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Document 61993TJ0480
Judgment of the Court of First Instance (Fourth Chamber, extended composition) of 14 September 1995. # Antillean Rice Mills NV, Trading & Shipping Co. Ter Beek BV, European Rice Brokers AVV, Alesie Curaçao NV and Guyana Investments AVV v Commission of the European Communities. # Association of the overseas countries and territories - Safeguard measure - Action for annulment - Admissibility. # Joined cases T-480/93 and T-483/93.
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre élargie) du 14 septembre 1995.
Antillean Rice Mills NV, Trading & Shipping Co. Ter Beek BV, European Rice Brokers AVV, Alesie Curaçao NV et Guyana Investments AVV contre Commission des Communautés européennes.
Régime d'association des pays et territoires d'outre-mer - Mesure de sauvegarde - Recours en annulation - Recevabilité.
Affaires jointes T-480/93 et T-483/93.
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre élargie) du 14 septembre 1995.
Antillean Rice Mills NV, Trading & Shipping Co. Ter Beek BV, European Rice Brokers AVV, Alesie Curaçao NV et Guyana Investments AVV contre Commission des Communautés européennes.
Régime d'association des pays et territoires d'outre-mer - Mesure de sauvegarde - Recours en annulation - Recevabilité.
Affaires jointes T-480/93 et T-483/93.
Recueil de jurisprudence 1995 II-02305
ECLI identifier: ECLI:EU:T:1995:162
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre élargie) du 14 septembre 1995. - Antillean Rice Mills NV, Trading & Shipping Co. Ter Beek BV, European Rice Brokers AVV, Alesie Curaçao NV et Guyana Investments AVV contre Commission des Communautés européennes. - Régime d'association des pays et territoires d'outre-mer - Mesure de sauvegarde - Recours en annulation - Recevabilité. - Affaires jointes T-480/93 et T-483/93.
Recueil de jurisprudence 1995 page II-02305
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
++++
1. Recours en annulation ° Intérêt à agir ° Recours dirigé contre un acte exécuté ou abrogé
(Traité CEE, art. 176)
2. Recours en annulation ° Personnes physiques ou morales ° Actes les concernant directement et individuellement ° Décision de la Commission, adressée aux États membres, instaurant des mesures de sauvegarde applicables aux importations d' un produit originaire d' un pays ou territoire d' outre-mer associé ° Entreprises intéressées du pays ou territoire associé ° Entreprises identifiées ayant des marchandises en cours d' acheminement
(Traité CEE, art. 173, alinéa 2; décision du Conseil 91/482, art. 109)
3. Association des pays et territoires d' outre-mer ° Mise en oeuvre par le Conseil ° Préservation des intérêts de la Communauté par l' insertion d' une clause de sauvegarde dans le régime établissant le libre accès au marché communautaire des produits agricoles originaires des pays et territoires associés ° Légalité
(Traité CEE, art. 136, alinéa 2; décision du Conseil 91/482, art. 109)
4. Association des pays et territoires d' outre-mer ° Mesures de sauvegarde à l' encontre des importations de produits agricoles originaires des pays et territoires associés ° Conditions d' instauration ° Pouvoir d' appréciation de la Commission
(Décision du Conseil 91/482, art. 109; décisions de la Commission 93/127 et 93/211)
5. Association des pays et territoires d' outre-mer ° Mesures de sauvegarde à l' encontre des importations de produits originaires des pays et territoires associés ° Validité subordonnée à leur caractère indispensable
(Décision du Conseil 91/482, art. 109, § 2; décisions de la Commission 93/127 et 93/211)
6. Association des pays et territoires d' outre-mer ° Importation dans la Communauté des produits originaires des pays et territoires associés ° Interdiction des droits de douane et des taxes d' effet équivalent ° Taxe d' effet équivalent ° Notion ° Prélèvement perçu en cas de non-respect d' un prix minimal instauré à titre de mesure de sauvegarde ° Exclusion
(Décision du Conseil 91/482, art. 101 et 109)
7. Responsabilité non contractuelle ° Conditions ° Acte normatif impliquant des choix de politique économique ° Violation suffisamment caractérisée d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers ° Violation du principe de proportionnalité devant être respecté lors de l' adoption de mesures de sauvegarde à l' encontre des importations de produits originaires des pays et territoires d' outre-mer associés ° Violation d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers, mais insuffisamment caractérisée pour engager la responsabilité de la Communauté, compte tenu de la bonne foi de la Commission s' étant fondée sur des données inexactes n' ayant pas été contestées par les intéressés ° Nécessité, en toute hypothèse, d' un préjudice anormal
(Traité CEE, art. 215, alinéa 2; décision du Conseil 91/482, art. 109, § 2)
1. Un recours en annulation n' est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l' acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l' annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d' avoir des conséquences juridiques, ce qu' on ne saurait exclure dans le cas d' un acte entretemps exécuté ou abrogé. En effet, selon l' article 176 du traité, l' institution dont émane l' acte annulé est tenue de prendre les mesures qu' implique l' exécution de l' arrêt, ce qui peut comporter une remise en état adéquate pour effacer les conséquences qu' avait produites l' acte ou la renonciation à adopter un acte identique.
2. Une décision de la Commission, prise en application de l' article 109 de la décision 91/482, relative à l' association des pays et territoires d' outre-mer, adressée aux États membres et fixant, à titre de mesures de sauvegarde, un prix minimal à l' importation d' un produit originaire de l' un de ces territoires, concerne directement, au sens de l' article 173, deuxième alinéa, du traité, les entreprises exportant ledit produit à partir de ce territoire, dès lors qu' elle ne laisse aux États membres aucune marge d' appréciation quant à l' imposition et au niveau du prix minimal en cause.
En dépit de son caractère normatif, elle concerne aussi individuellement, au sens de la même disposition, celles d' entre elles, connues de la Commission en raison de contacts établis avant l' adoption de la mesure, ayant, au moment où elle intervient, des marchandises visées en cours d' acheminement. En effet, ces entreprises figurent nécessairement parmi les entreprises intéressées dont l' article 109 précité impose, au titre de l' examen de l' adéquation des mesures de sauvegarde envisagées, que soit, avant toute décision, prise en considération la situation, caractérisée par le risque de devoir subir un préjudice.
3. Le Conseil était en droit, sur la base de l' article 136, deuxième alinéa, du traité, en vue de concilier les principes de l' association des pays et territoires d' outre-mer (PTOM) à la Communauté et de la politique agricole commune, d' insérer dans la décision 91/482, relative à cette association, une clause de sauvegarde, énoncée à l' article 109, autorisant notamment des restrictions à la libre importation de produits agricoles originaires des PTOM si celle-ci entraîne des perturbations graves dans un secteur d' activité économique de la Communauté ou d' un ou de plusieurs États membres ou compromet leur stabilité financière extérieure, ou si des difficultés surgissent, qui risquent d' entraîner la détérioration d' un secteur d' activité de la Communauté ou d' une région de celle-ci. En opérant ce choix, qui ne limite qu' exceptionnellement, partiellement et temporairement la libre importation dans la Communauté des produits en provenance des PTOM, le Conseil n' a pas dépassé les limites de son pouvoir d' appréciation découlant de l' article 136, deuxième alinéa, du traité.
4. En prévoyant que la Commission peut prendre ou autoriser des mesures de sauvegarde à l' encontre des importations de produits originaires des pays et territoires d' outre-mer associés lorsque ces importations entraînent des perturbations graves dans un secteur d' activité économique de la Communauté ou d' un ou de plusieurs États membres ou compromettent leur stabilité financière extérieure, ou si des difficultés surgissent, qui risquent d' entraîner la détérioration d' un secteur d' activité de la Communauté ou d' une région de celle-ci, l' article 109, paragraphe 1, de la décision 91/482 laisse à la Commission un large pouvoir d' appréciation, non seulement quant à l' existence des conditions justifiant l' adoption d' une mesure de sauvegarde, mais aussi quant au principe de l' adoption d' une telle mesure, de sorte que le juge communautaire doit, dans l' exercice de son contrôle, se limiter à examiner si l' exercice d' un tel pouvoir n' est pas entaché d' une erreur manifeste ou d' un détournement de pouvoir ou encore si la Commission n' a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d' appréciation.
Tel n' a pas été le cas lors de l' adoption des décisions 93/127 et 93/211 par lesquelles ont été instaurées, puis modifiées dans le sens de l' assouplissement, des mesures de sauvegarde pour le riz originaire des Antilles néerlandaises. En effet, la Commission, au vu de l' évolution vers la baisse du prix du riz dans la Communauté qu' elle avait pu constater et de l' accroissement simultané des importations en provenance de ce territoire d' outre-mer, a pu considérer qu' avaient surgi des difficultés, qui risquaient d' entraîner une dérérioration dans le secteur de la culture du riz dans la Communauté et de mettre en péril le programme Poséidom dans son application aux départements d' outre-mer français, et que les conditions d' adoption de mesures de sauvegarde étaient donc remplies.
5. Les mesures de sauvegarde à l' encontre des importations de produits originaires des pays et territoires d' outre-mer associés qu' autorise l' article 109 de la décision 91/482 ne peuvent avoir pour objectif que de remédier aux difficultés rencontrées par un secteur d' activité économique de la Communauté ou d' empêcher que de telles difficultés ne naissent, et doivent, selon le paragraphe 2 de cet article, être strictement indispensables.
De ce fait doit être annulée la décision 93/127 par laquelle la Commission a instauré, à titre de mesure de sauvegarde, un prix minimal à l' importation du riz originaire des Antilles néerlandaises, car le niveau auquel ce prix a été fixé est tel que ce riz est rendu plus cher, sur le marché communautaire, non seulement que le riz communautaire mais également que le riz en provenance de pays tiers, dont les pays ACP, contrairement à l' ordre de préférence dont doivent bénéficier les produits des pays et territoires associés et au principe de proportionnalité qu' exprime le paragraphe 2 de l' article 109.
Est en revanche valide la décision 93/211 qui ramène, pour la même mesure de sauvegarde, le prix minimal à un niveau tel que le riz en cause n' est placé dans une position concurrentielle défavorable que par rapport au riz communautaire dont la mesure entend assurer la protection.
6. Un prélèvement perçu lors de l' importation d' un produit originaire d' un pays ou territoire d' outre-mer associé effectuée à un prix inférieur au prix minimal fixé dans le cadre d' une mesure de sauvegarde instituée en application de l' article 109 de la décision 91/482 ne saurait être considéré comme une taxe d' effet équivalent prohibée par l' article 101 de ladite décision, car l' obligation de l' acquitter trouve son origine non pas dans le franchissement de la frontière de la Communauté, mais dans le non-respect du prix minimal imposé.
7. L' instauration, en application de l' article 109 de la décision 91/482, de mesures de sauvegarde à l' encontre des importations de produits originaires d' un pays ou territoire d' outre-mer associé constitue une activité normative impliquant des choix de politique économique, de sorte qu' une illégalité commise à cette occasion n' est susceptible d' engager la responsabilité de la Communauté que si elle s' analyse comme une violation suffisamment caractérisée d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers.
L' illégalité commise par la Commission lors de l' adoption par la décision 93/127 d' une mesure de sauvegarde qui n' était pas, dans ses modalités, indispensable pour sauvegarder les intérêts de la Communauté, ainsi que l' exige le paragraphe 2 de l' article 109 précité, constitue la violation d' une telle règle, en l' occurrence le principe de proportionnalité. Elle n' engage cependant pas la responsabilité de la Communauté, car on ne saurait la considérer comme suffisamment caractérisée, compte tenu de ce que la Commission a, en toute bonne foi, utilisé des données, communiquées par des autorités nationales, qui se sont révélées inexactes, sans que pour autant les intéressés aient attiré son attention sur cette inexactitude qu' ils connaissaient.
Par ailleurs, même si elle avait été de nature à engager la responsabilité de la Communauté, il eût fallu, pour que naquît un droit à indemnisation, qu' on se trouvât en présence d' un préjudice dépassant ce qu' il est admis qu' un particulier doive, même dans l' hypothèse où il est victime d' une illégalité, supporter sans pouvoir se faire indemniser sur les fonds publics.
Dans les affaires jointes T-480/93 et T-483/93,
Antillean Rice Mills NV, société de droit des Antilles néerlandaises, établie à Bonaire (Antilles néerlandaises),
Trading & Shipping Co. Ter Beek BV, société de droit néerlandais, établie à Amsterdam,
représentées par Mes Paul Glazener et Winfred Knibbeler, avocats au barreau de Rotterdam, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Marc Loesch, 11, rue Goethe,
et
European Rice Brokers AVV, société constituée selon le droit d' Aruba, établie à Oranjestad (Aruba),
Alesie Curaçao NV, société de droit des Antilles néerlandaises, établie à Willemstad, Curaçao (Antilles néerlandaises),
Guyana Investments AVV, société constituée selon le droit d' Aruba, établie à Oranjestad (Aruba),
représentées par Me Johan Pel, avocat au barreau d' Amsterdam, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Luc Frieden, 62, avenue Guillaume,
parties requérantes,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Étienne Lasnet, Thomas van Rijn, conseillers juridiques, et Marc van der Woude, membre du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
soutenue par
Conseil de l' Union européenne, représenté par M. Guus Houttuin, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Bruno Eynard, directeur de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d' investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,
République française, représentée par Mmes Edwige Belliard, directeur-adjoint de la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, Catherine de Salins, sous-directeur de la même direction, et M. Claude Chavance, secrétaire des Affaires étrangères, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade de France, 9, boulevard du Prince Henri,
République italienne, représentée par M. Danilo Del Gaizo, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade d' Italie, 5, rue Marie-Adelaïde,
parties intervenantes,
ayant pour objet l' annulation de la décision 93/127/CEE de la Commission, du 25 février 1993, instaurant des mesures de sauvegarde pour le riz originaire des Antilles néerlandaises (JO L 50, p. 27), et de la décision 93/211/CEE de la Commission, du 13 avril 1993, modifiant la décision 93/127, du 25 février 1993 (JO L 90, p. 36), ainsi que la condamnation de la Commission à la réparation du dommage que les requérantes estiment avoir subi et pourraient avoir à subir en raison de l' adoption des décisions précitées,
LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),
composé de MM. K. Lenaerts, président, R. Schintgen, C. P. Briët, R. García-Valdecasas et C. W. Bellamy, juges,
greffier: M. H. Jung,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 24 mars 1995,
rend le présent
Arrêt
Faits à l' origine du recours
Le cadre juridique
1 Les Antilles néerlandaises font partie des pays et territoires d' outre-mer (ci-après "PTOM") qui sont associés à la Communauté économique européenne. L' association des PTOM à la Communauté est réglée par la quatrième partie du traité CEE (ci-après "traité") ainsi que par la décision 91/482/CEE du Conseil du 25 juillet 1991 (JO L 263, p. 1, ci-après "décision PTOM") qui a été prise en application de l' article 136, deuxième alinéa, du traité.
2 L' article 133, paragraphe 1, du traité prévoit que les importations originaires des PTOM bénéficient, à leur entrée dans les États membres, de l' élimination totale des droits de douane qui intervient progressivement entre les États membres conformément aux dispositions du traité. L' article 101, paragraphe 1, de la décision PTOM dispose que les produits originaires des PTOM sont admis à l' importation dans la Communauté en exemption de droits de douane et de taxes d' effet équivalent. Le paragraphe 2 du même article prévoit, en outre, que les produits non originaires des PTOM se trouvant en libre pratique dans un PTOM et réexportés en l' état vers la Communauté sont admis à l' importation dans la Communauté en exemption de droits de douane et de taxes d' effet équivalent, à condition qu' aient été acquittés, dans le PTOM concerné, des droits de douane ou taxes d' effet équivalent d' un niveau égal ou supérieur aux droits de douane applicables dans la Communauté à l' importation de ces mêmes produits originaires de pays tiers bénéficiant de la clause de la nation la plus favorisée; que ces produits n' aient pas fait l' objet d' exemption ou de restitution, totale ou partielle, de droits de douane ou de taxes d' effet équivalent; et qu' ils soient accompagnés d' un certificat d' exportation.
3 L' article 108, paragraphe 1, premier tiret, de la décision PTOM renvoie à l' annexe II de la décision PTOM (ci-après "annexe II") pour ce qui est de la définition de la notion de produits originaires et des méthodes de coopération administrative qui s' y rapportent.
4 En vertu de l' article 1er de l' annexe II, un produit est considéré comme originaire d' un PTOM, de la Communauté ou d' un État d' Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ci-après "États ACP") s' il y a été soit entièrement obtenu, soit suffisamment transformé.
5 Selon l' article 2, paragraphe 1, sous b), de l' annexe II, sont considérés comme entièrement obtenus dans les PTOM ou dans la Communauté ou dans les États ACP "les produits du règne végétal qui y sont récoltés".
6 Aux termes de l' article 3, paragraphe 1, de l' annexe II, les matières non originaires sont considérées comme ayant fait l' objet d' une ouvraison ou d' une transformation suffisante lorsque le produit obtenu est classé sous une position tarifaire différente de celle dans laquelle sont classées toutes les matières non originaires utilisées pour sa fabrication.
