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Document 61995CJ0266

    Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 12 juin 1997.
    Pascual Merino García contre Bundesanstalt für Arbeit.
    Demande de décision préjudicielle: Bundessozialgericht - Allemagne.
    Sécurité sociale des travailleurs migrants - Règlement (CEE) nº 1408/71 - Champ d'application personnel - Notion de travailleur salarié - Prestations familiales.
    Affaire C-266/95.

    Recueil de jurisprudence 1997 I-03279

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1997:292

    61995J0266

    Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 12 juin 1997. - Pascual Merino García contre Bundesanstalt für Arbeit. - Demande de décision préjudicielle: Bundessozialgericht - Allemagne. - Sécurité sociale des travailleurs migrants - Règlement (CEE) nº 1408/71 - Champ d'application personnel - Notion de travailleur salarié - Prestations familiales. - Affaire C-266/95.

    Recueil de jurisprudence 1997 page I-03279


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    1 Sécurité sociale des travailleurs migrants - Prestations familiales - Travailleur salarié en congé non rémunéré soumis à la législation allemande - Enfants résidant dans un autre État membre - Notion de travailleur salarié aux fins du versement des prestations familiales - Application des critères prévus à l'article 1er, sous a), et à l'annexe I du règlement n_ 1408/71 - Effets - Refus d'octroi des prestations en vertu de la réglementation nationale - Admissibilité - Annexe I - Violation du traité - Absence

    (Traité CE; règlement du Conseil n_ 1408/71, art. 1er, a), i), ii), et 73 et annexe I, point I, C)

    2 Libre circulation des personnes - Travailleurs - Égalité de traitement - Avantages sociaux - Allocations familiales - Conditions de résidence des enfants à charge - Inadmissibilité

    (Traité CE, art. 48, § 2)

    Sommaire


    1 Dans la mesure où elle est assurée au titre d'une assurance obligatoire ou facultative continuée contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches d'un régime de sécurité sociale s'appliquant aux travailleurs salariés ou non salariés, une personne qui réside et travaille en Allemagne alors que ses enfants résident dans un autre État membre et qui, en accord avec son employeur, a pris un congé non rémunéré, relève de la notion de «travailleur salarié» au sens de l'article 1er, sous a), i), du règlement n_ 1408/71.

    Toutefois, aux fins du versement des prestations familiales au titre de la législation allemande, conformément à l'article 73 du règlement, la notion de travailleur salarié vise uniquement les travailleurs salariés qui répondent à la définition résultant de la lecture combinée des dispositions de l'article 1er, sous a), ii), et de l'annexe I, point I, C, du règlement, à savoir ceux qui sont assurés à titre obligatoire dans le cadre de l'un des régimes mentionnés dans ladite annexe. En effet, permettre à un travailleur se trouvant dans la situation décrite ci-dessus d'invoquer l'une des autres définitions de «travailleur salarié» prévues à l'article 1er, sous a), du règlement en vue de bénéficier des prestations familiales allemandes reviendrait à priver de tout effet utile cette disposition de l'annexe.

    L'annexe I, point I, C), du règlement ainsi interprétée ne viole aucune disposition du traité. En effet, dès lors qu'un travailleur qui se trouve dans la situation décrite ne répond pas à la définition résultant de la la lecture combinée des dispositions précitées et qu'il n'est, notamment, pas couvert par l'annexe, l'octroi ou non des prestations familiales dépend de l'application de la réglementation nationale et non de celle de l'annexe.

    Par ailleurs, la disposition de l'article 73 du règlement ne confère pas elle-même un droit à de telles prestations, mais vise notamment à empêcher qu'un État membre puisse faire dépendre l'octroi ou le montant de prestations familiales de la résidence des membres de la famille du travailleur dans l'État membre prestataire, afin de ne pas dissuader le travailleur communautaire d'exercer son droit à la libre circulation.

    2 L'article 48, paragraphe 2, du traité doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à l'application d'une réglementation nationale qui conduit à refuser l'octroi de prestations familiales à un travailleur salarié dont les enfants sont domiciliés dans un autre État membre, pour les mois de calendrier entiers compris dans un congé non rémunéré prolongé, alors que les travailleurs dont les enfants sont domiciliés dans le pays d'emploi y ont droit.

