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Doiciméad 61994CJ0311
Judgment of the Court of 15 October 1996. # IJssel-Vliet Combinatie BV v Minister van Economische Zaken. # Reference for a preliminary ruling: Raad van State - Netherlands. # State aid for the construction of a fishing vessel. # Case C-311/94.
Arrêt de la Cour du 15 octobre 1996.
IJssel-Vliet Combinatie BV contre Minister van Economische Zaken.
Demande de décision préjudicielle: Raad van State - Pays-Bas.
Aides étatiques à la construction d'un chalutier.
Affaire C-311/94.
Arrêt de la Cour du 15 octobre 1996.
IJssel-Vliet Combinatie BV contre Minister van Economische Zaken.
Demande de décision préjudicielle: Raad van State - Pays-Bas.
Aides étatiques à la construction d'un chalutier.
Affaire C-311/94.
Recueil de jurisprudence 1996 I-05023
Aitheantóir ECLI: ECLI:EU:C:1996:383
*A9* Raad van State (Nederland), afdeling bestuursrechtspraak, uitspraak van 01/11/94 (R01.91.1111/44-23)
- AB-kort 1994 nº 944
- Administratiefrechtelijke beslissingen ; Rechtspraak bestuursrecht 1995 nº 437
- Nederlands juristenblad 1995 Bijl. p.443
- Gaceta Jurídica de la C.E. y de la Competencia - Boletín 1995 nº 101 p.42
§NOTES§
- Steyger, E.: Administratiefrechtelijke beslissingen ; Rechtspraak bestuursrecht 1995 nº 437
Arrêt de la Cour du 15 octobre 1996. - IJssel-Vliet Combinatie BV contre Minister van Economische Zaken. - Demande de décision préjudicielle: Raad van State - Pays-Bas. - Aides étatiques à la construction d'un chalutier. - Affaire C-311/94.
Recueil de jurisprudence 1996 page I-05023
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1. Aides accordées par les États ° Interdiction ° Dérogations ° Aides à la construction navale ° Directive 87/167 ° Conditions minimales ° Règles applicables au secteur de la pêche énoncées par la Commission dans des lignes directrices ° Prise en compte des critères applicables en matière de politique commune de la pêche ° Admissibilité
(Traité CEE, art. 42, 92 et 93; directive du Conseil 87/167)
2. Aides accordées par les États ° Examen par la Commission ° Mise en place d' un encadrement des aides dans un secteur économique ° Règles applicables au secteur de la pêche énoncées par la Commission dans des lignes directrices ° Acceptation par les États membres ° Effet contraignant ° Application aux aides à la construction de bateaux de pêche devant être exploités au sein de la flotte communautaire
(Traité CEE, art. 93, § 1)
1. Il résulte tant de sa base juridique, qui est l' article 92, paragraphe 3, sous d), du traité CEE, devenu l' article 92, paragraphe 3, sous c), du traité CE, que du libellé de ses articles 1er, sous d), second alinéa, et 4, paragraphe 1, que la directive 87/167, concernant les aides à la construction navale, vise une catégorie d' aides "qui peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun". Il s' ensuit qu' une aide à la construction navale n' est pas nécessairement compatible avec le marché commun du seul fait qu' elle satisfait aux conditions prévues par cette directive et qu' il appartient toujours à la Commission de vérifier, en vertu de l' article 93, paragraphe 3, du traité, que toutes les conditions de compatibilité avec le marché commun sont satisfaites.
Dans ce contexte, compte tenu, d' une part, de la reconnaissance, par l' article 42, premier alinéa, du traité, de la primauté de la politique agricole par rapport aux objectifs du traité dans le domaine de la concurrence et, d' autre part, de l' intérêt à protéger l' effet utile de la politique commune dans le secteur de la pêche, la Commission, en appréciant la compatibilité d' une aide octroyée au secteur de la pêche, doit tenir compte des exigences de la politique commune de ce secteur. Elle peut donc arrêter, dans l' exercice des compétences dont elle dispose en vertu des articles 92 et 93 du traité, les lignes directrices pour l' examen des aides nationales dans le secteur de la pêche, qui énoncent le respect, outre des critères relevant exclusivement de la politique de concurrence, de ceux applicables en matière de politique commune de la pêche, même si le Conseil ne l' a pas explicitement habilitée à cet effet.
