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Document 62000CC0071

    Conclusions jointes de l'avocat général Tizzano présentées le 7 février 2002.
    Develop Baudurchführungs- und Stadtentwicklungs GmbH contre Finanzlandesdirektion für Wien, Niederösterreich und Burgenland.
    Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgerichtshof - Autriche.
    Directive 69/335/CEE - Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux - Droit d'apport - Apport de biens de toute nature - Notion - Contributions financières effectuées par la société mère d'une société ayant acquis des bons de jouissance émis par une société de capitaux.
    Affaire C-71/00.
    Solida Raiffeisen Immobilien Leasing GmbH et Tech Gate Vienna Wissenschafts- und Technologiepark GmbH contre Finanzlandesdirektion für Wien, Niederösterreich und Burgenland.
    Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgerichtshof - Autriche.
    Directive 69/335/CEE - Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux - Droit d'apport - Apport de biens de toute nature - Notion - Acquisition par un non-associé de bons de jouissance émis par une société de capitaux.
    Affaire C-138/00.

    Recueil de jurisprudence 2002 I-08877

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2002:84

    62000C0071

    Conclusions jointes de l'avocat général Tizzano présentées le 7 février 2002. - Develop Baudurchführungs- und Stadtentwicklungs GmbH contre Finanzlandesdirektion für Wien, Niederösterreich und Burgenland. - Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgerichtshof - Autriche. - Directive 69/335/CEE - Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux - Droit d'apport - Apport de biens de toute nature - Notion - Contributions financières effectuées par la société mère d'une société ayant acquis des bons de jouissance émis par une société de capitaux. - Affaire C-71/00. - Solida Raiffeisen Immobilien Leasing GmbH et Tech Gate Vienna Wissenschafts- und Technologiepark GmbH contre Finanzlandesdirektion für Wien, Niederösterreich und Burgenland. - Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgerichtshof - Autriche. - Directive 69/335/CEE - Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux - Droit d'apport - Apport de biens de toute nature - Notion - Acquisition par un non-associé de bons de jouissance émis par une société de capitaux. - Affaire C-138/00.

    Recueil de jurisprudence 2002 page I-08877


    Conclusions de l'avocat général


    1. Par ordonnances du 17 février et du 30 mars 2000, le Verwaltungsgerichtshof (Autriche) a saisi la Cour de justice en application de l'article 234 CE de deux questions préjudicielles sur l'interprétation de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25, ci-après la «directive»). En substance, il est demandé à la Cour si certaines prestations effectuées pour l'acquisition de bons de jouissance émis par une société de capitaux sont soumises à l'impôt sur les apports.

    Le cadre juridique

    La législation communautaire

    2. Ainsi qu'il ressort de son premier considérant, la directive tend à promouvoir la libre circulation des capitaux, en vue de la création d'une union économique ayant des caractéristiques analogues à celles d'un marché intérieur. La poursuite d'une telle finalité suppose notamment que l'application de l'impôt sur les apports «aux capitaux, rassemblés dans le cadre d'une société [...] ne puisse intervenir qu'une seule fois au sein du marché commun et que cette taxation, afin de ne pas perturber la circulation des capitaux, doit être d'un niveau égal dans tous les États membres» (sixième considérant). La directive procède à cet effet à une harmonisation de cet impôt, en ce qui concerne tant sa structure que ses taux (septième considérant).

    3. Dans le cadre de cette harmonisation, les opérations qui sont soumises au droit d'apport sont expressément précisées à l'article 4 de la directive; pour ce qui nous intéresse ici, le paragraphe 1 de cette disposition précise notamment qu'est soumise au droit d'apport:

    «[...]

    d) l'augmentation de l'avoir social d'une société de capitaux au moyen de l'apport de biens de toute nature rémunéré, non par des parts représentatives du capital ou de l'avoir social, mais par des droits de même nature que ceux d'associés, tels que droit de vote, participation aux bénéfices ou au boni de liquidation;

    [...]»

