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Document 61994TJ0070

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 11 décembre 1996.
Comafrica SpA et Dole Fresh Fruit Europa Ltd & Co. contre Commission des Communautés européennes.
Organisation commune des marchés - Bananes - Recours en annulation - Recevabilité - Légalité du coefficient de réduction - Recours en indemnité.
Affaire T-70/94.

Recueil de jurisprudence 1996 II-01741

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1996:185

61994A0070

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 11 décembre 1996. - Comafrica SpA et Dole Fresh Fruit Europa Ltd & Co. contre Commission des Communautés européennes. - Organisation commune des marchés - Bananes - Recours en annulation - Recevabilité - Légalité du coefficient de réduction - Recours en indemnité. - Affaire T-70/94.

Recueil de jurisprudence 1996 page II-01741


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Recours en annulation ° Personnes physiques et morales ° Actes les concernant directement et individuellement ° Contingent tarifaire pour l' importation de bananes ° Règlement fixant un coefficient de réduction permettant aux importateurs visés de déterminer la quantité qui leur sera attribuée

(Traité CE, art. 173, alinéa 4; règlement de la Commission n 3190/93)

2. Agriculture ° Organisation commune des marchés ° Banane ° Régime des importations ° Contingent tarifaire ° Répartition ° Modalités d' application ° Compétence de la Commission pour fixer un coefficient de réduction permettant le maintien des limites du contingent ° Portée ° Usage fautif de la compétence ° Absence

(Règlement du Conseil n 404/93, art. 20; règlement de la Commission n 3190/93, art. 1er)

3. Agriculture ° Organisation commune des marchés ° Banane ° Régime des importations ° Contingent tarifaire ° Répartition ° Modalités d' application ° Mesures adoptées par la Commission dans son règlement n 1442/93 ° Dépassement des limites du pouvoir conféré par le règlement de base ° Absence

(Règlement du Conseil n 404/93; règlement de la Commission n 1442/93, art. 3, § 1, 5, § 2, et 7)

4. Responsabilité non contractuelle ° Engagement de la responsabilité de la Commission ° Possibilité pour les particuliers d' invoquer des dispositions déterminant le cadre des habilitations conférées à cette institution ° Exclusion

(Traité CE, art. 155, 178 et 215, alinéa 2; règlement du Conseil n 404/93, art. 20)

Sommaire


1. Le règlement n 3190/93, fixant le coefficient uniforme de réduction pour la détermination de la quantité de bananes à attribuer à chaque opérateur des catégories A et B dans le cadre du contingent tarifaire pour 1994, concerne individuellement les opérateurs desdites catégories. Ne s' appliquant, en effet, qu' aux opérateurs de la catégorie A ou de la catégorie B qui avaient demandé et obtenu des quantités de référence pour des importations de bananes pour l' année 1994, il indique à chaque opérateur concerné que la quantité qu' il est en droit d' importer dans le cadre du contingent tarifaire en cause peut être déterminée en appliquant le coefficient retenu à sa quantité de référence. Puisque la seule fonction législative du règlement est de fixer et de publier ledit coefficient, il a comme effet immédiat et direct de permettre à chaque opérateur de déterminer la quantité définitive qui lui sera attribuée à titre individuel. Le règlement doit, de ce fait, s' analyser en un faisceau de décisions individuelles adressées à chaque opérateur, l' informant, en réalité, des quantités précises qu' il sera en droit d' importer en 1994.

Ne laissant aux États membres aucune marge d' appréciation en ce qui concerne la délivrance des certificats d' importation, le règlement concerne, en outre, directement lesdits opérateurs et est, dès lors, susceptible, en vertu de l' article 173, quatrième alinéa, du traité, de faire l' objet d' un recours en annulation de la part de ceux-ci.

2. L' article 20 du règlement n 404/93, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, n' interdit pas à la Commission d' arrêter des modalités d' application qui, bien qu' elles ne soient pas visées expressément par cette disposition, sont nécessaires au fonctionnement du régime d' importation mis en place dans ce secteur. A cet égard, est nécessaire au fonctionnement du contingent tarifaire, qui fait partie dudit régime, la fixation d' un coefficient de réduction permettant de concilier, dès que le volume des demandes de certificats d' importation dépasse les limites du contingent, le maintien de ces limites et le respect du droit des opérateurs à une part du contingent.

En procédant, par l' article 1er du règlement n 3190/93, à ladite fixation, la Commission n' a pas dépassé les limites ni fait une application erronée du pouvoir d' appréciation qu' elle est en droit d' exercer dans l' intérêt de la Communauté lors de la mise en oeuvre des règles d' une organisation commune des marchés. S' il est vrai, à cet égard, que les opérateurs concernés ont été affectés de façon différente par l' introduction de l' organisation commune des marchés, cette différence de traitement est la conséquence inévitable de la nécessité de tenir compte des situations différentes dans lesquelles se trouvaient les opérateurs et est inhérente à l' objectif d' une intégration de marchés jusqu' alors cloisonnés.

La Commission n' était, en outre, pas obligée d' accepter sans vérification les chiffres communiqués par les États membres en ce qui concerne les quantités de référence à attribuer aux différents opérateurs. A cet égard, les variations qui ont subsisté après que la Commission eut corrigé au moins un certain nombre des quantités de référence qui lui avaient été communiquées à l' origine par les États membres ne sont pas de nature à invalider le coefficient de réduction qui a été adopté sur la base des chiffres corrigés.

Finalement, l' établissement tardif du bilan prévisionnel sur la base duquel aurait dû être fixé le contingent tarifaire auquel a été appliqué le coefficient de réduction n' est pas non plus de nature à entacher la validité de ce dernier, étant donné que la Commission a éprouvé des difficultés pour obtenir des États membres les chiffres précis qui lui étaient nécessaires et qu' elle n' avait, dans ces conditions, d' autre choix que de calculer le coefficient sur une seule base provisoire.

3. En donnant, à l' article 3, paragraphe 1, du règlement n 1442/93, portant modalités d' application du régime d' importation de bananes dans la Communauté, une définition des termes "opérateurs" et "importateur secondaire", en incluant, à l' article 3, paragraphe 1, sous c), les mûrisseurs dans la catégorie des opérateurs ayant droit à une part du contingent tarifaire, et en fixant, à l' article 5, paragraphe 2, du même règlement, des coefficients de pondération ventilés en considération de l' importance des risques assumés par les différents opérateurs, la Commission n' a pas excédé les pouvoirs que lui confère le règlement n 404/93, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane. Par ailleurs, elle n' a pas enfreint le principe de la sécurité juridique en s' abstenant, à l' article 7 dudit règlement, de déterminer elle-même les documents justificatifs devant obligatoirement être présentés par les opérateurs aux autorités compétentes des États membres.

4. Étant donné que l' article 155 du traité ainsi que l' article 20 du règlement n 404/93, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, se limitent à déterminer le cadre dans lequel la Commission est habilitée à arrêter les modalités d' application nécessaires à la mise en oeuvre de ladite organisation commune des marchés, ces dispositions ne sauraient être invoquées, en tant que telles, par des particuliers en vue d' engager, sur la base des articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité, la responsabilité de cette institution.

Parties


Dans l' affaire T-70/94,

Comafrica SpA, société de droit italien, établie à Gênes (Italie),

Dole Fresh Fruit Europe Ltd & Co., société de droit allemand, établie à Hambourg (Allemagne),

représentées par M. Bernard O' Connor, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de Stanbrook and Hooper en l' étude de Me Arsène Kronshagen, 12, boulevard de la Foire,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Eugenio de March, conseiller juridique, et Xavier Lewis, membre du service juridique, en qualité d' agents, assistés de M. John Handoll, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord, représenté initialement par Mme S. Lucinda Hudson, puis par M. John E. Collins et Mme Lindsey Nicoll, du Treasury Solicitor' s Department, en qualité d' agents, et par M. David Anderson, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade du Royaume-Uni, 14, boulevard Roosevelt,

partie intervenante,

ayant pour objet, d' une part, l' annulation de l' article 1er du règlement (CE) n 3190/93 de la Commission, du 19 novembre 1993, fixant le coefficient uniforme de réduction pour la détermination de la quantité de bananes à attribuer à chaque opérateur des catégories A et B dans le cadre du contingent tarifaire pour 1994, et, d' autre part, l' indemnisation du préjudice subi par les requérantes, en raison de décisions prétendument illégales fixant des coefficients de réduction pour 1993 et 1994,

LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. K. Lenaerts, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 13 mars 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


Cadre juridique

1 Avant 1993, la commercialisation des bananes dans la Communauté était organisée selon des systèmes nationaux différents. Il existait trois sources d' approvisionnement: les bananes produites dans la Communauté, les bananes produites dans quelques-uns des États avec lesquels la Communauté avait conclu la convention de Lomé (ci-après "bananes ACP"), et les bananes produites dans d' autres États (ci-après "bananes pays tiers").

2 Une organisation commune de ce secteur du marché a été introduite par le règlement (CEE) n 404/93 du Conseil, du 13 février 1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (JO L 47, p. 1, ci-après "règlement n 404/93"), qui a eu pour effet l' introduction, dès le 1er juillet 1993, d' un système commun d' importation qui a remplacé les divers systèmes nationaux existant auparavant. Le règlement n 404/93 a été modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n 3290/94 du Conseil, du 22 décembre 1994, relatif aux adaptations et aux mesures transitoires nécessaires dans le secteur de l' agriculture pour la mise en oeuvre des accords conclus dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle d' Uruguay (JO L 349, p. 105). C' est de la version du 13 février 1993 qu' il est question dans le présent arrêt.

3 Le régime des échanges avec les pays tiers, qui fait l' objet du titre IV du règlement n 404/93, prévoit, pour chaque année, l' ouverture d' un contingent tarifaire pour les importations de bananes pays tiers et de bananes non traditionnelles ACP. Les termes "importations traditionnelles" et "importations non traditionnelles" des États ACP sont définis à l' article 15, paragraphe 1, du règlement n 404/93. Les "importations traditionnelles des États ACP" correspondent aux quantités, fixées en annexe au règlement n 404/93, de bananes exportées par chaque fournisseur ACP traditionnel de la Communauté. Les quantités exportées par les États ACP qui dépassent ces quantités sont dénommées "bananes non traditionnelles ACP".

4 L' article 20 du règlement n 404/93 autorise la Commission à adopter, selon la procédure dite du comité de gestion prévue à l' article 27, des modalités d' application en ce qui concerne, notamment, la délivrance des certificats d' importations aux différentes catégories d' opérateurs, la périodicité de la délivrance desdits certificats et la quantité minimale de bananes que les opérateurs éligibles doivent avoir commercialisées. Les modalités d' exécution du titre IV du règlement n 404/93 ont été fixées par le règlement (CEE) n 1442/93 de la Commission, du 10 juin 1993, portant modalités d' application du régime d' importation de bananes dans la Communauté (JO L 142 p. 6, ci-après "règlement n 1442/93").

5 L' article 18, paragraphe 1, du règlement n 404/93 prévoit l' ouverture chaque année d' un contingent tarifaire de 2 millions de tonnes/poids net pour les importations de bananes des pays tiers et de bananes non traditionnelles ACP et, pour la première période de fonctionnement de la nouvelle organisation commune des marchés, c' est-à-dire, le second semestre de l' année 1993, fixe le volume du contingent tarifaire à 1 million de tonnes/poids net. Dans le cadre du contingent tarifaire, les importations de bananes pays tiers étaient assujetties à la perception de 100 écus par tonne et les importations de bananes non traditionnelles ACP étaient soumises à un droit nul. En dehors du contingent tarifaire, ces importations étaient assujetties à la perception, respectivement, de 750 écus par tonne et de 850 écus par tonne.

6 Cependant, l' article 18 prévoit que, lorsque la demande de la Communauté augmente, le volume du contingent est augmenté en conséquence, suivant la procédure dite du comité de gestion prévue à l' article 27.

7 La demande communautaire est déterminée en fonction d' un bilan prévisionnel, qui, selon l' article 16, est dressé chaque année sur la base:

° des données disponibles relatives aux quantités de bananes commercialisées dans la Communauté pendant l' année écoulée, ventilées selon l' origine,

° des prévisions de production et de commercialisation des bananes communautaires,

° des prévisions des importations de bananes traditionnelles ACP,

° des prévisions de consommation fondées en particulier sur les tendances récentes de la consommation et sur l' évolution des prix du marché.