2. En prévoyant que la Commission procède avec les États membres à l' examen permanent des régimes d' aides existant dans ces États et propose à ces derniers les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun, l' article 93, paragraphe 1, du traité implique une obligation de coopération régulière et périodique à la charge de la Commission et des États membres, dont ni la Commission ni un État membre ne sauraient s' affranchir pour une période indéfinie dépendant de la volonté unilatérale de l' une et de l' autre.
En particulier, un État membre qui est soumis à l' obligation de coopération découlant de l' article 93, paragraphe 1, du traité et qui a accepté les règles énoncées dans les lignes directrices arrêtées par la Commission pour l' examen des aides nationales dans le secteur de la pêche, est tenu de les appliquer lorsqu' il adopte une décision à l' égard d' une demande d' aide pour la construction d' un bateau de pêche destiné à faire partie de l' une des flottes communautaires, indépendamment de son lieu de pêche.
Dans l' affaire C-311/94,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CE, par le Nederlandse Raad van State (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
IJssel-Vliet Combinatie BV
et
Minister van Economische Zaken,
une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des articles 42, 92 et 93 du traité CEE, du règlement (CEE) n 4028/86 du Conseil, du 18 décembre 1986, relatif à des actions communautaires pour l' amélioration et l' adaptation des structures du secteur de la pêche et de l' aquaculture (JO L 376, p. 7), de la directive 87/167/CEE du Conseil, du 26 janvier 1987, concernant les aides à la construction navale (JO L 69, p. 55), et des lignes directrices pour l' examen des aides nationales dans le secteur de la pêche [(88/C 313/09) (JO 1988, C 313, p. 21)],
LA COUR,
composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, G. F. Mancini, J. L. Murray et L. Sevón, présidents de chambre, C. N. Kakouris, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, D. A. O. Edward (rapporteur), J.-P. Puissochet, G. Hirsch et M. Wathelet, juges,
avocat général: M. C. O. Lenz,
greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
° pour IJssel-Vliet Combinatie BV, par Me P. V. F. Bos, avocat au barreau de Rotterdam,
° pour le gouvernement néerlandais, par M. A. Bos, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent,
° pour le gouvernement français, par Mme E. Belliard, directeur adjoint à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, Mme C. de Salins, sous-directeur à la même direction, et M. J.-M. Belorgey, chargé de mission à la même direction, en qualité d' agents,
° pour la Commission des Communautés européennes, par MM. P. Nemitz et H. van Vliet, membres du service juridique, en qualité d' agents,
vu le rapport d' audience,
ayant entendu les observations orales de IJssel-Vliet Combinatie BV, représentée par Me P. V. F. Bos, du gouvernement néerlandais, représenté par M. J. S. van den Oosterkamp, conseiller juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent, du gouvernement français, représenté par Mme C. de Salins et J.-M. Belorgey, et de la Commission, représentée par MM. P. Nemitz et H. van Vliet, à l' audience du 26 mars 1996,
ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 23 mai 1996,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 1er novembre 1994, parvenue à la Cour le 25 novembre suivant, le Nederlandse Raad van State a posé, en application de l' article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles, dont la seconde a été modifiée par lettre du président de la section du contentieux administratif du Raad van State du 8 décembre 1994, sur l' interprétation des articles 42, 92 et 93 du traité CEE, du règlement (CEE) n 4028/86 du Conseil, du 18 décembre 1986, relatif à des actions communautaires pour l' amélioration et l' adaptation des structures du secteur de la pêche et de l' aquaculture (JO L 376, p. 7), de la directive 87/167/CEE du Conseil, du 26 janvier 1987, concernant les aides à la construction navale (JO L 69, p. 55, ci-après la "sixième directive"), et des lignes directrices pour l' examen des aides nationales dans le secteur de la pêche [(88/C 313/09) (JO 1988, C 313, p. 21, ci-après les "lignes directrices")].
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant IJssel-Vliet Combinatie BV (ci-après "IJssel-Vliet"), société de droit néerlandais, au Minister van Economische Zaken (ci-après le "Minister"), à propos d' une demande de subvention en vue de la construction d' un bateau de pêche, refusée par ce dernier.
