Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 61995TO0018

Ordonnance du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 10 décembre 1996.
Atlanta Handelsgesellschaft Harder & Co. GmbH et Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert & Co. contre Commission des Communautés européennes.
Organisation commune des marchés - Bananes - Recours en annulation - Irrecevabilité.
Affaire T-18/95.

Recueil de jurisprudence 1996 II-01669

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1996:182

61995B0018

Ordonnance du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 10 décembre 1996. - Atlanta Handelsgesellschaft Harder & Co. GmbH et Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert & Co. contre Commission des Communautés européennes. - Organisation commune des marchés - Bananes - Recours en annulation - Irrecevabilité. - Affaire T-18/95.

Recueil de jurisprudence 1996 page II-01669


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Recours en annulation ° Personnes physiques ou morales ° Actes les concernant directement et individuellement ° Règlement portant augmentation du contingent tarifaire d' importation de bananes en faveur des opérateurs victimes d' une catastrophe naturelle

(Traité CE, art. 173, alinéa 4; règlement de la Commission n 2791/94)

Sommaire


Est irrecevable le recours en annulation dirigé par des opérateurs économiques exerçant leurs activités dans le secteur de la banane contre le règlement n 2791/94, relatif à l' attribution exceptionnelle d' une quantité additionnelle au contingent tarifaire d' importation pour 1994, à la suite de la tempête Debbie.

D' une part, en effet, ce règlement constitue un acte normatif d' une portée générale. Il vise à remédier aux conséquences d' une catastrophe naturelle et répond aux objectifs de la politique agricole commune relatifs à la stabilisation du marché et au maintien de prix raisonnables dans les livraisons de bananes aux consommateurs, les opérateurs entre lesquels est répartie la quantité additionnelle étant définis de façon objective en fonction des dégâts causés par la tempête dont ils ont été victimes.

D' autre part, si le caractère normatif d' un règlement n' exclut pas qu' il puisse concerner individuellement, au sens de l' article 173, quatrième alinéa, du traité, certains des opérateurs intéressés, tel n' est pas le cas du règlement en cause. A cet égard, la circonstance que les requérants appartiennent à une catégorie fermée d' opérateurs qui n' a pas pu, en raison du type de livraisons qu' ils effectuent sur le marché communautaire, bénéficier du contingent additionnel ne suffit pas à les caractériser par rapport à toute autre personne, puisqu' ils se trouvent dans la même situation que tous les autres opérateurs, à quelque catégorie qu' ils appartiennent, qui n' en ont pas davantage bénéficié, parce qu' ils n' ont pas été affectés par la tempête, et, par ailleurs, le règlement n' a pas eu d' incidence sur les quantités de bananes qui leur étaient attribuées, pas plus qu' il n' a porté atteinte à des droits spécifiques dont ils étaient titulaires.

Parties


Dans l' affaire T-18/95,

Atlanta Handelsgesellschaft Harder & Co. GmbH, société de droit allemand, ayant son siège social à Brême (Allemagne),

Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert & Co., société de droit allemand, ayant son siège social à Hambourg (Allemagne),

représentées par Mes Erik A. Undritz, Gerrit Schohe et Helge Schaefer, avocats à Hambourg, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Marc Baden, 34 B, rue Philippe II,

parties requérantes,

soutenues par

République fédérale d' Allemagne, représentée par MM. Ernst Roeder, Ministerialrat au ministère fédéral de l' Économie, et Bernd Kloke, Oberregierungsrat au même ministère, en qualité d' agents,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Dierk Booss, conseiller juridique, et Klaus-Dieter Borchardt, membre du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord, représenté par M. Stephen Braviner, du Treasury Solicitor' s Department, en qualité d' agent, assisté de M. David Anderson, barrister, du barreau d' Angleterre et du pays de Galles, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade du Royaume-Uni, 14, boulevard Roosevelt,

et

République française, représentée par Mme Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et par M. Gautier Mignot, secrétaire des affaires étrangères, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade de France, 9, boulevard du Prince Henri,

parties intervenantes,

ayant pour objet l' annulation partielle du règlement (CE) n 2791/94 de la Commission, du 16 novembre 1994, relatif à l' attribution exceptionnelle d' une quantité additionnelle au contingent tarifaire d' importation de bananes pour 1994, à la suite de la tempête Debbie (JO L 296, p. 33),

LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. K. Lenaerts, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. H. Jung,

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt


Cadre juridique

1 Une organisation commune des marchés dans le secteur de la banane a été introduite par le règlement (CEE) n 404/93 du Conseil, du 13 février 1993 (JO L 47, p. 1, ci-après "règlement n 404/93"), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n 3290/94 du Conseil, du 22 décembre 1994, relatif aux adaptations et aux mesures transitoires nécessaires dans le secteur de l' agriculture pour la mise en oeuvre des accords conclus dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle d' Uruguay (JO L 349, p. 105).

