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Document 61995CC0094

    Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 23 janvier 1997.
    Danila Bonifaci e.a. (C-94/95) et Wanda Berto e.a. (C-95/95) contre Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS).
    Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Bassano del Grappa - Italie.
    Politique sociale - Protection des travailleurs en cas d'insolvabilité de l'employeur - Directive 80/987/CEE - Limitation de l'obligation de paiement des institutions de garantie - Responsabilité de l'Etat membre du fait de la transposition tardive d'une directive - Réparation adéquate.
    Affaires jointes C-94/95 et C-95/95.

    Recueil de jurisprudence 1997 I-03969

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1997:29

    61995C0094

    Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 23 janvier 1997. - Danila Bonifaci e.a. (C-94/95) et Wanda Berto e.a. (C-95/95) contre Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS). - Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Bassano del Grappa - Italie. - Politique sociale - Protection des travailleurs en cas d'insolvabilité de l'employeur - Directive 80/987/CEE - Limitation de l'obligation de paiement des institutions de garantie - Responsabilité de l'Etat membre du fait de la transposition tardive d'une directive - Réparation adéquate. - Affaires jointes C-94/95 et C-95/95.

    Recueil de jurisprudence 1997 page I-03969


    Conclusions de l'avocat général


    I - Introduction

    1 Dans les présentes affaires, la Cour est invitée à se prononcer sur trois questions préjudicielles posées par la Pretura circondariale di Bassano del Grappa, conformément à l'article 177 du traité CE, et concernant l'interprétation et la validité de dispositions de la directive 80/987/CEE, du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (1).

    2 Le cas qui a donné lieu à la formulation des questions préjudicielles est original et se présente comme suit: un État membre qui a omis de transposer une directive en droit interne (manquement constaté par un arrêt de la Cour) et à qui, du fait de cette non-transposition, incombe une obligation de réparation (sur les conditions de laquelle la Cour s'est également exprimée) à l'égard des personnes lésées entreprend, en adoptant des mesures visant à se conformer à la directive, de fixer directement l'étendue et le niveau de la réparation.

    3 La juridiction de renvoi, saisie de recours en indemnité fondés sur les mesures nationales, demande à la Cour de lui fournir les éléments d'interprétation de la directive qui lui sont indispensables pour apprécier jusqu'à quel point les mesures nationales, et plus particulièrement la manière dont, comme nous l'avons dit, a été fixée la réparation, sont conformes au droit communautaire.

    4 En conséquence, la réponse qu'attend la juridiction de renvoi constituera un prolongement et un complément de la jurisprudence de la Cour concernant l'obligation de réparation incombant aux États membres du fait de violations du droit communautaire, jurisprudence que la Cour a inaugurée avec l'arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (ci-après «Francovich I») (2).

    II - Cadre juridique et factuel

    Dispositions communautaires

    5 La section I (intitulée «Champ d'application et définitions») de la directive 80/987 (ci-après la «directive»), plus particulièrement l'article 1er, comporte les dispositions suivantes:

    «1. La présente directive s'applique aux créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et existant à l'égard d'employeurs qui se trouvent en état d'insolvabilité au sens de l'article 2 paragraphe 1.»

    6 L'article 2 de la directive, qui figure dans la même section, est formulé dans les termes suivants:

    «1. Au sens de la présente directive, un employeur est considéré comme se trouvant en état d'insolvabilité:

    a) lorsqu'a été demandée l'ouverture d'une procédure prévue par les dispositions législatives, réglementaires et administratives de l'État membre concerné qui porte sur le patrimoine de l'employeur et vise à désintéresser collectivement ses créanciers et qui permet la prise en considération des créances visées à l'article 1er paragraphe 1,

    et

    b) que l'autorité qui est compétente en vertu desdites dispositions législatives, réglementaires et administratives a:

    - soit décidé l'ouverture de la procédure,

    - soit constaté la fermeture définitive de l'entreprise ou de l'établissement de l'employeur, ainsi que l'insuffisance de l'actif disponible pour justifier l'ouverture de la procédure.

    2. La présente directive ne porte pas atteinte au droit national en ce qui concerne la définition des termes `travailleur salarié', `employeur', `rémunération', `droit acquis' et `droit en cours d'acquisition'.»

    7 En outre, la section II (intitulée «Dispositions relatives aux institutions de garantie»), plus particulièrement l'article 3, comporte les dispositions suivantes:

    «1. Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que des institutions de garantie assurent, sous réserve de l'article 4, le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et portant sur la rémunération afférente à la période qui se situe avant une date déterminée.

    2. La date visée au paragraphe 1 est, au choix des États membres:

    - soit celle de la survenance de l'insolvabilité de l'employeur,

    - soit celle du préavis de licenciement du travailleur salarié concerné, donné en raison de l'insolvabilité de l'employeur,

    - soit celle de la survenance de l'insolvabilité de l'employeur ou celle de la cessation du contrat de travail ou de la relation de travail du travailleur salarié concerné, intervenue en raison de l'insolvabilité de l'employeur.»

    8 L'article 4, figurant dans la même section, est formulé dans les termes suivants:

    «1. Les États membres ont la faculté de limiter l'obligation de paiement des institutions de garantie, visée à l'article 3.

    2. Lorsque les États membres font usage de la faculté visée au paragraphe 1, ils doivent:

    - dans le cas visé à l'article 3 paragraphe 2 premier tiret, assurer le paiement des créances impayées concernant la rémunération afférente aux trois derniers mois du contrat de travail ou de la relation de travail qui se situent à l'intérieur d'une période de six mois précédant la date de la survenance de l'insolvabilité de l'employeur,

    - dans le cas visé à l'article 3 paragraphe 2 deuxième tiret, assurer le paiement des créances impayées concernant la rémunération afférente aux trois derniers mois du contrat de travail ou de la relation de travail qui précèdent la date du préavis de licenciement du travailleur salarié, donné en raison de l'insolvabilité de l'employeur,

    - dans le cas visé à l'article 3 paragraphe 2 troisième tiret, assurer le paiement des créances impayées concernant la rémunération afférente aux dix-huit derniers mois du contrat de travail ou de la relation de travail qui précèdent la date de la survenance de l'insolvabilité de l'employeur ou la date de la cessation du contrat de travail ou de la relation de travail du travailleur salarié, intervenue en raison de l'insolvabilité de l'employeur. Dans ces cas, les États membres peuvent limiter l'obligation de paiement à la rémunération afférente à une période de huit semaines ou à plusieurs périodes partielles, ayant au total la même durée.

    3. Toutefois, les États membres peuvent, afin d'éviter le versement de sommes allant au-delà de la finalité sociale de la présente directive, fixer un plafond pour la garantie de paiement des créances impayées des travailleurs salariés.

    Lorsque les États membres font usage de cette faculté, ils communiquent à la Commission les méthodes selon lesquelles ils fixent le plafond.»

    9 En outre, en vertu de l'article 9 de la directive, les États membres ont la faculté d'appliquer ou d'introduire des dispositions plus favorables aux travailleurs salariés.

    10 L'article 10 est formulé dans les termes suivants:

    «La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres:

    a) de prendre les mesures nécessaires en vue d'éviter des abus;

    b) de refuser ou de réduire l'obligation de paiement visée à l'article 3 ou l'obligation de garantie visée à l'article 7 s'il apparaît que l'exécution de l'obligation ne se justifie pas en raison de l'existence de liens particuliers entre le travailleur salarié et l'employeur et d'intérêts communs concrétisés par une collusion entre ceux-ci.»

    11 Enfin, l'article 11 dispose que les États membres mettent en vigueur les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive dans un délai de trente-six mois à compter de sa notification.

    Historique

    12 La République italienne n'a pas pris les mesures nécessaires à la transposition de la directive en droit interne dans le délai qui était imparti aux États membres par l'article 11 de cette dernière et qui expirait le 23 octobre 1983. A la suite d'un recours de la Commission, la Cour a constaté le manquement en cause par son arrêt du 2 février 1989, Commission/Italie (3).

    13 Le 20 avril 1989, et alors que la directive n'avait toujours pas été transposée dans l'ordre juridique italien, Mme Danila Bonifaci et trente-trois autres salariés de l'entreprise Gaïa Confezioni Srl, qui avait été déclarée en faillite le 5 avril 1985, ont introduit un recours contre l'État italien devant la Pretura circondariale di Bassano del Grappa. Dans leur demande, ils indiquaient que, au moment de la cessation de leur relation de travail, ils étaient titulaires de créances dont le montant s'élevait au total à plus de 253 millions de LIT et qui avaient été admises au passif de l'entreprise faillie, que, cinq ans après la faillite, ils n'avaient encore reçu aucun paiement et que le syndic de la faillite les avait informés qu'une distribution, même partielle, en leur faveur était absolument improbable. Par conséquent, compte tenu de l'obligation d'appliquer la directive qui incombait à l'État italien, les demandeurs ont conclu à ce que ce dernier soit condamné à leur payer les créances qui leur sont dues à titre d'arriérés de salaires, au moins pour les trois dernières mensualités, ou, à titre subsidiaire, à leur verser une indemnité.

    14 En vue de résoudre le litige, le juge national a, par ordonnance du 9 juillet 1989, soumis à la Cour une série de questions préjudicielles, auxquelles cette dernière a répondu par l'arrêt Francovich I, précité (4). Le dispositif de cet arrêt est formulé comme suit:

    «1) Les dispositions de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur qui définissent les droits des travailleurs doivent être interprétées en ce sens que les intéressés ne peuvent pas faire valoir ces droits à l'encontre de l'État devant les juridictions nationales à défaut de mesures d'application prises dans les délais.

    2) Un État membre est obligé de réparer les dommages découlant pour les particuliers de la non-transposition de la directive 80/987/CEE.»

    15 Après le prononcé de ce dernier arrêt de la Cour, le législateur italien a adopté le decreto legislativo n_ 80/92, du 27 janvier 1992, en vue de transposer la directive en droit italien (5).

    L'article 1er, paragraphe 1, de ce texte prévoit que, dans le cas où une procédure de faillite, de concordat préventif ou de liquidation forcée ou une procédure d'administration extraordinaire, telle que prévue par le decreto legislativo n_ 26 du 30 janvier 1979, a été engagée à l'encontre d'un employeur, le salarié occupé par cet employeur ou ses ayants droit peuvent, en vertu des dispositions spéciales de l'article 2, demander le paiement des créances résultant de salaires impayés au fonds qui a été créé par la loi n_ 297 du 29 mai 1982 et dont le fonctionnement est régi par cette même loi.

    16 De plus, cet article 2 prévoit, aux paragraphes 1 à 6, les modalités selon lesquelles est déterminé le montant des sommes qui sont payées désormais aux titulaires des droits en cause par le fonds de garantie concerné (système ordinaire ou système «a regime», selon l'ordonnance de renvoi), tandis que le paragraphe 7 de ce même article prévoit les modalités de la détermination de l'indemnité à verser à ceux qui ont subi un préjudice du fait du défaut de transposition de la directive, en renvoyant aux dispositions du régime défini par les paragraphes précédents.