    4. En ce qui concerne la base imposable, pour ce qui nous intéresse ici, l'article 5, paragraphe 1, prévoit ensuite que «le droit est liquidé:

    a) dans le cas de constitution d'une société de capitaux, de l'augmentation de son capital social ou de l'augmentation de son avoir social, opérations visées à l'article 4 paragraphe 1 sous a), c) et d): sur la valeur réelle des biens de toute nature apportés ou à apporter par les associés, après déduction des obligations assumées et des charges supportées par la société du fait de chaque apport; les États membres ont la faculté de ne percevoir le droit d'apport qu'au fur et à mesure des libérations effectives;

    [...]»

    La législation nationale

    5. Ainsi qu'il ressort de l'ordonnance de renvoi, l'impôt sur les apports en capitaux est régi en Autriche par le Kapitalverkehrseuergesetz (ci-après le «KVG»). Dans le cadre de la présente affaire, il y a lieu de relever en particulier que, au sens de l'article 2 du KVG, «sont soumises au droit d'apport:

    (1) l'acquisition, par le premier acquéreur, de droits sociaux au sein d'une société de capitaux nationale;

    [...]».

    6. À cet égard, l'article 5, point 1, du KVG précise que sont, notamment, «réputés constituer des droits sociaux au sein de sociétés de capitaux [...] les droits de jouissance». Le point 2 de cet article précise en outre que «sont réputées avoir la qualité d'associées, les personnes titulaires des droits sociaux décrits sous le point 1».

    7. En ce qui concerne la base d'imposition, l'article 7 du KVG prévoit que «le droit est calculé:

    (1) s'agissant de l'acquisition de droits sociaux (article 2, point 1):

    a) lorsqu'une contrepartie doit être versée: en fonction de la valeur de la contrepartie. La contrepartie vise également les coûts relatifs à la constitution de la société ou à l'augmentation de son capital assumés par les associés, à l'exclusion du droit d'apport dû pour l'acquisition des droits sociaux;

    [...]».

    Les faits et le litige au principal dans l'affaire C-71/00

    8. En décembre 1995, la société Develop Baudurchführungs- und Stadtentwicklungs GmbH (ci-après «Develop») a émis des bons de jouissance pour un montant nominal total de 1 615 000 ATS en faveur de la société RLB Beteiligungs- und Treuhandverwaltungsgesellschaft (ci-après «RLB-BT»).

    9. Les parties sont convenues que les bons de jouissance en question représentaient un droit de participation aux bénéfices courants de la société, à la valeur de la société (comprenant ses réserves occultes) et sa valeur commerciale ainsi qu'au boni de liquidation de la société. Ces bons de jouissance conféraient en outre à leur titulaire un droit au remboursement du montant nominal majoré des versements supplémentaires éventuellement effectués à tout autre titre. En cas de résiliation du rapport de droit relatif aux bons de jouissance, les titulaires des bons de jouissance avaient droit à une somme représentant leur quote-part de la valeur de la société au moment de la dissolution, et au moins égale au montant nominal des bons de jouissance et, le cas échéant, des versements supplémentaires effectués à tout autre titre.

    10. Par ailleurs, les termes de la souscription prévoyaient expressément que l'acquisition de bons de jouissance ne devait créer aucun rapport de droit de caractère social; les titulaires des bons ne disposaient donc pas des droits attachés à la qualité d'associés tels que le droit de vote ou le droit de participer aux assemblées générales, le droit d'y poser des questions ou celui d'en contester les décisions.

    11. En tant que contrepartie à l'émission des bons de jouissance, Develop a reçu outre leur valeur nominale, une contribution supplémentaire (dénommée («Großmutterzuschüß») ou «contribution de grand-mère» de 312 385 000 ATS de la part de la société mère de RLB-BT, la RLB Immobilierenprojetentwicklungs und Beteiligungsgesellschaft m.b.H. (ci-après «RLB-IB»).