7 Enfin, l' article 6, paragraphe 2, de l' annexe II prévoit que, lorsque des produits entièrement obtenus dans la Communauté ou dans les États ACP font l' objet d' ouvraisons ou de transformations dans les PTOM, ils sont considérés comme ayant été entièrement obtenus dans les PTOM.
8 Depuis 1967, il existe une organisation commune du marché du riz, actuellement régie par le règlement (CEE) n 1418/76 du Conseil, du 21 juin 1976, portant organisation commune du marché du riz (JO L 166, p. 1), qui comprend un prix d' intervention pour le riz paddy, des restitutions à l' exportation et des prélèvements à l' importation. Ces prélèvements varient en fonction du pays d' origine. En ce qui concerne les États ACP, un prélèvement à taux réduit est perçu dans la limite d' un contingent tarifaire de 125 000 tonnes de riz décortiqué et de 20 000 tonnes de riz en brisures.
9 En outre, le règlement (CEE) n 3878/87 du Conseil, du 18 décembre 1987, relatif à l' aide à la production pour certaines variétés de riz (JO L 365, p. 3, ci-après "règlement n 3878/87"), encourage la culture du riz Indica par les producteurs communautaires. Le règlement (CEE) n 3763/91 du Conseil, du 16 décembre 1991, portant mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des départements français d' outre-mer (JO L 356, p. 1, ci-après "règlement n 3763/91"), a pour objet de favoriser la culture du riz en Guyane française et de soutenir l' écoulement et la commercialisation du riz en Guadeloupe et en Martinique, trois départements français d' outre-mer (ci-après "DOM"). A cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l' article 227, paragraphe 2, du traité, les règles de la libre circulation des marchandises ainsi que celles de la politique agricole commune, à l' exception de l' article 40, paragraphe 4, sont applicables aux DOM, qui ° à ces fins ° font partie intégrante de la Communauté.
Le contexte factuel
1. Le marché du riz dans la Communauté
10 Il existe principalement trois variétés de riz. Le riz à grain rond, le riz à grain semi-long et le riz à grain long. Ont seuls une importance dans la Communauté le riz à grain semi-long, aussi nommé Japonica, consommé surtout dans les États membres méridionaux, et le riz à grain long, aussi nommé Indica, consommé surtout dans les États membres septentrionaux.
11 L' Espagne, la France et l' Italie sont les seuls États membres de la Communauté où l' on cultive du riz. Il s' agit essentiellement de riz Japonica, dont la production est excédentaire. Le règlement n 3878/87 (voir ci-dessus point 9) a pour but d' encourager la production communautaire de riz Indica.
12 Pour pouvoir être consommées, les différentes variétés de riz doivent être transformées. Après avoir été récolté, le riz est décortiqué, puis poli en plusieurs étapes.
13 La valeur unitaire du riz augmente à chaque stade de la transformation. Le stade de transformation est donc toujours indiqué avec le prix ou la taxe qui frappe le riz. On distingue généralement quatre stades de transformation:
° le riz paddy: il s' agit du riz tel qu' il est récolté. Il est encore impropre à la consommation;
° le riz brun: il s' agit du riz dont la balle a été enlevée. Il est propre à la consommation, mais est aussi susceptible d' une transformation ultérieure;
° le riz semi-blanchi: il s' agit du riz dont une partie du péricarpe a été enlevée. C' est un produit semi-fini qui est généralement vendu en vue d' être encore transformé et non en vue d' être consommé; étant donné qu' une partie du péricarpe reste sur le riz, ce riz est généralement moins périssable que le riz blanchi;
° le riz blanchi: il s' agit du riz entièrement transformé, dont la balle et le péricarpe ont été entièrement enlevés.
14 La transformation du riz paddy en riz blanchi peut avoir lieu soit en une seule étape soit en plusieurs étapes. Par conséquent, le riz paddy, le riz brun et le riz semi-blanchi peuvent servir de matière première aux producteurs de riz blanchi. La transformation du riz peut par ailleurs être précédée d' un étuvage. Le riz paddy est alors trempé dans l' eau chaude sous pression, puis cuit à la vapeur et séché. Ce n' est qu' ensuite qu' il est décortiqué et blanchi. Le produit fini est dénommé riz étuvé et il a un grain plus sec et une plus grande valeur nutritive que le riz blanchi.
15 La production communautaire de riz blanchi à grain long représente environ 25 % de la consommation communautaire totale. Les 75 % restants proviennent de pays tiers, à savoir essentiellement des États-Unis d' Amérique et de Thaïlande.
2. La filière du riz des Antilles néerlandaises
16 Les requérantes dans l' affaire T-480/93 sont Antillean Rice Mills NV (ci-après "ARM") et Trading & Shipping Co. Ter Beek NV (ci-après "Ter Beek"). La première s' occupe de la transformation aux Antilles néerlandaises de riz brun, importé du Surinam et de Guyana, en riz semi-blanchi. La seconde s' occupe notamment du négoce du riz et, à ce titre, importe du riz brun du Surinam et de Guyana vers les Antilles néerlandaises pour qu' il y soit transformé en riz semi-blanchi par ARM et exporte du riz semi-blanchi des Antilles néerlandaises (ci-après "riz antillais") vers la Communauté.
17 Les requérantes dans l' affaire T-483/93 sont European Rice Brokers AVV (ci-après "ERB"), Alesie Curaçao NV (ci-après "Alesie") et Guyana Investments AVV (ci-après "Guyana Investments"). La première s' occupe du négoce du riz. A ce titre, elle achète ou fait acheter pour son compte du riz au Surinam et en Guyana et elle exporte vers la Communauté du riz semi-blanchi transformé aux Antilles néerlandaises par Alesie, qui se charge également de son expédition au nom et pour le compte de ERB. Enfin, Guyana Investments ° qui est une société soeur de ERB ° s' occupe de l' achat de riz paddy en Guyana, de la transformation de ce riz paddy en riz brun qu' elle vend ensuite à ERB.
3. Les antécédents du litige
18 Avant que la Commission n' instaure les mesures de sauvegarde faisant l' objet du présent litige, elle s' est opposée à deux reprises à ce que le riz antillais soit importé dans la Communauté en franchise de prélèvement. La première fois, peu de temps après le début des importations durant les premiers mois de l' année 1992, la Commission a estimé que l' article 101 de la décision PTOM ne prévoyait pas d' exemption du prélèvement pour les produits agricoles. Après une concertation approfondie entre la Commission et le gouvernement néerlandais, qui est intervenu auprès d' elle, la Commission a abandonné cette interprétation. La seconde fois, durant l' été 1992, la Commission a fait valoir que la transformation que subissait le riz aux Antilles néerlandaises était insuffisante pour que le riz semi-blanchi qui en était exporté puisse être considéré comme originaire des Antilles néerlandaises en vertu des règles d' origine fixées par l' article 6, paragraphe 2, de l' annexe II (voir ci-dessus point 7). Une nouvelle intervention du gouvernement néerlandais a amené la Commission à abandonner son point de vue à cet égard.
19 Par lettre du 28 octobre 1992, le gouvernement français a demandé à la Commission de prendre une mesure de sauvegarde à l' égard du riz en provenance des PTOM en application de l' article 109 de la décision PTOM. Il a produit des informations complémentaires au soutien de sa demande par lettre du 14 décembre 1992.
20 Par lettre du 27 novembre 1992, le gouvernement italien a fait de même.
21 Le 21 décembre 1992, le comité consultatif des mesures de sauvegarde s' est réuni à titre informel pour débattre des mesures envisagées par les services de la Commission. Cette réunion a préparé la consultation officielle prévue par l' article 1er, paragraphe 3, de l' annexe IV de la décision PTOM.
22 Le 23 décembre 1992, la Commission a décidé, en vertu de l' article 1er, paragraphe 2, de l' annexe IV de la décision PTOM, d' instaurer des mesures de sauvegarde. Ce même jour, les services de la Commission ont rencontré des représentants du gouvernement néerlandais pour discuter des mesures envisagées.
23 Par lettre du 23 décembre 1992, la Commission a invité les membres du comité consultatif des mesures de sauvegarde à donner leur avis par écrit sur les mesures qu' elle envisageait de prendre.
24 Le 11 janvier 1993, le comité consultatif s' est réuni à la demande du représentant néerlandais qui s' était opposé à ce que l' affaire soit traitée par procédure écrite. Au cours des délibérations, il est apparu que sept États membres approuvaient les mesures envisagées, un État membre y était opposé, un État membre réservait sa position et trois États membres n' étaient pas représentés.
25 Par lettre du même jour, le gouvernement néerlandais a proposé, à titre de compromis, que soit fixé un prix minimal relatif égal à 120 % du prélèvement applicable à l' importation dans la Communauté de riz brun à grain long en provenance de pays tiers, avec un prix minimal absolu de 710 USD/tonne.
26 Le 12 janvier 1993, une nouvelle réunion s' est tenue à la demande du gouvernement néerlandais entre son représentant et les services de la Commission. Les représentants des entreprises concernées ont participé à cette réunion. Lors de cette réunion, le représentant du gouvernement néerlandais a proposé que les autorités néerlandaises fixent un prix minimal à l' importation qui serait calculé de façon à respecter la préférence communautaire tout en réservant au riz originaire des PTOM un régime plus favorable qu' au riz d' une autre origine. Concrètement, ce prix minimal relatif serait fixé à 120 % du prélèvement applicable à l' importation de riz brun à grain long avec un prix minimal absolu de 710 USD. A cet égard, la Commission soutient toutefois que la proposition formulée en séance ne partait pas du prélèvement sur le riz brun mais de celui sur le riz semi-blanchi.
27 Le 14 janvier 1993, le ministre des Finances des Antilles néerlandaises a adopté un arrêté fixant un prix minimal relatif égal à 120 % du prélèvement applicable à l' importation de riz semi-blanchi à grain long dans la Communauté, avec un prix minimal absolu de 710 USD, pour les exportations de riz semi-blanchi.
28 Par lettres du 14 janvier 1993 du ministre-président des Antilles néerlandaises et du 15 janvier 1993 du représentant permanent des Pays-bas (voir les annexes 2 et 3 à la duplique dans l' affaire T-480/93 ainsi que dans l' affaire T-483/93), la Commission a été informée de l' imposition d' un prix minimal à l' exportation fixé à 120 % du prélèvement applicable à l' importation du riz semi-blanchi.
29 Le 25 février 1993, la Commission a arrêté la décision 93/127/CEE, instaurant des mesures de sauvegarde pour le riz originaire des Antilles néerlandaises (JO L 50, p. 27). En vertu de l' article 1er, paragraphe 1, de ladite décision, "la mise en libre pratique dans la Communauté en exemption des droits à l' importation de riz semi-blanchi ... originaire des Antilles néerlandaises" était "soumise à la condition que la valeur en douane ne soit pas inférieure à un prix minimal (relatif) égal à 120 % du prélèvement applicable au riz semi-blanchi concerné conformément au règlement (CEE) n 1418/76 du Conseil". Le paragraphe 2 de cet article prévoyait que le prix minimal résultant du paragraphe 1 ne pouvait être inférieur à un prix minimal absolu ("prix plancher") égal à 546 écus/tonne de riz semi-blanchi. En outre, ce paragraphe prévoyait que ce prix minimal absolu serait, à compter du 1er mars 1993, mensuellement augmenté de 3,5 écus/tonne. La mesure de sauvegarde adoptée par la Commission différait de celle instaurée par l' arrêté ministériel des Antilles néerlandaises sur un seul point: le prix minimal absolu était fixé à un niveau plus élevé (546 écus/tonne, soit 775,26 USD auxquels il fallait ajouter, à partir du 1er mars 1993, une augmentation mensuelle de 3,5 écus/tonne).
30 Le 1er mars 1993, le gouvernement néerlandais a, en application de l' article 1er, paragraphe 5, de l' annexe IV de la décision PTOM, déféré la décision de la Commission au Conseil en lui demandant de rapporter la mesure.
31 Le 8 mars 1993, le Conseil a examiné la mesure de sauvegarde décidée par la Commission, sans adopter une décision différente. Selon les requérantes, la Commission aurait proposé, lors de cette réunion, de réexaminer la décision concernée.
32 Le 16 mars 1993, s' est tenue une réunion entre les services de la Commission et des représentants des gouvernements néerlandais, français et italien.
33 Le 2 avril 1993, le comité consultatif des mesures de sauvegarde s' est réuni à nouveau. La Commission lui a soumis un projet de décision modifiant la décision 93/127, du 25 février 1993. Quatre États membres ont approuvé ce texte, trois États membres ont émis des objections, deux États membres ont réservé leur position et trois États membres n' étaient pas représentés.
34 Le 13 avril 1993, la Commission a arrêté la décision 93/211/CEE modifiant la décision 93/127, du 25 février 1993 (JO L 90, p. 36). Cette décision a porté le prix minimal absolu à 550 écus/tonne (soit 801,19 USD) et a supprimé le prix minimal relatif (120 % du prélèvement sur le riz semi-blanchi à grain long) ainsi que les augmentations mensuelles.
35 Le 16 juin 1993, la Commission a pris la décision 93/356/CEE abrogeant la décision 93/127, du 25 février 1993 (JO L 147, p. 28).
La procédure
36 Par requête déposée au greffe de la Cour le 10 mai 1993, les requérantes ARM et Ter Beek ont introduit un recours, enregistré sous le n C-271/93.
37 Par requête déposée au greffe de la Cour le 14 mai 1993, les requérantes ERB, Alesie et Guyana Investments ont introduit un recours, enregistré sous le n C-281/93.
38 Les 3 août, 13 septembre et 23 septembre 1993, le Conseil, la République française et la République italienne ont déposé au greffe de la Cour une demande tendant à intervenir dans les litiges à l' appui des conclusions de la partie défenderesse.
39 Par ordonnance du 27 septembre 1993, la Cour a renvoyé les présents recours au Tribunal, conformément à l' article 3 de la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 319, p. 1), telle que modifiée par la décision 93/350/Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993 (JO L 144, p. 21). Les affaires ont été enregistrées au Tribunal sous les n s T-480/93 et T-483/93.
40 Par ordonnances du 23 novembre 1993, le président de la première chambre du Tribunal a admis les demandes d' intervention à l' appui des conclusions de la partie défenderesse.
41 Au stade de la réplique, ARM s' est désistée de ses conclusions en indemnisation.
42 Après la clôture de la procédure écrite, les parties requérantes dans l' affaire T-483/93 ont demandé au Tribunal, par lettre du 17 juin 1994, de verser de nouvelles pièces au dossier et de majorer de 248 234 USD le montant des indemnités demandées. La Commission et la République française s' y sont opposées.
43 Par lettres du 28 juillet 1994 dans l' affaire T-480/93 et du 2 août 1994 dans l' affaire T-483/93, les requérantes ont demandé en outre qu' une lettre du représentant permanent du royaume des Pays-Bas soit versée au dossier. Elles ont déposé cette lettre en annexe aux réponses qu' elles ont fournies aux questions écrites posées par le Tribunal avant l' audience.
44 Par ordonnance du président de la quatrième chambre élargie du 26 janvier 1995, les affaires T-480/93 et T-483/93 ont été jointes.
45 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables. Dans le cadre des mesures d' organisation de la procédure, prévues à l' article 64 du règlement de procédure, les parties ont toutefois été invitées à répondre par écrit à certaines questions avant l' audience.
46 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l' audience publique qui s' est déroulée le 24 mars 1995.
Conclusions des parties
47 Dans l' affaire T-480/93, les requérantes concluent à ce qu' il plaise au Tribunal:
° annuler la décision 93/127, du 25 février 1993, et la décision 93/211, du 13 avril 1993, précitées;
° condamner la Communauté à réparer le dommage subi par Ter Beek, évalué à 566 044,20 USD;
° condamner la Commission aux dépens.
48 Dans l' affaire T-483/93, les requérantes concluent à ce qu' il plaise au Tribunal:
° annuler la décision 93/127, du 25 février 1993, et la décision 93/211, du 13 avril 1993, précitées;
° condamner la Communauté à réparer le dommage subi par les requérantes, évalué à 8 562 000 USD auxquels il convient d' ajouter 248 234 USD;
° condamner la Commission aux dépens.
La Commission, soutenue par la République française et la République italienne, conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:
° déclarer les conclusions en annulation irrecevables ou les rejeter comme non fondées;
° rejeter les conclusions en indemnisation comme non fondées;
° condamner les requérantes aux dépens.
Le Conseil conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:
° dire qu' il n' y a pas en l' espèce d' éléments qui portent atteinte à la validité de l' article 109 de la décision PTOM.
Moyens et arguments des parties
49 Les requérantes invoquent six moyens à l' appui de leurs conclusions en annulation. Le premier moyen est tiré de l' illégalité de l' article 109 de la décision PTOM sur lequel est fondée la mesure de sauvegarde attaquée, au motif que cette disposition conférerait à la Commission le pouvoir de prendre des mesures de sauvegarde dans des conditions qui n' ont pas été prévues par le traité. Le deuxième moyen est pris d' une violation de l' article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM, en ce que la Commission aurait instauré des mesures de sauvegarde, alors que les conditions de leur instauration n' étaient pas réunies. Le troisième moyen est tiré de la violation de l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM, en ce que les mesures de sauvegarde instaurées iraient au-delà de ce qui est nécessaire pour éliminer la prétendue menace de perturbation ou de détérioration d' un secteur d' activité de la Communauté ou d' une région de celle-ci. Le quatrième moyen est pris d' une violation des articles 132, point 1, et 133, paragraphe 1, du traité et 101, paragraphe 1, de la décision PTOM, en ce que la subordination de l' exemption des droits de douane à l' importation au respect de prix minimaux constituerait une taxe d' effet équivalent "conditionnelle". Le cinquième moyen est pris de la violation de l' article 131 du traité, en ce que la Commission n' aurait pas ou pas suffisamment tenu compte des buts de l' association des PTOM. Le dernier moyen est tiré de la violation du principe de préparation soigneuse des actes et de l' article 190 du traité, en ce que la Commission n' aurait pas ou pas suffisamment ni examiné la situation du marché ni motivé les mesures de sauvegarde instaurées.
