This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document 61996CJ0200
Judgment of the Court of 28 April 1998. # Metronome Musik GmbH v Music Point Hokamp GmbH. # Reference for a preliminary ruling: Landgericht Köln - Germany. # Copyright and related rights - Rental and lending right - Validity of Directive 92/100/EEC. # Case C-200/96.
Arrêt de la Cour du 28 avril 1998.
Metronome Musik GmbH contre Music Point Hokamp GmbH.
Demande de décision préjudicielle: Landgericht Köln - Allemagne.
Droit d'auteur et droits voisins - Droit de location et de prêt - Validité de la directive 92/100/CEE.
Affaire C-200/96.
Arrêt de la Cour du 28 avril 1998.
Metronome Musik GmbH contre Music Point Hokamp GmbH.
Demande de décision préjudicielle: Landgericht Köln - Allemagne.
Droit d'auteur et droits voisins - Droit de location et de prêt - Validité de la directive 92/100/CEE.
Affaire C-200/96.
Recueil de jurisprudence 1998 I-01953
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1998:172
*A9* Landgericht Köln, Vorlagebeschluß vom 18/04/1996 (28 O 515/95)
- Zeitschrift für Urheber- und Medienrecht 1996 p.708-709
- European Commercial Cases 1997 p.325-328
Arrêt de la Cour du 28 avril 1998. - Metronome Musik GmbH contre Music Point Hokamp GmbH. - Demande de décision préjudicielle: Landgericht Köln - Allemagne. - Droit d'auteur et droits voisins - Droit de location et de prêt - Validité de la directive 92/100/CEE. - Affaire C-200/96.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-01953
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1 Rapprochement des législations - Droit d'auteur et droits voisins - Directive 92/100 - Activités de location et de prêt d'originaux et de copies d'oeuvres protégées par le droit d'auteur - Droit de location exclusif instauré par la directive - Violation du principe de l'épuisement du droit de distribution - Absence
(Traité CE, art. 36; directive du Conseil 92/100)
2 Droit communautaire - Principes - Droits fondamentaux - Droit de propriété - Droit au libre exercice d'une activité professionnelle - Restrictions - Directive 92/100 instaurant un droit exclusif de location et incluant les producteurs de supports de son parmi les bénéficiaires dudit droit - Restriction justifiée par l'intérêt général - Violation du principe de proportionnalité - Absence
(Traité CE, art. 36 et 128; directive du Conseil 92/100)
1 L'institution, par la directive 92/100, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle, d'un droit de location exclusif d'oeuvres protégées par le droit d'auteur ne saurait constituer une violation du principe de l'épuisement du droit de distribution, dont l'objet et le champ d'application sont différents.
En effet, le principe de l'épuisement des droits de distribution en cas de mise en vente, par le titulaire du droit ou avec son consentement, d'oeuvres protégées par le droit d'auteur découle de la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle le droit exclusif garanti par la législation d'un État membre en matière de propriété industrielle et commerciale a épuisé ses effets lorsqu'un produit a été écoulé licitement, sur le marché d'un autre État membre, par le titulaire même du droit ou avec son consentement. Cependant, les oeuvres littéraires et artistiques peuvent faire l'objet d'une exploitation commerciale sous d'autres formes que la vente des supports matériels qui en sont issus.
A cet égard, en autorisant la perception de droits d'auteur seulement à l'occasion des ventes consenties tant aux simples particuliers qu'aux loueurs de ces supports, il n'est pas possible d'assurer aux auteurs des oeuvres une rémunération qui soit en rapport avec le nombre des locations effectivement réalisées et qui réserve à ces auteurs une part satisfaisante du marché de la location. La mise en circulation d'un support de son ne peut donc pas, par définition, rendre licites d'autres actes d'exploitation de l'oeuvre protégée, tels que la location, qui ont une nature différente de celle de la vente ou de tout autre acte licite de distribution. Tout comme le droit de représentation par voie d'exécution publique d'une oeuvre, le droit de location demeure au nombre des prérogatives de l'auteur et du producteur en dépit de la vente du support matériel qui contient l'oeuvre.
2 Le libre exercice d'une activité professionnelle fait partie, tout comme d'ailleurs le droit de propriété, des principes généraux du droit communautaire. Ces principes n'apparaissent toutefois pas comme des prérogatives absolues, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées au droit d'exercer librement une activité professionnelle, tout comme à l'usage du droit de propriété, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis.