    En effet, une telle réglementation, à défaut de pouvoir s'appuyer sur des éléments objectifs de nature à la justifier, est discriminatoire à l'égard des travailleurs migrants, car ce sont principalement leurs enfants qui résident à l'étranger.

    Parties


    Dans l'affaire C-266/95,

    ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Bundessozialgericht (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

    Pascual Merino García

    et

    Bundesanstalt für Arbeit,

    une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation et la validité de l'annexe I, point I, C, du règlement (CEE) n_ 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n_ 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6), tel que modifié par le règlement (CEE) n_ 3427/89 du Conseil, du 30 octobre 1989 (JO L 331, p. 1),

    LA COUR

    (sixième chambre),

    composée de MM. G. F. Mancini (rapporteur), président de chambre, C. N. Kakouris, G. Hirsch, H. Ragnemalm et R. Schintgen, juges,

    avocat général: M. N. Fennelly,

    greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

    considérant les observations écrites présentées:

    - pour M. Merino García, par M. Angel González Maeztu, chef du service social du Consulat général d'Espagne à Stuttgart, en qualité d'agent,

    - pour le gouvernement allemand, par MM. Ernst Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, et Bernd Kloke, Oberregierungsrat au même ministère, en qualité d'agents,

    - pour le gouvernement espagnol, par M. Alberto José Navarro González, directeur général de la coordination juridique et institutionnelle communautaire, et Mme Gloria Calvo Díaz, abogado del Estado, du service juridique de l'État, en qualité d'agents,

    - pour le Conseil de l'Union européenne, par Mme Anna Lo Monaco et M. Stephan Marquardt, membres du service juridique, en qualité d'agents,

    - pour la Commission des Communautés européennes, par Mme Maria Patakia, membre du service juridique, et M. Horstpeter Kreppel, fonctionnaire national détaché auprès de ce service, en qualité d'agents,

    vu le rapport d'audience,

    ayant entendu les observations orales de M. Merino García, représenté par M. Angel González Maeztu, du gouvernement allemand, représenté par M. Ernst Röder, du gouvernement espagnol, représenté par M. Santiago Ortiz Vaamonde, abogado del Estado, du service juridique de l'État, en qualité d'agent, du Conseil, représenté par M. Guus Houttuin, membre du service juridique, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. Peter Hillenkamp, conseiller juridique, en qualité d'agent à l'audience du 23 janvier 1997,

    ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 6 mars 1997,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    1 Par ordonnance du 20 juin 1995, parvenue à la Cour le 8 août suivant, le Bundessozialgericht a posé des questions préjudicielles relatives à l'interprétation et à la validité de l'annexe I, point I, C, du règlement (CEE) n_ 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n_ 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p.6), tel que modifié par le règlement (CEE) n_ 3427/89 du Conseil, du 30 octobre 1989 (JO L 331, p. 1, ci-après le «règlement»).

    2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. Merino García à la Bundesanstalt für Arbeit à propos du refus de cette dernière de lui octroyer des allocations familiales pour les mois de février 1986 et de février 1987 pendant lesquels il était en congé non rémunéré.

    Sur le règlement

    3 A l'article 1er, sous a), du règlement, les termes «travailleur salarié» et «travailleur non salarié» sont définis comme désignant toute personne:

    «i) qui est assurée au titre d'une assurance obligatoire ou facultative continuée contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches d'un régime de sécurité sociale s'appliquant aux travailleurs salariés ou non salariés;

    ii) qui est assurée à titre obligatoire contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches auxquelles s'applique le présent règlement, dans le cadre d'un régime de sécurité sociale s'appliquant à tous les résidents ou à l'ensemble de la population active:

    - lorsque les modes de gestion ou de financement de ce régime permettent de l'identifier comme travailleur salarié ou non salarié,

    ou

    - à défaut de tels critères, lorsqu'elle est assurée au titre d'une assurance obligatoire ou facultative continuée contre une autre éventualité précisée à l'annexe I, dans le cadre d'un régime organisé au bénéfice des travailleurs salariés ou non salariés, ou d'un régime visé au point iii) ou en l'absence d'un tel régime dans l'État membre concerné, lorsqu'elle répond à la définition donnée à l'annexe I;

    iii) qui est assurée à titre obligatoire contre plusieurs éventualités correspondant aux branches auxquelles s'applique le présent règlement dans le cadre d'un régime de sécurité sociale organisé d'une manière uniforme au bénéfice de l'ensemble de la population rurale selon les critères fixés à l'annexe I;

    iv) qui est assurée à titre volontaire contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches auxquelles s'applique le présent règlement, dans le cadre d'un régime de sécurité sociale d'un État membre organisé au bénéfice des travailleurs salariés ou non salariés ou de tous les résidents ou de certaines catégories de résidents:

