement au point 210 ci-après.

Réunion du 28 février 1989

– Arguments des parties

176
La FEG conteste l’interprétation et la force probante du compte rendu de la réunion du 28 février 1989 établi par la NAVEG, sur lequel la Commission s’est appuyée pour considérer que la NAVEG conseillait à ses membres de ne pas livrer à des grossistes qui n’appartenaient pas à la FEG. Ultérieurement, lors de son assemblée générale du 24 avril 1989, la NAVEG se serait bornée à informer ses membres de cet échange, sans qu’aucune recommandation ou décision soit adoptée.

177
Pour sa part, TU prétend, premièrement, ne pas avoir été présente ou représentée lors de la réunion du 28 février 1989. En effet, son employé qui siégeait alors au conseil d’administration de la FEG, M. Coppoolse, avait, selon elle, été empêché. Dans ces circonstances, la Commission ne pourrait déduire de cette réunion la participation de TU à une infraction. Deuxièmement, TU soutient que les preuves de cette réunion lui sont inopposables. Il s’agirait du procès-verbal de l’assemblée générale de la NAVEG du 24 avril 1989 et d’une note interne à la NAVEG rendant compte de cette réunion (décision attaquée, considérant 46). Elle prétend ne pas avoir été en possession de ces documents destinés aux membres de la NAVEG. Par ailleurs, elle dément avoir été informée du contenu de la réunion du 28 février 1989 par la FEG, contrairement à ce que la Commission a affirmé au considérant 46 de la décision attaquée.

178
Enfin, les requérantes se prévalent de l’absence de toute mention relative à la réunion du 28 février 1989 entre la FEG et la NAVEG dans le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de la FEG du 11 avril 1989. La FEG et TU font en effet valoir que ce document ne contient aucune indication concernant un accord d’exclusivité prétendument évoqué lors de la réunion du 28 février 1989. Elles estiment que cet élément tend à infirmer l’existence d’un gentlemen’s agreement.

179
La Commission réfute ces arguments et, en substance, renvoie au texte de la décision attaquée s’agissant des conséquences à tirer de la réunion du 28 février 1989.

– Appréciation du Tribunal

180
À ce stade, il convient de limiter l’analyse aux preuves de l’existence de l’infraction alléguée. Ainsi, l’argument selon lequel la Commission ne pouvait invoquer à l’encontre de TU les propos échangés lors de la réunion du 28 février 1989, au motif que TU n’y était pas représentée, sera examiné avec ceux relatifs aux causes d’imputabilité des infractions. Pour le surplus, l’absence d’un représentant de TU à la réunion du 28 février 1989 ne suffit pas, en soi, à remettre en cause la valeur des éléments de preuve retenus par la Commission concernant l’existence de cette réunion et la nature des propos qui ont pu y être échangés.

181
Il convient ensuite de rejeter l’allégation de TU selon laquelle le compte rendu de la réunion du 28 février 1989, rédigé par la NAVEG, et le procès-verbal de l’assemblée générale de la NAVEG du 24 avril 1989 lui sont inopposables au motif qu’elle n’en était pas destinataire. En effet, ainsi qu’il a été précédemment exposé, la qualité de destinataire des documents en cause ne saurait affecter leur caractère probant, caractère qu’il appartient à la Commission d’apprécier en fonction de leur valeur et de leur portée, sous le contrôle du Tribunal. Selon les règles générales applicables en matière de preuve, il convient au contraire d’accorder une grande importance au fait que lesdits documents ont été établis en liaison immédiate avec les faits.

182
De même, l’absence de toute mention relative à la réunion du 28 février 1989 dans le procès-verbal du conseil d’administration de la FEG du 11 avril 1989 n’infirme ni ne confirme le caractère probant des indices retenus par la Commission quant aux discussions entre la FEG et la NAVEG au cours de cette réunion. Par conséquent, l’argument des requérantes sur ce point doit être écarté.

183
Pour le reste, seule la FEG a contesté le bien-fondé des appréciations de la Commission sur la valeur et la portée du compte rendu de la réunion du 28 février 1989, rédigé par la NAVEG, et du procès-verbal de l’assemblée générale de cette association du 24 avril 1989. Elle considère, en effet, que ces documents ne prouvent pas l’existence d’un accord. Ces documents seraient, par ailleurs, divergents; rien ne permettrait de considérer que la NAVEG ou la FEG ont donné des instructions à leurs adhérents.

184
Ces arguments ne sauraient prospérer. En effet, il ressort expressément du compte rendu dressé par la NAVEG de la réunion du 28 février 1989 qu’un membre de la FEG s’est enquis auprès des représentants de la NAVEG du sort que réservait cette association aux grossistes qui se retiraient de la FEG. La NAVEG a estimé que, dans une telle situation, «le mot d’ordre sera[it] de ne pas livrer». Ces propos sont également attestés par le compte rendu de la réunion du 28 février 1989 rédigé par la FEG (décision attaquée, considérant 46, document cité à la note n° 48, annexe 17 à la requête), qui contient le passage suivant:

«M. Schiefelbusch demande ce que fait la NAVEG avec les grossistes qui ont mis fin à leur adhésion à la FEG. La NAVEG peut conseiller à ses membres de ne plus livrer aux grossistes qui ont mis fin à leur adhésion.»

185
Enfin, il y a lieu de souligner que, dans le procès-verbal de son assemblée générale du 24 avril 1989, la NAVEG s’est exprimée sur la question des livraisons aux grossistes qui quittent la FEG en indiquant que les membres de la NAVEG ne sont certes pas obligés d’approvisionner ceux de la FEG, mais que «les livraisons s’effectuent sur la base d’un gentlemen’s agreement et [qu’]il convient de noter, à cet égard, que le fait de livrer à des entreprises qui ne sont pas membres de la FEG peut constituer un obstacle» (décision attaquée, considérant 46).

186
Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de considérer que ces indices permettent de tenir pour établi le fait que, lors de leur réunion du 28 février 1989, la FEG et la NAVEG se sont concertées sur les conditions dans lesquelles les membres de la NAVEG devaient traiter avec les grossistes amenés à se retirer de la FEG, la NAVEG évoquant ultérieurement à cet égard l’existence d’un gentlemen’s agreement entre les deux associations. Sur le fondement de l’ensemble de ces éléments, il convient de rejeter les arguments par lesquels les requérantes ont cherché à contredire la valeur probante des indices documentaires relatifs à la réunion du 28 février 1989.

Mise en œuvre du gentlemen’s agreement

– Arguments des parties

187
Les requérantes contestent les éléments retenus par la Commission aux considérants 48 à 53 de la décision attaquée à titre d’exemples de mise en œuvre du gentlemen’s agreement.

188
En premier lieu, elles contestent l’allégation de la Commission selon laquelle la FEG transmettait à la NAVEG des listes mises à jour de ses membres pour faciliter l’application du régime collectif d’exclusivité. Selon les requérantes, les échanges d’informations en cause entre la FEG et la NAVEG ne s’inscrivaient pas dans le cadre d’un gentlemen’s agreement, mais faisaient partie du développement légitime d’initiatives prises au niveau de leur branche d’activité. Elles soutiennent que la Commission a omis de prendre en considération le compte rendu de la réunion entre la FEG et la NAVEG du 25 octobre 1991, rédigé par la FEG (note n° 53, au considérant 48 de la décision attaquée, annexe 44 à la réplique de TU et annexe 23 à la réplique de la FEG), dont le passage suivant démontrerait l’absence de gentlemen’s agreement:

«Depuis peu, la FEG a, outre des membres ordinaires, également des membres associés. La NAVEG n’en a pas été formellement informée, parce que les membres de la NAVEG sont libres de faire des affaires avec des non membres de la FEG également.»

189
Par ailleurs, la FEG souligne que la Commission n’a trouvé que cinq exemples de réunions entre les deux associations entre 1987 et 1992. Ces réunions, fait-elle valoir, présentaient peu d’intérêt pour la FEG et seraient en tout cas insuffisantes pour établir l’existence d’un gentlemen’s agreement.

190
En deuxième lieu, TU (requête, point 112) conteste que la NAVEG ait conseillé à ses membres de ne pas livrer des grossistes qui n’appartenaient pas à la FEG. Elle invoque le passage suivant d’une lettre de Spaanderman Licht à la NAVEG du 14 août 1991 (annexe 6 au mémoire en réponse de TU à la communication des griefs, annexe 25 à la requête de TU). Dans cette lettre, Spaanderman Licht, membre de la NAVEG, indiquait:

«[...] notre firme n’a jamais décidé en raison de son adhésion à la NAVEG de ne pas approvisionner CEF. Une telle recommandation dans le cadre de la NAVEG nous est inconnue.»

191
En troisième lieu, les requérantes contestent la proposition figurant au considérant 50 de la décision attaquée, selon laquelle les membres de la NAVEG ont, en pratique, refusé de livrer à des grossistes n’appartenant pas à la FEG, notamment à CEF. Elles se réfèrent aux réponses de 20 fournisseurs aux questions de la Commission pour démontrer que leur refus de traiter avec CEF n’est pas dû à un régime collectif d’exclusivité. TU invoque également les lettres d’ABB et de Spaanderman Licht, respectivement datées des 2 avril et 22 mai 1991, par lesquelles ces fournisseurs ont indiqué à CEF qu’ils n’entendaient pas faire appel à ses services au motif que leur réseau de distribution était déjà composé d’un nombre suffisant de points de vente (requête TU, point 139, et documents à l’annexe 31 de celle-ci).

– Appréciation du Tribunal

192
En premier lieu, il est constant que la FEG et la NAVEG entretenaient des contacts périodiques, l’enquête de la Commission ayant mis en évidence l’existence de cinq réunions entre ces associations entre 1987 et 1992 (le 3 novembre 1987, le 28 février 1989, le 5 décembre 1990, le 17 septembre 1991 et le 25 octobre 1991).

193
En deuxième lieu, s’agissant plus précisément du contexte de la réunion du 25 octobre 1991, il est constant que celle-ci a été convoquée après que plusieurs membres de la FEG avaient émis le souhait de quitter cette association. En réaction, la FEG aurait alors envisagé de modifier ses règles internes en prévoyant la création d’une nouvelle catégorie de membres, les «membres associés». Lors de la réunion du 28 février 1989, la NAVEG se serait enquise des conséquences d’une telle évolution sur l’application du régime collectif d’exclusivité. Interrogé à nouveau sur ce point par la NAVEG au cours de la réunion du 25 octobre 1991, le représentant de la FEG a affirmé que l’évolution de la composition de cette association «n’aura[it] pas de conséquences pour la NAVEG, ce qui signifie que les contacts existants ser[aie]nt maintenus sans changements». Le compte rendu de la réunion du 25 octobre 1991 dressé par la NAVEG (pièce n° 1379b du dossier, mentionnée à la note n° 53 dans la décision attaquée) indique que la FEG a alors communiqué à la NAVEG le nom de ceux de ces membres qui avaient exprimé le souhait de devenir membres associés.

194
Les arguments des requérantes ne permettent donc pas d’infirmer l’interprétation retenue par la Commission au considérant 48 de la décision attaquée, sur la base des comptes rendus de la FEG et de la NAVEG de la réunion du 25 octobre 1991, selon laquelle la FEG communiquait à la NAVEG les noms des grossistes qui n’étaient plus membres de l’association.

195
De surcroît, ces indices de la transmission à la NAVEG par la FEG des noms des entreprises qui lui étaient affiliées sont également corroborés par les pièces relatives à la réunion du 28 février 1989, qui ont été précédemment examinées dans le cadre du présent moyen, et en particulier le compte rendu dressé par la FEG, mentionné au considérant 49 de la décision attaquée.

196
En troisième lieu, s’agissant de la lettre de Spaanderman Licht du 14 août 1991, ses termes tendent à démontrer que le refus de la part de cette entreprise membre de la NAVEG d’approvisionner CEF n’est pas rattachable à l’existence d’un gentlemen’s agreement entre la FEG et la NAVEG. Toutefois, il convient cependant de mettre en balance les termes de cette lettre avec le contexte dans lequel elle a été rédigée. En effet, il y a lieu de relever, premièrement, que cette lettre a été adressée à la NAVEG, en réponse à une question émise par cette dernière deux jours plus tôt. C’est donc la NAVEG qui a pris l’initiative d’interroger Spaanderman Licht sur les motifs qui ont amené cette dernière à ne pas approvisionner CEF. Deuxièmement, cet échange de correspondance est intervenu après le déclenchement de la procédure administrative, alors que l’enquête de la Commission était déjà en cours. Elle est en effet postérieure aux demandes de renseignements adressées par la Commission à la FEG et à TU le 25 juillet 1991 et, de ce fait, dépourvue de caractère convaincant.

197
En quatrième lieu, s’agissant de la question de savoir si les refus opposés à CEF par plusieurs fournisseurs étaient attribuables à l’existence d’un gentlemen’s agreement ou à des motifs commerciaux légitimes, il y a lieu de relever tout d’abord que, dans une lettre du 27 septembre 1989, la NAVEG s’est adressée à la FEG dans les termes suivants:

«Certains membres de la NAVEG ont demandé à la direction un avis sur des livraisons éventuelles à [CEF]. Plusieurs fabricants étrangers, qui sont représentés par nos membres, approvisionnent cette organisation dans d’autres pays et souhaitent le faire aussi aux Pays‑Bas. Toutefois, tant que [CEF] n’est pas admise au sein de la FEG, la direction conseille bien entendu à ses membres de ne pas procéder à des livraisons. Dans le passé, divers membres se sont comportés conformément à un avis similaire en ce qui concerne Nedeximpo et, étant donné que Nedeximpo a aujourd’hui le statut de membre de la FEG, ils sont confrontés à un problème, à savoir qu’ils ne sont plus acceptés comme fournisseurs. Dans le cas de [CEF], on souhaite éviter que la même situation ne se répète et l’on nous demande de réagir rapidement à ce propos. Nous vous demandons de nous faire savoir aussi rapidement que possible dans quelle phase de négociations se trouvent la FEG et [CEF]. Il nous semble nécessaire d’informer nos membres de votre point de vue dans deux semaines, de sorte que nous vous prions de réagir en temps opportun.»

198
C’est à juste titre que la Commission a considéré que cette lettre constituait un indice vraisemblable d’échanges d’informations entre la FEG et la NAVEG «dans le but d’empêcher les livraisons aux entreprises n’appartenant pas à la FEG, conformément à l’objectif du gentlemen’s agreement» (décision attaquée, considérant 49).

199
En cinquième lieu, s’agissant des déclarations de la vingtaine de fournisseurs invoquées par les requérantes, il apparaît que seulement trois d’entre eux sont membres de la NAVEG: Hofte, Technische Handelsmaatschappij Regoort BV et Hateha. Il s’ensuit que les lettres des autres entreprises ne sont pas pertinentes dans le cadre de l’examen des preuves de l’existence d’un accord entre la FEG et la NAVEG.

200
S’agissant de Hofte, les requérantes invoquent le passage suivant de ses réponses à la Commission (28 juin 1993 et du 30 mai 1997, voir dossier, pièce 1614.20, 2c, annexe 1 et annexe 20 à la requête de TU):

«En réponse à votre question sur le point de savoir si nous tenons compte du fait qu’un acheteur est membre ou non de la FEG, nous répondons que cela ne constitue pas un critère à nos yeux.»

201
Il s’agit d’une réponse à une mesure d’enquête de la Commission. En outre, elle doit être mise en balance avec les propos qu’adressait Hofte, le 23 août 1991, au fabricant Paul Hochköpper, peu après avoir été interrogée par la Commission. Des extraits de cette lettre figurent aux considérants 47 et 52 de la décision attaquée. En particulier, la Commission a indiqué, au considérant 52 de la décision attaquée:

«Le passage suivant de la lettre précitée de la société Hofte, membre de la NAVEG, à Paul Hochköpper & Co. est éloquent à cet égard:

à propos de la plainte déposée par CEF auprès de la Commission, on peut y lire: ‘Qui plus est, elle a naturellement transmis des documents, dont certains émanant malheureusement d’agents membres de la NAVEG, qui n’ont pas réfléchi, dans lesquels il était indiqué qu’on ne pouvait pas l’approvisionner car elle n’était pas membre de la FEG’[…]»

202
S’agissant de Hateha, TU invoque la déclaration suivante (requête, point 84):

«Le choix de nos acheteurs est notamment déterminé par des considérations commerciales relatives à la fonction et au lieu d’établissement de l’entreprise, ainsi que la couverture du marché, outre des exigences en matière de solvabilité.

[...]

Nous ne tenons en principe aucun compte de la question de savoir si un acheteur est membre ou non de la FEG. Les principaux critères sont les critères déjà cités ci‑dessus, parmi lesquels la solvabilité joue un rôle important. Comme la FEG pose des conditions ayant trait à la situation financière des grossistes qui sont affiliés auprès d’elle, l’adhésion à la FEG fournit une certaine garantie en ce qui concerne la solvabilité de l’entreprise concernée. En ce sens, la question de savoir si une entreprise est membre ou non de la FEG joue un rôle limité.»

