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Document 61993CJ0007

    Arrêt de la Cour du 28 septembre 1994.
    Bestuur van het Algemeen burgerlijk pensioenfonds contre G. A. Beune.
    Demande de décision préjudicielle: Centrale Raad van Beroep - Pays-Bas.
    Egalité de traitement entre hommes et femmes - Directive 79/7/CEE - Directive 86/378/CEE - Article 119 du traité CEE.
    Affaire C-7/93.

    Recueil de jurisprudence 1994 I-04471

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1994:350

    61993J0007

    Arrêt de la Cour du 28 septembre 1994. - Bestuur van het Algemeen burgerlijk pensioenfonds contre G. A. Beune. - Demande de décision préjudicielle: Centrale Raad van Beroep - Pays-Bas. - Egalité de traitement entre hommes et femmes - Directive 79/7/CEE - Directive 86/378/CEE - Article 119 du traité CEE. - Affaire C-7/93.

    Recueil de jurisprudence 1994 page I-04471


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    ++++

    1. Politique sociale ° Travailleurs masculins et travailleurs féminins ° Égalité de rémunération ° Rémunération ° Notion ° Régime de pension de la fonction publique établi par la loi assurant au fonctionnaire une protection contre le risque de vieillesse et constituant un avantage payé par l' employeur en raison de l' emploi ° Inclusion

    (Traité CEE, art. 119)

    2. Politique sociale ° Travailleurs masculins et travailleurs féminins ° Égalité de rémunération ° Article 119 du traité ° Effet direct ° Portée ° Maintien, dans un régime de pension de la fonction publique assimilable à un régime professionnel privé, d' un mode de calcul de la pension défavorisant les hommes mariés par rapport aux femmes mariées ° Inadmissibilité

    (Traité CEE, art. 119)

    3. Politique sociale ° Travailleurs masculins et travailleurs féminins ° Égalité de rémunération ° Article 119 du traité ° Applicabilité à un régime de pension de la fonction publique devant être considéré comme un régime professionnel au sens du Protocole n 2 sur l' article 119, annexé au traité sur l' Union européenne ° Droit de revendiquer l' égalité de traitement pour les prestations attribuées aux périodes d' emploi comprises entre le 8 avril 1976 et le 17 mai 1990, limité aux fonctionnaires discriminés et à leurs ayants droit ayant engagé une action en justice avant le 17 mai 1990

    (Traité CE, protocole n 2 sur l' art. 119)

    Sommaire


    1. Relève du champ d' application de l' article 119 du traité, avec cette conséquence qu' il est soumis à l' interdiction de discrimination en considération du sexe édictée par cet article, un régime de pension propre à la fonction publique, tel l' Algemene Burgerlijke Pensioenwet en vigueur aux Pays-Bas, qui est fonction, pour l' essentiel, de l' emploi qu' occupait l' intéressé, en ce sens que, bien que régi par la loi, il assure au fonctionnaire une protection contre le risque de vieillesse et constitue un avantage payé par l' employeur public au travailleur en raison de l' emploi de ce dernier, similaire à celui payé par un employeur privé en vertu d' un régime professionnel.

    En effet, aux fins de déterminer si c' est dans le champ d' application de la directive 79/7 ou dans celui de l' article 119 du traité que rentre un régime de pension, seul le critère tiré de la constatation que la pension est versée au travailleur en raison de la relation de travail entre l' intéressé et son ancien employeur peut revêtir un caractère déterminant.

    2. L' article 119 du traité, qui interdit toute discrimination en matière de rémunération entre travailleurs masculins et travailleurs féminins, quel que soit le mécanisme qui détermine cette inégalité, s' oppose à une législation nationale établissant un régime de pension de la fonction publique, assimilable à un régime professionnel privé, qui aboutit, en prévoyant une règle de calcul du montant de la pension de fonctionnaire différente pour les anciens fonctionnaires mariés de sexe masculin de celle applicable aux anciens fonctionnaires mariés de sexe féminin, à une discrimination au détriment des premiers.

    Ceux-ci peuvent invoquer le principe de l' égalité de rémunération de l' article 119 devant les juridictions nationales et doivent être traités de la même façon et se voir appliquer le même régime que les femmes mariées, régime qui, à défaut d' exécution correcte de l' article 119 en droit national, reste le seul système de référence valable.

    3. En vertu du protocole n 2 sur l' article 119 du traité, annexé au traité sur l' Union européenne, l' effet direct de l' article 119 ne peut être invoqué, afin d' exiger l' égalité de traitement en ce qui concerne le versement de prestations dues par un régime de pension de la fonction publique devant être considérées comme des prestations en vertu d' un régime professionnel au sens dudit protocole, et attribuées aux périodes d' emploi comprises entre le 8 avril 1976, date de l' arrêt Defrenne, 43/75, reconnaissant sans rétroactivité l' effet direct de l' article 119, et le 17 mai 1990, que par les fonctionnaires ou leurs ayants droit qui ont engagé une action en justice ou introduit une réclamation avant cette dernière date.