2 Selon le règlement n 404/93, les bananes produites dans la Communauté (ci-après "bananes communautaires"), les bananes produites dans quelques-uns des États avec lesquels la Communauté a conclu la convention de Lomé (ci-après "bananes ACP") et les bananes produites dans d' autres États (ci-après "bananes pays tiers") sont assujetties à trois régimes différents.

3 En ce qui concerne les bananes communautaires, l' article 12, paragraphe 2, du règlement n 404/93 prévoit que "la quantité maximale de bananes communautaires commercialisées pouvant donner droit à l' octroi de l' aide compensatoire est fixée à 854 000 tonnes" (chaque année).

4 Selon l' article 15, deuxième alinéa, point 1, les importations traditionnelles des États ACP (ci-après "bananes traditionnelles ACP") correspondent aux quantités, fixées en annexe au règlement n 404/93, de bananes exportées par chaque fournisseur ACP traditionnel de la Communauté. Les bananes exportées par les États ACP qui dépassent ces quantités (ci-après "bananes non traditionnelles ACP") sont traitées comme les bananes pays tiers, sauf qu' elles sont soumises à des droits moins élevés.

5 L' article 18, paragraphe 1, du règlement n 404/93 prévoit qu' un contingent tarifaire de 2 millions de tonnes est ouvert chaque année pour les importations de bananes pays tiers et de bananes non traditionnelles ACP. Dans certaines circonstances, ce contingent peut être ajusté.

6 Pour 1994, le contingent tarifaire a été porté à 2 118 000 tonnes par le règlement (CE) n 2352/94 de la Commission, du 29 septembre 1994, portant augmentation du volume du contingent tarifaire pour 1994 et déterminant pour cette même année une période supplémentaire d' introduction des demandes de certificats d' importation de bananes au cours du quatrième trimestre (JO L 254, p. 61).

7 Selon l' article 19 du règlement n 404/93, le contingent tarifaire est ouvert à concurrence de 66,5 % à la catégorie des opérateurs commercialisant des bananes pays tiers et/ou des bananes non traditionnelles ACP (catégorie A), de 30 % à la catégorie des opérateurs commercialisant des bananes communautaires et/ou des bananes traditionnelles ACP (catégorie B), et de 3,5 % à la catégorie des opérateurs établis dans la Communauté qui ont commencé à commercialiser des bananes autres que les bananes communautaires et/ou traditionnelles ACP à partir de 1992 (catégorie C).

8 Le 10 septembre 1994, la tempête tropicale Debbie a causé des dégâts dans les bananeraies des régions communautaires de la Martinique et de la Guadeloupe, ainsi que dans les États ACP de Sainte-Lucie et de la Dominique.

9 A la suite de cette tempête, la Commission a adopté le règlement (CE) n 2791/94, du 16 novembre 1994, relatif à l' attribution exceptionnelle d' une quantité additionnelle au contingent tarifaire d' importation de bananes pour 1994, à la suite de la tempête Debbie (JO L 296, p. 33, ci-après "règlement n 2791/94" ou "règlement attaqué").

10 L' article 1er du règlement n 2791/94 dispose:

"1. Le contingent tarifaire de 2 118 000 tonnes poids net fixé pour l' année 1994 est porté à 2 171 400 tonnes poids net.

2. La quantité additionnelle de 53 400 tonnes poids net est affectée aux opérateurs déterminés en application de l' article 2 à raison de:

a) 30 000 tonnes aux opérateurs approvisionnant la Communauté en bananes de la Martinique;

b) 5 900 tonnes aux opérateurs approvisionnant la Communauté en bananes de la Guadeloupe;

c) 14 800 tonnes aux opérateurs approvisionnant la Communauté en bananes de Sainte-Lucie;

d) 2 700 tonnes aux opérateurs approvisionnant la Communauté en bananes de la Dominique."