50 A l' appui de leurs conclusions en indemnisation, les requérantes font valoir que la Commission a agi illégalement en arrêtant les décisions litigieuses qui leur ont directement causé un préjudice.
Les conclusions en annulation
A ° Sur la recevabilité
Arguments des parties
51 La Commission, soutenue par les parties intervenantes, soulève une exception d' irrecevabilité. Les décisions attaquées ayant une portée générale et des conséquences pour l' ensemble d' un secteur d' activité, elles n' affecteraient les requérantes qu' au même titre que tout opérateur économique se trouvant, actuellement ou potentiellement, dans une situation identique. Il s' agirait donc de mesures qui s' appliquent à des situations définies objectivement et qui produisent des conséquences juridiques pour des catégories générales de personnes définies dans l' abstrait. Les requérantes ne sauraient dès lors être concernées individuellement. Le nombre restreint des entreprises opérant dans le secteur ainsi que la possibilité de déterminer le nombre et l' identité des entreprises affectées, fruit du pur hasard selon la Commission, ne pourraient pas mener à une autre conclusion (arrêts de la Cour du 1er avril 1965, Getreide-Import/Commission, 38/64, Rec. p. 263, et du 16 mars 1978, Unicme e.a./Conseil, 123/77, Rec. p. 845).
52 Elle ajoute que les requérantes ne sauraient se prévaloir de l' arrêt de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, Rec. p. 207), dans la mesure où, dans cette affaire, les requérantes avaient attaqué une décision individuelle adressée à un seul État membre, alors qu' en l' espèce il s' agit d' une décision générale adressée à tous les États membres.
53 La Commission concède néanmoins que les requérantes Ter Beek dans l' affaire T-480/93 et ERB et Guyana Investments dans l' affaire T-483/93 pourraient être concernées individuellement par la première décision s' il était établi qu' elles avaient conclu des contrats de livraison de riz semi-blanchi antillais et qu' elles avaient expédié à cet effet plusieurs lots au moment de l' entrée en vigueur de la première décision. Toutefois, la Commission souligne qu' il faut à cet égard également tenir compte du fait que la décision en cause n' a, pour une large partie, fait que reprendre les dispositions de la mesure du gouvernement des Antilles néerlandaises qui était entrée en vigueur dès le 14 janvier 1993.
54 Enfin, la Commission conteste que les requérantes aient un intérêt à demander l' annulation des décisions en cause parce que la première, qui a été modifiée par la seconde, a été abrogée le 16 juin 1993, ce qui rendrait le recours en annulation sans objet (ordonnance de la Cour du 8 mars 1993, Lezzi/Commission, C-123/92, Rec. p. I-809).
55 Les requérantes répondent que le recours en annulation est recevable puisque les décisions adressées aux États membres (voir article 5 de la décision 93/127, du 25 février 1993, et article 2 de la décision 93/211, du 13 avril 1993) les concernent directement et individuellement. Les décisions les concerneraient directement parce qu' elles ne laisseraient aucun pouvoir d' appréciation aux États membres quant au prix minimal imposé et aux produits soumis. Elles les concerneraient individuellement parce que leur situation serait, selon la formule de l' arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, Rec. p. 197), caractérisée par rapport à celle de toute autre personne. En effet, les cinq requérantes dans les deux affaires estiment que l' obligation, prévue par l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM, de choisir par priorité des mesures de sauvegarde qui apportent le minimum de perturbation implique, pour la Commission, l' obligation de se renseigner sur la situation de fait et sur les répercussions négatives que les mesures de sauvegarde risquent d' avoir pour l' économie des PTOM ainsi que pour les entreprises intéressées (voir, par analogie, l' interprétation donnée à l' article 130, paragraphe 3, de l' acte d' adhésion de la République hellénique par la Cour dans l' arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité). Les requérantes appartiendraient donc au cercle clos des entreprises dont la Commission aurait dû examiner la situation avant de prendre les mesures de sauvegarde et seraient pour cette raison individuellement concernées par les décisions attaquées. Elles font également valoir que, si la Commission a une telle obligation, les entreprises concernées sont en droit de se prévaloir de la méconnaissance de cette obligation et de former un recours à cet effet.
56 Les requérantes ARM dans l' affaire T-480/93 et Alesie dans l' affaire T-483/93 exposent encore que le fait que les décisions les concernent individuellement au sens de l' arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission ressort, d' une part, du fait que la Commission savait qu' elles étaient les seules entreprises ayant consenti des investissements spécifiquement destinés à la transformation du riz brun en provenance des États ACP en riz semi-blanchi pour bénéficier des possibilités d' exportation vers la Communauté et donc de la franchise du prélèvement sur la base de l' article 101 de la décision PTOM, car elle connaissait leur identité et a eu des contacts réguliers avec elles, et, d' autre part, du fait que leur production a été paralysée par les mesures de sauvegarde en raison du manque de débouchés en dehors de la Communauté.
57 Les requérantes Ter Beek dans l' affaire T-480/93 et ERB et Guyana Investments dans l' affaire T-483/93 ajoutent encore qu' elles avaient conclu des contrats de livraison de riz semi-blanchi qui n' avaient pas encore été exécutés ou qui étaient en cours d' exécution au moment de l' adoption de la première décision et qu' elles avaient déjà expédié du riz, même si celui-ci n' avait pas encore été vendu. Elles appartiendraient donc à la catégorie restreinte et close d' entreprises qui ont été touchées par la première décision, parce qu' elles ne pouvaient plus exécuter les contrats conclus ou du moins plus les exécuter aux conditions convenues. La Commission aurait dû être au courant de cette situation particulière, étant donné, d' une part, le délai qui s' est écoulé entre la première demande du gouvernement français et l' adoption de la mesure de sauvegarde et, d' autre part, les moyens dont disposait la Commission (voir l' arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité, et l' arrêt de la Cour du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C-152/88, Rec. p. I-2477, point 12).
58 Enfin, les requérantes affirment que, même si les décisions attaquées ont été abrogées, elles gardent un intérêt à en faire constater l' illégalité aussi longtemps que celle-ci n' est pas reconnue.
Appréciation du Tribunal
° Sur l' intérêt à agir
59 Le Tribunal constate qu' il est de jurisprudence constante qu' un recours en annulation n' est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l' acte attaqué (voir, en dernier lieu, l' arrêt du Tribunal du 9 novembre 1994, Scottish Football/Commission, T-46/92, Rec. p. II-1039, point 14). Un tel intérêt n' est présent que si l' annulation de cet acte est susceptible, par elle-même, d' avoir des conséquences juridiques (voir arrêt de la Cour du 24 juin 1986, Akzo Chemie/Commission, 53/85, Rec. p. 1965, point 21).
60 A cet égard, il convient de rappeler que, selon l' article 176 du traité, l' institution dont émane l' acte annulé est tenue de prendre les mesures qu' implique l' exécution de l' arrêt. Ces mesures n' ont pas trait à la disparition de l' acte en tant que telle de l' ordre juridique communautaire, puisque celle-ci résulte de l' essence même de l' annulation de l' acte par le juge. Elles concernent plutôt l' anéantissement des effets des illégalités constatées dans l' arrêt d' annulation. L' annulation d' un acte qui a déjà été exécuté ou qui, entre-temps, a été abrogé à partir d' une date donnée est dès lors toujours susceptible d' avoir des conséquences juridiques. En effet, une telle annulation comporte l' obligation pour l' institution dont l' acte émane de prendre les mesures qu' implique l' exécution de l' arrêt. C' est ainsi que l' institution concernée peut être amenée à effectuer une remise en état adéquate de la situation du requérant ou à éviter qu' un acte identique ne soit adopté (voir les arrêts de la Cour du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, point 32, Akzo Chemie/Commission, précité, point 21, et du 26 avril 1988, Apesco/Commission, 207/86, Rec. p. 2151, point 16).
61 Il convient d' ajouter, en réponse à l' argument tiré par la Commission de l' ordonnance Lezzi/Commission, précitée, que la présente espèce s' en différencie dans la mesure où, contrairement à ce qui a été jugé dans cette affaire, les décisions de modification de la décision 93/127, du 25 février 1993, et d' abrogation de cette décision ainsi modifiée, n' équivalent pas à l' annulation pure et simple de cette décision (voir ordonnance Lezzi/Commission, précitée, points 8 à 10). En effet, force est de constater que ces décisions n' ont eu aucun effet rétroactif.
62 Il résulte de ce qui précède que les requérantes ont conservé leur intérêt à demander l' annulation des décisions qu' elles attaquent.
° Sur la question de savoir si les requérantes sont directement concernées
63 Le Tribunal estime que les requérantes sont directement concernées par les décisions attaquées parce que celles-ci ne laissaient plus aucune marge d' appréciation aux États membres quant à l' imposition et au niveau du prix minimal en cause.
° Sur la question de savoir si les requérantes sont individuellement concernées
64 Selon l' article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues au premier alinéa du même article, un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l' apparence d' un règlement ou d' une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.
65 Le Tribunal constate que, bien que les actes attaqués soient des "décisions" adressées aux États membres, ils ont une portée normative puisqu' ils s' appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés. Le fait que l' identité des opérateurs économiques auxquels s' appliquent ces actes était connue de la Commission au moment où ceux-ci ont été adoptés, ne suffit pas, selon une jurisprudence constante, à mettre en cause leur nature réglementaire, tant qu' il est constant que cette application s' effectue en vertu d' une situation objective de droit ou de fait, définie par l' acte en relation avec la finalité de ce dernier (voir en dernier lieu les arrêts de la Cour du 24 novembre 1992, Buckl e.a./Commission, C-15/91 et C-108/91, Rec. p. I-6061, point 25, du 15 juin 1993, Abertal e.a./Commission, C-213/91, Rec. p. I-3177, point 17, et du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853, point 18; l' ordonnance du Tribunal du 28 octobre 1993, FRSEA et FNSEA/Conseil, T-476/93, Rec. p. II-1187, point 19, et l' arrêt du Tribunal du 21 février 1995, Campo Ebro e.a./Conseil, T-472/93, Rec. p. II-421, point 32).
66 Toutefois, le caractère normatif des actes attaqués n' exclut pas qu' ils puissent concerner individuellement certains des opérateurs économiques intéressés (arrêts de la Cour du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, Rec. p. 1005, point 11, du 23 mai 1985, Allied Corporation e.a./Conseil, 53/83, Rec. p. 1621, point 4, du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C-358/89, Rec. p. I-2501, point 13, et Codorniu/Conseil, précité, point 19). Pour que des opérateurs puissent être considérés comme individuellement concernés par un acte de portée générale adopté par une institution communautaire, il faut qu' ils soient atteints dans leur position juridique en raison d' une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et les individualise d' une manière analogue à celle d' un destinataire (voir, à cet égard, arrêts Plaumann/Commission, précité, p. 223, et Codorniu/Conseil, précité, point 20; ordonnance de la Cour du 21 juin 1993, Van Parijs e.a./Conseil et Commission, C-257/93, Rec. p. I-3335, point 9; arrêt du Tribunal du 15 décembre 1994, Unifruit Hellas/Commission, T-489/93, Rec. p. II-1201, point 21, et ordonnance FRSEA et FNSEA/Conseil, précitée, point 20).
67 A cet égard, il importe de rappeler qu' il a été jugé que le fait que la Commission ait l' obligation, en vertu de dispositions spécifiques, de tenir compte des conséquences de l' acte qu' elle envisage d' adopter sur la situation de certains particuliers, est de nature à individualiser ces derniers (arrêts Piraiki-Patraiki e.a./Commission et Sofrimport/Commission, précités).
68 En l' espèce, le Tribunal constate que les actes attaqués ont été arrêtés sur la base de l' article 109 de la décision PTOM dont les termes sont en substance identiques à ceux de l' article 130 de l' acte d' adhésion de la République hellénique, sur la base duquel avait été arrêtée la décision qui était en cause dans l' arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité. En effet, l' article 130, paragraphe 3, de l' acte d' adhésion de la République hellénique prévoit que "les mesures autorisées aux termes du paragraphe 2 peuvent comporter des dérogations aux règles du traité CEE et du présent acte, dans la mesure et pour les délais strictement nécessaires pour atteindre les buts visés au paragraphe 1. Par priorité devront être choisies les mesures qui apportent le moins de perturbations au fonctionnement du marché commun". L' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM prévoit que, "pour l' application du paragraphe 1, doivent être choisies par priorité les mesures qui apportent le minimum de perturbations au fonctionnement de l' association et de la Communauté. Ces mesures ne doivent pas avoir une portée dépassant celle strictement indispensable pour remédier aux difficultés qui se sont manifestées".
69 Or, l' article 130, paragraphe 3, de l' acte d' adhésion de la République hellénique a été interprété par la Cour dans son arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission (précité, point 28) en ce sens que cette disposition oblige la Commission, "dans la mesure où les circonstances de l' espèce n' y font pas obstacle, (à) se renseigner sur les répercussions négatives que sa décision risque d' avoir sur l' économie (de l' État membre à l' égard duquel la mesure de sauvegarde est demandée) ainsi que pour les entreprises intéressées", afin qu' elle puisse apprécier si la mesure qu' elle envisage d' autoriser répond aux conditions posées par ledit article.
70 Le Tribunal estime que l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM, non seulement en raison de la similitude de ses termes avec ceux de l' article 130, paragraphe 3, de l' acte d' adhésion de la République hellénique, mais également parce qu' il poursuit le même but que cette disposition, à savoir définir l' intensité des mesures de sauvegarde pouvant être adoptées par la Communauté, doit être interprété en ce sens que, lorsque la Commission envisage de prendre des mesures de sauvegarde sur la base de cette disposition, elle est tenue, dans la mesure où les circonstances le permettent, de s' informer sur les répercussions négatives que sa décision risque d' avoir sur l' économie du pays ou du territoire d' outre-mer concerné ainsi que pour les entreprises intéressées.
71 Cette interprétation de l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM s' impose avec d' autant plus de force que le régime d' importation dans la Communauté de marchandises en provenance des PTOM est plus libéral que ne l' était le régime en vigueur à l' époque entre la République hellénique et les autres États membres. En effet, les articles 25 et 29 de l' acte d' adhésion permettaient le maintien, pendant la période transitoire, du prélèvement de droits de douane et de taxes d' effet équivalent, tandis que l' article 133 du traité et les articles 101 et 102 de la décision PTOM imposaient, au moment où les actes attaqués ont été adoptés, l' élimination totale des droits de douane et des taxes d' effet équivalent pour l' importation dans la Communauté de produits originaires des PTOM.
72 Par conséquent, eu égard au fait que l' adoption de mesures de sauvegarde sur la base de l' article 109 de la décision PTOM porte atteinte à une liberté d' importation plus largement définie que celle établie par l' acte d' adhésion, l' obligation de la Commission de prendre en considération la situation particulière des entreprises intéressées lorsqu' elle se propose de déroger à cette liberté se trouvait encore accrue dans le cas d' espèce par rapport à celle établie par l' acte d' adhésion.
73 Afin de déterminer si les requérantes appartiennent à un cercle restreint d' opérateurs économiques atteints dans leur position juridique en raison d' une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et les individualise d' une manière analogue à celle d' un destinataire (voir les arrêts Plaumann/Commission, précité, et Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité, point 28), il convient donc d' examiner si les requérantes sont des "entreprises intéressées" au sens du second de ces arrêts.
74 A cet égard, le Tribunal relève que l' arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission (précité, point 28) indique que, pour déterminer les "entreprises intéressées", la Commission doit "également" prendre en considération "les contrats que ces entreprises auraient ... déjà conclus et dont l' exécution serait empêchée", en tout ou en partie, par la mesure litigieuse. En utilisant le terme "également", cet arrêt montre que l' existence de tels contrats ne constitue pas le seul indice permettant de délimiter le cercle restreint des entreprises intéressées, mais que d' autres indices peuvent également être retenus à cette fin.
75 En l' espèce, les requérantes Ter Beek, dans l' affaire T-480/93, et ERB, dans l' affaire T-483/93, ont apporté la preuve qu' elles avaient des cargaisons de riz en cours d' acheminement vers la Communauté au moment de l' adoption de la première décision, à laquelle la seconde décision n' a fait qu' apporter un amendement, qu' elles ont participé avec les autres requérantes à la réunion organisée le 12 janvier 1993 entre la représentation permanente néerlandaise et les services de la Commission et que, par conséquent, leur situation particulière était connue de cette dernière.
