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Document 61996CC0066
Opinion of Mr Advocate General Ruiz-Jarabo Colomer delivered on 10 July 1997. # Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund i Danmark, acting on behalf of Berit Høj Pedersen v Fællesforeningen for Danmarks Brugsforeninger and Dansk Tandlægeforening and Kristelig Funktionær-Organisation v Dansk Handel & Service. # Reference for a preliminary ruling: Sø- og Handelsretten - Denmark. # Equal treatment for men and women - Remuneration - Working conditions for a pregnant woman. # Case C-66/96.
Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 10 juillet 1997.
Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund i Danmark, agissant pour Berit Høj Pedersen contre Fællesforeningen for Danmarks Brugsforeninger et Dansk Tandlægeforening et Kristelig Funktionær-Organisation contre Dansk Handel & Service.
Demande de décision préjudicielle: Sø- og Handelsretten - Danemark.
Egalité de traitement entre hommes et femmes - Rémunération - Conditions de travail d'une femme enceinte.
Affaire C-66/96.
Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 10 juillet 1997.
Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund i Danmark, agissant pour Berit Høj Pedersen contre Fællesforeningen for Danmarks Brugsforeninger et Dansk Tandlægeforening et Kristelig Funktionær-Organisation contre Dansk Handel & Service.
Demande de décision préjudicielle: Sø- og Handelsretten - Danemark.
Egalité de traitement entre hommes et femmes - Rémunération - Conditions de travail d'une femme enceinte.
Affaire C-66/96.
Recueil de jurisprudence 1998 I-07327
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1997:354
Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 10 juillet 1997. - Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund i Danmark, agissant pour Berit Høj Pedersen contre Fællesforeningen for Danmarks Brugsforeninger et Dansk Tandlægeforening et Kristelig Funktionær-Organisation contre Dansk Handel & Service. - Demande de décision préjudicielle: Sø- og Handelsretten - Danemark. - Egalité de traitement entre hommes et femmes - Rémunération - Conditions de travail d'une femme enceinte. - Affaire C-66/96.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-07327
1 Le Sø- og Handelsret (Danemark) a soumis à la Cour, au titre de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle comportant différentes hypothèses, afin de résoudre quatre litiges dont il est saisi au sujet des droits dont les employées bénéficient en matière de travail durant la grossesse.
Avant de répondre à cette question, j'exposerai la législation nationale pertinente et les faits des quatre litiges au principal, en suivant les indications figurant dans l'ordonnance de renvoi.
La législation nationale
A - La loi n_ 516, du 23 juillet 1987, relative aux rapports juridiques entre employeurs et employés
2 Le rapport de travail des demanderesses est soumis à la loi n_ 516, du 23 juillet 1987, relative aux rapports juridiques entre employeurs et employés (ci-après la «loi relative aux employés»), dont relèvent un grand nombre d'employés de commerce et de bureau, qui régit, entre autres questions de droit du travail, le licenciement, l'indemnité de licenciement, l'inexécution des obligations des employeurs et des employés, la maladie, la protection de la grossesse et le congé de maternité.
La situation juridique des employées est également régie, en cas de maladie et d'incapacité de travail pour cause de grossesse et d'accouchement, par la loi n_ 639, du 17 juillet 1992, relative à l'égalité de rémunération entre hommes et femmes, qui a transposé dans le droit danois la directive 75/117/CEE (1) (ci-après la «directive 75/177»), par la loi n_ 244, du 19 avril 1989, relative à l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'emploi et le congé de maternité, qui a transposé en droit danois la directive 76/207/CEE (2) (ci-après la «directive 76/207»), et par la loi n_ 852, du 20 décembre 1989, relative aux indemnités journalières pour cause de maladie ou d'accouchement (ci-après la «loi sur les indemnités journalières»).
3 Dans la loi relative aux employés qui est, selon l'ordonnance de renvoi, celle qui a été appliquée aux demanderesses, l'incapacité de travail pour cause de maladie et ses conséquences sont prévues à l'article 5, paragraphe 1, qui stipule: «Si un employé n'est pas en mesure, pour raison de maladie, de s'acquitter de ses tâches, l'arrêt de travail qui en résulte sera considéré comme couvert par un empêchement légitime de l'employé, à moins que, postérieurement à la conclusion du contrat de travail, il n'ait contracté la maladie intentionnellement ou à la suite d'une grave négligence ou que, lors de l'embauche, il n'ait dissimulé, dans une intention frauduleuse, qu'il était atteint de la maladie en question».
La notion de maladie recouvre toute affection ou infirmité physique ou psychique qui implique, de l'avis d'un médecin, que l'employé ne peut pas s'acquitter de ses tâches. En cas de maladie, l'employé perçoit la totalité du salaire, et l'employeur a droit au remboursement des indemnités journalières, prestation de sécurité sociale à laquelle l'employé aurait eu droit.
4 L'article 7 de la loi relative aux employés règle la situation des employées durant leur grossesse et leur congé de maternité. L'employée est tenue d'indiquer à l'employeur, au moins trois mois avant le terme prévu pour l'accouchement, la date à laquelle elle entend faire débuter son congé de maternité.
L'article 7, paragraphe 2, première phrase, de la loi stipule que, «en cas de grossesse d'une employée, l'employeur est tenu de lui verser la moitié de son salaire pendant cinq mois au maximum à compter du début de l'incapacité de travail, cette période débutant au plus tôt trois mois avant l'accouchement et s'achevant au plus tard trois mois après l'accouchement». La deuxième phrase ajoute que «l'employeur est soumis à la même obligation lorsqu'il estime que, même si l'employée n'est pas inapte au travail, il ne peut pas l'employer».
B - La loi sur les indemnités journalières
5 Les travailleurs salariés ont le droit de percevoir les indemnités journalières dans plusieurs hypothèses:
- article 5: les «indemnités journalières de maladie» sont accordées lorsque le travailleur est en situation d'incapacité de travail totale pour cause de maladie;
- article 12, paragraphe 1: les «indemnités journalières de maternité» sont accordées à la femme à partir de la date à laquelle on estime qu'il reste quatre semaines à courir jusqu'à l'accouchement;
- article 12, paragraphe 2: les «indemnités journalières de maternité anticipées» sont versées avant cette date:
1) si, selon un certificat médical, la grossesse a une évolution pathologique qui entraînerait, en cas de poursuite de l'activité professionnelle, un risque pour la santé de la mère ou du foetus, ou
2) si la nature particulière du travail comporte un risque pour le foetus, ou si les dispositions légales en vigueur font obstacle à ce que la femme puisse continuer à effectuer son travail pendant sa grossesse, et que l'employeur ne lui a pas proposé un autre emploi approprié.
En cas d'arrêt de travail pour cause de grossesse, d'accouchement ou d'adoption, c'est la commune qui verse les indemnités journalières.
6 La juridiction nationale de renvoi précise que l'incapacité de travail due à la grossesse ou à l'accouchement ne confère pas les mêmes droits salariaux que l'incapacité de travail pour cause de maladie. En pratique, l'incapacité de travail peut donner lieu, chez la femme enceinte, aux situations suivantes:
- si l'incapacité de travail n'est pas causée par la grossesse et survient avant le début du congé de maternité, l'article 5 de la loi relative aux employés lui est applicable et elle a droit au versement de l'intégralité de son salaire;
- si l'incapacité de travail est causée par la grossesse et survient avant les trois mois précédant l'accouchement, l'employée n'a le droit de percevoir aucun salaire, mais elle a droit au versement des indemnités journalières;
- si l'incapacité de travail survient dans les trois mois précédant le terme prévu pour l'accouchement, l'employeur doit, en vertu de l'article 7, paragraphe 2, première phrase, de la loi relative aux employés, lui verser la moitié de son salaire.