    Parties


    Dans l' affaire C-7/93,

    ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le Centrale Raad van Beroep et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

    Bestuur van het Algemeen burgerlijk pensioenfonds

    et

    G. A. Beune,

    une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation de l' article 119 du traité CEE et de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24),

    LA COUR,

    composée de MM. O. Due, président, J. C. Moitinho de Almeida et D. A. O. Edward, présidents de chambre, C. N. Kakouris, R. Joliet, G. C. Rodríguez Iglesias, F. Grévisse (rapporteur), M. Zuleeg et P. J. G. Kapteyn, juges,

    avocat général: M. F. G. Jacobs,

    greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,

    considérant les observations écrites présentées:

    ° pour le Bestuur van het Algemeen burgerlijk pensioenfonds, partie appelante au principal, par Mes G. R. J. de Groot et L. A. D. Keus, avocats au barreau de La Haye,

    ° pour G. A. Beune, partie intimée au principal, par Mes E. Lutjens et A. R. Bosman, avocats au barreau d' Utrecht,

    ° pour le gouvernement néerlandais, par M. A. Bos, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent,

    ° pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, Assistant Treasury Solicitor en qualité d' agent, assisté de M. N. Paines, barrister,

    ° pour la Commission des Communautés européennes, par Mme K. Banks et M. B. J. Drijber, membres du service juridique, en qualité d' agents,

    vu le rapport d' audience,

    ayant entendu les observations orales de la partie appelante au principal, de la partie intimée au principal, du gouvernement néerlandais, représenté par M. T. Heukels, conseiller juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent, du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission des Communautés européennes, à l' audience du 9 mars 1994,

    ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 27 avril 1994,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    1 Par ordonnance non datée parvenue à la Cour le 12 janvier 1993, le Centrale Raad van Beroep a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, sept questions préjudicielles relatives à l' interprétation de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24), et à l' interprétation de l' article 119 du traité CEE.

    2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant M. G. A. Beune au Bestuur van het Algemeen burgerlijk pensioenfonds (ci-après l' "ABP"), sur la détermination par l' ABP du montant de la pension de fonctionnaire de l' intéressé.

    3 Il ressort du dossier de l' affaire au principal que les fonctionnaires néerlandais relèvent du régime général de pension établi par l' Algemene Ouderdomswet (loi néerlandaise portant régime général des pensions de vieillesse, ci-après l' "AOW") et du régime de pension des fonctionnaires régi par l' Algemene Burgerlijke Pensioenwet (loi néerlandaise portant régime général des pensions civiles, ci-après l' "ABPW").

    4 L' AOW institue un régime général de pension de vieillesse au bénéfice des résidents néerlandais et des non-résidents soumis à l' impôt sur le revenu. La pension (ci-après la "pension générale"), fixée depuis 1965 par référence au salaire minimum en vigueur aux Pays-Bas, est calculée sur la base des périodes d' assurance accomplies et versée au taux plein pour cinquante années d' assurance.

    5 L' ABPW garantit au fonctionnaire ayant accompli au moins quarante années de service, une pension (ci-après la "pension de fonctionnaire") égale à 70 % du dernier traitement. Les droits à pension sont égaux pour les hommes et pour les femmes. Les pensions sont versées par l' ABP, qui est une personne morale de droit public instituée par la loi.

    6 Avant le 1er avril 1985, l' homme marié avait droit, au titre de l' AOW, à une pension générale pour le couple, égale à 100 % du salaire minimum en vigueur aux Pays-Bas. Les célibataires, hommes ou femmes, avaient droit à une pension générale égale à 70 % du salaire minimum. La femme mariée n' avait pas de droit propre; elle n' en acquérait un que dans l' hypothèse du décès de son mari.

    7 En vue d' éviter le cumul des deux pensions générale et de fonctionnaire, l' ABPW a prévu que la partie de la pension générale à laquelle avait droit le fonctionnaire comme tout résident néerlandais au titre de l' AOW et qui correspondait aux droits afférents aux périodes de service public de l' intéressé, serait considérée comme faisant partie de sa pension de fonctionnaire, c' est-à-dire comme "intégrée" à cette seconde pension. En pratique, l' ABP déduit le montant de la pension générale de la pension de fonctionnaire à verser à l' intéressé. Comme la pension de fonctionnaire est calculée sur la base d' une période d' assurance de quarante ans, c' est au maximum 80 % de la pension générale qui sont pris en compte, c' est-à-dire déduits.

    8 Pour la femme mariée fonctionnaire, qui n' avait pas de droit propre à une pension générale, l' ABPW prévoyait, avant le 1er avril 1985, que le montant de pension générale intégré à sa pension de fonctionnaire serait calculé par référence au montant de la pension générale de la femme célibataire, soit au maximum 80 % des 70 % du salaire minimum.

    9 A partir du 1er avril 1985, la femme mariée a obtenu un droit propre à une pension générale au titre de l' AOW. En conséquence de cette modification, le régime de l' ABPW a été révisé. Un régime transitoire a été appliqué du 1er avril 1985 au 1er janvier 1986. Depuis cette dernière date, le régime définitif suivant est applicable:

    - les droits à pension de fonctionnaire afférents aux périodes de service postérieures au 1er janvier 1986 sont calculés selon un système dit de franchise, dont il n' est pas contesté qu' il s' applique de façon égale aux hommes et aux femmes fonctionnaires: en effet, un même montant de pension générale est défalqué de la pension de fonctionnaire des hommes et des femmes mariés pouvant justifier le même nombre d' années dans la fonction publique;

    - pour les droits à pension afférents aux périodes de service antérieures au 1er janvier 1986, le régime en vigueur avant le 1er avril 1985 est maintenu, y compris pour les femmes mariées. Le montant de la pension générale à intégrer dans la pension de fonctionnaire pour les droits afférents aux périodes de service antérieures au 1er janvier 1986 reste donc fixé, pour la femme mariée fonctionnaire, par référence au montant de la pension de la femme célibataire, soit au maximum à 80 % des 70 % du salaire minimum, et pour l' homme marié fonctionnaire, au maximum à 80 % des 100 % du salaire minimum, puisque, dans ce dernier cas, les droits du conjoint au titre de l' AOW sont également intégrés.