Les objectifs de la directive 92/100 sont conformes aux objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté. En effet, d'une part, la protection de la propriété littéraire et artistique, qui fait partie de la propriété industrielle et commerciale au sens de l'article 36 du traité, constitue l'une des raisons d'intérêt général qui peuvent justifier des restrictions à la libre circulation des marchandises et, d'autre part, le développement culturel de la Communauté fait partie des objectifs qui ont été consacrés par l'article 128 du traité, dans sa rédaction issue du traité sur l'Union européenne, qui vise en particulier à encourager la création artistique et littéraire.
En ce qui concerne plus précisément l'inclusion des producteurs de supports de son parmi les bénéficiaires du droit exclusif de location, elle apparaît justifiée par la protection des investissements extrêmement élevés et aléatoires qu'exige la production de ces supports et qui sont indispensables à la poursuite de l'activité de création de nouvelles oeuvres par les auteurs. Ainsi, l'attribution d'un droit exclusif aux producteurs constitue certainement la forme de protection la plus efficace, compte tenu notamment de l'évolution des nouvelles technologies et de la menace de plus en plus grave que représente la piraterie, favorisée par l'extrême facilité de reproduction des supports de son. A défaut d'un tel droit, la rémunération de ceux qui investissent dans la réalisation de ces produits risquerait de ne plus être assurée de manière appropriée, ce qui ne manquerait pas d'avoir des répercussions sur l'activité de création de nouvelles oeuvres.
De surcroît, l'obligation d'instituer, au bénéfice des producteurs de supports de son et de tous autres détenteurs de droits sur ces derniers, un droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la location commerciale de ces produits est conforme aux stipulations de l'accord relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (le «TRIPs»), annexé à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce.
Dès lors qu'il n'apparaît pas que les objectifs poursuivis auraient pu être atteints par des mesures préservant davantage le libre exercice de l'activité des personnes ou des entreprises spécialisées dans la location commerciale de supports de son, les conséquences de l'introduction d'un droit de location exclusif ne sauraient être considérées comme démesurées et intolérables.
Dans l'affaire C-200/96,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Landgericht Köln (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Metronome Musik GmbH
et
Music Point Hokamp GmbH,
une décision à titre préjudiciel sur la validité de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO L 346, p. 61),
LA COUR,
composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. Gulmann, H. Ragnemalm, M. Wathelet et R. Schintgen, présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, P. J. G. Kapteyn, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet (rapporteur), G. Hirsch, P. Jann et L. Sevón, juges,
avocat général: M. G. Tesauro,
greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
- pour Metronome Musik GmbH, par Me Hartwig Ahlberg, avocat à Hambourg,
- pour Music Point Hokamp GmbH, par Me Martin Matzat, avocat à Münster,
- pour le gouvernement allemand, par M. Alfred Dittrich, Regierungsdirektor au ministère fédéral de la Justice, assisté de Mme Sabine Maass, Regierungsrätin au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agents,
- pour le gouvernement français, par Mme Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Philippe Martinet, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents,
- pour le gouvernement italien, par M. le professeur Umberto Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, assisté de M. Pier Giorgio Ferri, avvocato dello Stato,
- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Lindsey Nicoll, du Treasury Solicitor's Department, en qualité d'agent, assistée de Mme Eleanor Sharpston, barrister,
- pour le Conseil de l'Union européenne, par MM. Bjarne Hoff-Nielsen, conseiller juridique, et Stephan Marquardt, membre du service juridique, en qualité d'agents,
- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Jürgen Grunwald, conseiller juridique, et Berend Jan Drijber, membre du service juridique, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Metronome Musik GmbH, de Music Point Hokamp GmbH, du gouvernement allemand, du gouvernement italien, du Conseil et de la Commission à l'audience du 21 octobre 1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 22 janvier 1998,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 18 avril 1996, parvenue à la Cour le 13 juin suivant, le Landgericht Köln a, en vertu de l'article 177 du traité CE, posé une question préjudicielle sur la validité de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO L 346, p. 61, ci-après la «directive»).
2 Cette question a été posée dans le cadre d'un litige opposant Metronome Musik GmbH (ci-après «Metronome»), qui produit des supports de son et notamment des disques compacts, à Music Point Hokamp GmbH (ci-après «Hokamp»), qui exploite notamment un commerce de location de ces disques compacts.
3 L'article 1er, paragraphe 1, de la directive impose aux États membres de prévoir le droit d'autoriser ou d'interdire la location et le prêt d'originaux et de copies d'oeuvres protégées par le droit d'auteur ainsi que d'autres objets. En vertu du paragraphe 4 du même article, les droits ainsi visés ne sont pas épuisés par la vente ou tout autre acte de diffusion. Enfin, l'article 2, paragraphe 1, précise que le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la location et le prêt appartient à l'auteur, en ce qui concerne l'original et les copies de son oeuvre, à l'artiste interprète ou exécutant, en ce qui concerne les fixations de son exécution, au producteur de phonogrammes, en ce qui concerne ses phonogrammes, et au producteur de la première fixation d'un film, en ce qui concerne l'original et les copies de son film.