203
Force est de constater qu’il s’agit là de la déclaration dont la Commission a réfuté, de manière suffisamment convaincante et circonstanciée, la pertinence au considérant 50 de la décision attaquée, reproduit ci‑dessus au point 139. Il demeure que Hateha a expressément indiqué à deux entreprises, Frigé et CEF, qu’elle ne les approvisionnerait pas, faute pour elles d’appartenir à la FEG (voir lettres de Hateha à CEF du 24 mai 1989 et à Frigé du 12 mars 1981, décision attaquée, considérant 50, et notes n° 57 et n° 58), bien que TU objecte (réplique, point 158) qu’il s’agissait d’une «excuse facile pour se débarrasser de CEF».

204
S’agissant, enfin, du fournisseur Technische Handelsmaatschappij Regoort BV, la FEG invoque la réponse qu’a adressée cette entreprise à la Commission le 28 mai 1997. Dans cette réponse, ce fournisseur indiquait ne pas tenir compte de l’adhésion de ses clients à la FEG et précisait, à cet égard, que 1 214 de ses 1 257 clients n’appartenaient pas à cette association.

205
La Commission a souligné (duplique dans l’affaire T-5/00, point 61) que, si ce fournisseur avait plus d’un millier de clients, la FEG n’avait qu’une cinquantaine de membres. Ce fournisseur vend ses marchandises à des grossistes ainsi qu’à des revendeurs détaillants, à des industriels, à des entités publiques et à des exportateurs. La Commission reconnaît que ce fournisseur a livré CEF.

206
Ces éléments pourraient, tout au plus, permettre de conclure que ce fournisseur n’appliquait pas l’accord entre la FEG et la NAVEG. Si cette pièce illustre le fait qu’un des membres de cette dernière association ne respectait peut être pas systématiquement ledit accord, en revanche, elle ne semble pas constituer un indice permettant de douter de l’existence même de cet accord.

207
Enfin, il y a lieu de souligner que les requérantes n’ont pas sérieusement contesté qu’un autre membre de la NAVEG, Hemmink, a refusé d’approvisionner l’entreprise Van de Meerakker, après avoir consulté la FEG et l’un de ses adhérents, la société Schiefelbusch (décision attaquée, considérant 51). La Commission s’est fondée sur le compte rendu d’une réunion interne de Hemmink du 25 février 1994 (décision attaquée, note n° 59). La FEG admet (réplique, point 120) que ce dernier document démontre que Hemmink, après avoir vérifié auprès de la FEG si Van de Meerakker avait fait acte de candidature à cette association, a décidé de ne pas livrer cette entreprise. La FEG estime néanmoins que cette pièce ne démontre pas l’existence d’instructions qu’elle aurait données à Hemmink, afin de ne pas livrer Van de Meerakker. Cette dernière objection doit être écartée, car ce compte rendu émane de Hemmink et constitue un indice objectif de l’existence de refus de livraison à des entreprises non membres de la FEG.

208
De même, s’agissant des lettres d’ABB et de Spaanderman Licht invoquées par TU, il y a lieu de souligner que seule cette dernière appartient à la NAVEG, de sorte que la lettre d’ABB est, à ce stade du raisonnement, dépourvue de pertinence. Dans sa lettre à CEF du 22 mai 1991, Spaanderman Licht s’est bornée à indiquer qu’elle ne souhaiterait pas étendre son réseau de revendeurs. Il convient toutefois de remarquer que cette lettre a été rédigée alors que l’enquête de la Commission était déjà en cours.

209
Compte tenu de ces divers éléments, il y a lieu de conclure que c’est à juste titre que la Commission s’est appuyée sur les indices documentaires cités aux considérants 48 à 52 de la décision attaquée pour conclure au caractère probant des indices documentaires attestant de la mise en œuvre d’un gentlemen’s agreement entre la FEG et la NAVEG.

c) Conclusion d’ensemble

210
Il ressort des éléments qui précèdent que les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer à suffisance de droit que les constatations effectuées par la Commission à l’égard du gentlemen’s agreement sont entachées de vices ou d’inexactitudes matérielles de nature à entacher leur validité. Il convient de rejeter la critique de TU qui, soulignant l’ambiguïté de certaines pièces à charge, revendique le bénéfice du doute en vertu de l’adage in dubio pro reo. En effet, au terme d’une appréciation globale, cette critique ainsi que les griefs spécifiques des requérantes ne sont pas susceptibles de remettre en cause le caractère convaincant, objectif et concordant des indices retenus dans la décision attaquée.

211
Par ailleurs, les constatations qui résultent de l’examen de ces indices ne sauraient être remises en cause par l’allégation de la FEG selon laquelle la NAVEG avait pris l’initiative des contacts avec la FEG. À la supposer fondée, une telle allégation ne ferait tout au plus que confirmer l’existence – déjà établie – d’un gentlemen’s agreement entre les deux associations.

212
Force est donc de conclure que, à juste titre, la Commission a pu conclure que la NAVEG s’était engagée envers la FEG à recommander à ses membres de ne pas vendre de matériel électrotechnique à des grossistes n’appartenant pas à cette dernière association, en vertu d’un gentlemen’s agreement entre ces deux associations, accord dont il existe des preuves à compter du 11 mars 1986.

2. Extension du gentlemen’s agreement à des fournisseurs n’appartenant pas à la NAVEG

213
Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que la FEG et TU avaient tenté d’étendre le champ d’application du gentlemen’s agreement à des fournisseurs qui n’étaient pas représentés par des agents ou des importateurs membres de la NAVEG. Elle s’est fondée sur divers exemples de pressions subies par des fournisseurs tels que Draka Polva, Holec, ABB et Klöckner Moeller (ci-après «KM») (décision attaquée, considérants 53 à 66 et 104 à 106). Elle a également souligné que la FEG avait cherché à étendre le régime collectif d’exclusivité à la firme Philips, fournisseur de matériel électronique destiné au grand public.

a) Sur la matérialité des faits

Arguments des parties dans l’affaire T-5/00

214
Selon la FEG, la décision attaquée ne contient aucune preuve de pressions de sa part sur les fournisseurs de ses membres. Elle affirme qu’elle n’a été impliquée dans aucun des exemples invoqués par la Commission et qu’elle n’a jamais souhaité s’immiscer dans les relations entre ses membres et leurs fournisseurs.

215
Premièrement, la FEG invoque à sa décharge le procès-verbal de son conseil d’administration du 29 janvier 1991 (annexe 28 à la réplique T‑5/00), dont il ressortirait clairement que sa politique était de ne pas s’ingérer dans les relations entre ses membres et leurs fournisseurs. Ce procès-verbal est rédigé comme suit:

«Les pièces jointes à l’ordre du jour sont discutées:

une lettre de M. Duk à M. Fillet (CEF): le secrétaire ajoute qu’il est inadmissible, sous quelque forme que ce soit, d’insister en tant que FEG auprès de fournisseurs pour qu’ils ne livrent qu’à des membres de la FEG. Cela est souligné par l’assemblée. Il est rappelé que l’association ne s’est jamais plainte ou ne se plaindra jamais auprès de fournisseurs en ce qui concerne des livraisons.»

216
Deuxièmement, s’agissant de la prétendue opposition de la FEG aux livraisons de Draka Polva à CEF, mentionnée au considérant 54 de la décision attaquée, la FEG soutient que la Commission ne détient aucune preuve directe de pressions à l’égard de cette entreprise. Elle souligne que le seul document invoqué dans la décision attaquée est un compte rendu émanant de TU (décision attaquée, considérant 54, et pièce mentionnée à la note n° 62), qui ne saurait suffire à prouver sa participation directe aux actes en cause.

217
Par ailleurs, la FEG soutient que Draka Polva n’a pas refusé d’approvisionner CEF. Ainsi, dans une lettre du 15 juin 1993 (décision attaquée, considérant 27, note n° 29), Draka Polva aurait indiqué à la Commission:

«Nous mentionnons sans doute surabondamment que nous avons approvisionné City Electrical Factors dès le moment où cette entreprise s’est établie aux Pays‑Bas.»

218
En outre, le procès-verbal de la réunion du 25 juin 1990, du conseil d’administration de la FEG, mentionnerait ce qui suit:

«7. Demande d’adhésion de CEF

Si CEF souhaite devenir membre de la FEG, CEF doit répondre aux critères d’admission. Cela sera communiqué par écrit à CEF.

La lettre de Draka Polva concernant des livraisons à CEF est abordée.

Le président estime que la FEG ne peut pas s’y opposer. Le point ‘Fournisseurs qui livrent à des non-membres de la FEG’ sera mis à l’ordre du jour.»

219
Lors de sa réunion suivante, le 11 septembre 1990, le conseil d’administration de la FEG n’aurait émis qu’une brève observation à ce sujet, consignée au procès‑verbal dans les termes suivants:

«12. Fournisseurs qui livrent à des non-membres de la FEG

À l’occasion de la lettre de Polva relative à des livraisons à CEF, il est relevé que, formellement, la FEG, en tant qu’association, ne peut rien y faire.»

220
Ces documents démontrent, de l’avis de la FEG, qu’elle ne disposait d’aucun moyen de s’opposer à la décision de Draka Polva de livrer des marchandises à CEF.

221
Troisièmement, s’agissant de l’intention prêtée par la Commission à la FEG d’étendre le champ du régime collectif d’exclusivité aux fournisseurs de matériel électronique grand public (décision attaquée, considérant 55), la FEG estime que la proposition de la Commission ne repose que sur un seul document, à savoir la lettre du 29 août 1989 d’un des membres du conseil d’administration de la FEG à une commission de grossistes en matériel Philips. La FEG objecte qu’il s’agit là d’une prise de position personnelle d’un des membres de son conseil d’administration. Par ailleurs, la FEG et TU soutiennent, en outre, que cette lettre n’est pas pertinente dans la mesure où les propos visés ne concernent pas le marché en cause, mais celui des appareils électroniques grand public.

222
Quatrièmement, la FEG dément avoir pris part aux actions de certains de ses membres à l’égard des fournisseurs Hager, Holec et ABB, mentionnées aux considérants 56 à 59 de la décision attaquée. De même, elle n’aurait rien à voir avec les pressions subies par KM. Elle reconnaît que certains de ses adhérents et de ses anciens dirigeants ont participé à la délégation de grossistes qui a rendu visite à KM. Elle objecte toutefois qu’une telle circonstance ne permet pas d’inférer sa participation à une telle démarche ni de lui en imputer la responsabilité. À titre subsidiaire, la requérante fait sienne l’argumentation de TU relatée au considérant 64 de la décision attaquée.

223
Cinquièmement, la FEG reproche à la Commission d’avoir méconnu les résultats de son enquête, dont il ressort que, unanimement, la vingtaine de fournisseurs interrogés ont indiqué à la Commission que jamais la FEG ne leur avait demandé d’«adapter leur politique de distribution». Ainsi, le dossier ne contiendrait aucune indication de contacts entre la FEG et des fournisseurs, fournisseurs pour lesquels l’adhésion d’un grossiste à la FEG n’aurait jamais constitué un facteur déterminant pour l’établissement de relations commerciales.

224
La Commission réfute ces arguments et estime que les éléments examinés aux considérants 53 à 66 de la décision attaquée démontrent que la FEG avait l’intention d’étendre le régime collectif d’exclusivité à des fournisseurs sans lien avec la NAVEG. Elle reconnaît qu’il est évident que ce sont des membres de la FEG qui ont pris l’initiative et effectué les démarches en vue d’étendre le régime collectif d’exclusivité à des fournisseurs qui n’adhéraient pas à la NAVEG. En effet, la FEG ne pouvant s’adresser qu’à d’autres associations d’entreprises, telle la NAVEG, il serait beaucoup plus aisé pour des entreprises comme TU, qui disposent d’un poids commercial important auprès de leurs fournisseurs, d’engager de telles discussions. Toutefois, cet élément ne saurait remettre en question la responsabilité de la FEG et de TU.

Appréciation du Tribunal

225
Il convient de réserver à un stade ultérieur de l’analyse l’examen des arguments de la FEG en ce qu’ils visent à contester l’imputabilité de l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée, et non pas la matérialité des constatations sur la base desquelles la Commission a estimé que la FEG avait tenté d’étendre le régime collectif d’exclusivité à des fournisseurs n’appartenant pas à la NAVEG. Ainsi, la FEG n’ayant pas contesté la matérialité des incidents impliquant les entreprises Hager, Holec, ABB et KM, les arguments qui s’y rapportent seront analysés avec les autres causes d’imputabilité des infractions.

226
Pour le reste, les termes du procès-verbal du conseil d’administration de la FEG du 29 janvier 1991 constituent une indication de la volonté de la FEG de ne pas s’engager directement auprès des fournisseurs de ses membres, afin que ceux-ci ne livrent pas à des grossistes tiers. Cependant, cette constatation n’est pas inconciliable avec la position défendue par la Commission dans la décision attaquée, selon laquelle la FEG a cherché à étendre, au bénéfice de ses membres, l’application du régime collectif d’exclusivité à des tiers. De plus, elle doit être mise en balance avec les propos tenus par TU dans une note interne du 12 septembre 1990, après que Draka Polva eut proposé de vendre à CEF, selon laquelle «[l]a FEG a réagi à cela car cette proposition va tout à fait à l’encontre de l’accord entre les membres de la FEG» (décision attaquée, considérant 54). Ces propos constituent en effet un indice de l’existence d’un accord entre les membres de la FEG ainsi que de l’implication directe de cette dernière dans la mise au point de la riposte envisagée à la suite de l’entrée de CEF sur le marché néerlandais.

227
Par ailleurs, si la Commission n’a pas relevé d’autres indices de l’implication directe de la FEG dans les incidents relatifs à l’extension du régime collectif d’exclusivité, il y a lieu de souligner qu’il ressort d’un certain nombre d’indices concordants que plusieurs de ses membres ont cherché, individuellement ou de concert, à obtenir de fournisseurs tiers à la NAVEG des engagements au bénéfice de l’ensemble des membres de la FEG, de sorte que ces fournisseurs pouvaient légitimement penser que ces actions étaient entreprises sous l’égide de la FEG ou avec son accord.

228
À cet égard, il importe de relever que l’auteur de la lettre du 29 août 1989, adressée à la commission des grossistes de produits électroniques grand public de la firme Philips, mentionnée au considérant 55 de la décision attaquée, était alors membre du conseil d’administration de la FEG. Bien qu’il soit constant que cette lettre n’émane pas officiellement de la FEG, il apparaît que son auteur s’est expressément prévalu de sa qualité de membre du conseil d’administration de cette association («Vous savez que je fais partie depuis peu de temps du conseil d’administration de la FEG. Je m’y occupe notamment de défendre les intérêts des grossistes en appareils.»), afin de demander au destinataire qu’il mette un terme aux livraisons à des grossistes non membres de la FEG. Par cette demande, l’auteur de cette lettre n’agissait pas à titre individuel, mais dans l’intérêt commun des membres de la FEG, puisqu’il cherchait à obtenir, au bénéfice de ces derniers, l’arrêt des livraisons à des grossistes non membres de cette association.

229
Il y a néanmoins lieu de souligner, ainsi que les requérantes l’ont fait valoir, que les appréciations de la Commission quant à l’extension du régime collectif d’exclusivité à la distribution du matériel électronique grand public n’ont pas trait au marché pertinent défini par la Commission, celui-ci étant limité à la distribution en gros du matériel électrotechnique. Ces appréciations revêtent donc, dans la décision attaquée, un caractère surabondant.

230
Nonobstant cette dernière observation, il convient d’ajouter que l’intérêt commun qui animait la FEG et ses membres peut également être mis en lumière par l’incident relatif à la société KM. Cet incident concernait en effet une action conjointe de 26 membres de la FEG, dont plusieurs membres de son conseil d’administration, action dirigée dans l’intérêt commun de l’ensemble des membres de cette association, ainsi qu’il ressort clairement des extraits du projet de lettre à KM cités aux considérants 62 et 63 de la décision attaquée. Par ailleurs, le projet de lettre visait à faire part à KM de l’«inquiétude» des 26 membres de la FEG en question, après que KM était devenu l’«un des premiers gros fournisseurs du secteur électrotechnique à inclure parmi ses distributeurs une entreprise qui n’[était] pas membre de la FEG». En se référant ainsi expressément à la FEG, le projet de lettre à KM ne devait pas manquer d’apparaître à son destinataire comme ayant reçu l’aval de la FEG.