La juridiction de renvoi ajoute que l'employée est tenue, à la demande de l'employeur, d'apporter la preuve de son incapacité de travail, qui doit avoir été établie par un médecin. Il n'est pas nécessaire que ce dernier précise les causes de son incapacité de travail, mais il doit indiquer si l'incapacité de travail est liée à la grossesse.
Les employés bénéficient des droits conférés par la loi sur les indemnités journalières en plus des droits que leur confère la loi relative aux employés.
C - La circulaire n_ 191, du 27 octobre 1994, relative aux indemnités journalières de maladie et de maternité, adoptée par la Sociale Ankestyrelse
7 La circulaire n_ 191, du 27 octobre 1994, relative aux indemnités journalières de maladie et de maternité (ci-après la «circulaire n_ 191») comporte, sous son chapitre 8, spécialement sous les points 171, 172 et 175 (3), une série de dispositions d'application régissant le versement des indemnités journalières avant les quatre semaines qui précèdent le terme prévu pour l'accouchement. Ces dispositions prévoient, pour ce qui intéresse le cas d'espèce:
«171: La femme a droit à des indemnités journalières de maternité anticipées lorsque, selon l'avis du médecin, le déroulement de la grossesse présente un caractère pathologique qui entraînerait, en cas de poursuite de l'activité professionnelle, un risque pour la santé de la mère ou du foetus. Les exemples cités sous ce point sont le risque de fausse-couche, la grossesse multiple qui entraîne un risque accru de fausse-couche ou d'accouchement prématuré; la toxémie gravidique avec hypertension, albuminurie et (ou) oedème; les cas particuliers de vomissements violents et (ou) fréquents affectant l'état général et entraînant une incapacité de travail; les hémorragies vaginales; le décollement prématuré du placenta; le relâchement pelvien, ainsi que les affections psychiques graves liées à la grossesse, en particulier les cas de syndrome de stress associé à la grossesse ayant des répercussions si graves qu'ils peuvent être considérés comme relevant de la notion de maladie.»
La juridiction nationale précise que cette disposition correspond à la troisième hypothèse de la question préjudicielle.
«172: Lorsque la femme se trouve dans une situation d'incapacité de travail totale, les indemnités journalières de maternité anticipées lui sont versées si la grossesse aggrave considérablement une maladie (par exemple affections du dos, du coeur, des poumons ou des reins) qui, par ailleurs, n'a aucun rapport avec la grossesse, ou si la grossesse empêche le traitement de la maladie.»
Ces indemnités journalières sont également versées en cas d'arrêt de travail due à une incapacité de travail provoquée par un avortement, y compris par une interruption volontaire de grossesse.
La juridiction de renvoi indique que cette disposition correspond aux première et deuxième hypothèses de la question préjudicielle.
«175: Le droit au versement des indemnités journalières est exclu dans certaines situations, en particulier en présence de troubles courants associés à un déroulement normal de la grossesse, qui n'entraînent pas une incapacité de travail, tels que nausées, malaises, vomissements, légère anémie ou légère hypertension, si l'arrêt de travail est justifié par un certificat médical recommandant le repos qui n'est pas motivé par l'existence d'une situation pathologique proprement dite ou de risques particuliers pour le foetus.»
La juridiction de renvoi relève que cette disposition correspond aux quatrième et cinquième hypothèses de la question préjudicielle.
8 Le juge national fait valoir que certains partenaires sociaux sont en désaccord sur l'interprétation qui doit être donnée des dispositions de la loi relative aux employés régissant l'incapacité de travail pour cause de maladie et l'incapacité de travail pour cause de grossesse. Les travailleurs font valoir, à cet égard, que, en vertu des dispositions du droit communautaire relatives à l'égalité de traitement entre hommes et femmes, la loi danoise relative aux employés doit être interprétée en ce sens qu'elle confère aux femmes le droit de percevoir aussi l'intégralité de leur salaire lorsque l'incapacité de travail est provoquée par la grossesse. Les employeurs, pour leur part, défendent la thèse selon laquelle le droit communautaire ne fait pas obstacle à ce que cette loi soit interprétée en ce sens qu'elle refuse aux femmes le droit de percevoir la totalité de leur salaire en cas d'incapacité de travail causée par la grossesse, alors qu'elles perçoivent des indemnités journalières.
Les faits des litiges pendants devant le Sø- og Handelsret
9 Les litiges à l'occasion desquels la question préjudicielle soumise à la Cour s'est posée sont au nombre de quatre. Dans tous les cas, les demanderesses sont des travailleuses salariées dont le rapport de travail est régi par la loi relative aux employés. Toutes ont souffert de troubles durant le déroulement de leur grossesse, et toutes ont été déclarées en état d'incapacité de travail totale ou partielle, sur la foi de certificats médicaux, avant les trois mois précédant le terme prévu pour l'accouchement. Trois d'entre elles ont été mises en arrêt de travail, sans droit au versement d'aucun salaire de l'employeur (premier, deuxième et quatrième litiges), alors que la dernière, dont l'incapacité de travail partielle lui aurait permis de travailler avec un horaire réduit, a été relevée de son emploi et son salaire suspendu, son employeur considérant qu'il ne pouvait continuer à l'employer. Les médecins avaient diagnostiqué un relâchement pelvien (premier litige), une fausse-couche imminente avec risque pour la santé de l'intéressée et pour le foetus (deuxième et troisième litiges) et une hyperémèse gravidique (quatrième litige).
10 Les faits qui ressortent de l'ordonnance de renvoi sont, dans le premier litige, les suivants: la demanderesse, Mme Berit Høj Pedersen, avait été embauchée comme auxiliaire de vente en décembre 1990 par la défenderesse, qui fait partie d'une chaîne de supermarchés à l'échelle nationale. Son travail consistait principalement à ranger les marchandises et à les placer sur les rayonnages, et à effectuer diverses tâches de caractère général dans le magasin.
La demanderesse s'est trouvée enceinte en mai 1992. Un relâchement pelvien ayant été diagnostiqué, elle a été en situation d'incapacité de travail entre le 26 juin 1992 et l'accouchement, qui s'est produit en février de l'année suivante. La défenderesse a estimé que l'arrêt de travail était dû à la grossesse, et non à une maladie proprement dite, et elle a donc cessé de lui verser son salaire dès le moment où le premier certificat médical lui a été présenté.
Avant les trois mois précédant le terme prévu pour l'accouchement, la demanderesse n'a perçu que les indemnités journalières de maternité anticipées prévues à l'article 12, paragraphe 2, de la loi sur les indemnités journalières. Puis elle a perçu, en plus, jusqu'à un mois avant le terme prévu pour l'accouchement, la moitié du salaire versée par l'employeur, en vertu de l'article 7 de la loi relative aux employés. Durant le mois qui a précédé le terme prévu pour l'accouchement, la demanderesse a perçu la totalité de son salaire, conformément aux dispositions de la convention collective dont elle relevait.
11 Dans le deuxième litige exposé par la juridiction de renvoi, la demanderesse, Mme Bettina Andresen, avait été embauchée le 1er août 1991 comme assistante dentaire par M. Jørgen Bagner, dentiste. La demanderesse, enceinte, a été déclarée le 25 août 1993 en situation d'incapacité de travail en raison d'un risque de fausse-couche, l'accouchement étant prévu pour le 24 avril 1994. Les certificats médicaux qui lui ont été délivrés indiquaient que la poursuite de son activité professionnelle entraînerait un risque pour la santé de la demanderesse ou pour le foetus. En septembre 1993, le défendeur a cessé de lui verser son salaire et l'a invitée à solliciter les indemnités journalières de maternité anticipées.