    17 Plus particulièrement, le paragraphe 1 de l'article 2 du decreto legislativo comporte les dispositions suivantes:

    «Le paiement effectué par le fonds de garantie en application de l'article 1er concerne les créances résultant de contrats de travail, autres que celles dues à titre d'indemnité de fin de contrat, portant sur les trois derniers mois de la relation de travail se situant à l'intérieur d'une période de douze mois précédant: a) la date de la mesure déterminant l'ouverture de l'une des procédures indiquées à l'article 1er, paragraphe 1; b) ...; c)... (6).»

    18 Le paragraphe 2 du même article est formulé dans les termes suivants:

    «Le paiement effectué par le fonds en application du paragraphe 1 ne peut être supérieur à une somme égale à trois fois le plafond de l'indemnité exceptionnelle versée à titre de complément du salaire mensuel, diminué des retenues en matière de sécurité sociale.»

    19 Enfin, le paragraphe 7 du même article est rédigé comme suit:

    «Pour la détermination de l'indemnité qu'il y a éventuellement lieu de verser dans le cadre des procédures prévues à l'article 1er, paragraphe 1, en réparation du dommage résultant du défaut de transposition de la directive 80/987/CEE, les délais, les mesures et les modalités visés aux paragraphes 1, 2 et 4 trouvent application. L'action en réparation du dommage doit être introduite dans un délai d'un an à partir de la date d'entrée en vigueur du présent décret.»

    20 Après la promulgation du decreto legislativo, Mme Danila Bonifaci e.a. (demandeurs dans la procédure au principal qui est à l'origine de l'affaire C-94/95) ont introduit devant la Pretura circondariale di Bassano del Grappa un recours en indemnité dirigé contre l'Istituto nazionale della previdenza sociale (ci-après «INPS»), conformément à l'article 2, paragraphe 7, du decreto legislativo (7). En outre, un recours semblable a été introduit devant la même juridiction par Mme Wanda Berto et 136 autres salariés de diverses entreprises déclarées en faillite après le 23 octobre 1983 et avant l'entrée en vigueur du decreto legislativo n_ 80/92 (demandeurs dans la procédure au principal qui est à l'origine de l'affaire C-95/95). D'après les observations des parties demanderesses au principal, il semble que les demandes d'indemnisation qu'elles avaient adressées à l'INPS ont été, dans beaucoup de cas, globalement rejetées, parce qu'aucune période d'emploi n'était située à l'intérieur de la période de douze mois précédant le jugement déclaratif de la faillite. Dans d'autres cas, les demandes ont été accueillies partiellement, parce que l'indemnisation des parties demanderesses pour les périodes d'emploi situées à l'intérieur de la période de douze mois susmentionnée soit a été limitée à trois mois, conformément à l'article 2, paragraphe 1, du decreto legislativo n_ 80/92, soit a été réduite, en raison du plafond prévu par l'article 2, paragraphe 2, de ce même texte.

    Questions préjudicielles

    21 Compte tenu du cadre factuel et juridique décrit ci-dessus, le juge italien saisi des recours en indemnité a eu des doutes sérieux quant à la conformité des dispositions du decreto legislativo qu'il était appelé à appliquer avec celles de la directive et avec les positions prises par la Cour dans l'arrêt Francovich I, tandis que l'interprétation de ces dernières soulevait, elle aussi, des difficultés.

    22 L'ordonnance de renvoi fait observer, en premier lieu, que le législateur italien, utilisant la faculté qui lui est reconnue par l'article 4, paragraphe 2, de la directive, a limité l'obligation de paiement incombant à l'institution de garantie non seulement pour le futur (comme il en avait le droit), mais aussi pour le passé, c'est-à-dire qu'il a limité «rétroactivement» l'indemnité due pour non-transposition de la directive, et cela doublement, parce que, en vertu des paragraphes 1 et 7 de l'article 2 du decreto legislativo, interprétés en combinaison l'un avec l'autre, l'indemnité s'identifie aux créances afférentes aux trois derniers mois du contrat de travail situés à l'intérieur de la période de douze mois précédant la date de la mesure ouvrant la procédure de désintéressement collectif des créanciers (en l'espèce la date du jugement déclaratif de la faillite). Toutefois, cette limitation peut déboucher sur une impossibilité de dédommager les travailleurs, parce que, étant donné le retard apporté en Italie au traitement des affaires de faillite, le jugement déclaratif de la faillite risque d'intervenir plus d'un an après l'introduction de leur demande par les créanciers. Ainsi, en raison du retard avec lequel la justice est rendue, c'est-à-dire pour un motif indépendant de la volonté des travailleurs, il est possible qu'aucune des périodes d'emploi accomplies par ces derniers ne soit située à l'intérieur de la période de référence de douze mois précédant la date de la faillite, chose qui s'est produite en l'espèce. Cela étant, par sa première question préjudicielle, le juge de renvoi demande à la Cour si l'article 4, paragraphe 2, de la directive signifie qu'il est permis au législateur national de limiter la réparation due même dans un cas comme celui décrit ci-dessus.

    23 Le juge italien fait, en outre, observer qu'une telle interprétation entraîne une disparité de traitement entre travailleurs se trouvant dans la même situation (c'est-à-dire des travailleurs titulaires de créances impayées à l'encontre de leur employeur), puisqu'ils bénéficieront ou non de la garantie prévue par la directive en fonction de facteurs fortuits, c'est-à-dire selon que le jugement déclaratif de la faillite sera rendu en temps utile ou non. Cela amène la juridiction de renvoi à demander, par sa deuxième question préjudicielle, si, en cas de réponse affirmative à la première question, la disposition de l'article 4, paragraphe 2, de la directive est valide à la lumière des principes d'égalité et de non-discrimination.

    24 Enfin, le juge de renvoi fait observer que le législateur italien, se fondant sur l'article 4, paragraphe 3, de la directive, après avoir fixé un plafond pour la garantie assurée aux travailleurs dans le futur (article 2, paragraphe 2, du decreto legislativo), a ensuite imposé ce même plafond pour la réparation due du fait que la directive n'a pas été transposée en temps opportun en droit interne (paragraphe 7 du même article, qui renvoie au paragraphe 2 précité). En outre, il fait observer que, en ce qui concerne la responsabilité extracontractuelle, l'ordre juridique italien (articles 2043 et suivants du code civil) s'inspire du principe de la réparation intégrale du dommage, sans limitation du montant de ce dernier. Cependant, au point 43 de l'arrêt Francovich I, la Cour a déjà déclaré que «les conditions, de fond et de forme, fixées par les diverses législations nationales en matière de réparation des dommages (8) ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne». Cela étant, par sa troisième question préjudicielle, le juge de renvoi soulève le problème suivant: Pour fixer le montant de l'indemnité concernée en l'espèce, quelles sont les «réclamations semblables de nature interne» avec les conditions desquelles la comparaison doit être faite? S'agit-il de la garantie que le decreto legislativo assure pour le futur aux travailleurs ou bien de la réparation, résultant de la responsabilité extracontractuelle, prévue par le droit communautaire en cas de non-transposition de la directive?

    25 Concrètement, les questions préjudicielles sont formulées dans les termes suivants:

    «1) L'article 4, paragraphe 2, de la directive 80/987/CEE doit-il être interprété en ce sens que les États membres peuvent se prévaloir de la faculté de limiter l'obligation de paiement des organismes de garantie aux salaires correspondant à une certaine période - dans la présente affaire, il s'agit de douze mois -, également dans les hypothèses dans lesquelles le dépassement de cette période de temps n'est pas imputable à un manque d'initiative coupable du travailleur intéressé et, notamment, dans les hypothèses dans lesquelles est invoqué un droit à la réparation du dommage en raison du défaut de transposition ou de la transposition tardive de la directive?

    2) Dans le cas où la première question appelle une réponse positive, faut-il considérer que l'article 4, paragraphe 2, de la directive est valide à la lumière du principe de l'égalité de traitement et de non-discrimination?

    3) Le point 43 de l'arrêt de la Cour du 19 novembre 1991 doit-il être interprété en ce sens que les conditions formelles ou substantielles prévues par le droit interne de chacun des États membres pour l'action en réparation des dommages causés par le défaut de transposition d'une directive communautaire doivent être les mêmes (ou du moins ne doivent pas être plus défavorables) que celles qui sont imposées par le législateur national lorsqu'il transpose tardivement cette même directive?»

    III - Sur la recevabilité

    Première question préjudicielle

    26 L'INPS fait valoir, en substance, que la première question préjudicielle est irrecevable, en ce sens que la réponse sollicitée n'est pas utile à la solution du litige, étant donné que, selon lui, l'article 4, paragraphe 2, de la directive concerne la détermination de la garantie due aux travailleurs dès le moment où la directive est transposée en droit interne et non la détermination de l'indemnité due pour non-transposition de la directive, comme c'est le cas en l'espèce.

    En outre, selon l'INPS, la directive ne fait pas dépendre le paiement de la garantie du comportement des travailleurs, comme le Pretore semble le croire.

    Pour ces raisons, l'INPS conclut que la Cour n'a pas compétence pour répondre à la première question.

    27 A cet égard, il faut souligner que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l'article 177 du traité, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui assume la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour (9). En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l'interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (10). Le rejet d'une demande de la juridiction nationale n'est possible que lorsqu'existent des motifs d'irrecevabilité évidents, comme lorsqu'«il apparaît de manière manifeste que l'interprétation ou l'appréciation de la validité d'une règle communautaire, demandées par la juridiction nationale, n'ont aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal» (11).

    28 Tel n'est pas le cas en l'espèce. Pour apprécier si, eu égard à l'article 4, paragraphe 2, de la directive, c'est à bon droit que le législateur national a imposé certaines limites à la réparation due, le juge de renvoi a estimé nécessaire de demander à la Cour d'interpréter cette disposition - interprétation qui, du reste, est nécessaire pour répondre à la deuxième question préjudicielle, concernant la validité de ladite disposition. En conséquence, la réponse sollicitée est manifestement utile au juge national et la Cour a compétence pour la lui fournir.

    29 Les observations précitées de l'INPS se réfèrent au fond, en ce sens qu'elles considèrent précisément comme donné ce qui est demandé, à savoir l'interprétation de l'article 4, paragraphe 2, de la directive que sollicite le Pretore. De ce fait, elles peuvent être prises en considération lors de l'examen du fond, mais elles sont sans incidence sur la compétence de la Cour et sur la recevabilité de la question et doivent donc être rejetées (12).

    Deuxième question préjudicielle

    30 La Commission exprime des doutes quant à la pertinence de la deuxième question, car elle considère que les informations fournies par la juridiction de renvoi au sujet du cadre factuel et juridique sont insuffisantes. Cette objection doit être écartée parce que les éléments procurés par la juridiction de renvoi sont suffisamment détaillés pour que l'on puisse répondre à la question.

    Troisième question préjudicielle

    31 L'INPS soutient que la Cour n'a pas compétence pour répondre à la troisième question, qui, selon elle, concerne la compatibilité de l'article 2, paragraphe 7, du decreto legislativo avec les principes énoncés par l'arrêt Francovich I, étant donné que la Cour est chargée d'interpréter le droit communautaire et non de contrôler les mesures nationales visant à en assurer l'application, tâche qui incombe exclusivement aux juridictions nationales.

    Cette exception d'irrecevabilité doit être rejetée. A cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si la Cour n'est pas compétente, dans le cadre de l'article 177 du traité, pour statuer sur la compatibilité d'une réglementation nationale avec le droit communautaire, elle l'est, en revanche, pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d'interprétation relevant de ce droit qui peuvent lui permettre d'apprécier cette compatibilité pour le jugement de l'affaire dont elle est saisie (13).