    10 Il résulte des dispositions nationales applicables aux fonctionnaires néerlandais en matière de retraite que, du fait de l' assimilation de la femme mariée à la femme célibataire, en ce qui concerne le calcul de la pension générale intégrée dans la pension de fonctionnaire, la pension de fonctionnaire de l' homme marié est systématiquement inférieure à la pension de fonctionnaire versée à la femme mariée ayant atteint le même rang dans la fonction publique, en ce qui concerne les droits afférents aux périodes de service antérieures au 1er janvier 1986.

    11 Le 3 février 1988, M. Beune a atteint l' âge de 65 ans. Il percevait à cette date une pension d' invalidité qui a été recalculée conformément aux dispositions de l' ABPW. Il est constant que cette particularité n' a toutefois aucune incidence sur les questions posées par la juridiction de renvoi, la pension d' invalidité étant recalculée comme une pension de retraite. Mme Beune, née en 1922, avait également droit à une pension générale.

    12 Par l' effet de la prise en compte des droits afférents aux périodes de service antérieures au 1er janvier 1986, le montant de pension générale qui a été intégré à la pension de fonctionnaire de M. Beune s' élève à 16 286,59 HFL par an, soit, selon les termes du Centrale Raad van Beroep, 40 x 2 % de deux fois la pension d' une personne mariée au titre de l' AOW. Or, pour une femme mariée fonctionnaire, qui aurait eu le même nombre d' années de service dans la fonction publique que M. Beune, ce sont seulement 11 300 HFL par an, correspondant à 80 % de la pension générale d' une personne célibataire perçue au titre de l' AOW, qui auraient été intégrés à la pension de fonctionnaire de l' intéressée.

    13 M. Beune a introduit une réclamation devant l' ABP en faisant valoir que l' ABPW accordait un régime plus favorable aux femmes mariées qu' aux hommes mariés, pour les périodes de service antérieures au 1er janvier 1986. Il a fait valoir que cette discrimination était incompatible avec la directive 79/7.

    14 Le litige a été porté devant le juge de première instance, qui a admis les griefs formulés par M. Beune. L' ABP a fait appel devant le Centrale Raad van Beroep, qui a sursis à statuer et posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    "1) La notion de régime légal qui assure une protection contre le risque de vieillesse, au sens de l' article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7/CEE doit-elle être comprise en ce sens qu' elle inclut un régime légal de pension destiné (en ordre principal) aux fonctionnaires, tel que celui-ci est prévu par l' ABPW (Algemene Burgerlijke Pensioenwet ° Loi néerlandaise portant régime général des pensions civiles)?

    2) Dans l' affirmative, le principe de l' égalité de traitement, inscrit à l' article 4, paragraphe 1, de la directive précitée doit-il être interprété en ce sens qu' il s' oppose à un régime différent de cumul de la pension du régime général (AOW ° Algemene Ouderdomswet ° Loi néerlandaise portant régime général des pensions de vieillesse) et de la pension de fonctionnaire pour, d' une part, les (anciens) fonctionnaires mariés de sexe masculin et, d' autre part, les (anciens) fonctionnaires mariés de sexe féminin?

    3) Pour le cas où les questions énoncées sous 1) et 2) appellent une réponse affirmative, à défaut de règles de droit national qui éliminent l' inégalité de traitement visée ci-dessus, l' ancien fonctionnaire marié de sexe masculin peut-il se fonder sur les dispositions de la directive 79/7/CEE pour exiger qu' en ce qui concerne son droit à une pension de fonctionnaire, il soit traité de la même manière qu' un fonctionnaire marié de sexe féminin qui, par ailleurs, se trouve dans la même situation?

    4) L' effet du principe de l' égalité de traitement, visé dans la question énoncée sous 3), implique-t-il que l' inégalité dans les droits à pension entre fonctionnaires mariés de sexe masculin et fonctionnaires mariés de sexe féminin, dont il est question dans la présente procédure, soit éliminée à partir du 23 décembre 1984, même dans la mesure où le droit à pension se fonde sur des périodes (c' est-à-dire la période de service en qualité de fonctionnaire) antérieures à cette date?

    Dans ce contexte, convient-il d' accorder encore de l' importance à un élément qui n' a pas été évoqué dans l' arrêt du 11 juillet 1991, Verholen e.a., (C-87/90, C-88/90 et C-89/90), dans l' arrêt du 8 mars 1988, Dik e.a. (C-80/87), et dans l' arrêt du 24 juin 1987, Borrie Clarke (384/85), à savoir que, dans le système de pension de l' ABPW, le financement s' effectue par voie de couverture en capital?

    Pour le cas où la Cour répond par la négative à la question énoncée sous 1), le Centrale Raad van Beroep demande à la Cour de justice, en ne tenant pas compte des questions énoncées sous 2) à 4), de répondre aux questions énoncées ci-après.

    5) La notion de rémunération inscrite à l' article 119 du traité CEE doit-elle être comprise en ce sens qu' elle vise également une pension de vieillesse destinée (en ordre principal) aux fonctionnaires, telle que celle prévue par l' ABPW néerlandaise?

    6) Pour le cas où la question énoncée sous 5) appelle une réponse affirmative et qu' il convient de se fonder sur le principe selon lequel le régime différent pour les (anciens) fonctionnaires mariés de sexe masculin et de sexe féminin, en ce qui concerne le cumul de la pension du régime général (AOW) et de la pension de fonctionnaire, est contraire au principe de l' égalité de rémunération entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, inscrit dans la disposition précitée du traité, le fonctionnaire marié de sexe masculin peut-il invoquer ce principe pour faire en sorte qu' en ce qui concerne son droit à pension, il soit traité de la même façon qu' un fonctionnaire marié de sexe féminin?