    - si elle exerce une activité salariée ou non salariée,

    ou

    - si elle a été antérieurement assurée à titre obligatoire contre la même éventualité dans le cadre d'un régime organisé au bénéfice des travailleurs salariés ou non salariés du même État membre.»

    4 En vertu de l'article 13, paragraphe 1, du même règlement, les personnes auxquelles le règlement est applicable ne sont en principe soumises qu'à la législation d'un seul État membre.

    5 L'article 13, paragraphe 2, sous a), dispose ensuite que la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre.

    6 Conformément à l'article 73 du règlement, le travailleur salarié ou non salarié soumis à la législation d'un État membre a droit, pour les membres de sa famille qui résident sur le territoire d'un autre État membre, aux prestations familiales prévues par la législation du premier État, comme s'ils résidaient sur le territoire de celui-ci.

    7 Le point I, C, de l'annexe I du règlement est libellé de la façon suivante:

    C. Allemagne

    «Si une institution allemande est l'institution compétente pour l'octroi des prestations familiales, conformément au titre III, chapitre 7, du règlement, est considérée au sens de l'article 1er, point a), ii), du règlement:

    a) comme travailleur salarié, la personne assurée à titre obligatoire contre le risque de chômage ou la personne qui obtient, à la suite de cette assurance, des prestations en espèces de l'assurance maladie ou des prestations analogues;

    b) comme travailleur non salarié, la personne qui exerce une activité non salariée et qui est tenue:

    - de s'assurer ou de cotiser pour le risque vieillesse dans un régime de travailleurs non salariés

    ou

    - de s'assurer dans le cadre de l'assurance pension obligatoire.»

    Sur la réglementation nationale

    8 L'article 1er, paragraphe 1, point 1, du Bundeskindergeldgesetz (loi fédérale en matière d'allocations familiales, BGBl. I, p. 265, ci-après le «BKGG») dispose que les personnes qui ont leur domicile ou leur résidence habituelle dans le champ d'application de ladite loi ont droit aux allocations familiales pour leurs enfants et assimilés en vertu de son article 2, paragraphe 1.

    9 L'article 2, paragraphe 5, du BKGG prévoit que les enfants qui n'ont pas un domicile ou une résidence habituelle dans le champ d'application du BKGG ne sont pas pris en considération quant aux allocations familiales.

    10 En vertu de l'article 9 du BKGG, les allocations familiales sont servies à partir du début du mois au cours duquel les conditions requises pour en bénéficier sont remplies et jusqu'à la fin du mois au cours duquel elles cessent de l'être.

    11 Conformément à son article 42, deuxième phrase, le BKGG n'affecte pas les dispositions des règlements communautaires.

    12 L'article 311, paragraphe 1, de la Reichsversicherungsordnung (code des assurances sociales, BGBl. I, p. 799, ci-après la «RVO») prévoit que l'affiliation obligatoire à l'assurance maladie est maintenue, tant que la relation de travail se poursuit sans versement de rémunération, dans la limite de trois semaines.

    13 En vertu de l'article 104, paragraphe 1, deuxième et troisième phrases, de l'Arbeitsförderungsgesetz (loi relative à l'assurance chômage, BGBl. I, p. 582, ci-après l'«AFG»), les périodes pour lesquelles aucune rémunération n'est versée ne sont pas prises en considération pour la totalisation des périodes ouvrant droit à l'allocation de chômage, à moins qu'elles ne dépassent pas quatre semaines chacune.

    Sur les antécédents du litige

    14 M. Merino García est un ressortissant espagnol résidant et travaillant en Allemagne comme travailleur salarié. Ses trois enfants résident en Espagne.