    12. Dans sa déclaration relative à l'émission des bons de jouissance, Develop a demandé expressément que la contribution supplémentaire versée par la société mère ne soit pas incluse dans la base d'imposition au titre du calcul de l'impôt sur les apports dans l'opération en question. L'autorité fiscale compétente (le Finanzlandesdirektion für Wien, Niederösterreich und Burgenland) a toutefois rejeté cette demande et, par décision du 26 mai 1996, a liquidé l'impôt à hauteur de 323 000 000 ATS.

    13. Le recours formé par la suite devant ladite Finanzlandesdirecktion a également été rejeté. Develop a dès lors attaqué la décision de rejet devant le Verwaltungsgerichtshof, en faisant valoir que la liquidation de l'impôt sur la contribution payée par la société mère était incompatible avec l'article 4, paragraphe 1, sous d), de la directive. Saisi de cette question, le Verwaltungsgerichtshof a considéré qu'il était nécessaire de saisir la Cour de justice en application de l'article 234 CE de la question suivante:

    «Les prestations que l'acquéreur de droits de jouissance au sein d'une société de capitaux ne fournit pas lui-même mais par l'intermédiaire de sa société mère constituent-elles un apport de biens de toute nature au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous d), de la directive 69/335/CEE [...]?».

    14. Dans le cadre de la présente affaire, des observations ont été présentées par Develop, les gouvernements autrichien et néerlandais, ainsi que par la Commission. Aucune des parties intervenues n'a souhaité être entendue à l'audience.

    Les faits et le litige au principal dans l'affaire C-138/00

    15. La seconde question préjudicielle a été soumise à la Cour dans le cadre de deux affaires jointes par le Verwaltungsgerichtshof et qui opposent, entre autres, les sociétés autrichiennes Solida Raiffeisen Immobilien Leasing GmbH (ci-après «Solida») et Tech Gate Vienna Wissenschafts- und Technologiepark GmbH (ci-après «Tech»), à l'administration des finances.

    L'affaire Solida

    16. Le 10 mars 1995, la société Solida a émis des bons de jouissance en faveur de Pelias Raiffeisen Immobilien Leasing GmbH (ci-après «Pelias») pour un montant nominal total de 465 000 ATS. Pour ce qui nous intéresse ici, les termes de l'accord convenu à ce titre par les parties coïncidaient en substance avec ceux mentionnés au point 9.

    17. En contrepartie de l'émission des bons de jouissance, la société mère de Pelias, la Raiffeisen Landesbank Tirol reg. Gen.mbH (ci-après «RLB»), a versé le 24 mars 1995 à Solida une contribution supplémentaire (dénommée («Großmutterzuschüß») ou «contribution de grand-mère») d'un montant de 92 565 000 ATS.

    18. Considérant qu'il n'y avait pas lieu, pour l'application de l'impôt sur les apports, de distinguer la somme versée au titre de la valeur nominale des bons de jouissance et la contribution supplémentaire, l'administration des finances compétente (le Finanzamt für Gebühren und Verkehrsteuern de Wien) a, par décision du 29 janvier 1997, liquidé l'impôt pour l'opération en question en prenant pour base d'imposition le montant total de 93 030 000 ATS.

    19. La société Solida a formé un recours à l'encontre de cette décision devant ledit Finanzamt, en soutenant notamment que les contributions versées par des personnes étrangères à la société pour l'acquisition de bons de jouissance ne peuvent être soumises à l'impôt sur les apports au sens de la directive. Ce recours a été rejeté par l'administration compétente, dont la décision a été par la suite attaquée par recours formé devant le Verwaltungsgerichtshof pour violation de la directive.