L' article 18 prévoit que, lorsque le bilan prévisionnel fait apparaître une augmentation de la demande et donc la nécessité d' une révision du contingent tarifaire annuel, celle-ci est opérée avant le 30 novembre qui précède la campagne en question.

8 L' article 16, paragraphe 3, prévoit en outre que, en cas de nécessité et notamment pour tenir compte des effets de circonstances exceptionnelles affectant les conditions de production ou d' importation, le bilan prévisionnel peut être révisé en cours de campagne et le contingent tarifaire prévu à l' article 18 peut être adapté selon la procédure prévue à l' article 27.

9 Les importations faites dans le cadre du contingent tarifaire annuel ainsi que les certificats délivrés à cette fin sont répartis, selon l' article 19, entre trois catégories d' opérateurs de la manière suivante:

° 66,5 % aux opérateurs qui ont commercialisé des bananes des pays tiers et/ou des bananes non traditionnelles ACP;

° 30 % aux opérateurs qui ont commercialisé des bananes communautaires et/ou des bananes traditionnelles ACP;

° 3,5 % aux opérateurs établis dans la Communauté qui ont commencé à commercialiser des bananes autres que les bananes communautaires et/ou traditionnelles ACP à partir de 1992.

10 Parmi les modalités prévues par le règlement n 1442/93 pour l' application du régime mis en place par le règlement n 404/93, tel qu' il vient d' être décrit, il y a lieu de relever les dispositions suivantes.

11 L' article 2 prévoit que l' ouverture du contingent tarifaire pour le second semestre de l' année 1993 aura lieu de la manière suivante:

a) 665 000 tonnes pour la catégorie des opérateurs qui, avant 1992, ont commercialisé des bananes pays tiers et/ou des bananes non traditionnelles ACP (ci-après "catégorie A");

b) 300 000 tonnes pour la catégorie des opérateurs qui ont commercialisé des bananes communautaires et/ou des bananes traditionnelles ACP (ci-après "catégorie B");

c) 35 000 tonnes pour la catégorie des opérateurs qui ont commencé à commercialiser des bananes autres que les bananes communautaires et/ou traditionnelles ACP à partir de 1992 ou postérieurement (ci-après "catégorie C").

12 L' article 5 prévoit que, au plus tard le 1er octobre 1993, pour l' année 1994, et au plus tard le 1er juillet, pour les années suivantes, les autorités compétentes des États membres établiront, pour chaque opérateur des catégories A et B enregistré auprès d' elles, la moyenne des quantités commercialisées pendant les trois années antérieures à l' année qui précède celle pour laquelle le contingent est ouvert, ventilées selon la nature des fonctions exercées par l' opérateur conformément à l' article 3. Cette moyenne est appelée "quantité de référence".

13 L' article 3, paragraphe 1, indique qu' est considéré comme "opérateur" des catégories A et B l' agent économique ou toute autre entité qui, pour son propre compte, a réalisé une ou plusieurs des fonctions suivantes:

a) achat de bananes vertes originaires des pays tiers et/ou des États ACP auprès des producteurs, ou, le cas échéant, production, suivi de leur expédition et de leur vente dans la Communauté (ci-après "activités de la classe a");

b) approvisionnement et mise en libre pratique en tant que propriétaire des bananes vertes et mise en vente en vue d' une mise ultérieure sur le marché communautaire, la charge des risques de détérioration ou de perte du produit étant assimilée à la charge du risque assumée par le propriétaire du produit (ci-après "activités de la classe b");

c) mûrissage en tant que propriétaire de bananes vertes et mise sur le marché de la Communauté (ci-après "activités de la classe c").

Les opérateurs qui exercent ces activités seront ci-après dénommés, respectivement, "importateurs primaires", "importateurs secondaires" et "mûrisseurs".

14 L' article 5, paragraphe 2, fixe des coefficients de pondération qui sont appliqués aux quantités commercialisées et qui varient en fonction des activités exercées. Selon le troisième considérant du règlement, ces coefficients ont pour but, d' une part, de tenir compte de l' importance de la fonction économique assumée et des risques commerciaux encourus et, d' autre part, de corriger les effets négatifs d' un décompte multiple des mêmes quantités de produits à différents stades de la chaîne commerciale.

15 L' article 6 est libellé de la façon suivante:

"En fonction du volume du contingent tarifaire annuel et du montant total des références quantitatives des opérateurs visées à l' article 5, la Commission fixe, s' il y a lieu, le coefficient uniforme de réduction pour chaque catégorie d' opérateurs à appliquer à la référence quantitative de chaque opérateur pour déterminer la quantité à attribuer à ce dernier.

Les États membres établissent cette quantité pour chaque opérateur enregistré des catégories A et B et la communiquent à ce dernier au plus tard le 1er août et, pour l' année 1994, au plus tard le 1er novembre 1993."

16 L' un des traits particuliers du commerce en l' espèce est que les bananes ne supportent pas bien de longs voyages et sont donc cueillies à l' avance, en vue d' une "importation verte", et mûrissent près des points de vente. C' est pour cette raison que la commercialisation des bananes implique trois étapes qui se reflètent dans la triple définition de l' "opérateur" qui est donnée à l' article 3, paragraphe 1, à savoir celui qui se livre: à l' achat de bananes vertes ou importation primaire; à la mise en libre pratique ou importation secondaire; et au mûrissage avant la mise sur le marché (voir ci-dessus point ).

17 L' introduction du nouveau régime en 1993 a subi des retards. La Commission a adopté quatre règlements ayant pour objet de repousser la date limite à laquelle les autorités compétentes des États membres devaient communiquer aux opérateurs la quantité du contingent qui leur était attribuée et de permettre la délivrance de certificats additionnels provisoires. Il s' agit des règlements (CEE) n s 2396/93, 2569/93 et 2642/93, respectivement, du 30 août 1993, du 17 septembre 1993 et du 27 septembre 1993, modifiant le règlement (CEE) n 1443/93 relatif aux mesures transitoires d' application du régime d' importation de bananes dans la Communauté en 1993 (respectivement, JO L 221, p. 9, JO L 235, p. 29 et JO L 242, p. 15), et du règlement (CEE) n 2654/93, du 28 septembre 1993, portant sur des mesures transitoires additionnelles pour l' importation de bananes dans la Communauté en 1993 dans le cadre du contingent tarifaire communautaire (JO L 243, p. 12). Ces prorogations de délai ont été justifiées par la nécessité de donner à la Commission le temps de vérifier les quantités de référence communiquées par les autorités nationales à la Commission.

18 Le 22 octobre 1993, la Commission a adopté le règlement (CEE) n 2920/93, fixant le coefficient uniforme de réduction pour la détermination de la quantité de bananes à attribuer à chaque opérateur des catégories A et B dans le cadre du contingent tarifaire pour le second semestre de 1993 (JO L 264 p. 40, ci-après "règlement n 2920/93"). Le 19 novembre 1993, la Commission a adopté le règlement (CEE) n 3190/93, fixant le coefficient uniforme de réduction pour la détermination de la quantité de bananes à attribuer à chaque opérateur des catégories A et B dans le cadre du contingent tarifaire pour 1994 (JO L 285, p. 28, ci-après "règlement n 3190/93"). L' article 1er du règlement n 3190/93 est rédigé comme suit:

"Dans le cadre du contingent tarifaire prévu aux articles 18 et 19 du règlement (CEE) n 404/93, la quantité à attribuer à chaque opérateur des catégories A et B au titre de la période courant du 1er janvier au 31 décembre 1994 est obtenue en appliquant à la référence quantitative de l' opérateur, déterminée en application de l' article 5 du règlement (CEE) n 1442/93, le coefficient uniforme de réduction suivant:

° pour chaque opérateur de la catégorie A: 0,506617

° pour chaque opérateur de la catégorie B: 0,430217."

Faits à l' origine du litige

19 Les parties requérantes, Comafrica SpA et Dole Fresh Fruit Europe Ltd & Co., importent des bananes pays tiers en Italie et en Allemagne respectivement.

20 Pendant le premier semestre de l' année 1993, les requérantes ont été informées, par leur association professionnelle, de l' intention de la Commission d' instituer une nouvelle organisation commune des marchés dans le secteur de la banane. Elles ont entamé une correspondance avec la Commission à ce sujet. Dans leurs observations initiales, les requérantes ont fait valoir que la définition de l' "opérateur" proposée par la Commission risquait de conduire à une mise en oeuvre incorrecte du système du contingent tarifaire et d' entraîner des inexactitudes dans le calcul des quantités de référence à cause d' un double comptage des produits aux différents stades de la chaîne commerciale.

21 Dans la correspondance échangée ultérieurement, à l' automne 1993, les requérantes ont souligné que les quantités de référence prévues, qui étaient basées sur les chiffres de l' Office statistique des Communautés européennes (ci-après "Eurostat") concernant les importations de bananes pendant les années 1989 à 1991, ne correspondaient pas aux montants des quantités de référence qui avaient été communiquées par les autorités compétentes. La Commission a répondu que la vérification des quantités de référence relevait de la responsabilité des États membres, mais qu' elle avait elle-même examiné le processus de vérification qu' ils avaient mis en oeuvre afin de s' assurer que les critères requis étaient respectés. La Commission a précisé, en outre, que, dans les cas où des anomalies potentielles avaient été identifiées, elle avait demandé aux États membres concernés de réexaminer les chiffres en question.

Procédure et conclusions des parties

22 C' est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 février 1994, les requérantes ont introduit le présent recours tendant, d' une part, en vertu de l' article 173, quatrième alinéa, du traité CE, à l' annulation de l' article 1er du règlement n 3190/93 et, d' autre part, en vertu de l' article 215, deuxième alinéa, du traité, à la réparation du préjudice qu' elles estiment avoir subi du fait des décisions prétendument illégales de la Commission contenues dans l' article 1er du règlement n 2920/93 et l' article 1er du règlement n 3190/93.

23 Le 15 avril 1994, la Commission a demandé que la procédure soit suspendue. Le 29 avril 1994, elle a soulevé une exception d' irrecevabilité à l' encontre du recours pour autant qu' il tendait à l' annulation de l' article 1er du règlement n 3190/93. La procédure écrite s' est poursuivie normalement pour autant que le recours tendait à la réparation du préjudice allégué par les requérantes.

24 Par ordonnance du président de la deuxième chambre élargie du Tribunal du 26 septembre 1994, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord a été admis à intervenir à l' appui des conclusions de la partie défenderesse.

25 Suite à l' arrêt rendu le 5 octobre 1994 dans l' affaire Allemagne/Conseil, (C-280/93, Rec. p. I-4973), par lequel la Cour a rejeté un recours en annulation introduit par la République fédérale d' Allemagne à l' encontre de diverses dispositions du règlement n 404/93, le greffe du Tribunal a invité les parties, par lettre du 6 décembre 1994, à présenter leurs observations sur les conséquences éventuelles pour le présent litige de cet arrêt.

26 En réponse, les requérantes ont indiqué que leur recours reposait sur la prémisse que le règlement n 404/93 était valide et que cet arrêt n' avait donc aucune incidence sur l' argumentation qu' elles avaient développée à l' encontre des règlements n s 2920/93 et 3190/93. La Commission, tout en reconnaissant que les deux recours visaient des règlements différents, a fait valoir que l' arrêt, en confirmant la validité de la nouvelle organisation commune des marchés, a vidé de sa substance l' argument principal des requérantes dans le présent recours, à savoir que les importateurs "traditionnels" auraient droit à une part de marché "traditionnelle". La Commission a estimé par conséquent que les parties requérantes devraient se désister de leur recours.

27 Par ordonnance du Tribunal du 2 mai 1995, la décision sur la demande de la partie défenderesse de statuer sur l' irrecevabilité a été jointe au fond.

28 La procédure écrite s' est terminée le 20 septembre 1995. Par décision du Tribunal du 5 décembre 1995, l' affaire a été renvoyée à la quatrième chambre composée de trois juges.

