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Document 61996CC0127

Conclusions jointes de l'avocat général Cosmas présentées le 24 septembre 1998.
Francisco Hernández Vidal SA contre Prudencia Gómez Pérez, María Gómez Pérez et Contratas y Limpiezas SL (C-127/96), Friedrich Santner contre Hoechst AG (C-229/96), et Mercedes Gómez Montaña contre Claro Sol SA et Red Nacional de Ferrocarriles Españoles (Renfe) (C-74/97).
Demandes de décision préjudicielle: Tribunal Superior de Justicia de Murcia - Espagne, Arbeitsgericht Frankfurt am Main - Allemagne et Juzgado de la Social nº 1 de Pontevedra - Espagne.
Maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises.
Affaires jointes C-127/96, C-229/96 et C-74/97.
Francisca Sánchez Hidalgo e.a. contre Asociación de Servicios Aser et Sociedad Cooperativa Minerva (C-173/96), et Horst Ziemann contre Ziemann Sicherheit GmbH et Horst Bohn Sicherheitsdienst (C-247/96).
Demandes de décision préjudicielle: Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha - Espagne et Arbeitsgericht Lörrach - Allemagne.
Maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises.
Affaires jointes C-173/96 et C-247/96.

Recueil de jurisprudence 1998 I-08179

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1998:426

61996C0127

Conclusions jointes de l'avocat général Cosmas présentées le 24 septembre 1998. - Francisco Hernández Vidal SA contre Prudencia Gómez Pérez, María Gómez Pérez et Contratas y Limpiezas SL (C-127/96), Friedrich Santner contre Hoechst AG (C-229/96), et Mercedes Gómez Montaña contre Claro Sol SA et Red Nacional de Ferrocarriles Españoles (Renfe) (C-74/97). - Demandes de décision préjudicielle: Tribunal Superior de Justicia de Murcia - Espagne, Arbeitsgericht Frankfurt am Main - Allemagne et Juzgado de la Social nº 1 de Pontevedra - Espagne. - Affaires jointes C-127/96, C-229/96 et C-74/97. - Francisca Sánchez Hidalgo e.a. contre Asociación de Servicios Aser et Sociedad Cooperativa Minerva (C-173/96), et Horst Ziemann contre Ziemann Sicherheit GmbH et Horst Bohn Sicherheitsdienst (C-247/96). - Demandes de décision préjudicielle: Tribunal Superior de Justicia de Castilla La Mancha - Espagne et Arbeitsgericht Lörrach - Allemagne. - Maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises. - Affaires jointes C-173/96 et C-247/96.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-08179


Conclusions de l'avocat général


I - Introduction

1 Dans les présentes affaires, la Cour est invitée à interpréter certaines dispositions de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements (1) (ci-après la «directive»).

2 Les questions posées en l'espèce ont, pour une large part, déjà été tranchées, principalement dans le récent arrêt Süzen, que la Cour a prononcé le 11 mars 1997 dans l'affaire C-13/95 (2).

3 Cependant, en ce qui concerne les trois premières affaires jointes, il faut observer que la Cour n'avait jamais eu l'occasion de se prononcer sur un cas où une entreprise ayant confié à une autre le nettoyage de ses locaux décide de mettre fin à ce contrat et de prendre en charge elle-même les travaux de nettoyage (réinternalisation).

4 En ce qui concerne les deux autres affaires jointes, elles se rapportent elles aussi au problème de la succession d'entreprises dans l'exécution d'une activité. Cependant, dans l'affaire Ziemann, nous serons conduit à préciser la notion d'entité économique transférable.

II - Les dispositions communautaires

5 Il résulte du deuxième considérant de son préambule que la directive (3) se propose de «protéger les travailleurs en cas de changement de chef d'entreprise, en particulier pour assurer le maintien de leurs droits».

6 Dans la section I, où se trouve défini son champ d'application, l'article 1er prévoit que la directive est «applicable aux transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements à un autre chef d'entreprise, résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion» (4).

7 Dans la section II de la directive, intitulée «Maintien des droits des travailleurs», l'article 3, paragraphe 1, précise que «les droits et obligations qui résultent pour le cédant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire».

8 Aux termes de l'article 4, paragraphe 1, «le transfert d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'établissement ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire. Cette disposition ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d'organisation impliquant des changements sur le plan de l'emploi».

9 Enfin, d'après l'article 7, les États membres gardent la faculté d'appliquer ou d'introduire des dispositions plus favorables aux travailleurs.

III - Les dispositions nationales applicables

A - Les dispositions du droit allemand

10 La directive a été transposée en droit allemand par l'article 613 a du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil allemand, ci-après le «BGB») qui dispose:

«Droits et obligations en cas de transfert d'entreprise

1. Lorsqu'une entreprise ou une partie d'entreprise est transférée par acte juridique à un autre propriétaire, celui-ci est subrogé dans les droits et obligations découlant des relations de travail existant au moment du transfert ...» (5).

11 Il dispose par ailleurs:

«2. L'ancien employeur est solidairement responsable avec le nouveau propriétaire des obligations visées au paragraphe 1, pour autant qu'elles sont nées avant la date du transfert et arrivées à échéance au plus tard un an après cette date. Toutefois, lorsque ces obligations arrivent à échéance après la date du transfert, l'ancien employeur n'est responsable que dans la mesure correspondant à la partie de la période écoulée au moment du transfert.

3. ...

4. Le licenciement d'un travailleur par l'ancien employeur ou par le nouveau propriétaire en raison du transfert d'une entreprise ou d'une partie d'entreprise est nul et de nul effet. Le droit de dénoncer le contrat d'emploi pour d'autres raisons reste entier.»

B - Les dispositions du droit espagnol

12 La directive a été transposée en droit espagnol par l'article 44 de l'Estatuto de los Trabajadores (6) qui dispose:

«1. Le transfert d'une entreprise, d'un centre de travail ou d'une unité de production autonome de cette entreprise ne met pas, par lui-même, fin à la relation d'emploi; le nouvel employeur est subrogé dans les droits et obligations de l'employeur précédent au titre du contrat de travail ...

2. ...»

IV - Les faits et les questions préjudicielles

A - Affaires jointes C-127/96, C-229/96 et C-74/97

1) Affaire Hernández Vidal

13 Mmes Prudencia et María Gómez Pérez ont été employées pendant de nombreuses années par la société Contratas y Limpiezas SL (ci-après «Contratas y Limpiezas»), une société de nettoyage de bâtiments et de locaux. Elles sont toutes les deux femmes de ménage.

14 Ces deux personnes s'occupaient du nettoyage des locaux de la société Francisco Hernández Vidal SA (ci-après «Hernández Vidal»), une entreprise de production de chewing-gum et de confiserie, dans le cadre d'un contrat de nettoyage passé entre les sociétés Contratas y Limpiezas et Hernández Vidal.

15 Ce contrat de nettoyage, conclu le 1er janvier 1992 (7) puis renouvelé annuellement, a été dénoncé le 2 janvier 1995 par la société Hernández Vidal, qui a voulu elle-même prendre en charge le nettoyage de ses locaux et a engagé du personnel à cette fin (8). Ni cette société ni la société Contratas y Limpiezas n'ont voulu poursuivre à partir de cette date la relation de travail avec Mmes Prudencia et María Gómez Pérez (9).

16 Les deux intéressées ont introduit un recours pour licenciement abusif contre les deux sociétés devant le Juzgado de lo Social n_ 5 de Murcia. Par jugement du 23 mars 1995, ce dernier a constaté l'invalidité du licenciement à l'égard de Hernández Vidal seulement, qu'il a condamnée à réintégrer les intéressées et à leur verser certaines indemnités en plus des arriérés de salaire à partir de la date du licenciement jusqu'à la notification du jugement.

17 Estimant qu'aucun transfert d'établissement ou de partie d'établissement n'avait eu lieu et qu'elle ne pouvait être considérée comme un cessionnaire, la société Hernández Vidal a fait appel de ce jugement devant le Tribunal Superior de Justicia de Murcia.

18 Comme la solution à donner au litige au principal dépendait, à son avis, d'une question d'interprétation de la directive, la chambre sociale du Tribunal Superior de Justicia de Murcia a saisi la Cour de justice des questions suivantes:

«1) L'activité consistant à assurer les services de nettoyage des locaux d'une entreprise dont l'activité principale n'est pas le nettoyage mais, en l'occurrence, la fabrication de chewing-gum et de confiseries, mais qui a besoin en permanence de cette activité secondaire, est-elle une `partie d'établissement'?

2) En outre, la notion de `cession conventionnelle' peut-elle englober la résolution d'un contrat commercial en vue de la prestation de services de nettoyage - reconduit annuellement pendant trois ans - qui est intervenue à la fin de la troisième année par décision de l'entreprise destinataire des services en question; et, en cas de réponse affirmative, cela peut-il dépendre de la question de savoir si l'entreprise destinataire des services assure le nettoyage avec ses propres salariés ou avec d'autres, nouvellement engagés?»

2) Affaire Santner

19 M. Santner a été employé à partir de 1980 comme homme de ménage, tout d'abord par la société Dörhöffer+Schmitt GmbH (ci-après «Dörhöffer+Schmitt»), ensuite par la société B+S GmbH (ci-après «B+S»), créée à la suite d'une scission de Dörhöffer+Schmitt.

20 M. Santner était exclusivement affecté au nettoyage des établissements de bains de la société Hoechst AG (ci-après «Hoechst») dans le cadre de contrats de nettoyage que cette dernière avait conclus successivement avec les deux sociétés précédentes.

21 Cependant, Hoechst a dénoncé son contrat avec B+S et a réorganisé l'activité de nettoyage des établissements de bains, dont elle s'est alors chargée elle-même, en partie avec ses propres salariés, en partie avec la collaboration d'entreprises tierces.

22 Le 27 avril 1995, B+S a mis fin à la relation de travail avec M. Santner. Ce dernier, estimant qu'il y avait eu transfert d'entreprise et que la relation de travail avec Hoechst devait se poursuivre, a attaqué cette dernière société devant l'Arbeitsgericht Frankfurt am Main.

23 Estimant que la solution du litige dépend de la réponse à une question d'interprétation de la directive, cette juridiction pose à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les travaux de nettoyage de certaines parties d'un établissement doivent-ils être assimilés à une partie d'établissement au sens de la directive 77/187/CEE lorsque l'entrepreneur les exécute de nouveau lui-même après résiliation de la cession conventionnelle à une entreprise tierce?

2) La réponse est-elle la même lorsque ces travaux de nettoyage de certaines parties de l'établissement sont réincorporés, après rétrocession à l'entrepreneur, aux travaux de nettoyage de l'ensemble de l'établissement?»

3) Affaire Gómez Montaña

24 La Red Nacional de Ferrocarriles Españoles (réseau national des chemins de fer espagnols, ci-après «Renfe») avait conclu un contrat de nettoyage et d'entretien de la gare de chemin de fer de Pontevedra, pour la période du 16 octobre 1995 au 15 octobre 1996, avec une entreprise de nettoyage dénommée Claro Sol SA (ci-après «Claro Sol»).

25 A la suite de l'obtention de ce marché, Claro Sol a engagé Mme Gómez Montaña et l'a affectée au nettoyage et à l'entretien de cette gare.

26 Auparavant, et pendant plusieurs années, Mme Gómez Montaña avait été l'employée des sociétés de nettoyage qui avaient précédé Claro Sol.

27 A l'expiration de la période convenue, Renfe a choisi de ne pas renouveler le contrat qui la liait à Claro Sol et de prendre elle-même en charge le nettoyage et l'entretien de la gare de Pontevedra.

28 Le 1er octobre 1996, Claro Sol a informé Mme Gómez Montaña que la relation d'emploi qui les liait prendrait fin au 15 octobre 1996, soit à la date d'expiration du contrat entre Renfe et Claro Sol.

29 Mme Gómez Montaña a introduit un recours pour licenciement abusif contre Claro Sol et Renfe (10) devant le Juzgado de lo Social n_ 1 de Pontevedra.

30 Le juge national précise que, dans des affaires de ce genre, la jurisprudence tend à écarter l'application de l'article 44 de l'Estatuto de los Trabajadores, au motif que l'on a affaire à l'extinction d'un contrat de sous-traitance de travaux ou de services au sens de l'article 42 dudit Estatuto (11).

31 Estimant que la solution du litige dépendait de la résolution d'un problème d'interprétation de la directive, le Juzgado de lo Social n_ 1 de Pontevedra a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante:

«L'extinction d'un contrat de sous-traitance avec une entreprise de nettoyage relève-t-elle du champ d'application de la directive 77/187/CEE, du 14 février, lorsque cette extinction a entraîné le licenciement de la personne employée par l'entreprise sous-traitante et la prise en charge de l'activité de nettoyage par l'entreprise principale, une entreprise de transport ferroviaire, avec ses propres employés?»

B - Affaires jointes C-173/96 et C-247/96

1) Affaire Sánchez Hidalgo

32 La commune de Guadalajara avait concédé son service d'aide à domicile à des personnes défavorisées à la Sociedad Cooperativa Minerva (ci-après «Minerva»), qui a employé à cette fin, pendant plusieurs années, Mme Sánchez Hidalgo ainsi que quatre autres salariées en qualité d'auxiliaires d'aide à domicile.

33 A l'expiration de la période de concession, la commune de Guadalajara a confié, à partir du 1er septembre 1994, le service en question à l'Asociación de Servicios al Minusválido, Aser (ci-après «Aser»).

34 Cette dernière a alors conclu un nouveau contrat avec Mme Sánchez Hidalgo et les quatre autres personnes, sous un régime de travail à temps partiel, pour la prestation des mêmes services, mais sans leur reconnaître l'ancienneté acquise au sein de la précédente entreprise.