    15 Le 19 décembre 1989, il a introduit une demande auprès de la Bundesanstalt für Arbeit afin d'obtenir des allocations familiales au titre de la loi allemande pour ses enfants pendant la période allant de janvier 1986 à décembre 1988, y compris les périodes pendant lesquelles il avait pris, en accord avec son employeur, un congé non rémunéré et qui se situaient entre le 20 janvier et le 2 mars 1986, d'une part, et entre le 13 janvier et le 2 mars 1987, d'autre part. Il ressort du dossier que ces congés n'ont pas mis fin à sa relation de travail.

    16 La Bundesanstalt für Arbeit lui a octroyé les allocations demandées pour cette période à l'exception des mois de février 1986 et de février 1987 (ci-après les «mois de calendrier litigieux»). En effet, selon cette institution, dès lors que les deux périodes de congé non rémunéré en cause excédaient quatre semaines, M. Merino García ne pouvait plus, par application des dispositions combinées de l'article 104, paragraphe 1, de l'AFG, et du point I, C, sous a), de l'annexe I (ci-après l'«annexe»), être considéré comme un travailleur salarié au sens de l'article 73 du règlement.

    17 Par requête du 19 février 1990, M. Merino García a intenté une action devant le Sozialgericht Mannheim en vue d'obtenir le paiement par la Bundesanstalt für Arbeit des allocations familiales pour les deux mois de calendrier litigieux. Cette demande a été rejetée, le 14 octobre 1992, par le Sozialgericht Mannheim, puis, le 21 septembre 1993, par le Landessozialgericht Baden-Württemberg.

    18 Le 27 mai 1994, M. Merino García a alors introduit un pourvoi en «Revision» contre l'arrêt du Landessozialgericht. Dans le cadre de ce recours, il a soutenu qu'il était un travailleur au sens de l'article 73 du règlement et que les dispositions de l'annexe étaient discriminatoires à l'égard des travailleurs communautaires dont les enfants résident dans un autre État membre.

    Les questions préjudicielles

    19 Dans son ordonnance de renvoi, le Bundessozialgericht a considéré que M. Merino García n'avait droit à des allocations familiales pour les mois de calendrier litigieux ni en vertu du BKGG ni en vertu des dispositions combinées des articles 1er, sous a), et 73 et de l'annexe du règlement. Toutefois, éprouvant des doutes quant à la validité de cette dernière, elle a décidé de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour les questions suivantes:

    «1) L'annexe I, point I, C, du règlement n_ 1408/71 est-elle compatible avec le traité CE, en particulier avec son article 48, paragraphe 2, dans la mesure où elle conduit à refuser le droit aux allocations familiales aux travailleurs dont les enfants sont domiciliés à l'étranger, pour les mois civils entiers compris dans un congé non rémunéré prolongé, alors que les travailleurs dont les enfants sont domiciliés en Allemagne y ont droit?

    2) Dans l'hypothèse où l'annexe I, point I, C, du règlement n_ 1408/71 est invalide, en résulte-t-il que toute personne mise par son employeur en congé non rémunéré, d'un commun accord, est aussi considérée comme un `travailleur' au sens de l'article 73 du règlement n_ 1408/71, ou des restrictions s'appliquent-elles à cet égard, par exemple compte tenu de la durée du congé?»

    20 Par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir d'abord si la notion de travailleur salarié aux fins du versement des prestations familiales au titre de la législation allemande, conformément à l'article 73 du règlement, doit être interprétée en ce sens qu'elle vise seulement les travailleurs salariés qui répondent à la définition résultant de la lecture combinée des dispositions de l'article 1er, sous a), ii), et de l'annexe. Dans l'affirmative, elle demande ensuite si ladite annexe est valide au regard de l'article 48, paragraphe 2, du traité. Dans l'hypothèse où l'annexe serait valide, la juridiction de renvoi cherche enfin à savoir si l'article 48, paragraphe 2, du traité s'oppose à l'application d'une réglementation nationale qui conduit à refuser l'octroi de prestations familiales à un travailleur salarié dont les enfants sont domiciliés dans un autre État membre, pour les mois de calendrier entiers compris dans un congé non rémunéré prolongé, alors que les travailleurs dont les enfants sont domiciliés dans l'Etat concerné y ont droit. Il convient d'examiner successivement ces trois aspects.

    Sur l'interprétation de l'annexe

    21 Le champ d'application personnel du règlement est défini par son article 2, faisant partie du titre I, intitulé «Dispositions générales». Aux termes du paragraphe 1 de cette disposition, le règlement s'applique, notamment, «aux travailleurs salariés ou non salariés qui sont ou ont été soumis à la législation de l'un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l'un des États membres».