11 La quantité additionnelle de 53 400 tonnes de bananes résulte du fait que, à la suite de la tempête, la Commission avait modifié le bilan prévisionnel pour l' année 1994, en réduisant la production communautaire de 35 900 tonnes pour la ramener à 607 100 tonnes et les importations des États ACP de 17 500 tonnes pour les ramener à 648 500 tonnes. Cette révision avait eu pour conséquence que le marché communautaire de la banane s' était trouvé sous-approvisionné à concurrence de 53 400 tonnes.

12 Selon le quatrième considérant du règlement n 2791/94, l' adaptation du contingent tarifaire doit permettre, "d' une part, d' approvisionner de façon suffisante le marché communautaire jusqu' à la fin de l' année 1994, d' autre part, de fournir une réparation aux opérateurs qui regroupent ou représentent directement les producteurs de bananes qui ont subi les dommages et qui risquent [...] de perdre durablement leurs débouchés traditionnels sur le marché communautaire".

13 Selon l' article 2 du règlement n 2791/94, les quantités mentionnées à l' article 1er, paragraphe 2, sont attribuées aux opérateurs qui représentent les producteurs de bananes qui ont subi les effets de la tempête Debbie et qui n' ont pas pu approvisionner pour leur propre compte le marché communautaire en bananes du fait des dommages occasionnés par cette tempête. Les autorités compétentes des États membres doivent déterminer les opérateurs satisfaisant aux conditions établies par l' article 2 et attribuer à chacun d' eux une allocation.

14 Les requérantes sont des importateurs de bananes pays tiers dans la Communauté, c' est-à-dire des opérateurs de la catégorie A, qui n' ont pu bénéficier de l' augmentation du contingent tarifaire prévue par le règlement n 2791/94.

La procédure et les conclusions des parties

15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 février 1995, les requérantes ont demandé l' annulation du règlement n 2791/94, à l' exception de son article 1er, paragraphe 1. Le 30 mars 1995, la Commission a déposé une exception d' irrecevabilité. Le 12 juin 1995, les requérantes ont déposé leurs observations sur l' exception d' irrecevabilité.

16 Le 13 juillet 1995, la République fédérale d' Allemagne a demandé à intervenir au litige à l' appui des conclusions des requérantes.

17 Les 19 et 27 juillet 1995, respectivement, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord et la République française ont demandé à intervenir à l' appui des conclusions de la Commission.

18 Par ordonnances du président de la quatrième chambre du Tribunal du 7 novembre 1995, la République fédérale d' Allemagne a été admise à intervenir à l' appui des conclusions des requérantes et la République française et le Royaume-Uni ont été admis à intervenir à l' appui des conclusions de la défenderesse.

19 Les requérantes concluent à ce qu' il plaise au Tribunal:

° annuler le règlement n 2791/94, à l' exception de l' article 1er, paragraphe 1, de celui-ci;

° condamner la défenderesse aux dépens.

20 La Commission conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° rejeter le recours comme irrecevable;

° condamner les requérantes aux dépens de l' instance.

21 La République fédérale d' Allemagne conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° rejeter la demande de la défenderesse.

22 La République française conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° rejeter le recours.

23 Le Royaume-Uni conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° déclarer le recours irrecevable.

Arguments des parties

24 La Commission excipe de l' irrecevabilité du recours aux motifs, premièrement, que les requérantes ne sont aucunement affectées par le règlement n 2791/94 et, deuxièmement, que, à supposer même qu' elles soient affectées, le règlement ne les concerne ni directement ni individuellement.

25 En premier lieu, la Commission soutient que le règlement n 2791/94 a été adopté pour aider les opérateurs qui ont été affectés par la tempête Debbie. Les requérantes, ne faisant pas partie de ces opérateurs, se trouveraient dans une situation factuelle distincte de la situation objective définie par le règlement n 2791/94.