35 Estimant que la non-prise en compte de leur ancienneté constituait une infraction à l'article 44 de l'Estatuto de los Trabajadores, les cinq employées ont saisi le Juzgado de lo Social de Guadalajara d'une action visant à faire constater l'existence d'une subrogation d'entreprise entre Minerva et Aser.

36 Comme les conditions d'un transfert d'entreprise au sens de la législation nationale ne lui semblaient pas remplies, le Juzgado de lo Social de Guadalajara a rejeté leur recours par décision du 6 juillet 1995.

37 Mme Sánchez Hidalgo et les quatre autres employées ont fait appel de cette décision devant le Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha.

38 Dans son ordonnance de renvoi, la juridiction nationale relève que, en vertu de la jurisprudence du Tribunal Supremo (12), la protection conférée aux salariés par l'article 44 de l'Estatuto de los Trabajadores n'est applicable que si une des conditions ci-après se trouve remplie: a) il y a eu transfert d'actifs matériels de l'une des entreprises contractantes à l'autre (13); b) la réglementation applicable au secteur le prévoit (actuellement, il s'agit uniquement de la convention collective); c) le cahier des charges régissant la nouvelle concession le prescrit expressément. Or, la présente affaire ne rentre, selon la juridiction nationale, dans aucun de ces cas de figure.

39 La juridiction de renvoi observe que, si l'on ne constate pas de différence substantielle entre les libellés de ces deux normes (communautaire et nationale) quant au champ d'application de la disposition d'harmonisation communautaire et à celui de la règle de droit interne qui la transpose, l'interprétation jurisprudentielle qui en est faite en droit interne espagnol et au niveau communautaire semble néanmoins différer en ce qui concerne l'application de ces dispositions à certains cas, comme celui qui nous occupe, où l'on se trouve en présence de concessions successives, moyennant différents contrats, à des entreprises distinctes, pour la prestation d'un service pour le compte d'une entreprise principale déterminée, qui peut être publique - ce qui est très fréquent dans la pratique - ou privée.

40 Les doutes de la juridiction nationale découlent du fait que la Cour considère, selon elle, la directive comme applicable en cas de simple succession dans l'exercice d'une activité, indépendamment de tout transfert d'actifs (14).

41 Estimant que la solution de cette affaire dépendait de la réponse à une question d'interprétation de la directive, la chambre sociale du Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha a demandé à la Cour de répondre à la question suivante:

«Le cas d'une entreprise qui cesse la prestation, pour le compte d'une commune qui la lui avait concédée, du service d'aide à domicile auprès de certaines personnes défavorisées, ce service ayant fait l'objet d'une nouvelle concession à une autre entreprise, alors qu'il n'y a pas transfert d'éléments matériels et que ni la convention collective ni le cahier des charges ne contiennent d'indications quant à l'obligation, pour la nouvelle entreprise concessionnaire du service, de se subroger à la précédente dans la relation de travail avec les travailleurs de celle-ci, doit-il être considéré comme relevant du champ d'application de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/187, du 14 février 1977?»

2) Affaire Ziemann

42 M. Ziemann a travaillé sans interruption de 1979 à 1995 en qualité de gardien dans un dépôt sanitaire de l'armée allemande (Bundeswehr) à Efringen-Kirchen. Pendant ce laps de temps, il a été employé tour à tour par les cinq sociétés de gardiennage qui ont successivement assuré la surveillance de ce dépôt. En dernier lieu, de 1990 à 1995, cette activité avait été prise en charge par la société Ziemann Sicherheit GmbH (ci-après «Ziemann GmbH»).

43 Le 30 septembre 1995, la Bundeswehr a résilié le contrat conclu avec la société Ziemann GmbH et, après un nouvel appel d'offres, elle a attribué le marché en question à l'entreprise Horst Bohn Sicherheitsdienst (ci-après «Horst Bohn»).

44 Cette dernière société a repris le personnel de la Ziemann GmbH qui était affecté à ce dépôt, à l'exception de trois salariés, dont M. Ziemann.

45 La Ziemann GmbH, qui emploie environ 160 personnes au gardiennage d'autres établissements encore, mais dont un grand nombre se trouve loin du dépôt d'Efringen-Kirchen, a résilié, à compter du 30 septembre 1995, le contrat de travail de M. Ziemann.

46 Le 9 octobre 1995, M. Ziemann a saisi l'Arbeitsgericht Lörrach en demandant que soit constatée l'illégalité de son licenciement. Concrètement, il a soutenu que la résiliation du contrat pour la surveillance du dépôt sanitaire de la Bundeswehr à Efringen-Kirchen et l'attribution de ce marché à l'entreprise Horst Bohn constituaient un transfert d'une partie d'établissement au sens de l'article 613 a, paragraphe 1, du BGB et de la directive 77/187, et que la société Ziemann GmbH l'avait licencié pour des raisons liées à ce transfert, en violation de l'article 613 a, paragraphe 4, du BGB.

47 Pour leur part, les deux entreprises, Ziemann GmbH et Horst Bohn, soutiennent qu'il ne saurait y avoir de transfert d'établissement en l'espèce, faute de rapport juridique entre elles.

48 Selon la juridiction de renvoi, il ressort de la jurisprudence de la Cour, et en particulier de l'arrêt Schmidt (15), que la directive est applicable chaque fois qu'une entreprise poursuit ou reprend, comme en l'espèce, l'activité jusque-là exécutée par une autre entreprise. La circonstance que la présente affaire porte sur une succession d'entreprises attributaires d'un marché alors qu'il s'agissait, dans l'affaire Schmidt, d'une succursale bancaire qui sous-traitait, pour la première fois, le nettoyage de ses locaux à un opérateur extérieur, ne lui paraît pas déterminante.

49 Dans son ordonnance, le juge de renvoi souligne la parfaite identité de l'activité exercée par les différentes sociétés qui se sont succédé pour la surveillance du dépôt sanitaire d'Efringen-Kirchen.

50 Plus précisément, le juge national relève que chaque contrat passé entre la Bundeswehr, qui gère le dépôt sanitaire, et l'entreprise de surveillance est préétabli de façon détaillée par les services compétents de l'armée et fait l'objet d'un appel d'offres public. Le texte de l'appel d'offres énonce par le menu et le libellé du contrat prescrit de façon très précise les missions de gardiennage, l'étendue de la surveillance, le nombre des gardiens et des chiens, les exigences que le personnel de sécurité doit remplir (16), les qualifications qu'il doit avoir, son équipement, les instructions qu'il doit suivre, les contrôles qui sont exercés et la formation au maniement des armes.

51 La juridiction de renvoi précise encore que le marché est exécuté suivant les conditions que définit la Bundeswehr et dans le cadre d'un régime légal spécifique, à savoir la loi allemande sur l'application de la contrainte directe et sur l'exercice de pouvoirs particuliers par des soldats de la Bundeswehr et des agents de gardiennage civils (17), du 12 août 1965 (ci-après la «loi allemande sur les missions particulières des soldats»).

52 Enfin, le juge national observe que les relations contractuelles entre les travailleurs et leur employeur sont non seulement déterminées dans une large mesure par les prescriptions de la loi allemande précitée et par les clauses du contrat de prestation de services, mais également, et quel que soit l'employeur du personnel de surveillance, par les stipulations de la convention collective-cadre et des accords collectifs applicables au personnel de surveillance auxquels il a été donné une portée générale.

53 Par conséquent, la juridiction de renvoi incline à penser qu'il s'agit bien d'une partie d'établissement de la Bundeswehr, à savoir le «gardiennage». Elle considère encore que, compte tenu de la définition que donne la Bundeswehr du marché, de l'identité des lieux et des moyens matériels et du fait que le personnel est resté le même depuis des années, l'«entité économique» en cause conserve son identité, même si c'est chaque fois un autre employeur qui en poursuit la gestion.

54 Estimant que la solution du litige dont il était saisi dépendait de la réponse à une question d'interprétation de la directive, l'Arbeitsgericht Lörrach a saisi la Cour de justice des questions préjudicielles suivantes:

«1) L'article 1er, paragraphe 1 (et donc également l'article 4, paragraphe 1), de la directive 77/187/CEE (JO L 61, p. 26) est-il également applicable au transfert de parties d'établissement, telles que la surveillance d'installations militaires, lorsqu'il n'y a pas de transfert contractuel direct entre les entreprises successives titulaires du marché (entreprises de gardiennage)?

2) Les conditions d'une telle application sont-elles en tout cas réunies lorsque la partie d'établissement retourne au pouvoir adjudicateur à l'issue du marché et qu'un marché de fourniture de services, essentiellement soumis à des prescriptions identiques, est ensuite immédiatement attribué à un adjudicataire qui succède au précédent?

3) Un transfert d'établissement au sens de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/187/CEE du Conseil est-il en tout cas constitué lorsque ce sont toujours les mêmes travailleurs qui accomplissent les mêmes missions de surveillance et que celles-ci sont subordonnées à des conditions essentiellement identiques, dont la teneur est définie avec précision par le pouvoir adjudicateur?»

V - Les réponses aux questions préjudicielles

A - Quant à la nécessité de répondre aux questions préjudicielles

55 Tout d'abord, nous voudrions souligner que la plupart des questions posées dans ces affaires pourraient - à l'exception de celle qui se rapporte à la notion d'entité économique transférable, posée dans l'affaire Ziemann - trouver une réponse sur la base de la jurisprudence de la Cour, et en particulier de l'arrêt Süzen (18). Cet arrêt contient, nous semble-t-il, des indications détaillées à l'adresse des juridictions nationales sur à la fois les critères à appliquer et la façon dont ils doivent être pondérés. En dépit de cela, les juridictions nationales ont insisté pour qu'il soit statué sur les questions préjudicielles en faisant valoir des particularités propres aux circonstances de fait de chaque espèce, et notamment à la façon dont les transferts ont été opérés.

56 Nous considérons que, au vu de la jurisprudence de la Cour, qui répond à la plupart des questions posées dans les présentes affaires, il y a lieu de donner aux juges nationaux des réponses générales en leur fournissant des éléments d'interprétation pour la solution des litiges, à l'aide desquels ils procéderont à la qualification des faits; en effet, ce n'est pas à la Cour elle-même de procéder à cette qualification. Cette dernière attitude reviendrait, d'une part, à détourner la Cour de sa mission véritable, telle qu'elle se trouve définie à l'article 177 du traité CE, et elle diminuerait, d'autre part, le rôle qui est assigné au juge national en tant que juge de droit commun dans l'ordre juridique communautaire. En effet, conformément d'ailleurs à l'article 177, «il est clair que la Cour n'a jamais tenté de se substituer complètement aux juridictions nationales et qu'elle laisse traditionnellement certains points à l'appréciation de la juridiction de renvoi» (19).

B - La jurisprudence de la Cour

57 D'emblée, il y a lieu d'observer que le critère pour savoir si une activité relève du champ d'application de la directive réside - conformément à l'article 100 du traité CE, qui forme la base juridique de cette directive - exclusivement dans le point de savoir si elle constitue une activité économique au sens de l'article 2 du traité CE (20). Il ne fait aucun doute que les travaux de nettoyage, les travaux d'entretien (21) et de gardiennage de différents locaux, ainsi que la prestation de soins à domicile à ceux qui en ont besoin, constituent des exemples de telles activités économiques.

58 De même, il faut rappeler que, d'après une jurisprudence constante de la Cour (22), la directive 77/187 vise à «assurer le maintien des droits des travailleurs en cas de changement de chef d'entreprise en leur permettant de rester au service du nouvel employeur dans les mêmes conditions que celles convenues avec le cédant. La directive est donc applicable dans toutes les hypothèses de changement, dans le cadre de relations contractuelles, de la personne physique ou morale responsable de l'exploitation de l'entreprise qui contracte les obligations d'employeur vis-à-vis des employés de l'entreprise».

59 De surcroît, la Cour a itérativement jugé que (23): «Le critère décisif pour établir l'existence d'un transfert au sens de cette directive est de savoir si l'entité économique en question garde son identité, ce qui résulte notamment de la poursuite effective de l'exploitation ou de sa reprise».

60 D'après la jurisprudence citée ci-dessus, les conditions fondamentales pour retenir l'existence d'un transfert d'entreprise, d'établissement ou de partie d'établissement sont au nombre de deux: a) il faut que l'entreprise, l'établissement ou la partie d'établissement constitue dès le départ une entité économique et b) il faut que cette entité subsiste, en gardant son identité, après le changement de propriétaire.

61 Du reste, il a été jugé à maintes reprises (24) que «la directive est applicable dans toutes les hypothèses de changement, dans le cadre de relations contractuelles, de la personne physique ou morale responsable de l'exploitation de l'entreprise, qui contracte les obligations d'employeur vis-à-vis des employés de l'entreprise. Ainsi, pour que la directive s'applique, il n'est pas nécessaire qu'il existe des relations contractuelles directes entre le cédant et le cessionnaire, la cession pouvant aussi s'effectuer en deux étapes par l'intermédiaire d'un tiers, comme le propriétaire ou le bailleur» (mis en italiques par nous).

62 Il découle donc clairement de la jurisprudence de la Cour que les modalités du transfert sont dépourvues de pertinence et que la directive s'applique à tous les cas de changement, dans le cadre de relations contractuelles, de la personne physique ou morale qui prend en charge les obligations de l'employeur à l'égard des salariés de l'entreprise (25). Autrement dit, dès lors qu'il existe a priori une entité économique et que celle-ci a gardé son identité après le transfert, les modalités de ce transfert importent peu (26).

63 La directive ne définit cependant pas les notions d'«entreprise», d'«établissement» et de «partie d'établissement». Dans sa jurisprudence, la Cour fournit un ensemble de critères pour déterminer quand il y a «entreprise», «établissement» et «partie d'établissement» ainsi que pour savoir dans quels cas on est présence d'une «cession conventionnelle» ou à quelles conditions il y a lieu de parler de «transfert».