231
Compte tenu de ces éléments, la FEG ne saurait se retrancher derrière la circonstance selon laquelle, parmi les indices retenus par la Commission, seule la note interne de TU examinée précédemment faisait état de son implication directe dans les efforts de ses membres pour obtenir l’extension du régime collectif d’exclusivité à des fournisseurs tiers. En effet, il ressort des actions conjointes de certains membres de la FEG – parmi lesquels plusieurs de ses dirigeants siégeant au conseil d’administration – qu’ils oeuvraient non pas à titre individuel, mais pour le compte de l’ensemble des membres de cette association, sans toutefois agir directement au nom de celle-ci. Par conséquent, il convient d’admettre que la Commission a pu, à juste titre, déduire de ces actions que la FEG avait manifesté son intention d’étendre le régime collectif d’exclusivité à des fournisseurs tiers à la NAVEG.

Arguments des parties dans l’affaire T-6/00

232
En premier lieu, TU se rallie à l’argumentation de la FEG dans l’affaire T 5/00 et ajoute que le dispositif de la décision attaquée ne vise que sa participation aux infractions commises par cette association. TU en déduit que, en l’absence de preuves directes de la participation de la FEG aux pressions prétendument exercées sur des tiers, ses contacts avec des fournisseurs étrangers à la NAVEG ne peuvent servir de fondement à la constatation d’une infraction à son égard.

233
En second lieu, TU admet avoir évoqué le cas de CEF avec les fournisseurs KM, Draka Polva, ABB et Holec, mais conteste avoir exercé des pressions sur eux afin qu’ils cessent d’approvisionner CEF. Elle reconnaît avoir fait part à ces entreprises de son mécontentement à l’égard de ce qu’elle percevait comme le non respect de leurs accords. TU trouvait notamment injuste que ces fournisseurs accordent à un nouvel entrant sur le marché, tel que CEF, les mêmes rabais que ceux auxquels elle pouvait prétendre, après des années d’efforts. Par conséquent, TU estime que ces contacts n’avaient ni pour objet ni pour effet de restreindre la concurrence.

Appréciation du Tribunal

234
D’emblée, il importe de souligner que l’argumentation de TU repose sur la prémisse selon laquelle le dispositif de la décision attaquée ne vise que sa participation aux infractions commises par la FEG. Dans la mesure où ces arguments ne portent pas directement sur la matérialité des faits constatés par la Commission, il convient de reporter leur examen au stade de l’analyse des causes d’imputabilité des infractions.

235
Au surplus, force est de constater que TU ne met pas en cause l’existence des contacts qu’elle a eus avec des fournisseurs n’appartenant pas à la NAVEG, mais la qualification juridique que la Commission a pu retenir de ceux-ci, en particulier quant à l’appréciation de leur objet ou de leur effet anticoncurrentiel. Dans de telles conditions, ces arguments seront examinés plus en détail avec ceux relatifs à la qualification juridique des faits.

b) Conclusion d’ensemble

236
À la lumière de ce qui précède, force est de conclure qu’aucun des arguments examinés ne permet de remettre en cause la matérialité des faits invoqués dans la décision attaquée à titre de preuve de l’existence de pressions exercées par la FEG et TU à l’égard de certains fournisseurs qui n’étaient pas liés à la NAVEG. Dans ces conditions, c’est à juste titre que la Commission a constaté, sur la base d’indices objectifs et concordants, d’une part, que la FEG avait cherché à étendre le champ d’application du gentlemen’s agreement à des fournisseurs qui n’étaient pas liés à la NAVEG et, d’autre part, que TU avait participé à plusieurs démarches visant à mettre en œuvre cet objectif.

237
Il convient donc de rejeter l’ensemble des arguments des requérantes visant à contester la matérialité des faits constatés dans la décision attaquée à l’égard du régime collectif d’exclusivité.

3. Sur les conditions d’adhésion à la FEG

a) Arguments des parties

238
La FEG conteste les éléments sur la base desquels la Commission a estimé que les conditions d’adhésion à la FEG pouvaient restreindre l’accès au marché néerlandais du commerce de gros de matériel électrotechnique.

239
Tout d’abord, la FEG estime naturel que ses rangs ne soient ouverts qu’aux entreprises ayant réalisé un chiffre d’affaires d’au moins cinq millions de florins néerlandais (NLG) sur le territoire néerlandais au cours d’une période de trois années consécutives. La FEG ayant vocation à représenter les intérêts des grossistes sur le marché néerlandais, elle n’aurait aucune raison de prendre en considération le chiffre d’affaires réalisé hors des Pays‑Bas.

240
Ensuite, la FEG récuse les allégations de la Commission selon lesquelles elle aurait utilisé des critères arbitraires pour écarter certains candidats à l’adhésion (décision attaquée, considérant 109). La requérante reproche à la Commission de s’être fondée sur les deux seuls exemples de candidatures qui ont soulevé des difficultés au cours des 20 dernières années. Il se serait agi, dans les deux cas, d’entreprises dont l’activité ne correspondait pas à celle de ses membres.

241
Enfin, la FEG rappelle que, entre 1989 et 1990, plusieurs grossistes dont le chiffre d’affaires était inférieur à dix millions de NLG ont mis fin à leur adhésion. Ces exemples réfuteraient la thèse selon laquelle les critères d’adhésion servaient à maintenir un régime collectif d’exclusivité et étaient une condition nécessaire à l’entrée sur le marché néerlandais.

242
La Commission rétorque que les conditions d’admission de nouveaux membres sont de nature à rendre plus mal aisé l’accès au marché néerlandais (décision attaquée, considérant 108). Le régime collectif d’exclusivité constituerait une barrière à l’entrée que ces conditions d’admission ne feraient que renforcer. Elle rappelle avoir indiqué au considérant 108 de la décision attaquée que certains membres de la FEG ne répondaient pas à ces conditions d’admission.

b) Appréciation du Tribunal

243
Les parties ne s’opposent pas sur le contenu des critères sur la base desquels la FEG décide de l’admission de nouveaux adhérents. En revanche, la FEG conteste que ces critères aient rendu plus difficile lルaccès au marché néerlandais, circonstance retenue par la Commission aux considérants 108 et 109 de la décision attaquée pour soutenir que ces conditions constituaient un obstacle supplémentaire pour les nouveaux entrants sur le marché de la distribution en gros de matériel électrotechnique aux Pays-Bas.

244
Dans la décision attaquée, le point crucial relatif aux critères d’adhésion tient au caractère arbitraire qui leur a été attribué. La Commission a en effet relevé, au considérant 109 de la décision attaquée, que la FEG utilisait le critère de l’«intérêt de l’association», qui, compte tenu de l’exigence d’un vote à l’unanimité des membres du conseil d’administration pour autoriser une nouvelle adhésion, conférait à cet organe dirigeant un large pouvoir discrétionnaire (voir, dans la décision attaquée, les références à la note n° 126 concernant les discussions relatives à l’adhésion de Van de Meerakker et les comptes rendus de la FEG des 27 septembre et 15 novembre 1994) pour décider de l’admission de nouveaux membres.

245
Ce caractère tenu pour arbitraire tient également au fait, non contesté, que la FEG a accepté comme membres certains grossistes qui ne remplissaient pas la condition minimale de chiffre d’affaires.

246
Enfin, s’agissant plus précisément de la condition relative aux cinq millions de NLG de chiffre d’affaires au cours des trois exercices précédant la demande d’adhésion, il y a lieu de convenir qu’elle peut constituer un obstacle pour de nouveaux entrants, car elle joue en faveur des grossistes les plus importants qui, en tant que membres de la FEG, bénéficient, par ailleurs, du gentlemen’s agreement. Cet obstacle est d’autant plus efficace à l’égard des entreprises étrangères que le chiffre d’affaires réalisé hors des Pays-Bas est exclu lors de l’examen des demandes d’adhésion.

247
Compte tenu de ces éléments, c’est à juste titre que la Commission a estimé aux considérants 108 et 109 de la décision attaquée que les critères d’adhésion à la FEG avaient pour effet de rendre «encore plus malaisée l’arrivée sur le marché de nouvelles entreprises» et renforçaient ainsi les effets du régime collectif d’exclusivité. Par conséquent, les arguments de la FEG sur l’impact de ses conditions d’adhésion sur la concurrence doivent être rejetés.

4. Qualification juridique des faits relatifs au régime collectif d’exclusivité

248
L’argumentation des requérantes sur la qualification juridique des faits relatifs au régime collectif d’exclusivité se scinde en deux branches. Premièrement, elles soutiennent que, en raison de la position très faible des membres de la NAVEG sur le marché, le gentlemen’s agreement ne saurait avoir d’effets appréciables sur la concurrence. Deuxièmement, TU nie que les démarches auxquelles elle a participé vis-à-vis de fournisseurs n’appartenant pas à la NAVEG aient eu pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence.

249
Les requérantes n’ayant pas contesté d’autres aspects relatifs à la qualification du régime collectif d’exclusivité au regard de l’article 81 CE, il y a lieu d’examiner ces arguments à la lumière de la délimitation du marché en cause et des faits tels qu’ils viennent d’être établis.

a) Sur le gentlemen’s agreement

Arguments des parties

250
Les requérantes soutiennent en substance que la position très faible des membres de la NAVEG sur le marché ne permet pas au régime collectif d’exclusivité d’avoir des effets sensibles sur la concurrence.

251
TU fait notamment valoir que l’activité de distributeur des membres de la NAVEG représenterait moins de 1 % du marché. En leur qualité d’agents, les membres de la NAVEG ne représenteraient que seize marques de grande renommée pour un chiffre d’affaires évalué, tout au plus, à 20 millions de NLG sur un marché total de 3 à 4 milliards de NLG (0,5‑0,6 %). Les membres de la NAVEG n’occuperaient plus la position qu’ils détenaient pendant les années 50, à l’époque de l’accord AGC.

Appréciation du Tribunal

252
La décision attaquée repose sur plusieurs données chiffrées, relatives au marché du matériel électrotechnique («marché primaire»), d’une part, et à celui de la vente en gros de ce matériel («marché pertinent»), d’autre part. Il apparaît ainsi que le chiffre d’affaires des entreprises actives sur le marché primaire (1992‑1994) représente au total 1 590 millions d’euros (décision attaquée, considérants 23 et 24). Sur ce marché, celui des membres de la NAVEG est de 84 millions d’euros, soit 5 % du marché primaire (décision attaquée, considérants 21 et 23). Au cours de la même période, les entreprises actives sur le marché de la vente en gros de matériel électrotechnique, seul pertinent en l’espèce, ont eu un chiffre d’affaires compris entre 680 à 910 millions d’euros, soit environ 50 % du marché primaire. Les membres de la FEG représentent conjointement 96 % du marché pertinent (décision attaquée, considérant 24).

253
Sans contester ces données, les requérantes soutiennent néanmoins que la Commission a surévalué l’importance des membres de la NAVEG.

254
Ainsi, TU rappelle que, au considérant 23 de la décision attaquée, la Commission a estimé que les membres de la NAVEG détenaient 10 % du marché primaire, alors même qu’il résulterait des chiffres rappelés ci-dessus que cette proportion serait d’environ 5 %. Elle souligne, ensuite, que la Commission, par un calcul inexplicable, a multiplié par deux cette part de marché pour fixer à 20 % la part de marché de la NAVEG au niveau du commerce de gros.

255
Ces arguments ne sauraient prospérer.

256
Tout d’abord, la Commission disposait de chiffres bruts lui permettant de calculer la part du marché primaire des membres de la NAVEG (5 %). Elle a cependant uniquement pris en compte l’estimation proposée par la FEG, deux fois plus élevée (10 %). À cet égard, elle a précisé dans les notes nos  20, 23 et 25 que le calcul effectué par la NAVEG concernant le chiffre d’affaires de ses membres «se fond[ait] sur des données relatives au chiffre d’affaires de seulement quinze des trente membres de la NAVEG». La Commission a donc estimé que «le chiffre d’affaires réel des membres de la NAVEG [était], par conséquent, selon toute vraisemblance, sensiblement plus élevé que le montant indiqué». La Commission a donc valablement pu déduire de ces éléments que l’«estimation à 10 % de la part de marché des membres de la NAVEG, avancée par la FEG, n’[était] par conséquent pas irréaliste» (décision attaquée, note n° 23).

257
Au-delà de l’apparente imprécision dont se prévaut TU, il apparaît que la Commission a cherché à distinguer, du point de vue des achats effectués par les grossistes, le poids relatif de la NAVEG et des autres fournisseurs.

258
La décision attaquée contient plusieurs indications à cet égard. Ainsi, au considérant 23 de celle-ci, la Commission indique que «les membres de la NAVEG préfèrent en général passer par le commerce de gros», précisant que cette association n’admet que des membres qui distribuent leurs produits par le biais des grossistes (note n° 22). Ainsi, dans la décision attaquée, la Commission a estimé que le matériel vendu par les membres de la NAVEG était en totalité ou quasi-totalité distribué par des grossistes. Il est par conséquent exact que le matériel provenant des membres de la NAVEG représente une proportion deux fois plus grande du marché pertinent (ventes en gros) que du marché primaire. Cette part serait donc de 20 % sur la base des estimations de la FEG et de 10 % si l’on se fonde sur les données brutes dont disposait la Commission.

259
TU semble toutefois contester ce raisonnement et, dans son mémoire en réplique, a avancé plusieurs arguments pour démontrer que les chiffres concernant les membres de la NAVEG et retenus par la Commission n’étaient pas fiables. Elle a, notamment, fait valoir que le chiffre d’affaires des membres de la NAVEG était en réalité attribuable aux mandants. Quel que puisse être le sens de cet argument, TU a soutenu que, selon Hemmink, un des membres de la NAVEG, les livraisons facturées aux commerces de gros représentaient au moins 90 % du «chiffre d’affaire des mandants» (réplique, point 39). Quand bien même cette argumentation pourrait être comprise comme visant à soutenir que 90 % du chiffre d’affaires des membres de la NAVEG provient de ventes effectuées avec des grossistes, elle n’est pas susceptible de remettre en cause la légalité de la décision attaquée. En effet, à supposer même que 90 %, et non 100 %, du chiffre d’affaires des membres de la NAVEG provienne de ventes à des grossistes, il demeure que la part de marché attribuable à ces entreprises au niveau du commerce de gros est deux fois plus importante que celle dont elles disposent au niveau du marché primaire.

260
TU s’est également prévalu du manque de fiabilité de l’estimation du chiffre d’affaires des membres de la NAVEG. Toutefois, ces arguments se limitent à l’énonciation de propositions générales et non étayées. Dès lors, il suffit de constater que, en l’absence de tout élément de preuve tangible, les arguments de TU sur ce point doivent être rejetés.

261
Par conséquent, l’ensemble des arguments des requérantes relatifs à l’absence d’effet appréciable du gentlemen’s agreement sur la concurrence doivent être rejetés.

b) Sur l’extension du gentlemen’s agreement à des fournisseurs n’appartenant pas à la NAVEG

262
Dans le cadre de son appréciation juridique, la Commission a estimé que la FEG et ses membres, en particulier TU, avaient cherché à étendre le champ d’application du régime collectif d’exclusivité en exerçant des pressions sur des fournisseurs qui n’étaient pas représentés au sein de la NAVEG. Elle a en outre déduit des faits de l’espèce que ces manœuvres avaient été couronnées de succès, puisque «un nombre considérable de fournisseurs a[vait] agi conformément au régime collectif d’exclusivité» (décision attaquée, considérant 104).

Arguments des parties

263
TU affirme que ses contacts avec les fournisseurs Draka Polva, KM, ABB et Holec n’avaient pas pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence.

264
La Commission récuse ces accusations et renvoie tant aux passages pertinents de la décision attaquée qu’à la jurisprudence constante relative à l’interprétation de l’article 81 CE.

Appréciation du Tribunal

265
En premier lieu, s’agissant des contacts entre TU et Draka Polva, il est constant que TU est intervenue auprès de Draka Polva lorsque cette dernière a souhaité entrer en relation d’affaires avec CEF (décision attaquée, considérant 54). Dans le compte rendu d’une réunion interne du 13 décembre 1989, TU a résumé sa politique à cet égard dans les termes suivants: «[…] on peut dire, en conclusion, que l’on s’efforce d’éviter que des fabricants de TU n’approvisionnent CEF.» Il ressort en particulier de la décision attaquée que, après avoir appris que Draka Polva se proposait d’approvisionner CEF, «la FEG a réagi, car cette proposition [allait] tout à fait à l’encontre de l’accord entre les membres et la FEG» (compte rendu d’une réunion interne de TU du 12 septembre 1990). Dans une lettre du 16 juillet 1990 à Draka Polva, TU indique ainsi: «[…] nous voyons dans votre décision une menace pour les grossistes-stockistes et nous considérons par conséquent qu’il n’est pas souhaitable de la mettre en œuvre.» Enfin, la décision attaquée relève que l’intervention de la requérante a eu l’effet recherché, puisque, dans un compte rendu d’une réunion du 9 octobre 1990, TU mentionne que, «[à] la suite d’un entretien que Draka Polva a[vait] eu avec Monsieur van der Meijden, ils sont revenus sur leur intention d’approvisionner CEF» (décision attaquée, considérant 54).

