This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document 61997CJ0294
Judgment of the Court of 26 October 1999. # Eurowings Luftverkehrs AG v Finanzamt Dortmund-Unna. # Reference for a preliminary ruling: Finanzgericht Münster - Germany. # Freedom to provide services - Trade tax - Add-back to the taxable amount - Exemption inapplicable to the lessee where the proprietor of the goods leased is established in another Member State and is therefore not liable to the tax. # Case C-294/97.
Arrêt de la Cour du 26 octobre 1999.
Eurowings Luftverkehrs AG contre Finanzamt Dortmund-Unna.
Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Münster - Allemagne.
Libre prestation de services - Impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation - Réintégration dans l'assiette de l'impôt - Dérogation inapplicable au locataire d'un bien dont le propriétaire est établi dans un autre Etat membre et dès lors non soumis à l'impôt.
Affaire C-294/97.
Arrêt de la Cour du 26 octobre 1999.
Eurowings Luftverkehrs AG contre Finanzamt Dortmund-Unna.
Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Münster - Allemagne.
Libre prestation de services - Impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation - Réintégration dans l'assiette de l'impôt - Dérogation inapplicable au locataire d'un bien dont le propriétaire est établi dans un autre Etat membre et dès lors non soumis à l'impôt.
Affaire C-294/97.
Recueil de jurisprudence 1999 I-07447
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1999:524
*A9* Finanzgericht Münster, Vorlagebeschluß vom 28/07/1997 (9 K 3151/96 G)
- Betriebs-Berater 1997 p.1777-1779
- Entscheidungen der Finanzgerichte 1997 p.1255-1257
- Recht der internationalen Wirtschaft 1997 p.882 (résumé)
- German Tax News nº 3 June 1998 p.4-5 (résumé)
- Kaefer, Wolfgang ; Tillmann, Winfried: Betriebs-Berater 1997 p.1779
Arrêt de la Cour du 26 octobre 1999. - Eurowings Luftverkehrs AG contre Finanzamt Dortmund-Unna. - Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Münster - Allemagne. - Libre prestation de services - Impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation - Réintégration dans l'assiette de l'impôt - Dérogation inapplicable au locataire d'un bien dont le propriétaire est établi dans un autre Etat membre et dès lors non soumis à l'impôt. - Affaire C-294/97.
Recueil de jurisprudence 1999 page I-07447
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Libre prestation des services - Restrictions - Impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation - Réglementation nationale prévoyant la réintégration de certains éléments dans la base d'imposition pour les entreprises louant des biens auprès de bailleurs se trouvant pour la plupart établis en dehors du territoire national - Inadmissibilité - Justification par des raisons d'intérêt général - Absence
(Traité CE, art. 59 (devenu, après modification, art. 49 CE))
L'article 59 du traité (devenu, après modification, article 49 CE) s'oppose à une législation nationale relative à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation des établissements industriels et commerciaux qui prévoit la réintégration dans la base d'imposition, d'une part, d'une partie des loyers ou redevances d'affermage acquittés pour l'utilisation et la jouissance de biens économiques appartenant à des tiers et, d'autre part, de la valeur de ces biens, dans la mesure où les loyers et redevances ou les biens ne sont pas déjà soumis à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation dans la personne du loueur ou du bailleur à ferme.
En effet, une telle réglementation qui réserve l'avantage fiscal, consistant en l'absence d'obligation de procéder aux réintégrations susmentionnées, à la plupart des entreprises qui louent des biens auprès de bailleurs établis sur le territoire national, alors qu'elle en prive toujours celles qui louent des biens auprès de bailleurs établis dans un autre État membre, comporte une différence de traitement fondée sur le lieu d'établissement du prestataire de services et ne saurait être justifiée ni par des raisons liées à la cohérence du régime fiscal ni par le fait que le bailleur établi dans un autre État membre est soumis à une fiscalité peu élevée.