76 Le Tribunal considère qu' une telle situation de fait permet de considérer que les requérantes Ter Beek et ERB sont des entreprises intéressées. En effet, même si l' obligation de tenir compte de la situation des marchandises en cours d' acheminement ne figure pas en tant que telle à l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM, comme c' était le cas à propos de l' article 3, paragraphe 3, du règlement (CEE) n 2707/72 du Conseil, du 19 décembre 1972, définissant les conditions d' application des mesures de sauvegarde dans le secteur des fruits et légumes (JO L 291, p. 3), qui était en cause dans l' arrêt Sofrimport/Commission, cette obligation résulte nécessairement de l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM en raison de l' intérêt particulier qu' ont les entreprises à protéger leurs marchandises en cours d' acheminement contre les effets d' une mesure de sauvegarde, dès lors que ces entreprises sont identifiées ou identifiables avant l' adoption par la Commission d' une décision. En l' espèce, le Tribunal constate que tel était le cas des requérantes qui avaient présenté leur point de vue à la Commission lors de la réunion du 12 janvier 1993.
77 Il convient encore d' ajouter que la Commission ne saurait prétendre que l' arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission n' est pas un précédent utile en raison du fait que, dans cette affaire, la mesure attaquée n' était adressée qu' à un seul État membre, tandis qu' en l' espèce les décisions attaquées sont adressées à tous les États membres. En effet, ce n' est pas le nombre d' États membres dans lesquels la mesure de sauvegarde s' applique qui importe, mais bien la protection dont jouissent, au titre du droit communautaire, le pays ou le territoire ainsi que les entreprises intéressées à l' encontre desquels la mesure de sauvegarde est autorisée ou adoptée. Or, sur ce point, la présente affaire ne diffère pas de l' affaire Piraiki-Patraiki e.a./Commission.
78 Il s' ensuit que les requérantes Ter Beek dans l' affaire T-480/83 et ERB dans l' affaire T-483/93 sont individuellement concernées par les décisions attaquées.
79 S' agissant chaque fois dans l' affaire T-480/93 et dans l' affaire T-483/93 d' un seul et même recours, il n' y a pas lieu d' examiner la qualité pour agir de la requérante ARM dans l' affaire T-480/93 et des requérantes Alesie et Guyana Investments dans l' affaire T-483/93 (voir l' arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125, point 31).
80 Il résulte de tout ce qui précède que l' exception d' irrecevabilité soulevée par la Commission doit être rejetée.
B ° Sur le fond
Premier moyen: illégalité de la base juridique des décisions attaquées
° Arguments des parties
81 Les requérantes soutiennent que les décisions attaquées sont illégales dans la mesure où elles sont fondées sur une base juridique elle-même illégale, à savoir l' article 109 de la décision PTOM aux termes duquel la Commission peut prendre des mesures de sauvegarde si l' application de cette décision "entraîne des perturbations graves dans un secteur d' activité économique de la Communauté ou d' un ou de plusieurs États membres ou compromet leur stabilité financière extérieure, ou si des difficultés surgissent, qui risquent d' entraîner la détérioration d' un secteur d' activité de la Communauté ou d' une région de celle-ci". Cette possibilité de prendre des mesures de sauvegarde dans des circonstances qui n' étaient pas prévues par l' article 134 du traité serait, en effet, contraire aux dispositions du traité.
82 Les requérantes soulignent que le Conseil ne saurait élargir la teneur de l' article 134 du traité par le biais d' une décision générale adoptée sur la base de l' article 136 du traité. En effet, les articles 131 à 135 du traité n' énonceraient pas seulement les objectifs poursuivis par l' association des PTOM, mais créeraient des droits et des obligations auxquels le Conseil ne pourrait pas déroger, même dans les décisions qu' il adopte sur la base de l' article 136, deuxième alinéa, à moins qu' une faculté d' adopter des mesures dérogatoires ait été expressément prévue, comme le font le protocole relatif aux importations dans la Communauté économique européenne de produits pétroliers raffinés aux Antilles néerlandaises, qui a été inséré dans un protocole annexé au traité, l' article 132, paragraphe 5, du traité, qui rend applicables les dispositions prévues au chapitre du traité relatif au droit d' établissement, sous réserve des dispositions particulières prises en vertu de l' article 136, l' article 133, paragraphe 3, du traité, qui autorise les PTOM à percevoir des droits de douane, ainsi que l' article 1er du protocole sur le régime particulier applicable au Groenland, annexé au traité. Elles font valoir que si l' article 136, deuxième alinéa, permettait au Conseil de déroger de manière générale aux articles 131 à 135 du traité, de telles dérogations expresses n' auraient pas été nécessaires.
83 Les requérantes soulignent, en outre, que la Cour a considéré dans son arrêt du 13 mars 1979, Hansen (91/78, Rec. p. 935, point 22), que l' association des PTOM a pour objet d' étendre aux pays et territoires associés à la Communauté et aux produits originaires de ces pays et territoires les règles relatives à la libre circulation des marchandises à l' intérieur de la Communauté. Elles ajoutent qu' il ressort de l' arrêt de la Cour du 20 avril 1978, Commissionnaires réunis (80/77 et 81/77, Rec. p. 927, point 19), que les objectifs de la libre circulation et de la politique agricole commune ne doivent pas être opposés mais combinés, le principe étant la libre circulation. Les objectifs de l' association ne seraient pas subsidiaires par rapport à ceux de la politique agricole commune, poursuivis, en l' espèce, par l' organisation commune du marché du riz. En l' absence de primauté de cette dernière légitimant une dérogation aux règles de la libre circulation des marchandises en provenance des PTOM, les seules exceptions admissibles à la libre circulation des marchandises seraient celles qui ont été expressément prévues par le traité.
84 La Commission répond que l' article 136 du traité confère au Conseil un large pouvoir d' appréciation pour adapter le régime d' association des PTOM à l' évolution des relations économiques étroites entre eux et la Communauté dans son ensemble, ainsi qu' au développement économique, social et culturel des PTOM. Par conséquent, le Conseil, tout en respectant les principes de l' association qui ont été articulés dans les dispositions de la quatrième partie du traité, pourrait, comme il l' a fait à l' article 109 de la décision PTOM, insérer une clause de sauvegarde. Une telle clause serait compatible avec l' article 134 du traité, qui ne devrait pas être interprété de manière littérale et rigide, mais d' une manière qui tienne compte du fait qu' il a été adopté avant que les organisations communes des marchés agricoles n' aient été créées et les barrières tarifaires entre les États membres supprimées.
85 Le Conseil, comme partie intervenante, estime que la question pertinente n' est pas celle de savoir si l' article 109 de la décision PTOM est conforme à l' article 134 du traité, mais plutôt celle de savoir s' il est conforme à l' article 136, qui en constitue la base juridique.
86 A cet égard, le Conseil affirme d' abord qu' il convient de préciser la portée des mots "à partir des réalisations acquises" et "sur la base des principes inscrits dans le présent traité" qu' utilise l' article 136 pour définir les limites des pouvoirs dont il dispose. Le fait que le Conseil doit adopter une décision relative à l' association des PTOM "à partir des réalisations acquises" impliquerait qu' il doive prendre en considération l' expérience acquise dans l' application des décisions précédentes ainsi que les relations avec les États ACP, tandis que les "principes inscrits dans le présent traité" seraient non seulement les principes énoncés à l' article 131 du traité, mais également les principes, qui sont inscrits aux articles 1er à 7 du traité, tout comme les objectifs de la politique agricole commune, ou les principes généraux qui sont reconnus par la jurisprudence, comme le principe de la préférence communautaire (arrêts de la Cour du 13 mars 1968, Beus, 5/67, Rec. p. 125, 142, et du 11 octobre 1990, SICA et Sipefel/Commission, C-46/89, Rec. p. I-3621, point 29).
87 A l' encontre de cette thèse, les requérantes font valoir que les "réalisations acquises" qui peuvent être prises en considération ne peuvent pas concerner les relations avec les États ACP, car une telle prise en considération méconnaîtrait la position privilégiée devant être accordée aux PTOM par rapport à celle des États ACP. Elles relèvent, en outre, que le principe de la préférence communautaire ne saurait prévaloir à l' encontre des produits en provenance des PTOM, parce qu' ils ont été mis sur le même pied que les produits communautaires par l' article 132, paragraphe 1, du traité.
88 Le Conseil affirme ensuite disposer, dans les limites précitées, d' un large pouvoir d' appréciation pour adopter les décisions relatives à l' association des PTOM à condition de respecter le but essentiel de cette association qui est d' assurer que ces décisions, prises globalement, servent les intérêts des PTOM et favorisent leur développement. Il serait ainsi possible que ponctuellement certaines dispositions de ces décisions fassent prévaloir les intérêts de la politique agricole commune de la Communauté sur les intérêts des PTOM. En l' espèce, l' article 109 de la décision respecterait toutes les exigences de l' article 136 du traité et ne serait donc pas illégal. Cette thèse aurait été confirmée par l' avocat général M. Jacobs dans ses conclusions sous l' arrêt de la Cour du 12 février 1992, Leplat (C-260/90, Rec. p. I-643, I-654).
89 Les requérantes répondent que l' article 3, sous k), du traité CEE, devenu l' article 3, sous r), du traité CE, selon lequel le but de l' association des PTOM est "d' accroître les échanges", exclut qu' une décision du Conseil relative au régime des PTOM puisse réduire les échanges entre les PTOM et la Communauté, alors même qu' une telle décision favoriserait le développement des PTOM. En outre, elles font observer que l' avocat général M. Jacobs, dans ses conclusions précitées, a souligné l' exigence que toute limitation par le Conseil du pouvoir des PTOM d' imposer des droits de douane soit bien motivée. Or, la décision en cause ne contiendrait aucune motivation justifiant la possibilité de prendre des mesures de sauvegarde.
° Appréciation du Tribunal SUITE DES MOTIFS SOUS LE NUM.DOC : 693A0480.1
90 Le Tribunal considère que ce moyen soulève la question de savoir si le Conseil était autorisé à insérer une clause de sauvegarde dans une décision relative à l' association des PTOM à la Communauté, prise en vertu de l' article 136, deuxième alinéa, du traité.
91 A cet égard, il convient, en premier lieu, d' observer que les PTOM avec lesquels certains États membres entretiennent des relations particulières sont liés à la Communauté par un régime d' association, régi par la quatrième partie du traité. Il s' ensuit que, si les PTOM jouissent certes d' un statut plus favorable que celui d' autres pays associés à la Communauté, ils n' ont néanmoins pas adhéré à celle-ci. Ainsi, les PTOM ne participent pas à la politique agricole commune et le régime de la libre circulation des marchandises entre les PTOM et la Communauté découlant de la quatrième partie du traité n' a pas pour objectif l' établissement d' un marché intérieur semblable à celui institué par le traité entre les États membres.
92 En second lieu, il importe de relever que la mise en oeuvre du régime d' association des PTOM à la Communauté, décrit par les articles 131 à 135 du traité, est un processus dynamique dont les modalités d' application devaient, en vertu de l' article 136 du traité, être définies, après l' expiration d' une convention d' application couvrant la première période de cinq ans, par une décision du Conseil statuant à l' unanimité et ce "sur la base des principes inscrits dans le présent traité" et "à partir des réalisations acquises".
93 Il convient tout d' abord de souligner à cet égard que la référence faite aux "principes inscrits dans le présent traité" ne vise pas seulement les principes inscrits dans la quatrième partie du traité, mais bien tous les principes inscrits dans le traité, tels qu' ils sont notamment énumérés dans la première partie de celui-ci, intitulée "les principes". Il s' ensuit que les décisions d' application adoptées par le Conseil sur la base de l' article 136, deuxième alinéa, du traité doivent contribuer à approfondir l' association des PTOM en vue d' accroître les échanges et de poursuivre en commun l' effort de développement économique et social [article 3, sous k), du traité CEE], sans toutefois porter atteinte à l' instauration d' une politique commune dans le domaine de l' agriculture [article 3, sous d), du traité CEE]. Il incombe dès lors au Conseil de concilier les différents principes du traité (voir, par analogie, les arrêts de la Cour du 24 octobre 1973, Balkan-Import-Export, 5/73, Rec. p. 1091, point 29, et Rewe-Zentral, 10/73, Rec. p. 1175, point 20, du 29 février 1984, Rewe-Zentral, 37/83, Rec. p. 1229, points 18 à 20, et du 11 juillet 1989, Cehave, 195/87, Rec. p. 2199, point 21).
94 Il y a lieu d' ajouter, ensuite, que, en opérant les choix qui s' imposent à cet égard, le Conseil doit également tenir compte "des réalisations acquises" afin que le régime d' association se rapproche toujours plus des objectifs inscrits à la quatrième partie du traité (voir l' arrêt de la Cour du 26 octobre 1994, Pays-Bas/Commission, C-430/92, Rec. p. I-5197, point 22). C' est d' ailleurs précisément ce qu' a fait le Conseil en adoptant les décisions successives relatives à l' association des PTOM à la Communauté. C' est ainsi que, dès que l' importation des produits en provenance des PTOM a été exemptée du prélèvement de droits de douane, une clause de sauvegarde en faveur de la Communauté a été insérée dans la décision d' application (article 15, paragraphe 2, de la décision 70/549/CEE du Conseil, du 29 septembre 1970, JO L 282, p. 83). En ce qui concerne plus particulièrement l' importation des produits agricoles en provenance des PTOM, celle-ci a toujours été soumise à un régime particulier qui libérait progressivement l' importation dans la Communauté de ces produits, tout en protégeant en même temps la mise en oeuvre de la politique agricole commune et la préférence communautaire (voir article 10, deuxième alinéa, de la décision 64/349/CEE du Conseil, du 25 février 1964, JO 1964, 93, p. 1472; article 2, paragraphe 2, de la décision 70/549/CEE du Conseil, du 29 septembre 1970, JO L 282, p. 83; articles 2, paragraphe 2, et 3, paragraphe 2, de la décision 76/568/CEE du Conseil, du 29 juin 1976, JO L 176, p. 8; ainsi que l' article 4 de l' annexe III à ladite décision; articles 3, paragraphe 2, et 4, paragraphe 2, de la décision 80/1186/CEE du Conseil, du 16 décembre 1980, JO L 361, p. 1; article 5 de l' annexe III à ladite décision; articles 70, paragraphe 2, et 71, paragraphe 2, de la décision 86/283/CEE du Conseil, du 30 juin 1986, JO L 175, p. 1; article 5 de l' annexe III à ladite décision; toutes ces décisions sont relatives à l' association des pays et territoires d' outre-mer à la Communauté économique européenne). Ainsi a-t-il fallu attendre l' adoption de la décision PTOM le 25 juillet 1991 pour que les produits agricoles originaires des PTOM soient mis sur le même pied que les autres produits et puissent jouir, pour la première fois dans le processus d' association des PTOM à la Communauté, du même régime de libre accès au marché communautaire que tous les autres produits, c' est-à-dire d' une exemption de droits de douane sous la seule réserve de l' application éventuelle de la clause de sauvegarde prévue à l' article 109 de la décision PTOM. Il s' ensuit que la décision PTOM a accompli un pas important en érigeant, pour la première fois, en principe le libre accès à la Communauté de produits agricoles originaires des PTOM, même si elle l' a subordonné, forcément pour la première fois également, à une clause de sauvegarde générale qui doit permettre à la Communauté de réagir d' une manière limitée à des difficultés surgissant sur le marché communautaire à la suite du libre accès des produits originaires des PTOM à ce marché. Une telle évolution du régime des produits agricoles originaires des PTOM n' est donc en contradiction ni avec le préambule ni avec l' article 131 du traité dans la mesure où elle contribue au développement économique et social des PTOM et à l' établissement de relations économiques étroites entre les PTOM et la Communauté dans son ensemble.
95 Il résulte de tout ce qui précède que le Conseil était en droit, sur la base de l' article 136, deuxième alinéa, du traité, en vue de concilier les principes de l' association des PTOM à la Communauté et de la politique agricole commune, d' insérer dans la décision PTOM une clause de sauvegarde autorisant notamment des restrictions à la libre importation de produits agricoles originaires des PTOM si celle-ci entraîne des perturbations graves dans un secteur d' activité économique de la Communauté ou d' un ou de plusieurs États membres ou compromet leur stabilité financière extérieure, ou si des difficultés surgissent, qui risquent d' entraîner la détérioration d' un secteur d' activité de la Communauté ou d' une région de celle-ci. En opérant ce choix, qui ne limite qu' exceptionnellement, partiellement et temporairement la libre importation dans la Communauté des produits en provenance des PTOM, le Conseil n' a pas dépassé les limites de son pouvoir d' appréciation découlant de l' article 136, deuxième alinéa, du traité.
96 Le bien-fondé de cette conclusion n' est remis en cause ni par l' article 134 du traité ni par d' autres dispositions du traité ou de protocoles ayant la même valeur prévoyant des exceptions spécifiques au régime d' association des PTOM, comme le prétendent les requérantes (voir ci-dessus point 83). En effet, la portée générale de l' obligation du Conseil, inscrite à l' article 136, deuxième alinéa, du traité, de définir les modalités de mise en oeuvre de l' association en tenant compte de tous les principes du traité n' est pas limitée par ces dispositions, qui n' ont d' autre objet que de régler des situations particulières. Il ne ressort d' aucune de ces dispositions que, en les adoptant, les auteurs du traité ont souhaité modifier la portée de l' article 136, deuxième alinéa, du traité.