    32 En l'espèce, la juridiction de renvoi n'interroge pas directement la Cour sur la compatibilité de la mesure nationale avec le droit communautaire, comme l'INPS le suppose à tort, mais lui demande les éléments d'interprétation du droit communautaire qu'elle estime lui être nécessaires pour rendre son jugement. En conséquence, la Cour est compétente pour se prononcer sur cette question.

    33 En outre, les autres remarques de l'INPS, selon lesquelles la Corte costituzionale italienne s'est déjà prononcée ou va se prononcer sur la conformité de l'article 2, paragraphe 7, du decreto legislativo ou de la loi d'habilitation soit avec la Constitution italienne, soit avec le droit communautaire ne sont pas pertinentes en ce qui concerne le point de vue qui nous intéresse ici.

    34 Enfin, l'INPS fait valoir que, dans la mesure où la réponse à la troisième question présuppose l'interprétation de dispositions de la directive 80/987, qui ne sont pas directement applicables, la Cour n'est pas compétente pour y répondre, sa compétence se limitant, en vertu de l'article 177, deuxième alinéa, du traité, à l'interprétation des dispositions communautaires qui sont directement applicables.

    Cette objection doit, en tout état de cause, être rejetée, étant donné que, comme il a été jugé, «la Cour est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur l'interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté indépendamment du fait qu'ils soient directement applicables ou non» (14).

    IV - Sur le fond

    35 La première question, telle qu'elle est éclairée par les éléments précités de l'ordonnance de renvoi, soulève deux problèmes. Le premier est de savoir si, en principe, les États membres peuvent appliquer les limitations visées par l'article 4, paragraphe 2, de la directive également à la réparation due pour absence de transposition de la directive dans les délais. Le second concerne le point de savoir s'il est exclu que soient indemnisés les travailleurs qui, pour des raisons qui ne sont pas dues à un manque d'initiative coupable de leur part, n'ont pas eu de relation de travail effective au cours de la période de référence prévue par la disposition précitée.

    36 La troisième question, telle qu'elle est aussi éclairée par les motifs de l'ordonnance de renvoi, soulève de même deux problèmes. Le premier est de savoir si, dans les circonstances décrites ci-dessus, l'État membre peut limiter la réparation, en application de l'article 4, paragraphe 3, de la directive. Le second, de portée plus générale, est de savoir quelle est, du point de vue du droit communautaire, la relation entre la réparation déterminée lors de la transposition tardive de la directive et la réparation due pour absence de transposition de la directive dans les délais.

    37 Les problèmes décrits ci-dessus sont apparus alors que l'État membre tentait de se conformer, fût-ce avec retard, à la directive et de remédier aux conséquences découlant du fait que cette dernière n'avait pas été transposée dans les délais en droit interne. De ce fait, il convient d'examiner d'abord les conditions auxquelles un État membre doit satisfaire pour se conformer adéquatement à une directive en cas de transposition tardive. Ensuite, nous aborderons les questions posées et, pour des raisons de méthode, nous y répondrons dans l'ordre suivant: d'abord, la seconde partie de la troisième question; ensuite, les première et deuxième questions et, enfin, la première partie de la troisième question.

    Conditions de la mise en oeuvre tardive correcte de la directive

    38 De la combinaison des articles 5, qui consacre l'obligation de coopération, et 189, troisième alinéa, du traité, il résulte que les États membres destinataires d'une directive doivent prendre, avant l'expiration du délai fixé par cette dernière, toutes les mesures aptes à permettre la pleine réalisation du résultat qu'elle vise.

    39 Il se peut que l'État membre destinataire de la directive manque à son obligation, soit en omettant d'adopter une mesure de transposition dans le délai fixé, soit en adoptant dans le délai fixé des mesures qui sont toutefois inadéquates, soit en adoptant avec retard des mesures d'application adéquates ou non.

    40 Tous les cas de manquement, tels que ceux que nous venons de citer, créent un vide et une anomalie dans l'ordre juridique communautaire, cela dès l'expiration du délai imparti pour se conformer à la directive, que le manquement ait été ou non reconnu par la Cour dans un arrêt - arrêt qui a le caractère d'une simple constatation. Tant qu'elle dure, cette situation «pathologique» va radicalement à l'encontre de l'exigence fondamentale que constituent la simultanéité, l'unité et l'uniformité d'application du droit communautaire sur tout le territoire de la Communauté (15) et il est nécessaire qu'un remède y soit apporté.

    41 Il va de soi, évidemment, que l'État responsable du manquement doit, même tardivement et, de toute façon, le plus rapidement possible, prendre toutes mesures adéquates permettant l'application de la directive dans le futur. Un problème se pose, toutefois, en ce qui concerne ses obligations à l'égard de l'ordre juridique communautaire et à l'égard des particuliers qui y puisent des droits (16), pour la période où le manquement a duré et, plus particulièrement, pour celle où la directive n'était pas transposée (ou l'était de manière défectueuse).

    42 Tout d'abord, il convient de noter que, comme la Cour l'a jugé, «l'objectif du traité [est] d'aboutir à l'élimination effective des manquements et de leurs conséquences passées et futures» (17). En outre, comme la Cour l'a également jugé au sujet des obligations découlant pour les États membres de l'article 5 du traité, «parmi ces obligations se trouve celle d'effacer les conséquences illicites d'une violation du droit communautaire» (18).

    43 Puisque le traité ne comporte pas de dispositions réglant de manière explicite et précise les conséquences des manquements au droit communautaire commis par les États membres, la Cour a jugé qu'il lui appartenait - dans l'exercice de la mission que lui confère l'article 164 du traité d'assurer le respect du droit dans l'interprétation et l'application du traité - de statuer sur une telle question, selon les méthodes d'interprétation généralement admises et en ayant recours aux principes fondamentaux du système juridique communautaire et aux principes généraux communs aux systèmes juridiques des États membres (19).

    44 Ainsi, comme moyen de défense des particuliers victimes de l'inaction d'un État, la jurisprudence a consacré, premièrement, le principe selon lequel, malgré l'absence de mesures d'application, les particuliers peuvent invoquer les dispositions de la directive qui sont inconditionnelles et suffisamment précises, soit à l'encontre d'une disposition nationale non conforme à la directive soit en tant qu'elles définissent des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'État (20). Comme la Cour l'a souligné, «cette jurisprudence se fonde sur le caractère contraignant des directives pour les États membres et sur la considération que l'État membre qui n'a pas pris, dans les délais, les mesures d'exécution imposées par la directive ne peut opposer aux particuliers le non-accomplissement, par lui-même, des obligations qu'elle comporte» (21).

    45 Ensuite, deuxièmement, la Cour a déduit de l'article 5 du traité, combiné avec le principe de la pleine efficacité des normes communautaires et le principe de la protection effective des droits qu'elles reconnaissent, le principe de la responsabilité de l'État l'obligeant à réparer les dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire qui lui sont imputables, principe qui est inhérent au système du traité (22).

    46 Cependant, alors que la responsabilité de l'État est imposée par le droit communautaire, les conditions dans lesquelles celle-ci ouvre un droit à réparation pour les particuliers dépendent de la nature de la violation du droit communautaire qui est à l'origine du dommage (23), c'est-à-dire des caractéristiques de chaque cas (24).

    47 La jurisprudence opère une distinction entre les divers cas selon que l'État, agissant dans un domaine régi par le droit communautaire, dispose d'un large pouvoir d'appréciation, effectue des choix réglementaires ou dispose d'une large marge d'appréciation, ou que, au contraire, ces possibilités sont inexistantes ou sensiblement réduites (25).

    48 Dans le premier cas, les particuliers ont un droit à réparation si: a) la norme de droit communautaire violée a pour objet de conférer des droits aux particuliers, b) la violation est suffisamment caractérisée (26), c) il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le dommage subi par les particuliers (27).

    49 Dans le deuxième cas, qui survient lorsque, comme dans l'affaire Francovich I, la directive prescrit un résultat, mais que l'État omet de prendre une mesure de transposition en droit interne, les particuliers ont un droit à réparation si: a) le résultat prescrit par la directive comporte l'attribution de droits au profit de particuliers, b) le contenu de ces droits peut être identifié sur la base des dispositions de la directive, c) il existe un lien de causalité entre la violation de l'obligation qui incombe à l'État et le dommage subi par les personnes lésées (28).

    50 Malgré les différences de terminologie, ces cas ne sont pas fondamentalement différents. En effet, comme la Cour l'a expliqué dans l'arrêt Dillenkofer e.a. (déjà cité à la note 22),

    - «les conditions qui ont été dégagées dans ces différents arrêts sont les mêmes, puisque la condition d'une violation suffisamment caractérisée, dont il n'a certes pas été fait mention dans l'arrêt Francovich e.a., précité, était néanmoins inhérente aux circonstances de l'affaire» (point 23);

    - la raison en est que «lorsque, comme dans l'affaire Francovich e.a., un État membre ... ne prend aucune des mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par une directive, dans le délai que celle-ci a imparti, cet État membre méconnaît, de manière manifeste et grave, les limites qui s'imposent à l'exercice de ses pouvoirs» (point 26);

    - ce manquement «constitue en [lui]-même une violation caractérisée du droit communautaire» (point 29) et engendre un droit à réparation conformément à ce qui a été exposé ci-dessus «sans qu'il y ait lieu de prendre en considération d'autres conditions» (point 27).

    51 Les conditions précitées sont nécessaires et suffisantes pour engendrer au profit des particuliers un droit à obtenir réparation «sans pour autant exclure que la responsabilité de l'État puisse être engagée dans des conditions moins restrictives sur le fondement du droit national» (29). C'est, du reste, dans le cadre du droit national de la responsabilité qu'il incombe à l'État de réparer les conséquences du préjudice causé, «sous réserve» toujours du droit à réparation qui trouve directement son fondement dans le droit communautaire dès que les conditions précitées sont remplies (30).

    52 Enfin, en ce qui concerne les conditions fixées par les législations nationales en matière de réparation du dommage, la Cour a plusieurs fois souligné qu'elles «ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne et ne sauraient être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l'obtention de la réparation» (31).

    53 Bien que la jurisprudence ait reconnu que, en cas d'inaction de l'État, les particuliers disposaient des droits susmentionnés, la question soulevée ci-dessus (point 41) demeure. La question continue donc à se poser: en cas de non-transposition ou de transposition hors délai d'une directive en droit interne, le fait que le droit communautaire reconnaisse aux personnes lésées le droit d'invoquer les dispositions de la directive qui sont directement applicables et/ou le droit d'obtenir réparation de l'État libère-t-il ce dernier de toute autre obligation pour la période où le manquement a duré?

    54 La réponse ne peut être que négative. Les raisons en sont nombreuses. Il s'agit notamment des suivantes:

    - Premièrement, la possibilité d'invoquer les dispositions des directives qui sont directement applicables est, par nature, limitée, parce que ces dispositions sont peu nombreuses (32).

    - Deuxièmement, comme nous l'exposerons ci-après, durant toute la période où la directive n'est pas transposée correctement en droit interne, les intéressés ne connaissent pas et, en conséquence, ne peuvent exercer les droits qu'ils y puisent.