Dans l'affaire C-294/97,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Finanzgericht Münster (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Eurowings Luftverkehrs AG
et
Finanzamt Dortmund-Unna,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE),
LA COUR,
composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), D. A. O. Edward et L. Sevón, présidents de chambre, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann, H. Ragnemalm et M. Wathelet, juges,
avocat général: M. J. Mischo,
greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
- pour Eurowings Luftverkehrs AG, par MM. W. Tillmann, conseiller fiscal à Dortmund, et W. Kaefer, conseiller fiscal à Aix-la-Chapelle, et Me G. Saß, directeur du département Europe,
- pour le Finanzamt Dortmund-Unna, par M. E. Scheidemantel, Leitender Regierungsdirektor,
- pour le gouvernement allemand, par MM. E. Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, et C.-D. Quassowski, Regierungsdirektor au même ministère, en qualité d'agents,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. J. Sack, conseiller juridique, et Mme H. Michard, membre du service juridique, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Eurowings Luftverkehrs AG, du gouvernement allemand et de la Commission à l'audience du 2 décembre 1998,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 26 janvier 1999,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 28 juillet 1997, parvenue à la Cour le 11 août suivant, le Finanzgericht Münster a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE).
2 Cette question a été posée dans le cadre d'un litige opposant Eurowings Luftverkehrs AG (ci-après «Eurowings») au Finanzamt Dortmund-Unna (ci-après le «Finanzamt») au sujet de l'obligation, pour Eurowings, de procéder à diverses réintégrations dans l'assiette de l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation, conformément au Gewerbesteuergesetz (loi relative à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation, ci-après le «GewStG»).
La législation allemande
3 L'article 2 du GewStG du 21 mars 1991 (BGBl. I, p. 814) prévoit que tout établissement industriel ou commercial fixe, exploité en Allemagne, est soumis à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation.
4 L'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation est un impôt réel auquel tout établissement industriel ou commercial est assujetti, indépendamment de la faculté contributive et de la situation personnelle du contribuable propriétaire de l'établissement.
5 Conformément à l'article 6 du GewStG, la base d'imposition est constituée du bénéfice d'exploitation et du capital d'exploitation industriel et commercial. Depuis le 1er janvier 1998, l'assiette de l'impôt se limite au bénéfice d'exploitation réalisé par l'établissement industriel ou commercial.
6 Le bénéfice de l'établissement industriel ou commercial est déterminé conformément aux dispositions de la loi relative à l'impôt sur le revenu ou de celle relative à l'impôt sur les sociétés, bénéfice auquel il convient de rajouter les éléments devant être réintégrés en vertu de l'article 8 du GewStG et de déduire les abattements prévus à l'article 9 de cette même loi. Les réintégrations et abattements ont pour objet de déterminer le bénéfice objectif de l'établissement industriel ou commercial, indépendamment de la question de savoir si ledit bénéfice repose sur l'investissement de capitaux propres ou appartenant à un tiers.
7 Ainsi, l'article 8 du GewStG, intitulé «Réintégration dans la base imposable», dispose, en son point 7, qu'est réintégrée dans le bénéfice de l'établissement industriel et commercial
«la moitié des loyers ou redevances d'affermage acquittés pour l'utilisation et la jouissance de biens économiques faisant partie des immobilisations de l'établissement sans lui appartenir en propriété et appartenant à un tiers. Cela ne s'applique pas si le loyer ou la redevance d'affermage sont imposés dans le revenu de l'activité industrielle ou commerciale du loueur ou du bailleur à ferme, soumis à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation, sauf si un fonds de commerce ou une partie du fonds de commerce sont loués ou mis en gérance et que le montant du loyer ou du prix de la location-gérance excède 250 000 DEM. Il y a lieu de prendre en considération le montant que le locataire ou preneur à bail doit verser à un loueur ou à un donneur à bail pour l'utilisation des biens économiques appartenant à des tiers, qui font partie de l'unité d'exploitation située dans le ressort d'une commune».
8 Le GewStG présume donc que le produit net retiré du bien loué correspond à la moitié du montant des loyers acquittés.
9 Le capital d'exploitation industriel et commercial correspond à la valeur fiscale du capital d'exploitation déterminée conformément à la loi régissant les modes d'assiette par évaluation administrative, valeur à laquelle sont ajoutés les éléments réintégrés en vertu de l'article 12, paragraphe 2, du GewStG et dont sont déduits les abattements prévus à l'article 12, paragraphe 3, du GewStG. Ces réintégrations et abattements ont pour objet de déterminer les fonds propres et ceux appartenant à des tiers objectivement employés dans l'établissement industriel ou commercial.