266
À la lumière de ces éléments, c’est à juste titre que la Commission a considéré que ces démarches de la part de TU visaient à exercer des pressions sur Draka Polva, un de ses fournisseurs, afin qu’il cesse d’approvisionner un nouvel entrant sur le marché pertinent.

267
Pour le reste, TU a soutenu que son intervention auprès de Draka Polva n’avait pas abouti au résultat escompté, puisque ce fournisseur n’aurait pas agi au détriment de CEF en interrompant ses livraisons à cette entreprise ou en lui accordant des conditions moins avantageuses que par le passé. Cet argument se place ainsi exclusivement sur le terrain de l’absence d’effets anticoncurrentiels, examiné au point 275 ci-après, et, dès lors, ne met pas en cause l’objet anticoncurrentiel desdites démarches.

268
En deuxième lieu, s’agissant des contacts avec ABB et KM, TU soutient que les contacts qu’elle a eus avec ces deux fournisseurs concernant CEF avaient pour objet de préserver ses intérêts commerciaux légitimes: elle cherchait en effet, soutient-elle, à exprimer son mécontentement à l’égard des conditions consenties par ces fournisseurs à CEF. Elle estime que de telles démarches n’ont pas pour objet de restreindre ou de fausser la concurrence.

269
S’agissant d’ABB, au considérant 58 de la décision attaquée, la Commission indique que TU a exercé des pressions sur ce fournisseur pour qu’il mette fin à ses livraisons à CEF. TU considère que la Commission a dénaturé les preuves sur lesquelles elle s’est fondée. Son argumentation est analogue à celle qu’elle avait avancée au cours de la procédure administrative et que la Commission a écartée au considérant 59 de la décision attaquée. Précisément, les parties s’opposent quant à l’interprétation du rapport rédigé par la requérante le 13 mars 1991, dont les passages pertinents stipulent:

«Livraison par ABB à CEF

ABB n’a fourni qu’un seul lot – des produits obsolètes – à CEF. L’argument utilisé a été celui de la relation que l’on a en Angleterre. Lorsque CEF s’adressera à nouveau à ABB, celle-ci lui offrira les prix applicables aux installateurs.»

270
Dans la décision attaquée, la Commission souligne notamment que vendre à CEF du matériel électrotechnique au prix applicable aux installateurs (c’est-à-dire en l’absence de toute remise) enlèverait tout intérêt commercial à de telles transactions (décision attaquée, considérant 59). TU n’offre pas d’arguments aptes à remettre en cause cette interprétation. Au contraire, dans le cadre de son argumentation dirigée contre la seconde infraction, elle a fait valoir qu’une vente sans rabais serait impensable (requête, point 165). C’est donc à juste titre que la Commission a pu conclure que l’intervention de TU auprès d’ABB avait pour objet de s’opposer à l’approvisionnement de CEF par cette dernière.

271
Quant à KM, il est constant que TU, de concert avec 25 autres membres de la FEG, s’est activement opposée à ce fournisseur lorsqu’il a consenti à CEF les mêmes rabais que ceux accordés aux membres de la FEG. Il n’est pas contesté que TU, accompagnée de dix autres membres de la FEG, a, le 27 juin 1991, rendu visite à KM afin de se plaindre des relations que cette dernière entretenait avec CEF (décision attaquée, considérant 66, et note n° 81).

272
En troisième lieu, s’agissant des contacts avec Holec, il est constant que Holec avait confié aux membres de la FEG la distribution de certains de ses produits. TU estime néanmoins qu’il s’agit d’une décision unilatérale de Holec, qui ne poursuit pas un objet anticoncurrentiel.

273
Cependant, il ressort du considérant 57 de la décision attaquée que, le 2 juillet 1991, TU et Holec ont eu un entretien à l’issue duquel Holec a décidé de confier la distribution de certains de ses produits aux seuls grossistes membres de la FEG. Certes, la conclusion d’un accord d’exclusivité entre TU et un fournisseur pouvait être légitime et conforme à la réglementation alors en vigueur. Néanmoins, il demeure que, en l’espèce, la relation d’exclusivité ne concerne pas seulement TU, mais l’ensemble des membres de la FEG. L’intérêt commercial d’un tel rapport n’est donc évident ni pour TU ni pour Holec, ainsi que le souligne la Commission au considérant 57 de la décision attaquée. Il apparaît, au contraire, que cette démarche de TU correspondait à l’intérêt commun des membres de la FEG. Force est donc de conclure que l’argument de TU n’emporte pas la conviction.

274
L’ensemble des éléments qui précèdent démontre, sur la base d’indices objectifs et concordants, que TU, seule ou de concert avec d’autres membres de la FEG, a engagé des démarches auprès des fournisseurs Draka Polva, ABB, KM et Holec, dans le but d’assurer une exclusivité de leur approvisionnement au profit des membres de la FEG. Une telle démarche s’inscrit dans le cadre des efforts des membres de la FEG pour arriver, notamment par le biais du gentlemen’s agreement, à imposer un désavantage concurrentiel aux grossistes concurrents qui n’appartenaient pas à la FEG. TU n’ayant pas rapporté la preuve du caractère erroné des constatations et qualifications effectuées à cet égard dans la décision attaquée, ses arguments doivent être rejetés.

275
Au surplus, pour autant que l’argumentation des requérantes puisse être comprise comme exigeant la démonstration d’effets anticoncurrentiels réels du régime collectif d’exclusivité, alors même que l’objet anticoncurrentiel des comportements reprochés est établi, elle ne saurait être accueillie. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération des effets concrets d’un accord est superflue dès lors qu’il apparaît qu’il a pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun (arrêts de la Cour Consten et Grundig/Commission, précité; du 11 janvier 1990, Sandoz Prodotti Farmaceutici/Commission, C‑77/87, Rec. p. I-45; du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219/95 P, Rec. p. I-4411, points 14 et 15, et du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C-235/92 P, Rec. p. I-4539, point 122).

C – Conclusion sur le régime collectif d’exclusivité

276
La Commission a pu conclure, à juste titre, que le gentlemen’s agreement entre la FEG et la NAVEG ainsi que les pratiques visant à étendre le champ de cet accord à des fournisseurs étrangers à la NAVEG constituaient des accords et pratiques concertées prohibés au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE.

277
Ainsi que la Commission l’a relevé, au considérant 105 de la décision attaquée, le régime collectif d’exclusivité restreint la liberté des fournisseurs de choisir de manière indépendante les sociétés de commerce en gros auxquelles ils souhaitent effectuer des livraisons. Le régime collectif d’exclusivité est conçu et mis en œuvre au bénéfice des membres de la FEG, afin de rendre plus désavantageuses les conditions dans lesquelles leurs concurrents, qui ne sont pas affiliés à cette association, peuvent s’approvisionner en matériel électrotechnique auprès de certains fournisseurs.

278
Par conséquent, en l’absence d’éléments permettant de remettre en cause l’exactitude des faits retenus par la Commission ou l’appréciation qu’elle a portée sur ces faits, ou permettant d’établir que la Commission a commis une erreur de droit en concluant que le régime collectif d’exclusivité tombait sous le coup de l’article 81, paragraphe 1, CE, les moyens des requérantes relatifs à l’existence et au caractère infractionnel du régime collectif d’exclusivité doivent être rejetés dans leur intégralité.

D – Pratiques concertées relatives à la fixation des prix (article 2 de la décision attaquée)

1. Rappel de la décision attaquée

279
Selon la décision attaquée, la FEG et ses membres ont complété le régime collectif d’exclusivité par des décisions et des pratiques concertées relatives à la fixation des prix et des rabais pratiqués (décision attaquée, considérants 102, 111 à 121). Elle a estimé que ces agissements tendaient à créer une stabilité des prix artificielle, dont l’objectif principal était de soustraire les marges des membres de la FEG à toute pression (décision attaquée, considérant 111).

280
La Commission a ainsi considéré que la FEG et TU avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE, en restreignant, directement et indirectement, la faculté des membres de cette association de fixer leurs prix de vente de manière libre et indépendante. À titre d’éléments de preuve de cette infraction, la Commission s’est fondée sur:

les décisions contraignantes de la FEG sur les prix fixes et les publications;

la mise à la disposition par la FEG à ses membres d’un forum de discussion sur les prix et les rabais (décision attaquée, articles 1er et 2);

la diffusion par la FEG de recommandations sur les prix.

281
Elle a estimé que l’application conjointe de ces instruments a eu pour effet de ne laisser subsister dans la pratique, entre les membres de la FEG, qu’une concurrence des prix limitée (décision attaquée, considérant 117).

282
Selon la décision attaquée, il s’agit là d’éléments constitutifs d’une seule et même infraction, et non de trois infractions distinctes.

2. Griefs relatifs à la qualification juridique des faits

283
Les requérantes réfutent le fait que les comportements visés par la Commission aient eu un objet ou un effet restrictif de concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE. La Commission a estimé que les requérantes avaient conclu des «accords horizontaux de fixation de prix», tout en les qualifiant également de «pratiques concertées» (voir, par exemple, décision attaquée, considérants 111 et suivants). Toutefois, les requérantes ne contestent pas cette double qualification.

284
La notion de pratique concertée au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (voir arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 26, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 63).

285
Les critères de coordination et de coopération doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun (voir arrêts de la Cour Suiker Unie e.a./Commission, précité, point 173; du 14 juillet 1981, Züchner, 172/80, Rec. p. 2021, point 13; Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 63, et du 28 mai 1998, Deere/Commission, C-7/95 P, Rec. p. I-3111, point 86).

286
Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à, ou que l’on envisage de, tenir soi-même sur le marché, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (voir, en ce sens, arrêts Suiker Unie e.a./Commission, précité, point 174; Züchner, précité, point 14, et Deere/Commission, précité, point 87).

287
Il découle du texte même de l’article 81, paragraphe 1, CE que, comme dans le cas des accords entre entreprises et des décisions d’associations d’entreprises, les pratiques concertées sont interdites, indépendamment de tout effet, lorsqu’elles ont un objet anticoncurrentiel. La notion même de pratique concertée présuppose un comportement commun des entreprises participantes. Cependant, elle n’implique pas nécessairement que ce comportement se caractérise par des actes relevant de l’activité commerciale de ces entreprises sur le marché. Elle n’implique pas, non plus, que ce comportement produise l’effet concret de restreindre, d’empêcher ou de fausser la concurrence sur le marché, dès lors qu’il poursuit un tel objet.

288
À la lumière de ces principes, soulignés par la Cour dans lタルarrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C-49/92 P, Rec. p. I‑4125, points 123 et 124), il convient d’examiner tour à tour chacun des griefs des requérantes.

a) Décisions contraignantes sur les prix et sur les publications

289
À l’article 2 de la décision attaquée, la Commission a visé deux «décisions contraignantes» de la FEG, l’une relative aux prix fixes, l’autre aux publications. Il est constant que, en vertu des statuts de la FEG, ces décisions revêtaient un caractère obligatoire à l’égard des membres. L’inobservation de ces décisions pouvait en effet aboutir à la suspension ou à la suppression de la qualité de membre de l’association (décision attaquée, considérant 72).

290
Les requérantes font valoir que ces décisions sont restées lettre morte jusqu’à leur retrait le 23 novembre 1993. Par conséquent, tout effet restrictif de concurrence serait exclu.

291
Il y a lieu de vérifier si les décisions contraignantes en cause poursuivent un objet restrictif de concurrence. Dans l’affirmative, toute analyse des effets de ces décisions contraignantes serait superflue aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE.

Décision contraignante sur les prix fixes

– Argument des parties

292
D’après les requérantes, la Commission a, à tort, estimé que la décision contraignante sur les prix fixes obligeait les grossistes à répercuter sur les clients les augmentations de prix imposées par les fournisseurs postérieurement aux commandes (décision attaquée, considérant 73). La décision contraignante sur les prix fixes était inspirée de la Prijzenbeschikking goederen en diensten 1983 (décision ministérielle en matière de prix des biens et des services 1983) (annexe 32 à la requête), adoptée au cours d’une période de forte inflation.

293
TU insiste sur le fait qu’elle fixe ses prix de manière totalement indépendante, conformément aux pratiques commerciales ordinaires. Bien que dans certains cas, elle pratique des prix fixes, elle se réserve le droit de répercuter en aval les augmentations de prix de ses fournisseurs.

– Appréciation du Tribunal

294
La décision contraignante sur les prix fixes concerne les conséquences de modification des prix des fournisseurs sur les marchandises déjà commandées, mais non encore livrées. Spécifiquement, elle prévoit que lorsqu’une telle modification intervient, les marchandises peuvent être livrées pendant trois mois aux prix en vigueur à la date de la commande. Au-delà de ce délai, et pendant une période de six mois, les membres de la FEG doivent répercuter ces modifications à concurrence d’un maximum à fixer, sauf en présence d’une situation de crise. Ce maximum est fixé chaque semestre par la FEG, après consultation d’UNETO. Il s’agit, selon la FEG, d’un régime de répartition entre les grossistes et les installateurs du risque lié aux augmentations de prix susceptibles d’intervenir au cours d’un chantier de longue durée. En cas d’inobservation de ce mécanisme, la décision prévoit l’imposition d’amendes pouvant atteindre 10 000 NLG (4 531 euros). Adoptée le 2 novembre 1984, cette décision contraignante a été abrogée le 23 novembre 1993 (décision attaquée, considérants 73 à 75).

295
Il ressort de ces éléments que cette décision d’une association d’entreprises restreint la liberté de fixation des prix de ses membres et poursuit un objet restrictif de concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

296
À supposer même qu’elle soit avérée, la circonstance selon laquelle cette décision contraignante a été inspirée d’une réglementation nationale en vigueur lors de son adoption n’est pas pertinente. En effet, la FEG n’a pas soutenu que les dispositions réglementaires en cause lui avaient imposé d’adopter la décision contraignante en matière de prix et qu’elle ne disposait, à cet égard, d’aucune autonomie (arrêts de la Cour du 17 novembre 1993, Meng, C-2/91, Rec. p. I-5751, point 22, et Ohra Schadeverzekeringen, C-245/91, Rec. p. I-5851, point 15; arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France/Commission, T‑387/94, Rec. p. II‑961, point 61). Par ailleurs, les requérantes n’ont pas démontré que cette législation est demeurée en vigueur tout au long de la période infractionnelle.

297
Les arguments des requérantes doivent donc être rejetés.

Décision contraignante sur les publications

– Arguments des parties

298
Les requérantes allèguent que la décision contraignante en matière de publication avait un objet exclusivement limité aux actions publicitaires. Elle interdisait, font observer les requérantes, les annonces de prix en dessous du coût de revient. Le seul exemple de son application cité par la Commission serait tiré du compte rendu de la réunion du conseil d’administration de la FEG du 9 juillet 1992. Or, ce document se limiterait, d’une part, à mentionner que Schotman ne respectait pas la décision en cause et, d’autre part, à demander au secrétaire de la FEG de recenser les décisions contraignantes existantes et de préciser le contenu de ce type d’acte. La FEG ajoute que, en tout état de cause, la décision contraignante sur les publications n’a jamais été mise en œuvre avec énergie et, en pratique, elle n’aurait guère été respectée, comme le montrerait la façon dont Schotman, membre de la FEG, a pu y contrevenir impunément.

– Appréciation du Tribunal

299
En vigueur du 2 août 1978 jusqu’à son abrogation le 23 novembre 1993, la décision contraignante en matière de publication interdit aux membres de la FEG de diffuser des publications proposant du matériel électrotechnique à des prix choc et/ou promotionnels à des entreprises spécialisées dans l’installation de ce matériel. Il ressort des termes de cette décision que les membres de la FEG ont ainsi souhaité ne pas provoquer, favoriser et/ou autoriser des opérations ayant pour effet de casser les prix, de perturber le marché, de faire baisser le rendement ou d’entretenir une concurrence débridée entre les membres (voir décision attaquée, considérant 76).

300
La décision contraignante en matière de publication vise à restreindre le comportement individuel des membres de la FEG à l’égard de leur politique commerciale en matière de publication, afin de les protéger des conséquences d’une concurrence qu’ils estiment, en substance, ruineuse. Une décision d’une association d’entreprises de cette nature poursuit manifestement un objet restrictif de concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE. En effet, comme le fait valoir la Commission dans ses écritures dans l’affaire T-5/00, il n’appartient pas à la FEG, en tant qu’association professionnelle, de se substituer au législateur et de déterminer les conditions dans lesquelles ses adhérents peuvent fixer les prix de leurs produits, effectuer des opérations commerciales de promotion ou assurer la publicité de ces prix ou promotions.