4 Il ressort de l'article 9 de la directive que, sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au droit de location et de prêt, et notamment celles de l'article 1er, paragraphe 4, le droit de distribution, qui est un droit exclusif de mise à la disposition du public, par la vente ou autrement, de l'un des objets visés n'est épuisé qu'en cas de première vente dans la Communauté de cet objet par le titulaire du droit ou avec son consentement.
5 Enfin, l'article 13, qui porte sur l'applicabilité de la directive dans le temps, permet, en son paragraphe 3, aux États membres de prévoir que les titulaires de droits sont censés avoir autorisé la location d'un objet mis à la disposition de tiers ou acquis avant le 1er juillet 1994, date limite prévue pour la mise en application de la directive.
6 En Allemagne, les obligations découlant de la directive ont été mises en oeuvre par la loi du 23 juin 1995 (BGBl. I, p. 842), qui a modifié l'Urheberrechtsgesetz, du 9 septembre 1965 (loi sur le droit d'auteur, BGBl. I, p. 1273, ci-après l'«UrhG»). Cette loi a notamment écarté la location des «diffusions ultérieures» qui étaient licites lorsque l'original de l'oeuvre ou des exemplaires reproduits avaient été mis en circulation avec l'accord du titulaire du droit de diffusion.
7 Sur le fondement des nouvelles dispositions de l'UrhG, Metronome, qui a produit le disque compact «Planet Punk», enregistré par le groupe «Die Ärzte» et édité le 15 septembre 1995, a assigné en référé Hokamp devant le Landgericht Köln, en vue d'obtenir l'interdiction de la location par cette dernière de ce disque compact.
8 Le 4 décembre 1995, la juridiction saisie a rendu une ordonnance provisoire interdisant à la défenderesse d'offrir ce disque compact en location ou de le louer en Allemagne.
9 Mais Hokamp a fait opposition à cette interdiction, en soutenant que les dispositions précitées de la directive et celles de l'UrhG qui la mettent en oeuvre étaient contraires aux droits fondamentaux garantis par le droit communautaire et par le droit constitutionnel, et notamment au droit au libre exercice d'une activité professionnelle.
10 Lors de l'examen de cette opposition, le Landgericht Köln a éprouvé des doutes sur la validité de l'introduction d'un droit de location exclusif, qui aurait notamment pour effet de porter atteinte à l'exercice d'une activité professionnelle exercée librement jusqu'alors. La juridiction nationale a, en conséquence, décidé de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L'introduction d'un droit de location exclusif, en violation du principe de l'épuisement des droits de distribution, par l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle, est-elle compatible avec le droit communautaire, et plus particulièrement avec les droits fondamentaux qui le sous-tendent?»
11 Metronome, les gouvernements allemand, français, italien et du Royaume-Uni, ainsi que le Conseil et la Commission, estiment que la directive est valide. Ils font valoir, pour l'essentiel, que le droit de location exclusif, qui est d'ailleurs prévu dans des conventions internationales auxquelles la Communauté et les États membres sont parties, répond à des objectifs d'intérêt général en matière de propriété intellectuelle et ne porte pas atteinte à la substance du droit au libre exercice d'une activité professionnelle.
12 Hokamp soutient, au contraire, que l'introduction d'un tel droit par la directive doit être considérée comme nulle, parce qu'elle méconnaît les droits fondamentaux des entreprises exerçant une activité de location, dont le droit au libre exercice d'une activité professionnelle, et parce qu'elle fausse la concurrence dans les États membres où cette activité était indépendante des producteurs de phonogrammes.
13 Il y a lieu tout d'abord d'observer que, comme cela ressort des motifs de l'ordonnance de renvoi et du libellé même de la question posée par la juridiction nationale, celle-ci met en cause la violation, par l'institution d'un droit de location exclusif, du principe de l'épuisement des droits de distribution en cas de mise en vente, par le titulaire du droit ou avec son consentement, d'oeuvres protégées par le droit d'auteur.