10 L'article 12 du GewStG, intitulé «Capital d'exploitation industriel et commercial», dispose ainsi, en son paragraphe 2, point 2, qu'il convient de réintégrer à la valeur fiscale de l'unité économique imposable
«la valeur (fonctionnelle) des biens économiques n'appartenant pas en propriété à l'établissement industriel et commercial et servant à celui-ci, tout en étant la propriété d'un coexploitant ou d'un tiers, si elle n'est pas comprise dans la valeur de l'unité imposable de l'établissement industriel et commercial. Cela ne s'applique pas si les biens économiques font partie du capital d'exploitation du loueur ou du donneur à bail, sauf si un fonds de commerce ou une partie du fonds sont loués ou mis en gérance et que les valeurs (fonctionnelles) des biens économiques loués dans le cadre du fonds de commerce (ou de la partie du fonds) incluses dans le capital d'exploitation du loueur ou du donneur à bail excèdent 2,5 millions de DEM. Les sommes à prendre en considération sont le total des valeurs des biens économiques qu'un loueur ou donneur à bail met à disposition du locataire ou du preneur à bail aux fins d'utilisation dans un établissement industriel et commercial situé dans le ressort d'une commune.»
11 Tout comme l'article 8, point 7, deuxième phrase, en ce qui concerne les loyers, l'article 12, paragraphe 2, point 2, deuxième phrase, du GewStG prévoit, s'agissant des biens économiques appartenant à des tiers, l'absence de réintégration de leur valeur dans la mesure où ces biens sont déjà soumis, au niveau du bailleur, à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation.
12 Il ressort des observations soumises à la Cour par Eurowings que l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation se calcule en deux étapes: tout d'abord, le capital d'exploitation et le bénéfice d'exploitation sont affectés d'un «coefficient fiscal» fixé uniformément pour l'ensemble du territoire allemand à 0,2 % pour le capital d'exploitation et à 5 % pour le bénéfice d'exploitation réalisé par les sociétés de capitaux; le «montant imposable pondéré» ainsi obtenu est ensuite multiplié par un taux fixé par chaque commune. Ce taux variait, en 1993, de 0 %, notamment dans la commune de Norderfriedrichskoog (Schleswig-Holstein), à 515 % à Francfort-sur-le-Main. À Dortmund, le taux applicable en 1993 était de 450 %.
Les faits au principal
13 Eurowings effectue des vols de ligne ainsi que des vols charters en Allemagne et en Europe. En 1993, elle a loué, moyennant un loyer de 467 914 DEM, un aéronef auprès de Air Tara Ltd, société anonyme de droit irlandais établie à Shannon. La valeur fonctionnelle de l'aéronef était de 1 320 000 DEM. Par décision du 21 mai 1996, le Finanzamt a établi l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation dû pour 1993 en réintégrant, conformément à l'article 8, point 7, du GewStG, la moitié des loyers effectivement versés, soit la somme de 233 957 DEM, dans le bénéfice de l'activité industrielle et commerciale. En vertu de l'article 12, paragraphe 2, du GewStG, il a également réintégré la valeur fonctionnelle de l'aéronef loué, soit la somme de 1 320 000 DEM, dans le capital d'exploitation.
14 Le 13 juin 1996, Eurowings a introduit une réclamation à l'encontre de la décision du Finanzamt, qui l'a rejetée par décision du 8 juillet 1996.
15 Eurowings a alors introduit, le 11 juillet 1996, un recours devant le Finanzgericht Münster, au motif que les articles 8, point 7, et 12, paragraphe 2, du GewStG étaient incompatibles avec les articles 59 et suivants du traité.
16 Le Finanzgericht indique que, en vertu du droit communautaire, Eurowings peut invoquer une discrimination interdite par l'article 59 du traité, alors même qu'une telle discrimination ne l'affecte pas directement, mais affecte la société bailleresse de droit irlandais.
17 Le Finanzgericht relève également que les sociétés dites «Limited» de droit irlandais peuvent être assimilées aux sociétés de capitaux de droit allemand au sens de l'article 1er de la loi relative à l'impôt sur les sociétés et que, si de telles sociétés louaient des aéronefs en Allemagne, elles seraient considérées comme exerçant une activité industrielle et commerciale à part entière, en vertu de l'article 2 du GewStG.
18 Le Finanzgericht souligne que le mécanisme de réintégration dans l'assiette de l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation a pour origine la volonté du législateur de garantir que les moyens de production dont dispose l'établissement industriel et commercial établi en Allemagne soient imposés une seule fois, indépendamment du point de savoir si ces moyens ont fait l'objet de financements propres ou externes et si le capital d'exploitation est détenu en propriété au sens du droit civil. Il serait donc inhérent à un tel système qu'une exception soit prévue pour le cas où les loyers ou les biens concernés sont déjà assujettis à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation au niveau du bailleur.