3 Le règlement n 4028/86, qui met en place les éléments structurels de la politique commune de la pêche, énonce, dans son septième considérant, qu' il tend, notamment, à la restructuration des flottes communautaires. Cette restructuration vise, selon le dixième considérant, l' établissement d' un équilibre stable entre les capacités de la pêche et les ressources halieutiques disponibles par l' élimination des surcapacités de pêche. Pour atteindre ces objectifs et pour assurer le bon fonctionnement de la politique commune, le règlement envisage l' intervention de "fonds publics" (cinquième considérant) qui peuvent être soit communautaires soit nationaux.
4 S' agissant de l' octroi d' aides nationales, l' article 49 du règlement n 4028/86 prévoit:
"Les articles 92, 93 et 94 du traité sont applicables, dans le domaine régi par le présent règlement, aux aides nationales octroyées par les États membres."
5 En ce qui concerne ces aides, le titre VII du règlement n 4028/86, intitulé "Adaptation des capacités", prévoit que les États membres peuvent octroyer une prime d' immobilisation ou d' arrêt définitif en cas d' arrêt temporaire ou définitif de l' activité de certains navires de pêche, prime au paiement de laquelle la Communauté peut participer.
6 S' agissant de la sixième directive, elle énonce, dans le contexte de "la crise mondiale dans la construction navale" (deuxième considérant), certaines règles relatives à l' octroi d' aides nationales en vue de cette construction.
7 Selon l' article 1er, sous a), de la sixième directive, l' expression "construction navale" vise, notamment, la construction dans la Communauté de bateaux de pêche d' au moins 100 tonnes brutes.
8 L' article 1er, sous d), second alinéa, de la sixième directive prévoit que les aides nationales à la construction navale "peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun à condition qu' elles satisfassent aux critères de dérogation contenus dans la présente directive".
9 A cet égard, l' article 4, paragraphe 1, de la sixième directive précise que "Les aides à la production en faveur de la construction et de la transformation navales peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun, à condition que le montant total de l' aide octroyée pour un contrat ne dépasse pas en équivalent subvention un plafond maximal...". Ce plafond est, aux termes de l' article 4, paragraphe 2, de la sixième directive, "fixé par la Commission sur la base de la différence qui existe entre les coûts des chantiers les plus compétitifs de la Communauté et les prix pratiqués par leurs principaux concurrents internationaux...".
10 L' article 10, paragraphe 1, de la sixième directive dispose que, outre les dispositions des articles 92 et 93 du traité, les aides visées sont soumises à certaines règles spéciales de notification. Le second paragraphe précise que la mise en oeuvre de tout régime d' aide au secteur concerné est assujetti à l' autorisation préalable de la Commission.
11 Estimant que les politiques structurelles définies dans le règlement n 4028/86 et la sixième directive n' étaient pas "immédiatement compatibles", la Commission a, par lettre du 26 mai 1988 (ci-après la "circulaire"), informé les États membres de la manière dont elle entend appliquer ces deux textes.
12 Selon cette circulaire, aucune aide, tant communautaire que nationale, ne peut être octroyée à la construction de bateaux de pêche destinés à la flotte communautaire à moins qu' elle ne soit conforme à la politique commune de la pêche. En conséquence, seules les aides octroyées en vue de la construction de bateaux de pêche destinés aux flottes de pays tiers peuvent être accordées au titre de la sixième directive.
13 Par la suite, la Commission a adopté les lignes directrices qui ont pour objet d' indiquer aux États membres la manière dont elle entend exercer, au titre des articles 92 et 93 du traité, son pouvoir d' appréciation à l' égard d' aides nouvelles. Elle a également proposé aux États membres, au titre de l' article 93, paragraphe 1, du traité, d' appliquer à leurs régimes d' aides existant en la matière les critères établis par les lignes directrices. Cette proposition a, par lettre du 30 novembre 1988, été notifiée au gouvernement néerlandais. Dans cette lettre, la Commission a invité ce gouvernement à lui donner l' assurance que les critères fixés par les lignes directrices seraient respectés pour toutes les aides nationales dans le secteur de la pêche. Par lettre du 31 janvier 1989, le gouvernement néerlandais lui a confirmé que les aides concernées étaient conformes aux lignes directrices.