    7) Peut-on trouver dans le droit communautaire des critères permettant, pour le cas où les questions énoncées sous 5) et 6) appellent une réponse affirmative, de limiter les conséquences de la violation du droit communautaire, tant du point de vue de la date à partir de laquelle on peut faire valoir un droit à l' égalité de traitement que du point de vue des périodes au cours desquelles un droit à pension a été constitué?

    Le fait que, dans le système de pension en question, le financement s' opère par voie de couverture en capital présente-t-il un intérêt aux fins de la réponse à cette dernière question?"

    15 Ces questions tendent en substance à déterminer:

    - si un régime de pension, tel que celui régi par l' ABPW, entre dans le champ d' application de la directive 79/7, ou bien dans celui de l' article 119 du traité;

    - si les dispositions communautaires pertinentes s' opposent à ce qu' une législation nationale telle que l' ABPW prévoie une règle différente, pour les hommes mariés et les femmes mariées, en ce qui concerne le calcul du montant de la pension de fonctionnaire, et si ces dispositions communautaires peuvent être invoquées par les anciens fonctionnaires de sexe masculin, pour obtenir le même traitement que celui accordé aux anciens fonctionnaires de sexe féminin;

    - en cas de réponse affirmative à la question précédente, s' il est possible de limiter dans le temps les effets du présent arrêt.

    Sur les première et cinquième questions

    16 M. Beune affirme que le régime de pension institué par l' ABPW entre dans le champ d' application de la directive 79/7. Selon lui, les anciens fonctionnaires de sexe masculin sont victimes d' une discrimination incompatible avec le principe d' égalité posé par l' article 4 de la directive. Cet article peut être invoqué directement, et les hommes mariés doivent bénéficier du traitement accordé aux femmes mariées. Un État membre ne peut pas maintenir après le 23 décembre 1984, date à laquelle la directive 79/7 devait être transposée, des inégalités de traitement dues au fait que les conditions exigées pour la naissance du droit à prestation sont antérieures à cette date. Il souligne qu' ainsi que la Cour l' a jugé dans son arrêt du 11 juillet 1991, Verholen e.a. (C-87/90, C-88/90 et C-89/90, Rec. p. I-3757), le fait que le régime litigieux serait, ce qu' il conteste, financé par capitalisation, ne pourrait pas conduire à une conclusion différente.

    17 L' ABP et le gouvernement néerlandais soutiennent dans leurs observations écrites que le régime de pension institué par l' ABPW entre, non pas dans le champ d' application de la directive 79/7, mais dans celui de la directive 86/378/CEE du Conseil, du 24 juillet 1986, relative à la mise en oeuvre du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale (JO L 225, p. 40). Ils font valoir que ce régime s' applique à un groupe particulier de travailleurs, qu' il ne peut être modifié qu' en concertation avec les représentants du personnel, qu' il assure une prestation complémentaire par rapport à la pension générale.

    18 Le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission soutiennent que les prestations versées aux fonctionnaires au titre de l' ABPW doivent être considérées comme des rémunérations au sens de l' article 119 du traité. Ils sont d' avis qu' en raison de l' arrêt rendu par la Cour le 17 mai 1990, Barber (C-262/88, Rec. p. I-1889), le fait que le régime de pension soit défini par le législateur ne doit pas interdire une telle qualification.

    19 En vertu de l' article 3, paragraphe 1, de la directive 79/7, cette dernière s' applique aux régimes légaux qui assurent notamment une protection contre le risque de vieillesse.

    20 Aux termes de l' article 119, deuxième alinéa, du traité, il faut entendre par "rémunération", au sens de cette disposition, "le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l' employeur au travailleur en raison de l' emploi de ce dernier".

    21 Comme la Cour l' a déjà jugé (voir arrêt du 13 mai 1986, Bilka, 170/84, Rec. p. 1607; arrêt Barber, précité, point 12; arrêt du 6 octobre 1993, Ten Oever, C-109/91, Rec. p. I-4879, point 8), la circonstance que certaines prestations sont versées après la cessation de la relation d' emploi n' exclut pas qu' elles puissent avoir un caractère de rémunération au sens de l' article 119.

    22 Comme le fait, d' ailleurs, l' avocat général aux points 22 et suivants de ses conclusions, il convient, pour déterminer si un régime de pension du type de celui institué par l' ABPW relève de la directive 79/7 ou de l' article 119, d' analyser la valeur relative des critères auxquels la Cour s' est référée dans sa jurisprudence antérieure.

    23 Au gré des situations dont elle a été saisie, la Cour a notamment retenu les critères suivants: l' intervention de la loi dans la définition d' un régime de pension, la concertation entre les employeurs et les représentants des travailleurs, le caractère complémentaire des avantages accordés aux travailleurs par rapport aux prestations de sécurité sociale, les modalités de financement du régime de pension, son applicabilité à des catégories générales de travailleurs, enfin la relation entre la prestation et l' emploi du travailleur.