64 Il y a lieu d'observer que, dans ses conclusions sous l'arrêt Schmidt (27), l'avocat général M. Van Gerven a souligné que, «dans les trois notions d'`entreprise', d'`établissement' ou de `partie d'établissement', la Cour reconnaît une notion sous-jacente, à savoir celle d'`entité économique' ... notion qui, à notre avis, renvoie à une entité présentant un minimum d'autonomie organisationnelle, qui peut exister en soi ou former une partie d'une entreprise plus globale».

65 Or, la Cour a jugé (28) que, «pour que la directive soit applicable, le transfert doit ... porter sur une entité économique organisée de manière stable, dont l'activité ne se borne pas à l'exécution d'un ouvrage déterminé ... La notion d'entité renvoie ainsi à un ensemble organisé de personnes et d'éléments permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre» (29).

66 Nous considérons que la Cour doit clairement préciser que la notion d'entité économique ne se réfère pas uniquement à un ensemble organisé impliquant la fois des personnes et des actifs, car cela exclurait de la protection de la directive des secteurs entiers d'activités dans lesquels la main-d'oeuvre constitue l'élément principal alors que les éléments matériels ou immatériels y ont une importance négligeable.

67 En ce qui concerne donc le premier des critères formulés par la Cour, celui de savoir dans quelle mesure il y a partie d'établissement ou établissement, nous croyons qu'il faut tenir compte de la spécificité de l'activité économique exercée dans chaque cas particulier, comme le nettoyage de certains établissements. En principe, et à moins que les circonstances ne démontrent le contraire, il s'agit, comme la Commission l'observe à juste titre, d'activités dans lesquelles le facteur humain constitue l'élément principal, alors que les facteurs matériels (outils, etc.) y sont très clairement de faible importance.

68 Il y a ainsi certaines activités pour lesquelles, en cas de transfert, la composante matérielle de l'activité transférée est à peine perceptible. Ce qui importe dans ces entreprises, et qui crée le chiffre d'affaires, c'est la faible qualification des personnes qui y sont employées. Le service de nettoyage, notamment, entre manifestement dans cette catégorie.

69 En conséquence, le fait qu'une entreprise de prestation de services de nettoyage est dépourvue d'actifs concrets à caractère matériel (bâtiments, instruments techniques, etc.) ou immatériel (savoir-faire, bon renom, clientèle, etc.) ou le fait que les moyens que l'entreprise cliente met à la disposition de l'adjudicataire sont de très faible importance (30) n'empêche pas ce service de constituer une entité économique organisée et indépendante. S'il en était autrement, des catégories entières d'entreprises présentant les caractéristiques ci-dessus ne pourraient sans doute pas bénéficier de la protection de la directive et les salariés de ces entreprises, qui ont le plus besoin de cette protection, s'en trouveraient en substance privés, faute de facteurs de production matériels ou immatériels significatifs.

70 En conséquence, nous croyons nécessaire de dire clairement que, dans certains secteurs, où l'activité repose essentiellement sur la main-d'oeuvre, l'idée de collectivité de travailleurs, au sens d'un ensemble de salariés, que réunit durablement une activité commune (31), présente une importance déterminante (32). En conséquence, un ensemble organisé de salariés, affectés à une activité commune, c'est-à-dire poursuivant un même but, pendant une période de plusieurs années, en un lieu de travail, peut, même en l'absence d'autres facteurs (matériels ou immatériels) de production substantiels, être constitutif d'une entité économique et, en conséquence, entrer dans le champ d'application de la directive.

71 Du reste, cela découle indirectement de l'arrêt Süzen (33), selon lequel: «... Dès lors, en particulier, qu'une entité économique peut, dans certains secteurs, fonctionner sans éléments d'actif, corporels ou incorporels, significatifs, le maintien de l'identité d'une telle entité par-delà l'opération dont elle fait l'objet ne saurait, par hypothèse, dépendre de la cession de tels éléments».

72 Par ailleurs, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour que la réponse à la question de savoir si la directive doit réellement s'appliquer appartient à la juridiction de renvoi, qui doit à cet effet prendre en compte les circonstances de fait que la Cour a énumérées au point 13 de l'arrêt Spijkers: «Pour déterminer si ces conditions sont réunies, il convient de prendre en considération l'ensemble des circonstances de fait caractérisant l'opération en cause, au nombre desquelles figurent notamment le type d'entreprise ou d'établissement dont il s'agit, le transfert ou non des éléments corporels, tels que les bâtiments et les biens mobiliers, la valeur des éléments incorporels au moment du transfert, la reprise ou non de l'essentiel des effectifs par le nouveau chef d'entreprise, le transfert ou non de la clientèle, ainsi que le degré de similarité des activités exercées avant et après le transfert et la durée d'une éventuelle suspension de ces activités. Il convient, toutefois, de préciser que tous ces éléments ne sont que des aspects partiels de l'évaluation d'ensemble qui s'impose et ne sauraient, de ce fait, être appréciés isolément» (34) (mis en italiques par nous).

73 La jurisprudence citée ci-dessus montre clairement que, dans les cas de contrats d'entreprise, le seul fait que les services fournis par l'ancien et le nouvel attributaire du marché sont similaires ne permet pas en soi de conclure à l'existence d'un transfert d'entité économique. La Cour a notamment jugé à ce propos dans l'arrêt Süzen ce qui suit (35): «En effet, une entité ne saurait être réduite à l'activité dont elle est chargée. Son identité ressort également d'autres éléments tels que le personnel qui la compose, son encadrement, l'organisation de son travail, ses méthodes d'exploitation ou encore, le cas échéant, les moyens d'exploitation à sa disposition» (36).

74 A titre d'exemple, lorsque toute l'entreprise de nettoyage est transférée, cela signifie le transfert de l'ensemble de ses salariés. De surcroît, ses actifs principaux sont le carnet de commandes, le fichier des clients, l'organisation des travaux du personnel, etc. Dans ce cas, il n'y a certainement pas de question à poser en ce qui concerne l'interprétation et l'application des dispositions de la directive. En revanche, une telle question se pose lorsqu'il s'agit du transfert, et plus concrètement de la perte, au profit d'un concurrent, d'un marché de services de nettoyage d'un ou de plusieurs établissements, concernant un seul client, par exemple pour le nettoyage d'un seul établissement d'une entreprise.

75 La Cour a jugé dans l'arrêt Süzen (37): «La simple perte d'un marché de service au profit d'un concurrent ne saurait ..., par elle-même, révéler l'existence d'un transfert au sens de la directive. Dans cette situation, l'entreprise de services antérieurement titulaire du marché, si elle perd un client, n'en subsiste pas moins intégralement sans que l'on puisse considérer qu'un de ses établissements ou parties d'établissement ait été cédé au nouvel attributaire du marché».

76 Dans l'arrêt Süzen (38), la Cour n'a pas manqué de souligner que, «si le transfert d'éléments d'actif figure au nombre des différents critères à prendre en considération par le juge national pour apprécier la réalité d'un transfert d'entreprise, l'absence de pareils éléments n'exclut pas nécessairement l'existence d'un tel transfert ...».

77 Dans la suite du même arrêt (39), la Cour a rappelé que «le juge national, dans son appréciation des circonstances de fait qui caractérisent l'opération en cause, doit notamment tenir compte du type d'entreprise ou d'établissement dont il s'agit. Il en résulte que l'importance respective à accorder aux différents critères de l'existence d'un transfert au sens de la directive varie nécessairement en fonction de l'activité exercée, voire des méthodes de production ou d'exploitation utilisées dans l'entreprise, dans l'établissement ou dans la partie d'établissement en cause. Dès lors, en particulier, qu'une entité économique peut, dans certains secteurs, fonctionner sans éléments d'actif, corporels ou incorporels, significatifs, le maintien de l'identité d'une telle entité par-delà l'opération dont elle fait l'objet ne saurait, par hypothèse, dépendre de la cession de tels éléments».

78 A ce stade, il faut, croyons-nous, souligner la perplexité que provoque en théorie et dans la pratique le fait d'ériger la reprise volontaire par le nouvel attributaire de la majorité des salariés que son prédécesseur affectait à l'exécution du contrat, en critère pour que l'entité constituée par l'ancien attributaire des marchés de services soit considérée, dans certaines circonstances, comme ayant fait l'objet d'un transfert au sens de la directive.

79 Certes, la Cour a rappelé à ce propos dans l'arrêt Süzen (40) que, «parmi les circonstances de fait à prendre en compte pour déterminer si les conditions d'un transfert sont réunies, figurent notamment, outre le degré de similarité de l'activité exercée avant et après le transfert et le type d'entreprise ou d'établissement dont il s'agit, la reprise ou non de l'essentiel des effectifs par le nouveau chef d'entreprise». Elle a ajouté (41) ce qui suit: «Or, dans la mesure où, dans certains secteurs dans lesquels l'activité repose essentiellement sur la main-d'oeuvre, une collectivité de travailleurs que réunit durablement une activité commune peut correspondre à une entité économique, force est d'admettre qu'une telle entité est susceptible de maintenir son identité par-delà son transfert quand le nouveau chef d'entreprise ne se contente pas de poursuivre l'activité en cause, mais reprend également une partie essentielle, en termes de nombre et de compétence, des effectifs que son prédécesseur affectait spécialement à cette tâche. Dans cette hypothèse, pour reprendre les termes de l'arrêt Rygaard, précité, au point 21, le nouveau chef d'entreprise acquiert en effet l'ensemble organisé d'éléments qui lui permettra la poursuite des activités ou de certaines activités de l'entreprise cédante de manière stable».

80 L'application de ce critère provoque cependant, selon nous, une certaine perplexité parce que, s'il fallait donner un poids particulier à la question de savoir dans quelle mesure le cessionnaire ou l'adjudicataire a voulu reprendre le personnel du cédant ou de l'adjudicateur, pour en déduire l'existence d'un transfert ou non, la protection offerte par la directive dépendrait en substance de la volonté des parties. D'aucuns pourraient conclure que ce ne peut être là un critère décisif pour la protection fournie par la directive puisque, comme le soulignent à juste titre certains États membres dans leurs observations écrites, la conséquence de l'application de la directive deviendrait ainsi une condition de son application (42). On pourrait soutenir que ce résultat illogique, ce cercle vicieux, est manifestement contraire à la volonté du législateur communautaire, qui entendait protéger les travailleurs en cas de changement du propriétaire de l'entreprise, de l'établissement ou de la partie d'établissement par suite d'un transfert dû à une cession contractuelle ou à une fusion. De même, il ne faut pas méconnaître les conséquences défavorables que l'institution de la reprise du personnel en critère fondamental d'application de la directive (43) aurait pour les travailleurs.

81 Autrement dit, nous voyons une certaine contradiction entre l'idée du réengagement ou non de la plus grande partie du personnel par le nouveau chef d'entreprise comme critère d'application des dispositions protectrices de la directive, d'une part, et l'objectif de ces dispositions, c'est-à-dire la protection des salariés en cas de transfert, d'autre part.

82 Mais, dans son arrêt Rotsart de Hertaing (44), qui - il est vrai - concernait l'interprétation de l'article 3, paragraphe 1, de la directive, la Cour a su éviter cet obstacle et a jugé, en reprenant une jurisprudence antérieure (45), que, «en cas de transfert d'entreprise, le contrat ou la relation de travail liant le personnel affecté à l'entreprise transférée ne saurait être maintenu avec le cédant et se poursuit de plein droit avec le cessionnaire» (46). Elle en a conclu que «les contrats et les relations de travail existant, à la date du transfert d'une entreprise, entre le cédant et les travailleurs affectés à l'entreprise transférée sont transférés de plein droit du cédant au cessionnaire du seul fait du transfert de l'entreprise» (47). Dans le même arrêt, la Cour a ajouté (48) que: «... en raison du caractère impératif de la protection organisée par la directive et sous peine de priver en fait les travailleurs de cette protection, le transfert des contrats de travail ne saurait être subordonné à la volonté du cédant ou du cessionnaire et ... plus particulièrement, le cessionnaire ne peut s'y opposer en refusant d'exécuter ses obligations».

83 Les litiges examinés en l'espèce ont pour particularité de concerner des entreprises, établissements ou parties d'établissements, où le facteur humain, la main-d'oeuvre, constitue l'élément principal, tandis que les actifs corporels ou incorporels sont d'importance moindre, voire presque inexistants.

84 Pour ces motifs, nous considérons que, pour les entreprises, établissements ou parties d'établissements dans lesquels le facteur humain, la main-d'oeuvre, constitue l'élément principal, la présence d'un ensemble de travailleurs réunis de façon durable par une activité commune et la reprise de cet ensemble par le cessionnaire ou l'adjudicataire doivent avoir une importance déterminante. Autrement dit, c'est par référence à cet élément qu'il faut examiner dans quelle mesure il y a transfert d'entreprise, d'établissement ou de partie d'établissement; c'est là qu'est le critère d'application de la directive et non pas dans l'élément insignifiant, selon nous, du réengagement ou non d'un certain nombre de personnes par le nouveau chef d'entreprise, même s'il s'agit de la majorité des effectifs.

85 Ce critère permettra d'éviter des phénomènes comme un cessionnaire qui choisirait à son gré un certain nombre de personnes possédant des connaissances et des qualifications particulières avant de licencier le personnel non spécialisé ou faiblement qualifié, privant ainsi de la protection de la directive les salariés qui en ont le plus besoin (49).