12 Dans le troisième litige, la demanderesse, Mme Tina Pedersen, avait été embauchée le 1er septembre 1984 comme apprentie assistante dentaire par M. Jørgen Rasmussen, dentiste. Après la fin de son apprentissage, elle a occupé un emploi relevant de la loi relative aux employés. Du fait de sa grossesse, son médecin l'a déclarée le 4 février 1994 en état d'incapacité de travail partielle en raison du risque de fausse-couche, l'accouchement étant prévu pour le 5 juin 1994. Le médecin a indiqué que la poursuite de son activité professionnelle entraînerait un risque pour la santé de la demanderesse et (ou) pour celle du foetus.
La demanderesse a informé son employeur par téléphone de la situation dans laquelle elle se trouvait et lui a fait savoir qu'elle souhaitait reprendre son travail avec un horaire réduit. Le défendeur a fait savoir qu'il n'était pas disposé à l'employer à temps partiel et qu'il devait embaucher un remplaçant à temps complet puisque, selon lui, la demanderesse n'était pas en mesure de s'acquitter de ses tâches de manière normale. L'employeur a ensuite informé la demanderesse qu'il avait embauché un remplaçant à temps complet pour occuper son poste durant son absence, et qu'il ne continuerait pas à lui verser son salaire, et l'a donc invitée à solliciter les indemnités journalières de maternité anticipées.
13 Dans le quatrième litige, la demanderesse, Mme Pia Sørensen, a commencé le 1er août 1989 à travailler comme apprentie pour la défenderesse, Hvitfeldt Guld og Sølv Aps. Après la fin de sa période d'apprentissage, elle a été définitivement embauchée comme vendeuse à un poste de travail relevant de la loi relative aux employés. A la mi-janvier 1994, la demanderesse, souffrant de fortes nausées, a constaté qu'elle était enceinte. Par certificat médical du 25 janvier 1994, elle a été déclarée en situation d'incapacité de travail pour une période de quatre semaines, en raison des fortes nausées et des vomissements dont elle souffrait, à laquelle s'est ajoutée une perte de poids rapide, de sorte qu'elle a dû être hospitalisée. Le 4 mars 1994, une hyperémèse gravidique a été diagnostiquée, avec un risque pour la santé de la mère et du foetus, et elle a donc été déclarée en état d'incapacité de travail pour quatre mois et demi en raison de sa grossesse. A partir du mois de février 1994, la défenderesse a cessé de lui verser son salaire.
La question préjudicielle soumise à la Cour
14 Le Sø- og Handelsret a estimé nécessaire de suspendre ces procédures et de soumettre à la Cour, en vertu de l'article 177 du traité, une question préjudicielle ainsi libellée:
«Le droit communautaire, notamment l'article 119 du traité CE, la directive 75/117/CEE, la directive 76/207/CEE et la directive 92/85/CEE (4), s'oppose-t-il à ce qu'une législation nationale dispense l'employeur de verser leur salaire aux travailleuses enceintes lorsque
1) l'absence est due au fait que la grossesse aggrave sensiblement une maladie qui n'est pas liée par ailleurs à la grossesse,
2) l'absence est due à une maladie causée par la grossesse,
3) l'absence est due au fait que la grossesse a un déroulement pathologique et que la poursuite de l'activité professionnelle comporterait un risque pour la santé de la femme ou du foetus,
4) l'absence est due aux troubles courants de la grossesse au cours d'une grossesse à déroulement normal qui ne comporte pas par ailleurs d'incapacité de travail,
5) l'absence s'explique par la recommandation médicale de ménager le foetus, mais dans l'hypothèse où cette recommandation médicale n'est pas fondée sur un état véritablement pathologique ou des risques particuliers pour le foetus,
6) l'absence est due au fait que l'employeur, du seul fait de la grossesse, estime ne pas pouvoir employer la force de travail de la travailleuse enceinte bien que celle-ci ne soit pas inapte au travail,
et que, dans les situations 1 à 3 et 6, l'État garantit à la travailleuse enceinte des indemnités journalières au même taux que celles qu'elle percevrait en cas de congé de maladie, tandis que, dans les cas 4 et 5, l'État ne verse pas d'indemnités journalières, et lorsqu'il existe en outre, en vertu de la législation nationale, une obligation pour l'employeur de verser l'intégralité du salaire en cas de maladie?»
La législation communautaire applicable
15 Selon les dispositions de l'article 119 du traité:
«Chaque État membre assure ... l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail.
Par rémunération, il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.
...».
16 La directive 75/117 stipule, sous son article 1er:
«Le principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, qui figure à l'article 119 du traité ... implique, pour un même travail ou pour un travail auquel est attribuée une valeur égale, l'élimination, dans l'ensemble des éléments et conditions de rémunération, de toute discrimination fondée sur le sexe.
...».
17 La directive 76/207, relative à l'application, entre les États membres, du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, y compris la promotion, et à la formation professionnelle, et les conditions de travail, stipule, sous son article 2:
«1. Le principe de l'égalité de traitement au sens des dispositions ci-après implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement, par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial.
...
3. La présente directive ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité.
...»;
et, sous son article 5:
«L'application du principe de l'égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, implique que soient assurées aux hommes et aux femmes les mêmes conditions, sans discrimination fondée sur le sexe.
...».
18 La directive 92/85, qui a pour but de mettre en oeuvre des mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé dans le cadre de leur travail des travailleuses enceintes, venant d'accoucher ou allaitant leur enfant, devait être transposée dans le droit interne des États membres au plus tard deux ans après son adoption, c'est-à-dire le 19 octobre 1994.
A mon avis, cette directive n'est pas applicable ratione temporis aux faits des litiges au principal puisque, selon ce qui ressort du rappel des faits auquel le juge national procède dans son ordonnance de renvoi, les revendications des travailleuses en matière de droit du travail se limitent à la période de la grossesse, et que toutes ont accouché avant le 19 octobre 1994. Rien n'indique non plus si la législation danoise avait déjà été adaptée à cette date.
19 Des observations écrites ont été présentées, dans le délai imparti à cet effet par l'article 20 du statut CE de la Cour de justice, par les demanderesses et les défenderesses dans les litiges au principal, qui les ont formulées en commun, par le gouvernement français, par le gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission. A l'audience ont comparu les avocats des demanderesses et des défenderesses, et les représentants du gouvernement français et de la Commission.
20 Les demanderesses, qui ont analysé chacune des six hypothèses reprises dans la question préjudicielle, estiment que:
- si l'incapacité de travail de la femme, attestée par un certificat médical, est due au fait que la grossesse aggrave considérablement une maladie non liée à la grossesse (première hypothèse) ou est due à une maladie causée par la grossesse (deuxième hypothèse), situations dans lesquelles l'État lui garantit le versement d'indemnités journalières d'un montant égal à celui qu'elle percevrait en cas de congé de maladie, il est contraire au droit communautaire, et en particulier à l'article 119 du traité, que la législation nationale dispense l'employeur de lui payer l'intégralité de son salaire, puisque ces travailleuses auraient ce droit si leur incapacité n'était pas liée à la grossesse;
- si l'incapacité de travail est due au fait que le déroulement de la grossesse revêt un caractère pathologique, de telle sorte que la poursuite de l'activité professionnelle entraînerait un risque pour la santé de la femme et (ou) celle du foetus (troisième hypothèse), situation dans laquelle l'État lui garantit également le versement d'indemnités journalières d'un montant identique à celui qu'elle percevrait en cas de congé de maladie, il est contraire au droit communautaire que les femmes ne puissent percevoir que ces indemnités alors que les autres travailleurs perçoivent l'intégralité de leur salaire en cas de maladie, la grossesse étant une situation qui affecte seulement les femmes;
- si l'arrêt de travail est dû à des troubles communs associés à une grossesse dont le déroulement est normal et ne donne pas lieu à une incapacité de travail (quatrième hypothèse), ou s'il résulte d'un certificat délivré par un médecin recommandant le repos, sans que celui-ci soit motivé par l'existence d'une situation pathologique proprement dite ou de risques particuliers pour le foetus (cinquième hypothèse), situations dans lesquelles les femmes n'ont pas droit au versement des indemnités journalières, il doit être assimilé à une maladie, bien qu'il n'y ait pas véritablement état pathologique, et une disposition nationale qui permet que les employées se trouvant dans ces situations ne perçoivent ni salaire ni indemnités journalières est contraire au droit communautaire;
- si l'arrêt de travail de la femme est dû au fait que l'employeur estime, du seul fait de la grossesse, ne plus pouvoir recourir aux services de la travailleuse, bien que celle-ci ne remplisse pas les conditions requises pour être mise en congé (sixième hypothèse), situation dans laquelle l'État lui garantit des indemnités journalières d'un montant identique à celui qu'elle percevrait en cas de congé de maladie, il est contraire au droit communautaire qu'une disposition nationale oblige une employée en mesure de travailler à accepter un salaire inférieur à celui auquel elle a droit, seules les femmes pouvant se trouver dans cette situation.