29 Après avoir entendu le rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables. Le Tribunal a, toutefois, invité les parties à répondre à certaines questions par écrit et la Commission à produire certains documents. Les parties, à l' exception du Royaume-Uni, ont été entendues en leurs plaidoiries à l' audience du 13 mars 1996.

30 Les parties requérantes concluent à ce qu' il plaise au Tribunal:

° déclarer le recours recevable;

° annuler, en application des articles 173 et 174 du traité CE, la décision de la Commission, contenue dans l' article 1er du règlement n 3190/93, d' appliquer un coefficient de réduction aux quantités de référence attribuées aux opérateurs de la catégorie A pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1994;

° en application de l' article 178 et de l' article 215, deuxième alinéa, du traité CE, ordonner à la Commission de réparer, par l' allocation d' une indemnité majorée d' intérêts, tout préjudice causé aux requérantes par:

° la décision illégale de la Commission, contenue dans l' article 1er du règlement n 2920/93, d' appliquer un coefficient de réduction aux quantités de référence attribuées aux opérateurs de la catégorie A pour la période du 1er juillet au 31 décembre 1993,

° la décision illégale de la Commission, contenue dans l' article 1er du règlement n 3190/93, d' appliquer un coefficient de réduction aux quantités de référence attribuées aux opérateurs de la catégorie A pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1994, et

° le manquement de la Commission à son obligation d' administrer et de gérer le contingent communautaire conformément au droit communautaire et, en particulier, à l' article 155 du traité et à l' article 20 du règlement n 404/93;

° arrêter toutes mesures complémentaires que le Tribunal estimera nécessaires aux fins d' évaluer le dommage causé aux requérantes;

° condamner la Commission aux dépens.

31 La Commission conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° à titre principal, rejeter le recours comme irrecevable dans la mesure où il tend à l' annulation du règlement n 3190/93;

° à titre subsidiaire, le rejeter dans cette mesure comme non fondé;

° rejeter les conclusions en indemnisation comme non fondées;

° condamner les requérantes aux dépens.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

32 La Commission soulève une exception d' irrecevabilité à l' encontre du recours, pour autant qu' il tend à l' annulation de l' article 1er du règlement n 3190/93, au motif que les requérantes ne sont pas individuellement concernées, au sens de l' article 173, quatrième alinéa, du traité, par cette disposition.

33 Elle relève que, dans un recours précédemment introduit par les requérantes et visant à l' annulation de certaines dispositions du règlement n 404/93, la Cour, par ordonnance du 21 juin 1993, Comafrica e.a./Conseil et Commission (C-282/93, non publiée au Recueil) a relevé d' office l' irrecevabilité du recours, au motif que la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l' identité des sujets de droit auxquels s' applique une mesure n' implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant individuellement concernés par cette mesure, tant qu' il est constant que cette application s' effectue en vertu d' une situation objective de droit ou de fait définie par l' acte en cause. La Commission fait valoir que, dans le cas d' espèce, les requérantes ne constituent pas à elles seules la totalité des importateurs de bananes dans la Communauté, ni tous les sujets de droit susceptibles d' être concernés par le règlement n 3190/93.

34 En outre, selon la Commission, le règlement n 3190/93 s' applique à une situation déterminée objectivement et comporte des effets juridiques à l' égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. Elle rappelle que l' article 1er s' applique aux opérateurs de la catégorie A et aux opérateurs de la catégorie B, tels qu' ils sont définis dans le règlement n 404/93. Elle ajoute que la Cour, dans l' ordonnance Comafrica e.a./Conseil et Commission, précitée, a jugé que ces dispositions "s' appliquent à des situations déterminées objectivement et comportent des effets juridiques à l' égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite". La Commission se réfère également à l' arrêt de la Cour du 15 juin 1993, Albertal e.a./Commission (C-213/91, Rec. p. I-3177).

35 Enfin, la Commission fait valoir que, pour que des personnes puissent être concernées individuellement par une mesure, cette mesure doit les atteindre dans leur position juridique en raison d' une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne. Selon la Commission, les requérantes n' ont pas montré en quoi elles seraient davantage affectées ou individualisées par rapport aux autres importateurs de la même catégorie, étant donné que l' article 1er du règlement n 3190/93 s' applique de la même façon à tous les opérateurs des différentes catégories.

36 Les requérantes font valoir que le règlement n 3190/93 doit être considéré comme un faisceau de décisions individuelles prises sous la forme d' un règlement parce que, au moment de son adoption, les États membres avaient déjà communiqué à la Commission les noms et les adresses de tous les importateurs ainsi que les quantités de bananes qu' ils avaient commercialisées (voir les articles 4, paragraphe 5, et 5, paragraphe 3, du règlement n 1442/93). La Commission aurait donc été en mesure de connaître l' identité de tous les opérateurs concernés ainsi que les quantités précises que ces opérateurs étaient en droit d' importer. Au moment de son adoption, le règlement n 3190/93 se serait ainsi appliqué à un cercle fermé de sujets de droit, en l' espèce ceux qui avaient importé des bananes au cours d' une période déterminée dans le passé, qui s' étaient fait enregistrer dans un État membre et qui, pour le 1er septembre 1993, avaient notifié aux autorités compétentes dans cet État membre les quantités totales de bananes qu' ils avaient commercialisées au cours de la période de référence (arrêt de la Cour du 13 mai 1971, International Fruit Company e.a./Commission, 41/70 à 44/70, points 16 à 22, et du 6 novembre 1990, Weddel/Commission, C-354/87, Rec. p. I-3847, points 20 à 23).

37 Les requérantes font valoir qu' elles sont en outre directement concernées par le règlement n 3190/93 parce que celui-ci ne laisse aux États membres aucune marge d' appréciation en ce qui concerne la délivrance des certificats d' importation (arrêts International Fruit Company e.a./Commission, précité, points 23 à 28, et Weddel/Commission, précité, point 19).

Appréciation du Tribunal

38 L' article 173, quatrième alinéa, du traité confère aux particuliers le droit d' attaquer toute décision qui, bien que prise sous l' apparence d' un règlement, les concerne directement et individuellement. Selon une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, l' un des objectifs de cette disposition est notamment d' éviter que, par le simple choix de la forme d' un règlement, les institutions communautaires puissent exclure le recours d' un particulier contre une décision qui le concerne directement et individuellement. Il est donc clair que le choix de la forme ne peut pas à lui seul changer la nature législative d' un acte (voir l' arrêt de la Cour du 17 juin 1980, Calpak et Società Emiliana Lavorazione Frutta/Commission, 789/79 et 790/79, Rec. p. 1949, point 7, et l' ordonnance du Tribunal du 28 octobre 1993, FRSEA et FNSEA/Conseil, T-476/93, Rec. p. II-1187, point 19).

39 La Cour et le Tribunal ont également jugé que, pour que des opérateurs économiques puissent être considérés comme individuellement concernés par l' acte dont ils demandent l' annulation, il faut qu' ils soient atteints dans leur position juridique, en raison d' une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et les individualise de manière analogue à celle d' un destinataire (voir, par exemple, l' arrêt de la Cour du 24 mai 1993, Arnaud e.a./Conseil, C-131/92, Rec. p. I-2573).

40 En outre, dans le contexte de la gestion d' un contingent tarifaire concernant les viandes bovines, la Cour a jugé qu' un règlement de la Commission, déterminant les conditions dans lesquelles les autorités compétentes des États membres devraient satisfaire les demandes de certificats d' importation, concernait individuellement les opérateurs qui, lors de son adoption, avaient déjà demandé de tels certificats (voir l' arrêt Weddel/Commission, précité, points 19 à 23). Pour décider que les opérateurs en question étaient individuellement concernés, la Cour a pris en compte le fait que la Commission, en déterminant, sur la base de la quantité totale pour laquelle des demandes avaient été introduites et alors qu' aucune nouvelle demande ne pouvait s' y ajouter, la mesure dans laquelle lesdites demandes pouvaient être satisfaites, avait, en réalité, décidé de la suite à donner à chaque demande déposée. La Cour a jugé que, en conséquence, le règlement en question devait s' analyser en un faisceau de décisions individuelles et non pas comme une mesure de portée générale au sens de l' article 189 du traité.

41 Le Tribunal relève que, dans le cas d' espèce, le règlement n 3190/93 ne s' applique qu' aux opérateurs qui avaient demandé et obtenu des quantités de référence pour des importations de bananes de la catégorie A ou de la catégorie B pour l' année 1994. Il indique à chaque opérateur concerné que la quantité de bananes qu' il est en droit d' importer dans le cadre du contingent tarifaire pour l' année 1994 peut être déterminée en appliquant un coefficient uniforme de réduction à sa quantité de référence. Puisque la seule fonction législative du règlement n 3190/93 est de fixer et de publier ledit coefficient de réduction, il a comme effet immédiat et direct de permettre à chaque opérateur, en appliquant le coefficient de réduction à la quantité de référence qui lui a déjà été allouée, de déterminer la quantité définitive qui lui sera attribuée à titre individuel. En tant que tel, le règlement n 3190/93 doit s' analyser en un faisceau de décisions individuelles adressées à chaque opérateur, l' informant, en réalité, des quantités précises qu' il sera en droit d' importer en 1994.

42 Le Tribunal note également que la Commission n' a pas contesté l' affirmation des requérantes qu' elles sont en outre directement concernées par le règlement n 3190/93 parce que celui-ci ne laisse aux États membres aucune marge d' appréciation en ce qui concerne la délivrance des certificats d' importation.

43 Dans ces conditions, les conclusions en annulation dirigées contre le règlement n 3190/93 doivent être déclarées recevables.

Sur le fond

A ° Les conclusions en annulation

44 A l' appui de leurs conclusions en annulation, les requérantes invoquent cinq moyens. Elles font valoir:

a) que la Commission n' était pas compétente, au titre du règlement n 404/93, pour appliquer un coefficient de réduction aux quantités de référence des opérateurs de la catégorie A;

b) que la Commission a fixé le coefficient de réduction litigieux sur la base de quantités de référence erronées;

c) que, en fixant un coefficient de réduction sur la base de quantités de référence erronées, la Commission a violé l' article 40, paragraphe 3, du traité CE et le principe d' égalité;

d) que, en établissant tardivement le bilan prévisionnel sur la base duquel aurait dû être fixé le contingent tarifaire auquel a été appliqué le coefficient de réduction litigieux, la Commission a violé l' article 16 du règlement n 404/93, et

e) que la décision d' appliquer le coefficient de réduction était fondée sur des dispositions illégales du règlement n 1442/93, en l' espèce, les articles 3, 4, paragraphe 3, 5, paragraphe 2, 7 et 8.

Premier moyen: Incompétence de la Commission pour appliquer un coefficient de réduction aux quantités de référence des opérateurs au titre du règlement n 404/93

Arguments des parties

45 Les requérantes relèvent, tout d' abord, que l' article 20 du règlement n 404/93 donne à la Commission compétence pour arrêter des modalités d' application et que l' article 19, paragraphe 3, prévoit que, si les demandes des opérateurs de la catégorie C dépassent les quantités disponibles, chaque demande est alors affectée d' un pourcentage uniforme de réduction, en utilisant un coefficient de réduction. Les requérantes font valoir que, puisqu' aucune disposition ne prévoit l' application d' un coefficient de réduction aux demandes des opérateurs de la catégorie A ou B, cette omission doit être considérée comme délibérée et implique qu' un coefficient de réduction ne peut pas être appliqué aux demandes de ces opérateurs. Selon les requérantes, la décision de la Commission, prise sous la forme du règlement n 3190/93, d' appliquer néanmoins à ces opérateurs un tel coefficient constitue un excès de pouvoir.

46 En réponse, la Commission fait valoir que la seule façon d' ajuster les quantités de référence au contingent tarifaire annuel était d' appliquer un coefficient de réduction et que, si elle s' était abstenue de le faire, le fonctionnement du système aurait été gravement perturbé.

47 Les requérantes répondent que la Commission aurait dû proposer des mesures législatives appropriées plutôt que de s' arroger une compétence de la manière dont elle l' a fait. La nécessité ne saurait justifier un comportement illégal.