86 Nous ne méconnaissons pas que l'élément volontaire, relatif au point de savoir ce que voulaient ou ce qu'ont fait les parties prenantes (le cessionnaire ou l'adjudicateur et le cédant ou l'adjudicataire), apparaît là aussi comme un des critères à prendre en compte pour déterminer s'il y a eu transfert ou non. Ce critère ne peut être écarté. La prise en charge volontaire de l'ensemble ou de la plus grande partie (en nombre et en qualifications) du personnel constitue sans aucun doute un facteur important, qui doit conduire le juge de fond à rechercher avec attention la présence éventuelle d'autres éléments susceptibles d'induire l'existence d'un transfert d'une entité économique. Autrement dit, nous concentrons notre attention dans cette direction en raison de la particularité de l'entreprise ou de l'établissement dont il s'agit en l'espèce. Nous rappelons encore que cet élément est pris en compte, parmi d'autres, dans l'arrêt Spijkers.

87 Par ailleurs, cette solution a l'avantage de concilier le principe de liberté économique, de liberté contractuelle et de prise en charge du risque d'entreprise que cette liberté comporte, d'une part, avec le principe de subrogation en cas de transfert et de protection des travailleurs, d'autre part.

C - Affaires jointes C-127/96, C-229/96 et C-74/97

88 Nous soulignons que la Cour n'a jamais eu l'occasion d'examiner de cas dans lesquels une entreprise ayant confié à une autre le nettoyage de ses locaux décide de dénoncer ce contrat et de se charger à nouveau elle-même du nettoyage (réinternalisation) (50).

1) Affaire Hernández Vidal

a) Réponse à la première question préjudicielle

89 Concernant le problème soulevé dans la première question, relatif au point de savoir dans quelle mesure le caractère principal ou accessoire de l'activité a une incidence sur l'application de la directive, nous croyons que la jurisprudence est claire (51).

90 Dans son arrêt Redmond Stichting, la Cour a jugé que le transfert par une entreprise à une autre d'une partie seulement de ses activités (52) (à savoir ses activités d'aide pour la prestation d'un soutien aux toxicomanes, à l'exclusion de celles nécessaires à l'organisation des rencontres et activités récréatives) n'excluait pas nécessairement l'application de la directive. La Cour a relevé (53) que le seul fait que les activités d'organisation de rencontres et d'activités récréatives «auraient constitué une mission indépendante ne suffit pas à écarter l'application des dispositions précitées de la directive, prévues non seulement pour les transferts d'entreprises, mais aussi pour les transferts d'établissements ou de parties d'établissements, auxquels peuvent être assimilées des activités de nature particulière» (54).

91 Dans son arrêt Watson Rask et Christensen (55), la Cour a admis (56) ce qui suit: «Ainsi, lorsqu'un entrepreneur confie, par la voie d'un accord, la responsabilité d'exploiter un service de son entreprise, tel qu'une cantine, à un autre entrepreneur qui assume, de ce fait, les obligations d'employeur vis-à-vis des salariés qui y sont affectés, l'opération qui en résulte est susceptible d'entrer dans le champ d'application de la directive, tel que défini à son article 1er, paragraphe 1. Le fait que, dans un tel cas, l'activité transférée ne constitue pour l'entreprise cédante qu'une activité accessoire sans rapport nécessaire avec son objet social ne saurait avoir pour effet d'exclure cette opération du champ d'application de la directive» (57).

92 En conséquence, et compte tenu de l'analyse faite ci-dessus (sous B), nous considérons que l'activité de nettoyage des locaux d'une entreprise, dont cette dernière a un besoin durable, même si son activité principale est autre, peut relever du champ d'application de la directive dès lors que l'on a affaire à un ensemble de salariés, organisé de façon stable et poursuivant un objectif déterminé; cela reste vrai même en l'absence de transfert d'autres actifs corporels ou incorporels d'importance, pourvu qu'il existe une entité économique et que cette entité garde son identité après le transfert.

b) Réponse à la deuxième question préjudicielle

93 La deuxième question du juge national comporte deux branches. La première vise à savoir si la notion de transfert par cession conventionnelle peut englober la résolution d'un contrat de prestation de services de nettoyage; le deuxième volet de la question, qui n'est évoqué que pour le cas où la première branche recevrait une réponse affirmative, vise à savoir si le fait que l'entreprise destinataire des services assure le nettoyage avec ses propres salariés ou avec d'autres, nouvellement engagés, a une pertinence dans ce contexte.

94 Comme nous l'avons déjà exposé dans les points précédents, dès lors qu'il existe une entité économique et que celle-ci garde son identité après le transfert, les modalités de ce transfert importent peu. Le fait que le mécanisme de transfert est déclenché au moyen d'un contrat par lequel certaines activités sont confiées à une entreprise tierce, et que ces activités sont ensuite reprises en charge par l'entreprise destinataire des services après la résolution du contrat, n'est pas déterminant, croyons-nous, pour l'application de la directive, dès lors que les autres conditions analysées ci-dessus se trouvent réunies.

95 Certes, lorsque l'entreprise de nettoyage est transférée dans sa totalité, le transfert porte sur un ensemble organisé de salariés et sur les principaux actifs, qui sont le carnet de commandes, le fichier des clients, l'organisation des travaux du personnel, etc. Dans ce cas, il est évident qu'aucun problème particulier ne se pose en ce qui concerne l'application des dispositions protectrices de la directive.

96 Le problème se pose en revanche lorsque le transfert affecte non pas la totalité de l'entreprise de nettoyage, mais seulement une partie de son activité, qui ne concerne qu'un seul client.

97 Dans l'arrêt Watson Rask et Christensen, la Cour a jugé (58) que: «D'une part, le critère décisif pour établir l'existence d'un transfert au sens de la directive est de savoir si l'entité en question garde son identité, ce qui résulte notamment de la poursuite effective de l'exploitation ou de sa reprise» (59). De surcroît, elle a ajouté (60) qu'il y a lieu de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait caractérisant l'opération en cause, au nombre desquelles figure la reprise ou non de l'essentiel des effectifs par le nouveau chef d'entreprise.

98 Nous rappelons qu'en l'espèce il résulte du contrat conclu entre Hernández Vidal et Contratas y Limpiezas que, même si le personnel exerçait ses activités dans les établissements de la première, la relation de travail était établie avec la deuxième entreprise. Par ailleurs, il n'y a eu aucune offre de réemploi de Mmes Prudencia et María Gómez Pérez après l'expiration du contrat entre Hernández Vidal et Contratas y Limpiezas.

99 Nous considérons que la similarité des activités de nettoyage exercées avant et après la résiliation du contrat ne peut être un élément déterminant pour conclure à l'existence ou non d'un transfert. L'offre de réemploi du salarié par le nouvel attributaire n'est pas non plus suffisante en soi pour que nous concluions en ce sens.

100 Selon nous, il appartient au juge national d'apprécier dans de tels cas, sur la base des critères définis par la Cour, en particulier celui de l'existence d'un ensemble de travailleurs salariés unis de façon durable par une activité commune, et de sa reprise par le cessionnaire ou par l'adjudicataire, dans quelle mesure on est en présence d'une partie d'établissement ou d'un établissement et, ensuite, dans quelle mesure cette partie d'établissement ou cet établissement a fait l'objet d'un transfert faisant rentrer les salariés concernés dans le champ d'application de la directive.

101 En ce qui concerne le deuxième volet de la question, il suffit, croyons-nous, de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, la directive est applicable à chaque changement du chef d'entreprise, sans qu'il soit besoin d'un lien contractuel direct entre celui qui restitue l'entreprise et celui vers lequel elle est transférée (61).

102 En conséquence, afin de déterminer si les conditions du transfert d'une entité économique sont remplies, il faut considérer l'ensemble des circonstances de fait caractérisant l'opération en cause, au nombre desquelles figurent notamment le type d'entreprise ou d'établissement, le transfert ou non des actifs corporels, comme les bâtiments et les biens mobiliers, la valeur des éléments incorporels au moment du transfert, la reprise ou non de l'essentiel des effectifs par le nouveau chef d'entreprise, le transfert ou non de la clientèle, ainsi que le degré de similarité des activités exercées avant et après le transfert et la durée d'une éventuelle suspension de ces activités. Toutefois, tous ces éléments ne sont que des aspects partiels de l'évaluation d'ensemble qui s'impose et ne sauraient, de ce fait, être appréciés isolément (62).

103 Étant donné la spécificité des activités de nettoyage, le point de savoir s'il y a eu transfert ou non devra être déterminé en fonction non pas tant du transfert de certains actifs matériels (appareils électriques et autres utilisés pour le nettoyage) que de la prise en charge ou non de la plus grande partie des effectifs par le nouveau chef d'entreprise, du transfert ou non de la clientèle ainsi que de la similarité plus ou moins grande des activités exercées avant et après le transfert. En toute hypothèse, c'est à la juridiction de renvoi qu'il appartient de dire, dans chaque litige, s'il y a eu transfert ou non au vu de l'ensemble des éléments d'interprétation exposés ci-dessus.

104 Pour terminer, nous voudrions rappeler que la directive vise à garantir un niveau minimal de protection des travailleurs en vue de la préservation de leurs droits en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements. Il est de jurisprudence constante d'ailleurs (63) que «les règles de la directive, et notamment celle relative à la protection des travailleurs contre le licenciement en raison du transfert, doivent être considérées comme impératives, en ce sens qu'il n'est pas permis d'y déroger dans un sens défavorable aux travailleurs». Néanmoins, conformément à l'article 7 de la directive, les États membres gardent toute liberté d'appliquer ou d'introduire des dispositions plus favorables pour les travailleurs.

2) Affaire Santner

a) La première question

105 La première question du juge national vise à savoir dans quelle mesure les travaux de nettoyage de certaines parties d'un établissement peuvent être assimilés à une partie d'établissement au sens de la directive, lorsque l'entrepreneur les exécute de nouveau lui-même après résiliation de la cession conventionnelle à une entreprise tierce.

106 Tout d'abord, nous voudrions insister sur le fait que, comme la Cour l'a d'ailleurs confirmé (64), le nombre de salariés d'un établissement ne constitue pas un élément déterminant pour conclure à l'existence ou non d'une entité économique, organisée de manière stable, dans la mesure où l'activité de cette entité ne se borne pas à l'exécution d'un ouvrage déterminé (65).

107 Toutefois, avant de conclure à l'existence d'une entité économique organisée de manière stable et de déterminer ensuite dans quelle mesure cette entité a conservé son identité propre, le juge national devra examiner s'il a affaire à un ensemble organisé de personnes et d'éléments, ou tout simplement de personnes constituant un ensemble de salariés unis de façon stable par l'exercice d'une activité économique déterminée et par la poursuite d'un même objectif, au sens indiqué ci-dessus.

108 De surcroît, nous voudrions observer qu'en l'espèce l'existence d'une partie d'établissement au sens de la directive n'est pas exclue par le fait que Hoechst assure avec ses propres employés une partie des travaux de nettoyage de ses locaux depuis la résiliation de la cession contractuelle de ces travaux à une entreprise tierce. Cette partie correspond au nettoyage de certains établissements de bains et elle était assurée par les employeurs successifs de M. Santner. La protection de la directive s'applique alors aux travailleurs affectés à cette partie de l'entreprise puisque, comme l'a jugé la Cour (66), «la relation de travail est essentiellement caractérisée par le lien qui existe entre le travailleur et la partie de l'entreprise à laquelle il est affecté pour exercer sa tâche».

109 Pour le reste, nous croyons que cette question doit recevoir la même réponse que celle qui a été donnée à la première question dans l'affaire Hernández Vidal.

b) La deuxième question

110 La deuxième question vise à savoir si la réponse donnée à la première reste la même lorsque les travaux de nettoyage de certaines parties de l'établissement sont réincorporés, après rétrocession à l'entrepreneur, aux travaux de nettoyage de l'ensemble de l'établissement.

111 Selon le gouvernement allemand, la directive n'est pas applicable, faute d'entité structurée ayant gardé son identité après le transfert, puisque l'activité de nettoyage a été partagée entre la Hoechst, qui l'exerce avec ses propres employés, et des entreprises tierces. La Commission s'est ralliée à ce point de vue.

112 Il résulte du dossier que Hoechst n'a jamais proposé à M. Santner son réengagement (67) et qu'elle a bien repris l'ensemble des activités de nettoyage des établissements de bains, mais en les confiant ensuite, d'une part, à ses propres employés (68) et, d'autre part, à des entreprises tierces. Il ne semble pas non plus que d'autres éléments matériels ou organisationnels aient été rétrocédés à Hoechst après la résiliation du contrat.

113 A cet égard, nous voudrions souligner qu'il appartient au juge national de dire dans quelle mesure l'établissement a gardé son identité après le transfert, et ce sur la base des différents critères définis par la Cour, compte tenu de la spécificité de l'établissement et de l'activité de nettoyage de certains établissements, comme exposé ci-dessus.

114 Nous rappellerons cependant que, selon l'article 4, paragraphe 1, de la directive, si le transfert d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'établissement ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire, il ne fait pas obstacle à des licenciements pour des raisons économiques, techniques ou pour des raisons d'organisation impliquant des changements sur le plan de l'emploi. Par ailleurs, ce pouvoir de licencier appartient tant au cédant qu'au cessionnaire, conformément à la jurisprudence de la Cour (69).

3) Affaire Gómez Montaña

115 Le juge national demande si l'extinction d'un contrat de sous-traitance avec une entreprise de nettoyage relève du champ d'application de la directive lorsqu'elle entraîne le licenciement de la personne employée par l'entreprise sous-traitante et la prise en charge de l'activité de nettoyage par l'entreprise principale, une entreprise de transports ferroviaires, avec ses propres employés.

116 Tout d'abord, nous soulignerons, conformément à l'analyse développée ci-dessus, que le fait que Renfe a elle-même pris en charge les travaux de nettoyage de la gare de Pontevedra, au lieu de les confier à nouveau à une entreprise externe, n'est pas déterminant pour la réponse à donner à la juridiction de renvoi.