301
Par conséquent, il y a lieu de rejeter les arguments des requérantes concernant cette décision contraignante en matière de publication.

b) Concertations sur les prix et les rabais

Arguments des parties

302
Dans son appréciation juridique, la Commission a estimé que les membres de la FEG se sont régulièrement concertés sur les prix et rabais à appliquer. Ces concertations avaient lieu dans le cadre des assemblées ordinaires de la FEG, des réunions de ses commissions par produit et des assemblées régionales d’association, et ce durant la période comprise entre le 6 décembre 1989 et le 30 novembre 1993.

303
Les discussions (décision attaquée, considérants 79 à 84) portaient sur:

la définition de règles pour l’octroi du rabais et la fixation de leurs taux;

le respect des recommandations de la FEG en matière de prix et de rabais.

304
Si les requérantes admettent que les prix et les rabais étaient parfois évoqués, elles insistent sur le caractère exceptionnel de ces discussions et leur absence de pertinence au regard du droit de la concurrence. Elles dénoncent le caractère parcellaire des éléments de preuve invoqués par la Commission. Celle-ci aurait interprété certains documents émanant de commissions régionales de la FEG spécialisées dans les produits «fil et câble» pour démontrer l’existence d’une entente nationale sur l’ensemble du matériel électrotechnique.

305
Les requérantes rappellent que la très grande majorité des fournisseurs utilisent des listes de prix bruts conseillés pour les ventes au consommateur final. Il s’agit, selon les requérantes, du point de référence du calcul des prix à chacun des stades de la filière de distribution. À chacun de ces stades, ces prix feraient l’objet de rabais; les grossistes négocient avec leurs clients l’importance des rabais qu’ils leur concèdent. Entre les grossistes, la concurrence sur les prix s’exercerait au niveau des rabais que les fournisseurs leur octroient. La présentation de ce mécanisme aux considérants 85 à 87 de la décision attaquée serait tendancieuse, car la Commission semble y suggérer que les prix bruts conseillés feraient office de prix fixés entre concurrents.

306
La prétendue concertation en matière de prix et de rabais entre membres de la FEG serait demeurée, en pratique, limitée à l’échange d’informations sur les tendances générales du marché. Dans la décision attaquée, la Commission se serait arrêtée à des cas isolés dépourvus de grande signification et aurait manqué à ses obligations en matière de charge de la preuve. Il ne saurait être question d’un accord horizontal de fixation de prix, ni du moindre objet ou effet restrictif de concurrence.

307
Premièrement, s’agissant de la commission des produits «fil et câble» (décision attaquée, considérant 80), les requérantes soutiennent que, si son objet statutaire est de «viser à conserver au marché sa tranquillité et à maintenir le niveau des prix», il ne faudrait voir en ces termes qu’un choix de vocabulaire quelque peu archaïque. Compte tenu de la vive concurrence entre grossistes et de l’absence de pouvoirs coercitifs de la commission des produits «fil et câble», toute fixation horizontale de prix serait exclue.

308
Les requérantes récusent l’interprétation, par la Commission, de la communication faite par le président de la commission des produits «fil et câble» de la FEG: «La présente commission doit viser à conserver au marché sa tranquillité et à maintenir le niveau des prix. Il est nécessaire, pour atteindre cet objectif, de procéder régulièrement entre nous à des échanges d’idées.» (Décision attaquée, considérant 80.) La Commission (décision attaquée, considérant 81) voit une confirmation de ce prétendu accord sur les prix dans les propos suivants: «Il est décidé, après un bref échange de vues, que tous les membres de la commission apporteront lors de la prochaine réunion une liste des prix pratiqués au cours du mois précédant ladite réunion [...] Cette liste portera sur les prix effectivement payés par les clients. La commission examinera sur la base de ces listes s’il présente un intérêt de définir des règles pour l’octroi des rabais […] La commission ‘fil et câble’ travaille actuellement à l’élaboration de règles du jeu pour l’octroi des rabais.»

309
Les requérantes maintiennent qu’il n’y a, tout au plus, qu’une intention de fixer les prix entre concurrents. Viser à influencer le marché ou à mettre sur pied un système d’information licite sur les marges et chiffres d’affaires moyens ne constituerait pas une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE. Aucun document ne prouverait que la commission des produits «fil et câble» ait effectivement traduit cette intention en un accord. Au contraire, les membres de cette commission auraient même reconnu que la rédaction de règles du jeu n’était pas possible.

310
Deuxièmement, s’agissant des règles du jeu quant à l’octroi des rabais et annonces de surenchères en matière de rabais (décision attaquée, considérants 81 et 82), les requérantes nient leur existence. Le seul fait d’avoir discuté des rabais pratiqués sur le marché ne constituerait pas une infraction aux règles de concurrence. De même, l’annonce relative aux surenchères sur les rabais ne constituerait pas une infraction. Aucune de ces discussions n’a donné lieu à des actions ou à des accords.

311
Troisièmement, s’agissant des rabais standard de 35 % (décision attaquée, considérant 83), les requérantes précisent que les rabais en cause sont consentis sur le matériel didactique commandé par des écoles techniques. La FEG reconnaît avoir donné son accord sur le principe d’un rabais standard de 35 % aux écoles. Cette décision ne pouvait pas avoir d’effet appréciable sur le marché. La FEG insiste sur l’objet social et la particularité du contexte de cette mesure.

312
Quatrièmement, s’agissant des rabais aux consommateurs finals (décision attaquée, considérant 84), les requérantes reprochent à la Commission d’avoir interprété la citation reproduite au considérant 84 de la décision attaquée comme une critique dirigée contre les rabais aux consommateurs finals pratiqués par certains des membres de la FEG. Cette dernière considère comme impensable qu’une livraison soit effectuée sans rabais. En réalité, la FEG n’aurait fait qu’exprimer son mécontentement quant aux livraisons directes aux consommateurs finals. Dans son rôle de «conscience» de la profession de grossistes en matériel électrotechnique, il serait naturel que la FEG invite ses membres à ne pas livrer aux clients de leurs clients (utilisateurs finals ou clients d’installateurs). Un tel comportement serait commercialement suicidaire.

313
Cinquièmement, s’agissant des tubes en PVC et boîtes de branchement, boîtes centrales et boîtes encastrables (décision attaquée, considérant 85), les requérantes exposent que, contrairement aux autres fournisseurs de matériel électrotechnique, les fabricants de tubes en PVC et de boîtes de branchement, de boîtes centrales et de boîtes encastrables pratiquaient des prix nets conseillés. Ils auraient sollicité l’aide de la FEG pour convertir ces prix en prix bruts conseillés. Ils souhaitaient en effet basculer vers le système de prix bruts conseillés appliqués à tous les autres types de produits électrotechniques. Afin de répondre à cette demande, TU aurait mis du personnel et des moyens informatiques à la disposition de la FEG. Cette dernière affirme qu’il ne s’agit donc pas d’accords illicites sur les prix, mais plutôt d’une présentation différente des prix conseillés du fabricant. Depuis cette conversion, ces articles sont vendus conformément au système des prix bruts conseillés, des rabais standard et des conditions individualisées. Dès lors, un tel exercice ne saurait être considéré comme une restriction de concurrence au sens de l’article 81 CE.

314
De tels accords seraient en tout état de cause dépourvus d’effet sensible sur le marché.

315
Sixièmement, s’agissant de l’objet des commissions par produit de la FEG (décision attaquée, considérant 111), les requérantes rappellent que la Commission cite, aux considérants 8 et 111 de la décision attaquée, un extrait du manuel d’instruction des commissions de la FEG:

«Pour avoir une idée précise de ce qui se passe sur le marché, il est essentiel de connaître les chiffres d’affaires et les marges. Sans cette connaissance, il est impossible d’entreprendre quoi que ce soit qui soit de nature à influencer le marché.»

316
Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir omis de mentionner le contexte de cette citation, qui donne un éclairage tout à fait différent du passage en cause, qui est suivi immédiatement de la phrase suivante:

«Au cours des dernières années, aucune commission n’a entrepris la moindre action pour rassembler ces données du marché.»

Appréciation du Tribunal

317
Les requérantes ne contestent pas l’existence de discussions sur les rabais, les prix, les marges et chiffres d’affaires des membres de la FEG, mais soutiennent, en substance, que ces discussions ne sont pas contraires à l’article 81 CE, dans la mesure où elles n’ont pas eu d’effets sur le marché, faute d’avoir été mises en œuvre ou suivies d’effets appréciables.

318
Ces arguments ne sauraient prospérer.

319
Il convient tout d’abord de rappeler que, au considérant 111 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, par un ensemble de décisions et de pratiques concertées, la FEG et ses membres cherchaient à «créer une stabilité des prix artificielle, dont l’objectif principal est de soustraire les marges des membres de la FEG à toute pression». La Commission s’est notamment référée au manuel d’instruction remis par la FEG aux commissions par produits, selon lequel, «pour avoir une idée précise de ce qui se passe sur le marché, il est essentiel de connaître les chiffres d’affaires et les marges» et «sans cette connaissance, il est impossible d’entreprendre quoi que ce soit qui soit de nature à influencer le marché.»

320
Les requérantes rétorquent que la FEG a cherché à mettre sur pied un système d’échange d’informations licite portant sur les chiffres d’affaires et les marges de ses membres. Elles reprochent à la Commission d’avoir dénaturé ce passage en omettant de souligner qu’il était immédiatement suivi de la phrase suivante:

«Au cours des dernières années, aucune commission n’a entrepris la moindre action pour rassembler ces données du marché.»

321
Nonobstant ces objections, il y a lieu de convenir que c’est à juste titre que la Commission a pu estimer que l’objet du système d’échange d’informations en cause, tel qu’il ressort du manuel d’instruction de la FEG, vise – selon ses propres termes – à «influencer le marché». Dès lors, la Commission a pu, à juste titre, considérer qu’il s’agissait d’un indice supplémentaire de l’existence de pratiques visant à limiter la concurrence par les prix entre les membres de la FEG.

322
S’agissant de la commission des produits «fil et câble», il convient de rappeler que son objet était de «viser à conserver au marché sa tranquillité et à maintenir le niveau des prix» (décision attaquée, considérant 80). Il s’agit manifestement d’un objet prohibé par l’article 81, paragraphe 1, CE, puisqu’il vise à substituer aux décisions individuelles des entreprises le résultat de leur collusion en matière de prix.

323
S’agissant des règles concernant l’octroi de rabais, la décision attaquée relève notamment que, lors d’une réunion du 6 décembre 1989, la commission des produits «fil et câble» avait décidé de mettre en place un échange d’informations sur les prix pratiqués par ses membres. Cet échange devait permettre à la commission de décider s’il était nécessaire de fixer des règles pour l’octroi de rabais. C’est donc à juste titre que la Commission a pu retenir ces éléments à titre d’indices de pratiques dont l’objet était de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

324
S’agissant des rabais standard pour la vente de matériel électrotechnique aux écoles (décision attaquée, considérant 83), il est constant que la FEG, TU et d’autres membres de cette association se sont accordés sur un taux de rabais uniforme de 35 %. Un tel concours de volonté a manifestement pour objet de restreindre la libre détermination de la politique commerciale des membres de la FEG. Quant au prétendu objet social de cette collusion, il ne saurait être pris en considération dans le cadre de l’article 81, paragraphe 1, CE.

325
S’agissant des rabais aux consommateurs finals (décision attaquée, considérant 84), il est constant que la FEG a invité ses membres à ne pas livrer de matériel électrotechnique aux clients de leurs clients. Au considérant 84 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, lors de l’assemblée régionale de la FEG du 28 mai 1991, à laquelle TU assistait, la FEG s’était élevée contre les pratiques de certains grossistes qui accordaient des rabais aux consommateurs finals. La Commission s’est référée à cet incident afin d’illustrer le rôle joué par la FEG dans le contrôle du respect des pratiques concertées relatives aux rabais. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, un tel rôle de la part de la FEG n’est pas «naturel», mais relève de pratiques dont l’objet est de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

326
S’agissant de l’envoi par la FEG à ses membres de recommandations en matière de prix, il est constant que TU a assisté la FEG lors de la conversion en prix bruts conseillés des prix nets conseillés pratiqués par les fournisseurs de certains matériels en matière plastique. Il est également constant que la FEG a adressé régulièrement à ses membres des relevés des prix les plus récents pour ces matériels. Les requérantes n’ont pas contesté que, dans le cas des tubes en PVC, la FEG avait envoyé à ses membres, à la suite de modifications de prix décidées par les fabricants, des listes de prix mises à jour mentionnant également les pourcentages de réduction ou d’augmentation qu’elle conseillait à ses membres d’appliquer (décision attaquée, considérant 85). Enfin, les requérantes n’ont pas contesté la véracité ni l’interprétation faite par la Commission au considérant 87 de la décision attaquée du compte rendu de l’assemblée régionale de la FEG du 2 mars 1989. Il ressort de cette pièce que la FEG, après une augmentation du prix des tubes en plastique, avait recommandé à ses membres de respecter les prix conseillés.

327
Les requérantes contestent le fait que l’effort de conversion auquel TU a activement participé poursuive un objet restrictif de concurrence. Elles défendent la légitimité de cette démarche, destinée à aider les fabricants des matériels en cause à adopter une présentation de leurs prix conforme à celle des fabricants d’autres matériels électrotechniques.

328
Cet argument n’est pas convaincant. En effet, à la lumière de ce qui précède, force est de constater que TU et la FEG ont pu exercer une influence sur la libre formation des prix par l’intermédiaire des membres de cette association, en procédant à des échanges et diffusions d’informations sur les prix et rabais relatifs à certains matériels électrotechniques en matière plastique. C’est donc à juste titre que la Commission a pu retenir ces éléments à titre d’indices de l’existence de restriction à la concurrence et estimer, au considérant 116 de la décision attaquée, ce qui suit:

«La FEG, au moyen de l’envoi de prix conseillés, tentait d’aboutir à ce que ses membres réagissent de manière uniforme aux augmentations et diminutions de prix introduites par les fournisseurs. Cette démarche réduisait le risque de voir certains membres de la FEG saisir l’occasion de ces modifications de prix pour acquérir un avantage concurrentiel sur d’autres membres en ne les répercutant pas ou pas entièrement sur les prix facturés à leurs clients. Un tel comportement perturberait la tranquillité du marché défendue par la FEG et pourrait attiser entre ses membres la concurrence des prix.»

329
La Commission n’a donc pas commis d’erreur en parvenant à la conclusion selon laquelle les concertations sur les prix et les rabais poursuivaient un objet anticoncurrentiel.

c) Listes de prix identiques

330
Dans la décision attaquée (considérants 88 à 90), la Commission a estimé que l’application conjointe des instruments précités a eu pour effet de ne laisser subsister, entre les membres de la FEG, qu’une concurrence des prix limitée. À titre d’illustration, elle a souligné le degré élevé de similitude entre les prix et les rabais figurant dans les catalogues des membres de la FEG les plus importants, dont TU. Elle a également souligné que leurs publications intervenaient au même moment.

Arguments des parties

331
Les requérantes estiment que ces similitudes sont naturelles dans la mesure où les prix indiqués dans les catalogues des grossistes sont ceux annoncés par les fabricants. Pour le reste, TU estime que ces similitudes sont le résultat du hasard et souligne les nombreuses différences entre les catalogues des différents grossistes en cause. Quant aux dates de publication, elles seraient la conséquence des dates des annonces de prix des fabricants. Les requérantes en déduisent que la Commission a commis une erreur en estimant, à partir de ces éléments, se trouver en présence d’un accord horizontal de fixation de prix.

332
Si la Commission a invoqué l’existence de listes de prix identiques entre certains concurrents, TU souligne que ces constatations n’ont pas été reprises dans le dispositif de la décision. Ces constatations seraient donc invoquées à titre purement surabondant.

Appréciation du Tribunal

333
Les arguments des requérantes reposent sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, la Commission a invoqué les similitudes observées entre les catalogues des principaux grossistes à titre d’illustration du faible degré de concurrence existant sur le marché pertinent. Il s’agit donc d’un exemple destiné à caractériser les effets des pratiques en cause sur le marché et non pas d’une infraction distincte de celles visées dans le dispositif de la décision attaquée.

334
Il ressort des appréciations précédentes sur les décisions contraignantes en matière de prix et de publication et les diverses formes de concertation en matière de prix et rabais (voir ci-dessus points 294 à 297, 299 à 301, et 317 à 329) que la Commission a démontré, à suffisance de droit, le caractère restrictif de concurrence des pratiques en cause. Il est dès lors superflu d’examiner leurs effets sur le marché.

335
À titre surabondant, il convient de rappeler que, sans nier entièrement les similitudes observées, TU en attribue l’origine à la structure et au fonctionnement naturel du marché pertinent. Il est vrai que le marché pertinent est fortement concentré: les cinq plus gros membres de la FEG représentent conjointement 62 % du marché, et la part des dix plus gros s’élève à 80 % (décision attaquée, considérant 24). Si une telle structure peut favoriser les collusions, aucune conclusion définitive ne peut cependant en être tirée quant à la licéité des similitudes observées.