26 En second lieu, s' agissant de la question de savoir si les requérantes sont directement concernées par le règlement n 2791/94, la Commission relève que la clé régissant la répartition de la quantité additionnelle prévue par ce règlement correspond à la décision de nature économique qui est à la base de celui-ci, à savoir accorder une compensation aux opérateurs qui ont subi les effets de la tempête Debbie. Le règlement n' aurait aucune influence sur la situation juridique des opérateurs qui, comme les requérantes, n' ont pas subi les effets de la tempête Debbie.

27 S' agissant de la question de savoir si les requérantes sont individuellement concernées, la Commission rappelle que, selon une jurisprudence bien établie, "la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l' identité des sujets de droit auxquels s' applique une mesure n' implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, tant qu' il est constant que cette application s' effectue en vertu d' une situation objective de droit ou de fait définie par l' acte en cause" (ordonnances de la Cour du 24 mai 1993, Arnaud e.a./Conseil, C-131/92, Rec. p. I-2573, point 13, et du 21 juin 1993, Chiquita Banana e.a./Conseil, C-276/93, Rec. p. I-3345, point 8). Or, fait valoir la Commission, l' article 2, paragraphe 1, du règlement n 2791/94 détermine la répartition du contingent tarifaire supplémentaire sur la base de critères objectifs et cette disposition est ainsi de caractère général et abstrait.

28 La Commission rappelle que les requérantes devraient être atteintes dans leur position juridique en raison d' une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et les individualise d' une manière analogue à celle d' un destinataire (voir arrêt de la Cour du 24 février 1987, Deutz et Geldermann/Conseil, 26/86, Rec. p. 941, point 9). Elle considère que le fait que les requérantes font partie des opérateurs de la catégorie A ne peut pas être considéré comme une situation de fait particulière au sens de cette jurisprudence. Par ailleurs, elle ajoute que les opérateurs de la catégorie A ne sont pas les seuls qui ne sont pas en mesure de bénéficier du contingent tarifaire supplémentaire; les opérateurs de la catégorie C ne pourraient pas non plus en bénéficier.

29 Les requérantes contestent, tout d' abord, l' argument de la Commission selon lequel elles ne sont aucunement affectées par le règlement n 2791/94. Elles considèrent que ce règlement leur a retiré le bénéfice de l' attribution du contingent tarifaire additionnel qui leur avait été garanti par le Conseil en vertu de l' article 19, paragraphes 1 et 4, du règlement n 404/93. Selon elles, le fait qu' elles sont concernées de manière négative ne saurait les priver de la possibilité d' agir au titre de l' article 173, quatrième alinéa, du traité CE.

30 Afin d' établir qu' elles sont directement concernées, les requérantes rappellent que le régime de répartition établi par le règlement n 2791/94 oblige les autorités nationales à leur refuser automatiquement les certificats d' importation "tempête Debbie", sans qu' elles disposent d' un pouvoir d' appréciation à cet égard.

31 En réponse à l' argument de la Commission, selon lequel elles ne sont pas directement concernées parce que le règlement n 2791/94 ne leur est pas applicable, les requérantes font valoir qu' une telle analyse aurait pour conséquence de permettre à la Commission, en commettant une violation du droit, en l' espèce en excluant certains opérateurs de la répartition de la quantité additionnelle de contingent tarifaire, de se mettre à l' abri d' un recours émanant de ces opérateurs.

32 En outre, l' argumentation de la Commission aurait pour conséquence l' irrecevabilité systématique des recours formés par des concurrents désavantagés, puisque tout concurrent exclu du bénéfice d' un système établi par un règlement ne serait pas considéré comme directement concerné du fait que le règlement en cause ne lui serait pas applicable.