97 Il s' ensuit que le premier moyen doit être rejeté.
Deuxième moyen: violation de l' article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM
° Arguments des parties
98 Les requérantes rappellent que, si l' article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM autorise l' adoption de mesures de sauvegarde, de telles mesures ne sont envisageables que si l' application de la décision PTOM entraîne des perturbations graves dans un secteur d' activité économique de la Communauté ou d' un ou de plusieurs États membres ou compromet leur stabilité financière extérieure, ou si des difficultés surgissent, risquant d' entraîner la détérioration d' un secteur d' activité de la Communauté ou d' une région de celle-ci. Or, à leur avis, les importations de riz semi-blanchi en provenance des Antilles néerlandaises n' ont pu ni ne pourront perturber le secteur de la culture du riz dans la Communauté.
99 Elles font remarquer, en premier lieu, que le riz communautaire était en position favorable au moment de l' entrée en vigueur des décisions attaquées. Cette position favorable, illustrée par une montée des prix en février 1993, après une baisse enregistrée pendant le dernier trimestre de 1992 (respectivement 778,17 USD en février 1993, 724,62 USD en décembre 1992 et 859,38 USD en septembre 1992 pour le riz blanchi à grain long avec 5 % de brisures d' origine communautaire), aurait trouvé son origine, d' une part, dans une pénurie causée par la sécheresse en Espagne et, d' autre part, dans une dévaluation de la lire italienne, qui aurait incité le marché à acheter. Cette pénurie et la position favorable du riz communautaire auraient persisté, si bien qu' en mars 1993 plus aucune quantité de riz communautaire n' aurait été disponible. Il n' y aurait donc eu aucune perturbation ou menace de détérioration de la culture de riz dans la Communauté de nature à justifier les mesures de sauvegarde.
100 En second lieu, les requérantes rappellent qu' il était impossible que l' importation de riz semi-blanchi "antillais" puisse provoquer une perturbation ou une menace de détérioration du secteur de la culture de riz dans la Communauté. L' importation du riz semi-blanchi antillais se heurterait, en effet, à deux limites. D' une part, elle ne serait possible que pour autant que la demande de riz blanchi à grain long ne peut être couverte par la production communautaire elle-même en raison du fait que le prix communautaire est inférieur au prix antillais. Elle ne pourrait donc pas provoquer une pression sur les prix du riz communautaire (voir, ci-après, sous 1). D' autre part, les quantités de riz importées des Antilles néerlandaises ne pourraient jamais dépasser les excédents disponibles des États ACP et ces excédents n' auraient jamais dépassé, dans le passé, le contingent tarifaire que la Communauté a fixé pour ces pays. La quantité de riz disponible pour la transformation du riz semi-blanchi en riz blanchi ne pourrait donc augmenter (voir, ci-après, sous 2).
1. Sur le niveau des prix
101 Les requérantes soutiennent qu' il faut comparer le prix du riz blanchi d' origine communautaire avec le prix du riz blanchi produit à partir du riz semi-blanchi antillais. Il s' agirait du seul moyen de comparer les prix du riz antillais avec les prix du riz communautaire, dans la mesure où il n' existe pas de riz semi-blanchi d' origine communautaire et que les Antilles néerlandaises n' exportent pas de riz blanchi. En effet, les producteurs de riz blanchi communautaire n' achèteraient que du riz paddy pour éviter d' avoir à produire du riz blanchi en deux étapes (riz paddy ° riz semi-blanchi/riz semi-blanchi ° riz blanchi), car ce processus serait plus coûteux. C' est pour cette raison également qu' une perturbation du marché ne serait concevable qu' en ce qui concerne le riz blanchi: une baisse du prix du riz semi-blanchi antillais pouvant provoquer une baisse du prix du riz blanchi, celle-ci pourrait entraîner à son tour une baisse du prix du riz paddy produit dans la Communauté.
102 Les requérantes soutiennent que, pour obtenir le prix du riz blanchi à partir du riz antillais, il faut ajouter au prix du riz semi-blanchi antillais le coût de transformation selon une méthode déterminée.
103 Elles relèvent que le prix du riz blanchi produit à partir de riz semi-blanchi antillais était supérieur de 200 USD au prix du riz blanchi d' origine communautaire. Elles en déduisent que, au prix auquel le riz semi-blanchi originaire des Antilles néerlandaises était offert à l' époque sur le marché, le prix du riz blanchi à partir de ce riz semi-blanchi ne pouvait en aucun cas concurrencer le prix du riz blanchi d' origine communautaire. A un tel niveau de prix, l' importation de riz antillais n' aurait été possible que lorsqu' il n' y avait plus de riz communautaire disponible. Par conséquent, ces importations n' auraient pas pu entraîner une baisse des prix communautaires susceptible, à son tour, de constituer un obstacle à la reconversion de la culture du riz dans la Communauté voulue par le règlement n 3878/87. Elles ajoutent que le riz Indica est constitué, à concurrence de 70 %, de riz étuvé, lequel, selon elles, est d' une qualité supérieure plus chère et n' est pas interchangeable avec le riz antillais.
104 Les requérantes nient, enfin, que le niveau des prix du riz antillais leur procurait une marge bénéficiaire excessive qui leur permettait de baisser les prix. Elles ajoutent que, même si c' était le cas, un tel procès d' intention ne saurait suffire à justifier l' adoption de mesures de sauvegarde, d' autant plus que des considérations de cet ordre ne figureraient pas au nombre des motifs invoqués dans les décisions attaquées.
105 La Commission répond que ce qu' il faut comparer ce sont les prix du riz semi-blanchi et non les prix du riz blanchi. En effet, ce ne serait qu' à ce niveau que la concurrence aurait lieu, les "consommateurs" du riz faisant l' objet des mesures attaquées étant les rizeries communautaires productrices de riz blanchi. Ces rizeries pourraient également utiliser le riz paddy communautaire ou le riz brun importé. La concurrence jouerait donc entre les différentes matières premières utilisées par les rizeries communautaires. Toutefois, eu égard au fait que les producteurs communautaires n' offrent pas de riz semi-blanchi, il serait nécessaire d' extrapoler un prix du riz semi-blanchi communautaire à partir du prix du riz paddy communautaire et de celui des achats en intervention.
106 Selon la Commission, une telle comparaison ferait apparaître que, avant l' instauration d' un prix minimal par les autorités des Antilles néerlandaises, le prix du riz semi-blanchi communautaire (767,48 USD/tonne) était nettement supérieur à celui du riz semi-blanchi antillais (700 USD/tonne). Un tel écart plaçait les producteurs de la Communauté devant le choix soit de baisser leurs prix, soit d' entreposer leur riz dans l' attente de temps meilleurs. Cette situation aurait entraîné une baisse de prix du riz paddy en provenance de la Communauté par rapport à celui de l' année précédente. La baisse aurait été, pour le riz d' origine espagnole, jusqu' à 85,18 % et, pour le riz d' origine italienne, jusqu' à 91,82 % du prix d' intervention (voir annexe 5 du mémoire en défense). Le prix du riz paddy d' origine communautaire n' aurait augmenté qu' après l' annonce des mesures de sauvegarde au cours du mois de février 1993.
107 Par ailleurs, la Commission met en doute la réalité des prix dont les requérantes se servent pour étayer leur thèse. Elle ajoute que les requérantes ne sauraient lui reprocher de procéder par extrapolation puisqu' elles appliquent le même principe (voir annexe 7 à la requête dans l' affaire T-480/93 et annexe 8 à la requête dans l' affaire T-483/93). Elle met également en cause la pertinence des éléments sur lesquels se base l' analyse du marché effectuée par les requérantes, d' autant plus qu' ils sont postérieurs à l' adoption de la mesure de sauvegarde. Or, la question serait de savoir si les appréciations portées lors de l' adoption de ladite mesure étaient raisonnables à ce moment-là. En outre, ces éléments couvriraient l' ensemble du marché qui se compose pour l' essentiel de riz Japonica, alors que la présente affaire porte sur le riz Indica.
108 La Commission soutient que l' écart de prix constaté menaçait le programme de conversion de culture de riz Japonica (dont la production communautaire est excédentaire) vers la culture de riz Indica (dont la production communautaire est déficitaire), instauré par le règlement n 3878/87, car celui-ci suppose que les producteurs soient assurés de disposer de débouchés pour leur riz Indica à des prix garantis par la fixation d' un prix d' intervention. Ainsi, une baisse des prix engendrerait, d' une part, des conséquences budgétaires graves pour la Communauté, qui serait contrainte de procéder à des achats d' intervention massifs et, d' autre part, à long terme, un retour des producteurs vers la culture du riz Japonica, ce qui augmenterait les interventions et les restitutions à l' exportation.
109 Elle se demande encore comment les requérantes peuvent affirmer, dans leur réplique, que le riz blanchi antillais et le riz blanchi d' origine communautaire ne sont interchangeables que dans une faible mesure parce que le riz blanchi d' origine communautaire est constitué de 70 % de riz étuvé et fait remarquer que cet argument n' a aucune pertinence, car l' étuvage est le fait des rizeries et non des producteurs de riz paddy.
110 La Commission souligne, enfin, que le prix du riz brun en provenance du Surinam est à ce point inférieur (400 USD) à celui du riz communautaire que les requérantes disposent d' une grande marge de manoeuvre pour déterminer le prix de leur riz sur le marché communautaire en jouant sur leur marge bénéficiaire.
111 Les parties divergent également d' opinion sur la façon de "convertir" les prix donnés.
2. Sur les quantités importées de riz semi-blanchi
112 Les requérantes relèvent que la capacité d' exportation des États ACP est très limitée. Elles en veulent pour preuve que ces exportations n' ont jamais dépassé le contingent tarifaire communautaire de 125 000 tonnes et que la quantité offerte sur le marché communautaire n' a pas augmenté.
113 Elles estiment, par conséquent, que les États ACP sont placés devant un choix: exporter directement leur riz brun vers la Communauté ou l' exporter vers les Antilles néerlandaises. Ainsi, l' importation de riz semi-blanchi antillais produit à base de riz brun originaire des États ACP, loin de s' ajouter à l' importation directe de riz brun en provenance des États ACP, s' y substituerait. En effet, selon l' article 6, paragraphe 2, de l' annexe II (voir ci-dessus point 7), le riz transformé aux Antilles néerlandaises n' est considéré comme étant d' origine PTOM que s' il est importé des États ACP. Comme seul le riz d' origine PTOM bénéficie, en vertu de l' article 133 du traité et de l' article 101, paragraphe 1, de la décision PTOM, d' une élimination des droits de douane et taxes d' effet équivalent, le riz semi-blanchi "antillais" importé dans la Communauté serait nécessairement produit à partir de riz provenant d' un État ACP. Les seuls États ACP ayant une production excédentaire de riz seraient le Surinam et la Guyana.
114 Les requérantes relèvent que les États ACP ont tout intérêt à exporter leur production de riz vers les Antilles néerlandaises parce qu' ils y obtiennent un prix plus élevé que s' ils l' exportaient directement vers la Communauté, où le riz est en concurrence avec le riz américain. Puisque la production excédentaire de riz des États ACP est à ce point restreinte, ils ne pourraient pas maintenir le niveau de leurs exportations vers la Communauté tout en exportant du riz vers les Antilles néerlandaises. Selon les requérantes, les importations accumulées de riz en provenance des Antilles néerlandaises et des États ACP se sont situées pendant l' année 1992 (95 855 tonnes, dont 40 830 d' origine ACP et 58 042 d' origine antillaise) au même niveau que les importations de riz originaire des États ACP pendant les années 1990 (83 857 tonnes) et 1991 (94 373).
115 La Commission répond que, du point de vue de la Communauté, il n' est pas indifférent que la production excédentaire de riz des États ACP soit exportée directement vers la Communauté ou qu' elle le soit via les Antilles néerlandaises dans la mesure où, d' un côté, elle se voit appliquer un prélèvement, certes réduit, à concurrence de quantités limitées, alors que, de l' autre, elle ne se voit appliquer aucun prélèvement et ce sans limite quantitative. Ainsi, il existerait un risque que l' ensemble de l' excédent de production des États ACP soit importé dans la Communauté sans prélèvement ni contingent tarifaire via les Antilles néerlandaises. Au stade de la duplique, elle fait remarquer que le contingent tarifaire des États ACP, qui est de 125 000 tonnes de riz, a été dépassé en 1993, les importations en provenance des États ACP et des Antilles néerlandaises pris ensemble ayant atteint 179 154 tonnes. De même, de septembre à décembre 1992, les importations de riz antillais auraient représenté l' équivalent de 27 019 tonnes de riz blanchi, soit 11 % de la production communautaire.
116 La Commission en déduit qu' une telle augmentation des importations en franchise de prélèvement ne pouvait conduire qu' à une chute des prix sur le marché communautaire.
3. Sur les risques courus par le programme Poseidom
117 Les requérantes soutiennent que, contrairement à ce qui est affirmé dans les considérants de la première décision attaquée, les mesures de sauvegarde ne sauraient être justifiées par le danger couru par le programme Poseidom, destiné à favoriser l' écoulement du riz produit en Guyane française vers la Guadeloupe et la Martinique. En effet, elles n' auraient jamais exporté de riz vers la Guadeloupe ou la Martinique et n' auraient pas eu l' intention de le faire, étant donné qu' elles disposaient de débouchés plus que suffisants dans la Communauté. Cette position aurait d' ailleurs été confirmée par le gouvernement français dans sa lettre du 14 décembre 1992 (voir ci-dessus point 19) ainsi que par un rapport de la Commission au Conseil du 25 novembre 1993 [COM(93) 555 déf.], relatif à la mise en oeuvre du régime commercial, qui constaterait l' absence d' importation de riz antillais dans les DOM.
118 La Commission et la République française, partie intervenante, répondent que les mesures d' aide communautaires spécifiques pour la production du riz en Guyane française ainsi que pour la commercialisation de ce riz en Guadeloupe et en Martinique (article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement n 3763/91, voir ci-dessus point 9) pourraient être entravées par l' importation de riz antillais à un prix plus bas. La fragilité du marché du riz dans ces deux départements, que l' importation de la charge d' un seul navire, qui pourrait avoir lieu à tout moment, suffirait à perturber, exclurait toute mesure correctrice, qui, quelle qu' elle soit, interviendrait nécessairement trop tard. Seule une mesure de sauvegarde préventive pourrait donc être efficace. La Commission ajoute néanmoins que, à l' époque, elle considérait cet argument comme important mais pas prépondérant.
° Appréciation du Tribunal
119 Il convient d' examiner si, sur la base des données dont elle disposait au moment où elle a adopté les décisions attaquées, la Commission pouvait raisonnablement conclure que les conditions d' application de l' article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM étaient réunies.
120 Aux termes de l' article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM, la Commission "peut" prendre ou autoriser des mesures de sauvegarde soit "si l' application de la (décision PTOM) entraîne des perturbations graves dans un secteur d' activité économique de la Communauté ou d' un ou de plusieurs États membres ou compromet leur stabilité financière extérieure", soit "si des difficultés surgissent, qui risquent d' entraîner la détérioration d' un secteur d' activité de la Communauté ou d' une région de celle-ci".
121 Il ressort de cette disposition que, pour que des mesures de sauvegarde soient instaurées, il suffit qu' une des deux conditions y prévues soit remplie. Cependant, la réalisation d' une de ces conditions n' impose pas à la Commission l' adoption d' une mesure de sauvegarde, mais requiert qu' elle statue à ce sujet.
122 Il s' ensuit que, dans le domaine d' application de l' article 109 de la décision PTOM, la Commission jouit d' un large pouvoir d' appréciation non seulement quant à l' existence des conditions justifiant l' adoption d' une mesure de sauvegarde, mais également quant au principe de l' adoption d' une mesure de sauvegarde. En présence d' un tel pouvoir d' appréciation, le Tribunal doit se limiter à examiner si l' exercice de ce pouvoir n' est pas entaché d' une erreur manifeste ou d' un détournement de pouvoir ou encore si la Commission n' a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d' appréciation (arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité, point 40).
123 Quant à la première décision, il ressort de son libellé, des différentes pièces du dossier, ainsi que des déclarations de la Commission lors de l' audience, que celle-ci a pris en considération différents paramètres avant de conclure à la nécessité d' adopter des mesures de sauvegarde.