    22 Les termes «travailleurs salariés» utilisés par cette disposition sont définis par l'article 1er, sous a), du règlement. Ils désignent toute personne assurée dans le cadre de l'un des régimes de sécurité sociale mentionnés à l'article 1er, sous a), contre les éventualités et aux conditions indiquées dans cette disposition (arrêt du 3 mai 1990, Kits van Heijningen, C-2/89, Rec. p. I-1755, point 9).

    23 Il y a lieu de constater qu'une personne se trouvant dans une situation telle que celle du requérant au principal relève de la notion de «travailleur salarié», notamment, au sens de l'article 1er, sous a), i), du règlement, dans la mesure où elle est assurée au titre d'une assurance obligatoire ou facultative continuée contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches d'un régime de sécurité sociale s'appliquant aux travailleurs salariés ou non salariés.

    24 Toutefois, ainsi que la Cour l'a déjà précisé dans l'arrêt du 30 janvier 1997, Stöber et Pereira (C-4/95 et C-5/95, non encore publié au Recueil, point 29), qui concernait des travailleurs non salariés, il ressort des termes mêmes de l'annexe à laquelle renvoie l'article 1er, sous a), ii), du règlement n_ 1408/71 que seuls les travailleurs assurés à titre obligatoire dans le cadre de l'un des régimes y mentionnés ont droit aux allocations familiales allemandes en vertu du titre III, chapitre 7, du règlement (voir également, en ce sens, arrêt du 10 octobre 1996, Hoever et Zachow, C-245/94 et C-312/94, non encore publié au Recueil, point 29).

    25 Permettre à un travailleur se trouvant dans une situation telle que celle du litige au principal d'invoquer l'une des autres définitions de «travailleur salarié» prévues à l'article 1er, sous a), en vue de bénéficier des prestations familiales allemandes reviendrait à priver de tout effet utile cette disposition de l'annexe (arrêt Stöber et Pereira, précité, point 32).

    26 Par conséquent, la notion de travailleur salarié aux fins du versement des prestations familiales au titre de la législation allemande, conformément à l'article 73 du règlement, doit être comprise en ce sens qu'elle vise seulement les travailleurs salariés qui répondent à la définition résultant de la lecture combinée des dispositions de l'article 1er, sous a), ii), et de l'annexe.

    Sur la validité de l'annexe

    27 A cet égard, il y a lieu d'abord de rappeler que l'article 51 du traité CE prévoit une coordination des législations des États membres en matière de sécurité sociale et non une harmonisation. Les différences de fond et de procédure entre les régimes de sécurité sociale de chaque État membre et, partant, dans les droits des personnes qui y travaillent ne sont donc pas affectées par cette disposition (voir, notamment, arrêt du 15 janvier 1986, Pinna, 41/84, Rec. p. 1, point 20).

    28 L'article 73 du règlement vise notamment à empêcher qu'un État membre puisse faire dépendre l'octroi ou le montant de prestations familiales de la résidence des membres de la famille du travailleur dans l'État membre prestataire, afin de ne pas dissuader le travailleur communautaire d'exercer son droit à la libre circulation (arrêt Hoever et Zachow, précité, point 34).

    29 Il ressort clairement du libellé de cette disposition qu'elle ne confère pas elle-même un droit à des prestations familiales. En effet, les prestations familiales sont allouées sur la base des dispositions nationales pertinentes, en l'occurrence le BKGG.

    30 Par ailleurs, dans les hypothèses qui ne sont pas couvertes par l'annexe, cette dernière n'implique pas l'absence de tout droit à des prestations familiales pour les ressortissants communautaires qui travaillent en Allemagne et dont les enfants résident dans un autre État membre. En conséquence, et ainsi que M. l'avocat général l'a relevé au point 26 de ses conclusions, si le requérant au principal a perdu son droit aux prestations familiales pour les deux périodes de congé non rémunéré en cause, c'est en raison de l'application des dispositions du BKGG, et non de l'annexe du règlement.

    31 Il y a donc lieu de constater que l'examen de cet aspect des questions préjudicielles n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l'annexe.