117 De surcroît, d'après les faits exposés par le juge de renvoi et précisés dans les observations écrites présentées au cours de la procédure, nous considérons que la décision de Renfe de prendre elle-même en charge le nettoyage et l'entretien de la gare constitue clairement un cas de poursuite de la même activité économique. Cependant, le juge national devra examiner sur la base des critères indiqués ci-dessus, qui découlent de la jurisprudence de la Cour, dans quelle mesure Claro Sol a transféré à Renfe une entité économique organisée de manière stable. En effet, d'après l'ordonnance de renvoi, il semble que seule la responsabilité du nettoyage et de l'entretien de la gare ait été transférée de Claro Sol à Renfe et que la première a simplement perdu un contrat d'entreprise au bénéfice du maître d'ouvrage, perte qui ne peut en elle-même établir l'existence d'un transfert au sens de la directive.

118 En d'autres termes, si elle a perdu un client, Claro Sol n'en subsiste pas moins intégralement et l'on ne saurait considérer que l'un de ses établissements ou une partie d'établissement aurait été cédé au nouvel attributaire du marché (70).

119 Le juge national devra néanmoins examiner si, pour fournir les services en question, c'est-à-dire pour l'exécution des travaux, Claro Sol avait besoin d'un certain nombre de salariés (personnel d'exécution ou personnel de direction) et de certains éléments d'actifs, fussent-ils d'importance négligeable (outils, appareils).

120 De même, le juge national devra se demander s'il y a eu transmission d'un ensemble organisé de salariés, ou du moins d'une partie substantielle de cet ensemble, en termes de nombre et de qualifications, ou s'il y a eu transmission de méthodes d'exploitation ou d'organisation du travail, avant de dire, à partir de ce faisceau d'indices, dans quelle mesure il y a eu transfert ou non.

121 C'est donc au juge national qu'il appartient de déclarer, sur la base des critères précités, si l'on a ou non affaire à une entité économique après le transfert, compte tenu du fait que Renfe a pris elle-même en charge le nettoyage de la gare de Pontevedra, avec son propre personnel, et qu'elle n'a pas engagé Mme Gómez Montaña après l'extinction du contrat avec Claro Sol, qui avait été l'employeur de celle-ci pendant toute la durée de ce contrat. Si ces critères ne sont pas remplis, la réponse ne peut être que négative.

122 Par ailleurs, comme nous l'avons déjà signalé, le fait que l'activité de nettoyage est accessoire par rapport à l'activité principale de Renfe, à savoir les transports ferroviaires, ne nous empêche pas, conformément à la jurisprudence de la Cour, de considérer qu'il peut y avoir un transfert d'établissement ou de partie d'établissement au sens de la directive. Il n'y a pas non plus lieu d'accorder une importance particulière au nombre de salariés affectés à la partie d'établissement en question, lorsque d'autres éléments permettent de dire s'il y a eu transfert ou non.

123 Enfin, nous rappellerons que, conformément à l'article 7 de la directive, les États membres gardent toute faculté d'appliquer ou d'introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs.

D - Affaires jointes C-173/96 et C-247/96

1) Affaire Sánchez Hidalgo

124 Pour répondre à la question posée, il faut, d'une part, prendre en compte les différents critères définis par la Cour pour déterminer s'il y a eu transfert d'établissement ou de partie d'établissement, et, d'autre part, vérifier si l'entité économique transférée a gardé son identité après le transfert.

125 Il résulte du dossier qu'il s'agit dans cette affaire d'une activité dans laquelle le facteur humain joue le premier rôle, tandis que les éléments matériels (installations, équipement technique, organisation du travail, savoir-faire, etc.) sont d'importance moindre.

126 Ainsi, dans la mesure où il s'agit d'un secteur où l'activité repose principalement sur la main-d'oeuvre, le critère de la collectivité de travailleurs, au sens d'ensemble de travailleurs que réunit durablement une activité commune (71), est d'importance décisive. L'existence d'un tel ensemble organisé devra être appréciée par le juge national. Le fait que ce personnel, en tant qu'ensemble, est employé par le nouvel entrepreneur peut permettre de conclure qu'il y a eu transfert au sens de la directive, même si aucun autre actif corporel ou incorporel d'importance n'a été transféré.

127 Le juge national devra également vérifier, par exemple, dans quelle mesure les activités exercées avant et après le transfert sont similaires (72) et quelle est la structure des entreprises en question, c'est-à-dire comment elles sont pourvues en personnel, comment elles fonctionnent, etc. (73).

128 Autrement dit, c'est au juge national qu'il appartient de dire s'il y a eu transfert d'une partie d'établissement, en déterminant si le service d'aide à domicile s'est poursuivi avec la même équipe d'auxiliaires, éventuellement complétée par d'autres salariés, si le même horaire a été maintenu, si les personnes auxquelles ces services sont offerts sont les mêmes, etc.

129 De surcroît, nous considérons que le fait que la commune de Guadalajara a, après un nouvel appel d'offres, confié ce service à une autre entreprise ne constitue pas non plus un élément déterminant qui modifierait notre réponse et exclurait donc la protection de la directive; il suffit sans aucun doute que le laps de temps entre les deux transferts n'ait pas été excessivement long.

130 Autrement dit, il faut une relation temporelle étroite entre l'expiration d'un marché et son adjudication à un nouvel entrepreneur. La durée de l'intervalle devra être appréciée par le juge national sur la base des circonstances de fait et de la nature de l'établissement en cause, mais toujours en sauvegardant l'effet utile des dispositions protectrices de la directive (74).

131 De même, il n'y a pas lieu d'accorder une importance excessive, de nature à modifier notre réponse, au fait que la convention collective ou le cahier des charges ne disent rien à propos de l'obligation pour le nouvel attributaire, auquel le service a été confié à la suite d'un appel d'offres, de se subroger dans la relation de travail existant entre les membres du personnel et l'ancien attributaire. En effet, «en raison du caractère impératif de la protection organisée par la directive et sous peine de priver en fait les travailleurs de cette protection» (75), l'application de la directive ne saurait être subordonnée à la présence ou à l'absence de telles stipulations dans une convention collective ou dans un cahier des charges, car cette application est déclenchée par un faisceau de circonstances de fait et de droit (76), qui permettront de dire dans quelle mesure il y a eu transfert ou non.

2) Affaire Ziemann

132 La spécificité de cette affaire consiste principalement dans le fait que les conditions applicables et leur application sont largement déterminées par l'adjudicateur (la Bundeswehr), à la fois en ce qui concerne l'organisation, dans l'appel d'offres, et en ce qui concerne l'exécution de l'activité de surveillance du dépôt sanitaire d'Efringen-Kirchen par chacun des adjudicataires.

133 Dans ses questions, le juge national pose en substance deux problèmes. Tout d'abord, il faut examiner la notion d'entité économique dans le cadre du transfert d'un établissement à la suite du changement de prestataire; ce point est soulevé en substance dans la première branche de la première question ainsi que dans la troisième question. Ensuite, il se réfère à l'importance qu'il y a lieu de reconnaître au fait que le changement de prestataire a eu lieu par voie d'appel d'offres et à l'absence de lien contractuel direct entre les entreprises qui se sont succédé pour assurer la sécurité (gardiennage et surveillance) d'un dépôt sanitaire de la Bundeswehr; ce problème est soulevé dans la deuxième branche de la première question ainsi que dans la deuxième question.

a) La notion d'entité économique transférable

134 Le premier problème soulevé par le juge national est de savoir dans quelle mesure la directive s'applique également au transfert d'un établissement ou d'une partie d'établissement, comme le gardiennage d'un dépôt sanitaire de la Bundeswehr (première branche de la première question), lorsque ce sont toujours les mêmes travailleurs qui accomplissent les mêmes missions et que celles-ci sont subordonnées à des conditions essentiellement identiques, dont la teneur est définie avec précision par le pouvoir adjudicateur (troisième question).

135 Autrement dit, étant donné que l'employeur (la Bundeswehr) définit de façon très détaillée les règles de l'organisation et de l'exécution d'une activité, exercée en substance par les mêmes salariés, la Cour est invitée à répondre à la question de savoir dans quelle mesure on a affaire à une entité économique dont le transfert relèverait du champ d'application de la directive. Si la réponse est négative, c'est-à-dire s'il n'y a pas d'entité économique, la question de l'application des dispositions protectrices de la directive ne se pose pas.

136 Pour pouvoir appliquer la directive lorsque deux entreprises se succèdent dans l'exécution d'une activité, il faut d'emblée que la première ait constitué à cet effet une entité (économique) suffisamment structurée.

137 Il s'agit donc de savoir dans quelle mesure l'influence exercée par l'adjudicateur sur l'organisation et l'exécution de cette activité par l'adjudicataire peut, dans certains cas, priver ce dernier de sa liberté d'action et, par conséquent, de la possibilité de constituer pour l'exercice de cette activité une entité économique spécifique et organisée.

138 La société Ziemann GmbH se demande dans quelle mesure la directive peut s'appliquer à des institutions de droit public, comme la Bundeswehr.

139 Tant la société Ziemann GmbH que le gouvernement allemand considèrent que la surveillance du dépôt sanitaire n'a pas constitué une entité économique, faute de fonctionnement autonome, en raison de l'intervention de la Bundeswehr dans l'organisation et l'exécution des travaux. Il y aurait donc eu, selon ces intervenants, transfert de marché et non d'établissement ou de partie d'établissement.

140 Selon la Commission, il y a bien une entité économique, mais elle n'a pas été transférée et appartenait et continue d'appartenir à la Bundeswehr, qui ne lui accorde que le minimum strictement nécessaire de structure organisationnelle et d'autonomie.

141 Comme nous l'avons mentionné ci-dessus, la Cour a jugé (77) que, «pour que la directive soit applicable, le transfert doit ... porter sur une entité économique organisée de manière stable, dont l'activité ne se borne pas à l'exécution d'un ouvrage déterminé». Elle a de surcroît précisé: «La notion d'entité renvoie ainsi à un ensemble organisé de personnes et d'éléments permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre».

142 Il ne suffit donc pas que des entrepreneurs se succèdent dans l'exercice de la même activité, il faut également qu'il y ait transfert d'une entité économique, c'est-à-dire d'un ensemble organisé de personnes et/ou d'éléments permettant l'exercice d'une activité économique et qui poursuit un objectif propre. Nous avons d'ailleurs déjà exposé, dans nos développements des points précédents, les raisons pour lesquelles l'existence d'éléments d'actif, corporels ou incorporels, ne peut être déterminante dans des activités où la main-d'oeuvre joue le premier rôle.

143 En conséquence, comme la Commission l'observe à juste titre (au point 22 de ses observations écrites), il ne peut être question d'un transfert d'établissement ou d'une partie d'établissement entre le premier et le deuxième adjudicataire (Ziemann GmbH et Horst Bohn respectivement) que si, d'une part, le «gardiennage» du dépôt sanitaire d'Efringen-Kirchen constitue une entité économique et, en conséquence, une partie d'établissement au sens de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive et si, d'autre part, cette partie d'établissement a appartenu à Ziemann GmbH avant d'être transférée à Horst Bohn. En revanche, si le «gardiennage» a toujours appartenu à la Bundeswehr, la question du transfert d'une partie de l'entreprise ne se pose même pas, même si la gestion de cette surveillance a pu être successivement confiée à différentes entreprises.

i) La notion d'«entité économique»

144 Comme nous l'avons déjà signalé, l'activité consistant à surveiller certains établissements constitue, lorsqu'elle est confiée à une entreprise, une prestation de services et, par conséquent, une activité économique. Lorsque cette activité, qui poursuit un objectif spécifique, quoique accessoire par rapport à l'objectif principal de l'entreprise, est exercée par une entité organisée, c'est-à-dire par un ensemble organisé de personnes et/ou d'éléments de patrimoine, cette entité peut être considérée comme une entité économique, qui est la base de toute entreprise, établissement ou partie d'établissement, conformément à la terminologie employée dans la directive.

145 Il est vrai que, pour constituer une entreprise, un établissement ou une partie d'établissement, une entité économique doit être organisée, c'est-à-dire doit disposer d'une structure organisationnelle, fût-elle minime.

146 Dans la pratique, cela pourrait se référer principalement à l'organisation concrète des effectifs, à la durée et à la continuité de l'exercice de l'activité, à la présence d'un plan de service à horaires fixes, au choix du personnel et à l'affectation des personnes choisies aux tâches concrètes. Ces éléments, cités à titre purement exemplatif, devront être constatés dans chaque cas concret par le juge national.

147 Au vu des éléments de fait exposés dans l'ordonnance de renvoi, nous considérons, avec la Commission, que le «gardiennage» du matériel sanitaire contenu dans le dépôt en question peut constituer une entité économique. Nous fondons cette conclusion sur le fait que la surveillance d'un lieu précis a été confiée pendant très longtemps à un ensemble déterminé de gardiens, même si leurs obligations étaient déterminées par la loi allemande sur l'exercice de pouvoirs particuliers par les soldats de la Bundeswehr (UZwGBw) et dans des clauses du contrat de prestation de services. De surcroît, il ressort du dossier que le personnel de surveillance est choisi, instruit et employé sur la base de sa capacité à fournir les services demandés. Ce personnel, qui travaille suivant un plan de surveillance préétabli, doit respecter les horaires fixés et suivre des instructions concrètes.

ii) La question de savoir si le «gardiennage» restait entre les mains de la Bundeswehr ou était transféré à chaque nouvel adjudicataire

148 La Commission considère que, en l'espèce, étant donné les circonstances de fait, telles qu'elles sont décrites par le juge national, il n'y a pas eu transfert d'une partie d'établissement par la Bundeswehr à la première entreprise ni, par voie de cession, à la deuxième. L'entité économique constituée par le «gardiennage» du dépôt sanitaire d'Efringen-Kirchen est, pour l'essentiel, du point de vue de sa structure organisationnelle et de son autonomie, implantée durablement auprès de la Bundeswehr, en sa qualité de pouvoir adjudicataire. En conséquence, il n'y a pas eu, selon la Commission, de transfert d'établissement ou de partie d'établissement aux entreprises Ziemann GmbH et Horst Bohn.