14 Ce principe découle de la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle, si l'article 36 du traité CE permet qu'il soit dérogé à la libre circulation des marchandises en raison des droits reconnus par les législations nationales en matière de protection de la propriété industrielle et commerciale, de telles dérogations ne sont admises que dans la mesure où elles sont justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l'objet spécifique de cette propriété. Or, le droit exclusif garanti par la législation d'un État membre en matière de propriété industrielle et commerciale a épuisé ses effets lorsqu'un produit a été écoulé licitement, sur le marché d'un autre État membre, par le titulaire même du droit ou avec son consentement (voir, notamment, arrêts du 20 janvier 1981, Musik-Vertrieb membran et K-tel International, 55/80 et 57/80, Rec. p. 147, points 10 et 15, et du 22 janvier 1981, Dansk Supermarked, 58/80, Rec. p. 181, point 11).
15 Cependant, ainsi que la Cour l'a rappelé dans l'arrêt du 17 mai 1988, Warner Brothers et Metronome Video (158/86, Rec. p. 2605), les oeuvres littéraires et artistiques peuvent faire l'objet d'une exploitation commerciale sous d'autres formes que la vente des supports matériels qui en sont issus. Ainsi en est-il, par exemple, de la location de vidéocassettes, qui touche un public distinct de celui de la vente et qui constitue une importante source potentielle de revenus pour les auteurs de films.
16 A cet égard, la Cour a relevé que, en autorisant la perception de droits d'auteur seulement à l'occasion des ventes consenties tant aux simples particuliers qu'aux loueurs de vidéocassettes, il n'est pas possible d'assurer aux auteurs de films une rémunération qui soit en rapport avec le nombre des locations effectivement réalisées et qui réserve à ces auteurs une part satisfaisante du marché de la location. Des législations qui ont organisé une protection spécifique du droit de location de vidéocassettes apparaissent, dès lors, comme justifiées par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale, au sens de l'article 36 du traité (arrêt Warner Brothers et Metronome Video, précité, points 15 et 16).
17 Dans ce même arrêt, la Cour a, en outre, rejeté l'argument tiré de ce qu'un auteur qui a mis en vente la vidéocassette d'un film dans un État membre où la législation ne lui reconnaît aucun droit exclusif de location devrait accepter les conséquences de son choix et l'épuisement de son droit à s'opposer à la mise en location de cette vidéocassette dans n'importe quel autre État membre. En effet, lorsqu'une législation nationale reconnaît aux auteurs un droit spécifique de location de vidéocassettes, ce droit serait vidé de sa substance si son titulaire n'était pas en mesure d'autoriser les mises en location (points 17 et 18).
18 Comme l'a souligné M. l'avocat général au point 14 de ses conclusions, la mise en circulation d'un support de son ne peut donc pas, par définition, rendre licites d'autres actes d'exploitation de l'oeuvre protégée, tels que la location, qui ont une nature différente de celle de la vente ou de tout autre acte licite de distribution. Tout comme le droit de représentation par voie d'exécution publique d'une oeuvre (voir, à cet égard, arrêt du 13 juillet 1989, Tournier, 395/87, Rec. p. 2521, points 12 et 13), le droit de location demeure au nombre des prérogatives de l'auteur et du producteur en dépit de la vente du support matériel qui contient l'oeuvre.
19 Ainsi, la distinction qui ressort de la directive entre les effets du droit spécifique de location et de prêt, tel que visé à son article 1er, et ceux du droit de distribution, régi par son article 9 et défini comme un droit exclusif de mise à la disposition du public, principalement par la vente, de l'un des objets visés, est justifiée. Alors que le premier n'est pas épuisé par la vente ou tout autre acte de diffusion de cet objet, le second ne l'est précisément qu'en cas de première vente dans la Communauté par le titulaire du droit ou avec son consentement.
20 L'institution, par la législation communautaire, d'un droit de location exclusif ne saurait donc constituer une violation du principe de l'épuisement du droit de distribution, dont l'objet et le champ d'application sont différents.
21 Il convient ensuite de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le libre exercice d'une activité professionnelle fait partie, tout comme d'ailleurs le droit de propriété, des principes généraux du droit communautaire. Ces principes n'apparaissent toutefois pas comme des prérogatives absolues, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées au droit d'exercer librement une activité professionnelle, tout comme à l'usage du droit de propriété, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté européenne et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir, notamment, arrêt du 17 octobre 1995, Fishermen's Organisations e.a., C-44/94, Rec. p. I-3115, point 55).