124 En premier lieu, elle a constaté que, entre les mois d' octobre 1992 et janvier 1993, le prix du riz paddy communautaire, qui, comme le riz semi-blanchi antillais, peut servir de matière première aux producteurs communautaires de riz blanchi, a baissé considérablement pour remonter en février 1993. Selon les chiffres fournis par la Commission (annexe V à la réponse de celle-ci à la question écrite n 10 du Tribunal), pour le riz paddy espagnol, le prix était de 365 USD/tonne en janvier 1993, soit le niveau le plus bas de la campagne 1992/1993, alors qu' il atteignait 470 USD/tonne en octobre 1992; pour le riz italien, le prix était de 402 USD/tonne en décembre 1992, alors qu' il atteignait 452 USD/tonne en octobre 1992. En février 1993, le prix du riz espagnol était de 420 USD/tonne et celui du riz italien de 497 USD/tonne. Ces chiffres font apparaître une évolution semblable à celle qu' a connue le prix du riz blanchi communautaire, qui, selon les chiffres fournis par les requérantes (requête T-480/93, point 54, et T-483/93, point 82), était de 724,26 USD/tonne en décembre 1992, alors qu' il atteignait 859,38 USD/tonne en septembre 1992, et qui est remonté à 778,17 USD/tonne en février 1993, époque à laquelle les opérateurs s' attendaient à l' adoption des mesures de sauvegarde (voir Weekly Rice Market News, du 26 janvier 1993, vol. 74, n 5, annexe 2 à l' annexe 9 à la requête dans l' affaire T-480/93 répandant la rumeur d' une adoption éventuelle des mesures de sauvegarde). Le Tribunal estime que les prix indiqués par la Commission sont fiables du fait qu' ils ont été obtenus sur un marché boursier. Même si les requérantes ont émis des doutes quant à l' ampleur de la baisse du prix de ce type de riz, elles ne sont pas parvenues à contredire la réalité d' une telle baisse, qui, au surplus, ressort des chiffres cités au point 54 de la requête dans l' affaire T-480/93 et au point 82 de la requête dans l' affaire T-483/93.
125 Le Tribunal relève, ensuite, que les requérantes, en réponse à une question du Tribunal, se sont réservées le droit de contester les prix indiqués par la Commission après une vérification supplémentaire auprès des négociants indépendants, mais qu' elles n' ont plus réagi sur ce point ultérieurement, ce qui accroît encore la crédibilité des données fournies par la Commission.
126 Il convient, enfin, de relever que les requérantes ne sauraient tirer argument d' une diminution considérable des stocks d' intervention pour contester que le prix du riz paddy communautaire Indica ait pu diminuer au-dessous du prix d' intervention. En effet, les chiffres cités par les requérantes dans la requête, ainsi que dans leurs réponses aux questions écrites du Tribunal, concernent les stocks d' intervention du riz Japonica et non pas du riz Indica, comme l' a signalé la Commission au point 24 de son mémoire en défense, sans être contredite par les requérantes.
127 En second lieu, la Commission a observé que, pendant la période septembre-décembre 1992, environ 27 000 tonnes de riz ont été importées en provenance des Antilles néerlandaises, ce qui correspond à 11 % de la production communautaire de riz paddy. Le Tribunal constate que ce chiffre n' est pas contesté par les requérantes. En outre, un chiffre plus élevé encore ° 36 161 tonnes ° apparaît dans les tableaux figurant à l' annexe 16 à la requête tant dans l' affaire T-480/93 que dans l' affaire T-483/93, qui se réfèrent à des certificats délivrés à l' importation dont il ressort par ailleurs que, pendant la première moitié de l' année 1992, il n' y a pas eu d' importations de riz en provenance des Antilles néerlandaises.
128 Le Tribunal estime que, sur la base de ces données ° une diminution considérable du prix du riz paddy communautaire concomitante à une augmentation considérable des importations de riz semi-blanchi antillais qui est un produit concurrent °, la Commission était en droit de constater que, au sens de l' article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM, des difficultés avaient surgi qui risquaient d' entraîner la détérioration du secteur de la culture du riz Indica dans la Communauté et que, dès lors, des mesures de sauvegarde pouvaient être mises en oeuvre.
129 Au surplus, le Tribunal relève que la Commission a encore pris en considération d' autres éléments supplémentaires, constatant que le riz antillais était offert à un prix nettement inférieur à celui auquel pouvait l' être le riz communautaire au stade de transformation considéré, soit celui du riz semi-blanchi, ce que ne contestent plus les requérantes.
130 Le Tribunal estime que la Commission n' a pas commis d' erreur manifeste d' appréciation en comparant les prix des deux matières premières à ce stade. En effet, ce choix montre tout d' abord la diligence dont a fait preuve la Commission en comparant les deux produits en cause au même stade de transformation. Ensuite, le riz antillais étant offert au stade du riz semi-blanchi sur le marché communautaire, il était raisonnable pour la Commission de comparer les deux produits concurrents à ce niveau et, à cette fin, de calculer un prix théorique du riz semi-blanchi communautaire. Quant au calcul du prix, le Tribunal estime que les requérantes ne sont pas parvenues à remettre en cause les calculs proposés par la Commission, puisqu' elles se sont bornées à alléguer que les frais de transformation et les frais supplémentaires étaient trop élevés ou à contester le taux de conversion utilisé entre les différents niveaux de transformation, sans justifier leur point de vue (voir le point 29 de la réplique dans l' affaire T-480/93 et le point 30 de la réplique dans l' affaire T-483/93, ainsi que les réponses des parties à la question 10 du Tribunal). Enfin, les requérantes ne sauraient faire grief à la Commission d' avoir calculé un prix théorique du riz semi-blanchi communautaire, puisque la comparaison qu' elles proposent elles-mêmes repose également sur le calcul d' un prix théorique, celui du prix du riz blanchi produit à partir de riz semi-blanchi antillais (voir annexes 7 à la requête dans l' affaire T-480/93 et 8 à la requête dans l' affaire T-483/93).
131 Le Tribunal estime dès lors que la Commission a constaté, à juste titre, la présence d' un écart considérable entre le prix du riz communautaire et celui du riz antillais, pouvant avoir causé l' effondrement du prix du riz communautaire entre septembre 1992 et janvier 1993.
132 En outre, la Commission était en droit de se référer au risque que l' exportation du riz antillais vers les DOM mette en péril le programme Poseidom, destiné à la commercialisation en Guadeloupe et en Martinique du riz récolté en Guyane française. En effet, à partir du moment où un tel risque serait suffisamment réel au cas où de telles exportations auraient lieu, il est sans pertinence que, au moment où la première mesure a été prise, de telles exportations n' aient pas encore effectivement eu lieu. Or, en l' espèce, les requérantes n' ont pas contesté l' affirmation de la Commission selon laquelle le marché du riz de ces deux départements était à ce point fragile que l' importation de la charge d' un seul navire aurait suffit à le perturber. Une telle importation pouvant avoir lieu à tout moment, toute mesure correctrice aurait nécessairement été tardive. Seule une mesure de sauvegarde préventive pouvait donc être efficace.
133 Quant à la seconde décision, il convient de relever, à titre liminaire, qu' elle ne fait qu' amender l' article 1er de la première décision, dont elle atténue sensiblement la teneur, puisqu' elle fixe uniquement un prix minimal absolu à un niveau nettement inférieur à celui du prix minimal relatif fixé par la première décision. Il s' ensuit que, en adoptant la seconde décision, la Commission n' a pas arrêté une nouvelle mesure de sauvegarde ayant une portée autonome, mais s' est bornée à assouplir le régime instauré par une mesure de sauvegarde existante. Elle n' était donc pas tenue de réexaminer à ce stade si, dans leur principe, des mesures de sauvegarde pouvaient être adoptées, comme elle avait dû le faire avant d' adopter la première décision.
134 Par ailleurs et en tout état de cause, le Tribunal estime qu' il était raisonnable, pour la Commission, de considérer que, malgré l' amélioration de la position concurrentielle du riz en avril 1993, il restait nécessaire de protéger la culture du riz communautaire par le maintien d' une mesure de sauvegarde. En effet, c' est en avril que débute l' ensemencement du riz. Il était dès lors important, pour éviter un retour à la culture déjà excédentaire du riz Japonica, que la confiance des cultivateurs communautaires dans les perspectives d' évolution du prix du riz Indica ne soit pas ébranlée. A cet égard, l' existence à ce moment d' une pénurie de riz paddy communautaire et d' une hausse de son prix n' est pas pertinente. En effet, en raison du caractère préventif de la mesure en cause, à savoir le maintien du niveau de production communautaire de riz Indica, ce n' est pas la situation prévalant au moment de l' adoption de la décision qui importait, mais les perspectives d' évolution de celle-ci pouvant être anticipées par les cultivateurs communautaires. Or, la situation n' était pas de nature à leur donner à penser que tout nouvel effondrement du prix du riz communautaire serait évité, alors que le maintien d' une mesure de sauvegarde, en ce qu' elle manifestait la volonté de la Commission de continuer à défendre la culture du riz Indica dans la Communauté et, par ce biais, de neutraliser le risque d' une diminution importante du prix de ce riz, était de nature à les rassurer. Par conséquent, en adaptant sa mesure de sauvegarde à une nouvelle situation, la Commission n' a pas dépassé les limites du pouvoir d' appréciation que lui confère l' article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM.
135 Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.
Troisième moyen: violation de l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM
136 Les requérantes soutiennent que l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM a été méconnu par les deux décisions attaquées. Cette disposition prévoit, en effet, que "(p)our l' application du paragraphe 1, doivent être choisies par priorité les mesures qui apportent le minimum de perturbations au fonctionnement de l' association et de la Communauté. Ces mesures ne doivent pas avoir une portée dépassant celle strictement indispensable pour remédier aux difficultés qui se sont manifestées". Or, chacune des décisions attaquées iraient bien au-delà de ce qui est nécessaire pour éliminer une éventuelle perturbation ou une éventuelle menace de détérioration de la culture du riz dans la Communauté.
° Sur la première décision
1. Arguments des parties
137 Les parties requérantes exposent que le prix minimal relatif fixé par la première décision à 120 % du prélèvement applicable au riz semi-blanchi empêchait de vendre le riz antillais et l' a exclu du marché. Les investissements consentis par les requérantes aux Antilles néerlandaises auraient ainsi été mis en péril, ce qui aurait provoqué une perturbation de l' association des PTOM à la Communauté. Ces inconvénients auraient été excessifs au regard de l' objectif poursuivi, à savoir éliminer la perturbation ou la menace de détérioration du marché communautaire du riz. En outre, cette décision aurait été adoptée en violation du "principe d' une hiérarchie des préférences", en ce que le prix minimal relatif imposé au riz antillais était supérieur au prix du riz en provenance de pays tiers, plaçant ainsi le riz venant des PTOM dans une situation moins favorable que celle du riz venant des États ACP ou des États-Unis. La mesure de sauvegarde protégeait ainsi non seulement la culture du riz communautaire, mais également l' importation de riz venant de pays tiers.
138 La Commission souligne, en premier lieu, qu' elle a préféré la fixation d' un prix minimal à une réinstauration temporaire du prélèvement à l' importation parce qu' elle était convaincue qu' une telle mesure permettrait de satisfaire pleinement les intérêts des producteurs de la Communauté et qu' elle affecterait moins l' industrie de transformation située dans les Antilles néerlandaises.
139 En second lieu, elle fait remarquer qu' une mesure de sauvegarde doit être efficace et que la seule façon d' éliminer la perturbation de la culture du riz dans la Communauté était d' imposer un prix minimal pour le riz antillais qui puisse compenser le handicap concurrentiel du riz communautaire. La Commission reconnaît néanmoins que le prix minimal relatif rendait le riz antillais plus cher que le riz provenant de pays tiers.
2. Appréciation du Tribunal
140 Le Tribunal constate que ce moyen soulève la question de savoir si la Commission, en prenant les mesures attaquées, a méconnu le principe de proportionnalité exprimé par l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM.
141 A cet égard, il convient de relever que l' objectif de l' article 109 de la décision PTOM est exclusivement de remédier aux difficultés rencontrées par un secteur d' activité économique de la Communauté ou encore d' empêcher que de telles difficultés ne naissent. Pour atteindre cet objectif, le paragraphe 2 de cet article n' autorise que les mesures de sauvegarde qui sont "strictement indispensables". Il s' ensuit qu' une mesure de sauvegarde qui a pour effet de protéger simultanément un secteur d' activité économique d' un pays tiers dépasse l' objectif poursuivi par l' article 109 de la décision PTOM et n' est donc pas, à ce titre, "strictement indispensable" au sens du paragraphe 2 de cet article.
142 En l' espèce, le Tribunal constate qu' il est constant entre les parties que l' article 1er, paragraphe 1, de la décision 93/127, du 25 février 1993, en fixant le prix minimal relatif à 120 % du prélèvement applicable au riz semi-blanchi, a rendu le riz antillais plus cher sur le marché communautaire que le riz en provenance de pays tiers comme les États-Unis ou les pays ACP (voir l' ordre qui ressort du tableau figurant au point 31 de la requête dans l' affaire T-480/93 et au point 55 de la requête dans l' affaire T-483/93, non contesté par la Commission, mémoire en défense, point 38). Ainsi, cette disposition n' a pas non plus respecté l' ordre des préférences établi en faveur des produits communautaires et en faveur des produits originaires des PTOM.
143 Par conséquent, en conférant au riz ACP et au riz américain une position concurrentielle plus avantageuse sur le marché communautaire que celle du riz antillais, l' article 1er, paragraphe 1, de la décision du 25 février 1993 dépasse ce qui était strictement indispensable pour remédier aux difficultés suscitées pour la commercialisation du riz communautaire par l' importation du riz antillais. Il s' ensuit que cette disposition viole l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM et doit, par conséquent, être annulée.
° Sur la seconde décision
1. Arguments des parties
144 En ce qui concerne la seconde décision, les requérantes soutiennent qu' elle a également été adoptée en violation de l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM en ce que le prix minimal absolu qu' elle impose irait au-delà de ce qui est nécessaire pour éliminer la perturbation ou la menace de détérioration de la culture du riz dans la Communauté.
145 Elles exposent, d' une part, que ce prix était nettement supérieur au prix du riz communautaire et n' était qu' un peu inférieur à celui du riz des États ACP. Les mesures de sauvegarde étant destinées à protéger la culture de riz communautaire, il faudrait comparer les prix du riz communautaire avec le prix minimal absolu imposé au riz antillais pour déterminer si ces mesures respectent le principe de proportionnalité. Or, même par rapport au riz venant des États-Unis, le riz antillais aurait continué à se trouver dans une position concurrentielle défavorable, si l' on tient compte de la qualité supérieure du riz américain.
146 Les requérantes se demandent, d' autre part, pourquoi la seconde décision a continué à imposer un prix minimal absolu. Les explications de la Commission dans son mémoire en défense seraient discordantes à cet égard, en ce qu' elles se réfèrent à la fois à une demande de correction du gouvernement néerlandais et aux conditions du marché pour justifier un assouplissement de la mesure imposée, alors qu' apporter une correction n' aurait pas la même portée qu' assouplir une mesure de sauvegarde.
147 Les requérantes ajoutent qu' en tout état de cause la mise en oeuvre des décisions attaquées a entraîné des conséquences financières graves, ce qui ferait également d' elles des mesures disproportionnées. En effet, les autorités douanières demanderaient le dépôt d' une garantie d' un montant équivalant au prélèvement applicable au riz semi-blanchi provenant des pays tiers, alors que la Commission aurait pu imposer d' autres moyens moins pesants pour les requérantes.
148 La Commission répond que le niveau du prix minimal de la seconde décision était proportionné, seul un prix minimal absolu étant retenu, ce qui améliorait considérablement la position concurrentielle du riz "antillais", comme l' aurait montré la reprise des importations au mois d' avril.
2. Appréciation du Tribunal
149 Le Tribunal constate, en premier lieu, que le prix minimal absolu de 550 écus/tonne imposé par l' article 1er de ladite décision a rendu le riz antillais plus cher que le riz communautaire, mais meilleur marché que le riz des pays ACP et des États-Unis. En effet, le même ordre de prix ressort à la fois du tableau figurant au point 35 de la requête dans l' affaire T-480/93 et au point 61 de la requête dans l' affaire T-483/93, ainsi que des calculs de la Commission reproduits au point 42 du mémoire en défense dans les deux affaires.
150 En second lieu, il ressort de l' annexe 23 à la réplique dans l' affaire T-480/93 et de l' annexe 24 à la réplique dans l' affaire T-483/93 qu' au mois d' avril 1993, 8 400 tonnes de riz antillais ont été importées dans la Communauté. Le Tribunal observe que ce chiffre représente la troisième quantité la plus importante importée en un mois entre septembre 1992 et mai 1993 et que ces importations ont très probablement été réalisées dans un délai de quinze jours environ après l' entrée en vigueur de la seconde décision, prise le 13 avril 1993 et publiée au Journal officiel des Communautés européennes le 14 avril 1993.
151 Il s' ensuit que, au regard de ces circonstances, les requérantes n' ont établi ni que la Commission a dépassé sa marge d' appréciation en fixant, dans la seconde décision, le prix minimal absolu à 550 écus/tonne, ni que cette mesure a dépassé ce qui était strictement indispensable pour remédier aux difficultés qui s' étaient manifestées pour la culture du riz Indica dans la Communauté au sens de l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM. La seconde décision n' a placé le riz antillais dans une position concurrentielle défavorable que par rapport au riz communautaire. En particulier, l' importation massive de riz antillais pendant la deuxième partie du mois d' avril 1993 prouve que l' écart de prix entre le riz antillais et le riz américain était suffisamment grand pour compenser la meilleure qualité de ce dernier.
152 Par ailleurs, quant à l' argument selon lequel la décision serait en tout état de cause disproportionnée parce que sa mise en oeuvre par les autorités douanières, qui demandent une garantie équivalente au prélèvement applicable au riz semi-blanchi, entraînerait des conséquences financières graves, le Tribunal estime que, même si tel est le cas, il ne s' agit pas d' une conséquence nécessaire de la décision attaquée, mais uniquement d' un comportement adopté par les autorités douanières nationales. Or, le caractère disproportionné d' une mesure nationale d' exécution n' implique pas celui de la décision communautaire qu' elle exécute. En outre, le Tribunal n' est pas compétent pour examiner la conformité d' une mesure nationale d' exécution au regard du principe de proportionnalité. Cette question relève de la compétence du juge national auprès duquel les requérantes auraient pu introduire un recours.