    L'affaire Tech

    20. Les 30 juin et 2 octobre 1998, la société Tech a émis des bons de jouissance pour un montant total de 2 000 000 et 1 000 000 ATS respectivement en faveur de la Wirtschaftsparkenwitcklungs GmbH (ci-après «WEG») et de la Wiener Hafen GmbH (ci-après «WHG»). Dans cette affaire également, les termes de l'accord convenu par les parties coïncidaient substantiellement, pour ce qui nous intéresse ici, à ceux mentionnés au point 9.

    21. Par décisions des 15 octobre et 11 décembre 1998, l'administration des finances compétente (le Finanzamt für Gebühren und Verkehrsteuern de Wien) a liquidé l'impôt sur les apports pour ces opérations en prenant pour base 2 000 000 et 1 000 000 ATS respectivement, c'est-à-dire la valeur nominale des bons de jouissance.

    22. À la suite de l'adoption de ces décisions, Tech a fait savoir le 18 juin 1999 au Finanzamt qu'elle avait reçu des contributions supplémentaires pour l'émission des bons de jouissance en question, et plus précisément:

    une contribution de 68 000 000 ATS versée le 6 août 1998 par la «Gesellschaft des Bundes für Industriepolitische Maßnahmen» au titre des bons de jouissance émis en faveur de WEG, et

    une contribution de 69 000 000 ATS versée le 12 octobre 1998 par la commune de Vienne au titre des bons de jouissance émis en faveur de WHG.

    23. Considérant en l'espèce que ces contributions devaient également être soumises à l'impôt sur les apports, le Finanzamt a ainsi annulé ses précédentes décisions en vue d'inclure ces contributions dans la base d'imposition. Le Verwaltungsgerichtshof a été saisi d'un recours formé contre ces dernières décisions par la société Tech qui a soutenu que les dispositions de la directive s'opposaient à l'application de l'impôt sur les sommes versées par des personnes étrangères à la société pour l'acquisition de bons de jouissance.

    L'ordonnance de renvoi et la procédure devant la Cour

    24. Ayant joint les deux recours pour des raisons tenant à leur affinité, le juge de renvoi a considéré qu'il y avait lieu de saisir la Cour de justice en application de l'article 234 CE d'une question préjudicielle s'ajoutant à celles déjà posées sur des aspects similaires dans les affaires C-339/99 (Energie Steiermark) et C-71/00 (Develop). La question posée par la juridiction de renvoi est la suivante:

    «Les prestations fournies par un non-associé à une société de capitaux pour l'acquisition de droits de jouissance constituent-elles des biens de toute nature apportés ou à apporter par les associés au sens de l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 69/335/CEE [...]?»

    25. Dans la présente affaire, la société Solida, la république autrichienne ainsi que la Commission ont formulé des observations écrites et sont intervenues à l'audience qui s'est tenue le 26 septembre 2001.

    Analyse juridique

    Considération préalable

    26. L'affinité manifeste des questions d'interprétation soumises à la Cour dans les présentes affaires requiert à notre sens de les traiter ensemble. Dans les deux affaires, il est en fait demandé à la Cour si l'impôt sur les apports peut frapper les sommes versées à une société de capitaux pour l'acquisition de bons de jouissance: dans l'affaire C-71/00 (Develop), la question est en particulier de savoir si l'impôt s'applique aux apports effectués par l'acquéreur par le biais de la société mère; dans l'affaire C-138/00 (Solida/Tech), il est demandé en revanche en des termes plus généraux si les apports (directs ou indirects) peuvent être soumis à l'impôt lorsqu'ils ont été réalisés par des personnes étrangères à la société qui émet les bons de jouissance.

    27. La teneur différente des questions posées à la Cour dans les deux affaires résulte essentiellement de la différence des moyens soulevés devant la juridiction nationale. Dans l'affaire Develop, l'application de l'impôt aux sommes versées par l'acquéreur des bons de jouissance (équivalant à leur valeur nominale) n'a pas été en effet contestée, mais c'est seulement le fait que la contribution supplémentaire versée par la société mère soit soumise à l'impôt qui est contesté. Dans les affaires Solida et Tech, les parties requérantes ont au contraire contesté l'application de l'impôt à toutes les contributions versées pour l'acquisition des bons de jouissance en raison du fait que les acquéreurs n'avaient pas la qualité d'associés.