33 Afin d' établir qu' elles sont individuellement concernées, les requérantes avancent trois arguments.

34 En premier lieu, elles font valoir que le régime de répartition exclut de la quantité additionnelle les opérateurs de la catégorie A, qui constituent un cercle restreint de sujets de droit dont elles font partie. Elles rappellent que la catégorie A est définie par l' article 19, paragraphe 1, du règlement n 404/93 comme regroupant les opérateurs qui ont commercialisé avant le 1er juillet 1993 des bananes pays tiers et/ou des bananes non traditionnelles ACP et que, après cette date, plus personne n' a pu entrer dans cette catégorie. Elles ajoutent que l' article 4 du règlement (CEE) n 1442/93 de la Commission, du 10 juin 1993, portant modalités d' application du régime d' importation de bananes dans la Communauté (JO L 142, p. 6), en excluant la possibilité de mise à jour des listes d' opérateurs, a confirmé que la catégorie A est un cercle fermé depuis le 1er juillet 1993. Cette situation caractériserait les opérateurs qui en font partie par rapport à toute autre personne et les individualiserait d' une manière analogue à celle d' un destinataire (arrêts de la Cour du 1er juillet 1965, Toepfer et Getreide-Import/Commission, 106/63 et 107/63, Rec. p. 525, 533, et du 13 mai 1971, International Fruit Company e.a./Commission, 41/70 à 44/70, Rec. p. 411, points 16 à 21; arrêt du Tribunal du 19 mai 1994, Consorzio gruppo di azione locale "Murgia Messapica"/Commission, T-465/93, Rec. p. II-361, points 25 à 26).

35 Les requérantes rappellent également que l' article 19 du règlement n 404/93 dispose que, dans l' hypothèse d' une augmentation du contingent tarifaire, 66,5 % de la quantité additionnelle doit être attribuée aux opérateurs de la catégorie A. Selon elles, le règlement n 2791/93 porte atteinte aux droits garantis par cet article à un cercle restreint de destinataires, dont chaque membre est ainsi individuellement concerné (voir, entre autres, les arrêts de la Cour du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C-152/88, Rec. p. I-2477, point 11, et du 31 mars 1977, Exportation des sucres/Commission, 88/76, Rec. p. 709, points 9 à 11).

36 En deuxième lieu, les requérantes font valoir que le règlement n 2791/94 n' est pas applicable en vertu d' une situation objective de droit ou de fait définie par l' acte en cause, puisqu' il n' a qu' une seule hypothèse d' application, à savoir l' attribution unique d' un contingent exceptionnel à certains opérateurs. Elles ajoutent que le règlement attaqué se distingue, à cet égard, du règlement n 404/93.

37 En troisième lieu, les requérantes font valoir qu' elles seraient privées d' une protection juridictionnelle effective si leur recours était déclaré irrecevable. Il leur serait impossible d' attaquer devant les juridictions nationales les certificats d' importation "tempête Debbie" octroyés à certains opérateurs de la catégorie B, étant donné qu' elles ne peuvent pas obtenir d' informations sur le contenu de ces certificats. Il leur serait tout aussi impossible de demander devant les juridictions nationales l' octroi de tels certificats, puisqu' une telle action supposerait la validité du règlement attaqué et que la question de savoir si le règlement est invalide serait ainsi exclue de l' objet du litige.

38 La République fédérale d' Allemagne considère que les requérantes sont individuellement concernées puisqu' elles appartiennent à un système fermé d' opérateurs et que toute intervention dans ce système au profit d' un certain groupe d' opérateurs vise automatiquement l' ensemble des autres acteurs. Invoquant l' arrêt du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil (C-309/89, Rec. p. I-1853), elle fait valoir que, dans cette affaire, il a suffi à la Cour, pour déclarer le recours recevable, de constater que la requérante devait être exclue du cercle des destinataires avantagés par le règlement attaqué. Or, en l' espèce, le règlement n 2791/94 retirerait aux requérantes un droit que leur reconnaît l' article 19 du règlement n 404/93.

39 La République fédérale d' Allemagne considère que les requérantes sont aussi directement concernées au motif qu' elles sont, de par la loi, exclues de la répartition du contingent d' importation.

40 Le Royaume-Uni fait valoir que le règlement n 2791/94 n' établit pas de discrimination en fonction de la catégorie d' opérateurs et que de nombreux négociants détiennent à la fois des certificats de la catégorie A et des certificats de la catégorie B. Il serait donc fallacieux de raisonner en termes d' un groupe d' "opérateurs de la catégorie A" qui serait dans l' impossibilité de bénéficier du règlement n 2791/94. La détermination des bénéficiaires par les autorités nationales compétentes aurait été faite en fonction non pas de la catégorie d' opérateurs à laquelle ils appartenaient, mais uniquement de la question de savoir s' ils satisfaisaient aux conditions énoncées aux articles 1er, paragraphe 2, et 2, paragraphe 1. Pour la même raison, il serait erroné de suggérer que le règlement n 2791/94 a avantagé les titulaires de certificats de la catégorie B en tant que groupe.