    - Troisièmement, l'utilisation des possibilités précitées est excessivement difficile, parce qu'elle présuppose la connaissance de la jurisprudence de la Cour qui les a consacrées, la connaissance, nécessairement incomplète, de la directive qui confère les droits et, enfin, une action judiciaire visant à les faire valoir, de telle sorte que les titulaires de ces droits qui profitent des avantages que procure la directive sont très peu nombreux et que le résultat pratique qu'elle vise à atteindre est compromis.

    55 De ce fait, les possibilités précitées, reconnues par la jurisprudence de la Cour, constituent un substitut (33) de la mise en oeuvre correcte de la directive. En cas de transposition de la directive intervenant hors délai, cette mise en oeuvre correcte doit, selon notre conception, que nous développerons immédiatement ci-après, être rétroactive, complète et expresse.

    Mise en oeuvre rétroactive

    56 Nous considérons que la mise en oeuvre rétroactive de la directive constitue une exigence de l'ordre juridique communautaire. En effet, du fait que, en vertu des articles 5 et 189, troisième alinéa, du traité, l'État est tenu de prendre toutes les mesures adéquates pour se conformer à la directive à partir de la date que celle-ci détermine (34), et qu'une exigence de l'ordre juridique communautaire est l'application simultanée et uniforme du droit communautaire (35), il s'ensuit que, quel que soit le moment où l'État transpose la directive en droit interne, cette transposition doit rétroagir jusqu'à la date fixée par la directive. Ainsi, lorsque la directive prévoit un certain avantage en faveur des particuliers, cet avantage devra leur être accordé avec effet rétroactif.

    57 Cette conception trouve appui dans la jurisprudence de la Cour. Sont caractéristiques certains arrêts qui interprètent la directive 79/7/CEE (36), et spécialement son article 4, qui impose le principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes, et son article 8, qui imposait aux États membres l'adoption de toutes les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive avant une date déterminée, à savoir le 23 décembre 1984. A une question préjudicielle portant sur le point de savoir si l'adoption tardive de mesures nationales d'application rétroactives (37) constituait une application correcte de ce dernier article, la Cour a répondu comme suit dans son arrêt du 8 mars 1988, Dik e.a. (38):

    «Ainsi que la Commission l'a souligné à juste titre, si les mesures d'exécution nationales sont prises tardivement, à savoir après l'expiration du délai en cause, l'entrée en vigueur simultanée de la directive 79/7 dans tous les États membres est assurée en faisant rétroagir de telles mesures à compter du 23 décembre 1984 [point 13].»

    58 Cependant, si cette rétroactivité répond à une exigence de l'ordre juridique communautaire, elle n'est légitime qu'à certaines conditions. Dans l'arrêt Dik e.a., la Cour, complétant sa réponse à la question préjudicielle déférée a apporté la précision suivante:

    «Il convient toutefois de préciser que ces mesures d'exécution arrêtées tardivement doivent pleinement respecter les droits que l'article 4, paragraphe 1, a fait naître au profit des particuliers, dans un État membre, à compter de l'expiration du délai accordé aux États membres pour s'y conformer ... [point 14] (39).

    Il y a donc lieu de répondre à la ... question posée que l'article 8 de la directive 79/7 doit être interprété en ce sens qu'un État membre, qui adopte après l'expiration du délai prévu par la directive des mesures d'exécution, peut en fixer rétroactivement l'entrée en vigueur à la date d'expiration de ce délai, pour autant que soient respectés tous les droits que l'article 4, paragraphe 1, de la directive a fait naître au profit des particuliers dans les États membres à compter de l'expiration dudit délai [point 15].»

    59 Ainsi qu'il résulte de ces deux derniers attendus, pour que des mesures puissent valablement rétroagir, il est indispensable qu'elles soient intrinsèquement valides. En d'autres termes, des mesures d'application adoptées tardivement peuvent valablement rétroagir si elles sont, en elles-mêmes, conformes à la directive. Il s'ensuit que, ainsi qu'il ressort indirectement mais clairement des attendus précités, le juge national, qui appréciera la validité des mesures rétroactives adoptées pour se conformer à la directive, devra s'abstenir d'appliquer une disposition rétroactive contraire à la directive (40).

    Mise en oeuvre complète

    60 En deuxième lieu, la mise en oeuvre rétroactive devra être complète, en ce sens qu'il faudra que ceux qui ont été privés des droits que leur confère la directive soient mis dans la situation de droit et de fait où ils se seraient trouvés si la directive avait été transposée dans les délais en droit interne.

    61 En effet, comme la Cour l'a souligné dans l'arrêt Dik e.a., précité (41), (point 15) la rétroactivité des mesures d'application adoptées tardivement est légitime pour autant que soient respectés «tous les droits que ... la directive a fait naître ... à compter de l'expiration dudit délai [de transposition]».

    62 Les droits dont il s'agissait dans l'arrêt Dik e.a., ainsi que dans les arrêts Cotter et McDermott et Roks e.a. (42) et dont ont été privées les femmes en vertu des mesures d'application adoptées tardivement étaient les droits dont jouissaient les hommes durant la période où la directive 79/7 n'avait pas encore été transposée. Donc, dans ces cas, du fait de l'effet direct de l'article 4 de la directive 79/7 (43), le remède apporté à l'incompatibilité de la mesure d'application avec la directive a pour conséquence automatique l'application aux femmes du régime qui valait pour les hommes, «régime qui reste, à défaut d'exécution correcte de la directive, le seul système de référence valable» (44).

    63 Pour le cas, cependant, où la directive confère un avantage déterminé, mais que ses dispositions sont dépourvues de l'effet direct qui permettrait de les invoquer au cours de la période où elles ne sont pas encore transposées (45), le seul droit qui est assuré aux bénéficiaires au cours de cette période est le droit à réparation, qui est fondé sur le droit communautaire et dont nous avons déjà parlé (46).

    Comme il ressort de la jurisprudence de la Cour, cette réparation doit être adéquate, en ce sens qu'elle doit permettre de remédier complètement au préjudice subi effectivement par les bénéficiaires du fait du manquement (47). En conséquence, elle devra comporter, d'une part, à titre de «capital», l'avantage dont le contenu peut être déterminé avec une précision suffisante sur la base des seules dispositions de la directive (48) et, d'autre part, des droits dérivés, tels que les intérêts (49), le manque à gagner (50) ou d'autres formes plus particulières de réparation éventuellement prévues par le droit national (51), qui visent à la réparation du préjudice complémentaire subi par les intéressés au cours de la période où l'État est demeuré inactif.

    64 Lorsque, par ses mesures d'application adoptées tardivement, l'État précise l'avantage prévu par la directive et l'accorde rétroactivement, ce qu'il octroie, en réalité, aux bénéficiaires, c'est seulement le «capital» de la réparation à laquelle ils avaient droit pour la période où la directive n'était pas encore transposée. Cependant, cette réparation est garantie par le droit communautaire dans toute son étendue.

    Par suite, et il s'agit d'une première conséquence de ce qui précède, la mise en oeuvre rétroactive, pour être «complète», dans le sens que nous venons d'exposer, doit comprendre, d'une part, l'octroi, avec effet rétroactif, de l'avantage prévu par la directive et, d'autre part, le dédommagement des bénéficiaires pour les pertes complémentaires qu'ils ont subies du fait qu'ils n'ont pu jouir de cet avantage en temps opportun.

    65 La deuxième conséquence qui s'impose, en l'espèce, eu égard à la garantie du droit à réparation évoquée ci-dessus, est que l'avantage accordé maintenant avec effet rétroactif ne peut avoir une étendue moindre que le «capital» de la réparation due en cas de non-transposition de la directive (c'est-à-dire que l'avantage concerné, tel qu'il aurait été défini si la mise en oeuvre rétroactive n'avait pas eu lieu).

    Mise en oeuvre expresse

    66 En troisième lieu, la mise en oeuvre rétroactive et complète visée ci-dessus doit être expresse, c'est-à-dire qu'elle doit être effectuée par des dispositions explicites, claires et complètes, qui auront le même effet juridique que les mesures adoptées par l'État membre concerné en vue de se conformer à la directive pour le futur.

    67 A cet égard, nous rappelons la jurisprudence constante de la Cour, selon laquelle:

    «les dispositions d'une directive doivent être mises en oeuvre avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises, afin que soit satisfaite l'exigence de la sécurité juridique» (52),

    «afin que, lorsqu'elles visent à créer des droits pour les particuliers, ceux-ci soient mis en mesure de connaître la plénitude de ces droits et de s'en prévaloir, le cas échéant, devant les juridictions nationales.

    ...

    En effet, aussi longtemps que la directive n'est pas correctement transposée en droit national, les justiciables n'ont pas été mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits. Cette situation d'incertitude pour les justiciables subsiste même après un arrêt par lequel la Cour a considéré que l'État membre en cause n'a pas satisfait à ses obligations au titre de la directive et même si la Cour a reconnu que l'une ou l'autre des dispositions de la directive est suffisamment précise et inconditionnelle pour être invoquée devant une juridiction nationale.

    Seule la transposition correcte de la directive mettra fin à cet état d'incertitude et ce n'est qu'au moment de cette transposition qu'est créée la sécurité juridique nécessaire pour exiger des justiciables qu'ils fassent valoir leurs droits (53).»

    68 Pour la même raison, des principes identiques doivent valoir pour la mise en oeuvre rétroactive de la directive. Il est, pensons-nous, manifeste que, si l'État membre n'informe pas tous les citoyens, par des dispositions explicites et claires, de la mise en oeuvre rétroactive et complète de la directive, conforme aux principes énoncés ci-dessus, les intéressés ne peuvent savoir que la directive leur a conféré des droits, ni, à plus forte raison, quelle est l'étendue exacte de ces droits, de manière à être en mesure de les faire valoir efficacement devant les autorités nationales, soit par une action en dommages-intérêts, soit par quelque autre moyen.

    69 Les considérations qui précèdent concernent les conditions de fond de la mise en oeuvre rétroactive correcte. En ce qui concerne les conditions procédurales du désintéressement des bénéficiaires, elles sont régies par le droit national, pourvu, toutefois, qu'elles ne soient pas moins favorables que celles qui valent pour des réclamations semblables de nature interne et qu'elles ne rendent pas ce désintéressement impossible ou excessivement difficile. L'ordonnance de renvoi ne contient aucun élément qui rende nécessaire un examen plus approfondi de la question. Nous nous contenterons donc de cette remarque générale, tout en nous réservant de développer notre point de vue sur la question dans nos observations relatives à l'affaire connexe C-261/95, Palmisani, que nous présenterons en même temps que les présentes conclusions.

    Contrôle de la mise en oeuvre rétroactive

    70 Il reste à examiner la question du contrôle des mesures rétroactives adoptées par l'État membre pour se conformer à la directive et, en particulier, la question des conséquences du non-respect des principes précités. Si l'on admet que ces principes, qui régissent la mise en oeuvre rétroactive de la directive, constituent des principes du droit communautaire, les conséquences du non-respect des principes en question constituent un problème de droit communautaire, sur lequel la Cour a compétence pour s'exprimer. Sous cette réserve, c'est la juridiction nationale qui a compétence pour contrôler la validité des mesures nationales adoptées pour se conformer à la directive.