    28. Dès lors, l'analyse des deux questions soumises à la Cour requiert avant tout d'apprécier, en des termes plus généraux, si l'application de l'impôt doit être exclue lorsque les bons de jouissance ne sont pas acquis par des associés (question Solida/Tech). Une fois cette question clarifiée, il sera possible d'établir si les contributions indirectes que les acquéreurs des bons de jouissance effectuent par le biais de la société mère doivent être soumises à l'impôt (question Develop). Au préalable, il nous semble par ailleurs utile de relever que cette dernière question soulève des questions juridiques analogues à celles que le même Verwaltungsgerichtshof a déjà soumises à l'appréciation de votre Cour dans l'affaire C-339/99 (Energie Steiermark), sur laquelle nous nous prononçons ce même jour. Ainsi, le raisonnement adopté quant à ces questions reprendra au moins en partie celui suivi dans cette dernière affaire.

    Sur la question préjudicielle dans l'affaire Solida/Tech

    29. En ce qui concerne en premier lieu la question posée dans l'affaire Solida/Tech, nous rappelons qu'il y a lieu à cet égard de préciser si l'application de l'impôt doit être exclue lorsque les bons de jouissance n'ont pas été acquis par des associés des sociétés qui les émettent.

    30. À ce titre, nous relevons tout d'abord qu'il ressort clairement de l'ordonnance de renvoi, et ceci n'est pas du reste contesté par les parties, que les bons de jouissance confèrent des droits patrimoniaux analogues à ceux reconnus aux associés, quand bien même aucun rapport de caractère social n'est établi. Il ne fait dès lors aucun doute que, en principe, l'acquisition des bons de jouissance constitue une opération imposable au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous d), de la directive en ce qu'est réalisée une «augmentation de l'avoir social d'une société de capitaux au moyen de l'apport de biens de toute nature rémunéré, non par des parts représentatives du capital ou de l'avoir social, mais par des droits de même nature que ceux d'associés, tels que droit de vote, participation aux bénéfices ou au boni de liquidation».

    31. Toutefois, ainsi qu'il a déjà été précisé, les sociétés Solida et Tech contestent l'application de l'impôt dans les hypothèses, qui ne sont pas rares, dans lesquelles les acquéreurs ne sont pas des associés des sociétés qui émettent les bons de jouissance. À l'appui de leur argument, elles invoquent notamment l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive (qui est expressément mentionné dans la question préjudicielle) en vertu duquel, «dans le cas de la constitution d'une société de capitaux, de l'augmentation de son capital social ou de l'augmentation de son avoir social, opération visée à l'article 4, paragraphe 1, sous a), c) et d)», le droit est liquidé «sur la valeur réelle des biens de toute nature apportés ou à apporter par les associés» . Dans la mesure où, ainsi qu'il a déjà été relevé, l'acquisition des bons de jouissance ne confère pas la qualité d'«associé», elles soutiennent par conséquent que l'impôt ne peut s'appliquer que lorsque ce sont les associés qui se portent acquéreurs desdits bons de jouissance. En substance, cette thèse est également soutenue dans les observations présentées devant la Cour par la société Develop.

    32. D'une opinion contraire, le gouvernement autrichien ainsi que la Commission soutiennent en revanche que la référence aux «associés» dans l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive doit être entendue dans un sens «non technique» ou «non formel», de sorte que cette notion recouvre également les titulaires de «droits de même nature que ceux d'associés» au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous d).