41 Le Royaume-Uni fait aussi observer qu' il est irréaliste d' interpréter le règlement attaqué comme "avantageant" les opérateurs auxquels la quantité additionnelle de 53 400 tonnes a été allouée. Son but n' aurait pas été de modifier l' équilibre entre les différents types d' opérateurs, mais d' assurer l' approvisionnement du marché communautaire et de fournir une réparation aux opérateurs qui ont subi des dommages du fait d' une catastrophe naturelle.

42 La République française considère que le règlement n 2791/94 présente incontestablement une portée économique générale puisqu' il tend à remédier aux conséquences d' une catastrophe naturelle qui a détruit une partie importante de la production communautaire et ACP de bananes. Cette mesure répondrait aux objectifs de la politique agricole commune relatifs à la stabilisation du marché et à la livraison, à des prix raisonnables, de bananes aux consommateurs communautaires. Le mode de répartition des certificats d' importation de la quantité additionnelle mis en place par le règlement n 2791/94 s' inscrirait donc dans la finalité d' une réglementation destinée à aider les opérateurs communautaires et ACP, seules victimes de la tempête Debbie. En considération de cet objectif, il serait alors justifié que les opérateurs qui ne sont pas affectés par la tempête Debbie ne puissent pas profiter de mesures qui ne s' appliquent pas à leur situation. La répartition de la quantité additionnelle de bananes entre les opérateurs victimes définis de façon objective ne remettrait donc pas en cause la portée générale de la mesure, même si ce critère permettrait d' identifier les bénéficiaires de la mesure.

43 La République française considère aussi que l' arrêt Codorniu/Conseil, précité, n' est pas applicable dans le cas d' espèce. D' une part, la mesure contestée n' aurait en rien porté atteinte à la situation existante des importateurs de bananes pays tiers, au nombre desquels figurent les requérantes dans le cadre du contingent prévu par le règlement n 404/93. D' autre part, si les requérantes n' ont pas bénéficié du contingent additionnel, cette circonstance ne suffirait pas à les caractériser par rapport à n' importe quelle autre personne, puisqu' elles se trouvent dans la même situation que tous les autres opérateurs des catégories A, B et C qui n' ont pas été affectés par la tempête Debbie. Aucune situation particulière de fait ne permettrait d' individualiser les requérantes, qui n' auraient subi aucune répercussion négative à la suite de la mise en oeuvre de mesures visant à remédier aux conséquences d' une tempête. Elles ne seraient atteintes par le règlement n 2791/94 qu' en tant que membre d' une catégorie d' opérateurs économiques envisagée abstraitement.

Appréciation du Tribunal

44 Le Tribunal rappelle liminairement que, en vertu de l' article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure, lorsqu' il est saisi d' une exception d' irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal; en l' espèce, le Tribunal estime qu' il est suffisamment éclairé par l' examen des pièces du dossier et qu' il n' y a pas lieu d' ouvrir la procédure orale.

45 L' argument de la Commission, selon lequel les requérantes ne sont aucunement affectées par le règlement n 2791/94, ne saurait être retenu. En effet, le Tribunal considère que, depuis la mise en place d' une organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, toute législation adoptée dans ce secteur est susceptible d' affecter, au moins potentiellement, la situation juridique des opérateurs économiques exerçant leurs activités dans ce secteur. Il convient donc d' examiner si, en l' espèce, les requérantes sont concernées directement et individuellement par le règlement n 2791/94.

46 En ce qui concerne, premièrement, la question de savoir si les requérantes sont individuellement concernées, le Tribunal relève que le règlement n 2791/94 vise à remédier aux conséquences d' une catastrophe naturelle et qu' il répond aux objectifs de la politique agricole commune relatifs à la stabilisation du marché et au maintien de prix raisonnables dans les livraisons de bananes au consommateurs de la Communauté. Les opérateurs entre lesquels est répartie la quantité additionnelle ajoutée au contingent tarifaire global sont définis de façon objective en fonction des dégâts causés par la tempête Debbie dont ils ont été victimes. Le Tribunal rappelle qu' il est de jurisprudence constante que la possibilité de déterminer le nombre ou même l' identité des sujets auxquels s' applique une mesure n' implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement, tant qu' il est constant que cette application s' effectue en vertu d' une situation objective de droit ou de fait définie par l' acte en cause (voir les arrêts du Tribunal du 21 février 1995, Campo Ebro e.a./Conseil, T-472/93, Rec. p. II-421, point 32, et du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T-480/93 et T-483/93, Rec. p. II-2305, point 65). En l' espèce, le règlement n 2791/94 constitue bien un acte normatif d' une portée générale.