149 Ce point de vue ne peut, selon nous, être retenu. Nous avons admis qu'il y a une entité économique, constituée par le gardiennage du dépôt sanitaire d'Efringen-Kirchen, lequel appartient à la Bundeswehr. Quelle que soit l'influence exercée par la Bundeswehr sur l'organisation de cette entité économique, par le truchement plus particulièrement de réglementations contenues dans le contrat de prestation de services, nous ne croyons pas qu'elle suffise pour exclure la protection de la directive en cas de transfert d'entreprise, d'établissement ou de partie d'établissement.

150 Autrement dit, nous considérons que l'intervention du pouvoir adjudicateur (la Bundeswehr) (78), quelle que soit son importance, n'affecte pas la liberté de l'adjudicataire au point que nous ne pourrions plus soutenir que ce dernier dispose de certains pouvoirs d'organisation de l'entité économique constituée par la surveillance du dépôt sanitaire.

151 Comme le dit le juge national, le prestataire de services est tenu de ne pas affecter ce personnel à la surveillance d'autres immeubles; mais la même situation pourrait se présenter, par exemple, pour la surveillance d'une banque. Il est tenu de fournir un certain équipement, à savoir un uniforme, un brassard, un revolver, une matraque, un sifflet, une lampe-torche, une boîte de premiers secours, des appareils de contrôle, etc. Tous ces éléments doivent certainement être pris en compte pour vérifier s'il y a lieu de parler d'une entité économique dont la responsabilité organisationnelle incombe, au moins jusqu'à un certain point, à l'adjudicataire.

152 Du reste, même dans les cas où les services de nettoyage ou de gardiennage, par exemple, sont confiés à un tiers par une entreprise quelconque (79), il arrive très souvent que le client définisse l'horaire de travail, impose ou interdise l'usage de certaines matières premières, prescrive certaines règles de sécurité élémentaires, voire même demande à contrôler le personnel affecté aux services en question ou interdise l'entrée des lieux de travail aux personnes étrangères à l'objet du service. Des arguments équivalents pourraient être invoqués pour une entreprise se chargeant de l'entretien des jardins d'un entrepreneur ou d'un particulier ou de la responsabilité de l'exploitation d'une cantine dans les locaux d'une entreprise.

153 Il découle à notre avis de ce qui précède que le premier adjudicataire dispose d'une marge de liberté certaine, quoique réduite, dans l'organisation de l'entité économique «gardiennage» et des modalités d'exécution des tâches qui lui incombent. De même, le travail de l'adjudicataire ne se limite pas exclusivement à mettre à disposition, contre rémunération, les gardiens avec lesquels il est lié par un contrat de travail; les arguments invoqués en sens contraire par la Commission doivent être rejetés comme dépourvus de fondement.

154 En conséquence, puisque la Bundeswehr a décidé de confier par contrat la responsabilité de la prestation d'un service déterminé à un entrepreneur (le premier adjudicataire), suivant les modalités indiquées par le juge national, auquel il incombe d'ailleurs de vérifier les circonstances de fait, et puisque l'entité économique a conservé son identité même après le transfert, et que l'adjudicataire a gardé une certaine marge, quoique limitée, de pouvoir d'organisation de cette entité économique, nous pouvons admettre que cette dernière n'est pas restée à la charge de la Bundeswehr après la passation du premier marché.

iii) Le transfert d'une partie d'établissement

155 Compte tenu de l'analyse ci-dessus, nous considérons que, dans les circonstances décrites par le juge national, nous avons bien affaire, chez le premier adjudicataire, à une entité économique «gardiennage» du dépôt sanitaire d'Efringen-Kirchen.

156 Mais, pour examiner dans quelle mesure la dénonciation du contrat a entraîné un transfert du premier au deuxième adjudicataire, il faut nous référer aux différents critères découlant de la jurisprudence de la Cour, que le juge national devra prendre en considération en tenant compte de la spécificité de l'activité en cause. D'après les éléments du dossier, il s'agit en effet d'une activité dans laquelle le facteur humain joue le premier rôle, tandis que les éléments corporels ou incorporels sont d'une importance manifestement moindre.

157 En d'autres termes, il s'agit d'un ensemble organisé de travailleurs, spécifiquement affectés à une activité commune. Nous ne voyons donc pas pourquoi cet ensemble, qui constitue une entité économique, ne pourrait être transféré chaque fois que, au-delà de la similarité des tâches exercées, le nouvel entrepreneur prend en charge la totalité ou la majorité des effectifs (en termes à la fois de nombre et de qualifications) que l'adjudicataire précédent avait affectés plus particulièrement à l'exécution du contrat, et qui lui permettront de poursuivre de manière stable l'activité de surveillance du dépôt sanitaire, même si aucun autre actif corporel ou incorporel d'importance n'est transféré au nouvel adjudicataire.

158 Cette conclusion est d'ailleurs confortée par le fait que, aux termes de l'ordonnance de renvoi, ce sont en substance toujours les mêmes employés qui assument les mêmes tâches de surveillance dans des conditions qui restent pratiquement identiques, même si elles sont déterminées dans une large mesure par le pouvoir adjudicateur (80).

b) Les modalités de réalisation du transfert

i) Le deuxième volet de la première question

159 Dans le deuxième volet de la première question, le juge national vise à savoir dans quelle mesure la directive est applicable lorsque le transfert n'a pas lieu directement entre deux entreprises, mais sous forme de résiliation d'un contrat avec une entreprise suivie de l'adjudication du marché à une autre entreprise, selon la procédure de l'appel d'offres.

160 Nous soulignerons simplement à ce propos que les modalités du transfert - c'est-à-dire si le transfert a eu lieu avec résiliation du contrat, lancement d'un appel d'offres et nouvelle adjudication en faveur d'une autre entreprise - importent peu, dès lors que les conditions posées par la Cour, et précisées dans l'arrêt Süzen, pour déterminer s'il y a eu transfert ou non, sont remplies. Il faudra donc appliquer là aussi, mutatis mutandis, les règles qui valent en cas de résiliation d'un contrat (de gardiennage) suivie d'une nouvelle adjudication sans appel d'offres préalable. Du reste, conformément à la jurisprudence de la Cour, il n'est pas nécessaire qu'il existe des relations contractuelles directes entre l'ancien et le nouveau cessionnaire (81) pour qu'il y ait «cession conventionnelle» au sens de la directive (82).

ii) La deuxième question: l'importance du laps de temps écoulé entre les deux adjudications

161 Par sa deuxième question, le juge national souhaite savoir, à titre complémentaire, s'il est important pour l'application de la directive que, en l'espèce, la partie d'établissement constituée par le gardiennage du dépôt sanitaire ait, après résiliation du contrat avec la première entreprise (83), fait retour au pouvoir adjudicateur (84) pour être immédiatement confiée par contrat à une autre entreprise (85), dans le cadre d'un marché de fourniture de services essentiellement soumis aux mêmes prescriptions. La juridiction de renvoi se demande donc si le fait qu'un nouveau marché de prestation de services a été conclu immédiatement avec un autre cocontractant, à des conditions en substance identiques, constitue un critère déterminant pour retenir le transfert de la partie d'établissement «gardiennage» du dépôt sanitaire et, en conséquence, le transfert d'une partie d'un établissement par voie d'appel d'offres.

162 Nous estimons qu'il faut une relation temporelle étroite entre l'expiration d'un marché et sa réattribution à un autre entrepreneur. La détermination du laps de temps en cause appartient au juge national, qui se prononcera sur la base des circonstances de fait et de la nature de l'établissement dans chaque litige particulier.

163 En toute hypothèse, nous considérons indispensable de sauvegarder l'effet utile des dispositions protectrices de la directive en cas de transfert d'un établissement. Cette protection ne serait pas assurée si l'application des dispositions en question était exclue parce qu'un contrat de «gardiennage» de longue durée, exécuté dans une entreprise par une section de gardiennage, prend fin sans être immédiatement transféré à une nouvelle entreprise de gardiennage. Comme la Commission le souligne à juste titre (point 47 de ses observations écrites) (86), il appartient à la juridiction nationale, lors de l'examen de l'identité de la partie d'établissement avant et après le transfert, de vérifier si cette relation étroite dans le temps existe.

164 Néanmoins, il faut souligner que, d'après les éléments recueillis dans l'ordonnance de renvoi, cette question ne semble pas se poser en l'espèce, car la relation temporelle étroite entre la fin du marché que la Bundeswehr avait conclu avec la première entreprise (la société Ziemann GmbH) (87) et la passation du nouveau avec une autre entreprise (la société Horst Bohn) peut être considérée comme établie (88), puisque le passage de l'une à l'autre (89) s'est fait directement, sans étape intermédiaire.

VI - Conclusion

165 Par ces motifs, nous proposons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles comme suit:

A - Affaires jointes C-127/96, C-229/96 et C-74/97

1) Réponse à la première question de l'affaire Hernández Vidal, et à la première question de l'affaire Santner

«L'article 1er de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements, doit être interprété en ce sens que l'activité de nettoyage des locaux, dont une entreprise a un besoin durable, même si son activité principale est autre, peut relever du champ d'application de la directive dès lors que l'on a affaire à un ensemble de salariés organisé de façon stable et poursuivant un objectif déterminé, c'est-à-dire à une entité économique, et que cette entité garde son identité après le transfert.»

2) Réponse à la deuxième question de l'affaire Hernández Vidal, à la deuxième question de l'affaire Santner, et à la question posée dans l'affaire Gómez Montaña

«L'article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/187 doit être interprété en ce sens que la directive ne s'applique pas dans une situation où un entrepreneur qui a confié le nettoyage de ses locaux à un autre entrepreneur résilie le contrat qui le liait à ce dernier et prend à sa charge l'exécution de ces travaux, que ce soit avec ses propres salariés ou avec du personnel engagé à cet effet, si cette opération n'est pas accompagnée de cession entre l'un et l'autre entrepreneur d'actifs corporels ou incorporels d'une valeur significative, ni - dans les secteurs comme les services de nettoyage, où la main-d'oeuvre constitue le facteur de production principal - d'une reprise par le nouvel entrepreneur d'une fraction significative, en termes de nombre et de qualifications, du personnel que son prédécesseur affectait à l'exécution de son contrat.»

B - Affaires jointes C-173/96 et C-247/96

1) Réponse à la question posée dans l'affaire Sánchez Hidalgo

«L'article 1er de la directive 77/187 doit être interprété en ce sens que l'activité de prestation de services d'aide à domicile à des personnes défavorisées peut entrer dans le champ d'application de la directive, même en l'absence d'autres actifs corporels ou incorporels d'une valeur significative, dès lors que l'on a affaire à un ensemble de salariés organisé de manière stable et poursuivant un objectif déterminé, c'est-à-dire à une entité économique, et que cette entité garde son identité après le transfert.

L'article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/187 doit être interprété en ce sens que la directive peut s'appliquer lorsqu'un entrepreneur qui avait confié la prestation de services d'aide à domicile à des personnes défavorisées à un autre entrepreneur confie le même service à un troisième entrepreneur, à l'expiration du premier marché, dès lors que le nouveau chef d'entreprise reprend à son service une fraction significative, en termes de nombre et de qualifications, du personnel que le premier attributaire du marché affectait à l'exécution de ce contrat, même si cette opération n'est pas accompagnée de la cession entre l'un et l'autre entrepreneur d'actifs corporels ou incorporels d'une valeur significative.

La protection conférée par les dispositions de la directive 77/187 aux travailleurs salariés qui changent d'employeur en cas de transfert d'entreprise, d'établissement ou de partie d'établissement ne saurait dépendre de la prescription formelle, dans une convention collective ou dans un cahier des charges, de l'obligation pour la nouvelle entreprise concessionnaire du service de se subroger au précédent attributaire dans ses relations de travail avec les salariés, car l'existence d'un transfert d'entreprise, d'établissement ou de partie d'établissement, au sens de la directive, résulte d'un faisceau de circonstances de fait et de droit qui caractérisent l'opération en question.»

2) Affaire Ziemann

a) Sur la première branche de la première question

«L'article 1er de la directive 77/187 doit être interprété en ce sens que le transfert d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'établissement ne saurait être exclu du simple fait que le pouvoir adjudicateur exerce, sur la base des dispositions légales ou conventionnelles applicables, une influence directe sur l'adjudicataire en ce qui concerne le mode d'exécution du contrat. Un tel cas de figure peut relever du champ d'application de la directive dès lors que l'on a affaire à un ensemble de travailleurs organisé de manière stable et poursuivant un objectif déterminé, c'est-à-dire à une entité économique et que cette entité économique conserve son identité après le transfert.»

b) Sur la troisième question

«L'article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/187 doit être interprété en ce sens que la directive est applicable lorsque le pouvoir adjudicateur résilie le contrat qui le liait à l'adjudicataire et procède à une nouvelle attribution du marché à un autre entrepreneur si, dans des secteurs comme les services de gardiennage, où la main-d'oeuvre constitue le facteur principal, et lorsque ce sont essentiellement les mêmes salariés qui effectuent les mêmes tâches, au même endroit et suivant des modalités en substance identiques, l'opération est accompagnée de la reprise par le nouvel entrepreneur d'une fraction significative, en termes de nombre et de qualifications, du personnel que le premier adjudicataire avait affecté à l'exécution de ce contrat.»

c) Sur la deuxième branche de la première question et sur la deuxième question

«L'article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/187 doit être interprété en ce sens que le transfert d'une entreprise ne peut être exclu par le simple fait que le pouvoir adjudicateur dénonce le contrat de prestation de services, par exemple de gardiennage, avec l'attributaire précédent et confie les mêmes tâches, dans un délai raisonnable, à un nouvel entrepreneur, au moyen d'un appel d'offres, sans qu'il y ait de cession conventionnelle directe entre l'ancien et le nouvel adjudicataire.»