    24 La constatation que le régime de pension est fixé directement par la loi donne sans doute une indication forte que les prestations servies par ce régime sont des prestations de sécurité sociale. En effet, selon une jurisprudence constante (arrêts du 25 mai 1971, Defrenne, 80/70, Rec. p. 445, points 7 et 8, et, en dernier lieu, Ten Oever, précité, point 9), si des avantages participant de la nature des prestations de sécurité sociale ne sont pas, en principe, étrangers à la notion de rémunération, on ne saurait cependant inclure dans cette notion, telle qu' elle est délimitée à l' article 119, les régimes ou prestations de sécurité sociale comme, par exemple, les pensions de retraite, réglés directement par la loi à l' exclusion de tout élément de concertation au sein de l' entreprise ou de la branche professionnelle intéressée, et obligatoirement applicables à des catégories générales de travailleurs. Ces régimes assurent en effet aux travailleurs le bénéfice d' un système légal au financement duquel les travailleurs, les employeurs et éventuellement les pouvoirs publics contribuent dans une mesure qui est moins fonction du rapport d' emploi entre employeur et travailleur que de considérations de politique sociale.

    25 A cet égard, il peut être observé qu' un régime tel que celui institué par l' AOW entre dans le champ d' application de la directive 79/7 (voir, notamment, arrêt Verholen e.a., précité).

    26 Toutefois, le fait qu' un régime comme l' ABPW est directement fixé par la loi ne suffit pas à l' exclure du champ d' application de l' article 119. Dès l' arrêt du 8 avril 1976, Defrenne II (43/75, Rec. p. 455, point 21), la Cour a indiqué que, parmi les discriminations directes susceptibles d' être constatées à l' aide des seuls critères fournis par l' article 119, il faut compter notamment celles qui ont leur source dans des dispositions de nature législative.

    27 Cette interprétation a été confirmée dans l' arrêt Barber, précité. La Cour a notamment rappelé (point 16) qu' une indemnité de licenciement versée par l' employeur ne saurait cesser de constituer une rémunération au sens de l' article 119, au seul motif que, au lieu de résulter du contrat de travail, elle est prévue par la loi ou qu' elle est versée volontairement.

    28 En effet, comme la Cour l' a affirmé dans l' arrêt Defrenne II, précité (point 12), le principe d' égalité de rémunération fait partie des fondements de la Communauté. Le sens et la portée de ce dernier ne sauraient donc être déterminés en fonction d' un critère formel, dépendant lui-même des règles ou pratiques des États membres. La nécessité d' assurer une application uniforme du traité dans toute la Communauté exige que l' article 119 soit interprété de manière autonome par rapport à ces règles ou pratiques.

    29 En particulier, la possibilité d' invoquer l' article 119 devant le juge national ne peut pas être subordonnée au point de savoir si l' inégalité de traitement en matière de rémunération, dont le travailleur se prétend victime, trouve son fondement dans une disposition législative, réglementaire, ou encore dans un éventuel accord collectif.

    30 Aussi bien, pour caractériser un régime de pension, la Cour ne s' est-elle pas bornée à la constatation formelle de l' intervention d' une loi. Au critère légal, il lui est arrivé de préférer le critère conventionnel. Ainsi, dans l' arrêt Bilka, précité (points 20 à 22), la Cour a affirmé que, même s' il a été adopté en conformité avec la loi, un régime de pension qui trouve sa source dans un accord intervenu entre l' employeur et les représentants du personnel, et qui a pour effet de compléter les prestations sociales, dues en vertu de la législation nationale d' application générale, par des prestations dont le financement est supporté uniquement par l' employeur, n' est pas un régime de sécurité sociale, et qu' un tel régime sert des prestations constituant un avantage payé par l' employeur au travailleur en raison de l' emploi de ce dernier, au sens de l' article 119, deuxième alinéa. Dans l' arrêt Barber, précité (points 25 et 27), elle a encore jugé que des régimes tels que les régimes professionnels privés conventionnellement exclus, qui résultent soit d' une concertation entre partenaires sociaux, soit d' une décision unilatérale de l' employeur, dont le financement est assuré entièrement par l' employeur, ou à la fois par ce dernier et par les travailleurs, sans que, en aucun cas, les pouvoirs publics y participent, font partie des avantages que l' employeur propose aux travailleurs. Même si les cotisations payées à ces régimes et les prestations qu' ils assurent se substituent pour partie à celles du régime légal général, cette circonstance n' est pas de nature à exclure l' application de l' article 119.

    31 Cette interprétation a été confirmée dans l' arrêt Ten Oever, précité (points 10 et 11). Un régime de pension qui est établi par concertation entre partenaires sociaux, et financé exclusivement par les travailleurs et les employeurs du secteur considéré, à l' exclusion de toute intervention financière publique, relève du champ d' application de l' article 119, y compris lorsque les pouvoirs publics, à la demande des organisations patronales et syndicales intéressées, ont déclaré le régime obligatoire pour l' ensemble du secteur professionnel.

    32 Toutefois, la concertation entre employeurs et représentants des travailleurs est, au sens de cette jurisprudence, celle aboutissant à un accord formel. En effet, la plupart des États membres connaissent, même dans la fonction publique, des formes diverses de consultation entre employeurs et travailleurs, qui revêtent des formes différentes et qui lient plus ou moins les parties sans pour autant aboutir nécessairement à de véritables conventions.

    33 Ainsi, en l' espèce, la circonstance, invoquée par le gouvernement néerlandais, que les organisations représentatives du personnel de la fonction publique participent à la gestion du régime, et qu' en pratique, une concertation a lieu avec elles préalablement à la modification de ce dernier, ne permet pas de faire prévaloir le critère jugé pertinent dans l' arrêt Ten Oever, précité. En effet, cette concertation n' aboutit pas à la conclusion d' un accord formel fixant les modalités du régime, qui s' imposeraient ensuite aux pouvoirs publics et au législateur. Il ne résulte d' ailleurs pas du dossier soumis à la Cour que, lors de la modification de l' ABPW en 1985 puis en 1986, le législateur ait été formellement lié par un accord préalable conclu entre partenaires sociaux de la fonction publique, ou encore qu' il soit seulement intervenu pour rendre cet accord obligatoire à l' ensemble de la fonction publique.