48 La Commission fait valoir que les règles régissant l' application des coefficients de réduction aux opérateurs des catégories A et B ont été valablement adoptées en vertu de l' article 20, deuxième alinéa, du règlement n 404/93, qui lui confère une compétence générale pour arrêter les modalités d' application du titre IV.

49 Le Royaume-Uni, dans son intervention, relève que le préambule du règlement n 2920/93 confirme que la compétence de la Commission pour appliquer un coefficient de réduction découle notamment de l' article 20 du règlement n 404/93. Il ajoute que le coefficient de réduction constitue le moyen le plus équitable et le plus simple d' harmoniser le volume total des quantités de référence des opérateurs avec le contingent tarifaire disponible et que la Commission a utilisé cette méthode dans le passé.

Appréciation du Tribunal

50 Le Tribunal rappelle que, en vertu de l' article 155, quatrième alinéa, du traité, en vue d' assurer le fonctionnement et le développement du marché commun, la Commission est tenue d' exercer les compétences que le Conseil lui confère pour l' exécution des règles qu' il établit. L' article 20 du règlement n 404/93 impose à la Commission l' obligation d' arrêter les modalités d' application du titre IV dudit règlement et précise sur quels points ces modalités peuvent notamment porter.

51 Selon une jurisprudence constante de la Cour, il résulte de l' économie du traité dans laquelle l' article 155 doit être placé ainsi que des exigences de la pratique que la notion d' exécution doit être interprétée largement. La Commission étant seule à même de suivre de manière constante et attentive l' évolution des marchés agricoles et d' agir avec l' urgence que requiert la situation, le Conseil peut être amené, dans ce domaine, à lui conférer de larges pouvoirs. Par conséquent, les limites de ces pouvoirs doivent être appréciées notamment en fonction des objectifs généraux essentiels de l' organisation du marché (voir l' arrêt du 29 juin 1989, Vreugdenhil e.a., 22/88, Rec. p. 2049, point 16 et la jurisprudence citée). Ainsi, la Cour a jugé que, en matière agricole, la Commission est autorisée à adopter toutes les mesures d' application nécessaires ou utiles pour la mise en oeuvre de la réglementation de base, pour autant qu' elles ne soient pas contraires à celle-ci ou à la réglementation d' application du Conseil (voir l' arrêt du 15 mai 1984, Zuckerfabrik Franken, 121/83, Rec. p. 2039, point 13).

52 Dans le contexte spécifique de l' importation de bananes dans la Communauté, la Cour a déjà jugé qu' il résulte des principes énoncés ci-dessus que l' article 20 du règlement n 404/93 n' interdit pas à la Commission d' arrêter des modalités d' application qui, bien qu' elles ne soient pas visées expressément par cette disposition, sont nécessaires au fonctionnement du régime d' importation (voir l' arrêt du 17 octobre 1995, Pays-Bas/Commission, C-478/93, Rec. p. I-3081, points 31 et 32).

53 S' agissant de la question de savoir si la Commission avait compétence pour fixer le coefficient de réduction litigieux, le Tribunal relève que le régime d' importation mis en place par le règlement n 404/93 est fondé sur l' imposition d' un contingent tarifaire annuel pour les importations de bananes pays tiers et de bananes non traditionnelles ACP. Dans le système mis en place, les opérateurs se voient attribuer un droit à une part du contingent tarifaire, calculée sur la base des quantités moyennes de bananes qu' ils ont vendues dans les trois dernières années pour lesquelles des chiffres sont disponibles. Il ne leur est pas attribué un droit leur garantissant qu' ils pourront importer une quantité spécifique à un tarif avantageux.

54 Le Tribunal considère qu' il est nécessaire au fonctionnement d' un tel contingent tarifaire qu' un coefficient de réduction puisse être fixé. En effet, dès que le volume des demandes de certificats d' importation dépasse les limites du contingent, il deviendrait impossible, en l' absence d' un coefficient de réduction, de concilier le maintien des limites du contingent et le respect du droit des opérateurs à une part de celui-ci, calculée sur la base des importations qu' ils ont antérieurement réalisées.

55 Il s' ensuit que la Commission avait compétence, en vertu de l' article 20 du règlement n 404/93, pour fixer un coefficient de réduction. Dès lors, il convient de rejeter le premier moyen comme non fondé.

Deuxième et troisième moyens: le coefficient de réduction litigieux a été fixé sur la base de quantités de référence erronées et en violation de l' article 40, paragraphe 3, du traité et du principe d' égalité

Arguments des parties

56 Les requérantes rappellent que, en droit communautaire, le principe d' égalité veut que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente à moins qu' une différenciation ne soit objectivement justifiée (voir les arrêts de la Cour du 15 juillet 1982, Edeka, 245/81, Rec. p. 2745 et du 12 avril 1984, Unifrex/Commission et Conseil, 281/82, Rec. p. 1969).

57 Les requérantes font valoir que, dans le cas d' espèce, ce principe a été violé parce que certains opérateurs ont enregistré des quantités de référence surévaluées, qui ne correspondaient pas réellement aux importations effectuées au cours de la période de référence. Le coefficient de réduction serait donc inexact à deux égards: d' une part, en ce qu' il aurait été fixé sur la base de quantités de référence erronées et, d' autre part, en ce qu' il aurait ensuite été appliqué à ces mêmes quantités. Par conséquent, le coefficient uniforme de réduction appliqué au total des quantités de référence aurait lésé injustement les opérateurs, parmi lesquels se trouvaient les requérantes, qui avaient enregistré des quantités de référence correspondant exactement aux importations réalisées au cours de la période de référence. L' application d' un coefficient uniforme de réduction aurait donc constitué une application de conditions identiques à des situations dissemblables.

58 Les requérantes font valoir que, si des opérateurs ont enregistré des chiffres surévalués, c' est parce que la Commission, lors de la rédaction du règlement n 1442/93, a omis de fixer une référence unique et vérifiable afin de déterminer les droits des opérateurs, et ce en dépit du fait que les requérantes lui avaient suggéré en temps utile une version alternative de l' article 3 dudit règlement. Elles soulignent que la violation du principe d' égalité et de l' article 40, paragraphe 3, du traité, dont elles se prévalent résulte non de ce que la Commission s' est efforcée de rectifier la situation après s' être rendue compte que certains des chiffres étaient surestimés, mais de ce qu' elle a accepté des quantités de référence surestimées et fausses.

59 La Commission fait valoir que les corrections qu' elle a opérées après la communication de chiffres inexacts par les États membres ont été faites afin de promouvoir l' égalité de traitement. Elle relève aussi que ces corrections ont reflété, dans la mesure du possible, celles auxquelles les États membres avaient eux-mêmes procédé. Elle souligne que l' exactitude des déclarations faites par les États membres est une question qui relève en définitive des autorités nationales, qui sont les seules à disposer des moyens nécessaires à cet égard. A supposer qu' un traitement différencié ait été appliqué aux opérateurs, il serait imputable aux opérateurs eux-mêmes ou aux États membres et non pas à la Commission. En outre, puisqu' elle n' exerce qu' une mission de surveillance, la Commission ne serait en mesure que de limiter les risques d' erreurs, et non de les éliminer entièrement, puisqu' il s' agirait d' une question relevant, en fin de compte, de la responsabilité des États membres.

60 En ce qui concerne l' argument des requérantes selon lequel une référence unique et vérifiable aurait dû être fixée, la Commission répond que, étant donné le système décentralisé mis en place par le règlement n 404/93, une telle mesure n' était pas appropriée.

61 Les requérantes font valoir aussi que le but du coefficient de réduction est devenu illégal dans la mesure où il a été appliqué à des quantités de référence inexactes. A cet égard, elles se réfèrent à la jurisprudence antérieure de la Cour dont il ressort qu' une décision peut être annulée lorsqu' elle est fondée sur une appréciation inexacte des faits (arrêts du 16 décembre 1963, Barge/Haute Autorité, 18/62, Rec. p. 529, du 19 mars 1964, Raponi/Commission, 27/63, Rec. p. 247, du 9 juin 1964, Bernusset/Commission, 94/63 et 96/63, Rec. p. 587, et du 7 juillet 1964, De Pascale/Commission, 97/63, Rec. p. 1011).

62 Afin d' établir l' inexactitude des quantités de référence, les requérantes font état de trois points spécifiques. Elles font valoir, premièrement, que les chiffres représentant la quantité de référence pour la Communauté dans son ensemble étaient nettement supérieurs aux quantités moyennes fondées sur les chiffres fournis par Eurostat pour la période de référence de 1989 à 1991; deuxièmement, que les chiffres communiqués par les États membres révélaient par eux-mêmes l' existence d' une erreur; troisièmement, que la Commission a reconnu elle-même qu' une erreur avait été commise et qu' elle s' est efforcée de la rectifier. Les requérantes soulignent que, pendant la période de référence, les chiffres d' Eurostat pour les importations totales de bananes dans la Communauté étaient sensiblement inférieurs aux quantités de référence totales des importateurs primaires, des importateurs secondaires et des mûrisseurs (voir ci-dessus point 13). Elles expliquent que chaque lot de bananes importé doit être traité aux trois différents stades de la chaîne commerciale mentionnés dans la définition du terme "opérateur" donnée à l' article 3, paragraphe 1, du règlement n 1442/93, en d' autres termes, importation primaire, importation secondaire et mûrissage (voir ci-dessus point 16). La même quantité de bananes, à peu de variation près, devrait apparaître dans les chiffres consolidés à chaque stade. Les requérantes contestent que les chiffres Eurostat ne soient qu' un élément de référence afin d' établir la quantité de bananes importées et font valoir qu' ils représentent l' évaluation définitive des importations réelles mises en libre circulation au cours de la période de référence et sont publiquement vérifiables en tant que tels.

63 Les requérantes soulignent également que, dans le préambule des règlements de prorogation (voir ci-dessus point 17), la Commission avait exprimé ses préoccupations quant à l' exactitude des quantités de référence et que, dans le cinquième considérant du règlement n 2920/93 et du règlement n 3190/93, elle a reconnu que "des doubles comptages des mêmes quantités au titre de la même fonction au bénéfice d' opérateurs différents dans plusieurs États membres" avaient été mis en évidence.

64 La Commission nie que le règlement n 3190/93 soit basé sur des quantités de référence erronées et fait valoir que le coefficient de réduction a été appliqué à des quantités de référence corrigées par ses services ou à l' instigation de ceux-ci et donc calculées dans le respect des modalités d' application du règlement n 404/93.

65 Elle reconnaît que des quantités de référence originairement communiquées par les États membres l' ont amenée à constater des cas de double comptage et de chevauchement dans les chiffres concernant les opérateurs exerçant des activités relevant de classes différentes et qu' elle s' est donc efforcée de corriger ces chiffres avant d' appliquer le coefficient de réduction.

66 La Commission souligne que, selon le système établi par le règlement n 404/93, les certificats d' importation devaient être accordés sur la base des quantités de bananes "vendues" et "commercialisées" et non pas sur la seule base des quantités importées dans la Communauté. Or, les chiffres d' Eurostat porteraient uniquement sur les importations et ne pourraient donc pas être utilisés afin de déterminer les quantités de référence à attribuer à des opérateurs exerçant des activités relevant de classes différentes. Ils ne pourraient être utilisés que comme une indication générale d' un double comptage. Ce serait le fait que les quantités de référence communiquées par les États membres ne correspondaient pas aux chiffres d' Eurostat relatifs aux importations qui aurait alerté la Commission quant à la possibilité de doubles comptages. La Commission se serait alors efforcée de corriger ces chiffres autant que cela était possible. En ce qui concerne les importateurs primaires, elle aurait résolu le problème en consultation avec les États membres. Pour les importateurs secondaires, il n' aurait pas été possible de trouver un accord avec les États membres concernés et la Commission se serait vue obligée de réduire les chiffres pour l' Italie et les Pays-Bas de 170 000 tonnes. En ce qui concerne les mûrisseurs, en dépit de quelques disparités dans les chiffres, la Commission n' aurait pas pu déceler de problèmes spécifiques et aurait donc accepté les chiffres des États membres tels quels.