A l'audience, l'avocat du Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund i Danmark, représentant Mmes Høj Pedersen, Andresen et Pedersen, demanderesses, respectivement, dans les premier, deuxième et troisième litiges, a informé la Cour que ces litiges avaient été portés devant le Conseil national du droit médical, organe suprême spécialisé dans les questions médicales affectant les particuliers, qui, à une date postérieure à la saisine de la Cour, a conclu que ses trois clientes avaient été absentes de leur poste de travail pour une cause liée à la grossesse, qui pouvait être considérée comme une maladie.
21 Les défenderesses soutiennent que les employées en situation d'incapacité de travail causée par la grossesse ne peuvent être considérées comme malades et que, de ce fait, leurs droits en matière de salaire ne relèvent pas du domaine d'application de l'article 119 du traité. Puisque seules les femmes peuvent prétendre à une compensation pour les absences dues à la grossesse, il n'est pas possible d'effectuer une comparaison avec le droit des hommes à la perception du salaire dans une situation équivalente, et on ne saurait donc parler de discrimination salariale.
Les défenderesses ajoutent, à titre subsidiaire, que des raisons objectives justifient le refus de verser aux demanderesses l'intégralité de leur salaire: la législation danoise traduit une répartition équitable et adéquate des risques et des charges économiques liés à la grossesse, entre les travailleuses, les employeurs et la société; le refus de verser aux travailleuses l'intégralité de leur salaire en cas de grossesse ne constitue pas une discrimination à leur encontre, il est dû au fait que la grossesse est, du point de vue du marché du travail, une situation extraordinaire dont la charge ne saurait incomber intégralement à l'employeur; et il faut considérer que la grossesse est un état dans lequel les employées se trouvent, normalement, de manière délibérée, de sorte que les absences liées à cet état ne peuvent pas être assimilées à une maladie imprévue.
22 Le gouvernement français examine si la rémunération perçue en cas d'incapacité de travail due à la grossesse constitue une rémunération au sens de l'article 119, deuxième alinéa, du traité. Le libellé même de cette disposition, ainsi que la jurisprudence de la Cour, l'amènent à répondre par l'affirmative. Partant de l'hypothèse que les indemnités journalières que perçoit la femme enceinte dont l'incapacité de travail est due à la grossesse sont inférieures au salaire qu'elle percevrait si cette incapacité était due à une maladie étrangère à la grossesse, il conclut que la différence de traitement établie par la législation danoise est contraire au principe de l'égalité de rémunération, et qu'aucune circonstance objective ne permet de justifier cette différence au détriment des femmes enceintes.
23 Le Royaume-Uni estime qu'il convient de distinguer deux situations: d'une part, celle où la femme est absente de son poste de travail durant le congé de maternité établi par le droit national et, d'autre part, celle où son absence a lieu en dehors de ce congé.
Si l'absence a lieu durant le congé de maternité, moment auquel se produisent normalement les troubles propres à la grossesse et à l'accouchement, ni l'article 119 du traité ni les directives 75/117 et 76/207 ne garantissent à la femme le droit de percevoir de l'employeur l'intégralité de son salaire, ni des allocations d'un même montant que les indemnités journalières de maladie, ni un niveau de rémunération spécifique. La seule exigence découlant de ces dispositions est que la rémunération ou la prestation qu'une femme perçoit pendant le congé de maternité ne soit pas d'un niveau tel qu'il l'empêche en pratique d'exercer effectivement son droit au congé de maternité, mais la décision sur le montant précis que la femme doit percevoir dans ces cas ressortit à la compétence du législateur national.
En revanche, la femme qui, en dehors du congé de maternité, s'absente de son poste de travail en raison d'une maladie causée par la grossesse doit être traitée de la même manière que tout autre employé, homme ou femme, se trouvant en situation d'incapacité de travail.
Le Royaume-Uni en conclut qu'une disposition nationale en vertu de laquelle une femme qui est absente de son poste de travail, en dehors du congé de maternité, en raison d'une maladie liée à la grossesse, perçoit une rémunération inférieure à celle d'un homme malade ou à celle d'une femme dont la maladie n'est pas liée à la grossesse est contraire à l'article 119 du traité et aux directives 75/117 et 76/207.
24 La Commission propose d'apporter une réponse commune aux première, deuxième et troisième hypothèses, pour différentes raisons: parce que tous ces cas entraînent une incapacité de travail attestée par un certificat médical; parce que cette incapacité de travail est due à une maladie liée à la grossesse ou aggravée par celle-ci; parce que l'État garantit aux femmes qui se trouvent dans l'une de ces situations le versement d'indemnités journalières du même montant que celui qu'elles percevraient en cas d'arrêt de travail pour maladie, et parce que la loi relative aux employés dispense l'employeur de verser la totalité du salaire lorsque l'incapacité de travail est liée à la grossesse.
A cet égard, elle affirme, en premier lieu, que le salaire que l'employeur verse à un employé malade, au titre de l'article 5 de la loi relative aux employés, ou à une employée enceinte, au titre de l'article 7 de la même loi, relève de la notion de rémunération figurant à l'article 119 du traité telle que la jurisprudence de la Cour l'a interprétée. En deuxième lieu, elle affirme que les première, deuxième et troisième hypothèses sont comparables à celles dans lesquelles un travailleur, quel que soit son sexe, doit interrompre ses activités pour cause de maladie. Puisque seules les femmes peuvent être enceintes, l'article 7, paragraphe 2, de la loi relative aux employés, qui oblige l'employeur à payer seulement la moitié du salaire, durant une période déterminée, aux femmes qu'une maladie liée à la grossesse empêche de travailler, opère une discrimination directe consistant à appliquer des règles différentes à des situations comparables et est incompatible avec l'article 119 du traité, même si l'État verse les indemnités journalières, dans la mesure où, par ailleurs, l'article 5 de la même loi oblige l'employeur à verser la totalité du salaire aux travailleurs en cas d'arrêt de travail pour maladie.
En ce qui concerne les quatrième et cinquième hypothèses, la Commission note que l'on n'est pas en présence de véritables incapacités de travail ni de maladies attestées par certificat médical, et qu'elles pourraient être assimilées, dans une certaine mesure, à l'absence de la femme de son poste de travail durant le congé de maternité. La situation d'une femme n'étant pas, dans ces hypothèses, comparable à celle d'un travailleur masculin malade, le fait de refuser à la femme le droit de percevoir son salaire ne constitue pas une violation des dispositions de l'article 119 du traité.