153 Il résulte de tout ce qui précède que la seconde décision est conforme à l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM et que le troisième moyen, pour autant qu' il concerne la seconde décision, doit donc être rejeté.
Quatrième moyen: violation des articles 132, point 1), et 133, paragraphe 1, du traité et 101, paragraphe 1, de la décision PTOM
° Arguments des parties
154 Les requérantes soutiennent que le fait de soumettre l' exemption des droits de douane à l' importation au respect de prix minimaux constitue une taxe d' effet équivalent "conditionnelle" portant sur des produits originaires d' un PTOM. Comme les droits de douane, une telle taxe d' effet équivalent serait prohibée par les articles 132, point 1), et 133, paragraphe 1, du traité, ainsi que l' aurait affirmé la Cour dans son arrêt Leplat, précité, ainsi que par l' article 101 de la décision PTOM.
155 La Commission conteste cette allégation, en soulignant que, en l' espèce, il ne s' agit pas d' une taxe conditionnelle d' effet équivalent, mais d' un prix minimal et que l' article 109 de la décision PTOM laisse une certaine marge d' appréciation quant au choix des mesures à prendre.
° Appréciation du Tribunal
156 Il convient de relever, à titre liminaire, qu' il est de jurisprudence constante qu' une charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises nationales ou étrangères en raison du fait qu' elles franchissent la frontière, lorsqu' elle n' est pas un droit de douane proprement dit, constitue une taxe d' effet équivalent au sens des articles 9 et 12 du traité (voir arrêt de la Cour du 1er juillet 1969, Sociaal Fonds voor de Diamantarbeiders, 2/69 et 3/69, Rec. p. 211, point 18, et, en dernier lieu, arrêt du 22 juin 1994, Deutsches Milch-Kontor, C-426/92, Rec. p. I-2757, point 50).
157 En l' espèce, force est de constater qu' aucun prélèvement n' est imposé en raison du fait que le riz antillais franchit les frontières extérieures de la Communauté, lorsqu' il y est importé. En effet, ce n' est que dans l' hypothèse où le prix minimal de vente n' est pas respecté qu' un prélèvement équivalent à celui applicable au riz semi-blanchi en provenance d' un pays tiers doit avoir lieu. Une telle obligation trouve son origine non pas dans le franchissement de la frontière, mais dans le non-respect du prix minimal imposé. Par conséquent, elle ne peut pas être considérée comme une taxe d' effet équivalent prohibée par les dispositions dont se prévalent les requérantes dans le cadre du présent moyen.
158 Dans la mesure où les requérantes prétendent que l' exigence du paiement d' une garantie équivalant au prélèvement applicable au riz semi-blanchi en provenance d' un pays tiers constitue une taxe d' effet équivalent, il convient de rappeler que cette exigence ne ressort pas des décisions attaquées, mais résulte de décisions émanant des autorités nationales (voir ci-dessus point 152). Elle ne peut dès lors en aucun cas entraîner l' annulation des décisions attaquées.
Cinquième moyen: violation de l' article 131 du traité et de la décision PTOM
° Arguments des parties
159 Les requérantes font valoir que, en adoptant les mesures de sauvegarde attaquées, la Commission a méconnu le but de l' association des PTOM à la Communauté défini par l' article 131 du traité, à savoir la promotion du développement économique et social des PTOM et l' établissement de relations économiques étroites entre eux et la Communauté dans son ensemble, ainsi que la promotion des intérêts des habitants des PTOM et leur prospérité, de manière à les conduire au développement économique, social et culturel qu' ils attendent. La Commission aurait, en effet, omis de tenir compte des investissements considérables consentis par les requérantes, lesquels auraient substantiellement contribué à la réalisation des objectifs de l' association.
160 La Commission répond que ce moyen se confond avec le premier moyen, parce que, s' il devait être accueilli, il rendrait impossible toute mesure de sauvegarde, alors que l' article 109 de la décision PTOM prévoit explicitement la possibilité d' adopter de telles mesures.
161 Elle rappelle néanmoins, à titre subsidiaire, que les objectifs poursuivis par l' association doivent être mis en balance avec d' autres intérêts, tels que ceux de la politique agricole commune ou des DOM.
° Appréciation du Tribunal
162 Le Tribunal considère que ce moyen se confond avec le premier moyen. En effet, dès lors qu' il a été jugé dans le cadre du premier moyen que la possibilité d' adopter des mesures de sauvegarde à l' encontre de l' importation de produits originaires des PTOM est conforme au traité, cela implique nécessairement que l' adoption de telles mesures n' empêche pas la poursuite des buts de l' association, tels qu' ils ont été inscrits dans l' article 131. Il s' ensuit que, pour les mêmes raisons que celles évoquées ci-dessus (points 90 à 97), le présent moyen doit également être rejeté.
Sixième moyen: violation du principe de préparation soigneuse des actes et de l' article 190 du traité
° Arguments des parties
163 Les requérantes exposent que la Commission a violé le principe de préparation soigneuse des actes, en n' examinant pas suffisamment la nécessité d' adopter des mesures de sauvegarde ainsi que les conséquences de celles-ci sur l' économie des Antilles néerlandaises et sur les entreprises concernées.
164 Elles relèvent que ce manque de diligence se traduit par une violation de l' obligation de motivation inscrite à l' article 190 du traité. En l' espèce, la motivation des deux décisions aurait dû être particulièrement explicite et complète puisqu' elles dérogent à la libre circulation des marchandises entre la Communauté et les PTOM. Or, la motivation de la première décision ne serait pas étayée et/ou incompréhensible sur six points, tandis que celle de la seconde viendrait encore obscurcir la motivation de la première. Ces six points ont trait à la comparaison des prix, aux risques courus par la politique agricole commune et par la production de riz en Guyane française, au lien entre le risque d' augmentation des importations de riz antillais et la (menace de) perturbation ou de détérioration alléguée.
165 Elles soutiennent, en outre, que la motivation de la seconde décision est incompatible avec celle de la première. En effet, la seconde décision constituant une prolongation de la première, le prix minimal absolu qu' elle prévoit aurait dû être fixé sur la base des mêmes critères que ceux qui ont présidé à la fixation du prix minimal relatif dans la première décision, à savoir le prix d' intervention et/ou les coûts de production du riz communautaire. Or, les requérantes constatent que le prix minimal absolu fixé par la seconde décision est inférieur de 170 écus/tonne au prix minimal relatif fixé dans la première décision. Elles en déduisent que cette différence doit pouvoir trouver son origine soit dans une diminution du prix d' intervention, soit dans une diminution des coûts de production du riz communautaire.
166 Les requérantes constatent que le prix d' intervention, loin de diminuer, a augmenté entre l' adoption de la première décision et celle de la seconde décision. Par conséquent, la diminution du prix minimal (prix minimal absolu de la seconde décision comparé au prix minimal relatif de la première décision) devrait trouver son origine dans une diminution des coûts de production d' une importance telle qu' elle ait pu à la fois compenser la diminution du prix d' intervention et celle de 170 écus du prix minimal relatif fixé dans la première décision.
167 Les requérantes en déduisent que soit la première décision est fondée sur une erreur manifeste d' appréciation qui a conduit la Commission à fixer un prix minimal relatif beaucoup trop élevé, soit la seconde décision est fondée sur des éléments qui n' ont pas été portés à leur connaissance ni à celle du Tribunal.
168 Selon les requérantes, la motivation de la seconde décision n' expliquerait pas non plus pourquoi la mesure de sauvegarde devrait être applicable jusqu' au 31 août 1993.
169 La Commission ne réfute pas spécifiquement ce moyen, se référant à son argumentation quant au bien-fondé des décisions attaquées.
° Appréciation du Tribunal
170 Il convient de rappeler qu' il est de jurisprudence constante que le caractère suffisant de la motivation d' un acte doit être apprécié au regard non seulement de son libellé mais aussi du contexte dans lequel l' acte en cause a été adopté (arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, point 16, et arrêt du Tribunal du 5 juin 1992, Finsider/Commission, T-26/90, Rec. p. II-1789, point 70).
171 Or, la période précédant l' adoption de la première décision ainsi que la période s' écoulant entre la première et la seconde décision ont été caractérisées par des contacts multiples directs ou indirects, par le biais de la représentation permanente néerlandaise, entre les requérantes et la Commission (voir le point 33 de la requête dans l' affaire T-480/93 et le point 57 de la requête dans l' affaire T-483/93, qui font état de la réunion du 12 janvier 1993 mentionnée ci-dessus, de l' introduction d' une réclamation écrite contre la mesure de sauvegarde après le 8 mars 1993, de la visite des représentants des requérantes à la Commission le 31 mars 1993 ainsi que des contacts téléphoniques à plusieurs reprises avec les services de la Commission). C' est à la lumière de ces circonstances que le caractère suffisant de la motivation des décisions attaquées doit être apprécié.
172 Le Tribunal constate, tout d' abord, que les cinq premières critiques formulées à l' encontre de la motivation de la première décision coïncident en substance avec les moyens examinés ci-dessus. L' appréciation portée par le Tribunal sur ces moyens démontre, en particulier, que les requérantes disposaient de toutes les données nécessaires pour apprécier le bien-fondé de cette décision et que le Tribunal a pu exercer normalement son contrôle de la légalité de cette décision sur la base de ces données (voir arrêts de la Cour du 30 septembre 1982, Amylum/Conseil, 108/81, Rec. p. 3107, point 19, du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 37, du 25 octobre 1984, Rijksuniversiteit te Groningen, 185/83, Rec. p. 3623, point 38, et Delacre e.a./Commission, précité, point 15).
173 Le Tribunal constate, ensuite, que le reproche principal que les requérantes émettent à l' encontre de la motivation de la seconde décision consiste à soutenir qu' elle n' explique pas l' écart considérable qui existe entre les prix minimaux imposés respectivement par la première et la seconde décision. Dès lors que le Tribunal a estimé que le prix minimal relatif imposé par la première décision était disproportionné, la motivation de la première décision soutenant la fixation de ce prix n' est plus valable. Il s' ensuit que l' incompatibilité alléguée entre la motivation de la première décision et celle de la seconde ne trouve pas son origine dans un défaut de motivation de la seconde décision, mais résulte du contenu de la première décision, et qu' il ne saurait dès lors être question de contradiction des motifs.
174 En ce qui concerne le prétendu défaut de motivation quant à la durée initiale de la mesure de sauvegarde, il suffit de constater, ainsi qu' il ressort de l' article 3 du règlement n 1418/76, du 21 juin 1976, que la campagne de commercialisation du riz se termine le 31 août.
175 Il résulte de ce qui précède que ce moyen doit être rejeté.
Les conclusions en indemnisation
176 A titre liminaire, il convient d' observer que, selon une jurisprudence bien établie, la responsabilité de la Communauté ne saurait être engagée sur la base de l' article 215 du traité que si sont réunies un ensemble de conditions ayant trait à la réalité du dommage, à l' existence d' un lien de causalité entre le préjudice invoqué et le comportement reproché aux institutions et à l' illégalité de ce comportement (voir l' arrêt de la Cour du 28 avril 1971, Luetticke/Commission, 4/69, Rec. p. 325, point 10). En l' espèce, l' objet du recours en indemnité doit être limité à la question de savoir si, en fixant dans la première décision, en violation de l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM, un prix minimal relatif trop élevé, la Commission a engagé la responsabilité de la Communauté, dès lors qu' il s' agit là de la seule illégalité qui a été constatée dans le cadre du recours en annulation. Cette limitation de l' objet du recours en indemnité implique aussi que seul peut être pris en compte le dommage prétendument causé par la première décision.
A ° Sur la faute
177 Quant à la gravité de la faute requise applicable, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, si l' acte reproché est un acte normatif qui implique un choix de politique économique, la responsabilité de la Communauté ne pourra être engagée "qu' en présence d' une violation suffisamment caractérisée d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers" (voir arrêt de la Cour du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schoeppenstedt/Conseil, 5/71, Rec. p. 975, point 11, et arrêt du Tribunal du 27 juin 1991, Peine-Salzgitter/Commission, T-120/89, Rec. p. II-279, point 74). Il convient donc d' examiner si la première décision était un acte normatif impliquant un choix de politique économique afin de déterminer la gravité de la faute requise pour que soit engagée la responsabilité extracontractuelle de la Communauté.
178 En l' espèce, les requérantes rappellent que les décisions attaquées les concernent directement et individuellement et qu' elles ne peuvent dès lors pas être considérées comme des actes normatifs (arrêt Zuckerfabrik Schoeppenstedt/Conseil, précité, voir également les conclusions de l' avocat général M. VerLoren van Themaat sous l' arrêt du 5 mars 1986, Tezi Textiel/Commission, 59/84, Rec. p. 887, 889).
179 La Commission estime, au contraire, que les décisions attaquées sont des actes normatifs qui impliquent indéniablement des choix de politique économique et qu' il faut dès lors que le critère plus sévère de responsabilité soit appliqué.
180 A cet égard, le Tribunal constate, tout d' abord, que l' obligation de respecter un prix de vente minimal s' impose d' une manière générale à chaque opérateur économique susceptible d' importer du riz antillais dans la Communauté. Il ressort ensuite des termes de l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM que la Commission dispose d' un large pouvoir d' appréciation en la matière. En effet, cette disposition prévoit que, dès lors que certains critères sont réunis, la Commission peut prendre des mesures de sauvegarde. Par conséquent, l' adoption de mesures de sauvegarde implique un choix de la part de la Commission qui se situe, en l' espèce, dans les domaines de la politique agricole communautaire et de l' association des PTOM. Il s' ensuit que "la responsabilité de la Communauté ne saurait être engagée qu' en présence d' une violation suffisamment caractérisée d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers" (voir l' arrêt Zuckerfabrik Schoeppenstedt/Conseil, précité, point 11).
181 Cette conclusion n' est pas remise en cause par le fait que, dans le cadre du recours en annulation, le Tribunal a jugé que les requérantes étaient individuellement concernées par la première décision. En effet, le Tribunal rappelle que "l' action prévue aux articles 178 et 215 du traité a été instituée comme une voie autonome, ayant sa fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours et subordonnée à des conditions d' exercice conçues en vue de son objet spécifique" (ordonnance Van Parijs e.a./Conseil et Commission, précitée, point 14).
182 A cet égard, il convient de relever que le même acte, qui est le résultat du choix d' une institution communautaire opéré en vertu de son pouvoir d' appréciation, ne peut pas être soumis, dans le cadre d' un recours en indemnité, à un régime différent de responsabilité selon que le requérant est, dans le cadre d' un recours en annulation connexe, individuellement concerné par ledit acte ou non.
183 La constatation dans le cadre d' un recours en annulation qu' un requérant est individuellement concerné par l' acte reproché, impliquant que ledit acte constitue à cet égard une décision pour le requérant en cause, n' empêche pas que le même acte soit considéré comme un acte normatif dans le cadre d' un recours en indemnité (voir, à cet égard, l' arrêt Sofrimport/Commission, précité, points 25 et 26, dans lequel la Cour, après avoir accepté que la requérante était individuellement concernée, a néanmoins appliqué le critère de responsabilité relatif aux actes normatifs).
184 En outre, le fait qu' une personne est individuellement concernée ne découle que de certaines qualités qui lui sont propres ou d' une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne. Ce sont des circonstances qui ne sont pertinentes qu' au niveau de la recevabilité d' un recours en annulation et ne dépendent pas de l' institution communautaire dont l' acte émane. Elles ne devraient dès lors pas être déterminantes pour le régime de responsabilité retenu.
185 Enfin, dans le cadre d' un recours en annulation, il est de jurisprudence déjà bien établie de la Cour qu' un acte qui, par sa nature et sa portée, a un caractère normatif, en ce qu' il s' applique à la généralité des opérateurs économiques intéressés, peut concerner individuellement certains d' entre eux (arrêt Codorniu/Conseil, précité, point 19). Même si cet acte, lors de la détermination de la recevabilité du recours en annulation, peut être considéré, pour les requérants en cause, comme une décision, cela n' empêche pas que son caractère normatif subsiste, sa nature et sa portée intrinsèques n' ayant pas été modifiées par cette appréciation.
186 Il convient donc d' examiner si l' illégalité de la première décision, telle que l' a constaté le Tribunal, peut être qualifiée de violation suffisamment caractérisée d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers.
Arguments des parties
187 Les requérantes exposent que la triple condition d' une violation suffisamment caractérisée d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers est remplie. En premier lieu, elles soulignent qu' elles ont invoqué, dans le cadre de leurs conclusions en annulation, une violation de l' article 109 de la décision PTOM. En deuxième lieu, elles estiment que le principe de proportionnalité, inscrit à l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM, est une règle supérieure qui tend à protéger leurs intérêts. En troisième lieu, elles font valoir que le troisième moyen invoqué à l' appui de leurs conclusions en annulation démontre que la Commission a violé d' une manière suffisamment caractérisée lesdites dispositions, parce que, si elle s' était donné la peine d' examiner de manière indépendante si les conditions d' adoption d' une mesure de sauvegarde étaient remplies, elle aurait pu éviter facilement l' erreur d' appréciation de la situation qu' elle a commise en imposant de telles mesures.