(1) - JO L 61, p. 26.

(2) - Rec. p. I-1259. Par les deux questions posées dans cette affaire, que la Cour a examinées conjointement, la juridiction de renvoi visait à savoir si la directive s'applique également lorsque l'employeur, ayant confié le nettoyage de ses bâtiments à une entreprise tierce, dénonce le contrat qui le liait à cette dernière avant d'en conclure un nouveau avec une autre entreprise, en vue de l'exécution des mêmes travaux, sans que cette opération s'accompagne de la cession d'actifs corporels ou incorporels entre l'un et l'autre entrepreneur.

(3) - Cette directive a été modifiée récemment afin de prendre en compte notamment la jurisprudence de la Cour. Il s'agit de la directive 98/50/CE du Conseil, du 29 juin 1998 (JO L 201, p. 88).

(4) - L'article 1er, paragraphe 1, dans sa version modifiée par la directive 98/50, se lit comme suit:

«a) La présente directive est applicable à tout transfert d'entreprise, d'établissement ou de partie d'entreprise ou d'établissement à un autre employeur résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion.

b) Sous réserve du point a) et des dispositions suivantes du présent article, est considéré comme transfert, au sens de la présente directive, celui d'une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire.

c) La présente directive est applicable aux entreprises publiques et privées exerçant une activité économique, qu'elles poursuivent ou non un but lucratif. Une réorganisation administrative d'autorités administratives publiques ou le transfert de fonctions administratives entre autorités administratives publiques ne constitue pas un transfert au sens de la présente directive.»

(5) - Cette même disposition ajoute: «Lorsque ces droits et obligations sont réglés par les dispositions d'une convention collective ou d'une convention d'entreprise, ils constituent le contenu de la relation de travail entre le nouveau propriétaire et le travailleur et ne peuvent être modifiés au détriment du travailleur avant l'expiration d'une année à compter de la date du transfert. La deuxième phrase ne s'applique pas lorsque les droits et obligations du nouveau propriétaire sont régis par les stipulations d'une autre convention collective ou par une autre convention d'entreprise. Avant l'expiration du délai indiqué dans la deuxième phrase, les droits et obligations peuvent être modifiés si la convention collective ou la convention d'entreprise n'est plus applicable ou à défaut d'obligation réciproque de se conformer à une autre convention collective, dont l'application est convenue entre le nouveau propriétaire et le salarié».

(6) - Le statut des travailleurs salariés, approuvé par le Real Decreto Legislativo (décret royal législatif) n_ 1/1995, Boletín Oficial del Estado (ci-après le «BOE») du 29 mars 1995.

(7) - Pendant la procédure orale, Mmes Prudencia et María Gómez Pérez ont observé qu'elles avaient travaillé pour la société Hernández Vidal à partir de 1983 et de 1987 respectivement et qu'en 1992 un nouveau contrat avait été conclu avec cette société.

(8) - Pendant l'audience, Mmes Prudencia et María Gómez Pérez ont observé que, après avoir pris en charge elle-même le nettoyage de ses locaux, la société Hernández Vidal a procédé à un recrutement de nouveaux salariés, qui ont été mis au courant par les deux intéressées.

(9) - Comme le relève la société Hernández Vidal (point «troisièmement» de la section II de ses observations écrites), en droit espagnol, la question du transfert de l'activité de nettoyage de bâtiments et de locaux fait l'objet d'un régime particulier, plus favorable aux travailleurs. Il s'agit de l'article 13 de l'Ordenanza Laboral para Limpieza de Edificios y Locales (ordonnance relative à la sécurité sociale des travailleurs employés au nettoyage des immeubles et locaux, qui a été approuvée par arrêté du 15 février 1975 et prorogée par arrêté du 28 décembre 1994) ainsi que de l'article 37 du Convenio Colectivo para Limpieza de Edificios y Locales de la Region de Murcia (convention collective relative aux travailleurs employés au nettoyage des immeubles et locaux de la région de Murcia).

L'article 13 de l'Ordenanza prévoit que, lorsqu'une entreprise, dans laquelle le service de nettoyage est assuré par un contractant, prend en charge directement ce service, elle n'est pas tenue de maintenir en fonction le personnel qui prestait ces services pour le compte du contractant concessionnaire, si elle fait réaliser les travaux de nettoyage par ses propres salariés. En revanche, elle doit reprendre les travailleurs de l'ancien concessionnaire si elle désire engager du nouveau personnel pour assurer ledit service de nettoyage.

Le même article 13 prévoit encore que les salariés d'un prestataire de services de nettoyage dont la relation de travail avec ce dernier se trouve interrompue à l'expiration du contrat sont repris par le nouveau titulaire du contrat de nettoyage.

L'article 37 du Convenio Colectivo stipule que, à l'expiration d'un contrat de nettoyage, les travailleurs qui prestent leurs services dans un établissement sont pris en charge par le nouveau titulaire du contrat, lequel est subrogé dans tous les droits et obligations du titulaire précédent.

(10) - L'article 6, paragraphe 1, du Texto Final del XIV Convenio Colectivo de «Contratas Ferroviarias 1994» (BOE du 25 janvier 1995, n_ 21, point 217) prévoit que la nouvelle entreprise, qui se substitue à la précédente adjudicataire du marché, prend à son service le personnel employé au centre de travail visé par le transfert et est subrogée dans les droits et obligations issus de la relation d'emploi existante. Aux termes de l'article 23, paragraphe 1, du Convenio Colectivo de Limpieza de Edificios y Locales de Pontevedra (convention collective relative au nettoyage d'édifices et de locaux de la province de Pontevedra, Informacion Laboral 1996, n_ 4090, p. 8586), à l'expiration du contrat de nettoyage, les travailleurs de l'entreprise sortante passent au service du nouvel adjudicataire, qui est subrogé dans tous les droits et obligations de l'employeur précédent, dès lors que se trouve remplie l'une des conditions indiquées dans cette disposition. D'après le paragraphe 3, la subrogation n'intervient pas s'il s'agit d'un adjudicataire qui assure le nettoyage pour la première fois et qui n'a pas passé de contrat d'entretien.

(11) - L'article 42 de l'Estatuto prévoit, à propos de l'expiration de contrats d'entreprise ou de prestation de services, que «l'entrepreneur principal ... durant l'année qui suit l'achèvement de la tâche confiée aux sous-traitants, répond solidairement des obligations salariales et de cotisations sociales contractées par les sous-traitants envers leurs travailleurs pendant la durée du contrat, dans la limite des montants auxquels il serait tenu s'il s'était agi de son personnel fixe de même catégorie ou occupant les mêmes emplois».

(12) - Arrêt du Tribunal Supremo du 14 décembre 1994.

(13) - La juridiction de renvoi précise que la protection légale prévue en cas de succession d'entreprise n'est pas applicable lorsqu'il y a simplement changement de l'entreprise concessionnaire chargée de l'exercice d'une activité, sans que ce changement soit accompagné d'un transfert d'actifs matériels.

(14) - Elle renvoie, notamment, aux arrêts du 10 février 1988, Daddy's Dance Hall (324/86, Rec. p. 739); du 19 mai 1992, Redmond Stichting (C-29/91, Rec. p. I-3189), et du 14 avril 1994, Schmidt (C-392/92, Rec. p. I-1311).

(15) - Précité à la note 14.

(16) - Il s'agit de l'article 2 du marché de gardiennage du 2 janvier 1990, qui est mentionné dans l'ordonnance de renvoi.

(17) - Gesetz über die Anwendung unmittelbaren Zwanges und die Ausübung besonderer Befugnisse durch Soldaten der Bundeswehr und zivile Wachpersonen, Bundesgesetzblatt I, p. 796.

(18) - Précité dans la note 2.

(19) - C'est ce que soulignait l'avocat général M. Jacobs dans ses conclusions sous l'arrêt du 20 novembre 1997, Wiener SI (C-338/95, Rec. p. I-6495, au point 45), où il a d'ailleurs également soulevé la question plus générale de la bonne répartition des tâches entre la Cour et les juridictions nationales et de la retenue que doit montrer la Cour en concentrant son attention sur les questions importantes de droit communautaire (points 8 et suiv.); il est vrai qu'il n'a pas été suivi. M. Jacobs a, cependant, ajouté (point 45): «Il nous semble que, si la Cour est libre de reformuler les questions et d'apporter une réponse qui s'écarte parfois de façon significative des termes de la question déférée pour se concentrer sur les questions de droit communautaire pertinentes, elle doit être également libre d'adopter une démarche d'autolimitation et de se confiner à des questions d'interprétation plus générales».

(20) - La notion d'«activité économique» au sens de l'article 2 du traité couvre toute prestation de travail salarié ou prestation de services rémunérés; voir, par exemple, l'arrêt du 5 octobre 1988, Steymann (196/87, Rec. p. 6159, point 10), et l'arrêt, déjà plus ancien, du 14 juillet 1976, Donà (13/76, Rec. p. 1333, point 12).

(21) - Par exemple, des photocopieuses, des ascenseurs et des appareils électriques d'une entreprise.

(22) - Voir l'arrêt du 15 juin 1988, Bork International e.a. (101/87, Rec. p. 3057, point 13). Voir également les arrêts du 5 mai 1988, Berg et Busschers (144/87 et 145/87, Rec. p. 2559, point 12), et du 14 novembre 1996, Rotsart de Hertaing (C-305/94, Rec. p. I-5927, point 16).

(23) - Voir l'arrêt Süzen (point 10), précité à la note 2, ainsi que les arrêts du 18 mars 1986, Spijkers (24/85, Rec. p. 1119, points 11 et 12), et, en dernier lieu, du 7 mars 1996, Merckx et Neuhuys (C-171/94 et C-172/94, Rec. p. I-1253, point 16).

(24) - Voir, par exemple, les arrêts Süzen (point 12) ainsi que Merckx et Neuhuys (point 28).

(25) - Voir, à titre indicatif, les arrêts précités Merckx et Neuhuys (note 23) ainsi que Süzen (note 2).

(26) - A titre d'exemple, dans l'arrêt du 17 décembre 1987, Ny Mølle Kro (287/86, Rec. p. 5465, points 14 et, surtout, 15), il a été jugé que la directive s'applique en cas de reprise par le propriétaire de l'exploitation d'une entreprise cédée à bail, à la suite d'une violation du contrat de bail par le locataire-gérant.

(27) - Point 13.

(28) - Voir, par exemple, les arrêts du 19 septembre 1995, Rygaard (C-48/94, Rec. p. I-2745, points 20 et 21), et Süzen, précité à la note 2 (point 13).

(29) - Il est intéressant de noter que la directive 98/50 prévoit en son article 1er, paragraphe 1, sous b), qu'elle considère comme transfert au sens de la directive «celui d'une entité économique maintenant son identité, entendue comme une ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire».

(30) - Par exemple, l'utilisation de l'énergie électrique par l'adjudicataire, avec la dépense de courant électrique qui en résulte, l'utilisation du chauffage, des réfrigérateurs de l'entreprise cliente sur les lieux où est effectué le nettoyage ou la maintenance, etc.

(31) - Arrêt Süzen, point 21.

(32) - En ce sens, voir Shrubsall, V.: «Competitive tendering, Out-sourcing and the Acquired Rights Directive», article publié dans la revue The Modern Law Review, 1998 (p. 85 à 92), à la p. 88.

(33) - Point 18.

(34) - Voir, également, les arrêts Redmond Stichting, précité à la note 14 (point 24); du 12 novembre 1992, Watson Rask et Christensen (C-209/91, Rec. p. I-5755, point 20), ainsi que Süzen, précité à la note 2 (point 14).

(35) - Au point 15.

(36) - Dans son arrêt Schmidt (point 17), la Cour a rappelé sa jurisprudence constante (arrêts Spijkers, point 11, et Redmond Stichting, point 23), selon laquelle «... le maintien de cette identité [celle de l'entité économique] résulte notamment de la poursuite effective ou de la reprise par le nouveau chef d'entreprise des mêmes activités économiques ou d'activités analogues» (mis en italiques par nous). Elle concluait alors que, dans l'espèce au principal, dont l'ordonnance de renvoi fournissait tous les éléments utiles, «la similarité des activités de nettoyage exercées avant et après le transfert, laquelle s'est d'ailleurs traduite par l'offre de réemploi faite au travailleur concerné, constitue un élément caractéristique d'une opération qui entre dans le champ d'application de la directive et qui donne au salarié dont l'activité a été transférée la protection que lui offre cette directive». Cependant, le terme «notamment» employé par la Cour révèle, selon nous, que la poursuite d'une activité économique ne constitue pas le seul critère décisif pour conclure à l'existence d'un transfert d'entreprise, d'établissement ou de partie d'établissement et que d'autres éléments de fait doivent également être pris en considération. Dans cette affaire, la Cour a ajouté l'offre de réemploi faite à la seule salariée de la partie d'établissement en question. Dans l'arrêt Süzen (point 21), elle a confirmé la pertinence de cet élément, en le combinant cependant à une série d'autres facteurs. Pour l'accueil sévère qui a été réservé à l'arrêt Schmidt, voir, à titre exemplatif, Déprez, J.: «Transfert d'entreprise. La notion de transfert d'entreprise au sens de la directive européenne du 14 février 1977 et de l'article L 122-12, alinéa 2 du code du travail: jurisprudence française et communautaire», publié dans RJS, 5/95, p. 315 à 321. Voir également Dr Manfred Zuleeg: «Ist der Standard des deutschen Arbeitsrechts durch europäische Rechtsprechung bedroht? Bemerkungen zum Urteil Christel Schmidt des Europäischen Gerichtshofs», dans Das Arbeitsrecht der Gegenwart, p. 41 à 54, et Dr Bernd Waas: «Betriebsübergang durch `Funktionsnachfolge'?», dans EuZW 17/94, p. 528 à 532.