19 Le Finanzgericht constate toutefois que le traitement fiscal du locataire qui loue un bien auprès d'un bailleur établi dans un autre État membre est moins favorable que si le locataire loue un tel bien auprès d'un bailleur établi en Allemagne, ce qui pourrait constituer une discrimination déguisée contraire à l'article 59 du traité.
20 Le Finanzgericht doute que l'objectif de cohérence fiscale puisse justifier les dispositions en cause du GewStG. En effet, selon la jurisprudence de la Cour (arrêts du 11 août 1995, Wielockx, C-80/94, Rec. p. I-2493, et du 14 novembre 1995, Svensson et Gustavsson, C-484/93, Rec. p. I-3955), l'objectif qui consiste à assurer la cohérence du régime fiscal ne pourrait justifier une différence de traitement entre résidents et non-résidents qu'à la seule condition que l'inconvénient fiscal imposé au ressortissant d'un État membre soit compensé par un avantage fiscal correspondant à l'égard de ce même ressortissant, en sorte que ce dernier ne subirait aucune discrimination. Un simple lien indirect entre l'avantage fiscal accordé à un contribuable et le traitement fiscal défavorable imposé à un autre contribuable ne pourrait justifier une discrimination entre résidents et non-résidents. À cet égard, le Finanzgericht indique que, dans une ordonnance du 30 décembre 1996 (BStBl. II 1997, p. 466), le Bundesfinanzhof a considéré qu'il était douteux que les dispositions en matière de réintégration dans la base imposable, figurant aux articles 8, point 7, deuxième phrase, et 12, paragraphe 2, point 2, deuxième phrase, du GewStG, soient compatibles avec l'interdiction des discriminations énoncée aux articles 59 et suivants du traité, bien que cette même juridiction ait admis cette compatibilité dans une décision plus ancienne (arrêt du 15 juin 1983, BStBl. II 1984, p. 17).
21 Enfin, le Finanzgericht se demande s'il faut tenir compte du fait que la société bailleresse de droit irlandais n'acquitte aucun impôt comparable à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation et bénéficie des «privilèges de Shannon» sous la forme d'un impôt sur les sociétés de 10 %. De tels avantages fiscaux pourraient, dans l'affaire au principal, neutraliser l'atteinte théorique à la libre prestation de services et avoir pour conséquence que, si la société bailleresse bénéficiait des mêmes dérogations en matière de réintégration que les bailleurs établis en Allemagne, ces derniers seraient victimes d'une discrimination. Le Finanzgericht doute qu'une telle argumentation puisse être admise, la Cour ayant également jugé que la compensation d'un traitement fiscal défavorable par d'autres avantages fiscaux pour justifier des discriminations ne pouvait être admise (arrêts du 28 janvier 1986, Commission/France, 270/83, Rec. p. 273, point 21, et du 27 juin 1996, Asscher, C-107/94, Rec. p. I-3089).
22 Dans ces conditions, le Finanzgericht Münster a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Les dispositions relatives à la réintégration dans la base d'imposition, figurant aux articles 8, point 7, deuxième phrase, et 12, paragraphe 2, point 2, deuxième phrase, du Gewerbesteuergesetz, sont-elles incompatibles avec l'impératif de libre prestation des services résultant de l'article 59 du traité sur l'Union européenne du 7 février 1992?»
Sur la question préjudicielle
23 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 59 du traité s'oppose à une législation nationale relative à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation, telle que celle en cause au principal.
24 Le gouvernement allemand fait valoir que les articles 8, point 7, et 12, paragraphe 2, du GewStG n'impliquent aucune discrimination directe ou indirecte à l'égard des prestataires de services établis dans d'autres États membres.
25 Il souligne, tout d'abord, que l'obligation de procéder aux réintégrations prévues par ces dernières dispositions s'applique dès lors que le bailleur n'est pas soumis à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation, qu'il soit établi en Allemagne ou dans un autre État membre. Le locataire devrait également procéder auxdites réintégrations s'il loue un bien auprès d'un bailleur, établi en Allemagne, qui n'est pas soumis à un tel impôt.
26 Ainsi, le locataire qui loue une pharmacie à un pharmacien établi en Allemagne qui a cessé son activité et qui n'est donc plus, pour cette raison, soumis à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation devrait réintégrer dans le bénéfice de son activité la moitié des loyers acquittés pour les locaux de la pharmacie.