Au sujet de la sixième hypothèse, la Commission affirme, en premier lieu, que la disposition figurant à l'article 7, paragraphe 2, de la loi relative aux employés, en vertu de laquelle l'employeur qui estime qu'il lui est impossible de continuer à fournir du travail à une femme enceinte peut l'obliger à cesser de travailler bien qu'elle n'ait pas été déclarée en situation d'incapacité de travail, en étant, pour sa part, simplement tenu de lui verser la moitié de son salaire durant une période limitée, opère une discrimination directe en matière de conditions de travail contraire à l'article 2, paragraphe 1, et à l'article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 et que, en deuxième lieu, elle ne peut pas être considérée comme une disposition destinée à protéger la femme en raison de la grossesse ou de la maternité, au sens de l'article 2, paragraphe 3, de la directive 76/207, puisque c'est l'employeur qui prend la décision, de manière unilatérale et dans son propre intérêt.
Enfin, en ce qui concerne la directive 92/85, la Commission estime que les litiges dont la juridiction de renvoi est saisie paraissent être antérieurs à l'adaptation du droit danois aux dispositions de cette directive. Elle ajoute que, en tout état de cause, l'article 7, paragraphe 2, de la loi relative aux employés, dans la mesure où il reconnaît à l'employeur le droit de décider s'il peut ou non continuer à employer une travailleuse enceinte pendant que celle-ci se trouve dans cet état, est incompatible avec les dispositions de cette directive.
Analyse de la question préjudicielle
25 Je dois souligner, avant d'entamer l'examen de la question préjudicielle, que la juridiction nationale, qui a sursis à statuer sur quatre litiges, a posé une question comportant six hypothèses. Je souhaiterais faire, à ce propos, quelques observations:
1) En premier lieu, les quatrième et cinquième hypothèses n'ont aucun rapport avec les quatre litiges pendants, puisqu'aucune des demanderesses ne s'est trouvée dans l'une de ces situations. Pour cette raison, je proposerai à la Cour d'examiner la recevabilité de la question préjudicielle en ce qui concerne ces deux hypothèses.
2) En deuxième lieu, la sixième hypothèse, qui correspond aux faits du troisième litige, doit recevoir une réponse à la lumière du principe de l'égalité de traitement en ce qui concerne l'accès à l'emploi et aux conditions de travail, établi par la directive 76/207, puisque, à mon avis, le refus de verser le salaire n'est que la conséquence du refus d'emploi.
3) En troisième lieu, en comparant les faits qui sont à l'origine des trois litiges restants avec les première, deuxième et troisième hypothèses, on relève que les diagnostics portés sur les demanderesses coïncident avec les deuxième et troisième hypothèses, mais non avec la première hypothèse. Malgré cela, j'estime, comme la Commission, que ces trois hypothèses peuvent et doivent recevoir une réponse conjointe à la lumière du principe de l'égalité de rémunération établi à l'article 119 du traité et clarifié par la directive 75/117, une fois regroupées en fonction de leurs caractéristiques communes: l'arrêt de travail de la femme est justifié par une incapacité de travail attestée par un certificat médical, cette incapacité de travail est provoquée par la grossesse et, pour cette raison, l'employeur est autorisé à suspendre le versement du salaire alors que, si l'incapacité de travail était due à une maladie non liée à la grossesse, l'employeur serait tenu de verser l'intégralité du salaire.
J'examinerai donc, successivement, la recevabilité de la question préjudicielle en ce qui concerne les quatrième et cinquième hypothèses; la réponse à apporter dans les première, deuxième et troisième hypothèses; et, en dernier lieu, la réponse à apporter dans la sixième hypothèse.
A - La recevabilité de la question préjudicielle en ce qui concerne les quatrième et cinquième hypothèses
26 Ces deux hypothèses correspondent, respectivement, aux cas où la femme est absente de son poste de travail en raison de troubles courants de la grossesse, au cours d'une grossesse dont le déroulement est normal et ne donne pas lieu à une incapacité de travail, et aux cas où l'absence est justifiée par un certificat délivré par un médecin recommandant le repos sans se fonder sur l'existence d'un état véritablement pathologique ou de risques particuliers pour le foetus. Dans ces deux hypothèses, l'employeur est dispensé de l'obligation de verser le salaire et les employées n'ont pas droit au versement des indemnités journalières à la charge de l'État.
27 L'ordonnance de renvoi indique toutefois qu'aucune des demanderesses dans les quatre litiges n'a eu une grossesse dont le déroulement ait été normal, et que toutes se sont vu délivrer un certificat médical attestant qu'elles étaient dans une situation d'incapacité de travail totale ou partielle. Aucune d'entre elles n'a donc pu se trouver dans l'un de ces cas.
Il s'agit d'hypothèses théoriques que le juge saisi soumet à la Cour pour couvrir toutes les possibilités qu'offre la circulaire n_ 191, mais qui n'ont pas de rapport avec les quatre litiges qu'il expose dans l'ordonnance. De fait, le juge affirme que les quatrième et cinquième hypothèses de la question préjudicielle correspondent à la disposition figurant sous le point 175 de cette circulaire, qui prévoit précisément ces deux situations.
28 Il existe une jurisprudence bien établie concernant le rôle attribué respectivement aux juges nationaux et à la Cour de justice dans le cadre de la procédure de coopération prévue à l'article 177 du traité. Selon cette jurisprudence, le juge national, qui est seul à avoir une connaissance directe des faits de l'affaire, est le mieux placé pour apprécier, compte tenu des particularités du cas d'espèce, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour (5), alors qu'il incombe à cette dernière d'examiner les conditions dans lesquelles le juge national lui soumet la question préjudicielle. L'esprit de collaboration qui doit présider au fonctionnement du mécanisme préjudiciel implique donc que, pour sa part, le juge national ait égard à la fonction confiée à la Cour, qui est de contribuer à l'administration de la justice dans les États membres, et non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques (6).
29 Eu égard à cette mission, la Cour a jugé qu'elle ne pouvait se prononcer sur une question préjudicielle formulée par une juridiction nationale lorsque l'interprétation ou l'examen de la validité d'une règle communautaire demandés par cette juridiction n'ont aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige principal (7), ou lorsqu'elle est appelée à statuer sur un problème qui est de nature hypothétique, sans disposer des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de manière utile (8). La Cour a ajouté, à cet égard, qu'il est indispensable que la juridiction nationale explique les raisons pour lesquelles elle considère qu'une réponse à ses questions est nécessaire à la solution du litige, afin d'être en mesure de vérifier si l'interprétation du droit communautaire qui est sollicitée présente un rapport avec la réalité et l'objet du litige au principal. S'il apparaît que la question posée n'est manifestement pas pertinente pour la solution de ce litige, la Cour doit constater le non-lieu à statuer (9).
30 A la lumière de cette jurisprudence, et considérant qu'aucune des demanderesses dans les litiges pendants devant la juridiction nationale ne s'est trouvée dans les situations correspondant aux quatrième et cinquième hypothèses de la question préjudicielle - puisqu'aucune d'entre elles n'a eu une grossesse dont le déroulement ait été normal, toutes ayant été déclarées en situation d'incapacité de travail totale ou partielle par un certificat médical -, j'estime qu'une réponse de la Cour interprétant le droit communautaire applicable à ces deux hypothèses ne serait pas utile au juge national pour la solution des litiges dont il est saisi. Pour cette raison, je propose à la Cour de se prononcer pour l'irrecevabilité de la question préjudicielle en ce qui concerne ces quatrième et cinquième hypothèses.