    33. Cette interprétation nous semble préférable. De même que ses partisans, nous retenons en effet que l'interprétation différente soutenue par les sociétés Solida, Tech et Develop s'avère excessivement formelle et conduit en substance à vider de son contenu l'article 4, paragraphe 1, sous d). Cette interprétation conduirait en fait à insérer dans cette disposition une condition (particulièrement restrictive) qui n'y figure pas, dans la mesure où il en résulterait une application de l'impôt dans les cas «d'augmentation de l'avoir social d'une société de capitaux au moyen de l'apport de biens de toute nature rémunéré [...] par des droits de même nature que ceux d'associés» à la condition qu'il s'agisse de prestations effectuées par des associés.

    34. En outre, l'interprétation contestée s'avère fragile dans la mesure où, ainsi que l'objectent ses opposants, le rôle respectif des articles 4 et 5 dans le système de la directive se trouve inversé sans aucun motif. En effet, c'est l'article 4 qui précise les opérations soumises à l'impôt, parmi lesquelles figure précisément l'augmentation de l'avoir social au moyen d'apports rémunérés «par des droits de même nature que ceux d'associés» [article 4, paragraphe 1, sous d)]. L'article 5 indique en revanche la base d'imposition devant être prise en considération pour le calcul de l'impôt applicable aux différentes opérations imposables au sens de l'article 4. Dès lors, il est évident que c'est l'article 4 et non l'article 5 qui doit être pris en considération pour identifier les opérations imposables et en préciser les conditions objectives et subjectives.

    35. Pour corroborer ce qui précède, on peut du reste observer que, lorsque le législateur communautaire a souhaité soumettre à l'impôt les seules opérations réalisées par les associés, cette restriction a été expressément mentionnée dans les dispositions prévoyant l'application de l'impôt à ces opérations (ubi voluit dixit). Ainsi, l'article 4, paragraphe 2, sous b), prévoit expressément que les États membres peuvent soumettre aux droits d'apport «l'augmentation de l'avoir social d'une société de capitaux au moyen de prestations effectuées par un associé qui n'entraînent pas une augmentation du capital social mais qui trouvent leur contrepartie dans une modification des droits sociaux ou bien qui sont susceptibles d'augmenter la valeur des parts sociales» . À notre sens, le fait que l'article 4, paragraphe 1, sous d), de la directive ne prévoit pas une telle condition implique qu'elle n'est pas requise pour soumettre à l'impôt les opérations qui y sont mentionnées.

    36. Ces considérations nous invitent dès lors à privilégier une interprétation large et «non technique» de la référence aux associés contenue dans l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive, de manière à en étendre également l'application aux titulaires de «droits de même nature que ceux d'associés» au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous d). Nous estimons par conséquent qu'il y a lieu de répondre à la question posée dans l'affaire Solida/Tech que l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive doit être interprété en ce sens que les prestations effectuées par un associé en faveur d'une société de capitaux en contrepartie de l'acquisition de bons de jouissance constituent «des biens de toute nature apportés ou à apporter par les associés» au sens de cette disposition.

    Sur la question préjudicielle dans l'affaire Develop

    37. Par la question formulée dans l'affaire Develop, le Verwaltungsgerichtshof demande si, dans les cas de l'article 4, paragraphe 1, sous d), l'impôt peut s'appliquer aux apports que l'acquéreur des bons de jouissance n'effectue pas directement mais par le biais de la société mère. Dans la mesure où il est établi que, dans les hypothèses prévues par la disposition en question, les apports réalisés par les titulaires de «droits de même nature que ceux d'associés» (en ce inclus les droits conférés par des bons de jouissance) doivent être soumis à l'impôt, il convient dès lors de considérer à ce stade si, au sens de l'article 5, paragraphe 1, sous a), l'impôt doit s'appliquer également aux apports qui sont réalisés par le biais de sociétés mères.