27 Tel serait également le cas d'un locataire qui loue un bien auprès d'un bailleur établi en Allemagne, mais qui est libéré de l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation ou qui, à l'instar du Bund, des Länder ou des communes, n'est pas soumis à cet impôt en sa qualité de détenteur de la souveraineté. Ainsi, une société ayant une activité portuaire qui loue une grue à une ville portuaire devrait réintégrer dans le bénéfice de ses activités la moitié des loyers acquittés pour la grue.
28 Ensuite, le gouvernement allemand, tout comme d'ailleurs le Finanzamt, fait valoir que, en l'absence d'harmonisation des impôts directs, la situation d'un bailleur établi dans un autre État membre qui n'est pas soumis à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation ne saurait être comparée à celle d'un bailleur établi en Allemagne et soumis à un tel impôt, de telle sorte que des règles différentes pourraient être appliquées à ces situations.
29 En effet, un bailleur établi dans un autre État membre pourrait, du fait qu'il n'est pas soumis à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation, offrir au locataire un loyer moins élevé. En revanche, un bailleur établi en Allemagne et soumis à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation intégrerait cette charge fiscale dans le montant du loyer, la répercutant ainsi sur le locataire.
30 Les réintégrations prévues aux articles 8, point 7, et 12, paragraphe 2, point 2, du GewStG compenseraient, au niveau du locataire, le loyer moins élevé versé au bailleur établi dans un autre État membre. Ce dernier ne subirait toutefois aucun désavantage concurrentiel du fait desdites réintégrations. En effet, dans les deux cas, la charge économique que représente l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation serait identique et incomberait, en définitive, au locataire établi en Allemagne.
31 Enfin, le gouvernement allemand indique que les réintégrations prévues aux articles 8, point 7, et 12, paragraphe 2, du GewStG ont pour objet de garantir que les loyers ainsi que la valeur des biens économiques loués ne sont assujettis qu'une seule fois à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation, indépendamment de la question de savoir si le bailleur est établi en Allemagne ou dans un autre État membre. Une réintégration du montant des loyers et de la valeur des éléments du patrimoine loués dans la base imposable du locataire lorsque le bailleur est soumis à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation aboutirait à une double imposition des loyers et des éléments du patrimoine.
32 Il y a lieu de constater tout d'abord que, si, en l'état actuel du droit communautaire, la matière des impôts directs ne relève pas en tant que telle du domaine de la compétence de la Communauté, il n'en reste pas moins que les États membres doivent exercer leurs compétences retenues dans le respect du droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 14 février 1995, Schumacker, C-279/93, Rec. p. I-225, point 21).
33 Le crédit-bail constituant un service au sens de l'article 60 du traité CE (devenu article 50 CE), il convient de rappeler ensuite que, conformément à la jurisprudence de la Cour, l'article 59 du traité exige non seulement l'élimination de toute discrimination à l'encontre du prestataire en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction à la libre prestation de services imposée au motif que le prestataire est établi dans un État membre différent de celui dans lequel la prestation est fournie (arrêts du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne, 205/84, Rec. p. 3755, point 25, et du 26 février 1991, Commission/Italie, C-180/89, Rec. p. I-709, point 15).
34 En outre, selon une jurisprudence constante, l'article 59 du traité confère des droits non seulement au prestataire de services lui-même, mais également au destinataire desdits services (voir, notamment, arrêts du 31 janvier 1984, Luisi et Carbone, 286/82 et 26/83, Rec. p. 377, et Svensson et Gustavsson, précité). Eurowings peut donc, en tant que destinataire de services de crédit-bail, invoquer les droits subjectifs que lui confère cette disposition.
35 À cet égard, il y a lieu de constater que, dans l'affaire au principal, l'obligation de procéder aux réintégrations prévues aux articles 8, point 7, et 12, paragraphe 2, du GewStG s'applique toujours aux entreprises allemandes qui louent des biens auprès de bailleurs établis dans un autre État membre, ceux-ci n'étant jamais soumis à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation, alors que l'obligation de procéder auxdites réintégrations ne s'applique pas, dans la plupart des cas, aux entreprises allemandes qui louent des biens auprès de bailleurs établis en Allemagne, ces derniers étant normalement soumis audit impôt, sauf dans les rares hypothèses mentionnées aux points 25 à 27 du présent arrêt.
36 La législation en cause au principal établit dès lors un régime fiscal différent, dans la grande majorité des cas, selon que le prestataire de services est établi en Allemagne ou dans un autre État membre.