14 Les principes généraux de ces lignes directrices énoncent, dans les mêmes termes que la circulaire, que l' octroi d' aides nationales au secteur de la pêche ne peut être envisagé que dans le respect des objectifs de la politique commune du secteur. A cet égard, la Commission a précisé qu' elle avait décidé de ne pas autoriser l' octroi d' aides nationales au titre de la sixième directive pour la construction de bateaux de pêche destinés à la flotte communautaire.
15 Par sa décision 88/123/CEE, du 11 décembre 1987, relative au programme d' orientation pluriannuel de la flotte de pêche (1987-1991) présenté par les Pays-Bas conformément au règlement (CEE) n 4028/86 (JO 1988, L 62, p. 28, ci-après la "décision"), la Commission a approuvé ce programme, sous réserve du respect de certaines limites et conditions prévues dans la décision (ci-après le "programme").
16 La Commission a cependant rappelé que toute intervention financière en faveur du secteur concerné devait, pour pouvoir être approuvée, s' inscrire dans le cadre du programme qui concrétise la politique commune de la pêche à l' égard du royaume des Pays-Bas.
17 Le Regeling generieke steun zeescheepsnieuwbouw 1988 (régime néerlandais pour l' octroi d' aides en vue de la construction navale, ci-après le "régime d' aide national") institue, sous réserve de certaines conditions, une subvention pour la construction de navires. Selon l' article 28 de ce régime d' aide national et conformément à l' article 10, paragraphe 2, de la sixième directive, la mise en oeuvre de ce régime dépend de l' approbation de la Commission.
18 La Commission a, par lettre du 29 mars 1988, approuvé, au titre de la sixième directive, ce régime d' aide national. Par la suite, le gouvernement néerlandais lui a, par lettre du 26 octobre 1988, notifié certaines propositions de modification qui ne changeaient ni l' orientation générale ni l' objectif de ce régime. Ces modifications ont, par lettre du 22 décembre 1988, été approuvées par la Commission dans la mesure où l' aide au secteur de la pêche respectait les lignes directrices.
19 Le 28 novembre 1988, IJssel-Vliet a introduit, auprès du Minister, une demande de subvention en vue de la construction d' un bateau de pêche de 6 500 tonnes. Cette demande a été rejetée par décision du Minister du 1er décembre 1989.
20 Le 28 décembre suivant, IJssel-Vliet a introduit une réclamation contre la décision du Minister, lequel a, par décision du 19 mars 1991, déclaré cette réclamation non fondée. Le Minister estimait que l' aide sollicitée ne pouvait être accordée, car elle ne se conformait pas au programme. IJssel-Vliet, s' appuyant sur la sixième directive, a interjeté appel de cette décision devant le Raad van State.
21 C' est dans ces conditions que le Raad van State a sursis à statuer et a posé à la Cour les deux questions suivantes:
"1) Au vu des dispositions combinées de l' article 42 du traité instituant la Communauté économique européenne et de l' article 49 du règlement (CEE) n 4028/86 du Conseil, du 18 décembre 1986, relatif à des actions communautaires pour l' amélioration et l' adaptation des structures du secteur de la pêche et de l' aquaculture, la Commission des Communautés européennes, exerçant le pouvoir d' examiner les régimes d' aide existant dans les États membres que lui confère l' article 93 du traité instituant la Communauté européenne, peut-elle, en vue de coordonner le règlement (CEE) n 4028/86, précité, et la directive 87/167/CEE du Conseil, du 26 janvier 1987, concernant les aides à la construction navale, élaborer, publier et utiliser comme principes, dans l' appréciation des régimes d' aide nationaux, des lignes directrices pour l' examen des aides nationales octroyées dans le secteur de la pêche (88/C 313/09) qui appliquent, outre des critères relevant exclusivement de la politique de la concurrence, des critères empruntés à la politique commune de la pêche, si le Conseil ne l' a pas explicitement habilitée à cet effet?
2) Si la première question appelle une réponse affirmative:
Les États membres sont-ils tenus d' appliquer les lignes directrices précitées lorsqu' ils adoptent une décision à l' égard d' une demande d' aide pour la construction d' un bateau destiné à la pêche? Dans l' affirmative, sur quelle base juridique repose cette obligation?
Cette obligation s' applique-t-elle uniquement lorsque le bateau concerné est destiné, en tout ou en partie, à la pêche dans les eaux qui relèvent de la souveraineté ou de la juridiction des États membres de la Communauté économique européenne ou dans les eaux visées par la politique extérieure de la pêche?"
22 Il y a lieu d' abord de relever que, selon l' ordonnance de renvoi, le Raad van State estime que, en toute hypothèse, il est établi que le navire en cause est destiné en partie à la pêche dans les eaux qui relèvent de la souveraineté ou de la juridiction des États membres de la Communauté.
23 Il convient ensuite de préciser que, lors de l' audience, IJssel-Vliet a informé la Cour que le navire, qui a entre-temps été construit, navigue sous pavillon néerlandais.
Sur la première question
24 La juridiction de renvoi demande en substance si la Commission pouvait arrêter, dans l' exercice des compétences dont elle dispose en vertu des articles 92 et 93 du traité, les lignes directrices qui énoncent le respect, outre des critères relevant exclusivement de la politique de la concurrence, de ceux applicables en matière de politique commune de la pêche, même si le Conseil ne l' avait pas explicitement habilitée à cet effet.
25 IJssel-Vliet fait valoir que, en prévoyant dans ces lignes directrices qu' une aide à la construction d' un bateau de pêche ne peut être considérée comme compatible avec le marché commun que si elle respecte les objectifs de la politique commune de la pêche, la Commission aurait méconnu la portée de la sixième directive. Elle indique en outre que, contrairement aux termes des lignes directrices, toute aide en vue de la construction d' un bateau de pêche visé à l' article 1er, sous a), de la sixième directive serait ipso facto compatible avec le marché commun, dès lors qu' elle ne dépasse pas le plafond maximal fixé par la Commission. Dans le cadre de cette directive, le rôle de cette dernière serait limité à la vérification du respect de la condition relative au plafond maximal. IJssel-Vliet se fonde à cet égard sur l' arrêt du 18 mai 1993, Belgique/Commission (C-356/90 et C-180/91, Rec. p. I-2323).
26 Il convient toutefois de rappeler que la sixième directive est fondée sur l' article 92, paragraphe 3, sous d), du traité. Par conséquent, les aides qu' elle vise ne constituent qu' une catégorie d' aides qui "peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun". Les dispositions pertinentes de cette directive reproduisent d' ailleurs fidèlement ce libellé [voir articles 1er, sous d), second alinéa, et 4, paragraphe 1, de la sixième directive; voir également, en ce sens, arrêt Belgique/Commission, précité, point 32].
27 Bien que de telles aides puissent être considérées comme compatibles avec le marché commun, il n' en résulte pas pour autant que, nécessairement, elles le soient. En effet, il appartient à la Commission d' examiner, en vertu de l' article 93, paragraphe 3, du traité, que ces aides remplissent toutes les conditions pour être compatibles avec le marché commun. A cet égard, il y a lieu de rappeler que l' article 10 de la sixième directive prévoit expressément que l' article 93 du traité s' applique et impose, en outre, d' autres règles de notification.
28 Il s' ensuit que, bien qu' une aide réponde aux exigences de la sixième directive, il n' en résulte pas pour autant qu' elle est nécessairement compatible avec le marché commun.
29 A titre subsidiaire, IJssel-Vliet considère que, dans l' hypothèse où la Commission serait en droit de déclarer incompatible avec le marché commun une aide répondant aux conditions de la sixième directive, elle ne pourrait en aucun cas le faire sur la base de considérations, telles que celles tirées de la politique commune de la pêche, qui seraient étrangères à la politique de la concurrence. En effet, l' article 49 du règlement n 4028/86, qui rend cette dernière politique applicable dans le secteur de la pêche, ne le permettrait pas.
30 Il y a lieu cependant de relever que, loin d' être une méconnaissance de ses pouvoirs, la prise en compte des considérations tirées de la politique commune de la pêche constitue un élément essentiel de l' appréciation par la Commission de la compatibilité avec le marché commun des aides, telles que celles en cause, au secteur de la pêche.
31 En effet, il résulte de l' article 42, premier alinéa, du traité, lequel reconnaît la primauté de la politique agricole par rapport aux objectifs du traité dans le domaine de la concurrence, que l' application éventuelle dans ce domaine des dispositions du traité relatives à la concurrence est soumise à la prise en compte des objectifs énoncés à l' article 39 du traité, à savoir les objectifs de la politique agricole commune (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, Rec. p. I-4973).
32 Par ailleurs, dans le secteur de la pêche, la politique commune comporte des règles relatives au fonctionnement et au développement du marché commun (voir article 38, paragraphe 4, du traité). Si la Commission n' en tenait pas compte, elle risquerait de porter gravement atteinte à l' effet utile de cette politique commune.
33 Il en résulte que la Commission, en appréciant la compatibilité avec le marché commun d' une aide octroyée au secteur de la pêche, doit tenir compte des exigences de la politique commune de ce secteur, lesquelles correspondent en fait à celles du marché commun.
34 Il y a donc lieu de répondre à la première question que la Commission pouvait arrêter, dans l' exercice des compétences dont elle dispose en vertu des articles 92 et 93 du traité, les lignes directrices qui énoncent le respect, outre des critères relevant exclusivement de la politique de la concurrence, de ceux applicables en matière de politique commune de la pêche, même si le Conseil ne l' avait pas explicitement habilitée à cet effet.
Sur la seconde question
35 Il convient de rappeler que cette question peut être subdivisée en deux parties, dont la première vise à établir si les lignes directrices ont un effet contraignant et dont la seconde vise à déterminer les bateaux soumis aux règles des lignes directrices.
36 S' agissant de la première partie de cette question, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l' article 93, paragraphe 1, du traité, la Commission procède avec les États membres à l' examen permanent des régimes d' aides y existant. Elle leur propose les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun. Cette disposition implique ainsi une obligation de coopération régulière et périodique à la charge de la Commission et des États membres, dont ni la Commission ni un État membre ne sauraient s' affranchir pour une période indéfinie dépendant de la volonté unilatérale de l' une ou de l' autre (voir arrêt du 29 juin 1995, Espagne/Commission, C-135/93, Rec. p. I-1651).
37 A cet égard, il convient de relever que les lignes directrices sont fondées sur l' article 93, paragraphe 1, du traité et, dès lors, représentent un élément de cette obligation de coopération régulière et périodique dont ni la Commission ni les États membres ne peuvent s' affranchir. Par ailleurs, les lignes directrices se conforment précisément ° du moins à l' égard des rapports entre la Commission et le royaume des Pays-Bas ° à l' esprit de coopération régulière et périodique que ledit article du traité envisage entre la Commission et les États membres.
38 En premier lieu, les lignes directrices, qui ne sont pas les premières applicables au domaine considéré, constituent une mise à jour des anciennes lignes directrices et s' insèrent donc dans le cadre d' un contrôle régulier et périodique du secteur de la pêche.
39 En second lieu, quoique la Commission en conserve la maîtrise, ce contrôle a été mené en collaboration avec les États membres. D' abord, ceux-ci ont été consultés ° le gouvernement néerlandais par lettres des 30 mars et 6 mai 1988 ° sur le texte provisoire des lignes directrices et, ensuite, la Commission a, par lettre du 30 novembre 1988 adressée au gouvernement néerlandais, indiqué que, en approuvant le texte définitif des lignes directrices, elle a tenu compte des observations faites par les États membres.
40 En troisième lieu, il ressort de cette dernière lettre que l' esprit de coopération entre la Commission et les États membres a subsisté tout au long de l' existence de ces lignes directrices. En effet, la Commission a, dans cette lettre, invité le gouvernement néerlandais à lui donner l' assurance que les critères fixés dans les lignes directrices seraient respectés pour toutes les aides au secteur. En réponse, le gouvernement néerlandais a, par lettre du 31 janvier 1989, confirmé à la Commission que les aides octroyées au secteur de la pêche respectaient les lignes directrices (point 13 du présent arrêt). Lors de cette confirmation, le gouvernement néerlandais appliquait le régime d' aide national, qui doit donc être considéré comme visé par ladite confirmation.
41 S' agissant du traitement des aides au secteur de la pêche, il ressort donc du dossier que la Commission et le gouvernement néerlandais ont établi, au titre de l' article 93, paragraphe 1, du traité, un cadre de coopération dont ni l' une ni l' autre ne pouvaient s' affranchir unilatéralement.
42 Par ailleurs, il convient de rappeler que, dans l' arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C-313/90, Rec. p. I-1125, point 35), la Cour a reconnu à une "discipline" ayant la même nature juridique que les lignes directrices et dont les règles ont été acceptées par les États membres un effet contraignant.
43 En l' espèce, l' approbation par la Commission des modifications du régime d' aide national n' avait été accordée que dans la mesure où l' aide octroyée par le gouvernement néerlandais à la construction des bateaux de pêche respectait les lignes directrices. Dans ces circonstances, ce gouvernement a, en mettant en oeuvre les modifications, accepté les règles énoncées par les lignes directrices. Dès lors, conformément à l' arrêt CIRFS e.a./Commission, précité, ces dernières ont un effet contraignant à l' égard de cet État membre.
44 Ainsi, il résulte de l' obligation de coopération découlant de l' article 93, paragraphe 1, du traité, d' une part, et de l' acceptation des règles énoncées dans les lignes directrices, d' autre part, qu' un État membre, tel que le royaume des Pays-Bas, est tenu d' appliquer les lignes directrices lorsqu' il adopte une décision à l' égard d' une demande d' aide pour la construction d' un bateau destiné à la pêche.
45 En ce qui concerne la seconde partie de la seconde question, il y a lieu d' abord d' observer que, comme il ressort des points 14 et 3 du présent arrêt, les lignes directrices s' appliquent aux aides à la construction de bateaux de pêche destinés à la "flotte communautaire" et la politique commune, dont les lignes directrices en assurent le respect, poursuit la restructuration des "flottes communautaires".
46 Il convient donc d' examiner ensuite si un bateau, tel que celui en cause, doit être considéré comme destiné à faire partie de l' une des flottes communautaires.
47 A cet égard, comme M. l' avocat général l' a relevé au point 58 de ses conclusions, la réglementation de la politique commune relative aux flottes communautaires adopte comme critère d' application, notamment, le pavillon sous lequel le bateau navigue. C' est ainsi qu' un bateau battant pavillon d' un État membre a, à tout moment, accès aux ressources halieutiques communautaires, tant dans les eaux relevant de la souveraineté ou de la juridiction des États membres de la Communauté que dans les eaux visées par la politique extérieure de la pêche, et il est également soumis aux mesures de contrôle prévues par la réglementation en matière de politique commune.
48 Il s' ensuit qu' un bateau battant pavillon d' un État membre doit être considéré comme faisant partie de l' une des flottes communautaires, indépendamment de son lieu de pêche.
49 Il convient donc de répondre à la seconde question, prise dans son ensemble, qu' un État membre, tel que le royaume des Pays-Bas, qui est soumis à l' obligation de coopération découlant de l' article 93, paragraphe 1, du traité et qui a accepté les règles énoncées dans les lignes directrices, est tenu de les appliquer lorsqu' il adopte une décision à l' égard d' une demande d' aide pour la construction d' un bateau de pêche destiné à faire partie de l' une des flottes communautaires, indépendamment de son lieu de pêche.
Sur les dépens
50 Les frais exposés par les gouvernements néerlandais et français, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
statuant sur les questions à elle soumises par le Nederlandse Raad van State, par ordonnance du 1er novembre 1994, dit pour droit:
1) La Commission pouvait arrêter, dans l' exercice des compétences dont elle dispose en vertu des articles 92 et 93 du traité CEE, les lignes directrices pour l' examen des aides nationales dans le secteur de la pêche (88/C 313/09), qui énoncent le respect, outre des critères relevant exclusivement de la politique de la concurrence, de ceux applicables en matière de politique commune de la pêche, même si le Conseil ne l' avait pas explicitement habilitée à cet effet.
2) Un État membre, tel que le royaume des Pays-Bas, qui est soumis à l' obligation de coopération découlant de l' article 93, paragraphe 1, du traité et qui a accepté les règles énoncées dans les lignes directrices, est tenu de les appliquer lorsqu' il adopte une décision à l' égard d' une demande d' aide pour la construction d' un bateau de pêche destiné à faire partie de l' une des flottes communautaires, indépendamment de son lieu de pêche.