Appréciation du Tribunal

67 S' agissant du deuxième moyen, selon lequel le coefficient de réduction litigieux est entaché d' illégalité, en ce qu' il a été fixé sur la base de quantités de référence erronées, il est constant, comme la Commission l' a reconnu dans les préambules de certains des règlements qu' elle a arrêtés et comme elle l' a expliqué dans ses réponses aux questions écrites posées par le Tribunal, que les chiffres communiqués par les autorités compétentes des États membres en ce qui concerne les quantités de référence à attribuer aux différents opérateurs étaient, au moins initialement, plus élevés qu' ils n' auraient dû l' être, puisque des mêmes quantités au titre de la même fonction ont fait l' objet de doubles comptages au bénéfice d' opérateurs différents dans plusieurs États membres (voir, à titre d' exemple, le cinquième considérant du règlement n 2920/93 et du règlement n 3190/93). Les requérantes font en outre valoir que la mesure exacte des erreurs commises dans le calcul des quantités de référence peut être établie en comparant le volume total des quantités de référence communiquées par les États membres avec les chiffres d' Eurostat concernant les importations dans la Communauté pendant la période de référence et que cette comparaison fait apparaître un pourcentage d' erreur de 14,8 %.

68 Le Tribunal ne considère pas que les chiffres d' Eurostat concernant les importations dans la Communauté doivent être utilisés comme la référence définitive au regard de laquelle il y a lieu d' apprécier la validité des quantités de référence que la Commission a approuvées après avoir procédé à des ajustements en concertation avec les autorités compétentes des États membres concernés. Les requérantes n' ont pas produit d' éléments de preuve détaillés quant à la manière dont ont été arrêtés les chiffres d' Eurostat, mais il ne fait aucun doute que ces chiffres sont basés sur des chiffres fournis par les États membres et qu' ils font souvent l' objet de révisions ultérieures au fur et à mesure que des informations plus exactes deviennent disponibles.

69 En outre, comme l' a fait observer la Commission, le règlement n 404/93 précise que les quantités de référence utilisées pour la répartition du contingent tarifaire doivent être basées non pas sur les importations, mais sur les quantités "commercialisées" par les opérateurs. Au surplus, conformément à l' article 5, paragraphe 1, du règlement n 1442/93, les quantités de référence doivent être ventilées selon la nature des activités exercées par les opérateurs, telles qu' elles sont décrites à l' article 3, paragraphe 1, du même règlement, et les chiffres relatifs aux importations ne sont d' aucune utilité à cet égard. Le Tribunal considère, dès lors, que, si c' est à juste titre que la Commission a utilisé les chiffres d' Eurostat concernant les importations en tant qu' indication générale dans le processus de vérification d' éventuelles disparités dans les chiffres communiqués par les autorités nationales compétentes, elle n' avait néanmoins, dans le cadre de la réglementation pertinente, ni le droit ni l' obligation de substituer des chiffres basés sur des quantités importées à des chiffres basés sur des quantités "commercialisées", une fois que ces derniers avaient été corrigés afin d' éliminer toute disparité dans la mesure du possible.

70 S' il est vrai que la quantité totale de bananes pays tiers commercialisées dans la Communauté ne doit, à aucun des trois stades de commercialisation distingués à l' article 3, paragraphe 1, du règlement n 1442/93, dépasser le volume total des importations dans la Communauté, il ne s' ensuit pas nécessairement, contrairement à ce qu' ont soutenu les requérantes, que les quantités commercialisées à chacun des stades en question doivent être sensiblement équivalentes. Cela supposerait que toutes les bananes importées soient traitées et comptabilisées séparément à chacun des trois stades. Outre qu' il convient de tenir compte des effets dus, à chaque stade, aux pertes de produit et aux réexportations en dehors de la Communauté, aucun élément de preuve n' a été présenté au Tribunal qui permettrait d' établir qu' il s' agit là d' une pratique commerciale habituelle dans ce secteur. Au demeurant, la définition du terme "opérateur" donnée à l' article 3, paragraphe 1, du règlement n 1442/93 tient expressément compte du fait qu' un opérateur peut exercer "une ou plusieurs" des activités qui y sont visées. En outre, en ce qui concerne les échanges intracommunautaires du produit en cause aux trois stades de sa commercialisation, il est clair qu' un même lot peut être traité, à chaque stade, par un opérateur établi dans un État membre différent. Le volume d' activité enregistré à chaque stade peut donc varier de ce fait dans chaque État membre.

71 Il est indubitable que l' entrée en vigueur du règlement n 404/93 a modifié de manière substantielle la manière dont les marchés nationaux de la banane avaient jusqu' alors fonctionné dans les États membres et que les conséquences et les implications de ces changements nécessaires ont posé des problèmes exceptionnels à la Commission.

72 En effet, l' introduction d' un marché communautaire unique dans ce secteur a impliqué le remplacement des différents régimes nationaux jusqu' alors en place. Ce faisant, l' entrée en vigueur du règlement n 404/93 a, de manière inévitable, provoqué des perturbations et des risques de pertes commerciales pour les entreprises qui avaient jusqu' à cette date exercé leurs activités conformément aux règles établies par ces régimes nationaux.

73 Dans la mesure où les régimes nationaux antérieurs avaient fonctionné de manière très différente, il était inévitable que la Commission rencontre des difficultés dans l' établissement des quantités précises de bananes qui avaient été traitées par les différentes catégories d' opérateurs pendant les années qui avaient précédé la mise en place de l' organisation commune de marché. Néanmoins, selon l' article 19, paragraphe 1, du règlement n 404/93, la responsabilité de l' établissement des quantités moyennes commercialisées par les opérateurs concernés incombait en premier lieu aux autorités compétentes des États membres.

74 Dans sa mission de surveillance de la mise en place du régime établi par le règlement n 404/93, la Commission n' était pas obligée d' accepter sans vérification les chiffres communiqués par les États membres et, de fait, ne les a pas acceptés tels quels. Cependant, elle n' était pas obligée non plus de retarder indéfiniment la mise en oeuvre du nouveau régime une fois qu' elle avait pris toutes les mesures raisonnablement possibles pour corriger les cas de double comptage.

75 Le Tribunal estime que les variations qui ont subsisté après que la Commission eut corrigé au moins un certain nombre des quantités de référence qui lui avaient été communiquées à l' origine par les États membres ne sont pas de nature à invalider le coefficient de réduction qui a été adopté sur la base des chiffres corrigés. Ces variations témoignent seulement des difficultés pratiques inhérentes à la mise en place d' une nouvelle organisation commune des marchés remplaçant les divers régimes antérieurement en vigueur. Or, les difficultés rencontrées par les autorités compétentes des États membres dans la mise en application d' une législation communautaire ne sauraient mettre en cause la validité des mesures d' application elles-mêmes.

76 S' agissant du troisième moyen, selon lequel le coefficient de réduction litigieux aurait été fixé en violation de l' article 40, paragraphe 3, du traité et du principe d' égalité, le Tribunal rappelle que l' interdiction de discrimination énoncée à cet article n' est que l' expression spécifique du principe général d' égalité qui fait partie des principes fondamentaux du droit communautaire et qui veut que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée (voir arrêts de la Cour du 25 novembre 1986, Klensch e.a., 201/85 et 202/85, Rec. p. 3477, point 9, et du 21 février 1990, Wuidart e.a., C-267/88 à C-285/88, Rec. p. I-435, point 13).

77 S' il est vrai que l' organisation commune des marchés dans le secteur de la banane regroupe des opérateurs économiques qui ne sont ni des producteurs ni des consommateurs, il n' en demeure pas moins que, en raison de la généralité du principe de non-discrimination, l' interdiction de discrimination s' applique également à de tels opérateurs économiques lorsqu' ils sont soumis à une organisation commune des marchés (voir arrêt Allemagne/Conseil, précité, point 68).

78 Le secteur en question était, avant l' adoption du règlement n 404/93, caractérisé par la coexistence de marchés nationaux très différents, dont la plupart fonctionnaient de manière largement identique depuis une période antérieure à la création de la Communauté ou à l' adhésion à celle-ci de l' État membre concerné. Sur les marchés nationaux ouverts, les opérateurs économiques pouvaient s' approvisionner en bananes pays tiers sans être soumis à des restrictions quantitatives. En revanche, sur les marchés nationaux protégés, les opérateurs commercialisant des bananes communautaires et traditionnelles ACP étaient assurés de pouvoir écouler leurs produits sans être exposés à la concurrence des distributeurs de bananes pays tiers. Par conséquent, il existait des divergences de prix importantes entre les différents marchés.

79 Force est donc de constater que les situations respectives des opérateurs économiques sur les différents marchés nationaux n' étaient pas comparables. Dans ces conditions, le Tribunal estime que, s' il est vrai que les opérateurs concernés ont été affectés de façon différente par l' introduction de l' organisation commune des marchés, cette différence de traitement est la conséquence inévitable de la nécessité de tenir compte des situations différentes dans lesquelles se trouvaient les opérateurs et est inhérente à l' objectif d' une intégration de marchés jusqu' alors cloisonnés (arrêt Allemagne/Conseil, précité, points 70 à 74).

80 En outre, les éléments de preuve produits par les requérantes devant le Tribunal ne permettent pas d' établir que, dans un cas spécifique, le traitement qui leur a été appliqué a été différent de celui qui a été appliqué aux autres opérateurs.

81 Dans ces conditions, le Tribunal considère que, en fixant le coefficient de réduction litigieux, la Commission n' a pas dépassé les limites ni fait une application erronée du pouvoir d' appréciation qu' elle est en droit d' exercer dans l' intérêt de la Communauté lors de la mise en oeuvre des règles d' une organisation commune des marchés (voir les arrêts cités ci-dessus au point 51).

82 Il s' ensuit que les deuxième et troisième moyens doivent être rejetés.

Quatrième moyen: violation de l' article 16 du règlement n 404/93 en raison de l' établissement tardif du bilan prévisionnel sur la base duquel aurait dû être fixé le contingent tarifaire auquel a été appliqué le coefficient de réduction litigieux

Arguments des parties

83 Les requérantes ont initialement fait valoir que la Commission, en violation de l' article 16 du règlement n 404/93, avait omis de dresser un bilan prévisionnel avant de fixer le contingent tarifaire pour l' année 1994. Suite à la décision 94/654/CE de la Commission, du 29 septembre 1994, arrêtant le bilan prévisionnel de la production, de la consommation, ainsi que des importations et des exportations de bananes pour la Communauté pour l' année 1994 (JO L 254, p. 90), elles ont fait valoir que ce bilan avait été adopté avec retard.

84 Les requérantes font valoir que le bilan prévisionnel doit être utilisé afin d' adapter le contingent tarifaire de 2 millions de tonnes établi par l' article 18, paragraphe 1, du règlement n 404/93 et que l' article 9 du règlement n 1442/93, qui fait référence à l' existence d' un bilan prévisionnel, prévoit que des quantités indicatives sont fixées pour chaque trimestre en fonction de ce bilan.

85 Selon les requérantes, il découle de l' article 16 du règlement n 404/93 que le bilan prévisionnel doit être établi avant le début de la campagne de commercialisation et, du paragraphe 3 du même article, qu' il ne peut être révisé en cours de campagne qu' en cas de circonstances exceptionnelles. Cette interprétation de l' article 16 serait confirmée par le neuvième considérant du règlement n 404/93, qui prévoit que le bilan établi chaque année doit "évaluer les perspectives de la production communautaire et celles de la consommation". Les requérantes font valoir que, puisque le bilan prévisionnel pour l' année 1994 n' a été établi que le 29 septembre 1994, soit après la délivrance de tous les certificats d' importation, ce retard l' a rendu superflu et constitue par ailleurs une violation par la Commission du règlement n 404/93.

86 La Commission explique qu' elle n' a pas arrêté un bilan prévisionnel formel, comme le prévoit l' article 16 du règlement n 404/93, avant de fixer le coefficient de réduction pour l' année 1994, parce qu' elle ne disposait pas d' informations suffisantes. Elle ajoute qu' elle a adopté le bilan prévisionnel lorsque ces informations sont devenues disponibles.