B - Les première, deuxième et troisième hypothèses de la question préjudicielle
31 Les première, deuxième et troisième hypothèses font référence à la disposition figurant à l'article 7, paragraphe 2, première phrase, de la loi danoise relative aux employées, qui prévoit que l'incapacité de travail établie par un certificat médical donne lieu à un traitement salarial plus défavorable lorsqu'elle est liée à la grossesse. C'est cette disposition qui a permis aux employeurs des demanderesses, Mmes Høj Pedersen (premier litige), Andresen (deuxième litige) et Sørensen (quatrième litige), sur lesquelles avaient été diagnostiqués, durant leur grossesse, respectivement un relâchement pelvien, un risque de fausse-couche et une hyperémèse gravidique, et qui avaient dû arrêter leur activité professionnelle, de cesser de leur verser leur salaire, en les invitant à solliciter les indemnités de maternité anticipées.
32 Je déduis du libellé de la question préjudicielle et de son exposé des motifs que la juridiction nationale souhaite savoir, au travers de ces trois hypothèses, si l'article 119 du traité et la directive 75/117 s'opposent à une disposition nationale qui prévoit que, lorsque l'incapacité de travail d'une femme enceinte, établie par certificat médical, est liée à la grossesse, l'employeur est seulement tenu de verser la moitié du salaire, durant une période maximale de cinq mois comprise entre les trois mois précédant l'accouchement et les trois mois suivant l'accouchement, alors que, dans le cas d'une incapacité de travail non liée à la grossesse, l'employeur doit verser à ses employés l'intégralité de leur salaire.
33 Il est nécessaire d'apporter tout d'abord une précision concernant la législation communautaire dont l'interprétation est demandée. L'ordonnance de renvoi se réfère aussi bien à l'article 119 du traité qu'à la directive 75/117. Or la Cour a affirmé que la directive 75/117, dont le but est de déterminer les conditions nécessaires à la réalisation du principe de l'égalité de rémunération entre travailleurs masculins et travailleurs féminins, n'affecte en rien le contenu ou la portée de ce principe, tel qu'il ressort de l'article 119 du traité (10).
Ainsi donc, toute conclusion à laquelle on parviendra sur l'application de la notion de rémunération qui figure à l'article 119 du traité dans les hypothèses formulées sera également valable au regard de la directive 75/117.
34 Il ne fait pas de doute que le principe de l'égalité de rémunération entre travailleurs masculins et féminins pour un même travail, qui figure à l'article 119 du traité, fait partie des fondements de la Communauté (11). Cet article définit, de manière large, ce qu'il convient d'entendre par rémunération, terme qui recouvre «le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier». Cette définition a été complétée par la jurisprudence de la Cour qui, depuis 1971, a inclus dans cette notion les avantages «actuels ou futurs» (12) et a ajouté, en 1990, que les avantages consentis par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier relèvent de la notion de rémunération, qu'ils «soient [versés] en vertu d'un contrat de travail, de dispositions législatives ou à titre volontaire» (13).
Depuis lors, à titre d'exemple, et sans que cette énumération prétende être exhaustive, la Cour a jugé que relevaient de la notion de rémunération les avantages en matière de transport qu'une société de chemin de fer consentait à ses employés lors de leur départ à la retraite et qui étaient étendus aux membres de leur famille (14); les prestations accordées au travailleur à l'occasion de son licenciement, de même que les pensions versées par les régimes professionnels privés (15); l'indemnité versée par un employeur aux membres du comité d'entreprise, sous forme de congé rémunéré ou de rétribution des heures supplémentaires, au titre de leur participation à des stages de formation dispensant des connaissances nécessaires à l'activité des comités d'entreprise même si, pendant ces stages, ils n'exercent aucune des activités prévues par leur contrat de travail (16); le droit à l'affiliation à un régime de pension d'entreprise (17); le maintien de la rémunération du travailleur par l'employeur en cas de maladie (18), et la prestation que l'employeur verse, en vertu des dispositions législatives ou en raison des conventions collectives, à un travailleur féminin pendant la durée de son congé de maternité (19).
35 Le principe de non-discrimination entre travailleurs masculins et féminins établi à l'article 119 s'oppose à une réglementation qui permet de verser une rémunération différente aux travailleurs masculins et aux travailleurs féminins, alors qu'ils effectuent un même travail ou un travail de valeur égale (20). La Cour a admis que l'article 119, premier alinéa, du traité s'applique directement, sans nécessité de mesures d'application communautaires ou nationales, à toutes les formes de discrimination directes et ouvertes susceptibles d'être constatées à l'aide des seuls critères d'identité de travail et d'égalité de rémunération retenus dans cette disposition (21).
36 Depuis l'arrêt de la Cour Rinner-Kühn (22), il ne fait aucun doute que le maintien du versement du salaire par l'employeur durant la période du congé de maladie du travailleur est compris dans la notion de rémunération de l'article 119 du traité. Il convient maintenant d'examiner si le maintien du versement du salaire par l'employeur à une femme enceinte dont l'incapacité de travail est provoquée par la grossesse relève également de cette notion.
37 Selon la disposition du droit danois contestée, l'obligation de l'employeur en matière de rémunération est limitée, dans ce cas, au versement de la moitié du salaire durant une période maximale de cinq mois comprise entre les trois mois précédant et les trois mois suivant l'accouchement. Si l'on se réfère à la définition de la rémunération qui figure à l'article 119, il s'agit d'une fraction du salaire versée directement par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier, en vertu d'une disposition légale. Je pense donc que le maintien du salaire dans ce cas relève également de cette notion de rémunération.
La question qui reste à résoudre maintenant se limite donc à savoir si une femme enceinte dont l'incapacité de travail est due à la grossesse a droit au même traitement du point de vue salarial qu'un homme en situation d'incapacité de travail pour maladie.
38 La Cour s'est déjà prononcée à plusieurs reprises sur l'application du principe de l'égalité de traitement entre travailleurs masculins et féminins lorsque les droits d'une femme enceinte en matière de travail sont en jeu. Cependant, à ce jour, toutes les affaires ont porté sur le droit à l'accès à l'emploi ou aux mêmes conditions de travail figurant dans la directive 76/207 (23).
39 D'autre part, dans son arrêt Gillespie e.a. (24), la Cour s'est prononcée sur le principe de l'égalité de rémunération appliqué à la prestation versée à la femme durant le congé de maternité. Elle a affirmé que «les femmes qui bénéficient d'un congé de maternité prévu par la législation nationale se trouvent dans une situation spécifique qui exige qu'une protection spéciale leur soit accordée, mais qui ne peut pas être assimilée à celle d'un homme ni à celle d'une femme qui occupe effectivement son poste de travail» et que, la directive 92/85 n'étant pas applicable ratione temporis aux faits de l'espèce au principal, «ni l'article 119 du traité CEE ni l'article 1er de la directive 75/117 n'imposaient de maintenir la rémunération intégrale des travailleurs féminins pendant leur congé de maternité» (25).
40 A partir de cette interprétation de la Cour, il est clair que, durant le congé de maternité, les demanderesses ne pouvaient se fonder ni sur l'article 119 du traité ni sur la directive 75/117 pour invoquer le droit à l'intégralité du salaire puisque, durant cette période, la situation spécifique dans laquelle elles se trouvaient ne pouvait être assimilée à celle d'un homme qui occupait effectivement son poste de travail.
41 Le problème qui se pose est celui de savoir s'il faut considérer que l'incapacité de travail de la femme enceinte causée par sa grossesse doit être assimilée à un congé de maternité «anticipé», auquel cas elle ne pourrait pas non plus se fonder sur les dispositions précitées pour invoquer le droit à l'intégralité du salaire.