47 Toutefois, le caractère normatif des actes attaqués n' exclut pas qu' ils puissent concerner individuellement certains des opérateurs économiques intéressés (arrêts de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C-358/89, Rec. p. I-2501, point 13; arrêts Codorniu/Conseil, précité, point 19, et Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité, point 66). Pour que des opérateurs puissent être considérés comme individuellement concernés par un acte de portée générale adopté par une institution communautaire, il faut qu' ils soient atteints dans leur position juridique en raison d' une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et les individualise d' une manière analogue à celle d' un destinataire (arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et arrêt Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité, point 66).

48 En l' espèce, le Tribunal constate que, même si les requérantes n' ont pas bénéficié du contingent additionnel, cette circonstance ne suffit pas à les caractériser par rapport à toute autre personne, puisqu' elles se trouvent dans la même situation que tous les autres opérateurs des catégories A, B et C qui n' ont pas été affectés par la tempête Debbie. Il convient de noter également que, comme le soulignent la Commission et le Royaume-Uni, la quantité additionnelle attribuée est destinée en principe à tous les opérateurs, quelle que soit la catégorie dont ils relèvent, et que les opérateurs de la catégorie A ne sont donc pas exclus d' emblée du bénéfice de cette quantité additionnelle.

49 La présente situation se distingue de celle en cause dans l' arrêt Codorniu/Conseil, précité, dans lequel une entreprise qui avait été empêchée par la disposition litigieuse de faire usage d' une marque qu' elle avait utilisée pendant une longue période se trouvait, de ce fait, mise en évidence par rapport à tous les autres opérateurs économiques. En l' espèce, les requérantes ne se trouvent pas dans une telle situation au regard du règlement n 2791/94, puisqu' elles n' ont subi aucun dégât en raison de la tempête Debbie, que le règlement n 2791/94 n' a pas eu d' incidence sur les quantités de bananes qui leur étaient attribuées, pas plus qu' il n' a porté atteinte à des droits spécifiques dont elles étaient titulaires (voir l' ordonnance de la Cour du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C-10/95 P, Rec. p. I-4149, point 43).

50 Le Tribunal constate également que l' argument des requérantes, selon lequel elles seraient privées d' une protection juridictionnelle effective si leur recours est déclaré irrecevable, ne saurait conduire le Tribunal à dépasser les limites de sa compétence posées par l' article 173, quatrième alinéa, du traité. Au demeurant, les requérantes n' ont pas indiqué de manière convaincante les obstacles qui les empêcheraient d' attaquer devant les juridictions nationales la décision des autorités compétentes de l' État membre dont elles relèvent, constatant qu' elles ne satisfont pas aux conditions requises par l' article 2 du règlement n 2791/94, et de contester, au vu de l' application qui en est faite, la validité de ces conditions (voir ci-dessus point 13). Une telle démarche permettrait aux juridictions nationales en cause de saisir la Cour de justice, en vertu de l' article 177 du traité, des questions préjudicielles qu' elles estimeraient appropriées dans le contexte du litige dont elles seraient saisies (voir l' arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Salt Union/Commission, T-330/94, Rec. p. II-0000, point 39).

51 Il ressort des considérations qui précèdent que le règlement n 2791/94 ne peut être considéré comme concernant individuellement les requérantes. Dès lors, la question de savoir si les requérantes sont directement concernées par le règlement n 2791/94 devient sans pertinence.

52 Il convient dès lors de faire droit à l' exception d' irrecevabilité soulevée par la Commission et de déclarer le présent recours irrecevable.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

53 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions et la Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens, ainsi que ceux exposés par la Commission. Aux termes de l' article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supporteront leurs propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne:

1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2) Les parties requérantes sont condamnées aux dépens et supporteront solidairement ceux exposés par la Commission. La République fédérale d' Allemagne, la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 10 décembre 1996.

Top