336
TU minimise l’importance de ces similitudes, en faisant valoir que chaque grossiste offre, en marge de ses conditions standard, des rabais négociés individuellement. Au considérant 117 de la décision attaquée, la Commission a néanmoins mis en lumière l’effet sur le marché de telles pratiques: soit les grossistes appliquent les prix bruts et les rabais standard mentionnés dans les catalogues et éliminent ainsi toute concurrence par les prix entre eux, soit ils utilisent ces conditions standard comme base de négociation et ils limitent alors cette concurrence. La Commission a, par ailleurs, souligné l’effet d’entraînement de ces pratiques suivies par les principaux grossistes membres de la FEG. Les membres de moindre importance se fondent, en effet, sur les catalogues de ces derniers pour définir leur propre politique de prix. Les griefs des requérantes ne permettent pas de remettre en cause le bien-fondé de ces appréciations.

337
La Commission a en outre relevé, sans être directement contredite sur ce point par TU, que les prix pratiqués par les grossistes aux Pays-Bas sont supérieurs à ceux en vigueur dans les autres États membres (décision attaquée, considérant 119). Elle en a conclu que les pratiques en cause avaient pour conséquence d’harmoniser la politique des prix des membres de la FEG et de stabiliser ou d’augmenter les prix du matériel vendu. C’est ainsi que le prix du matériel électrotechnique atteint, au niveau du commerce de gros, un niveau artificiel, plus élevé que celui auquel il serait fixé dans un marché purement concurrentiel. La FEG, tout en récusant l’assertion selon laquelle les prix seraient plus élevés aux Pays-Bas que dans les pays voisins, n’a pas offert de preuves sérieuses visant à infirmer cette dernière proposition.

338
Il apparaît ainsi que, par une série de pratiques, d’accords et de décisions, les membres de la FEG et cette association, qui disposent d’une puissance économique prépondérante sur le marché en cause, ont, par collusion, cherché à restreindre la concurrence par les prix entre elles en procédant à des concertations en matière de prix et rabais ainsi qu’en adoptant, au niveau de la FEG, des décisions contraignantes en matière de prix et de publicité.

339
La Commission a donc démontré, à suffisance de droit, que ces pratiques étaient contraires à l’article 81 CE.

E – Lien entre le régime collectif d’exclusivité et les pratiques concertées relatives à la fixation des prix

1. Arguments des parties

340
Les requérantes dénoncent le lien établi entre les deux infractions qui leur sont reprochées. La structure et le fonctionnement du marché interdiraient aux grossistes d’être en mesure d’exercer une puissance économique leur permettant d’augmenter les prix artificiellement. Il serait erroné de croire, comme la Commission l’a fait, que les membres de la FEG ne se livrent pas à une concurrence par les prix. Quant au prétendu niveau de prix artificiel sur le marché néerlandais, la Commission n’aurait effectué aucune enquête approfondie sur ce point.

341
TU ajoute que, avec autant de fabricants, de grossistes, d’installateurs, d’utilisateurs finaux, et avec environ 70 000 articles, il serait impossible qu’un groupe d’opérateurs économiques réussisse, par une entente, à se réserver les produits les plus importants et à maintenir les prix à un niveau élevé. Les membres de la FEG ne seraient pas en mesure de maintenir un niveau de prix artificiellement élevé, notamment en raison du fait que les fournisseurs vendent environ la moitié de leurs produits directement, sans recours aux services des grossistes.

2. Appréciation du Tribunal

342
La question du lien entre les deux infractions est dénuée de pertinence. Il importe peu de savoir qui, du régime collectif d’exclusivité ou des pratiques relatives à la fixation des prix, soutient l’autre. Les deux infractions poursuivent un même objet anticoncurrentiel, qui consiste à maintenir les prix à un niveau supraconcurrentiel, d’une part, en diminuant la compétitivité des entreprises qui cherchent à opérer sur le marché de la distribution en gros de matériel électrotechnique aux Pays‑Bas, et à rivaliser ainsi avec les membres de la FEG, sans être affiliées à cette association d’entreprises, et, d’autre part, en coordonnant partiellement leur politique de prix.

343
Pour le reste, les requérantes réitèrent l’argumentation selon laquelle la structure et le fonctionnement du marché excluent toute restriction de concurrence. Ces critiques ont déjà été rejetées. Par conséquent, l’argumentation des requérantes relative au lien entre les deux infractions doit également être rejetée.

III – Sur l’imputabilité des infractions à TU (affaire T-6/00)

344
L’argumentation de TU relative à l’imputabilité des infractions s’articule en trois branches. Par la première, elle conteste la validité des critères d’imputabilité des infractions visées à l’article 3 de la décision attaquée. Dans la deuxième, TU allègue que ces critères enfreignent le principe d’égalité de traitement. La troisième branche est prise d’une violation de l’obligation de motivation énoncée à l’article 253 CE.

A – Critère d’imputabilité

1. Arguments des parties

345
Se référant à l’article 3 de la décision attaquée, TU soutient que les infractions commises par la FEG lui ont été imputées du seul fait de son appartenance à cette association. TU en déduit que sa responsabilité ne peut être mise en cause pour des actes qui n’ont pas été commis par la FEG.

346
C’est ainsi que TU s’insurge contre l’arbitraire supposé du critère d’imputabilité des infractions retenues contre elle. En outre, elle fait valoir que ses contacts avec des fournisseurs étrangers à la NAVEG ne pouvaient servir de fondement à la constatation d’une pratique concertée illicite visant à étendre le régime collectif d’exclusivité, puisque ses contacts ont eu lieu hors du cadre de la FEG.

347
Ce n’est qu’à titre subsidiaire que TU conteste les éléments sur la base desquels la Commission a retenu sa responsabilité pour les infractions visées aux articles 1er et 2 de la décision attaquée.

348
La Commission rétorque que la prémisse de ce raisonnement est erronée. La décision attaquée tiendrait la requérante pour personnellement responsable des infractions constatées aux articles 1er et 2. Il ressortirait de l’article 3, ainsi que des motifs de la décision attaquée, que ces infractions ont été commises par la requérante à titre individuel, tant en raison de son rôle au sein de la FEG qu’en raison de ses agissements et de ses initiatives personnelles. Dès lors, cette première branche devrait être rejetée dans son intégralité.

2. Appréciation du Tribunal

349
L’argumentation de TU repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. Selon l’article 3 de celle-ci, TU a enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE en participant activement aux infractions retenues aux articles 1er et 2, à l’encontre de la FEG. Ce n’est donc pas du fait de sa seule appartenance à la FEG que la requérante a été déclarée responsable des infractions visées aux articles 1er et 2 de la décision attaquée, mais en raison de sa participation active à celles-ci.

350
Contrairement à ce que soutient la Commission, cette appréciation ne suffit pas à rejeter la première branche de ce moyen dans son intégralité. En effet, TU a également développé plusieurs griefs afin de réfuter les preuves de sa participation active aux infractions. Il convient donc d’examiner ces griefs, afin de trancher la question de savoir si la Commission a établi à suffisance de droit la participation de TU aux infractions visées aux articles 1er (régime collectif d’exclusivité) et 2 (fixation de prix) de la décision attaquée.

B – Participation de TU à l’infraction relative au régime collectif d’exclusivité

1. Participation au gentlemen’s agreement

351
Au considérant 69 de la décision attaquée, la Commission a estimé que TU avait joué un rôle clé au sein de la FEG concernant le régime collectif d’exclusivité. TU s’insurge contre ces appréciations qu’elle estime erronées. Elle objecte que:

juridiquement, elle ne pouvait exercer d’influence sur les décisions de la FEG;

ses intérêts ne coïncident pas avec ceux de la FEG;

elle n’était pas présente ni représentée lorsque les modalités du régime collectif d’exclusivité ont été discutées entre la FEG et la NAVEG le 28 février 1989.

352
Le Tribunal estime, premièrement, que les critiques tirées des règles de fonctionnement interne de la FEG et de la législation néerlandaise ne sont pas pertinentes. Il importe de déterminer si TU a participé au gentlemen’s agreement et non de savoir si les statuts de la FEG ou la législation régissant le droit des associations aux Pays‑Bas le lui permettaient.

353
Deuxièmement, il est erroné d’affirmer que la Commission a commis une erreur en estimant que les intérêts de la requérante coïncident avec ceux de la FEG. La décision attaquée se borne en effet à indiquer que ces intérêts «coïncident plus ou moins» (décision attaquée, considérant 69), faisant ressortir par là une convergence d’intérêts naturelle entre la FEG et l’un de ses principaux membres, plutôt qu’une identité entre ceux-ci.

354
Troisièmement, la circonstance selon laquelle TU n’a pas été présente ou représentée à la réunion du 28 février 1989 ne suffit pas à mettre en cause sa participation active au gentlemen’s agreement.

355
Certes, l’affiliation à une association professionnelle ne saurait conduire à imputer automatiquement à l’affilié concerné la responsabilité des différents comportements infractionnels de l’association, en faisant l’économie de la démonstration de la participation personnelle ou du soutien de cet affilié aux comportements illicites dénoncés. Toutefois, TU ne saurait prétendre que ses agissements personnels ne peuvent être retenus à titre de preuve de sa participation aux infractions en cause.

356
En l’espèce, cette participation est directement liée au rôle de TU dans la conduite des affaires de la FEG. Il est constant que TU est une des plus importantes entreprises membres de la FEG. C’est à ce titre que certains de ses dirigeants ou employés ont siégé au conseil d’administration de la FEG et participé aux délibérations des organes de cette association entre 1985 et 1995. À cet égard, il y a lieu de rappeler que le conseil d’administration, composé de cinq personnes physiques élues par l’assemblée générale, assure la direction générale de l’association (article 6 des statuts de la FEG).

357
La Commission a recueilli des indices probants de l’existence du gentlemen’s agreement, comme il été confirmé par le Tribunal aux points 210 à 212 ci-dessus. Compte tenu de la nature de cet accord, la Commission n’a pas été en mesure de déterminer la date précise à laquelle il avait été conclu, contrairement à ce que semble alléguer TU. En revanche, elle a rassemblé des indices documentaires de contacts entre la FEG et la NAVEG au cours desquels le gentlemen’s agreement avait été évoqué. Ces pièces couvrent une période qui s’ouvre le 11 mars 1986 par une réunion entre les conseils d’administration de la NAVEG et de la FEG. La Commission a également retenu les propos échangés entre ces mêmes conseils d’administration les 28 février 1989 et 25 octobre 1991, ainsi qu’une lettre de la FEG à la NAVEG du 18 novembre 1991 (voir décision attaquée, note n° 53).

358
Parmi les réunions des conseils d’administration de la FEG et de la NAVEG invoquées par la Commission, il est constant que TU n’était ni présente ni représentée à celle du 28 février 1989. Il n’est toutefois pas contesté que la FEG a dressé un compte rendu de cette réunion (décision attaquée, considérant 46, et note n° 48). La présence de TU à d’autres réunions (11 mars 1986 et 25 octobre 1991) ainsi que sa représentation au conseil d’administration de la FEG en 1991 ne sont pas contestées.

359
Selon une jurisprudence bien établie, dès lors qu’une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et qu’elle ne se distancie pas publiquement du contenu de celles‑ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu’elle souscrit au résultat des réunions et qu’elle s’y conformera, il peut être considéré comme établi qu’elle participe à l’entente résultant desdites réunions (voir arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II‑1711, point 232 ; du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T‑12/89, Rec. p. II‑907, point 98, et du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T‑141/89, Rec. p. II‑791, points 85 et 86).

360
En l’absence d’une telle preuve de distanciation et, à plus forte raison, en vertu de sa participation en sa qualité de membre du conseil d’administration de la FEG, TU doit être considérée comme ayant participé au gentlemen’s agreement.

361
À titre surabondant, on peut ajouter que TU ne saurait prétendre qu’elle ignorait le contenu des discussions qui ont eu lieu avec la NAVEG le 28 février 1989.

362
Par conséquent, il y a lieu de rejeter les arguments de TU.

2. Participation aux pratiques concertées

363
TU se limite à faire valoir le fait que les incidents relatifs aux entreprises Draka Polva, ABB, KM et Holec concernent des entreprises qui n’étaient pas membres de la NAVEG. TU soutient que ces incidents ne se sont pas déroulés dans le cadre de la FEG, de sorte qu’ils ne sont pas rattachables au régime collectif d’exclusivité en cause. Sur la base de l’interprétation du dispositif de la décision attaquée qu’elle a défendue précédemment, TU estime ainsi qu’aucune infraction ne peut donc lui être imputée au titre de ces faits.

364
Le Tribunal considère que ce raisonnement repose sur une prémisse erronée, ainsi qu’il a déjà été exposé lors de l’examen de la thèse principale de TU (voir point 349 ci-dessus). Dès lors, ces mêmes considérations amènent à rejeter sans autre examen ces arguments.

365
En conclusion, il convient de constater que TU est un des principaux membres de la FEG et, à ce titre, a été représentée au conseil d’administration de celle-ci de manière continue entre 1985 et 1995, à l’exception toutefois de l’année 1990. En cette qualité, TU a directement participé à l’élaboration de la politique de la FEG et/ou a été informée des discussions entre cette association et la NAVEG concernant le régime collectif d’exclusivité, sans jamais avoir cherché à s’en distancier publiquement.

366
Par ailleurs, il ressort à suffisance de droit des preuves examinées par la Commission aux considérants 53 à 70 de la décision attaquée que TU a joué un rôle particulièrement important dans la pratique concertée consistant à étendre le régime collectif d’exclusivité à certains fournisseurs qui n’appartenaient pas à la NAVEG. TU, à titre individuel ainsi que de concert avec d’autres membres de la FEG, a exercé des pressions sur ces entreprises afin qu’elles n’approvisionnent pas les grossistes non affiliés à la FEG avec lesquels ils se trouvaient en concurrence.

367
TU n’est pas parvenue à infirmer ces constatations. Dès lors, c’est à juste titre que la Commission a retenu la participation active de la requérante au régime collectif d’exclusivité illicite. La Commission a ainsi établi à suffisance de droit l’imputabilité de cette infraction à TU.

C – Participation de TU à l’infraction relative à la fixation des prix

368
À titre principal, TU estime que les décisions contraignantes sur les prix fixes et les publications sont des décisions d’une association d’entreprises au sens de l’article 81 CE. Cette qualification juridique impliquerait que seule la FEG puisse en être responsable.

369
À titre subsidiaire, TU reproche, d’une manière générale, à la Commission de ne pas avoir démontré sa participation à l’infraction visée à l’article 2 de la décision attaquée. Par ailleurs, TU invoque trois arguments spécifiques. D’abord, la Commission aurait qualifié l’envoi par la FEG de prix conseillés de pratique concertée au sens de l’article 81 CE. Cette qualification serait incompatible avec le reste de la décision attaquée, qui ne vise que des accords et/ou des décisions d’association d’entreprises. Ensuite, la mise à disposition d’un forum de concertation sur les prix ne viserait, par sa nature, que la FEG. Toute responsabilité de TU serait donc exclue. Enfin, le dispositif de la décision attaquée ne viserait pas les accords sur les rabais aux écoles ni les constatations opérées quant aux listes de prix uniformes.

370
Le Tribunal observe que cette argumentation repose, dans une large mesure, sur une lecture erronée de la décision attaquée.

371
En premier lieu, TU ne saurait prétendre que, par sa nature, l’infraction visée à l’article 2 de la décision attaquée ne concerne que la FEG et ne peut, par conséquent, lui être imputée. Ainsi qu’il a été rappelé précédemment (voir point 349 ci-dessus), l’article 3 de la décision attaquée dispose que la requérante a enfreint l’article 81 CE en participant activement aux infractions commises par la FEG.

372
En second lieu, les critiques de TU tirées de la qualification juridique d’accords et/ou de pratiques concertées ne sont pas fondées. En effet, une violation de l’article 81 CE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. TU ne saurait utilement contester les appréciations de la Commission au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes une violation de l’article 81 CE.

373
En l’espèce, l’infraction visée à l’article 2 de la décision attaquée revêt un caractère unique. Imputée à la FEG, elle a consisté à restreindre directement et indirectement la faculté des membres de cette association de fixer librement et indépendamment leurs prix de vente. Les éléments constitutifs de cette infraction sont les décisions contraignantes de la FEG en matière de prix et de publications, la diffusion de recommandations en matière de prix et de rabais et la mise à disposition d’un forum de concertation sur les prix et les rabais.