37 En outre, ainsi que l'a relevé la juridiction de renvoi, une telle législation prévoit, pour les entreprises allemandes qui louent des biens auprès de bailleurs établis dans d'autres États membres, un régime fiscal moins favorable susceptible de les dissuader de faire appel à de tels bailleurs.
38 En effet, ainsi que l'a indiqué Eurowings, sans être contredite sur ce point par le gouvernement allemand, le locataire, dans le cadre d'un crédit-bail allemand, est en règle générale exonéré du seul fait de l'assujettissement du bailleur à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation, quelles que soient les possibilités qu'a ce dernier d'échapper à une imposition effective. Il ressort du dossier au principal que le bailleur dispose de plusieurs moyens pour réduire l'impôt effectivement acquitté tels que, notamment, la prise en compte de la valeur comptable et non de la valeur marchande des biens, la réintégration de la moitié et non de la totalité des dettes à long terme, le recours au financement à forfait de l'achat des biens en vue de réduire le capital d'exploitation ainsi que la prise en compte du seul gain réel effectué à partir des biens loués en Allemagne et non de la moitié des loyers. Par ailleurs, des «fonds de leasing» proposés par les banques allemandes permettraient de ne jamais devoir acquitter d'impôt sur le bénéfice d'exploitation et de n'acquitter un impôt sur le capital d'exploitation que pour une fraction de la durée du contrat. Enfin, le bailleur d'aéronefs, n'étant pas lié à une ville possédant un aéroport, peut s'établir dans une commune qui a fixé un taux très faible voire un taux zéro pour le calcul de l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation.
39 Dans ces conditions, la charge économique que représente l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation pour les entreprises allemandes qui louent des biens auprès de bailleurs établis en Allemagne ne correspond pas nécessairement, contrairement à ce que soutient le gouvernement allemand, à la charge économique que représente ce même impôt pour les entreprises allemandes qui louent des biens auprès de bailleurs établis dans un autre État membre.
40 Or, une réglementation d'un État membre qui, telle que celle en cause au principal, réserve un avantage fiscal à la plupart des entreprises qui louent des biens auprès de bailleurs établis dans cet État, alors qu'elle en prive toujours celles qui louent des biens auprès de bailleurs établis dans un autre État membre, comporte une différence de traitement fondée sur le lieu d'établissement du prestataire de services interdite par l'article 59 du traité.
41 Une telle différence de traitement ne saurait être justifiée par des raisons liées à la cohérence du régime fiscal.
42 En effet, ainsi que l'a relevé le Bundesfinanzhof dans une ordonnance du 30 décembre 1996 mentionnée par la juridiction de renvoi, un simple lien indirect entre un avantage fiscal accordé à un contribuable, tel que l'absence d'obligation, pour les entreprises allemandes qui louent des biens auprès de bailleurs établis en Allemagne, de procéder aux réintégrations litigieuses, et un traitement fiscal défavorable imposé à un autre contribuable, tel que l'assujettissement desdits bailleurs à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation, ne saurait justifier le fait que les entreprises allemandes soient soumises à un traitement fiscal différent selon qu'elles louent des biens auprès de bailleurs établis en Allemagne ou dans d'autres États membres.
43 Contrairement à ce que le Finanzamt soutient, une telle différence de traitement ne pourrait pas non plus être justifiée par le fait que le bailleur établi dans un autre État membre y serait soumis à une fiscalité peu élevée.
44 Un éventuel avantage fiscal résultant, dans le chef des prestataires de services, de la fiscalité peu élevée à laquelle ils seraient soumis dans l'État membre dans lequel ils sont établis ne saurait permettre à un autre État membre de justifier un traitement fiscal moins favorable des destinataires des services établis dans ce dernier État [voir, en ce qui concerne l'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE), arrêts précités Commission/France, point 21, et Asscher, point 53].
45 Ainsi que l'a à juste titre relevé la Commission, de tels prélèvements fiscaux compensatoires porteraient atteinte aux fondements mêmes du marché intérieur.
46 Il convient dès lors de répondre à la juridiction nationale que l'article 59 du traité s'oppose à une législation nationale relative à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation, telle que celle en cause au principal.
Sur les dépens
47 Les frais exposés par le gouvernement allemand et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
statuant sur la question à elle soumise par le Finanzgericht Münster, par ordonnance du 28 juillet 1997, dit pour droit:
L'article 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) s'oppose à une législation nationale relative à l'impôt commercial sur le capital et le bénéfice d'exploitation, telle que celle en cause au principal.