    34 Se référant à un autre critère pris en compte par la Cour, le gouvernement néerlandais a fait valoir que la pension de fonctionnaire servie par l' ABP avait le caractère d' une pension complémentaire par rapport à la pension générale.

    35 M. Beune a contesté cette affirmation, tout au moins pour ce qui concerne la nature de la pension du fonctionnaire avant la révision de l' ABPW intervenue en 1986.

    36 Il apparaît, en effet, que le régime de l' ABPW était, à l' origine, un régime de base d' assurance vieillesse, propre aux fonctionnaires. Lorsque a été instituée la pension générale servie par l' AOW, régime général de base d' assurance vieillesse, une disposition a été introduite, en vue d' éviter tout cumul de la pension de fonctionnaire, dont le niveau était jugé satisfaisant, et de la pension générale. La partie de la pension générale qui correspond aux droits afférents aux périodes de service public s' impute en conséquence sur la pension du fonctionnaire, à la différence des droits à pension générale acquis par le fonctionnaire au titre des périodes d' assurance en dehors des périodes de service public, qui ne sont pas imputés et dont l' ancien fonctionnaire conserve le bénéfice intégral.

    37 En tout état de cause, il doit être souligné qu' ainsi que cela apparaît dans l' arrêt Barber (point 27), l' application de l' article 119 n' est pas subordonnée à la condition qu' une pension soit une pension complémentaire par rapport à une prestation servie par un régime légal de sécurité sociale. Les prestations versées par un régime professionnel, qui se substitueraient, partiellement ou totalement, aux prestations versées par un régime légal de sécurité sociale pourraient relever de l' article 119.

    38 Quant au critère tiré des modalités de financement et de gestion d' un régime de pension tel que celui institué par l' ABPW, il ne permet pas non plus de décider si le régime entre dans le champ d' application de l' article 119.

    39 Sans doute, un fonds de pension comme le fonds néerlandais est-il presque entièrement financé par des cotisations versées par les divers employeurs de la fonction publique et par les retenues opérées sur le traitement des fonctionnaires, et géré de façon autonome, selon des règles proches de celles applicables aux fonds de pension professionnels. Mais ces caractéristiques ne le distinguent pas substantiellement de certains régimes de sécurité sociale relevant de la directive 79/7 qui, dans le cadre de dispositions légales ou réglementaires fixant le régime des cotisations et des prestations, peuvent également être financés par des cotisations des employeurs et des salariés et être gérés paritairement par les partenaires sociaux.

    40 De plus, comme cela résulte des réponses du gouvernement néerlandais et de l' ABP à une question de la Cour et à la différence du régime en cause dans l' arrêt Ten Oever, précité (voir point 31 ci-dessus), le recours exceptionnel de l' ABP au budget de l' État néerlandais est possible, si le fonds de pension ne peut pas satisfaire aux obligations que lui impose l' ABPW. Il apparaît, d' ailleurs, que l' État rembourse à l' ABP les coûts supplémentaires liés à la suppression des discriminations entre les veufs et les veuves. Le financement du régime n' est donc pas assuré exclusivement par les employeurs publics et par les travailleurs.

    41 Le gouvernement néerlandais fait encore remarquer dans ses observations écrites que le régime de pension institué par l' ABPW doit être considéré, au même titre que les autres régimes entrant dans le champ d' application de la directive 86/378, comme un régime destiné à un groupe professionnel spécifique, ce qui revient à contester que les fonctionnaires néerlandais puissent, pour la qualification en droit communautaire d' un régime de pension tel que l' ABPW, être considérés comme une "catégorie générale de travailleurs", au sens de la jurisprudence Defrenne I (voir point 24 ci-dessus).

    42 Encore qu' elle n' ait pas été définie par la Cour postérieurement à son arrêt Defrenne I, précité, il est exact que la notion de "catégories générales de travailleurs" peut difficilement s' appliquer à un groupe particulier de travailleurs tel que celui des fonctionnaires, qui ne se distinguent des travailleurs groupés dans une entreprise ou un groupement d' entreprises, dans une branche économique ou un secteur professionnel ou interprofessionnel, qu' en raison des caractéristiques propres qui régissent leur relation d' emploi avec l' État, avec d' autres collectivités ou employeurs publics.

    43 Il découle en réalité de l' ensemble de ce qui précède que seul le critère tiré de la constatation que la pension est versée au travailleur en raison de la relation de travail entre l' intéressé et son ancien employeur, c' est-à-dire le critère de l' emploi, tiré des termes mêmes de l' article 119, peut revêtir un caractère déterminant.

    44 Certes, comme la Cour l' avait reconnu dès son arrêt Defrenne I, on ne saurait donner au critère de la relation de travail un caractère exclusif. Ainsi, pour la naissance et la fixation des droits des intéressés, les pensions versées par des régimes légaux de sécurité sociale peuvent, en tout ou en partie, tenir compte de la rémunération d' activité. Elles échappent, pourtant, au champ d' application de l' article 119.

    45 Cependant, les considérations de politique sociale, d' organisation de l' État, d' éthique, ou même les préoccupations de nature budgétaire qui ont eu ou qui ont pu avoir un rôle dans la fixation, par le législateur national, d' un régime tel que le régime litigieux, ne sauraient prévaloir si la pension n' intéresse qu' une catégorie particulière de travailleurs, si elle est directement fonction du temps de service accompli, et si son montant est calculé sur la base du dernier traitement du fonctionnaire. La pension versée par l' employeur public est alors absolument comparable à celle que verserait un employeur privé à ses anciens salariés.