188 La Commission estime que sa responsabilité ne saurait être engagée, même si elle a commis un acte illicite en prenant les mesures de sauvegarde attaquées. Elle souligne d' abord qu' une violation suffisamment caractérisée n' est pas établie. Pour qu' il y ait une telle violation dans l' exercice d' un pouvoir discrétionnaire, la Commission devrait avoir méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s' imposent à l' exercice de ses pouvoirs (arrêt de la Cour du 25 mai 1978, HNL e.a./Conseil et Commission, 83/76 et 94/76, 4/77, 15/77 et 40/77, Rec. p. 1209, point 6). Or, la seule faute que la Commission pourrait avoir commise en l' espèce, ce qu' elle conteste au demeurant, serait d' avoir mal apprécié une situation économique complexe ou de n' en avoir pas tiré les conclusions correctes. Une telle "faute" ne saurait en aucun cas être considérée comme une méconnaissance manifeste et grave des limites s' imposant à son pouvoir d' appréciation. Elle conteste également avoir violé une règle supérieure de droit qui protège les intérêts des requérantes, l' article 109 de la décision PTOM ne protégeant que des secteurs d' activité économique de la Communauté.
Appréciation du Tribunal
189 Le Tribunal estime, en premier lieu, que le principe de proportionnalité, inscrit à l' article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM, est un principe supérieur de droit protégeant les particuliers (arrêt de la Cour du 14 janvier 1987, Zuckerfabrik Bedburg e.a./Conseil et Commission, 281/84, Rec. p. 49, points 35 à 38). En effet, le fait que cette disposition n' autorise que les mesures de sauvegarde qui sont strictement indispensables pour remédier aux difficultés qui se sont manifestées a effectivement pour objet de protéger les intérêts des particuliers.
190 Il convient dès lors d' examiner, en second lieu, si la fixation d' un prix minimal pour le riz antillais à un niveau tel qu' il devenait plus cher que le riz en provenance de pays tiers constitue une violation suffisamment caractérisée de ce principe, et si elle constitue une méconnaissance manifeste et grave des limites qui s' imposent à l' exercice des pouvoirs de la Commission (arrêts de la Cour HNL e.a./Conseil et Commission, précité, point 6, et du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C-104/89 et C-37/90, Rec. p. I-3061, point 12) dans la mise en oeuvre de la politique agricole commune ainsi que de l' article 109 de la décision PTOM, tâche pour laquelle la Commission dispose d' un large pouvoir d' appréciation.
191 Sur ce point, il convient tout d' abord de relever que, le 14 janvier 1993, le ministre des Finances des Antilles néerlandaises a fixé un prix minimal à l' exportation égal à 120 % du prélèvement applicable au riz semi-blanchi, ce qui correspond au prix minimal relatif imposé par la Commission dans sa première décision. Il s' ensuit que, dans sa première décision, la Commission n' a rien fait d' autre ° à tout le moins sur le point litigieux ° que reproduire le contenu de la mesure adoptée par les autorités compétentes du PTOM concerné. Elle s' est, de la sorte, bornée à joindre à la mesure en cause un système de sanction communautaire.
192 Le Tribunal constate ensuite que, lors de la réunion du 12 janvier 1993, dont il est constant entre les parties qu' il n' existe pas de compte rendu, les parties ont discuté de la possibilité de remplacer l' adoption d' une mesure communautaire par l' adoption d' une mesure unilatérale par le gouvernement des Antilles néerlandaises (voir la lettre du représentant permanent des Pays-Bas du 11 janvier 1993 reprise dans l' annexe 1 à l' annexe 9 à la requête dans l' affaire T-480/93, qui parle, à cet égard, d' un prix minimal de 120 % du prélèvement applicable au riz brun). La Commission a prétendu devant le Tribunal qu' elle a estimé que ce prix était trop bas et qu' elle a insisté pour l' augmenter (point 21 de la duplique). C' est dans ces circonstances qu' elle a été informée, par les lettres du 14 janvier 1993 du ministre-président des Antilles néerlandaises et du 15 janvier 1993 du représentant permanent néerlandais (voir les annexes 2 et 3 à la duplique dans l' affaire T-480/93 ainsi que dans l' affaire T-483/93), de l' imposition d' un prix minimal à l' exportation égal à 120 % du prélèvement applicable au riz semi-blanchi, sans qu' y soit mentionnée la possibilité que cette mesure soit entachée d' une inexactitude.
193 Le Tribunal observe également que ce n' est que le 8 mars 1993 (voir lettre du représentant permanent néerlandais du 22 juillet 1994, produite en annexe aux réponses des requérantes aux questions écrites du Tribunal), lors d' une réunion du Conseil, que la Commission a été informée que la mesure antillaise reposait sur une inexactitude. En outre, il est constant qu' entre le 14 janvier 1993, date de l' entrée en vigueur de la mesure unilatérale du ministre des Finances des Antilles néerlandaises, et le 25 février 1993, date de la décision de la Commission, les requérantes n' ont entrepris aucune démarche auprès de la Commission pour prévenir celle-ci de l' inexactitude constatée et du fait que, pour cette raison, la mesure n' était pas appliquée, alors même qu' elles savaient que ladite mesure visait à rendre superflue l' adoption par la Commission d' une mesure de sauvegarde.
194 Il résulte de tout ce qui précède que la Commission, au moment où elle a adopté la première décision, s' est référée de bonne foi à la mesure du gouvernement des Antilles néerlandaises sans avoir été avertie par les parties directement concernées, comme les requérantes, de l' inexactitude dont cette mesure était entachée. Celles-ci ont donc contribué à l' ignorance de la Commission à ce propos. Il résulte de ces circonstances que la Commission n' a pas méconnu d' une manière manifeste et grave les limites qui s' imposent à l' exercice de ses pouvoirs et, par conséquent, qu' elle n' a pas commis une violation suffisamment caractérisée du principe supérieur de droit que constitue le principe de proportionnalité.
B ° Sur le dommage
Arguments des parties
195 Les requérantes Ter Beek, dans l' affaire T-480/93, et ERB et Guyana Investments, dans l' affaire T-483/93, soutiennent que le dommage causé par la première décision résulte de ce que celle-ci a rendu impossible la vente de riz antillais. La première décision aurait entraîné, pour le riz qui était en cours d' acheminement lors de l' entrée en vigueur de la mesure, des frais d' entreposage et d' assurance, une diminution de sa valeur du fait d' un entreposage de longue durée, une perte d' intérêts et des frais divers. Pour le riz qu' elles avaient déjà vendu mais pas encore livré, elles pourraient être obligées de payer des indemnités aux acheteurs qui ne l' ont pas reçu. Enfin, il leur faudrait subir le manque à gagner que la vente et la transformation du riz pourraient avoir généré.
196 La requérante Alesie aurait subi une perte de recettes causée par une baisse de ses ventes.
197 Dans sa réplique, la requérante Ter Beek, dans l' affaire T-480/93, évalue le dommage subi à ce moment à 566 044,20 USD.
198 Dans leur réplique, les requérantes dans l' affaire T-483/93 ont estimé que le dommage subi s' élevait à un total de 8 562 000 USD. Par une lettre du 17 juin 1994, elles ont demandé à verser de nouvelles preuves au dossier et à majorer de 248 234 USD le montant du dommage dont elles sollicitent la réparation.
199 La Commission répond que, en raison du manque de précision des éléments produits par les requérantes pour déterminer le montant exact du dommage qu' elles auraient subi, le contrôle de son exactitude est impossible. Quant aux nouvelles pièces produites par les requérantes dans une lettre du 17 juin 1994, la Commission, appuyée par le gouvernement français, a demandé au Tribunal, dans une lettre du 20 juillet 1994, de ne pas les prendre en considération et de déclarer la demande d' augmentation du montant du dommage irrecevable. Le gouvernement français a fait remarquer que le montant demandé dans cette lettre des requérantes ne correspond pas au montant qui figure dans le tableau joint à celle-ci.
Appréciation du Tribunal
200 Il convient de relever, à titre liminaire, qu' il résulte d' une jurisprudence constante de la Cour "que, dans les domaines relevant de la politique de la Communauté en matière économique, il peut être exigé du particulier qu' il supporte, dans des limites raisonnables, sans pouvoir se faire indemniser par les fonds publics, certains effets préjudiciables à ses intérêts économiques, engendrés par un acte normatif, même si celui-ci est reconnu non valide" (arrêt HNL e.a./Conseil et Commission, précité, point 6; voir également l' arrêt Mulder e.a./Conseil et Commission, précité, point 13).
201 En l' espèce, le dommage allégué qui doit être pris en considération par le Tribunal se rapporte essentiellement aux cargaisons de riz antillais qui sont arrivées dans un port communautaire pendant la période d' application de la première décision, en ce qu' elles auraient entraîné des frais divers liés à un entreposage durant cette période. En effet, le Tribunal a jugé que la seconde décision n' est entachée d' aucune illégalité, de sorte que toute faute alléguée a nécessairement pris fin le 13 avril 1993, date de l' adoption de cette décision. En outre, à partir de cette date, les importations et donc les ventes de riz antillais dans la Communauté ont repris massivement (voir ici encore l' annexe 23 à la réplique dans l' affaire T-480/93 et l' annexe 24 à la réplique dans l' affaire T-483/93).
202 Il ressort du dossier que, pendant ladite période, trois cargaisons de la requérante Ter Beek (affaire T-480/93) sont en cause, à savoir celle du navire "Agnès", parti le 12 février 1993 et arrivé le 6 mars 1993 (1 216,8 tonnes), celle du navire "Erria", parti le 18 février 1993 et arrivé le 10 mars 1993 (1 072,5 tonnes), et celle du navire "Combi Trader", parti après le 9 mars 1993 (date de délivrance du connaissement) et arrivé le 31 mars 1993 (2 421,4 tonnes). Les cargaisons en cause dans l' affaire T-483/93 sont celle du navire "Munte", parti le 14 février 1993 et arrivé le 7 mars 1993 (2 633 tonnes), celle du navire "Wind Ocean", parti le 25 février 1993 et arrivé le 18 mars 1993 (4 175 tonnes), et celle du navire "Aquila", parti le 11 mars 1993 et arrivé le 30 mars 1993 (3 239 tonnes).
203 Le Tribunal constate que les durées d' entreposage et de retard éventuel des ventes s' élèvent respectivement à 38 jours (pour le navire "Agnès"), à 34 jours (pour le navire "Erria"), et à 13 jours (pour le navire "Combi Trader"), ainsi qu' à 37 jours (pour le navire "Munte"), à 26 jours (pour le navire "Wind Ocean") et à 14 jours (pour le navire "Aquila").
204 Or, force est de constater que ces durées d' entreposage ne sont pas anormales. En effet, les requérantes dans l' affaire T-483/93 ont expliqué devant le Tribunal que la vente des cargaisons de riz se faisait pendant que celles-ci se trouvaient en haute mer ou après leur arrivée dans un port communautaire. Dans ce dernier cas, le riz est entreposé jusqu' à ce qu' il soit livré à un acheteur. Un tel entreposage est donc normal, en dehors de tout contexte de mesure de sauvegarde prise par la Communauté, ainsi que cela ressort du tableau (annexe 20 à la réplique) produit par les requérantes dans l' affaire T-483/93. Celui-ci indique en effet que la cargaison de 750 tonnes de riz transportée par le navire "Green Tiger", arrivé à Rotterdam le 3 janvier 1993, n' était pas encore vendue à la date du 25 février 1993, soit 53 jours plus tard, et que la cargaison de 1 100 tonnes de riz transportée par le navire "Henderika Klein", arrivé à Rotterdam le 10 février 1993, n' était pas encore vendue à la date du 25 février 1993, soit quinze jours plus tard. Le Tribunal considère donc que les durées d' entreposage et l' éventuel retard qui en est résulté pour la vente n' ont pas nécessairement été allongés du fait de la première décision.
205 Ceci s' applique également à la requérante Ter Beek dans l' affaire T-480/93, qui a certes affirmé que ses cargaisons de riz étaient en général vendues à leur arrivée dans un port communautaire, mais qui n' a fait état d' aucune livraison spécifique à un quelconque acheteur qui aurait dû être retardée à la suite de la mise en vigueur de la première décision. A défaut de preuves concrètes présentées à cet égard devant le Tribunal, il n' est pas possible non plus de conclure que la requérante Ter Beek a subi un dommage qui dépasse certains effets préjudiciables à ses intérêts économiques que tout opérateur doit supporter lorsqu' ils sont engendrés par un acte normatif, même si celui-ci est reconnu non valide (arrêt HNL e.a./Conseil et Commission, précité, point 6).
206 Il convient encore d' ajouter que, à partir de la mi-avril, les ventes ont repris en grandes quantités (annexe 23 à la réplique dans l' affaire T-480/93 et annexe 24 à la réplique dans l' affaire T-483/93), dans un marché caractérisé, selon les dires mêmes des requérantes, par une pénurie de riz communautaire et une hausse des prix, ce dont ont dû profiter les requérantes.
207 Au surplus et en tout état de cause, si les requérantes ont subi un certain dommage du fait de l' application de la première décision, celui-ci n' était en aucun cas imprévisible, de sorte qu' elles auraient pu s' en prémunir. En effet, tous les navires cités ont quitté les Antilles néerlandaises pendant la phase préparatoire à l' adoption de la première décision, phase à laquelle les requérantes ont été dûment associées. Le troisième navire cité dans chacune des affaires est même parti après l' adoption de la première décision. Même si le marché communautaire était le seul débouché des requérantes en raison du niveau de prix qui ° comme conséquence de la politique agricole commune ° y était sensiblement plus élevé que le niveau de prix sur le marché mondial, il ressort de plusieurs éléments du dossier que les requérantes n' ont pas pu ignorer le risque que l' avantage communautaire dont elles pouvaient bénéficier pleinement pour la première fois depuis l' adoption de la décision PTOM, leur soit retiré un jour. En effet, on peut lire dans le Weekly Rice Market Report du 9 juin 1992 (vol. 73, n 24) que "importers report problems with shipments of Surinam and Guyana brown LG via the (Dutch) Antilles route. At this stage it is not yet clear, whether the problems are with sufficient carrier space or that the route is considered increasingly risky for the sellers in ... of (possible) actions by the EC Commission to close this route-gap" ["les importateurs font état de problèmes avec des cargaisons de riz brun à long grain en provenance du Surinam et de Guyana posés par la filière des Antilles (néerlandaises). A ce stade, il n' est pas encore clair si les problèmes ont trait à la capacité de transport ou si la filière doit être considérée comme de plus en plus risquée pour les vendeurs en cas de mesures (possibles) de la Commission pour fermer cette filière échappatoire"] (annexe 2 à l' annexe 9 à la requête dans l' affaire T-480/93); et dans le Weekly Rice Market Report du 4 août 1992 (vol. 73, n 32) que "the situation with Surinam rice via so-called Curacao-Route is completely unchanged. Sellers are still trying to enter the market without paying levies, but buyers prefer to await Commission investigation" ("la situation du riz en provenance du Surinam à travers la filière dite de Curaçao reste complètement inchangée. Les vendeurs sont encore en train d' essayer de pénétrer le marché sans payer le prélèvement mais les acheteurs préfèrent attendre l' enquête de la Commission") (annexe 2 à l' annexe 9 à la requête dans l' affaire T-480/93). En outre, dans plusieurs contrats de vente de riz antillais que les requérantes ont produits en annexe à leur réponse à une question écrite du Tribunal, des clauses ont été insérées, prévoyant que les termes du contrat seraient négociés à nouveau si le régime juridique de l' importation était modifié après la conclusion de ce contrat. L' argument des requérantes selon lequel ces clauses ne visaient que l' hypothèse de l' adoption d' une nouvelle décision PTOM ne saurait être retenu. En effet, la dernière décision PTOM ayant été adoptée en 1991, une nouvelle décision ne devrait être adoptée au plus tôt qu' en 1996, en vertu de l' article 136 du traité. Le Tribunal estime dès lors que lesdites clauses visaient une modification possible du régime d' importation dans la Communauté du riz antillais provoquée par l' instauration de mesures de sauvegarde.
208 Il résulte de tout ce qui précède que ni la faute ni le dommage allégués par les requérantes ne sont de nature à engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté. Les conclusions en indemnisation doivent donc être rejetées.
Sur les dépens
209 Aux termes de l' article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. La Commission ayant partiellement succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et un tiers des dépens des requérantes. Les requérantes ayant partiellement succombé en leur conclusions et la Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens, il y a lieu de décider qu' elles supporteront deux tiers de leurs propres dépens. Conformément à l' article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
déclare et arrête:
1) L' article 1er, paragraphe 1, de la décision 93/127/CEE de la Commission, du 25 février 1993, instaurant des mesures de sauvegarde pour le riz originaire des Antilles néerlandaises, est annulé.
2) Les recours sont rejetés pour le surplus.
3) La Commission supportera ses propres dépens et un tiers des dépens des requérantes. Les requérantes supporteront deux tiers de leurs dépens. Les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.