    38. Ainsi que les gouvernements autrichien, néerlandais, de même que la Commission, nous estimons que cette question doit recevoir une réponse affirmative. Dans le cas d'espèce, les apports, quand bien même ils ont été réalisés de manière indirecte et par le biais de la société mère, sont pour autant effectués, en substance, par des personnes qui acquièrent des «droits de même nature que ceux d'associés». Ainsi qu'il ressort de l'ordonnance de renvoi, il n'est pas en effet contesté dans l'affaire au principal que la contribution supplémentaire de la société mère (RLB/IEB) a été versée pour le compte de la filiale (RLB/BT) à laquelle ce paiement doit être matériellement imputé. S'il en est ainsi, nous sommes dès lors d'avis que le fait que les apports aient été formellement effectués par la société mère, est dénué de pertinence aux fins de l'application de l'impôt.

    39. L'approche «matérielle» ici préconisée, selon laquelle on doit également considérer pour l'application de l'impôt les contributions indirectes, s'en trouve du reste ponctuellement confortée dans la jurisprudence communautaire. Ainsi que l'ont souligné la Commission et le gouvernement néerlandais, la Cour a en effet déjà eu l'occasion de clarifier en ce qui concerne les opérations prévues à l'article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive que «doit être considéré comme une prestation effectuée par un associé, au sens de la disposition communautaire précitée, le transfert de bénéfices réalisé entre deux sociétés soumises à un associé commun, lorsqu'il apparaît clairement des circonstances de l'espèce que ce transfert constitue en réalité un versement fait par l'associé commun à l'une de ces sociétés par l'intermédiaire de la seconde» . Dans cet arrêt, la Cour a donc qualifié de prestations effectuées par un associé au sens de la directive les apports réalisés par le biais d'une société contrôlée, en considérant qu'il y avait lieu d'apprécier au-delà de l'aspect formel l'imputation réelle des apports en question. De manière similaire, mais dans un sens contraire, il y a lieu à notre avis de considérer comme des apports des personnes qui acquièrent «des droits de même nature que ceux d'associés» les versements que ceux-ci ont effectués indirectement, par le biais de paiements (pour leur compte) de la société mère.

    40. Nous ajoutons en outre que cette interprétation doit être également privilégiée dans la mesure où elle permet d'assurer l'effet utile de la directive et d'éviter que soit aisément contourné l'impôt harmonisé. La portée de l'article 4, paragraphe 1, sous d), de la directive s'en trouverait en effet réduite de manière notable, sinon totalement écartée, si les sociétés appartenant à un groupe pouvaient aisément se soustraire à l'impôt en faisant verser par d'autres sociétés du groupe les apports dus au titre de l'acquisition de bons de jouissance.

    41. Nous estimons dès lors qu'il convient de répondre à la question posée dans l'affaire Develop que l'article 4, paragraphe 1, sous d), de la directive doit être interprété en ce sens que les prestations que l'acquéreur de bons de jouissance d'une société de capitaux fournit non directement mais par le biais de la société mère représentent un «apport de biens de toute nature» au sens de cette disposition.

    Conclusions

    Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, nous suggérons à la Cour de répondre au Verwaltungsgerichtshof comme suit:

    dans l'affaire C-138/00 (Solida Raiffeisen Immobilien Leasing GmbH et Tech Gate Vienna Wissenschafts- und Technologiepark GmbH), «l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 69/335 CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, doit être interprété en ce sens que les prestations fournies par un non-associé à une société de capitaux pour l'acquisition de droits de jouissance constituent des biens de toute nature apportés ou à apporter par les associés au sens de cette disposition»;

    dans l'affaire C-71/00 (Develop Baudurchführungs- und Stadtentwicklungs GmbH), «l'article 4, paragraphe 1, sous d), de la directive 69/335 doit être interprété en ce sens que les prestations que l'acquéreur de droits de jouissance au sein d'une société de capitaux ne fournit pas lui-même mais par l'intermédiaire de la société mère constituent un apport de biens de toute nature au sens de cette disposition».

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