    71 Ces conséquences, qui ont déjà été décrites, pour la plupart, lors de l'analyse de l'arrêt Dik e.a., dépendent de la nature du principe violé. Ainsi, si l'État adopte des mesures d'application de la directive sans indiquer expressément qu'elles ont un effet rétroactif, le juge national devra, d'abord, les interpréter à la lumière des principes du droit communautaire exposés ci-dessus (54). Si, épuisant la marge d'appréciation que lui confère le droit national, il conclut que la rétroactivité est exclue, alors les bénéficiaires concernés par la période en cause (c'est-à-dire l'intervalle entre l'expiration du délai de mise en oeuvre et l'adoption des mesures de transposition) devront se voir reconnaître un droit à réparation, du fait que l'État a omis d'adopter une mesure d'application, si les conditions énoncées par la jurisprudence Francovich I sont remplies (55).

    72 Si l'État accorde l'avantage prévu par la directive (en exerçant, éventuellement, son pouvoir d'appréciation, sa faculté de choisir entre plusieurs solutions, etc.) et lui confère un effet rétroactif grâce à une disposition expresse, il faudra examiner si les deux autres conditions sont remplies.

    73 D'après ce que nous avons déjà exposé, il faudra examiner, d'abord, si la mesure prise peut valablement rétroagir. A cette fin, il y a lieu de vérifier si la mesure est valide en elle-même, c'est-à-dire si elle est conforme ou non aux dispositions de la directive.

    Dans le premier cas, la mesure peut, en principe, valablement rétroagir, à condition, en tout cas, que l'avantage explicitement octroyé n'ait pas une portée moindre que celui qui peut être accordé sur la base des seules dispositions de la directive (56).

    Dans le second cas, si la mesure prise n'est pas conforme à la directive, elle ne peut être appliquée ni pour le futur ni pour le passé. En conséquence, la rétroactivité ne peut pas non plus fonctionner.

    74 Enfin, il se peut que, afin d'assurer la mise en oeuvre tardive de la directive, l'État opte pour la méthode consistant à prévoir une réparation pour la période où la directive n'était pas encore transposée. Dans ce cas, ce qui est important c'est la détermination du «capital» de la réparation par rapport à l'avantage que la directive vise à conférer, étant donné que les droits dérivés sont fonction de ce droit de base (57). Plus particulièrement, si l'on détermine d'abord expressément l'avantage auquel vise la directive et que l'on fixe ensuite le «capital» de la réparation en conférant rétroactivement cet avantage, les conditions énoncées dans le point précédent s'appliquent mutatis mutandis.

    Il s'ensuit que la réparation prévue par les mesures d'application ne peut avoir une portée moindre que celle due en cas de non-transposition de la directive.

    75 Venons-en maintenant aux mesures litigieuses, qui ont assuré la transposition de la directive 80/987 en droit italien et fixé la réparation pour la période où la directive n'était pas encore transposée.

    76 Par ces mesures, ainsi que nous l'avons déjà exposé (58), le législateur italien a d'abord fixé la garantie payée pour le futur aux travailleurs sur la base de la directive (article 2, paragraphes 1 à 6, du decreto legislativo), c'est-à-dire qu'il s'est conformé à la directive pour le futur. Ensuite, en faisant référence à ces dispositions, il a fixé aussi la réparation due pour la période où la directive n'était pas encore transposée (article 2, paragraphe 7), c'est-à-dire qu'il s'est conformé rétroactivement à la directive. En effet, dans la mesure où, pour fixer la réparation, cette dernière disposition renvoie aux dispositions permanentes déterminant la garantie payée pour le futur, elle accorde, en somme, cette même garantie à ceux qui avaient la qualité de bénéficiaire au cours de la période où le manquement a duré, c'est-à-dire qu'elle l'accorde rétroactivement.

    77 Comme il résulte de l'analyse qui précède, pour que ce mode de fixation de la réparation soit valide, il faudra que la garantie expressément déterminée et la réparation fixée sur cette base ne soient pas inférieures respectivement au «capital» de la réparation et à la réparation considérée dans sa globalité, tels qu'ils peuvent être fixés sur la base des seules dispositions de la directive. En conséquence, il faut examiner d'abord quelle est la garantie prévue par la directive au bénéfice des travailleurs et à quelle réparation ces derniers peuvent prétendre si la directive n'est pas transposée dans les délais.

    Directive 80/987

    78 La directive en question, dont nous rappelons les principales caractéristiques (59), a pour objet le rapprochement des législations des États membres en matière de protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur et, en particulier, prévoit, à cet effet, des garanties spécifiques de paiement de leurs créances impayées (60).

    Dans ce but, elle confère aux travailleurs un droit leur garantissant le paiement de leurs créances impayées portant sur la rémunération afférente à la période qui se situe avant une date déterminée (article 3, paragraphe 1).

    Cette date est, au choix des États membres, l'une des trois dates énumérées limitativement à l'article 3, paragraphe 2.

    En fonction de la date que choisissent les États membres, ils ont la faculté de limiter l'obligation de paiement des institutions de garantie, en décidant qu'elles assureront exclusivement le paiement des créances afférentes à un certain espace de temps situé à l'intérieur d'une période de référence précédant la date choisie. La durée minimale de cet espace de temps et de la période de référence correspondant à chacune des dates énumérées à l'article 3, paragraphe 2, est définie à l'article 4, paragraphe 2.

    De plus, l'article 4, paragraphe 3, prévoit que les États membres peuvent, en outre, fixer un plafond pour la garantie de paiement, afin d'éviter le versement de sommes allant au-delà de la finalité sociale de la directive.

    79 En conséquence, dans des conditions normales (61), l'État membre peut fixer la garantie en appliquant conjointement l'article 3, paragraphe 2, et l'article 4, paragraphe 2. Pour apprécier si ces articles peuvent aussi s'appliquer rétroactivement, il faudra considérer d'abord certaines questions d'interprétation soulevées par ces dispositions.

    Signification de l'article 4, paragraphe 2

    80 Les dispositions de ce paragraphe n'ont pas d'existence indépendante, mais sont en corrélation directe avec celles de l'article 3, paragraphe 2, et, en conséquence, il convient de les envisager simultanément.

    Le point de jonction entre ces deux dispositions est la date de la survenance de l'insolvabilité de l'employeur. La raison en est que cette date soit est la date prise comme point de départ pour le calcul d'une période de référence (voir, par exemple, article 3, paragraphe 2, premier tiret, et article 4, paragraphe 2, premier tiret) (62), soit est la date à partir de laquelle peut commencer une période de référence (voir, par exemple, article 3, paragraphe 2, deuxième tiret, et article 4, paragraphe 2, deuxième tiret) (63).

    81 Il résulte de l'ordonnance de renvoi que, conformément aux mesures nationales de transposition de la directive, telles qu'elles ont été interprétées par les juridictions italiennes, il faut considérer que la date de la survenance de l'insolvabilité de l'employeur et, donc, le point de départ du calcul de la garantie à payer en vertu de l'article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la directive s'identifient à la date du jugement déclaratif de la faillite.

    82 Dans leurs observations, les parties au principal soutiennent que, de ce fait, le législateur italien a violé les articles 2, 3 et 4 de la directive, selon lesquels il faut considérer comme marquant la survenance de l'insolvabilité de l'employeur soit le fait de la cessation de paiements, qui est de beaucoup antérieur à la date du jugement déclaratif de la faillite, soit même l'introduction de la procédure judiciaire dont le jugement déclaratif de la faillite est la conclusion. Elles ajoutent que, précisément en raison du choix opéré par le législateur italien, combiné avec la lenteur avec laquelle les affaires concernées sont jugées en Italie, il se peut que les travailleurs, sans qu'aucune responsabilité leur soit imputable, ne tombent pas dans la période de référence définie par la loi italienne.

    83 La Commission se rallie à ces thèses. Elle affirme aussi, en invoquant le point 25 de l'arrêt de la Cour Commission/Grèce (64), que cette situation de fait est nécessairement antérieure au jugement déclaratif de la faillite.

    84 Bien que les questions préjudicielles ne le soulèvent pas expressément, le problème de la fixation de la date de la survenance de l'insolvabilité de l'employeur est lié directement aux questions posées par la juridiction de renvoi et, pour répondre à ces questions, il est nécessaire de l'envisager préalablement. En conséquence, nous prendrons position sur ce point.

    85 Les thèses défendues par les demanderesses et par la Commission ne peuvent être acceptées.

    86 Comme on peut le déduire du deuxième considérant de la directive et comme la Cour a eu l'occasion de l'indiquer dans l'arrêt du 9 novembre 1995, Francovich (65) (ci-après «Francovich II»), lorsqu'il a adopté la directive, le législateur communautaire a dû surmonter les difficultés objectives que soulève la promulgation de règles communautaires d'harmonisation en général, mais aussi, plus particulièrement, l'élaboration de règles communes en matière de protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur. Cela est dû aux différences que présentent les systèmes juridiques en vigueur dans les États membres et à l'impossibilité de formuler une définition de la notion d'insolvabilité qui soit acceptable pour tous. Ceci étant, le législateur communautaire a, manifestement, décidé lui-même, à l'article 2, paragraphe 1, de la directive, quand un employeur doit être considéré comme se trouvant en «état d'insolvabilité». En conséquence, il a exclu la possibilité que les États membres et, en général, les autorités chargées d'appliquer la directive, en prenant en considération d'autres éléments, donnent à la notion d'insolvabilité un contenu différent de celui défini par cet article (66). Cela veut dire que ce terme a un «sens spécifique» dans la directive (67): comme l'article 2, paragraphe 1, l'indique explicitement, cette notion est prise ici «au sens de la présente directive». En conséquence, la directive reconnaît une définition de l'insolvabilité et cette définition est fournie à l'article 2, paragraphe 1. Par suite, les termes «insolvabilité» ou «date de la survenance de l'insolvabilité» visent la date à partir de laquelle l'employeur «se trouve en état d'insolvabilité», au sens de l'article 2, paragraphe 1.

    87 Cette thèse est confirmée par la jurisprudence. En effet, d'après les arrêts Francovich I (point 14) et Francovich II (point 17) précités, pour savoir si une personne doit être considérée comme bénéficiaire de la directive, la juridiction nationale doit vérifier, d'une part, si l'intéressé a la qualité de travailleur salarié et n'est pas exclu du champ d'application de la directive, «puis, d'autre part, si l'on se trouve dans l'une des hypothèses d'état d'insolvabilité prévues par l'article 2 de la directive».

    L'arrêt Francovich II poursuit dans les termes suivants:

    «Or, il résulte des termes de cette dernière disposition que, pour qu'un employeur soit considéré comme se trouvant en état d'insolvabilité, il est nécessaire, premièrement, que les dispositions législatives, réglementaires et administratives de l'État membre concerné prévoient une procédure qui porte sur le patrimoine de l'employeur et qui vise à désintéresser collectivement ses créanciers, deuxièmement, que soit permise, dans le cadre de cette procédure, la prise en considération des créances des travailleurs salariés résultant de contrats ou de relations de travail, troisièmement, que l'ouverture de la procédure ait été demandée et, quatrièmement, que l'autorité compétente en vertu des dispositions nationales précitées ait soit décidé l'ouverture de la procédure, soit constaté la fermeture définitive de l'entreprise ou de l'établissement de l'employeur ainsi que l'insuffisance de l'actif disponible pour justifier l'ouverture de la procédure.» (point 18)

    88 De l'article 2, paragraphe 1, de la directive, tel qu'interprété dans l'attendu précité de l'arrêt Francovich II, on déduit, d'abord, que la notion d'insolvabilité est une notion juridique qui est définie par la directive et ne s'identifie pas avec une situation de fait, comme la cessation de paiements (68) ou l'impossibilité pour l'employeur de satisfaire à ses obligations (69).

    Du reste, l'existence de situations de fait telles que celles que nous venons de mentionner précède logiquement la demande qui a pour but d'obtenir l'«ouverture de la procédure visant à désintéresser collectivement les créanciers», qui, à son tour, constitue l'une des conditions de la survenance de l'état d'insolvabilité, en vertu de l'article 2, paragraphe 1.

    89 La conception contraire ne peut trouver appui dans le point 25 de l'arrêt Commission/Grèce, qu'invoque la Commission (70). Pour répondre à un argument du gouvernement hellénique, selon lequel l'article 205 du code de droit maritime privé (71) assure une protection équivalant à celle accordée par les dispositions de la directive 80/987, la Cour, dans l'attendu précité, s'est exprimée dans les termes suivants:

    « ... la protection prévue par l'article 205 ... ne s'applique qu'en cas de vente aux enchères et donc pas, comme l'exige la directive, dès la survenance de l'insolvabilité de l'employeur, laquelle peut se manifester longtemps avant.»

    Étant donné que la vente aux enchères, en tant que mesure visant à désintéresser collectivement les créanciers, est nécessairement postérieure non seulement à la cessation de paiements, mais aussi à la décision ouvrant cette procédure (il s'agit, en droit hellénique, du jugement déclaratif de la faillite), la conception de la Commission ne trouve aucun appui dans cet attendu.

    90 Deuxièmement, il résulte du même article que les conditions qu'il formule doivent être remplies cumulativement. En conséquence, il ne suffit pas que l'ouverture de la procédure visant à désintéresser collectivement les créanciers ait été demandée, mais il faut, en plus, que l'autorité compétente en vertu du droit national ait décidé cette ouverture. Si, conformément au droit national, l'autorité compétente est l'autorité judiciaire, comme c'est le cas en l'espèce, alors l'État membre, en décidant qu'il y a «insolvabilité» ou «état d'insolvabilité» ou «survenance de l'insolvabilité» dès le moment où la décision judiciaire concernée a été rendue, ne peut nullement être considéré comme violant la directive.

    91 Il est vrai que, comme l'ont soutenu les demanderesses au principal, il se peut que le temps qui s'écoule depuis la cessation de paiements ou la demande d'ouverture de la procédure jusqu'au moment où l'autorité compétente rend sa décision (consistant, par exemple, dans la constatation judiciaire de la faillite) ait pour conséquence que certains travailleurs ne tombent pas dans la période de référence fixée par l'État membre (72).

    92 Cet argument n'est pas pertinent en l'espèce. Ces événements seraient décisifs si, en vertu de la directive, ils avaient des conséquences juridiques propres et, en particulier, s'ils marquaient le point de départ ou le terme de la période de référence. Tel n'est toutefois pas le cas. Ils ne marquent ni le point de départ (voir points 88 et 90 ci-dessus), ni le terme de la période de référence, étant donné que, dans le cas qui nous occupe (article 4, paragraphe 2, premier tiret), le terme de la période de référence est constitué par une date donnée, qui n'a aucun lien avec les événements précités.

    93 En réalité, ce que font valoir les demanderesses au principal, c'est que, au cours de la période de référence, elles n'avaient pas avec l'employeur de relation de travail ayant donné lieu à des créances impayées, susceptibles d'être couvertes par la garantie. En fait, pour le paiement de la garantie, la directive exige une relation de travail effective avec l'employeur, relation qui est à l'origine des créances impayées des travailleurs. Cependant, la circonstance qu'il a existé ou non une relation de travail n'est pas nécessairement liée à la cessation de paiements ou à la demande visant à obtenir un jugement déclaratif de la faillite - événements que les demanderesses et la juridiction de renvoi considèrent comme significatifs. En effet, il ne résulte d'aucun élément du dossier que ces événements impliquent automatiquement la rupture de la relation de travail (73). Au contraire, comme les demanderesses elles-mêmes l'indiquent dans leurs observations, dans le cadre des procédures au principal, il y a des créances impayées qui se situent dans la période de référence fixée par le droit italien, portant même sur une durée de plus de trois mois (74).

    94 Finalement, la question de savoir si certains travailleurs tombent ou non dans la période de référence relève du hasard. C'est aussi une conséquence nécessaire du choix d'une date ou d'une période comme référence pour la production de certains effets légaux. Ce choix résulte de la mise en balance d'intérêts opposés et constitue une solution moyenne, qui, inévitablement, est favorable pour certains et défavorable pour d'autres.

    95 Il résulte de ce qui précède que le point de savoir si les travailleurs savent ou ignorent si la procédure visant à obtenir que leur employeur soit déclaré en faillite a été engagée par des tiers, le fait que cette procédure ait, par hasard, une durée telle que la période de référence soit éventuellement dépassée, de même que le fait que les travailleurs aient ou non une responsabilité quant à la durée de cette procédure, ne sont pas pertinents en l'espèce.

    Validité de l'article 4, paragraphe 2

    96 Plus particulièrement, ces éléments sont sans incidence sur la validité de l'article 4, paragraphe 2, de la directive en ce qui concerne le respect des principes d'égalité et de non-discrimination.

    97 Comme l'a Cour l'a jugé dans l'arrêt Francovich II, eu égard aux difficultés que présente l'élaboration de règles communes dans le domaine de la protection des travailleurs en cas d'insolvabilité de l'employeur (75), la directive constitue une première étape de l'harmonisation et, donc, poursuit des objectifs limités. Ainsi, le fait qu'elle protège seulement une certaine catégorie de travailleurs (c'est-à-dire ceux dont les employeurs sont soumis à des procédures visant à désintéresser collectivement leurs créanciers) et, en conséquence, fasse une distinction entre les travailleurs n'implique pas une violation du principe d'égalité, parce que cette distinction est justifiée par des circonstances objectives (76).

    98 Il convient d'adopter la même solution dans le cas présent. Le fait que l'article 4, paragraphe 2, de la directive prévoit une période de référence dans laquelle il se peut que certains travailleurs tombent, tandis que d'autres, pour des raisons indépendantes de leur volonté, n'y tombent pas, est à l'origine d'une différenciation entre les travailleurs, mais cette différenciation est justifiée par les nécessités de l'harmonisation graduelle et, en particulier, par la nécessité de donner aux États membres la possibilité d'introduire graduellement dans leur droit interne des dispositions précédemment inconnues.

    Garantie minimale prévue par la directive

    99 Si l'article 4, paragraphe 2, peut à bon droit être utilisé en vue de déterminer la garantie prévue par la directive, il faudra examiner en quoi consiste cette garantie.

    Comme il a été jugé et comme le soulignent avec raison le gouvernement italien et celui du Royaume-Uni ainsi que l'INPS, la directive assure aux travailleurs une protection minimale (77), sous la forme d'une garantie minimale, qui peut être déterminée sur la base des dispositions de la directive (78).

    100 En effet, d'après l'arrêt Francovich I:

    «il est possible de déterminer la garantie minimale prévue par la directive en se fondant sur la date dont le choix entraîne la charge la moins lourde pour l'institution de garantie. Cette date est celle de la survenance de l'insolvabilité de l'employeur, étant donné que les deux autres dates, à savoir celle du préavis de licenciement du travailleur et celle de la cessation du contrat de travail ou de la relation de travail sont, selon les conditions posées par l'article 3, nécessairement postérieures à la survenance de l'insolvabilité et délimitent donc une période plus longue, pendant laquelle le paiement de créances doit être assuré.» (point 19).

    «Pour ce qui est de la faculté, prévue à l'article 4, paragraphe 2, de limiter cette garantie, il y a lieu de relever qu'une telle faculté n'exclut pas que l'on puisse déterminer la garantie minimale. En effet, il résulte des termes de cet article que les États membres ont la faculté de limiter les garanties accordées aux travailleurs à certaines périodes antérieures à la date visée à l'article 3. Ces périodes sont fixées en fonction de chacune des trois dates prévues à l'article 3, de sorte qu'il est possible, en tout état de cause, de déterminer jusqu'où l'État membre aurait pu réduire la garantie prévue par la directive selon la date qu'il aurait choisie s'il avait transposé la directive.» (point 20)

    101 Cependant, comme la Cour l'a jugé dans cet arrêt, même si les dispositions en cause de la directive sont suffisamment précises et inconditionnelles en ce qui concerne la détermination des bénéficiaires de la garantie et le contenu de cette garantie, ces éléments ne sont pas suffisants pour que les particuliers puissent se prévaloir de ces dispositions devant les juridictions nationales, étant donné que «d'une part, ces dispositions ne précisent pas l'identité du débiteur de la garantie et, d'autre part, l'État ne saurait être considéré comme débiteur au seul motif qu'il n'a pas pris dans les délais les mesures de transposition» (point 26). Cela étant, à la question préjudicielle par laquelle la juridiction nationale demandait si un particulier peut invoquer directement à l'encontre de l'État les dispositions claires et inconditionnelles de la directive pour obtenir la garantie que l'État doit lui assurer, la Cour a répondu que «les dispositions de la directive 80/987 qui définissent les droits des travailleurs doivent être interprétées en ce sens que les intéressés ne peuvent pas faire valoir ces droits à l'encontre de l'État devant les juridictions nationales à défaut de mesures d'application prises dans les délais» (point 27).

    Contenu de la réparation due pour non-transposition de la directive

    102 Si, toutefois, la réparation présuppose des droits susceptibles d'être déterminés sur la base de la directive et que les droits que prévoit la directive 80/987 peuvent être déterminés sur la base de ses dispositions, mais que les particuliers ne peuvent les faire valoir devant les juridictions nationales, il est demandé selon quels critères ces dernières détermineront la réparation due, cela eu égard au fait que, dans le même arrêt, après avoir répété que «le résultat prescrit par cette directive comporte l'attribution aux travailleurs salariés du droit à une garantie pour le paiement de leurs créances impayées concernant la rémunération» et que «le contenu de ce droit peut être identifié sur la base des dispositions de la directive» (point 44), la Cour a aussi indiqué que:

    «dans ces conditions, il appartient à la juridiction nationale d'assurer, dans le cadre du droit national de la responsabilité, le droit des travailleurs à obtenir réparation des dommages qui leur auraient été causés du fait de la non-transposition de la directive» (point 45).

    103 L'avocat général M. Mischo, au point 80 de ses conclusions relatives à l'affaire Francovich I, a indiqué à cet égard que, s'agissant de directives dont les dispositions ne sont pas directement applicables, comme la directive 80/987, «dans le cadre du recours en indemnité, le juge national dispose d'une marge d'appréciation qu'il n'a pas lorsque la directive engendre des effets directs. Du moment qu'il est clair que le requérant relève de la catégorie des personnes dont la directive vise à protéger les intérêts, le juge national pourra fixer les dommages-intérêts `ex aequo et bono', tout en s'inspirant autant que possible des dispositions de la directive. Il examinera les options que prévoit l'article 3 et les facultés de dérogation énumérées à l'article 4, et s'efforcera d'en dégager une indemnité d'un montant qui lui paraîtra équitable.»

    104 Nous nous rallions, en principe, à cette thèse, tout en faisant la remarque suivante. Nous considérons que le juge national a un pouvoir d'appréciation, mais ce pouvoir n'est pas illimité. La directive contient une réglementation minimale (79) et, en cela, lie aussi bien l'État, auquel il n'est pas permis de déroger à ce minimum, même en cas de mise en oeuvre effectuée dans les délais, que les juridictions nationales. Cette réglementation minimale ne peut que correspondre à un droit minimal pour les travailleurs, droit dont la réparation doit assurer le respect. Si l'on admettait que la réparation peut être inférieure à ce minimum, l'État tirerait profit de la circonstance qu'il n'a pas appliqué la directive et serait encouragé à réitérer ce manquement - ce qui n'est pas admissible. De plus, si la réparation n'assurait pas ce minimum, elle finirait par être symbolique. En conséquence, la réparation devra assurer au moins ce minimum.

    105 Cette réglementation minimale est prévue à l'article 4, paragraphe 2. Là, le législateur communautaire a défini la garantie minimale que les États membres devront assurer en fonction de la date qu'ils choisiront comme point de départ de la période de référence. Cependant (contrairement à l'article 3, paragraphe 2), l'article 4, paragraphe 2, ne permet pas la fixation d'une garantie minimale (c'est-à-dire d'une garantie qui, a priori, constitue une charge moins lourde que les autres), mais de trois garanties minimales possibles (80).

    106 Ces trois garanties sont quivalentes, parce qu'elles sont toutes trois permises par la directive. De plus, dans la mesure où elles résultent de méthodes de calcul différentes, on ne peut les comparer de manière à déterminer laquelle est la moins importante des trois. Cela étant, le juge national, prenant en considération la garantie minimale qui résulterait de l'application de chacune des trois possibilités, doit fixer le dédommagement approprié à chaque cas d'espèce, en portant une appréciation adéquate et équitable dans le cadre du droit national de la responsabilité. Il va sans dire, évidemment, que, si, dans des cas analogues, le droit national impose un dédommagement plus important (par exemple, s'il impose le choix de la solution la plus favorable au travailleur parmi celles éventuellement offertes), le dédommagement devra être calculé sur cette base (81).

    107 Le travail du juge national est, de toute façon, facilité lorsque, comme en l'espèce, le législateur national a manifesté rétroactivement sa volonté en ce qui concerne le choix de la méthode de calcul de la garantie sur la base des dispositions combinées des deux articles précités (82). Alors, conformément à ce que nous avons déjà exposé ci-dessus (83), la garantie qui est déjà explicitement fixée (de même que la réparation calculée sur cette base) ne peut être inférieure (84) à la garantie (et à la réparation y afférente) qui résulterait du choix correspondant conformément aux seules dispositions de la directive.

    108 De tout ce que nous avons déjà exposé, il résulte que, quelle que soit celle des trois possibilités offertes par l'article 4, paragraphe 2, que choisisse le législateur national pour la détermination de la garantie lors de la transposition de la directive, il faut considérer qu'il se conforme, en principe, à la directive. Si les dispositions de cet article peuvent être prises en considération lors de la détermination de la réparation due parce que la directive n'a pas été transposée dans les délais, rien, en principe, n'empêche le législateur national de conférer un effet rétroactif à la garantie qui est déjà déterminée explicitement sur la base de la disposition précitée et de décider que cette garantie constitue la base sur laquelle est calculée la réparation destinée au débiteur pour la période où la directive n'était pas transposée malgré l'expiration du délai (85).

    Article 4, paragraphe 3, de la directive

    109 Si le paragraphe 2 de l'article 4 peut, en principe, être appliqué rétroactivement, tel n'est pas le cas du paragraphe 3 de ce même article. Ce dernier paragraphe ne contient aucun élément précis qui permette de déterminer les droits des travailleurs sur la base de cette seule disposition. De plus, l'exercice de la faculté de limiter la garantie, conformément à cette disposition, présuppose que l'État membre ait déjà exercé la faculté prévue à l'article 4, paragraphe 2. En conséquence, le paragraphe 3 de l'article 4 de la directive ne peut justifier que la garantie payable soit limitée avec effet rétroactif ni, en outre, que la réparation qui peut être déterminée sur la base des dispositions de la directive soit limitée (86).

    V - Conclusion

    Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons de répondre dans les termes suivants aux questions préjudicielles:

    «1) Si un État membre, adoptant des mesures d'application de la directive 80/987/CEE après l'expiration du délai prévu à l'article 11, détermine la réparation due pour la période où la directive n'était pas encore transposée en droit interne, cette réparation ne peut être moindre que celle qui peut être fixée sur la base des seules dispositions de la directive.

    2) Au cas où un État membre, adoptant tardivement des mesures d'application de la directive, détermine la garantie due aux travailleurs en usant de la faculté que lui donne l'article 4, paragraphe 2, de la directive, ce paragraphe doit s'interpréter en ce sens que rien n'empêche l'État membre de décider que la garantie déterminée de cette manière constitue la base du calcul de la réparation due pour la période où la directive n'était pas encore transposée, à condition que la garantie elle-même soit conforme aux dispositions de la directive et sous réserve du point précédent. L'exercice par l'État membre de la faculté précitée n'est pas lié au point de savoir si les travailleurs ont eu ou non un comportement fautif.

    3) De l'examen de l'article 4, paragraphe 2, de la directive, tel qu'interprété ci-dessus, ne résulte aucun élément qui soit de nature à avoir une incidence sur sa validité au regard du principe de l'égalité de traitement.

    4) L'article 4, paragraphe 3, de la directive doit s'interpréter en ce sens qu'il ne justifie pas la limitation de la réparation qui, lors de l'adoption tardive de mesures de transposition de la directive, est déterminée par l'État membre comme étant due pour la période où la directive n'était pas encore transposée.»

    (1) - JO L 283, p. 23.

    (2) - C-6/90 et C-9/90 (Rec. p. I-5357).

    (3) - 22/87, Rec. p. 143.

    (4) - Voir note 2.

    (5) - GURI (Gazzetta Ufficiale della Repubblica Italiana) n_ 36 du 13 février 1992.

    (6) - Ainsi qu'il résulte de l'ordonnance de renvoi, lue en combinaison avec les observations des parties au principal, la date à compter de laquelle le délai de douze mois susmentionné commence à courir, c'est-à-dire la «date de la survenance de l'insolvabilité», au sens de la directive, coïncide, conformément à la jurisprudence des juridictions italiennes, avec la date à laquelle a été prononcé le jugement déclaratif de la faillite.

    (7) - Conformément à l'arrêt n_ 285/1993 de la Corte costituzionale italienne, auquel se réfère l'ordonnance de renvoi et qu'invoquent les parties au principal dans leurs observations, c'est l'INPS qui gère le fonds de garantie susmentionné et c'est contre lui que doivent être dirigées les demandes d'indemnisation visées à l'article 2, paragraphe 7, du decreto legislativo n_ 80/92.

    (8) - Il s'agissait, comme on le sait, du dommage subi par les travailleurs du fait que la République italienne n'avait pas adopté les mesures nécessaires à la transposition de la directive litigieuse.

    (9) - Voir arrêt du 21 mars 1996, Bruyère e.a. (C-297/94, Rec. p. I-1551, point 19).

    (10) - Voir, en particulier, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman e.a. (C-415/93, Rec. p. I-4921, point 59); du 5 octobre 1995, Aprile (C-125/94, Rec. p. I-2919, points 16 et 17), et du 18 octobre 1990, Dzodzi (C-297/88 et C-197/89, Rec. p. I-3763, point 35).

    (11) - Voir arrêt Bosman e.a. (déjà cité à la note précédente).

    (12) - Voir arrêt du 19 janvier 1994, SAT Fluggesellschaft (C-364/92, Rec. p. I-43, points 11 et 14).

    (13) - Voir arrêts du 1er février 1996, Perfili (C-177/94, Rec. p. I-161, point 9), et du 27 octobre 1993, Steenhorst-Neerings (C-338/91, Rec. p. I-5475, point 25).

    (14) - Voir arrêt du 20 mai 1976, Mazzalai (111/75, Rec. p. 657, point 7).

    (15) - Voir arrêts du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C-46/93 et C-48/93, Rec. p. I-1029, point 33); du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest (C-143/88 et C-92/89, Rec. p. I-415, point 26); du 27 mars 1980, Denkavit italiana (61/79, Rec. p. 1205, point 18), et du 13 juillet 1972, Commission/Italie (48/71, Rec. p. 529, point 8).

    (16) - Comme on le sait, outre les États membres, les particuliers sont aussi des sujets de l'ordre juridique communautaire, au bénéfice desquels naissent des droits du fait des obligations que le traité impose d'une manière bien définie aux États membres (voir, en particulier, arrêt Francovich I, déjà cité à la note 2, point 31, et arrêt du 3 avril 1968, Molkerei, 28/67, Rec. p. 211, point 1 A).

    (17) - Arrêt du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne (70/72, Rec. p. 813, point 13, souligné par nous).

    (18) - Arrêt Francovich I (déjà cité à la note 2), point 36. Voir aussi, au sujet de la disposition analogue du traité CECA, arrêt du 16 décembre 1960, Humblet/État belge (6/60, Rec. p. 1125).

    (19) - Voir arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame (déjà cité à la note 15), point 27.

    (20) - Arrêt du 19 janvier 1982, Becker (8/81, Rec. p. 53, point 25).

    (21) - Arrêt du 24 mars 1987, McDermott et Cotter (286/85, Rec. p. 1453, point 12). Voir aussi arrêt du 4 décembre 1986, FNV (71/85, Rec. p. 3855, point 14), et arrêt Becker (cité à la note précédente), points 22 à 24.

    (22) - Voir arrêts Francovich I (déjà cité à la note 2), points 31 à 36, et Brasserie du pêcheur et Factortame (déjà cité à la note 15), points 31 à 36, ainsi qu'arrêts du 26 mars 1996, British Telecommunications (C-392/93, Rec. p. I-1631, point 38); du 23 mai 1996, Hedley Lomas (C-5/94, Rec. p. I-2553, point 24); du 8 octobre 1996, Dillenkofer e.a. (C-178/94, C-179/94, C-188/94, C-189/94 et C-190/94, non encore publié au Recueil, point 20), et du 17 octobre 1996, Denkavit e.a. (C-283/94, C-291/94 et C-292/94, non encore publié au Recueil, point 47).

    (23) - Arrêts Francovich I (déjà cité à la note 2), point 38, Brasserie du pêcheur et Factortame (déjà cité à la note 15), point 38; Hedley Lomas (déjà cité à la note 22), point 24, et Dillenkofer e.a. (déjà cité à la note 22), point 20.

    (24) - Voir arrêt Dillenkofer e.a. (déjà cité à la note 22), point 24.

    (25) - Arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame (déjà cité à la note 15), points 43 et 44.

    (26) - En ce sens que l'État a méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s'imposent à l'exercice de ses pouvoirs. Voir arrêts Brasserie du pêcheur et Factortame (déjà cité à la note 15), points 45 et 55; British Telecommunications (déjà cité à la note 22), point 42, et Dillenkofer e.a. (déjà cité à la note 22), point 25.