374
L’article 2 de la décision attaquée doit, de plus, être lu à la lumière des motifs de ladite décision. Il est constant, en l’espèce, que les décisions contraignantes en matière de prix et de publications sont des décisions d’une association d’entreprises au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE (décision attaquée, considérant 95). Quant à la concertation sur les prix et les rabais et l’envoi par la FEG de prix conseillés, la Commission les a qualifiés de pratiques concertées (décision attaquée, considérant 102). La Commission a retenu l’existence de concertations régulières entre les membres de la FEG sur les prix et les rabais, entre le 6 décembre 1989 et le 30 novembre 1993 (décision attaquée, considérant 115). Elle a notamment pris en considération les éléments de faits relatifs à la fixation des rabais aux écoles, exposés au considérant 83 de la décision attaquée. La Commission s’est également appuyée sur les similitudes constatées entre les catalogues de prix de plusieurs grossistes, dont la requérante, pour démontrer que les décisions contraignantes et la concertation en matière de prix et de rabais avaient pour effet conjoint de ne laisser qu’une concurrence limitée entre les membres de la FEG (décision attaquée, considérant 117).

375
Il reste à déterminer si la Commission a rapporté, à suffisance de droit, la preuve de la participation active de TU à l’infraction relative à la fixation des prix.

376
S’agissant de la participation de TU aux décisions contraignantes sur les prix et publications, il a été établi que celles-ci poursuivaient un but illicite. Compte tenu des règles statutaires de la FEG, ces décisions illicites constituent l’expression fidèle de la volonté commune de ses membres et suffisent à imputer à TU la responsabilité de leur adoption (voir arrêts de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, et du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission, 45/85, Rec. p. 405).

377
Pour le reste, le rôle de TU au sein de la FEG a déjà été mis en lumière (voir points 356, 365 à 367 ci-dessus). C’est ainsi que la Commission a pu à bon droit estimer, au considérant 93 de la décision attaquée, que la requérante «a[vait] eu pendant longtemps un représentant au sein du conseil d’administration de la FEG et connaissait donc la politique précitée menée par la FEG, ou a[vait] collaboré activement à son élaboration.»

378
Par ailleurs, il est constant que TU a transmis à la FEG les informations sur les prix, sur la base desquelles la FEG informait elle-même ses membres de la modification des prix bruts et nets de certains produits. Ainsi que la Commission l’a souligné:

«Cela signifiait concrètement que TU, au bénéfice de l’ensemble du secteur, convertissait en prix bruts uniformes les données livrées par le fabricant concernant la modification des prix nets, et transmettait ensuite ces renseignements à la FEG [...]. TU était la seule à l’époque à disposer des capacités informatiques nécessaires pour exécuter ces calculs.» (Décision attaquée, considérant 93.)

379
Par conséquent, la Commission a valablement pu imputer à TU l’infraction relative à la fixation des prix visée à l’article 2 de la décision attaquée, en raison de sa participation active à celle-ci.

D – Violation du principe d’égalité de traitement

1. Arguments des parties

380
La Commission n’aurait pas démontré le rôle particulier de TU par rapport à celui d’autres entreprises membres de la FEG. Un tel traitement serait discriminatoire (arrêt de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28).

381
En effet, alors que six autres membres de la FEG avaient reçu la communication des griefs, la Commission aurait estimé, au considérant 31 de la décision attaquée, ne pas avoir été en mesure d’établir avec suffisamment de certitude la responsabilité de chacune d’entre elles. Néanmoins, TU estime que sa situation est identique à celle de tous les membres de la FEG qui ont:

siégé au conseil d’administration, ou aux commissions par produits de la FEG;

été présents aux assemblées de la FEG;

fait des apports matériels lors de ces assemblées;

ont des intérêts parallèles à ceux de la FEG.

2. Appréciation du Tribunal

382
Le fait que la Commission n’a pas constaté d’infraction à l’égard d’autres membres de la FEG ne constitue pas une violation du principe d’égalité de traitement. En effet, la circonstance selon laquelle un opérateur qui se trouvait dans une situation analogue à celle d’un requérant n’a fait l’objet d’aucune constatation d’infraction de la part de la Commission ne saurait en toute hypothèse permettre d’écarter l’infraction retenue à l’encontre de ce requérant, dès lors que celle-ci a été correctement établie (arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 146).

383
Dès lors, l’argumentation de TU prise d’une violation du principe d’égalité de traitement doit être rejetée.

E – Défaut ou insuffisance de motivation

1. Arguments des parties

384
TU soutient que la Commission n’a pas satisfait à l’obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l’article 253 CE. Elle n’aurait pas clairement énoncé les agissements sur la base desquels elle a pu retenir la responsabilité individuelle de TU pour les infractions commises par la FEG. TU estime que la Commission était tenue de motiver sa décision avec d’autant plus de précision que l’amende est considérable et excède, en proportion, celle infligée à la FEG.

2. Appréciation du Tribunal

385
Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, afin de permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au Tribunal d’exercer son contrôle (arrêt de la Cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C‑56/93, Rec. p. I‑723, point 86).

386
L’argumentation de TU prise d’une violation de l’obligation de motivation n’est pas fondée. Aux considérants 67 à 70 de la décision attaquée, dans une section intitulée «Rôle clef joué par la FEG et son principal membre TU», la Commission a exposé les éléments sur la base desquels elle s’est fondée pour constater la participation de TU au régime collectif d’exclusivité. S’agissant des accords de fixation des prix, la Commission a, dans une section intitulée «Rôle de la FEG et de TU, son membre le plus important», justifié son appréciation sur le comportement de TU. La motivation de la décision attaquée est conforme à l’article 253 CE. Elle a permis à TU d’exercer ses droits de la défense et au Tribunal d’effectuer son contrôle de légalité.

IV – Sur l’imputabilité des infractions à la FEG (affaire T-5/00)

A – Argument des parties

387
S’agissant de l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée, la FEG s’oppose à ce que lui soit imputée l’extension du gentlemen’s agreement à des fournisseurs qui n’appartiennent pas à la NAVEG. Elle souligne que les indices des pratiques concertées par lesquelles cette extension a été mise en œuvre ne concernent que ses membres.

388
La Commission répond, en droit, que, lorsqu’une association conclut un accord illicite en faveur de ses membres et que, par la suite, ces derniers cherchent, par des pratiques concertées, à rallier des tiers à cet accord, l’association est également responsable de ces pratiques. Elle ne peut échapper à sa responsabilité en affirmant qu’elle n’a pas participé ou n’a pas eu connaissance de cette pratique concertée. L’association ne pourrait échapper à cette responsabilité que lorsqu’elle met un terme au régime illicite et s’en distancie publiquement à l’égard de chacun de ses membres.

389
La Commission ajoute, en fait, que les circonstances de l’espèce permettent d’imputer à la FEG les agissements par lesquels certains de ses membres se sont efforcés d’intégrer des tiers au régime collectif d’exclusivité.

B – Appréciation du Tribunal

390
Par ses arguments, la FEG conteste que lui soit imputée la responsabilité de pratiques concertées mises en œuvre par ses membres. La présente espèce se distinguerait des affaires dans lesquelles était en cause l’imputabilité aux membres d’une association de l’infraction commise par cette dernière (voir, par exemple, arrêt CB et Europay/Commission, précité).

391
Dans la présente affaire, trois facteurs permettent de considérer que les pratiques concertées relatives à l’extension du gentlemen’s agreement sont imputables à la FEG. Tout d’abord, le gentlemen’s agreement et les tentatives subséquentes d’en élargir le champ d’application à des fournisseurs n’appartenant pas à la NAVEG sont les deux composantes de l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée. Ensuite, les personnes impliquées dans les pratiques concertées en cause ont occupé des fonctions de direction au sein de la FEG. Il apparaît, à cet égard, que TU et/ou sa société mère Schotman, ainsi que les entreprises Schiefelbusch, Brinkman & Germeraad et Wolff, ont été, au cours de la période infractionnelle, représentées au conseil d’administration de la FEG et ont participé directement aux démarches envers les fournisseurs non membres de la NAVEG.

392
Enfin, les membres de la FEG qui ont ainsi participé aux pratiques concertées en cause ont agi au profit de l’ensemble des membres de cette association. À cet égard, il y a lieu de souligner que les démarches à l’égard de KM ont été initialement envisagées par 26 membres de la FEG agissant de concert. En s’efforçant d’obtenir que KM cesse d’approvisionner CEF, les onze membres de la FEG faisant partie de la «délégation» ayant rendu visite à KM le 27 juin 1991 (décision attaquée, considérant 65) agissaient, de concert, dans l’intérêt commun défendu par cette association. Cet intérêt consistait à obtenir, pour tous les membres de la FEG, des avantages analogues à ceux que pouvait leur procurer le régime collectif d’exclusivité convenu entre la FEG et la NAVEG. Il convient également d’ajouter, ainsi qu’il a été souligné précédemment lors de l’examen de la matérialité des faits relatifs à l’extension du gentlemen’s agreement, que, en agissant ainsi dans l’intérêt commun des membres de la FEG, la démarche engagée auprès de KM ne pouvait pas manquer d’apparaître à cette dernière comme ayant été avalisée par la FEG.

393
Les agissements en cause partageant un même objet, ainsi que les mêmes bénéficiaires, et ayant été mis en œuvre par les membres et certains dirigeants de cette association, il y a lieu de considérer que c’est à juste titre que la Commission a pu conclure que la responsabilité des démarches ainsi effectuées par les membres de la FEG à l’égard de fournisseurs n’appartenant pas à la NAVEG pouvait également être imputée à la FEG. Par conséquent, il y a lieu de rejeter les arguments de la FEG comme non fondés.

Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’amende ou à la réduction de son montant

394
Au fil de leur argumentation, les requérantes ont soulevé plusieurs griefs qui se rapportent à la détermination du montant de l’amende. Ces griefs sont tirés d’une violation des conditions fixées par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 pour l’imposition d’amendes. TU a, en outre, soutenu que la Commission avait enfreint le principe d’égalité de traitement en lui imposant une amende et soutient que la motivation de la décision attaquée sur ce point est insuffisante.

I – Sur l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

A – Caractère délibéré des infractions

395
En substance, les requérantes contestent le caractère délibéré de l’infraction relative à la fixation des prix. TU soutient que la Commission était tenue de prouver qu’elle savait ou aurait dû savoir que sa participation à la conversion des prix nets en prix bruts de certains produits était rattachable à une pratique concertée.

396
À cet égard, le Tribunal rappelle que, pour qu’une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n’est pas nécessaire que l’entreprise ait eu conscience de restreindre la concurrence, il suffit qu’elle n’ait pu ignorer que la conduite incriminée avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêts de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246/86, Rec. p. 2117, point 41, et du Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T‑143/89, Rec. p. II‑917, point 50).

397
En l’espèce, les infractions sanctionnées par les amendes se rapportent à des ententes ayant eu pour objet de fixer de façon directe ou indirecte les prix et d’infliger aux grossistes n’appartenant pas à la FEG un désavantage concurrentiel grâce à la conclusion d’un régime collectif d’exclusivité. Compte tenu de leur gravité intrinsèque, les requérantes ne pouvaient pas ignorer que leur participation à de telles ententes, explicitement visées à l’article 81, paragraphe 1, sous a) et d), CE, tendait à fausser ou à restreindre le jeu de la concurrence à l’intérieur de la Communauté. Il s’ensuit que c’est à juste titre, et au terme d’une motivation suffisante, que la Commission a conclu, au considérant 135 de la décision attaquée, au caractère délibéré des infractions en question.

398
Il convient également, dans ce contexte, de relever que le caractère anticoncurrentiel de ces pratiques était reconnu dans une note du 30 août 1993 adressée aux membres du conseil d’administration de la FEG, dans laquelle le secrétaire de cette association constatait, à l’égard de la nouvelle législation néerlandaise en matière de concurrence:

«Selon moi, cela implique en tout cas pour la FEG l’interdiction de l’établissement de prix conseillés pour les boîtes de branchement, de distribution et encastrables, ainsi peut être que l’interdiction de la décision contraignante sur les prix fixes, de la décision contraignante en matière de publication et du régime relatif aux frais de coupure.» (Décision attaquée, considérant 91.)

399
Dans ces circonstances, les requérantes ne sauraient soutenir qu’elles n’avaient pas conscience du caractère illicite des divers éléments de l’infraction visée à l’article 2 de la décision attaquée.

B – Gravité des infractions

400
À l’exception de son argumentation destinée à prouver l’absence d’effet sensible sur le marché, TU n’a pas contesté la gravité des infractions. La FEG, pour sa part, réitère l’argument selon lequel les comportements en cause n’ont pu avoir qu’un impact négligeable sur le marché.

401
Cet argument ne saurait prospérer. En effet, les constatations opérées par la Commission ont mis en évidence l’existence d’un régime collectif d’exclusivité et d’ententes relatives à la fixation des prix. Compte tenu des caractéristiques du marché en cause, sur lequel les membres de la FEG détiennent 96 % de parts de marché, la Commission a justement souligné que le régime collectif d’exclusivité, lié à une politique d’admission restrictive, visait à:

entraver l’accès au marché de concurrents étrangers;

restreindre la liberté des fabricants de matériel électrotechnique de choisir les grossistes auxquels ils confient la distribution de leurs produits;

renforcer les accords sur les prix.

402
Des ententes de cette nature substituent une coordination de la politique de fixation des prix entre concurrents au jeu de la concurrence protégé par le traité. Il s’agit donc d’infractions graves à l’article 81 CE.

C – Durée des infractions

1. Affaire T-6/00

403
TU avance deux arguments relatifs à la durée des infractions.

404
En premier lieu, elle estime que les incidents impliquant Draka Polva, ABB, KM et Holec, relatifs à l’extension du régime collectif d’exclusivité, portent sur une période comprise entre juillet 1990 et 1991. Il conviendrait, dès lors, de réduire à une année, au lieu des huit années retenues dans la décision attaquée, la durée de l’infraction relative au régime collectif d’exclusivité.

405
En second lieu, TU soutient que la Commission n’a pas démontré l’existence d’une infraction continue relative à la fixation des prix entre le 21 décembre 1988 et le 24 avril 1994. Ces dates sont celles retenues par la Commission pour la période au cours de laquelle la FEG a envoyé à ses membres des recommandations sur les prix des matériels en plastique (décision attaquée, considérant 146). Bien que soulevé de manière laconique dans le cadre des griefs relatifs à l’imputation de l’infraction (réplique, point 108), ce point semble pouvoir être examiné dans le cadre des conclusions relatives à l’amende.

406
D’emblée, le Tribunal estime que ces critiques reposent sur une lecture de la décision attaquée qui omet de prendre en considération le caractère unique de chacune des infractions en cause. Les incidents relatifs à l’extension du régime collectif d’exclusivité et l’envoi de recommandations en matière de prix par la FEG ne constituent pas des infractions autonomes; il s’agit d’éléments constitutifs des infractions respectivement visées aux articles 1er et 2 de la décision attaquée. Par nature, ces infractions revêtent un caractère continu. Le fait que la Commission n’ait pas apporté de preuve des pressions exercées par TU sur des fournisseurs en application du régime collectif d’exclusivité pour une période excédant celle comprise entre les mois de juillet 1990 et 1991 ne peut donc remettre en cause les preuves de l’existence de l’infraction entre le 11 mars 1986 et le 25 février 1994. De même, le fait que l’envoi de recommandations de prix par la FEG ait été constaté uniquement entre le 21 décembre 1988 et le 24 avril 1994 ne remet pas en cause la fixation de la durée de l’infraction à une période plus étendue, dès lors que celle-ci repose sur des indices objectifs et concordants.

407
Il convient donc d’examiner les éléments sur la base desquels la Commission a fixé les durées respectives des infractions. À cet égard, on ne peut que constater que TU n’a pas développé d’arguments spécifiques visant à infirmer les appréciations de la Commission. Ses observations restent très générales et ne vont guère au-delà de l’énoncé d’un grief. Tout au plus, elles reviennent à contester la valeur probante des pièces retenues pour constater l’existence et l’imputabilité de l’infraction. Or, ces éléments ont déjà été examinés dans le détail dans le cadre des appréciations qui précèdent.

408
S’agissant de l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée, la Commission n’a pas été en mesure de déterminer précisément la date à laquelle le régime collectif d’exclusivité a été conclu. Néanmoins, elle a pu rapporter la preuve de l’existence de ce régime à partir de la réunion du 11 mars 1986, au cours de laquelle les conseils d’administration de la FEG et de la NAVEG ont évoqué le gentlemen’s agreement. La Commission a également retenu plusieurs indices postérieurs à cette réunion sur la base desquels elle a estimé que le gentlemen’s agreement continuait d’être appliqué par les membres de la NAVEG (voir, décision attaquée, considérants 47 à 49). La Commission a par ailleurs relevé plusieurs indices démontrant que les membres de la NAVEG avaient suivi les conseils de leur association, en exécution du gentlemen’s agreement (décision attaquée, considérants 50 à 52). Le dernier de ces indices est le compte rendu d’une réunion interne de la société Hemmink du 25 février 1994, au cours de laquelle ce membre de la NAVEG a indiqué avoir refusé de fournir un grossiste n’appartenant pas à la FEG. Quant aux pressions exercées, notamment par TU, sur des fabricants n’appartenant pas à la NAVEG pour qu’ils ne livrent pas à des grossistes non membres de la FEG, il est également constant qu’elles ont eu lieu durant une période de douze mois à compter du mois de juillet 1990.