87 La Commission fait valoir que l' absence d' un bilan prévisionnel à la date matérielle ne peut pas être considérée comme une violation de formes substantielles. Premièrement, cette absence aurait été due à des retards ou à des erreurs de la part des autorités compétentes nationales, la Commission ayant, pour sa part, fait tout son possible pour obtenir les informations nécessaires à temps. Deuxièmement, l' absence de bilan prévisionnel n' aurait d' importance que dans l' hypothèse où il serait nécessaire d' augmenter les contingents d' importation; dans toute autre hypothèse, le contingent prévu par le règlement n 404/93 s' appliquerait automatiquement. Troisièmement, l' analyse présentée par les requérantes, si elle était retenue, mettrait en question le fonctionnement de l' organisation commune des marchés. Quatrièmement, l' absence de bilan prévisionnel n' aurait pas d' influence sur la validité de la législation prévoyant l' application d' un coefficient de réduction à des quantités de référence correctes. Elle concernerait la fixation du contingent, qui, selon la Commission, est une question distincte. Il s' ensuivrait que l' établissement d' un bilan prévisionnel avant la campagne de commercialisation visée ne saurait être considéré comme une condition de validité du règlement n 3190/93. Finalement, la Commission souligne que la législation pertinente n' indique aucune date pour l' établissement du bilan prévisionnel. Ce silence impliquerait que le Conseil a considéré que l' établissement d' un tel bilan avant le début de la campagne de commercialisation constitue un instrument utile, mais non pas essentiel, en vue d' une organisation adéquate du marché.

Appréciation du Tribunal

88 Le présent moyen étant tiré de l' établissement tardif du bilan prévisionnel sur la base duquel aurait dû être fixé le contingent tarifaire auquel a été appliqué le coefficient de réduction litigieux, il convient de rappeler que la fonction que remplit ce bilan dans le contexte de l' organisation commune des marchés dans le secteur de la banane est celle qui est précisée par les articles 16 et 18 du règlement n 404/93.

89 L' article 18, paragraphe 1, premier alinéa, prévoit qu' un contingent tarifaire de 2 millions de tonnes est ouvert pour chaque année. Le troisième alinéa de la même disposition fixe pour le second semestre de l' année 1993 un contingent spécifique de 1 million de tonnes. Le quatrième alinéa prévoit que, lorsque la demande de la Communauté déterminée sur la base du bilan prévisionnel visé à l' article 16 augmente, le volume du contingent est augmenté en conséquence et que, lorsque cette augmentation se révèle nécessaire, elle est opérée "avant le 30 novembre qui précède la campagne en question". Implicitement, cette disposition prévoit ainsi que le bilan prévisionnel doit être disponible avant le 30 novembre de chaque année afin qu' il puisse être déterminé si une augmentation sera nécessaire pour la campagne de commercialisation à venir.

90 L' article 16, paragraphe 3, prévoit la possibilité d' une autre révision, poursuivant un but distinct. Cette disposition prévoit en effet que le bilan peut être révisé en cours de campagne "notamment pour tenir compte des effets de circonstances exceptionnelles affectant les conditions de production ou d' importation".

91 Le Tribunal considère qu' il résulte d' une lecture combinée de ces dispositions que le bilan prévisionnel doit normalement être établi en temps suffisamment utile pour qu' une décision sur la nécessité d' une révision du contingent tarifaire puisse être prise avant le 30 novembre qui précède la campagne de commercialisation à venir.

92 Le Tribunal considère également que le droit des opérateurs économiques à être informés d' une éventuelle révision possible du contingent avant le 30 novembre précédant une nouvelle campagne de commercialisation est un droit important qu' il incombe aux États membres et à la Commission de respecter et de protéger.

93 Cependant, il ne s' ensuit pas que le règlement n 3190/93 doive être invalidé au seul motif qu' il a été arrêté avant l' adoption d' un bilan prévisionnel pour l' année 1994 et, par conséquent, avant qu' une décision sur la nécessité d' une révision, telle que prévue par l' article 18, paragraphe 1, quatrième alinéa, ait pu être prise.

94 Le Tribunal estime que la Commission a établi qu' elle a éprouvé des difficultés pour obtenir des États membres les chiffres précis qui lui étaient nécessaires pour établir un bilan prévisionnel exact et que, dans ces conditions, elle n' avait d' autre choix que de calculer le coefficient de réduction litigieux sur la seule base du contingent de 2 millions de tonnes, sans examiner au préalable, faute de référence adéquate, la nécessité d' une révision telle que celle prévue par l' article 18, paragraphe 1, quatrième alinéa. Le fait que le bilan prévisionnel a été adopté en retard ne saurait dès lors être considéré comme une violation de l' article 16 du règlement n 404/93.

95 Le Tribunal relève, en outre, que, lorsque des chiffres plus précis sont devenus disponibles en septembre 1994, la Commission a établi un bilan prévisionnel pour l' année, a procédé à la révision du contingent dont la nécessité était apparue et a modifié en conséquence le coefficient de réduction litigieux. Le Tribunal considère que ces mesures ont considérablement réduit le préjudice que les requérantes ont pu subir en raison de l' établissement tardif du bilan prévisionnel et celles-ci ont du reste admis lors de l' audience que leur préjudice à cet égard n' était "pas si important".

96 De l' ensemble des considérations qui précèdent, il résulte que l' établissement tardif du bilan prévisionnel sur la base duquel aurait dû être fixé le contingent tarifaire auquel a été appliqué le coefficient de réduction litigieux n' est pas de nature à entacher la validité de ce dernier.

97 Il s' ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté.

Cinquième moyen: la décision d' appliquer le coefficient de réduction litigieux est fondée sur des dispositions illégales du règlement n 1442/93

98 Invoquant l' article 184 du traité, les requérantes font valoir que certaines dispositions du règlement n 1442/93 sont inapplicables et que la décision d' appliquer le coefficient de réduction est donc nulle et non avenue. Leur argumentation s' articule en cinq branches. Elles font valoir que:

1) la définition du terme "opérateur" donnée à l' article 3, paragraphe 1, du règlement n 1442/93 excède les pouvoirs conférés à la Commission par le règlement n 404/93;

2) la définition du terme "importateur secondaire" donnée à l' article 3, paragraphe 1, sous b), est ambiguë et semble ouvrir droit à une part du contingent aux opérateurs qui n' assument que les risques de perte ou de détérioration et non le risque commercial et, dans la mesure où elle crée une quatrième classe d' opérateur, cette définition excède les pouvoirs conférés à la Commission par le règlement n 404/93;

3) l' inclusion des mûrisseurs dans la catégorie des opérateurs ayant droit à une part du contingent tarifaire, prévue à l' article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement n 1442/93, excède les pouvoirs conférés à la Commission par le règlement n 404/93;

4) l' application d' un coefficient de pondération, prévue à l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 1442/93, excède les pouvoirs conférés à la Commission par le règlement n 404/93;

5) les dispositions relatives aux documents justificatifs devant être présentés à l' appui des demandes d' attribution d' une part du contingent, figurant à l' article 4, paragraphe 3, et aux articles 7 et 8 du règlement n 1442/93, constituent, en raison de leur obscurité, une violation du principe de la sécurité juridique et un manquement de la Commission à son obligation de gérer le contingent communautaire conformément à la législation communautaire.

99 Le Tribunal examinera chacune des branches de ce moyen à tour de rôle.

100 Ainsi que le Tribunal l' a déjà indiqué dans le cadre de l' appréciation portée sur le premier moyen des requérantes, le Conseil, par le règlement n 404/93 a conféré à la Commission un large pouvoir d' appréciation en vue d' arrêter les modalités d' application, pouvoir qui inclut nécessairement celui d' adopter les définitions appropriées. Le Tribunal relève cependant que, dans les première et deuxième branches du présent moyen, les requérantes font valoir que certaines des définitions données dans le règlement n 1442/93 sont illégales en ce qu' elles excédent les limites du pouvoir conféré à la Commission par le règlement n 404/93.

1. La définition du terme "opérateur" donnée à l' article 3 du règlement n 1442/93 excède les pouvoirs conférés à la Commission par le règlement n 404/93

Arguments des parties

101 Les requérantes rappellent que les quatorzième et quinzième considérants du règlement n 404/93 soulignent la nécessité de préserver tant les structures de commercialisation que les liens commerciaux existants. Dans le quinzième considérant, il est précisé que les certificats d' importation doivent être octroyés à des personnes physiques ou morales qui ont assumé le risque commercial de la commercialisation des bananes et qu' il est nécessaire d' éviter de perturber les relations commerciales entre les personnes qui se situent à différents points de la chaîne commerciale.

102 Elles font valoir que la définition du terme "opérateur" figurant à l' article 3, paragraphe 1, du règlement n 1442/93, qui distingue les classes d' activité des importateurs primaires, des importateurs secondaires et des mûrisseurs, ne respecte pas les principes énoncés dans le règlement n 404/93. L' inclusion des mûrisseurs, en particulier, désorganiserait la chaîne commerciale existante. Le risque commercial auquel fait référence le règlement n 404/93 serait le risque de bénéfices et de pertes sur le marché, et non pas celui de détérioration ou de perte de produit qui est un risque assurable. En outre, en conférant à ceux qui n' étaient traditionnellement pas des importateurs le droit de procéder à des importations, la Commission aurait ouvert une brèche fondamentale dans la chaîne commerciale.

103 Les requérantes ajoutent que la définition que le règlement n 1442/93 donne de l' opérateur est ambiguë et n' écarte pas le risque de doubles comptages. Cette ambiguïté aurait eu pour effet d' engendrer auprès des autorités compétentes nationales une incertitude en ce qui concerne les personnes ayant droit à une part du contingent tarifaire et il en serait résulté qu' un nombre important d' opérateurs auraient demandé l' attribution d' une part du contingent à laquelle ils ne pouvaient prétendre. Cela aurait entraîné une réduction, au détriment des opérateurs légitimes comme les requérantes, de la part de contingent tarifaire attribuée à tous les opérateurs.

104 Les requérantes rappellent qu' elles avaient suggéré une définition alternative de l' "opérateur" que la Commission n' a pas acceptée, selon laquelle un opérateur serait la personne qui a assuré le dédouanement des marchandises dans la Communauté et qui est responsable de l' acquittement des droits de douane dus lors d' une telle importation.

105 Avant de répondre aux arguments spécifiques présentés par les requérantes, la Commission souligne que, contrairement à ce qu' allèguent celles-ci, la base légale du règlement n 3190/93 est l' article 20 du règlement n 404/93 et non pas le règlement n 1442/93. Cela serait confirmé par le préambule du règlement n 3190/93 et par le fait que la Commission a suivi pour son adoption la procédure dite du "comité de gestion", prévue à l' article 27 du règlement n 404/93. Il s' ensuivrait que la légalité du règlement n 1442/93 ne serait pas pertinente pour l' examen de la légalité du règlement n 3190/93.

106 En ce qui concerne les différentes activités auxquelles fait référence la définition du terme "opérateur", la Commission fait valoir que l' article 3 du règlement n 1442/93 est conforme aux principes définis par le règlement n 404/93. En premier lieu, il conviendrait de prendre en compte la diversité des structures d' approvisionnement et de commercialisation dans les États membres. En second lieu, il serait nécessaire d' accorder un accès au contingent aux opérateurs dont l' activité dépend directement d' un tel accès et qui assument un risque commercial important. A cet égard, la Commission rejette la suggestion selon laquelle elle aurait dû limiter la définition des opérateurs à ceux qui ont acquitté des droits de douane, en soulignant qu' un tel choix aurait avantagé un groupe particulier d' opérateurs au détriment d' autres directement concernés. En outre, le système établi par le règlement n 404/93 et mis en application par le règlement n 1442/93 serait basé non pas sur l' importation mais sur la commercialisation, définie par l' article 15, paragraphe 5, du règlement n 404/93 comme étant "la mise sur le marché à l' exclusion du stade de la mise du produit à la disposition du consommateur final".

107 La Commission reconnaît qu' il existe un risque d' interprétation erronée et de doubles comptages, mais fait valoir qu' il s' agit là d' une conséquence inévitable de la complexité du cadre législatif et que ce risque ne saurait remettre en question l' utilité de distinguer trois classes d' activité différentes.

Appréciation du Tribunal

108 Dans cette branche du moyen, les requérantes avancent, en substance, un argument en deux volets. En premier lieu, elles font valoir que, en définissant le terme "opérateur" par référence à des activités donnant droit à une part du contingent tarifaire et en y incluant celles des mûrisseurs, la Commission a dépassé les limites du pouvoir que lui confère le règlement n 404/93. En second lieu, elles font valoir que l' ambiguïté de cette définition a engendré des doubles comptages qui ont été à l' origine de distorsions dans la répartition du contingent tarifaire.