22 La directive a pour objet d'instituer une protection juridique harmonisée dans la Communauté en ce qui concerne le droit de location et de prêt et certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle. Selon ses trois premiers considérants, cette harmonisation vise à éliminer les différences entre les législations nationales qui sont de nature à créer des entraves aux échanges, à provoquer des distorsions de concurrence et à nuire à la réalisation et au bon fonctionnement du marché intérieur. Ainsi qu'il ressort plus précisément des quatrième, cinquième et septième considérants de la directive, le droit de location, qui revêt, en raison de la menace de plus en plus grave que constitue la piraterie, une importance croissante pour le développement économique et culturel de la Communauté, doit notamment garantir la possibilité d'assurer aux auteurs, artistes interprètes ou exécutants un revenu approprié et d'amortir les investissements extrêmement élevés et aléatoires qu'exige en particulier la production de phonogrammes et de films.
23 De tels objectifs sont effectivement conformes aux objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté. A cet égard, il convient notamment de rappeler que la protection de la propriété littéraire et artistique, qui fait partie de la propriété industrielle et commerciale au sens de l'article 36 du traité, constitue l'une des raisons d'intérêt général qui peuvent justifier des restrictions à la libre circulation des marchandises (voir arrêt Warner Brothers et Metronome Video, précité, point 11). Il convient également de relever que le développement culturel de la Communauté fait partie des objectifs qui ont été consacrés par l'article 128 du traité CE, dans sa rédaction issue du traité sur l'Union européenne, qui vise en particulier à encourager la création artistique et littéraire.
24 En ce qui concerne plus précisément l'inclusion, mise en cause par la défenderesse au principal, des producteurs de phonogrammes parmi les bénéficiaires du droit exclusif de location, elle apparaît justifiée par la protection des investissements extrêmement élevés et aléatoires qu'exige la production de phonogrammes et qui sont indispensables à la poursuite de l'activité de création de nouvelles oeuvres par les auteurs. Ainsi que M. l'avocat général l'a expliqué au point 26 de ses conclusions, l'attribution d'un droit exclusif aux producteurs constitue certainement la forme de protection la plus efficace, compte tenu notamment de l'évolution des nouvelles technologies et de la menace de plus en plus grave que représente la piraterie, favorisée par l'extrême facilité de reproduction des supports de son. A défaut d'un tel droit, la rémunération de ceux qui investissent dans la réalisation de ces produits risquerait de ne plus être assurée de manière appropriée, ce qui ne manquerait pas d'avoir des répercussions sur l'activité de création de nouvelles oeuvres.
25 De surcroît, comme cela a été relevé par la plupart des intéressés, l'obligation d'instituer, au bénéfice des producteurs de phonogrammes et de tous autres détenteurs de droits sur les phonogrammes, un droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la location commerciale de ces produits est conforme aux stipulations combinées des articles 11 et 14 de l'accord relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (le «TRIPs»), annexé à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech le 15 avril 1994 et approuvé par décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l'Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1).
26 Ainsi, le principe général du libre exercice d'une activité professionnelle ne peut pas être interprété indépendamment des principes généraux qui s'attachent à la protection des droits de propriété intellectuelle et des obligations internationales contractées dans ce domaine par la Communauté et par les États membres. Dès lors qu'il n'apparaît pas que les objectifs poursuivis auraient pu être atteints par des mesures préservant davantage le libre exercice de l'activité des personnes ou des entreprises spécialisées dans la location commerciale de phonogrammes, les conséquences de l'introduction d'un droit de location exclusif ne sauraient être considérées comme démesurées et intolérables.
27 A cet égard, il y a d'ailleurs lieu d'observer que, indépendamment des mesures transitoires mentionnées à l'article 13 de la directive, celle-ci ne conduit pas à la suppression de toute possibilité de location. En effet, les loueurs professionnels peuvent négocier avec les titulaires des droits afin d'obtenir, sur la base de conditions acceptables par les deux parties, l'autorisation de louer les objets litigieux ou une licence contractuelle.
28 Quant aux distorsions de concurrence invoquées par la défenderesse au principal, en raison des interdictions globales de location qui seraient prononcées par certains groupes de production de phonogrammes, il suffit d'observer que, à les supposer établies, de telles distorsions ne sont pas la conséquence directe des dispositions litigieuses, qui n'ont ni pour objet ni pour effet d'amener nécessairement les intéressés à interdire systématiquement la location de leurs produits dans le seul but d'éliminer des concurrents sur le marché de la location.
29 Il y a lieu, dès lors, de répondre à la juridiction de renvoi que l'examen de la question préjudicielle n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive.
Sur les dépens
30 Les frais exposés par les gouvernements allemand, français, italien et du Royaume-Uni, ainsi que par le Conseil de l'Union européenne et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
statuant sur la question à elle soumise par le Landgericht Köln, par ordonnance du 18 avril 1996, dit pour droit:
L'examen de la question préjudicielle n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle.