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Document 61993TO0585
Order of the Court of First Instance (First Chamber) of 9 August 1995. # Stichting Greenpeace Council (Greenpeace International) and others v Commission of the European Communities. # Inadmissibility. # Case T-585/93.
Ordonnance du Tribunal de première instance (première chambre) du 9 août 1995.
Stichting Greenpeace Council (Greenpeace International) et autres contre Commission des Communautés européennes.
Irrecevabilité.
Affaire T-585/93.
Ordonnance du Tribunal de première instance (première chambre) du 9 août 1995.
Stichting Greenpeace Council (Greenpeace International) et autres contre Commission des Communautés européennes.
Irrecevabilité.
Affaire T-585/93.
Recueil de jurisprudence 1995 II-02205
ECLI identifier: ECLI:EU:T:1995:147
Ordonnance du Tribunal de première instance (première chambre) du 9 août 1995. - Stichting Greenpeace Council (Greenpeace International) et autres contre Commission des Communautés européennes. - Irrecevabilité. - Affaire T-585/93.
Recueil de jurisprudence 1995 page II-02205
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
++++
1. Recours en annulation ° Personnes physiques ou morales ° Actes les concernant directement et individuellement ° Acte susceptible d' être à l' origine d' un préjudice en matière d' environnement pour des tiers ° Absence d' incidence sur les conditions de reconnaissance de la qualité pour agir
(Traité CE, art. 173, alinéa 4)
2. Recours en annulation ° Personnes physiques ou morales ° Actes les concernant directement et individuellement ° Décision octroyant, au titre du Feder, un concours financier à la construction de centrales électriques adressée à un État membre ° Particuliers résidant ou exerçant une activité dans la région d' implantation des centrales ° Irrecevabilité
(Traité CE, art. 173, alinéa 4)
3. Recours en annulation ° Personnes physiques ou morales ° Actes les concernant directement et individuellement ° Décision octroyant un concours financier, au titre du Feder, adressée à un État membre ° Particuliers auteurs d' une plainte déposée auprès de la Commission ° Irrecevabilité
(Traité CE, art. 173, alinéa 4)
4. Recours en annulation ° Personnes physiques ou morales ° Actes les concernant directement et individuellement ° Décision octroyant, au titre du Feder, un concours financier à la construction de centrales électriques adressée à un État membre ° Association pour la défense de l' environnement n' ayant joué aucun rôle dans la procédure d' adoption de la décision ° Irrecevabilité
(Traité CE, art. 173, alinéa 4)
1. Les sujets autres que les destinataires d' une décision ne peuvent prétendre être concernés individuellement par celle-ci que si elle les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d' une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d' une manière analogue à celle du destinataire.
Le critère ainsi mis en oeuvre, qui requiert un concours de circonstances tel que le tiers requérant puisse prétendre être affecté par la décision attaquée d' une manière qui le caractérise par rapport à toute autre personne, reste applicable quelle que puisse être la nature des intérêts affectés, économiques ou autres.
Ainsi, à supposer même que, dès lors que seraient en cause des intérêts liés à la protection de l' environnement, la seule existence d' un préjudice subi ou à subir pourrait conférer vocation à intenter un recours en annulation, le préjudice ne saurait suffire pour conférer à un requérant la qualité pour agir s' il est tel qu' il affecte, de manière générale et abstraite, un grand nombre de justiciables qui ne sauraient être déterminés a priori, de façon à être individualisés d' une manière analogue au destinataire d' une décision.
Cette conclusion ne saurait être affectée par la constatation que, selon les pratiques jurisprudentielles nationales en matière de protection de l' environnement, la qualité pour agir peut dépendre de la seule existence d' un intérêt "suffisant" dans le chef des requérants, dès lors que la qualité pour agir au titre de l' article 173, quatrième alinéa, du traité dépend de la réunion des conditions tenant à l' existence d' une affectation directe et individuelle du requérant par la décision attaquée.
2. Une décision adressée à un État membre et ayant pour objet l' octroi, au titre du Fonds européen de développement régional, d' un concours financier à la construction de deux centrales électriques se présente, à l' égard de personnes ne revendiquant que la qualité de résident local dans la région d' implantation desdites centrales, de pêcheur, d' agriculteur ou de personne préoccupée par les conséquences que ces installations pourraient produire sur le tourisme local, la santé des habitants et l' environnement, comme une mesure dont les effets sont susceptibles d' atteindre diverses catégories de justiciables de manière objective, générale et abstraite et, en fait, toute personne qui réside ou séjourne dans la région concernée. Elle ne les atteint pas en raison de certaines qualités qui les différencieraient de toute autre personne se trouvant actuellement ou potentiellement dans une situation identique à la leur et ne les concerne donc pas individuellement au sens de l' article 173, quatrième alinéa, du traité.
3. L' octroi des concours financiers du Fonds européen de développement régional ne comporte pas de procédures spécifiques associant les particuliers à l' adoption, à l' exécution et au suivi des décisions prises à cet effet. Aussi le simple dépôt d' une plainte relative à un financement envisagé, et, par la suite, l' échange éventuel d' une correspondance avec la Commission, ne saurait conférer au plaignant la qualité pour agir au titre de l' article 173 du traité contre la décision de financement dont il n' est point le destinataire et qui ne le concerne pas individuellement comme s' il l' était.
4. Une association constituée pour promouvoir les intérêts collectifs d' une catégorie de justiciables ne saurait être considérée comme étant individuellement concernée, au sens de l' article 173, quatrième alinéa, du traité, par un acte affectant les intérêts généraux de cette catégorie et, par conséquent, n' est pas recevable à introduire un recours en annulation lorsque ses membres ne sauraient le faire à titre individuel.
En revanche, l' existence de circonstances particulières, telles que le rôle joué par une association dans le cadre d' une procédure ayant conduit à l' adoption d' un acte au sens de l' article 173 du traité, peut justifier la recevabilité d' un recours introduit par une association dont les membres ne sont pas directement et individuellement concernés par l' acte litigieux.
De telles circonstances font défaut s' agissant d' une association de défense de l' environnement qui entend intenter un recours en annulation contre une décision de la Commission adressée à un État membre et ayant pour objet l' octroi, au titre du Fonds européen de développement régional, d' un concours financier à la construction de deux centrales électriques et se prévaut à cet effet d' un échange de correspondance avec la Commission et d' un entretien avec celle-ci à ce sujet. De tels contacts ne permettent en effet pas à ladite association de faire valoir l' existence d' un intérêt individuel propre dès lors que la Commission n' avait, avant l' adoption de la décision, ouvert aucune procédure dans laquelle elle se serait vu reconnaître la qualité d' interlocuteur et qu' il s' est agi d' une simple information, la Commission n' ayant été tenue ni de la consulter ni de l' entendre avant d' arrêter sa décision.
Dans l' affaire T-585/93,
Stichting Greenpeace Council (Greenpeace International), Domingo Viera González, Pablo Guedes García, José Ignacio Trojaola Chavez, Aurora González González, Pedro Melián Castro, Caridad Sánchez Artiles, José Juan Melián Melián, Carmen Guadalupe Gómez Castro, Clara Donate Hernández, Balbina Martín Espínola, José Hernández Morín, Germán Peña Hernández, Antonio Cabrera Expósito, Valentín Hernández Vaquero, Peter Reinhard, Julio González Domínguez, Tagoror Ecologista Alternativo et Comisión Canaria contra la contaminación, représentés par MM. Philippe Sands et Mark Hoskins, barristers, du barreau d' Angleterre et du pays de Galles, mandatés par Leigh, Day & Co, solicitors, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Jean-Paul Noesen, 18, rue des Glacis,
parties requérantes,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. David Gilmour, conseiller juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
soutenue par
Royaume d' Espagne, représenté par M. Alberto Navarro González, directeur général de la coordination juridique et institutionnelle communautaire, et par Mme Gloria Calvo Díaz, abogado del Estado, du service du contentieux communautaire, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade d' Espagne, 4-6, boulevard Emmanuel Servais,
partie intervenante,
ayant pour objet l' annulation de la décision de la Commission, prétendument arrêtée entre le 7 mars 1991 et le 29 octobre 1993, de verser au royaume d' Espagne quelque 11 à 12 millions d' écus en application de la décision C (91) 440 relative au concours financier apporté par le Fonds européen de développement régional à la construction de deux centrales électriques aux îles Canaries (Grande-Canarie et Ténériffe),
LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),
composé de MM. J. L. Cruz Vilaça, président, A. Kalogeropoulos et Mme V. Tiili, juges,
greffier: M. H. Jung,
rend la présente
Ordonnance
Les faits à l' origine du recours
1 Le 7 mars 1991, sur la base du règlement (CEE) n 1787/84 du Conseil, du 19 juin 1984, relatif au Fonds européen de développement régional (JO L 169, p. 1, ci-après "règlement de base"), modifié par le règlement (CEE) n 3641/85 du Conseil, du 20 décembre 1985 (JO L 350, p. 40), la Commission a adopté la décision C (91) 440, accordant au royaume d' Espagne une assistance financière du Fonds européen de développement régional (ci-après "Feder") d' un montant maximal de 108 578 419 écus pour des investissements d' infrastructure. Il s' agissait du projet de construction par l' Unión Eléctrica de Canarias SA (ci-après "Unelco") de deux centrales électriques dans les îles Canaries, à la Grande- Canarie et à Ténériffe.
2 Le financement communautaire de la construction des deux centrales électriques était échelonné sur quatre ans, à partir de 1991 jusqu' en 1994, et devait se faire par tranches annuelles (articles 1er et 3 et annexes II et III de la décision). L' engagement budgétaire pour la première année (1991), s' élevant à 28 953 000 écus (article 1er de la décision), était exigible lors de l' adoption de la décision par la partie défenderesse (annexe III, point A.4, de la décision). Les versements financiers ultérieurs, dépendant du plan financier de l' opération ainsi que de l' état d' avancement de sa réalisation, devaient couvrir les dépenses afférentes aux opérations visées, légalement approuvées par l' État membre concerné (articles 1er et 3 de la décision). Selon l' article 5 de la décision, la Commission pourrait réduire ou suspendre l' aide apportée à l' opération en cause, si l' examen de cette dernière révélait l' existence d' irrégularités et, en particulier, une modification importante affectant les conditions de son exécution sans que l' approbation de la Commission ait été au préalable sollicitée (voir aussi points A.20, A.21 et C.2 de l' annexe III de la décision).
3 Par lettre en date du 23 décembre 1991, Mme Aurora González González et M. Pedro Melián Castro, cinquième et sixième parties requérantes, ont informé la Commission de l' illégalité des travaux entrepris à la Grande-Canarie, du fait que l' Unelco avait omis d' effectuer, conformément à la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l' évaluation des incidences de certains projets publics et privés pour l' environnement (JO L 175, p. 40, ci-après "directive 85/337"), une étude d' évaluation des incidences sur l' environnement et lui ont demandé d' intervenir afin que les travaux soient arrêtés. Leur lettre a été enregistrée sous le n 4084/92.
4 Par lettre en date du 23 novembre 1992, M. Domingo Viera González, deuxième partie requérante, a sollicité l' appui de la Commission eu égard au fait que l' Unelco avait déjà entrepris des travaux à la Grande-Canarie et à Ténériffe, sans que la comisión de urbanismo y medio ambiente de Canarias, (commission des Canaries pour la planification et l' environnement, ci-après "CUMAC") ait émis sa déclaration relative aux incidences sur l' environnement conformément à la législation nationale applicable en la matière. Cette lettre fut enregistrée sous le n 5151/92.
5 Le 3 décembre 1992, la CUMAC a établi deux déclarations relatives aux incidences sur l' environnement de la construction des centrales électriques à la Grande- Canarie et à Ténériffe, qui furent publiées au Boletín oficial de Canarias respectivement les 26 février et 3 mars 1993.
6 Le 26 mars 1993, Tagoror Ecologista Alternativo, association locale pour le défense de l' environnement ayant son siège à Ténériffe (ci-après "TEA"), dix-huitième partie requérante, a formé un recours administratif contre la déclaration de la CUMAC relative aux incidences sur l' environnement du projet de construction d' une centrale électrique à Ténériffe. Le 2 avril 1993, la Comisión Canaria contra la contaminación (Commission des îles Canaries contre la pollution, ci-après "CIC"), association locale pour la défense de l' environnement, dix-neuvième partie requérante, a également introduit un recours administratif contre la déclaration de la CUMAC relative aux incidences sur l' environnement des deux projets de construction à la Grande-Canarie et à Ténériffe.
7 Le 18 décembre 1993, Greenpeace Spain, association pour la défense de l' environnement, responsable au niveau national pour la réalisation des objectifs, au niveau local, de Stichting Greenpeace Council, fondation pour la conservation de la nature ayant son siège aux Pays-Bas (ci-après "Greenpeace"), première partie requérante, a engagé une procédure judiciaire tendant à contester la validité des autorisations administratives délivrées à l' Unelco par le ministère régional de l' Industrie, du Commerce et de la Consommation pour les îles Canaries.
8 Par lettre du 17 mars 1993, adressée au directeur général de la direction générale Politiques régionales de la Commission (ci-après "DG XVI"), Greenpeace a demandé à la Commission de lui confirmer si des fonds structurels communautaires avaient été versés au gouvernement régional des îles Canaries à propos de la construction de deux centrales électriques et de lui faire connaître quel serait le calendrier pour le versement de ces fonds.
9 Par lettre du 13 avril 1993, le directeur général de la DG XVI a invité Greenpeace à "lire la décision C (91) 440", laquelle contenait, selon lui, "des précisions au sujet des conditions particulières à respecter par l' Unelco en vue de l' obtention de l' aide communautaire et le plan de financement".
10 Par lettre du 17 mai 1993, Greenpeace a demandé à la Commission de lui communiquer toutes les informations relatives aux mesures qu' elle avait prises concernant la construction de deux centrales électriques aux îles Canaries, conformément à l' article 7 du règlement (CEE) n 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d' investissement et des autres instruments financiers existants (JO L 185 p. 9, ci-après "règlement n 2052/88"), qui prévoit que "les actions faisant l' objet d' un financement par les fonds structurels ou d' un financement de la BEI ou d' un autre instrument financier existant doivent être conformes aux dispositions des traités et des actes arrêtés en vertu de ceux-ci, ainsi que des politiques communautaires, y compris celles concernant la protection de l' environnement".
11 Par lettre en date du 23 juin 1993, le directeur général de la DG XVI à répondu à Greenpeace comme suit: "I regret to say that I am unable to supply this information since it concerns the internal decision making procedures of the Commission ..., but I can assure you that the Commission' s decision was taken only after full consultation between the various services of the concerned." ("Je ne suis pas en mesure de vous fournir cette information puisqu' elle concerne des procédures internes de prise de position par la Commission ..., mais je peux vous assurer que la Commission n' a pris sa décision qu' après une concertation approfondie entre ses divers services.")
12 Le 29 octobre 1993, s' est tenue, dans les locaux de la Commission à Bruxelles, une réunion entre Greenpeace et la DG XVI, concernant le financement par le Feder de la construction des centrales électriques à la Grande-Canarie et à Ténériffe.
13 Le 21 décembre 1993, les requérants ont introduit un recours, enregistré au Tribunal sous le n T-585/93, visant à l' annulation de la décision que la Commission aurait prise de verser au gouvernement espagnol, en plus de la première tranche de 28 953 000 écus, 12 000 000 d' écus supplémentaires en remboursement des frais engagés pour la construction de deux centrales électriques aux îles Canaries (Grande-Canarie et Ténériffe). Cette décision aurait été adoptée entre le 7 mars 1991, date de l' adoption de la décision C (91) 440, et le 29 octobre 1993, date à laquelle, lors de sa réunion susmentionnée avec Greenpeace, la Commission, tout en refusant de communiquer à cette dernière des précisions au sujet du financement de la construction de deux centrales électriques aux îles Canaries, aurait confirmé qu' un montant total de 40 millions d' écus avait déjà été versé au gouvernement espagnol dans le cadre de l' application de la décision C (91) 440.
14 Par acte séparé, déposé le 22 février 1994 au greffe du Tribunal, la Commission a soulevé un exception d' irrecevabilité, au titre de l' article 114 du règlement de procédure. Les parties requérantes ont déposé leurs observations sur cette exception le 10 mai 1994.
15 Le 30 mars 1994, le royaume d' Espagne a demandé à intervenir à l' appui des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 8 juin 1994, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis le royaume d' Espagne à intervenir à l' appui des conclusions de la Commission. La partie intervenante a présenté son mémoire en intervention le 13 juillet 1994. Les parties requérantes ont déposé leurs observations sur le mémoire en intervention du gouvernement espagnol le 27 septembre 1994.
16 Par décision du 25 juillet 1994, le Tribunal a renvoyé l' affaire devant une chambre composée de trois juges.
Conclusions des parties
17 Dans leur recours, les requérants concluent à ce qu' il plaise au Tribunal:
° déclarer nulle et de nul effet la décision arrêtée par la partie défenderesse entre le 7 mars et le 29 octobre 1993 de verser au royaume d' Espagne 12 000 000 d' écus ou d' autres montants de cet ordre en application de la décision C (91) 440, en remboursement des frais engagés par le royaume d' Espagne pour la construction de deux centrales électriques (à la Grande-Canarie et à Ténériffe);
° condamner la partie défenderesse aux dépens de la présente procédure.
18 La Commission, dans son exception d' irrecevabilité, conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:
° déclarer le recours irrecevable;
° condamner les requérants aux dépens de la partie défenderesse.
19 La partie intervenante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:
° déclarer le recours irrecevable;
° condamner les requérants aux dépens.
20 Les requérants, dans leurs observations sur l' exception d' irrecevabilité, concluent à ce qu' il plaise au Tribunal:
° demander à la Commission de présenter toutes les pièces justificatives, au sens de l' article 38, paragraphe 2, du règlement n 86/610/CEE, Euratom, CECA, de la Commission, du 11 décembre 1986, portant modalités d' exécution de certaines dispositions du règlement financier du 21 décembre 1977 (JO L 360, p. 1, ci-après "règlement n 86/610"), relatives au versement des fonds en application de la décision C (91) 440, et
° demander à la Commission de préciser de manière exhaustive les modalités du versement des fonds au titre de la décision C (91) 440, notamment les dates d' engagement, de liquidation, d' ordonnancement et de paiement de chaque montant versé au titre de la décision C (91) 440 et les montants de chaque versement à ce titre;
° rejeter l' exception d' irrecevabilité;
° condamner la partie défenderesse aux dépens afférents à l' exception d' irrecevabilité et le royaume d' Espagne aux dépens exposés à propos de son mémoire en intervention.
Moyens et arguments des parties
21 La Commission soulève deux moyens à l' encontre de la recevabilité du présent recours, le premier étant tiré de la nature de l' acte attaqué et le second du défaut de qualité pour agir des requérants.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la nature de l' acte attaqué
22 La Commission soutient que la procédure prévue pour la mise en oeuvre de la décision C (91) 440 ne peut pas donner lieu à l' adoption d' un acte de caractère décisionnel, susceptible de faire l' objet d' un recours en annulation au titre de l' article 173 du traité CE, du fait que la mise en oeuvre d' une décision de financement au titre du Feder n' est pas assurée par des actes formels. Selon la Commission, il résulterait de l' analyse des dispositions du règlement financier du 21 décembre 1977, applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 356, p. 1, ci-après "règlement financier"), modifié en dernier lieu par le règlement (Euratom, CECA, CEE) n 610/90 du Conseil, du 13 mars 1990 (JO L 70, p. 1), que lorsqu' une décision de financement au titre du Feder est adoptée, les conditions juridiques pour l' engagement de la dépense en cause sont considérées comme étant remplies. Le paiement d' une partie du concours financier au titre du Feder ne serait, par conséquent, que la simple conséquence administrative de la décision d' engagement initial, à savoir, en l' espèce, de la décision C (91) 440.
23 La Commission soutient, que les requérants ne pourraient, ainsi, demander seulement l' annulation de l' acte de paiement, effectué conformément à l' article 51 du règlement financier, sans mettre en cause la légalité de l' acte de l' engagement initial, c' est-à-dire la décision C (91) 440. Il en résulterait que, faute d' avoir attaqué dans les délais la décision C (91) 440, les requérants seraient forclos, à moins que le Tribunal juge que la mise en oeuvre de la décision de financement C (91) 440 constitue une décision au sens de l' article 173 du traité.
24 Les requérants soutiennent que, si on examine le fond et non pas la forme, afin de déterminer si un acte constitue une décision au sens de l' article 173 du traité (arrêt du Tribunal du 28 octobre 1993, Zunis Holding e.a./Commission, T-83/92, Rec. p. II-1169), les quatre étapes prévues par le règlement financier pour le versement de fonds communautaires, à savoir l' engagement (articles 36 à 39), la liquidation (articles 40 à 42), l' ordonnancement (articles 43 à 50) et le paiement (articles 51 à 53), doivent être considérées comme des actes susceptibles de contrôle juridictionnel au titre de l' article 173 du traité. Ils ajoutent qu' il découle de l' article 1er de la décision C (91) 440, que la décision d' autorisation des engagements financiers pour l' exercice suivant n' est pas automatique mais dépend, d' une part, du plan de financement de l' opération financière et, d' autre part, de son état d' avancement.
25 En outre, les requérants soulignent que, dans le cadre de la mise en oeuvre de la décision C (91) 440, la Commission avait la double obligation, d' une part, d' assurer un "suivi" du respect par le royaume d' Espagne de la politique communautaire en matière d' environnement et en particulier de la directive 85/337 et, d' autre part, en cas de violation de cette politique, de refuser le versement d' autres fonds. Ils en concluent que, dans la mesure où la Commission avait ou aurait dû savoir que l' utilisation de ces fonds était, en l' espèce, contraire à la politique communautaire en matière d' environnement, elle était tenue, conformément à la décision C (91) 440, de refuser le versement de quelque 11 à 12 millions d' écus.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir des requérants
26 La Commission soutient que les requérants ne sont pas directement et individuellement concernés par la décision attaquée. Elle souligne que, dans la mesure où la décision attaquée ne concerne que le versement d' une tranche de financement au titre du Feder, la position juridique des requérants, dont l' intérêt consiste uniquement dans la protection de l' environnement, ne saurait être directement affectée. Ainsi, les requérants ne sauraient prétendre qu' ils sont affectés par la décision attaquée de manière analogue au destinataire de cette dernière, qui est le gouvernement espagnol. Par ailleurs, les requérants ne seraient pas individuellement concernés par la décision attaquée, parce que celle-ci ne concerne, en fait, que les relations entre la Commission et l' Espagne et ne confère aucun droit et n' impose pas d' obligations à l' égard des parties tierces.
27 La Commission s' oppose également à ce qu' il soit reconnu à la deuxième partie requérante, M. Domingo Viera González, et à la cinquième partie requérante, Mme Aurora González González, la qualité pour agir du seul fait qu' ils ont déposé des plaintes auprès de la Commission. Elle ajoute que le cadre juridique qui régit ses relations avec les États membres en la matière, et dans lequel s' inscrit l' adoption de la décision attaquée, ne comporte aucun droit subjectif au profit des particuliers, qui n' auraient, ainsi, aucune qualité pour agir, ni dans le cadre des articles 173 et 175, ni dans celui de l' article 169 du traité CE.
28 Enfin, la Commission considère que le présent recours n' aurait pas dû être introduit devant le juge communautaire mais devant le juge national, qui est, selon elle, le seul à pouvoir se prononcer sur la légalité du permis de construire des deux centrales électriques aux îles Canaries à l' égard de la directive 85/337.
29 Les requérants considèrent qu' ils sont directement concernés du fait que la décision attaquée ne laisse aucune marge de discrétion au gouvernement espagnol quant à l' utilisation des fonds versés au titre du Feder (arrêts de la Cour du 23 novembre 1971, Bock/Commission, 62/70, Rec. p. 897, et du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207).
30 Afin d' établir qu' ils sont individuellement concernés, les requérants soutiennent, à titre principal, que tous les particuliers qui ont subi ou risquent de subir un préjudice où une perte, à cause d' une mesure communautaire qui affecte l' environnement, ont qualité pour agir au titre de l' article 173 du traité et, subsidiairement, que tous les particuliers qui ont subi ou risquent de subir un préjudice ou une perte "particulière" à cause d' une telle mesure ont une telle qualité.
31 Ils ajoutent que l' exigence selon laquelle, pour être recevable à introduire un recours, le requérant doit établir qu' il a été atteint d' une manière analogue à celle dont est affecté le destinataire d' une décision ne trouve pas appui dans la jurisprudence de la Cour en la matière et invoquent à cet effet la jurisprudence en matière d' aides d' État, selon laquelle les concurrents des bénéficiaires d' une aide ont la qualité pour agir au titre de l' article 173 du traité, bien que leurs intérêts ne soient pas touchés de manière analogue à ceux du destinataire d' une décision, qui est l' État membre concerné (arrêt de la Cour du 19 mai 1993, Cook/Commission, C-198/91, Rec. p. I-2487).
32 Les requérants invitent le Tribunal à adopter une position libérale en la matière et à reconnaître que, en l' espèce, leur qualité pour agir peut ne pas dépendre d' un intérêt purement économique mais de leur intérêt à la protection de l' environnement, en abandonnant, ainsi, l' approche adoptée dans le passé dans des affaires concernant des intérêts purement économiques.
33 En faveur de cette thèse, les requérants invoquent la politique et la jurisprudence communautaires en matière de protection de l' environnement, les engagements internationaux souscrits en la matière par la Communauté, la législation et la pratique des États membres, ainsi que des États tiers et, en particulier, des États-Unis d' Amérique, en ce domaine et joignent à cet effet, à leur requête, un rapport établi en 1992 par l' Institut d' écologie appliquée, intitulé "Access to Justice, Final Report". Selon les requérants, il ressortirait dudit rapport que, dans chaque État membre, les particuliers qui justifient d' un intérêt suffisant peuvent contester en justice les décisions administratives censées avoir été prises en violation des règles en matière d' environnement. En outre, une majorité d' États membres reconnaîtrait également aux associations de défense de l' environnement qui sont suffisamment représentatives des intérêts de leurs membres ou qui ont fait l' objet de certaines formalités de reconnaissance et d' enregistrement la possibilité d' engager les mêmes actions.
34 Sur la base des considérations qui précèdent, les requérants soutiennent que chacun d' eux a subi un préjudice personnel et spécial à la suite des actes et omissions reprochés à la Commission et qu' ils remplissent ainsi, s' agissant d' une affaire relative à l' environnement, les critères de recevabilité au titre de l' article 173 du traité.
35 Les requérants soutiennent que la construction de la centrale électrique à la Grande-Canarie porte ainsi atteinte:
° au requérant Domingo Viera González, résident local et secrétaire de l' association des pêcheurs de Castillo Del Romeral, dans la mesure où elle portera atteinte aux moyens d' existence des pêcheurs locaux;
° au requérant Pablo Guedes García, résident local et agriculteur, dans la mesure où elle portera atteinte aux moyens d' existence des agriculteurs locaux et affectera la région concernée, qui donne la plus grande récolte de tomates des îles Canaries;
° au requérant José Ignacio Trojaola Chávez, employé dans le secteur du tourisme, dans la mesure où elle portera atteinte à la santé des résidents, au secteur du tourisme, aux pêcheurs et aux agriculteurs;
° à la requérante Aurora González González, présidente de l' association des résidents d' Aurora Sánchez Bolanos, dans la mesure où elle aura des effets préjudiciables à la qualité de vie des résidents locaux;
° au requérant Pedro Melián Castro, résident local et chauffeur de taxi, dans la mesure où elle portera préjudice à l' environnement et au secteur du tourisme;
° à la requérante Caridad Sánchez Artiles, résidente locale et médecin, dans la mesure où elle aura des effets préjudiciables sur la santé des résidents;
° au requérant José Juan Melián Melián, résident local et directeur de l' école maternelle de Castillo del Romeral, dans la mesure où elle causera un dommage à l' environnement et aura des effets préjudiciables sur l' éducation des enfants.
36 La construction de la centrale électrique à Ténériffe porterait atteinte:
° à la requérante Carmen Guadalupe Gómez Castro, résidente locale ayant acheté une maison dans la région pour des raisons de santé, car souffrant de graves difficultés respiratoires, en ce qu' elle aurait un effet préjudiciable sur sa santé;
° à la requérante Clara Donate Hernández, résidente locale et agricultrice, en ce qu' elle aurait des effets préjudiciables sur sa santé et sur son exploitation agricole;
° à la requérante Balbina Martín Espínola, en ce qu' elle aurait des effets préjudiciables sur sa santé;
° au requérant José Hernández Morín, syndicaliste appartenant à l' Union syndicale des îles Canaries, en ce qu' elle aurait des effets préjudiciables sur les moyens d' existence des salariés du secteur du tourisme;
° au requérant Germán Peña Hernández, résident local et représentant de l' association des résidents de Los Abrigos de Granadilla de Abona, en ce qu' elle aurait des effets préjudiciables sur la santé des résidents et des incidences sur les moyens d' existence des salariés des secteurs du tourisme et de l' agriculture;
° au requérant Antonio Cabrera Expósito, résident local, conseiller municipal de Granadilla pour l' environnement, en ce qu' elle aurait des effets préjudiciables sur l' environnement, le tourisme, l' agriculture et la santé;
° au requérant Valentín Hernández Vaquero, chargé du service de médecine préventive d' un établissement de santé local, en ce qu' elle aurait des effets préjudiciables sur la santé des résidents locaux;
° au requérant Peter Reinhard, résident local, en ce qu' elle aurait des effets préjudiciables sur la pratique du "wind-surfing", qui a été la raison pour laquelle il est venu vivre sur l' île de Ténériffe;
° au requérant Julio González Domínguez, ornithologiste en ce qu' elle aurait un effet préjudiciable sur la flore et la faune et, en particulier, les espèces d' oiseaux locales.
37 En ce qui concerne la qualité pour agir de ceux d' entre eux qui sont des associations (Greenpeace, TEA, CIC), les requérants relèvent que la jurisprudence de la Cour en la matière ne paraît dénier la qualité pour agir de telles organisations que dans les cas où leurs membres ne sont pas, eux-mêmes, individuellement concernés par la mesure communautaire attaquée. Il en résulterait que, lorsque un ou plusieurs membres d' une association sont recevables à introduire un recours en annulation, l' association qui représente leurs intérêts devrait l' être également.
38 Les requérants estiment que ces deux conditions sont remplies en l' espèce par la première, la dix-huitième et la dix-neuvième partie requérante, à savoir les associations Greenpeace, TEA et CIC. Ils expliquent que Greenpeace, dont le siège est aux Pays-Bas, est dotée de la personnalité juridique et oeuvre, selon l' article 2 de ses statuts, "en faveur de la conservation de la nature". En outre, Greenpeace Spain, responsable national pour la réalisation des objectifs de Greenpeace au niveau local (voir ci-dessus point 7), compterait, parmi ses 61 828 membres, 1 266 résidents dans les îles Canaries, dont un grand nombre serait individuellement concerné par la décision attaquée. Quant à TEA, association de défense de l' environnement, régie par le droit espagnol, dont le siège est à Ténériffe, l' article 2 de ses statuts prévoirait, entre autres, qu' elle a pour objectif de promouvoir, d' encourager et de favoriser les études de la nature et de l' environnement en général, et un grand nombre de ses 154 membres serait, également, individuellement concerné par l' acte attaqué. Enfin, CIC, qui est aussi une association de droit espagnol dotée de la personnalité juridique, ayant son siège à la Grande-Canarie, aurait comme objectif la protection et la défense des valeurs et du patrimoine historiques, culturels, naturels, paysagers, écologiques et environnementaux.
39 A titre subsidiaire, les requérants soutiennent que les organisations représentatives de défense de l' environnement doivent être considérées comme étant individuellement concernées en raison du rôle particulièrement important qu' elles jouent dans le cadre du contrôle juridictionnel en représentant, de manière ordonnée et coordonnée, les intérêts généraux communs à de nombreuses personnes (conclusions de l' avocat général M. Lenz sous l' arrêt de la Cour du 30 juin 1988, CIDA e.a./Conseil, 297/86, Rec. p. 3531, 3540, point 15).
40 Par ailleurs, les requérants rejettent la thèse de la Commission, selon laquelle le présent recours aurait une nature subsidiaire par rapport au contentieux porté devant le juge espagnol, en soulignant qu' il vise à obtenir le contrôle juridictionnel des actes de la Commission, adoptés en violation des règles communautaires applicables en la matière, et non pas de ceux adoptés par les autorités espagnoles.
41 Enfin, les requérants considèrent que la thèse de la Commission selon laquelle la recevabilité du recours en annulation dépend de la question de savoir si l' acte attaqué fait naître des droits subjectifs dans le chef du requérant ne trouve aucun appui ni dans le libellé de l' article 173 du traité ni dans la jurisprudence communautaire.
42 Le gouvernement espagnol, partie intervenante, procède, quant à la qualité pour agir des requérants, à une distinction entre, d' une part, la qualité pour agir des associations requérantes, à savoir Greenpeace, TEA et CIC, et, d' autre part, la qualité pour agir des personnes physiques requérantes.
43 En ce qui concerne la qualité pour agir des associations requérantes, il soutient que, compte tenu de leur situation par rapport à la décision attaquée, aucune d' entre elles ne présente les caractéristiques qui permettraient de l' assimiler au destinataire de la décision attaquée et que, selon la jurisprudence de la Cour, une association ou une organisation constituée pour la défense des intérêts collectifs d' une catégorie de justiciables ne saurait être considérée comme concernée directement et individuellement par un acte affectant les intérêts généraux de cette catégorie (arrêt du 14 décembre 1962, Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes e.a./Conseil, 16/62 et 17/62, Rec. p. 901).
44 Quant à la qualité pour agir des personnes physiques requérantes, le gouvernement espagnol souligne qu' aucune d' entre elles ne fait valoir des intérêts financiers qui auraient pu être à la base de l' adoption de la décision litigieuse et qui permettraient ainsi d' assimiler leur situation à celle du royaume d' Espagne. En outre, le fait que certaines des parties requérantes ont introduit des plaintes auprès de la Commission dans le contexte de la présente affaire ne suffirait pas à leur conférer la qualité pour agir, étant donné que, selon une jurisprudence constante, la Commission n' est pas tenue d' engager une procédure en manquement contre un État membre (arrêt de la Cour du 17 mai 1990, Sonito e.a./Commission, C-87/89, Rec. p. I-1981, point 6).
Appréciation du Tribunal
45 En vertu de l' article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure, la suite de la procédure sur l' exception d' irrecevabilité est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal s' estime, en l' espèce, suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu' il n' y a pas lieu d' ouvrir la procédure orale.
46 Le Tribunal estime qu' il convient d' examiner, d' abord, si les requérants ont la qualité pour agir, avant d' examiner si l' acte attaqué par ces derniers constitue une décision au sens de l' article 173 du traité.
47 A cet égard, le Tribunal estime qu' il y a lieu d' examiner, en premier lieu, la qualité pour agir des particuliers requérants et, en second lieu, celle des associations requérantes.
Sur la qualité pour agir des particuliers requérants
48 Le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d' une décision ne peuvent prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d' une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d' une manière analogue à celle du destinataire (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, du 14 juillet 1983, Spijker/Commission, 231/82, Rec. p. 2559, du 21 mai 1987, Deutsche Lebensmittelwerke e.a./Commission, 97/85, Rec. p. 2265, Cook/Commission, précité, et du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203; arrêts du Tribunal du 19 mai 1994, Air France/Commission, T-2/93, Rec. p. II-323, et Consorzio gruppo di azione locale "Murgia Messapica"/Commission, T-465/93, Rec. p. II-361).
49 Avant d' examiner si les conditions requises par la jurisprudence susmentionnée sont remplies en l' espèce, le Tribunal estime qu' il convient d' examiner le bien-fondé de la thèse des requérants, selon laquelle le Tribunal devrait, dans le cadre de l' examen de la recevabilité de leur recours, se dégager des restrictions résultant de ladite jurisprudence, selon laquelle les tiers requérants doivent établir qu' ils sont affectés par l' acte attaqué d' une manière analogue à celle du destinataire de la décision, et se concentrer, en revanche, sur le seul fait qu' ils ont subi ou pourraient subir une perte ou un préjudice du fait des conséquences néfastes pour l' environnement résultant d' un comportement illégal des institutions communautaires. Dans ce contexte, comme cela a été relevé plus haut (voir ci-dessus points 30 et 32), les requérants soulignent que leurs intérêts affectés par la décision attaquée ne sont pas de nature économique, comme cela a été le cas dans presque tous les arrêts rendus au titre de l' article 173 du traité, mais d' une toute autre nature, liée à la protection de l' environnement et à la préservation de la santé.
50 A cet égard, le Tribunal relève que, s' il est vrai que la jurisprudence susmentionnée est constituée par des arrêts rendus, pour la plupart, dans des affaires concernant, en principe, des intérêts de nature économique, il n' en reste pas moins que le critère essentiel mis en oeuvre par cette jurisprudence, à savoir, en substance, le concours de circonstances suffisantes pour que le tiers requérant puisse prétendre qu' il est affecté par la décision attaquée d' une manière qui le caractérise par rapport à toute autre personne, reste applicable, quelque puisse être la nature des intérêts affectés, économiques ou autres, des requérants.
51 Par conséquent, le critère dont les requérants demandent l' application, qui se limiterait à la seule existence d' un préjudice subi ou à subir, ne saurait, à lui seul, suffire pour conférer à un requérant la qualité pour agir, dès lors qu' un tel préjudice peut affecter, de manière générale et abstraite, un grand nombre de justiciables qui ne sauraient être déterminés a priori, de façon à être individualisés d' une manière analogue au destinataire d' une décision, conformément à la jurisprudence susmentionnée. Cette conclusion ne saurait être affectée par la constatation que, selon les pratiques jurisprudentielles nationales en matière de protection de l' environnement, la qualité pour agir peut dépendre de la seule existence d' un intérêt "suffisant" dans le chef des requérants, comme ils le soutiennent (voir ci-dessus point 33), dès lors que la qualité pour agir au titre de l' article 173, quatrième alinéa, du traité, dépend de la réunion des conditions tenant à l' existence d' une affectation directe et individuelle du requérant par la décision attaquée (voir ci-dessus point 48).
52 Il en résulte que la thèse des requérants selon laquelle leur qualité pour agir devrait, en l' espèce, s' apprécier à la lumière de critères autres que ceux déjà établis par la jurisprudence ne saurait être accueillie.
53 Il convient, par conséquent, d' examiner, si, en l' espèce, les requérants sont concernés individuellement par la décision attaquée, en raison de certaines qualités qui leurs sont particulières ou d' une situation de fait qui les caractérisent par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualisent d' une manière analogue à celle du destinataire de cette décision.
54 A cet égard, le Tribunal constate, en premier lieu, que les requérants sont seize particuliers qui invoquent, soit leur seule qualité objective de "résident local", de "pêcheur", d' "agriculteur", soit leur qualité de personne préoccupée par les conséquences que la construction de deux centrales électriques pourrait avoir sur le tourisme local, sur la santé des habitants des îles Canaries et sur l' environnement. Les requérants n' invoquent donc pas une qualité, en substance, différente de celle de l' ensemble des personnes résidant ou exerçant une activité dans les régions concernées, de façon à ce qu' à leur égard la décision attaquée, en ce qu' elle octroie un soutien financier à la construction de deux centrales électriques à la Grande-Canarie et à Ténériffe, se présente comme une mesure dont les effets sont susceptibles d' atteindre diverses catégories de justiciables de manière objective, générale et abstraite et, en fait, toute personne qui réside ou séjourne dans les régions concernées.
55 Les requérants ne sauraient ainsi être affectés par la décision attaquée qu' au même titre que tout autre résident local, pêcheur, agriculteur ou touriste se trouvant actuellement ou potentiellement dans une situation identique à la leur (arrêt Spijker/Commission, précité point 9; ordonnance du Tribunal du 21 février 1995, Associazione agricoltori della provincia di Rovigo e.a./Commission, T-117/94, Rec. p. II-455, point 25).
56 Il convient de constater, en second lieu, que le fait que les deuxième, cinquième et sixième parties requérantes aient déposé une plainte auprès de la Commission ne saurait constituer, non plus, une circonstance particulière permettant, de ce fait, de les individualiser par rapport à toute autre personne et de leur conférer, ainsi, la qualité pour agir au titre de l' article 173 du traité. Le Tribunal relève à cet égard que, dans le domaine des concours financiers accordés par le Feder, des procédures spécifiques associant les particuliers à l' adoption, à l' exécution et au suivi des décisions prises à cet effet ne sont pas prévues. Dans ces conditions, le simple dépôt d' une plainte et, par la suite, l' échange éventuel d' une correspondance avec la Commission ne saurait conférer à un plaignant la qualité pour agir au titre de l' article 173. En effet, selon la jurisprudence de la Cour, une personne qui demande à une institution, non pas de prendre une décision à son égard, mais d' ouvrir une procédure d' investigation à l' égard de tiers, bien qu' elle puisse être considérée comme étant intéressée indirectement, ne se trouve pas, pour autant, dans la position précise du destinataire actuel ou potentiel d' un acte susceptible d' annulation au sens de l' article 173 du traité (arrêt de la Cour du 10 juin 1982, Lord Bethell/Commission, 246/81, Rec. p. 2277).
57 Il résulte de ce qui précède que les circonstances invoquées par les requérants ne suffisent pas pour les caractériser par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualiser de manière analogue à celle du destinataire de la décision.
58 Il s' ensuit que le recours des particuliers requérants doit être déclaré irrecevable
Sur la qualité pour agir des associations requérantes
59 Le Tribunal rappelle à titre liminaire, d' une part, que, selon une jurisprudence constante, une association constituée pour promouvoir les intérêts collectifs d' une catégorie de justiciables ne saurait être considérée comme étant individuellement concernée, au sens de l' article 173, quatrième alinéa, du traité, par un acte affectant les intérêts généraux de cette catégorie et, par conséquent, n' est pas recevable à introduire un recours en annulation lorsque ses membres ne sauraient le faire à titre individuel (arrêts de la Cour du 14 décembre 1962, Fédération nationale de la boucherie en gros et du commerce en gros des viandes e.a./Conseil, 19/62 à 22/62, Rec. p. 943, et du 18 mars 1975, Union syndicale e.a./Conseil, 72/74, Rec. p. 401; ordonnance de la Cour du 11 juillet 1979, Producteurs de vins de table et vins de pays/Commission, 60/79, Rec. p. 2429; arrêt de la Cour du 10 juillet 1986, DEFI/Commission, 282/85, Rec. p. 2469; ordonnance de la Cour du 5 novembre 1986, UFADE/Conseil et Commission, 117/86, Rec. p. 3255, point 12; arrêt du Tribunal du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T-447/93, T-448/93 et T-449/93, Rec. p. II-0000, points 58 et 59). D' autre part, le Tribunal rappelle que l' existence de circonstances particulières, telles que le rôle joué par une association dans le cadre d' une procédure ayant conduit à l' adoption d' un acte au sens de l' article 173 du traité, peut justifier la recevabilité d' un recours introduit par une association dont les membres ne sont pas directement et individuellement concernés par l' acte litigieux (arrêts de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, et du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125).
60 Le Tribunal relève que les trois associations requérantes, à savoir Greenpeace, TEA et CIC, font valoir qu' elles représentent les intérêts généraux, en matière de protection de l' environnement, des personnes résidant à la Grande-Canarie et à Ténériffe et que leurs membres sont affectés par la décision attaquée sans, pour autant, invoquer l' existence de circonstances particulières, susceptibles de justifier l' intérêt individuel de leurs membres par rapport à toute autre personne résidant dans ces régions. Dans ces conditions, le Tribunal estime que l' affectation éventuelle de la situation juridique des membres des associations requérantes ne saurait être différente de l' affectation alléguée par les particuliers requérants dans la présente affaire. Il s' ensuit que, dans la mesure où, ainsi que le Tribunal l' a jugé (voir, ci-dessus, point 58), les particuliers requérants dans la présente affaire ne peuvent être considérés comme étant individuellement concernés par la décision attaquée, les membres des associations requérantes, en tant que résidents locaux de la Grande-Canarie et de Ténériffe, ne peuvent pas l' être non plus.
61 Dès lors qu' une des conditions requises pour que le recours d' une association au titre de l' article 173 du traité soit recevable fait en l' espèce défaut, il y a lieu d' examiner si l' échange de correspondance et l' entretien que l' une des trois associations requérantes, Greenpeace, a eu avec la Commission à propos du financement du projet de construction de deux centrales électriques aux îles Canaries constituent des circonstances particulières susceptibles de lui conférer la qualité pour agir en tant qu' association, au sens des arrêts CIRFS e.a./Commission et Van der Kooy e.a./Commission, précités.
62 A cet égard, le Tribunal constate que, à la différence de l' affaire CIRFS e.a./Commission, dans le présent cas d' espèce, il n' y a eu aucune procédure ouverte par la Commission avant l' adoption de la décision attaquée à laquelle Greenpeace aurait participé et que cette dernière n' a pas été, non plus, de quelque façon que ce soit, l' interlocuteur de la Commission au sujet de l' adoption de la décision de base C (91) 440 et/ou de celle de la décision litigieuse. Dans ces conditions, Greenpeace ne saurait faire valoir l' existence d' un intérêt individuel propre et distinct de celui de ses membres pour justifier sa qualité pour agir (arrêts CIRFS e.a./Commission et Van der Kooy e.a./Commission, précités).
63 Il convient d' ajouter, en outre, que la correspondance que Greenpeace a échangée avec la Commission et l' entretien qu' elle a eu, par la suite, avec les services de celle-ci n' ont eu lieu qu' à titre d' information, eu égard au fait que la Commission n' était obligée ni de consulter ni d' entendre les requérants dans le cadre de la mise en oeuvre de la décision C (91) 440 (voir ci-dessus point 56). Dès lors, les interventions effectuées auprès de la Commission par Greenpeace ne sauraient conférer à celle-ci la qualité pour agir au titre de l' article 173, quatrième alinéa, du traité.
64 Il résulte de tout ce qui précède que ni les requérants qui sont des personnes physiques ni les associations requérantes ne sont individuellement concernés par la décision que la Commission aurait adoptée entre le 7 mars 1991 et le 29 octobre 1993 de verser quelque 11 à 12 millions d' écus au royaume d' Espagne, en remboursement des frais engagés pour la construction de deux centrales électriques aux îles Canaries (Grande-Canarie et Ténériffe) au titre du Feder.
65 Par conséquent, et sans qu' il soit nécessaire d' examiner l' existence en l' espèce d' une décision susceptible de faire l' objet d' un recours au titre de l' article 173 du traité et si les requérants sont directement concernés par la décision attaquée, le recours doit être déclaré irrecevable.
Sur les dépens
66 En vertu de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Les parties requérantes ayant succombé en leurs conclusions, il y a lieu de les condamner aux dépens.
67 Aux termes de l' article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Le royaume d' Espagne supportera donc ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
ordonne:
1) Le recours est rejeté comme irrecevable.
2) Les parties requérantes sont condamnées solidairement aux dépens.
3) Le royaume d' Espagne supportera ses propres dépens.
Fait à Luxembourg, le 9 août 1995.