    (27) - Voir arrêts Brasserie du pêcheur et Factortame (déjà cité à la note 15), points 50 et 51; British Telecommunications (déjà cité à la note 22), points 39 et 40; Hedley Lomas (déjà cité à la note 22), points 25 et 26; Dillenkofer e.a. (déjà cité à la note 22), point 21, et Denkavit e.a. (déjà cité à la note 22), point 48.

    (28) - Voir arrêts Francovich I (déjà cité à la note 2), points 39 et 40, et Dillenkofer e.a. (déjà cité à la note 22), point 22, ainsi qu'arrêts du 14 juillet 1994, Faccini Dori (C-91/92, Rec. p. I-3325, point 27), et du 7 mars 1996, El Corte Inglés (C-192/94, Rec. p. I-1281, point 22).

    (29) - Arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame (déjà cité à la note 15), point 66.

    (30) - Arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame (déjà cité à la note 15), point 67. Voir aussi arrêts Francovich I (déjà cité à la note 2), points 41 et 42, et Faccini Dori (déjà cité à la note 28), point 29.

    (31) - Voir, en particulier, arrêts Brasserie du pêcheur et Factortame (déjà cité à la note 15), point 67, et Francovich I (déjà cité à la note 2), point 43.

    (32) - On note que, en ce qui concerne la faculté d'invoquer les dispositions directement applicables du traité, la Cour juge de manière constante que cette faculté «ne constitue qu'une garantie minimale et ne suffit pas à assurer à elle seule l'application pleine et complète du traité» (voir, par exemple, arrêt du 26 février 1991, Commission/Italie, C-120/88, Rec. p. I-621, point 10).

    (33) - Voir, dans la même direction, le point 77 des conclusions de l'avocat général M. Léger sous l'arrêt Hedley Lomas (déjà cité à la note 22).

    (34) - Voir point 38 ci-dessus.

    (35) - Voir point 40 ci-dessus.

    (36) - Directive du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO L 6, p. 24).

    (37) - Il s'agissait, plus particulièrement, d'une disposition transitoire comportant une discrimination au détriment des femmes.

    (38) - 80/87, Rec. p. 1601. Voir aussi arrêt du 25 juillet 1991, Emmott (C-208/90, Rec. p. I-4269, point 4 combiné avec point 24).

    (39) - Ce second attendu est repris dans les arrêts du 13 mars 1991, Cotter et McDermott (C-377/89, Rec. p. I-1155, point 25), et du 24 février 1994, Roks e.a. (C-343/92, Rec. p. I-571, point 20).

    (40) - Cela ressort encore plus clairement de l'arrêt Roks e.a. (déjà cité à la note précédente), points 18, 20 et 25.

    (41) - Voir point 57 ci-dessus.

    (42) - Voir note 39.

    (43) - Voir arrêts Dik e.a. (déjà cité à la note 38), point 8, et Roks e.a. (déjà cité à la note 39), point 18.

    (44) - Arrêts Cotter et McDermott (déjà cité à la note 39), point 18, et Roks e.a. (déjà cité à la note 39), point 8.

    (45) - Tel est le cas, dans les présentes affaires, des dispositions de la directive 80/987 (voir arrêt Francovich I, déjà cité à la note 2, point 26).

    (46) - Voir points 46 et suiv. ci-dessus.

    (47) - Voir arrêt du 2 août 1993, Marshall (C-271/91, Rec. p. I-4367, points 31 et 32) et arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame (déjà cité à la note 15), point 82.

    (48) - Voir arrêt Francovich I (déjà cité à la note 2), point 17. Voir aussi point 51 ci-dessus.

    (49) - Voir arrêt Marshall (déjà cité à la note 47), points 31 et 32.

    (50) - Voir arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame (déjà cité à la note 15), point 87.

    (51) - Comme l'allocation de dommages-intérêts «exemplaires», prévue en droit anglais (voir arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame, déjà cité à la note 15, point 89).

    (52) - Voir arrêt Dillenkofer e.a. (déjà cité à la note 22), point 48, et arrêt du 30 mai 1991, Commission/Allemagne (C-59/89, Rec. p. I-2607, point 24).

    (53) - Arrêt Emmott (déjà cité à la note 38), points 19, 21 et 22. Voir aussi arrêt Steenhorst-Neerings (déjà cité à la note 13), point 19, et arrêt du 6 décembre 1994, Johnson (C-410/92, Rec. p. I-5483, point 25).

    (54) - Voir arrêts Francovich I (déjà cité à la note 2), point 39 et Faccini Dori (déjà cité à la note 28), point 27.

    (55) - Voir point 49 ci-dessus.

    (56) - Voir point 65 ci-dessus. Si la directive prévoit un minimum, ces conditions coïncident logiquement, puisque la condition à laquelle est subordonnée la validité intrinsèque de la mesure est, de toute façon, qu'elle ne se situe pas sous le minimum prévu par la directive.

    (57) - Voir point 63 ci-dessus.

    (58) - Voir points 16 et suiv. ci-dessus.

    (59) - Voir les dispositions pertinentes aux points 5 à 10 ci-dessus.

    (60) - Arrêt du 8 novembre 1990, Commission/Grèce (C-53/88, Rec. p. I-3917, point 2).

    (61) - C'est-à-dire lorsque les mesures d'application de la directive sont adoptées dans les délais.

    (62) - A l'article 3, paragraphe 2, premier tiret, est aussi déterminée une période de référence, qui a un point de départ, mais n'a pas de limite précise. Au contraire, la période de référence prévue à l'article 4, paragraphe 2, premier tiret, qui a le même point de départ que la période susmentionnée a une durée minimale de six mois.

    (63) - Dans ces cas, la date de la survenance de l'insolvabilité de l'employeur constitue le terme de la période de référence.

    (64) - Déjà cité à la note 60.

    (65) - C-479/93, Rec. p. I-3843, points 25 à 27.

    (66) - Voir aussi article 2, paragraphe 2, de la directive, où sont énumérées les notions auxquelles les États membres peuvent conférer un contenu spécifique.

    (67) - Voir arrêt Francovich II (déjà cité à la note 65), point 19.

    (68) - Nous notons que, dans la proposition de directive faite par la Commission au Conseil (proposition du 13 avril 1978, JO C 135, p. 2), ce sont les termes «état de cessation de paiement» qui sont, en général, utilisés, plutôt que ceux d'«état d'insolvabilité». Le fait que ces termes aient été abandonnés dans le texte final de la directive milite en faveur de la conception défendue dans les présentes conclusions. Voir aussi point 15 de nos conclusions relatives à l'affaire Francovich II.

    (69) - En outre, ces situations peuvent varier sensiblement selon les cas et en fonction des États membres, si bien qu'il est impossible d'appliquer uniformément le droit communautaire - conséquence que le législateur communautaire a précisément voulu éviter. De plus, outre les cas de faillite frauduleuse, une «situation de fait» ne correspond pas à une date précise, susceptible d'être prise comme point de départ pour la détermination des droits des travailleurs, ce qui est une source d'insécurité juridique. En ce qui concerne la question de savoir si les conditions auxquelles le droit national subordonne l'ouverture de la procédure visant à désintéresser collectivement les créanciers sont remplies (par exemple, la cessation de paiements, etc.), c'est l'autorité compétente qui se prononcera, conformément à l'article 2, paragraphe 1, de la directive.

    (70) - Voir note 60 ci-dessus. L'arrêt a été rendu sur un recours de la Commission, reprochant à la République hellénique d'avoir manqué de prendre dans les délais des mesures d'application de la directive 80/987.

    (71) - Si le navire est vendu aux enchères, cet article classe les créances des marins au deuxième rang des privilèges marins, après, en particulier, les frais judiciaires et les créances du Trésor (voir point 24 de cet arrêt).

    (72) - Voir point 82 ci-dessus.

    (73) - C'est dans ce cas seulement qu'il serait important de savoir si ces événements se situent à l'intérieur de la période de référence ou en dehors de celle-ci.

    (74) - Voir point 20 ci-dessus. Notons, d'ailleurs, que, dans l'affaire connexe C-261/95, Palmisani (voir point 69 ci-dessus), la demanderesse a eu une relation de travail avec son employeur jusqu'à la date où celui-ci a été déclaré en faillite par décision judiciaire.

    (75) - Voir point 86 ci-dessus.

    (76) - Voir points 22 à 24 de l'arrêt.

    (77) - Voir arrêt du 2 février 1989, Commission/Italie (déjà cité au point 12), point 23.

    (78) - Voir arrêt Francovich I (déjà cité à la note 2), point 19.

    (79) - En ce qui concerne le mode de calcul de la garantie.

    (80) - Tel est le cas parce que, à l'article 3, paragraphe 2, la garantie est fonction d'une variable, à savoir la date constituant le point de départ de la période de référence. Une période de référence plus courte implique moins de créances des travailleurs et donc une charge moins lourde pour l'institution de garantie. Puisque la période de référence la plus courte est celle qui a comme point de départ la date de la survenance de l'insolvabilité de l'employeur, la garantie qui résulte de ce choix est, a priori, la plus limitée. Au contraire, d'après l'article 4, paragraphe 2, la garantie qui résulte de chacune des trois méthodes de calcul est fonction de trois variables (à savoir la date de début de la période de référence, la durée de cette période et la durée de la relation de travail pour laquelle existent des créances impayées), qui n'ont pas des valeurs constantes valant dans tous les cas. Cela étant, dans les conditions définies par l'article 4, paragraphe 2, il n'est pas a priori évident que le choix de la date de la survenance de l'insolvabilité de l'employeur comme point de départ de la période de référence (premier cas) entraîne une charge moins lourde pour l'institution de garantie que, par exemple, le choix de la troisième possibilité. En effet, dans le premier cas, la période de référence est plus courte (six mois), mais la garantie payable est plus importante (garantie portant sur une période de trois mois). Dans le troisième cas, la période de référence est plus longue (dix-huit mois), mais la garantie est moins importante (garantie portant sur une période de huit semaines, c'est-à-dire de deux mois).

    (81) - Voir point 51 et note 29 ci-dessus.

    (82) - Voir, dans ce sens, le point 80 des conclusions de l'avocat général M. Mischo, au point 103.

    (83) - Voir points 73 et 74.

    (84) - Et logiquement elle n'est pas inférieure - voir note 56 ci-dessus.

    (85) - Cela sous réserve, nous y insistons une fois encore, que le droit national de la responsabilité ne prévoie pas une réparation plus importante dans des cas analogues (voir point 106 ci-dessus). Cela signifie que, si le droit national prévoit une réparation calculée sur une base plus élevée (capital), alors, les dispositions rétroactives assurant la transposition de la directive peuvent être, en principe, conformes à la lettre de ces dispositions, mais être contraires aux principes du droit communautaire imposant l'application des dispositions plus favorables du droit national de la responsabilité. Dans ce cas, dans la mesure où elles réduisent la réparation déjà garantie par le droit communautaire, elles vont à l'encontre de ce dernier et il faudra les écarter de manière à appliquer le seul «système de référence valable» en l'espèce, c'est-à-dire les dispositions du droit national concernant la responsabilité extracontractuelle de l'État.

    (86) - Voir arrêt Marshall (déjà cité à la note 47), point 30.

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