A mon sens, cette question appelle une réponse négative, pour plusieurs raisons: en premier lieu, parce que la durée du congé de maternité est fixée à l'avance et ne dépend pas du temps nécessaire à chaque intéressée pour se remettre des effets de l'accouchement, alors que la durée de l'incapacité de travail de la femme enceinte due à la grossesse est uniquement fonction du temps jugé nécessaire pour son rétablissement; en deuxième lieu, parce qu'on n'exige pas que la femme soit malade pour pouvoir bénéficier du congé de maternité, alors que l'existence d'un grave problème de santé est la condition sine qua non pour que le certificat médical d'incapacité de travail soit délivré à la femme enceinte; enfin, parce que, pendant le congé de maternité, la femme est dispensée non seulement de travailler, mais aussi de toute autre obligation liée à son contrat de travail, alors que la femme enceinte déclarée en situation d'incapacité de travail, quelle qu'en soit l'origine, est tenue de contribuer à son rétablissement en se soumettant au traitement thérapeutique prescrit par le médecin.
42 Mais, en quoi donc, durant la grossesse, et avant le début du congé de maternité, l'incapacité de travail d'une femme causée par sa grossesse se distingue-t-elle de celle d'un homme atteint d'une maladie?
Lorsque je compare les deux situations, je dois avouer que, en ce qui concerne leur situation en matière de travail, je ne perçois aucune différence entre l'incapacité de travail de la femme enceinte due à la grossesse et celle d'un homme malade. En effet, l'un comme l'autre sont atteints d'une affection dont la réalité est attestée au moyen d'un certificat médical; pour cette raison, aucun des deux ne peut, temporairement, occuper son poste de travail et, pendant qu'ils sont en situation d'incapacité de travail, il existe une chance raisonnable que tant la femme dont la santé est altérée par la grossesse que l'homme qui est malade se rétablissent et réintègrent leur poste, puisque l'incapacité de travail s'achève normalement par l'attestation médicale de rétablissement du travailleur.
43 En conclusion, du point de vue de ses droits et obligations en matière de travail, une femme enceinte en situation d'incapacité de travail due à la grossesse, attestée par un certificat médical, est dans une position bien différente de celle de la femme qui bénéficie de son congé de maternité et, pour l'essentiel, égale à celle de l'homme en situation d'incapacité de travail pour cause de maladie.
44 Pourtant, la disposition nationale contestée établit une différence de traitement salarial sur la base de l'origine de la maladie et, en pratique, les droits salariaux de la femme enceinte en situation d'incapacité de travail seront, selon que sa maladie est ou non liée à la grossesse, inférieurs ou égaux à ceux d'un homme malade. Puisqu'il s'agit d'un critère de différenciation qui tient compte d'une circonstance qui, par définition, ne peut toucher que les femmes, il constitue une discrimination directe fondée sur le sexe contraire à l'article 119 du traité, et qui n'est donc susceptible d'aucune justification.
45 Pour les raisons que je viens d'exposer, je propose que la Cour réponde, dans les première, deuxième et troisième hypothèses de la question préjudicielle, que le principe de l'égalité de rémunération établi à l'article 119 du traité et précisé à l'article 1er de la directive 75/117 s'oppose à une disposition nationale qui prévoit que, lorsque l'incapacité de travail d'une femme enceinte, attestée par un certificat médical, est liée à la grossesse, l'employeur est seulement tenu de lui verser la moitié de son salaire pendant une période maximale de cinq mois comprise entre les trois mois précédant et les trois mois suivant l'accouchement, alors que, en cas d'incapacité de travail non liée à la grossesse, l'employeur doit verser à ses employés l'intégralité de leur salaire.
C - La sixième hypothèse de la question préjudicielle
46 Je suppose que, en formulant cette hypothèse, la juridiction nationale souhaite savoir si le principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, établi par la directive 76/207, s'oppose à une disposition nationale telle que celle figurant à l'article 7, paragraphe 2, de la loi relative aux employés, en vertu de laquelle, en cas de grossesse d'une employée, l'employeur est tenu de lui verser la moitié de son salaire durant une période maximale de cinq mois comprise entre les trois mois précédant et les trois mois suivant l'accouchement lorsqu'il estime que, bien que l'employée ne soit pas en situation d'incapacité de travail, il ne peut continuer à lui fournir du travail.
Sur la base de cette disposition, Mme Pedersen, demanderesse dans le troisième litige, qui travaillait depuis le 1er septembre 1984 pour un dentiste, M. Rasmussen, qui avait été déclarée en situation d'incapacité de travail partielle par certificat médical du 4 février 1994 en raison d'un risque de fausse-couche, et dont l'accouchement était prévu pour le 5 juin, a été relevée de son emploi et son salaire suspendu, l'employeur n'ayant pas accédé à sa demande de travail à temps partiel.
Comme je l'ai déjà indiqué sous le point 25, deuxième alinéa, bien que, ici aussi, l'employeur refuse de verser le salaire à l'employée, je pense que ce cas ne peut être résolu en appliquant le principe de l'égalité de rémunération, mais qu'il doit être examiné à la lumière des dispositions de la directive 76/207, puisque le refus de verser le salaire n'est que la conséquence du refus d'emploi.
47 Le juge national affirme dans l'ordonnance de renvoi que, en vertu des dispositions de la loi relative aux employés, il appartient exclusivement à l'employeur de décider s'il peut ou non continuer à fournir du travail à une employée enceinte. Il observe que les raisons expliquant cette disposition sont probablement que l'employeur, compte tenu des caractéristiques du poste de travail, peut exiger de l'employée une capacité de travail telle qu'elle justifie que l'intéressée cesse son activité à une date antérieure au début de la période de trois mois qui précède l'accouchement, et l'employeur doit pouvoir justifier la nécessité de congédier l'employée, sans toutefois que les conditions requises pour que cette justification soit fournie soient précisées.
48 Le principe de l'égalité de traitement établi par la directive 76/207 ne fait pas obstacle, aux termes de son article 2, paragraphe 3, aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité. C'est cette disposition qui assure une couverture juridique à toutes les mesures de protection adoptées par les États membres telles que la reconnaissance, exclusivement aux femmes, d'un congé de maternité.
A cet égard, la Cour a jugé que, en réservant aux États membres le droit de maintenir ou d'introduire des dispositions destinées à protéger la femme en ce qui concerne la grossesse et la maternité, l'article 2, paragraphe 3, de la directive 76/207 reconnaît la légitimité, par rapport au principe de l'égalité, de la protection de la condition biologique de la femme pendant et après la grossesse, d'une part, et de la protection des rapports particuliers entre la femme et son enfant au cours de la période qui suit la grossesse et l'accouchement, d'autre part (26).
Pour pouvoir être couvertes par cette exception, les mesures doivent donc être directement destinées à protéger la femme qui se trouve dans l'une de ces situations.
49 Or la disposition danoise contestée, qui permet à l'employeur de décider discrétionnairement s'il peut ou non continuer à fournir du travail à une employée enceinte, uniquement du fait qu'elle est dans cet état - puisqu'elle n'exige pas que la femme ait été déclarée en situation d'incapacité de travail -, ne saurait être couverte par l'exception de l'article 2, paragraphe 3, de la directive 76/207 puisque, loin de protéger la femme enceinte, elle établit la possibilité de la priver temporairement de travail sur simple décision de l'employeur.
Il convient donc d'examiner cette règle à la lumière des autres dispositions de la directive, qui imposent la stricte égalité de traitement entre les travailleurs masculins et féminins et, concrètement, de son article 5, paragraphe 1, aux termes duquel l'application du principe de l'égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, implique que les mêmes conditions soient assurées aux hommes et aux femmes, sans discrimination fondée sur le sexe.
50 Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, «une discrimination ne peut consister que dans l'application de règles différentes à des situations comparables ou bien dans l'application de la même règle à des situations différentes» (27). La Cour a déjà jugé que tant le refus d'embaucher une femme enceinte (28) que le licenciement d'une employée en raison de sa grossesse (29) constituent des discriminations directes fondées sur le sexe.