    Sur l'interprétation de l'article 48, paragraphe 2, du traité

    32 Selon M. Merino García, dès lors que, par application de l'article 104, paragraphe 1, deuxième et troisième phrases, de l'AFG, il n'a droit aux prestations familiales pour ses enfants résidant dans un autre État membre que pendant la période au cours de laquelle il a versé des cotisations à l'assurance chômage, cette disposition comporte une entrave à la libre circulation et aboutit à une discrimination contraire à l'article 48, paragraphe 2, du traité.

    33 A cet égard, la Cour a itérativement considéré que la règle d'égalité de traitement énoncée par ladite disposition interdit non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d'autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (arrêt Pinna, précité, point 23).

    34 En l'espèce au principal, l'intéressé se voit refuser le droit à des allocations familiales pour ses enfants résidant en Espagne, alors que le BKGG permet d'accorder de telles prestations à toute personne qui a son domicile ou sa résidence habituelle sur le territoire couvert par cette loi, dès lors que les enfants dont elle a la charge ont leur domicile ou leur résidence habituelle sur le même territoire. En outre, il est constant que l'article 48, paragraphe 2, du traité s'applique en l'espèce du fait que l'intéressé restait assuré en Allemagne contre le risque de maladie, en raison de sa relation d'emploi, pendant une période comprise dans les mois de calendrier litigieux.

    35 La thèse du gouvernement allemand, selon laquelle l'article 2, paragraphe 5, du BKGG affecte aussi bien les ressortissants allemands que les ressortissants étrangers dont les enfants ne répondent pas à la condition de résidence, ne peut être considérée comme fondée. En effet, ainsi que la Cour l'a précisé au point 24 de l'arrêt Pinna, précité, c'est essentiellement pour les travailleurs migrants que se pose le problème d'une résidence des membres de la famille hors de l'État membre prestataire (voir, également, en ce sens l'arrêt Stöber et Pereira, précité, point 38).

    36 Dans la mesure où le dossier de la présente affaire ne contient aucun élément de nature à justifier objectivement cette différence de traitement, elle doit être qualifiée de discriminatoire et, partant, être considérée comme incompatible avec l'article 48, paragraphe 2, du traité.

    37 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la juridiction de renvoi que la notion de travailleur salarié aux fins du versement de prestations familiales au titre de la législation allemande, conformément à l'article 73 du règlement, doit être comprise en ce sens qu'elle vise seulement les travailleurs salariés qui répondent à la définition résultant de la lecture combinée des dispositions de l'article 1er, sous a), ii), et de l'annexe. En outre, l'examen des questions préjudicielles n'a permis de déceler aucun élément de nature à mettre en doute la validité de l'annexe. Toutefois, l'article 48, paragraphe 2, du traité doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à l'application d'une réglementation nationale qui conduit à refuser l'octroi de prestations familiales à un travailleur salarié dont les enfants sont domiciliés dans un autre État membre, pour les mois de calendrier entiers compris dans un congé non rémunéré prolongé, alors que les travailleurs dont les enfants sont domiciliés dans l'État concerné y ont droit.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    38 Les frais exposés par les gouvernements allemand et espagnol, ainsi que par le Conseil de l'Union européenne et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LA COUR

    (sixième chambre)

    statuant sur les questions à elle soumises par le Bundessozialgericht, par ordonnance du 20 juin 1995, dit pour droit:

    La notion de travailleur salarié aux fins du versement de prestations familiales au titre de la législation allemande, conformément à l'article 73 du règlement (CEE) n_ 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n_ 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, tel que modifié par le règlement (CEE) n_ 3427/89 du Conseil, du 30 octobre 1989, doit être comprise en ce sens qu'elle vise seulement les travailleurs salariés qui répondent à la définition résultant de la lecture combinée des dispositions de l'article 1er, sous a), ii), et de l'annexe I, point I, C, du règlement. En outre, l'examen des questions préjudicielles n'a permis de déceler aucun élément de nature à mettre en doute la validité de l'annexe précitée. Toutefois, l'article 48, paragraphe 2, du traité CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à l'application d'une réglementation nationale qui conduit à refuser l'octroi de prestations familiales à un travailleur salarié dont les enfants sont domiciliés dans un autre État membre, pour les mois de calendrier entiers compris dans un congé non rémunéré prolongé, alors que les travailleurs dont les enfants sont domiciliés dans l'Etat concerné y ont droit.

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