    46 Il découle de l' ensemble des considérations précédentes, qu' un régime de pension de la fonction publique, du type de celui en cause dans le litige au principal, qui est fonction, pour l' essentiel, de l' emploi qu' occupait l' intéressé, se rattache à la rémunération dont bénéficiait ce dernier et relève de l' article 119.

    47 Il y a donc lieu de répondre aux première et cinquième questions qu' une pension telle que celle versée en vertu de l' ABPW entre dans le champ d' application de l' article 119.

    Sur les deuxième, troisième et quatrième questions

    48 Compte tenu de la réponse aux première et cinquième questions, il n' y a pas lieu de répondre à ces trois questions.

    Sur la sixième question

    49 Par cette question, la juridiction nationale veut savoir si l' article 119 fait obstacle à l' application d' une législation telle que l' ABPW, en ce qui concerne la règle de calcul du montant de la pension de fonctionnaire de l' homme marié.

    50 Sur ce point, il suffit de rappeler que l' article 119 interdit toute discrimination en matière de rémunération entre travailleurs masculins et féminins, quel que soit le mécanisme qui détermine cette inégalité (arrêt Barber précité, point 32).

    51 Il résulte du dossier de l' affaire au principal résumé au point 10 ci-dessus que la législation litigieuse est directement discriminatoire au détriment des hommes. Comme le fait remarquer la Commission, le fait que seuls les hommes mariés soient désavantagés par ce régime, et non pas les hommes célibataires, ne modifie pas cette conclusion.

    52 En outre, selon une jurisprudence constante depuis l' arrêt Defrenne II, précité, le principe de l' égalité de rémunération de l' article 119 est susceptible d' être invoqué directement devant les juridictions nationales. La Cour a, d' ailleurs, rappelé que la prohibition des discriminations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins a une portée générale et s' impose à l' action des autorités publiques, comme à toutes conventions visant à régler de façon collective le travail salarié (arrêt du 27 juin 1990, Kowalska, C-33/89, p. I-2591, point 12).

    53 Il en découle qu' en l' espèce les hommes mariés défavorisés par la discrimination doivent être traités de la même façon et se voir appliquer le même régime que les femmes mariées, régime qui, à défaut d' exécution correcte de l' article 119 en droit national, reste le seul système de référence valable (voir, notamment, arrêts Barber, point 39, Kowalska, point 19, précités, et arrêt du 7 février 1991, Nimz, C-184/89, Rec. p. I-297, point 18 et, en ce qui concerne une discrimination au détriment des hommes, dans le calcul d' une pension de retraite de sécurité sociale, arrêt du 1er juillet 1993, Van Cant, C-154/92, Rec. p. I-3811, points 20 et 21).

    54 Il y a donc lieu de répondre à la sixième question que l' article 119 s' oppose à une législation telle que l' ABPW, qui, en ce qui concerne les droits afférents aux périodes de service antérieures au 1er janvier 1986, prévoit une règle de calcul du montant de la pension de fonctionnaire différente pour les anciens fonctionnaires mariés de sexe masculin de celle applicable aux anciens fonctionnaires mariés de sexe féminin, et que cet article peut être invoqué directement devant les juridictions nationales. Les hommes mariés défavorisés par la discrimination doivent être traités de la même façon et se voir appliquer le même régime que les femmes mariées.

    Sur la septième question

    55 La juridiction nationale veut encore savoir s' il est possible de limiter dans le temps les effets du présent arrêt.

    56 Le protocole n 2 sur l' article 119 du traité instituant la Communauté européenne, annexé audit traité, stipule que "aux fins de l' application de l' article 119, des prestations en vertu d' un régime professionnel de sécurité sociale ne seront pas considérées comme rémunération si et dans la mesure où elles peuvent être attribuées aux périodes d' emploi antérieures au 17 mai 1990, exception faite pour les travailleurs ou leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou introduit une réclamation équivalente selon le droit national applicable". En vertu de l' article 239 du traité, le protocole fait partie intégrante de ce dernier.

    57 Il découle de la réponse aux première et cinquième questions, et notamment du point 42 du présent arrêt, que la pension servie par l' ABPW doit être considérée comme une prestation en vertu d' un régime professionnel, au sens du protocole précité. Bien que cette prestation soit régie par la loi, elle assure en effet au fonctionnaire une protection contre le risque de vieillesse, et constitue un avantage payé par l' employeur public au travailleur en raison de l' emploi de ce dernier, similaire à celui payé par un employeur privé en vertu d' un régime professionnel.

    58 En outre, les prestations en cause dans le litige au principal se rapportent aux périodes d' emploi antérieures au 17 mai 1990. En effet, les dispositions discriminatoires sont celles qui déterminent les droits à pension afférents aux périodes de service antérieures au 1er janvier 1986.

    59 Par la généralité de ses termes, le protocole précité est donc applicable aux prestations servies par un régime tel que le régime litigieux.

    60 Toutefois, cette constatation comporte un tempérament. Elle concerne les prestations, seules mentionnées, d' ailleurs, par le protocole nº 2, et non pas le droit d' affiliation à un régime professionnel de sécurité sociale.