51 La disposition danoise contestée accorde à l'employeur la possibilité de se passer temporairement des services d'une employée enceinte, bien qu'elle ne se trouve pas en situation d'incapacité de travail, lorsqu'il estime qu'il ne peut continuer à lui fournir du travail. Or cette possibilité ne lui est pas ouverte à l'égard d'un travailleur masculin qui n'aurait pas été déclaré en situation d'incapacité de travail et, alors que l'une et l'autre sont capables de travailler et disposés à le faire, ce n'est que dans le cas des femmes qu'il pourra se passer de leurs services, pendant leur grossesse.
Par conséquent, une disposition nationale ainsi libellée, qui instaure une différence de traitement entre travailleurs masculins et féminins qui ne sont pas en arrêt de travail pour raisons médicales et sont donc en mesure de travailler, instaure une discrimination directe fondée sur le sexe, contraire à l'article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207, en adoptant comme critère d'application un état dans lequel seules les femmes peuvent se trouver.
52 Pour les raisons que je viens d'exposer, j'estime qu'il faut répondre, dans la sixième hypothèse de la question préjudicielle soumise à la Cour, que le principe de l'égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, établi à l'article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207, s'oppose à une disposition nationale qui, en cas de grossesse d'une employée n'ayant pas été déclarée en situation d'incapacité de travail, permet à l'employeur de décider discrétionnairement s'il peut ou non continuer à lui fournir du travail, en étant seulement tenu de lui verser la moitié de son salaire durant une période maximale de cinq mois comprise entre les trois mois précédant et les trois mois suivant l'accouchement.
Conclusion
A la lumière des considérations précédentes, je propose à la Cour de
1) juger que la question préjudicielle soumise par le Sø- og Handelsret est irrecevable en ce qui concerne les quatrième et cinquième hypothèses;
2) répondre sur les première, deuxième, troisième et sixième hypothèses de cette même question préjudicielle de la manière suivante:
«a) Le principe de l'égalité de rémunération établi à l'article 119 du traité et précisé à l'article 1er de la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, s'oppose à une disposition nationale prévoyant que, lorsque l'incapacité de travail d'une femme enceinte, attestée par certificat médical, est liée à la grossesse, l'employeur est seulement tenu de lui verser la moitié de son salaire durant une période maximale de cinq mois comprise entre les trois mois précédant et les trois mois suivant l'accouchement, alors que, dans le cas d'une incapacité de travail non liée à la grossesse, l'employeur doit verser à ses employés l'intégralité de leur salaire.
b) L'article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, s'oppose à une disposition nationale qui, en cas de grossesse d'une employée n'ayant pas été déclarée en situation d'incapacité de travail, permet à l'employeur de décider discrétionnairement s'il peut ou non continuer à lui fournir du travail, en étant seulement tenu de lui payer la moitié de son salaire durant une période maximale de cinq mois comprise entre les trois mois précédant et les trois mois suivant l'accouchement.»
(1) - Directive du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (JO L 45, p. 19).
(2) - Directive du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40).
(3) - La juridiction de renvoi affirme, dans son ordonnance, que le libellé de ces points correspond à celui des points 90, 91 et 93 de la circulaire n_ 5, du 22 mars 1990.
(4) - Directive du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) (JO L 348, p. 1), ci-après la «directive 92/85».
(5) - Arrêts du 29 novembre 1978, Pigs Marketing Board (83/78, Rec. p. 2347, point 25); du 28 novembre 1991, Durighello (C-186/190, Rec. p. I-5773, point 8), et du 16 juillet 1992, Lourenço Dias (C-343/90, Rec. p. I-4673, point 15).
(6) - Arrêts du 16 décembre 1981, Foglia (244/80, Rec. p. 3045, points 18 et 20); du 3 février 1983, Robards (149/82, Rec. p. 171, point 19), et Lourenço Dias, précité (note 5), point 17.
(7) - Arrêts du 16 juin 1981, Salonia (126/80, Rec. p. 1563, point 6); Durighello, précité (note 5), point 9; du 28 mars 1996, Ruiz Bernáldez (C-129/94, Rec. p. I-1829, point 7), et du 12 décembre 1996, Kontogeorgas (C-104/95, Rec. p. I-6643, point 11).
(8) - Arrêt du 16 juillet 1992, Meilicke (C-83/91, Rec. p. I-4871, points 32 et 33).
(9) - Arrêt Lourenço Dias, précité (note 5), points 19 et 20.
(10) - Arrêts du 11 mars 1981, Worringham et Humphreys (69/80, Rec. p. 767, point 21); du 31 mars 1981, Jenkins (96/80, Rec. p. 911, point 22); du 3 décembre 1987, Newstead (192/85, Rec. p. 4753, point 20), et du 17 mai 1990, Barber (C-262/88, Rec. p. I-1889, point 11).
(11) - Arrêt du 8 avril 1976, Defrenne (43/75, Rec. p. 455, point 12).
(12) - Arrêt du 25 mai 1971, Defrenne (80/70, Rec. p. 445, point 6).
(13) - Arrêt Barber, précité (note 10), point 20.
(14) - Arrêt du 9 février 1982, Garland (12/81, Rec. p. 359, point 9).
(15) - Arrêt Barber, précité (note 10), points 20 et 30.
(16) - Arrêts du 4 juin 1992, Bötel (C-360/90, Rec. p. I-3589, points 14 et 15), et du 6 février 1996, Lewark (C-457/93, Rec. p. I-243, point 23).
(17) - Arrêts du 13 mai 1986, Bilka (170/84, Rec. p. 1607, point 22), et du 28 septembre 1994, Vroege (C-57/93, Rec. p. I-4541, point 15), et Fisscher (C-128/93, Rec. p. I-4583, point 12).
(18) - Arrêt du 13 juillet 1989, Rinner-Kühn (171/88, Rec. p. 2743, point 7).
(19) - Arrêt du 13 février 1996, Gillespie e.a. (C-342/93, Rec. p. I-475, point 14).
(20) - Arrêt Gillespie e.a., précité (note 19), point 15.
(21) - Arrêts du 8 avril 1976, Defrenne, précité (note 11), point 18; du 27 mars 1980, Macarthys (129/79, Rec. p. 1275, point 10); Worringham et Humphreys, précité (note 10), point 23, et Jenkins, précité (note 10), point 17.
(22) - Arrêt précité (note 18). Il s'agissait de la loi allemande sur le maintien du salaire en cas de maladie selon laquelle l'employeur doit maintenir, au profit du travailleur qui, postérieurement à son entrée en service, se trouve empêché d'accomplir son travail, par suite d'inaptitude au travail et sans faute de sa part, le paiement de la rémunération pendant la période d'inaptitude au travail jusqu'à concurrence d'une durée de six semaines, l'organisme gestionnaire lui remboursant une partie du salaire si l'entreprise emploie moins de 20 personnes.
(23) - Il s'agit des arrêts du 8 novembre 1990, Dekker (C-177/88, Rec. p. I-3941); du 5 mai 1994, Habermann-Beltermann (C-421/92, Rec. p. I-1657); du 14 juillet 1994, Webb (C-32/93, Rec. p. I-3567), et du 29 mai 1997, Larsson (C-400/95, Rec. p. I-2757).
(24) - Arrêt précité (note 19).
(25) - Arrêt précité (note 19), points 17, 19 et 20.
(26) - Arrêt du 12 juillet 1984, Hofmann (184/83, Rec. p. 3047, point 25).
(27) - Arrêt du 14 février 1995, Schumacker (C-279/93, Rec. p. I-225, point 30).
(28) - Arrêt Dekker, précité (note 23).
(29) - Arrêts Habermann-Beltermann et Webb, précités (note 23).