109 En ce qui concerne le premier volet de l' argument, le Tribunal relève que, en fixant les critères auxquels doivent satisfaire les opérateurs pour avoir accès au contingent tarifaire dans le cadre de la nouvelle organisation commune des marchés, le règlement n 404/93 a retenu le risque commercial de la mise du produit sur le marché "pour leur propre compte" comme un critère commun pour identifier les opérateurs des deux premières catégories (A et B) visées à l' article 19, paragraphe 1, du règlement. Aucune disposition du règlement ne limite l' accès au contingent tarifaire aux opérateurs ayant commercialisé des bananes dans le cadre des régimes nationaux antérieurs ou, de manière plus générale, aux opérateurs ayant effectué des importations.

110 Or, comme l' ont reconnu les requérantes au point 40 de leur réplique, les mûrisseurs ont joué et continuent à jouer un rôle central dans la commercialisation du produit en cause. En effet, le Royaume-Uni a fait valoir dans ses observations, sans être contredit sur ce point, que les mûrisseurs établis sur son territoire avaient, avant 1992, commercialisé des bananes "pour leur propre compte" et assumé le risque commercial lié à leur écoulement du fait qu' il n' existe pas au Royaume-Uni, entre mûrisseurs et importateurs, de mécanisme de compensation financière du type décrit par les requérantes. Dans ces conditions, force est de constater que le souci, exprimé dans les quatorzième et quinzième considérants du règlement n 404/93, de ne pas perturber les liens commerciaux actuels non seulement n' est pas incompatible avec la notion d' "opérateur" retenue à l' article 3 du règlement n 1442/93, mais encore justifie que des mûrisseurs aient été inclus parmi les personnes ayant droit à une part du contingent tarifaire dans le cadre de l' organisation commune des marchés.

111 Contrairement à l' argumentation développée par les requérantes, le risque commercial visé par le règlement n 404/93 ne saurait être interprété comme étant limité au risque de bénéfices et de pertes sur le marché et comme excluant donc les risques assurables. Il existe en effet dans la vie commerciale des risques, tels que des créances irrécouvrables ou la faillite d' un client important, qui peuvent être couverts par une assurance, mais qui n' en demeurent pas moins des risques commerciaux. Les mûrisseurs qui, pour leur propre compte, achètent certaines quantités de produit en vue de leur revente supportent le risque commercial lié à d' éventuelles fluctuations des prix ainsi que le risque de détérioration ou de perte du produit lui-même.

112 Enfin, il ressort des mêmes considérants du règlement n 404/93 que l' introduction de l' organisation commune des marchés, tout en ayant eu pour souci de ne pas perturber les liens commerciaux et les structures de commercialisation existants, n' avait pas pour objectif de préserver ces liens et ces structures tels quels, mais de permettre une certaine évolution, incluant l' accès au marché de nouveaux opérateurs.

113 En ce qui concerne le second volet de l' argument, le Tribunal estime que la définition du terme "opérateur" donnée à l' article 3, paragraphe 1, du règlement n 1442/93 ne saurait être considérée comme ambiguë ou comme incompatible avec l' économie du règlement n 404/93. L' article 3, paragraphe 1, cherche à rendre compte de la réalité du marché en cause, sur lequel certains opérateurs exerçaient effectivement pour leur propre compte une ou plusieurs des activités commerciales visées. Pour autant que des doubles comptages ont pu se produire dans les calculs effectués par les autorités nationales, ces erreurs doivent être considérées comme ayant trouvé leur origine dans la complexité et la diversité des structures commerciales en place dans le secteur, et non comme la conséquence inévitable d' une illégalité inhérente à la définition donnée du terme "opérateur".

114 Il s' ensuit que cette branche du cinquième moyen doit être rejetée.

2. La définition du terme "importateur secondaire" donnée à l' article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n 1442/93 est ambiguë et semble ouvrir droit à une part du contingent aux opérateurs qui n' assument que les risques de perte ou de détérioration et non le risque commercial et, dans la mesure où elle crée une quatrième catégorie d' opérateurs, excède les pouvoirs conférés à la Commission par le règlement n 404/93

Arguments des parties

115 Les requérantes font valoir que la définition du terme "importateur secondaire" donnée à l' article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n 1442/93 (voir ci-dessus point 13), par son ambiguïté, a pour effet de créer un opérateur d' une quatrième classe et que, dans cette mesure, la Commission a excédé les pouvoirs qui lui ont été conférés par le règlement n 404/93. Elles relèvent que la Commission a reconnu l' ambiguïté de cette définition et qu' elle a adopté une note interprétative afin de la clarifier. Cette note explique que "l' événement qui détermine l' inclusion dans la catégorie des importateurs secondaires au sens de l' article 3, paragraphe 1, est la mise en libre pratique du produit". Les requérantes font valoir que cette note n' a cependant pas levé l' ambiguïté et que certains États membres ont interprété la seconde phrase de l' article 3, paragraphe 1, sous b), en traitant les risques de détérioration ou de perte comme équivalant au risque commercial assumé normalement par le propriétaire. Cette interprétation aurait conduit à une hausse artificielle du montant des quantités de référence soumis pour les importateurs secondaires. Les requérantes soulignent que la Commission, en ayant omis de prendre les mesures appropriées pour y remédier, est responsable de cette situation.

116 Dans leur réplique, les requérantes ont ajouté que l' article 3 du règlement n 1442/93 aboutit à mettre en place un système dans lequel les mûrisseurs finiront par capter l' intégralité du contingent tarifaire. Selon elles, les mûrisseurs obtiendront une part du contingent tarifaire en raison de leurs activités de mûrissage ainsi qu' une autre part en exerçant le droit de se livrer à des importations qui leur est reconnu par ledit article 3. Ils pourront ainsi jouer le rôle d' importateurs secondaires et éliminer ces derniers.

117 La Commission soutient que les requérantes ont mal interprété la définition de l' importateur secondaire. L' article 3 du règlement n 1442/93 prévoirait que l' importateur secondaire doit mettre les bananes en libre pratique en tant que propriétaire; cependant, si l' importateur mettant les bananes en libre pratique n' est pas le propriétaire mais assume le risque de détérioration ou de perte, il pourrait alors être traité comme le propriétaire. La Commission réaffirme que le terme "risque commercial" inclut le risque de détérioration ou de perte.

118 En ce qui concerne l' argument selon lequel les mûrisseurs pourront jouer le rôle d' importateurs secondaires, la Commission fait valoir que le système mis en place par le règlement n 404/93 n' entraîne pas, en soi, un transfert de droits entre les opérateurs de la catégorie A exerçant les différentes classes d' activité. Elle ajoute, néanmoins, que les positions de ces opérateurs ne sont pas fixées les unes vis-à-vis des autres. Il aurait donc été correct, par exemple, de laisser aux importateurs primaires et aux mûrisseurs la liberté de se procurer des droits liés à des opérations d' importation secondaire, et le fait que des mûrisseurs et des importateurs primaires aient fait usage de cette liberté démontrerait que l' affirmation des requérantes selon laquelle les mûrisseurs finiront par capter l' intégralité du contingent tarifaire n' est pas fondée.

Appréciation du Tribunal

119 Le Tribunal considère que la présente branche du moyen repose sur une interprétation erronée de l' article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n 1442/93. Cette disposition énonce trois conditions cumulatives pour définir un "opérateur" exerçant des activités de la classe b ou "importateur secondaire", à savoir, en premier lieu, l' approvisionnement et la mise en libre pratique de bananes vertes, en deuxième lieu, la mise en vente en vue d' une mise ultérieure sur le marché communautaire et, en troisième lieu, la qualité de propriétaire.

120 Comme la Cour a jugé dans l' arrêt Pays-Bas/Commission, précité (points 22 et 23), l' analyse de ce texte révèle que les conditions énoncées sont cumulatives et que le critère de la prise en charge des risques de détérioration ou de perte du produit constitue une condition alternative à laquelle il peut être fait recours dans l' hypothèse où la condition de propriété n' est pas remplie.

121 Il s' ensuit que, correctement interprété, l' article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n 1442/93 n' est pas ambigu et il convient donc de rejeter cette branche du cinquième moyen.

3. L' inclusion des mûrisseurs parmi les opérateurs ayant droit à une part du contingent tarifaire, prévue à l' article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement n 1442/93 excède les pouvoirs conférés à la Commission par le règlement n 404/93

Arguments des parties

122 Les requérantes font valoir que l' inclusion des mûrisseurs va à l' encontre de la définition traditionnelle du négociant qui assume le risque commercial relatif à la mise en circulation du produit sur le marché communautaire et que les principes régissant la répartition du contingent tarifaire, tels qu' ils sont énoncés dans les considérants du règlement n 404/93, ne couvrent pas ces entreprises parce qu' il existe, entre elles et les importateurs, un mécanisme de compensation financière qui fait qu' elles n' assument pas les risques de commercialisation. En outre, les mûrisseurs, pouvant prétendre à des certificats d' importation, pourraient désormais importer directement de pays tiers, devenant ainsi des importateurs primaires et secondaires et rompant les liens commerciaux traditionnels qu' elles avaient avec les importateurs primaires et secondaires originaires.

123 La Commission répond que les mûrisseurs sont traités comme des opérateurs parce qu' ils assument un risque commercial et que la question de savoir si ce risque est assurable n' est pas pertinente. Ils achèteraient des bananes vertes et assumeraient le risque de fluctuation des prix ainsi que des coûts importants d' investissement et de distribution. La Commission fait valoir, en outre, qu' elle n' a pas voulu éliminer du marché les mûrisseurs qui avaient commercialisé des bananes dans le cadre des régimes nationaux antérieurement existants. Elle se réfère, à cet égard, à la situation en vigueur au Royaume-Uni avant l' adoption du règlement n 404/93. Elle ajoute que, même si, pour le moment, le système reflète la structure existante du marché, il n' a pas pour autant pour objectif de figer pour l' avenir la position des importateurs présents sur le marché et que des mûrisseurs pourront éventuellement passer d' une catégorie d' opérateurs à l' autre.

124 Le Royaume-Uni fait valoir, en premier lieu, que l' affirmation des requérantes selon laquelle les mûrisseurs n' assument pas de risque commercial n' est pas exacte, du moins pour certains États membres. Au Royaume-Uni, il n' existerait pas de mécanisme de compensation financière et, en conséquence, lorsque les mûrisseurs achètent des bananes vertes, ils assumeraient le risque que le prix du marché ou la demande puissent chuter. Le Royaume-Uni souligne, en deuxième lieu, que l' affirmation selon laquelle les mûrisseurs traditionnellement n' importaient pas de bananes est également inexacte puisque, selon le système en vigueur sur son territoire avant l' introduction de l' organisation commune des marchés, 35 % des certificats d' importation pour les bananes pays tiers étaient alloués à des négociants indépendants, dont la majorité étaient des mûrisseurs. En troisième lieu, le Royaume-Uni relève que l' article 19, paragraphe 1, du règlement n 404/93 prévoit que le contingent tarifaire est ouvert aux "opérateurs" et non pas seulement aux "importateurs".

Appréciation du Tribunal

125 Dans cette branche du moyen, les requérantes font valoir, en substance, que les mûrisseurs n' auraient pas dû être inclus parmi les opérateurs ayant droit à une part du contingent tarifaire parce qu' ils n' assument pas de risque commercial. Cette affirmation, que les requérantes n' ont pas étayée par des éléments de preuve, a été contredite par le Royaume-Uni, qui a expliqué que, dans le système en vigueur sur son territoire avant l' introduction de l' organisation commune des marchés, il n' existait pas de mécanisme de compensation financière entre importateurs et mûrisseurs, ce qui avait pour conséquence que ces derniers assumaient un risque commercial et agissaient en réalité comme des importateurs titulaires de certificats d' importation.

126 Le Tribunal constate que les requérantes ont déjà développé cette argumentation dans le cadre de la première branche du moyen et la rejette pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus aux points 109 à 112.