409
S’agissant de l’infraction relative à la fixation des prix, il est constant que les décisions contraignantes en matière de publication et de prix, arrêtées en 1978 et 1984, sont restées en vigueur jusqu’à leur retrait en 1993. Des concertations en matière de prix ont eu lieu entre le 6 décembre 1989 et le 30 novembre 1993 (voir compte rendu du conseil d’administration de la FEG au cours duquel la question du rabais standard de 35 % aux écoles fut évoquée, mentionné par la décision attaquée, considérant 83).

410
Il s’ensuit que les arguments de TU relatifs à la durée des infractions doivent être rejetés.

2. Affaire T-5/00

411
La FEG estime que la durée de l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée devrait être limitée à la période comprise entre le 28 février 1989 et le 23 août 1991. Ces dates seraient en effet celles des seules preuves recevables que la Commission a invoquées dans la décision attaquée. Pour les raisons exposées précédemment à l’égard de TU, cette argumentation doit être rejetée: la Commission a rapporté la preuve de l’existence d’une infraction continue au cours de la période comprise entre 1986 et 1994.

412
S’agissant de l’infraction visée à l’article 2 de la décision attaquée, la FEG fait valoir que les décisions contraignantes n’ont pas été appliquées avant leur retrait le 23 novembre 1993. En outre, la Commission n’aurait trouvé aucune preuve de concertation en matière de prix après 1991. Selon la FEG, la durée de l’infraction devrait être réduite à la lumière de ces éléments. Cette argumentation ne saurait prospérer. D’une part, l’effectivité de la mise en œuvre des décisions contraignantes est sans incidence sur la détermination de la durée de l’infraction. D’autre part, la Commission a retenu à titre de preuve de la poursuite de la concertation en matière de prix après 1991 les termes du compte rendu de la FEG du 30 novembre 1993, concernant les rabais aux écoles.

3. Conclusion

413
La Commission était fondée à estimer que les durées des éléments constitutifs des infractions visées aux articles 1er et 2 de la décision attaquée étaient de huit, quinze, neuf, quatre et six ans et, par conséquent, à qualifier ces durées de moyennes à longues au regard de sa pratique décisionnelle (décision attaquée, considérant 147).

D – Circonstances atténuantes

414
Selon TU, le rôle «suiviste» qu’elle a joué dans les infractions commises par la FEG constitue une circonstance atténuante que la Commission aurait dû prendre en considération, conformément aux lignes directrices pour le calcul du montant des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci‑après les «lignes directrices»).

415
Le Tribunal constate que cet argument repose sur la prémisse erronée selon laquelle TU n’a joué qu’un rôle accessoire ou «suiviste» par rapport aux infractions commises par la FEG. Ainsi qu’il a déjà été observé, la responsabilité de TU découle de sa participation active aux ententes illicites exécutées dans le cadre de la FEG. Par conséquent, il convient de rejeter cet argument.

E – Révision des montants

1. Arguments des parties

416
Les intervenantes estiment que le montant de l’amende est modeste. En raison de la gravité des infractions en cause, la Commission aurait dû infliger à TU une amende plus lourde. En conséquence, les intervenantes demandent au Tribunal de doubler le montant de l’amende en vertu de son pouvoir de pleine juridiction.

417
Les requérantes rétorquent qu’une telle demande est irrecevable. Selon les dispositions combinées des articles 37 du statut de la Cour et 116, paragraphe 3, et 115, paragraphe 2, du règlement de procédure, un intervenant ne peut qu’accepter le litige dans lequel il se trouve. La Commission n’ayant pas conclu à ce que le montant de l’amende soit relevé, les conclusions des intervenantes seraient irrecevables.

2. Appréciation du Tribunal

418
Les intervenantes doivent, en vertu de l’article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure, accepter le litige dans l’état où il se trouve lors de leur intervention, et les conclusions de leur requête ne peuvent avoir, en vertu de l’article 37, quatrième alinéa, du statut de la Cour, d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties principales. En l’espèce, la Commission n’ayant pas conclu à la majoration du montant des amendes, les intervenantes n’ont pas qualité pour le faire. Par conséquent, il y a lieu de rejeter comme irrecevables les conclusions des intervenantes visant à obtenir la majoration du montant des amendes.

II – Sur la motivation

A – Arguments des parties

419
TU soutient d’abord que la motivation de la décision attaquée ne lui a pas permis de prendre connaissance des comportements pour lesquels une amende lui a été infligée du fait des infractions commises par la FEG. Il découle des appréciations précédentes sur l’existence et l’imputabilité des infractions que ce grief n’est pas fondé.

420
TU fait ensuite valoir que la décision attaquée n’a pas précisé certaines données essentielles pour apprécier le montant de l’amende, telles que l’année de référence et le montant du chiffre d’affaires utilisés comme point de référence.

B – Appréciation du Tribunal

421
L’article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 17 prévoit que, «[p]our déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci». Les exigences de la formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction. En l’absence de tels éléments, la décision serait viciée pour défaut de motivation (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Mo och Domsjö/Commission, C‑283/98 P, Rec. p. I‑9855, point 44).

422
La portée de l’obligation de motivation doit être appréciée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C‑137/95 P, Rec. p. I‑1611, point 54).

423
En l’espèce, les considérants 130 à 153 de la décision attaquée énoncent les critères utilisés par la Commission pour calculer les amendes, notamment le caractère délibéré des infractions (considérants 131 à 135), leur gravité (considérants 136 à 144) et leur durée (considérants 145 à 149).

424
La méthode suivie par la Commission apparaît manifestement à la lecture de la décision. Compte tenu de la gravité des infractions, la Commission a utilisé, en application des lignes directrices, le minimum de 1 million d’euros, augmenté de 25 % comme montant de base de l’amende. La durée des infractions a été qualifiée de moyenne à longue, car la moyenne de leurs éléments constitutifs est de huit ans. Par conséquent, la Commission a augmenté de 80 % le montant de base de l’amende et est ainsi arrivée à la somme de 2,25 millions d’euros.

425
Ces éléments sont conformes aux exigences de motivation relatives aux conditions énoncées à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

426
À titre surabondant, il y a lieu de relever que TU n’a pas soutenu que l’amende dépasserait le montant maximal pouvant lui être infligé, exprimé par rapport à son chiffre d’affaires, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

427
La motivation de la décision attaquée étant suffisante, il y a lieu de rejeter ce moyen.

III – Sur le principe d’égalité de traitement

428
Il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement n’est violé, selon une jurisprudence constante, que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour Sermide, précité, point 28, et du 28 juin 1990, Hoche, C‑174/89, Rec. p. I‑2681, point 25; arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II-1129, point 309).

429
En l’espèce, TU prétend être victime d’une discrimination par rapport aux autres membres de la FEG ayant siégé au conseil d’administration pendant la période infractionnelle. Bien que placés dans une situation comparable à la sienne, ces membres de la FEG ne se seraient pas vu infliger d’amendes.

430
Il importe toutefois de rappeler que, dès lors qu’une entreprise a, par son comportement, violé l’article 81, paragraphe 1, CE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d’autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d’amende, alors même que, comme en l’espèce, le juge communautaire n’est pas saisi de la situation de ces derniers (arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 197). Cet argument de TU doit donc être rejeté.

431
TU invoque également une discrimination par rapport à l’amende infligée à la FEG. Alors que son chiffre d’affaires représente moins du tiers de celui de la FEG, la Commission lui aurait infligé une amende proportionnellement supérieure. Elle estime ainsi que l’amende infligée à la FEG représente 0,23 % du chiffre d’affaires (1994) de ses membres, celui de la requérante n’étant pas pris en compte. L’amende imposée à TU représenterait toutefois 0,47 % de son chiffre d’affaires (1993).

432
Le Tribunal estime que ces comparaisons ne suffisent pas à déduire l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement. En effet, contrairement à ce que prétend TU, la Commission n’est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction en question, d’assurer au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises ou associations d’entreprises impliquées dans une même infraction que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées soient exactement proportionnels à leurs chiffres d’affaires respectifs.

433
En l’espèce, la Commission a infligé une amende à FEG et à TU en raison de leur participation personnelle à chacune des deux infractions retenues, après avoir mis en évidence leur rôle respectif dans ces infractions, ainsi que la gravité et la durée de ces infractions.

434
Par conséquent, les arguments de TU pris d’une violation du principe d’égalité de traitement doivent être rejetés.

IV – Sur le délai excessif de la procédure administrative

435
Les requérantes font valoir que la violation du délai raisonnable devrait entraîner une réduction du montant de l’amende.

436
Ainsi qu’il a été précédemment exposé (voir point 85 ci-dessus), la Commission est responsable de la durée excessive de la procédure. Si cette constatation n’emporte aucune conséquence quant à la légalité de la décision attaquée, il demeure que, dans le cadre de la compétence de pleine juridiction dont jouit le Tribunal au titre de l’article 229 CE et de l’article 17 du règlement n° 17, celui-ci peut examiner si une réduction du montant de l’amende est justifiée.

437
La Commission estime avoir déjà tiré toutes les conséquences du délai «considérable» de la procédure administrative en réduisant le montant de l’amende de 100 000 euros de sa propre initiative. La requérante objecte que cette circonstance n’exclut pas que le Tribunal procède à une nouvelle réduction.

438
Le Tribunal constate que la Commission a, de sa propre initiative, réduit l’amende. La possibilité d’accorder une telle réduction s’inscrit dans le cadre de l’exercice des prérogatives de la Commission. Les requérantes n’ont apporté aucun élément justifiant que le Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, envisage d’accorder une réduction supplémentaire du montant de l’amende. Par conséquent, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande des requérantes à cet égard.

Conclusion

439
Il résulte de tout ce qui précède que les recours dans les affaires T‑5/00 et T‑6/00 doivent être rejetés.


Sur les dépens

440
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

441
Dans l’affaire T-5/00, la FEG affirme que les intervenantes n’ont pas expressément pris position sur les dépens relatifs à leur intervention, de sorte que ceux-ci devraient rester à leur charge.

442
Il apparaît que, dans les affaires T-5/00 et T-6/00, les intervenantes ont conclu, notamment sur la question des dépens, en se référant à la formulation retenue par la Commission, partie principale qu’elles soutenaient. Il y a donc lieu d’interpréter les conclusions des intervenantes comme visant également à obtenir la condamnation des requérantes aux dépens.

443
En l’espèce, les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter les dépens de l’instance exposés par la Commission et par les parties intervenantes, y compris ceux afférents à la procédure en référé dans l’affaire T‑5/00 R, conformément à leurs conclusions en ce sens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)
Les recours sont rejetés.

2)
La requérante dans l’affaire T-5/00 supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et par les parties intervenantes, y compris ceux afférents à la procédure en référé T-5/00 R.

3)
La requérante dans l’affaire T-6/00 supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et par les parties intervenantes.

Vesterdorf

Forwood

Legal

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf

Table des matières

Décision attaquée
Procédure et conclusions des parties
En droit
     Sur les conclusions en annulation
     I –  Sur les droits de la défense
         A – Sur le droit d’être entendu au cours de la procédure administrative
             1.  Défaut de transmission de certains documents avec la communication des griefs
                 a)  Pièces relatives à l’accord AGC
                     Arguments des parties
                     Appréciation du Tribunal
                 b)  Compte rendu de l’assemblée générale de la NAVEG du 28 avril 1986
                     Arguments des parties
                     Appréciation du Tribunal
             2.  Défaut de concordance textuelle entre la décision attaquée et la communication des griefs
                 a)  Lien entre les deux infractions (affaire T-6/00)
                     Arguments des parties
                     Appréciation du Tribunal
                 b)  Niveau des prix artificiellement élevé sur le marché néerlandais
                     Arguments des parties
                     Appréciation du Tribunal
         B – Sur le caractère tardif de la transmission de certaines pièces (affaire T-6/00)
             1. Arguments des parties
             2. Appréciation du Tribunal
         C – Violation du délai raisonnable
             1. Arguments des parties
             2. Appréciation du Tribunal
         D – Violation du principe dit de «l’interprétation favorable» (affaire T‑6/00)
             1. Arguments des parties
             2. Appréciation du Tribunal
     II –  Sur l’existence des infractions à l’article 81 CE
         A – Détermination du marché pertinent
             1.  Décision attaquée
             2.  Arguments des parties
             3.  Appréciation du Tribunal
         B – Régime collectif d’exclusivité entre la FEG et la NAVEG (article 1er de la décision attaquée)
             1. Gentlemen’s agreement entre la FEG et la NAVEG
                 a)  Rappel de la décision attaquée
                 b)  Sur la matérialité des faits
                     Utilité d’un régime collectif d’exclusivité
                         –  Arguments des parties
                         –  Appréciation du Tribunal
                     Rapport de forces entre la FEG et la NAVEG
                         –  Arguments des parties
                         –  Appréciation du Tribunal
                     Genèse du gentlemen’s agreement
                         –  Arguments des parties
                         –  Appréciation du Tribunal
                     Réunions entre la FEG et la NAVEG
                     Réunion du 11 mars 1986
                         –  Arguments des parties
                         –  Appréciation du Tribunal
                     Réunion du 28 février 1989
                         –  Arguments des parties
                         –  Appréciation du Tribunal
                     Mise en œuvre du gentlemen’s agreement
                         –  Arguments des parties
                         –  Appréciation du Tribunal
                 c)  Conclusion d’ensemble
             2. Extension du gentlemen’s agreement à des fournisseurs n’appartenant pas à la NAVEG
                 a) Sur la matérialité des faits
                     Arguments des parties dans l’affaire T-5/00
                     Appréciation du Tribunal
                     Arguments des parties dans l’affaire T-6/00
                     Appréciation du Tribunal
                 b) Conclusion d’ensemble
             3. Sur les conditions d’adhésion à la FEG
                 a) Arguments des parties
                 b) Appréciation du Tribunal
             4.  Qualification juridique des faits relatifs au régime collectif d’exclusivité
                 a)  Sur le gentlemen’s agreement
                     Arguments des parties
                     Appréciation du Tribunal
                 b)  Sur l’extension du gentlemen’s agreement à des fournisseurs n’appartenant pas à la NAVEG
                     Arguments des parties
                     Appréciation du Tribunal
         C – Conclusion sur le régime collectif d’exclusivité
         D – Pratiques concertées relatives à la fixation des prix (article 2 de la décision attaquée)
             1. Rappel de la décision attaquée
             2.Griefs relatifs à la qualification juridique des faits
                 a) Décisions contraignantes sur les prix et sur les publications
                     Décision contraignante sur les prix fixes
                         –  Argument des parties
                         –  Appréciation du Tribunal
                     Décision contraignante sur les publications
                         –  Arguments des parties
                         –  Appréciation du Tribunal
                 b) Concertations sur les prix et les rabais
                     Arguments des parties
                     Appréciation du Tribunal
                 c) Listes de prix identiques
                     Arguments des parties
                     Appréciation du Tribunal
         E – Lien entre le régime collectif d’exclusivité et les pratiques concertées relatives à la fixation des prix
             1. Arguments des parties
             2. Appréciation du Tribunal
     III –  Sur l’imputabilité des infractions à TU (affaire T-6/00)
         A – Critère d’imputabilité
             1.  Arguments des parties
             2.  Appréciation du Tribunal
         B – Participation de TU à l’infraction relative au régime collectif d’exclusivité
             1. Participation au gentlemen’s agreement
             2. Participation aux pratiques concertées
         C – Participation de TU à l’infraction relative à la fixation des prix
         D – Violation du principe d’égalité de traitement
             1. Arguments des parties
             2. Appréciation du Tribunal
         E – Défaut ou insuffisance de motivation
             1. Arguments des parties
             2. Appréciation du Tribunal
     IV –  Sur l’imputabilité des infractions à la FEG (affaire T-5/00)
         A – Argument des parties
         B – Appréciation du Tribunal
     Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’amende ou à la réduction de son montant
     I – Sur l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17
         A – Caractère délibéré des infractions
         B – Gravité des infractions
         C – Durée des infractions
             1.  Affaire T-6/00
             2.  Affaire T-5/00
             3.  Conclusion
         D – Circonstances atténuantes
         E – Révision des montants
             1. Arguments des parties
             2. Appréciation du Tribunal
     II – Sur la motivation
         A – Arguments des parties
         B – Appréciation du Tribunal
     III – Sur le principe d’égalité de traitement
     IV – Sur le délai excessif de la procédure administrative
     Conclusion
Sur les dépens


1
Langue de procédure: le néerlandais.

Top