Il est intéressant de noter que, peu après l'arrêt Schmidt, et en raison des réactions négatives qu'il avait provoquées, la Commission a intégré dans sa proposition de directive (94/C 274/08) COM (94) 300 final - 94/0203 (CNS) (JO 1994, C 274, p. 10) portant modification de la directive 77/187 une disposition (l'article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa) selon laquelle: «Est considéré comme transfert, au sens de la présente directive, celui d'une activité qui s'accompagne du transfert d'une entité économique maintenant son identité. Le seul transfert d'une activité de l'entreprise, d'établissements ou de parties d'établissements, qu'elle soit exercée ou non indirectement, ne constitue pas en soi un transfert au sens de la directive». Cette proposition a été fortement critiquée tant par le Parlement (JO 1997, C 33, p. 81), où cet alinéa a été supprimé par l'adoption d'un amendement 4, que, auparavant, par le Comité des régions (JO 1996, C 100, p. 25, point 1.1.) et par le Comité économique et social (JO 1995, C 133, p. 13, points 1.2.3. et 1.3.); elle n'a finalement pas été incluse dans le texte de la directive 98/50.

(37) - Au point 16.

(38) - Point 17. Voir également les arrêts Schmidt (point 16) ainsi que Merckx et Neuhuys (point 21), précités respectivement dans les notes 14 et 23.

(39) - Au point 18.

(40) - Au point 20. Voir également l'arrêt Spijkers (point 13), précité à la note 23.

(41) - Au point 21.

(42) - En ce sens, voir par exemple l'article de Pochet, P.: «CJCE: l'apport de l'arrêt Schmidt à la définition du transfert d'une entité économique», dans la revue Droit social, novembre 1994, (p. 931 à 935), à la p. 934, où elle emploie justement les termes de «pétition de principe». Voir également l'analyse faite sur ce point par Vivien Shrubsall, op. cit., p. 87.

(43) - En toute hypothèse, il restera toujours la question de savoir qui paiera les indemnités en cas de licenciement.

(44) - Au point 18. Cette affaire portait sur la question de savoir dans quelle mesure la directive est applicable en cas de résiliation du contrat de travail d'un salarié d'une société mise en liquidation, mais dont les activités sont reprises par une autre société, nouvellement constituée, qui s'est installée dans les mêmes locaux.

(45) - Voir l'arrêt du 25 juillet 1991, D'Urso (C-362/89, Rec. p. I-4105, point 12).

(46) - Voir également l'analyse faite sur ce point par Vivien Shrubsall, op. cit., p. 87.

(47) - Voir les arrêts précités, aux notes 45 et 22 respectivement, D'Urso (point 20) et Rotsart de Hertaing (point 18).

(48) - Au point 20.

(49) - Voir, en ce sens, Vivien Shrubsall, op. cit., p. 92.

(50) - De fait, dans l'affaire Schmidt, il s'agissait très exactement de l'hypothèse contraire, où un entrepreneur confie à un autre entrepreneur l'exécution de travaux de nettoyage qu'il assurait lui-même auparavant (contracted out, externalisation), même si, avant le transfert, ces tâches étaient effectuées par une seule employée. Dans l'arrêt Süzen, il s'agissait d'un entrepreneur qui avait dénoncé le contrat de nettoyage de ses locaux pour en conclure un nouveau, avec un deuxième entrepreneur, en vue de l'exécution des mêmes tâches.

(51) - Nous relevons que la directive 98/50 prévoit en son article 1er, paragraphe 1, sous b), qu'il y a lieu de considérer comme transfert au sens de la directive «celui d'une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire» (mis en italiques par nous).

(52) - Il s'agissait dans cette affaire d'une fondation néerlandaise d'assistance aux toxicomanes.

(53) - Point 30.

(54) - Mis en italiques par nous.

(55) - Cet arrêt, auquel nous avons déjà fait allusion dans la note 34, concernait l'entreprise Philips, qui avait confié par contrat la gestion de ses quatre cantines du personnel à une entreprise de restauration, ISS. Dans ce cadre, ISS s'était engagée à reprendre, aux mêmes conditions, les (quelque dix) employés de Philips qui travaillaient dans ces cantines, tandis que Philips s'engageait à lui verser une somme mensuelle fixe et une rémunération déterminée en nature. Cette rémunération en nature consistait pour Philips à mettre à la disposition d'ISS des locaux et des équipements, du courant électrique, du chauffage, une installation téléphonique, un vestiaire et un service d'enlèvement des déchets, à quoi s'ajoutait la fourniture, au prix de gros, de certains produits de consommation. La Cour a jugé que la directive était applicable.

(56) - Point 17.

(57) - Mis en italiques par nous.

(58) - Arrêt précité à la note 34 (point 19).

(59) - Voir aussi les arrêts Schmidt (point 17), Spijkers (point 11) et Redmond Stichting (point 23), précités aux notes 14, 23 et 14 respectivement.

(60) - Point 20.

(61) - Voir, à titre d'exemple, les arrêts précités dans les notes 23, 14, 22 et 14 respectivement, Merckx et Neuhuys (point 30), Daddy's Dance Hall (point 10), Bork International e.a. (point 14) et Redmond Stichting (point 13).

(62) - Voir, en particulier, les arrêts Spijkers (point 13) et Redmond Stichting (point 24), précités dans les notes 23 et 14 respectivement.

(63) - Voir, à titre d'exemple, l'arrêt Daddy's Dance Hall (point 14), précité à la note 14, ainsi que l'arrêt du 12 mars 1998, Dethier Équipement (C-319/94, Rec. p. I-1061, point 40).

(64) - Voir, par exemple, l'arrêt Rygaard (point 20), précité à la note 28, ainsi que l'arrêt Süzen (point 13), précité à la note 2.

(65) - Nous rappelons que, dans l'arrêt Schmidt, précité à la note 14, le fait que l'activité de nettoyage était assurée par une seule employée n'a pas empêché la Cour de juger (point 15) que l'on était en présence d'une entité économique organisée de manière stable. Elle a ajouté que la protection offerte par la directive ne saurait dépendre du nombre de salariés affectés à la partie de l'entreprise qui fait l'objet du transfert.

(66) - Voir l'arrêt du 7 février 1985, Botzen e.a. (186/83, Rec. p. 519, point 15), et l'arrêt Schmidt (point 13), précité à la note 14.

(67) - Contrairement donc à ce qui s'était passé dans l'affaire Schmidt.

(68) - D'après le dossier, il s'agissait de personnes handicapées spécialement formées à cet effet.

(69) - Voir l'arrêt Dethier Équipement, précité à la note 63 (point 37).

(70) - Voir également le point 16 de l'arrêt Süzen, précité à la note 2.

(71) - Voir l'arrêt Süzen, précité à la note 2 (point 21).

(72) - Plus concrètement, il devra examiner les caractéristiques particulières de l'activité exercée initialement par Minerva et ensuite par Aser, dans le cadre du contrat conclu par ces sociétés avec la commune de Guadalajara, c'est-à-dire qu'il devra examiner si ces services d'aide à domicile étaient ou non les mêmes.

(73) - La Commission mentionne (au point 8 de ses observations écrites) que, dans un rapport présenté devant la commune, Aser explique que sa structure est fondée sur une série d'équipes d'auxiliaires d'aide à domicile, avec un coordinateur et une équipe technique formée par du personnel spécialisé (assistantes sociales, psychologues, etc.).

(74) - Cette question est analysée de façon plus détaillée ci-après, dans le cadre de l'affaire Ziemann.

(75) - Voir l'arrêt Rotsart de Hertaing, précité à la note 22 (point 20).

(76) - La Commission mentionne dans ses observations écrites (au point I.4) un rapport présenté par Aser à la commune de Guadalajara, duquel il ressort qu'Aser entendait maintenir intégralement l'équipe d'auxiliaires qui était chargée du service au moment où le transfert a eu lieu.

(77) - Voir, par exemple, les arrêts Rygaard (point 20) et Süzen (point 13), précités aux notes 28 et 2 respectivement.

(78) - Nous rappelons que le contrat entre la Bundeswehr, qui administre le dépôt sanitaire, et les entreprises de gardiennage est rédigé de façon très détaillée par les services administratifs compétents de l'armée de terre et fait l'objet d'un appel d'offres public. Cet appel d'offres indique par le menu, et le contrat reprend ensuite, les tâches de surveillance à accomplir, l'étendue de l'intervention des gardiens, leur nombre et celui des chiens, les conditions à remplir par le personnel de surveillance, les qualifications qu'il doit avoir, son équipement, les instructions, les contrôles et la formation au maniement des armes. L'adjudicateur (Bundeswehr) met à la disposition du personnel, au sein des installations du dépôt sanitaire, la salle de garde, les équipements sanitaires, la salle de repos et les vestiaires. Le prestataire de services ne peut engager du personnel de surveillance qu'avec l'autorisation écrite de l'adjudicateur; il doit préalablement indiquer à ce dernier quel est le personnel de remplacement; le pouvoir adjudicateur peut exclure et faire remplacer à tout moment les personnes qu'il désigne. De surcroît, le juge national précise que l'exécution du contrat est assurée aux conditions posées par les forces armées allemandes, dans un cadre juridique spécifique formé par la loi sur l'exercice de pouvoirs particuliers par des soldats de la Bundeswehr.

(79) - Par exemple, un musée, une banque, un ensemble de logements, etc.

(80) - Le juge national souligne (point I.4, in fine) que, d'après M. Ziemann, la société Horst Bohn a continué d'employer 9 des 12 salariés aux tâches de «surveillance» du dépôt sanitaire d'Efringen-Kirchen et qu'il a été le seul, avec un autre salarié plus âgé, à être licencié, au motif qu'il serait trop vieux, selon le pouvoir adjudicateur, pour exercer des missions de surveillance. La Commission précise (point 7 de ses observations écrites) qu'un troisième salarié a quitté volontairement l'entreprise.

(81) - La Cour a ainsi jugé que relèvent du champ d'application de la directive la résiliation d'un contrat de location-gérance d'un restaurant suivie de la conclusion d'un nouveau contrat de gérance avec un autre exploitant (arrêt Daddy's Dance Hall, précité à la note 14), la résiliation d'un bail suivie d'une vente par le propriétaire (arrêt Bork International e.a., précité à la note 22) ou encore une situation où une autorité publique cesse d'accorder des subventions à une personne morale et provoque ainsi l'arrêt complet des activités de cette dernière, pour les transférer à une autre personne morale poursuivant un but analogue (arrêt Redmond Stichting, précité à la note 14). Dans son arrêt Merckx et Neuhuys (points 30 et 32), précité à la note 23, elle a jugé que relève du champ d'application de la directive une situation où une entreprise titulaire d'une concession de vente de véhicules automobiles pour un territoire déterminé cesse son activité et où la concession est alors transférée à une autre entreprise qui reprend une partie du personnel et bénéficie d'une promotion auprès de la clientèle, sans que des éléments d'actifs soient transférés.

(82) - Nous rappelons que les divergences existant entre les différentes versions linguistiques de l'expression «cession conventionnelle» ont conduit la Cour à interpréter cette expression de façon extensive, de sorte que son interprétation réponde à l'objectif de la directive, qui est de protéger les travailleurs salariés. Elle considère donc de façon constante que la directive est applicable «dans toutes les hypothèses de changement, dans le cadre de relations contractuelles, de la personne physique ou morale responsable de l'exploitation de l'entreprise, qui contracte les obligations d'employeur vis-à-vis des employés de l'entreprise». Voir par exemple les arrêts Bork International e.a.(précité à la note 22, point 13) et Redmond Stichting (précité à la note 14, point 11).

(83) - En l'occurrence la Ziemann GmbH.

(84) - La Bundeswehr.

(85) - La société Horst Bohn.

(86) - La Commission observe avec juste raison (point 48 de ses observations écrites) que le type de transfert d'établissement et la qualification du personnel réengagé peuvent constituer des indices permettant de déterminer la période pendant laquelle un transfert d'établissement est encore concrètement possible après l'expiration de l'ancien contrat et avant l'entrée en vigueur du nouveau. Ainsi, lors d'un transfert d'établissement pour lequel le nouvel entrepreneur doit d'abord être trouvé au moyen d'une vaste procédure d'appel d'offres, l'intervalle peut être plus long que lorsque le transfert de la partie d'établissement a lieu par un changement direct de partenaire. L'intervalle admis peut encore être plus généreux lorsque les travaux à confier à l'occasion de la nouvelle conclusion d'un marché sont hautement qualifiés. Pour de tels travaux, la conclusion d'un nouveau marché peut exiger une recherche plus longue, afin de trouver une entreprise ou un nouveau prestataire de services approprié, que pour une activité pouvant être effectuée par quantité d'entreprises ou de prestataires de services.

(87) - Le 30 septembre 1995.

(88) - Le recours de M. Ziemann contre les sociétés Ziemann GmbH et Horst Bohn a été introduit le 9 octobre 1995.

(89) - Selon la Commission, le marché aurait été attribué à la société Horst Bohn le 1er octobre 1995.

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