4. L' application d' un coefficient de pondération, prévue à l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 1442/93, excède les pouvoirs conférés à la Commission par le règlement n 404/93

Arguments des parties

127 Selon les requérantes, le coefficient de pondération introduit par l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 1442/93 n' était pas prévu dans le règlement n 404/93. En outre, les pourcentages fixés seraient arbitraires, en particulier dans la mesure où les mûrisseurs se verraient attribuer une part du contingent tarifaire supérieure de près du double à celle qui est accordée aux importateurs secondaires, en dépit du fait que, à la différence de ces derniers, ils n' assument qu' un risque commercial négligeable. Les requérantes ajoutent que le troisième considérant du règlement n 1442/93, en affirmant que ce coefficient "corrige les effets négatifs d' un décompte multiple des mêmes quantités de produits à différents stades de la chaîne commerciale" n' explique pas comment il produit ces effets.

128 La Commission, soutenue par le Royaume-Uni, fait valoir tout d' abord que le préambule au règlement n 404/93 prévoit que les certificats d' importation doivent être octroyés à des personnes qui ont assumé le risque commercial de la commercialisation des bananes et que limiter l' accès au contingent aux opérateurs qui avaient antérieurement importé des bananes aurait été injustifié au vu des systèmes de commercialisation existant dans certains États membres.

129 La Commission ajoute ensuite que les pourcentages figurant à l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 1442/93 ont été fixés après une étude du marché et après consultation des États membres au sein du comité de gestion et qu' ils reflètent la réalité du marché. Elle explique qu' il a été considéré que les importateurs primaires assument le plus grand risque dans la commercialisation des bananes et que, pour cette raison, un coefficient de pondération de 57 % leur a été accordé; que, au vu du rôle moins important des importateurs secondaires, qui se bornent à mettre en libre pratique pour leur propre compte des bananes achetées aux importateurs primaires et à les revendre ensuite aux mûrisseurs, et du fait qu' ils n' assument pas les mêmes risques que ces deux autres catégories, il leur a été appliqué un coefficient de pondération de 15 %; et que, eu égard au fait que les mûrisseurs, qui vendent les bananes aux grossistes, assument les risques liés aux éventuelles fluctuations des prix et de la demande, il leur a été accordé un coefficient de pondération de 28 %. La Commission précise que de tels coefficients sont inhérents à un système de contingent.

Appréciation du Tribunal

130 Comme le Tribunal l' a déjà souligné dans son appréciation du premier moyen concernant l' application d' un coefficient de réduction (voir ci-dessus points 50 à 55), il est nécessaire au fonctionnement d' un contingent tarifaire qu' un coefficient de pondération puisse être fixé, afin de tenir compte du fait que les mêmes quantités de produits peuvent être traitées par des opérateurs différents aux stades successifs de la chaîne commerciale.

131 Or, en fixant, après examen du marché et consultation du comité de gestion, les taux des coefficients de pondération aux pourcentages indiqués ci-dessus, la Commission a exercé le pouvoir d' appréciation qui est le sien en présence de faits économiques complexes. Les requérantes n' en ayant pas rapporté la preuve, le Tribunal ne saurait conclure que la Commission s' est fondée sur des faits matériellement inexacts ou a commis une erreur manifeste dans leur appréciation.

132 Il s' ensuit que c' est à juste titre que la Commission a pu fixer des coefficients de pondération ventilés en considération de l' importance des risques assumés par les différents opérateurs.

133 Il convient donc de rejeter cette branche du cinquième moyen.

5. Les dispositions relatives aux documents justificatifs devant être fournis à l' appui des demandes d' attribution d' une part du contingent, figurant à l' article 4, paragraphe 3, et aux articles 7 et 8 du règlement n 1442/93, constituent, en raison de leur obscurité, une violation du principe de la sécurité juridique et un manquement de la Commission à son obligation de gérer le contingent communautaire conformément à la législation communautaire

Arguments des parties

134 Selon les requérantes, les dispositions en cause, qui précisent les conditions dans lesquelles les autorités nationales compétentes doivent établir les listes des opérateurs de catégories A et B ainsi que les quantités de référence à leur attribuer, doivent être interprétées comme imposant une obligation aux États membres. L' article 4, paragraphe 3, prévoit que "les opérateurs concernés tiennent à la disposition des autorités les documents justificatifs énoncés à l' article 7". L' article 7, en revanche, semble rendre facultative la présentation de documents justificatifs, puisqu' il se réfère aux "types de documents qui peuvent être présentés, à la demande des autorités compétentes des États membres, pour établir les quantités commercialisées par chaque opérateur".

135 Selon les requérantes, l' ambiguïté créée par ces dispositions a eu pour résultat que les États membres ont adopté des interprétations différentes, de sorte que les critères requis pour avoir droit à une part du contingent sont appliqués plus strictement dans certains États membres que dans d' autres. En outre, à supposer que la présentation de documents soit obligatoire, l' article 7, paragraphe 1, omettrait en tout état de cause de préciser si la présentation d' un seul ou de tous les documents énumérés est exigée. Enfin, l' article 8 ne fournirait aucune indication aux autorités nationales quant au point de savoir quels sont les documents énumérés à l' article 7 dont la combinaison doit être tenue pour une preuve suffisante du bien-fondé de la demande. Ces insuffisances constitueraient autant de violations du principe de la sécurité juridique.

136 La Commission soutient que les articles en cause ne sont pas en contradiction les uns avec les autres. Elle fait valoir que l' article 4, paragraphe 3, vise les documents que les opérateurs concernés doivent tenir à la disposition des autorités compétentes, mais que la décision quant à la nécessité de la production de certains documents est laissée à la discrétion des autorités nationales. Tout en acceptant qu' un tel système est susceptible d' être appliqué de manière différente suivant les États membres, la Commission rappelle que ceux-ci ont de toute façon l' obligation de prévoir des exigences minimales en matière de preuve.

137 Le Royaume-Uni fait valoir qu' il n' y a pas d' incompatibilité entre les articles 4, paragraphe 3, et 7, puisque ces articles ont seulement pour objet d' obliger les opérateurs à fournir aux autorités compétentes des États membres, sur la demande de ces dernières, tel ou tel des documents énumérés à l' article 7.

Appréciation du Tribunal

138 Le Tribunal estime qu' il résulte d' une lecture correcte de l' article 4, paragraphe 3, et de l' article 7 du règlement n 1442/93 que ces dispositions ne sont pas incompatibles. En effet, le premier article vise clairement les opérateurs concernés en leur imposant de produire, à la demande des autorités nationales compétentes, les documents justificatifs énumérés à l' article 7. Toutefois, ledit article 7 laisse aux autorités compétentes des États membres le soin de préciser la portée de cette obligation en déterminant elles-mêmes les documents précis devant être soumis à l' appui de toute demande d' établissement d' une quantité de référence. L' énumération figurant à l' article 7 constitue une illustration des exigences de preuve qui peuvent être requises par les autorités nationales compétentes. Un certain pouvoir d' appréciation leur est laissé à cet égard en raison de la diversité des systèmes antérieurement en vigueur dans les différents États membres, afin de tenir compte de l' impératif de flexibilité que cette diversité implique lors de la mise en place de la nouvelle organisation commune des marchés.

139 Il convient cependant de préciser que les autorités nationales compétentes ont l' obligation, lorsqu' elles exercent le pouvoir d' appréciation qui leur est reconnu par l' article 7, de le faire dans le respect des principes de bonne foi et de diligence, en prenant soin de vérifier que les éléments de preuve qu' elles requièrent permettent, dans la mesure du possible, d' établir de manière efficace et exacte les données chiffrées reflétant la situation dans l' État membre en question.

140 Dans ces conditions, le Tribunal estime que, en s' abstenant de déterminer elle-même les documents justificatifs devant obligatoirement être présentés par les opérateurs, la Commission n' a pas enfreint le principe de la sécurité juridique.

141 Il convient donc de rejeter cette branche du cinquième moyen et, partant, le moyen dans son intégralité.

142 Il s' ensuit qu' il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation comme non fondées.

B ° Les conclusions en indemnisation

143 Les requérantes demandent réparation des pertes et dommages qui leur ont été prétendument causés par:

° la décision illégale de la Commission, contenue dans l' article 1er du règlement n 2920/93, d' appliquer un coefficient de réduction aux quantités de référence attribuées aux opérateurs de la catégorie A pour la période du 1er juillet au 31 décembre 1993;

° la décision illégale de la Commission, contenue dans l' article 1er du règlement n 3190/93, d' appliquer un coefficient de réduction aux quantités de référence attribuées aux opérateurs de la catégorie A pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1994; et

° le manquement de la Commission à son obligation d' administrer et de gérer le contingent communautaire conformément au droit communautaire, en particulier à l' article 155 du traité et à l' article 20 du règlement n 404/93.

Arguments des parties

144 Les requérantes rappellent que la Commission est tenue, dans l' exécution des obligations qui découlent pour elle de l' article 155 du traité et de l' article 20 du règlement n 404/93, de respecter le principe de bonne administration et que les décisions adoptées en violation de ce principe sont entachées d' invalidité (arrêt de la Cour du 27 mars 1990, Italie/Commission, C-10/88, Rec. p. I-1229). Se référant à la résolution 93/C 166/01 du Conseil, du 8 juin 1993, relative à la qualité rédactionnelle de la législation communautaire (JO C 166, p. 1) et aux conclusions de l' avocat général M. Gulmann sous l' arrêt de la Cour du 20 janvier 1993, Emerald Meats/Commission (C-106/90, C-317/90 et C-129/91, Rec. p. I-209, I-260), elles ajoutent que la Commission est également tenue de respecter le principe selon lequel la législation communautaire doit être claire. Or, pour les raisons déjà exposées dans le cadre des conclusions en annulation, la Commission aurait manqué aux obligations qui découlaient pour elle de ces principes.

145 Les requérantes font encore valoir que la Commission n' a qu' incomplètement vérifié si les quantités de référence et les listes des opérateurs établies par les autorités nationales étaient exactes et n' a pas surveillé la manière dont les États membres se sont acquittés de leurs obligations au titre du règlement n 1442/93. Or, ces devoirs lui auraient été expressément imposés par l' article 4, paragraphe 5, de ce règlement, ou bien auraient découlé pour elle du principe général selon lequel les pouvoirs qui ne sont pas expressément prévus mais qui sont nécessaires à la mise en oeuvre correcte d' une mesure communautaire peuvent être implicites.

Appréciation du Tribunal

146 Le Tribunal a jugé ci-dessus (voir points 44 à 142) que la Commission n' a pas agi de manière illégale en fixant, à l' article 1er du règlement n 3190/93, un coefficient de réduction à appliquer aux quantités de référence des opérateurs de la catégorie A. Il s' ensuit que les conclusions en indemnisation, pour autant qu' elles sont basées sur l' illégalité des décisions de la Commission d' appliquer un tel coefficient pendant les périodes du 1er janvier au 31 décembre 1994 et du 1er juillet au 31 décembre 1993, doivent être rejetées comme non fondées.

147 L' article 155 du traité ainsi que l' article 20 du règlement n 404/93 déterminent le cadre dans lequel la Commission est habilitée à arrêter les modalités d' application nécessaires à la mise en oeuvre d' une organisation commune des marchés. En tant que telles, ces dispositions ne sauraient être invoquées par des particuliers en vue d' engager, sur la base des articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité, la responsabilité de cette institution.

148 Il découle de l' appréciation que le Tribunal a portée ci-dessus sur les deuxième (voir points 67 à 75), troisième (voir points 76 à 81) et cinquième moyens (voir points 108 à 114, 119 à 121, 125 à 126, 130 à 133 et 138 à 141) ainsi que de l' arrêt Pays-Bas/Commission, précité, que les autres arguments invoqués par les requérantes afin d' établir un comportement illégal de la Commission doivent être également rejetés.

149 Il s' ensuit que les conclusions en indemnisation doivent être rejetées.

150 De l' ensemble des considérations qui précèdent, il résulte que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

151 En vertu de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

152 Toutefois, en vertu de l' article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supporteront leurs propres dépens. Le Royaume-Uni supportera donc ses propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Les requérantes sont solidairement condamnées aux dépens.

3) Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord supportera ses propres dépens.

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