    61 En effet, le protocole a un lien évident avec l' arrêt Barber, précité, puisqu' il se réfère à la même date du 17 mai 1990. Cet arrêt condamne une discrimination entre homme et femme qui résulte d' une condition d' âge variable selon le sexe pour obtenir une pension de retraite à la suite d' un licenciement pour cause économique. Des interprétations divergentes ont été données de l' arrêt Barber qui limite, à compter de sa date, c' est-à-dire du 17 mai 1990, l' effet de l' interprétation qu' il donne de l' article 119 du traité. Ces divergences ont été levées par l' arrêt Ten Oever, précité, qui est antérieur à l' entrée en vigueur du traité sur l' Union européenne. Tout en l' étendant à l' ensemble des prestations versées par un régime professionnel de sécurité sociale et en l' incorporant au traité, le protocole nº 2 a retenu en substance la même interprétation de l' arrêt Barber que celle de l' arrêt Ten Oever mais n' a, pas plus que l' arrêt Barber, abordé ni donc réglé les conditions d' affiliation à ces régimes professionnels.

    62 Le domaine de l' affiliation demeure ainsi régi par l' arrêt Bilka, précité, qui relève la violation de l' article 119 du traité par une entreprise qui, sans justification objective, étrangère à toute discrimination fondée sur le sexe, établirait une différence de traitement entre hommes et femmes par l' exclusion d' une catégorie d' employés d' un régime de pensions d' entreprise. Il convient d' observer que l' arrêt Bilka ne limite d' ailleurs pas dans le temps les effets de l' interprétation qu' il donne de l' article 119 du traité.

    63 Pour écarter l' application de ce dernier article aux prestations versées par l' ABPW et imputables à des périodes d' emplois antérieures au 17 mai 1990, le gouvernement néerlandais fait cependant valoir qu' un régime de pension tel que celui institué par l' ABPW relève de la directive 86/378. Ce gouvernement invoque le principe de sécurité juridique formulé à l' article 8, paragraphe 2, de la directive, lui-même destiné, notamment, à permettre le maintien en vigueur jusqu' au 1er janvier 1993 de dispositions d' un régime de pension antérieurement applicables et contraires au principe de l' égalité de traitement.

    64 En admettant même que la directive 86/378 soit applicable, il suffit de rappeler que, comme la Cour l' a dit pour droit dans son arrêt du 14 décembre 1993, Moroni (C-110/91, Rec. p. I-6591, point 24), à propos de l' article 8, paragraphe 1, de la directive, lorsqu' une discrimination résultant de la fixation d' un âge de la retraite différent selon le sexe en matière de pensions d' entreprise peut être directement établie à l' aide des éléments constitutifs de la rémunération et des critères énoncés à l' article 119, il n' y a pas lieu de s' interroger sur les effets de cette directive.

    65 La même interprétation s' impose, s' agissant de l' article 8, paragraphe 2, qui ne saurait limiter la portée de l' article 119 en ce qui concerne les droits à pension afférents aux périodes d' affiliation antérieures à la révision du régime en cause.

    66 Dès lors que le protocole relatif à l' article 119 est applicable à un régime tel que celui régi par l' ABPW et qu' une pension de fonctionnaire telle que celle en cause dans le litige au principal est établie selon des modalités non discriminatoires en ce qui concerne les droits afférents aux périodes de service postérieures au 1er janvier 1986, l' article 119 ne peut, aux termes mêmes de ce protocole, être utilement invoqué, afin d' exiger l' égalité de traitement, dans le cadre de ce régime, que par les fonctionnaires pouvant prétendre à une pension au titre de l' ABPW ou par leurs ayants droit, qui ont engagé une action en justice ou introduit une réclamation avant le 17 mai 1990, en ce qui concerne les droits afférents aux périodes de service antérieures au 1er janvier 1986.

    67 Toutefois, pour cette dernière catégorie d' intéressés, le bénéfice de l' article 119 ne peut pas être invoqué en ce qui concerne les droits afférents aux périodes de service antérieures au 8 avril 1976, puisque c' est seulement à la date de l' arrêt Defrenne II, précité, que la Cour a reconnu que l' article 119 pourrait directement être invoqué, mais avec effet pour les périodes de rémunérations futures.

    68 En conséquence, il y a lieu de répondre à la septième question qu' en vertu du protocole nº 2 sur l' article 119, l' effet direct de l' article 119 ne peut être invoqué, afin d' exiger l' égalité de traitement en ce qui concerne le versement de prestations dues par un régime de pension tel que l' APBW et attribuées aux périodes d' emploi comprises entre le 8 avril 1976 et le 17 mai 1990, que par les fonctionnaires ou leurs ayants droit qui ont engagé une action en justice ou introduit une réclamation avant cette date.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    69 Les frais exposés par le gouvernement néerlandais, le gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LA COUR,

    statuant sur les questions à elle soumises par le Centrale Raad van Beroep, par ordonnance non datée parvenue à la Cour le 12 janvier 1993, dit pour droit:

    1) Une pension telle que celle versée en vertu de l' Algemene Burgerlijke Pensioenwet (ABPW) entre dans le champ d' application de l' article 119 du traité.

    2) L' article 119 s' oppose à une législation telle que l' ABPW qui, en ce qui concerne les droits à pension de vieillesse afférents aux périodes de service antérieures au 1er janvier 1986, prévoit une règle de calcul du montant de la pension de fonctionnaire différente pour les anciens fonctionnaires mariés de sexe masculin de celle applicable aux anciens fonctionnaires mariés de sexe féminin; l' article 119 peut être invoqué directement devant les juridictions nationales; les hommes mariés défavorisés par la discrimination doivent être traités de la même façon et se voir appliquer le même régime que les femmes mariées.

    3) En vertu du protocole nº 2 sur l' article 119, l' effet direct de l' article 119 ne peut être invoqué, afin d' exiger l' égalité de traitement en ce qui concerne le versement de prestations dues par un régime de pension tel que l' ABPW et attribuées aux périodes d' emploi comprises entre le 8 avril 1976 et le 17 mai 1990, que par les fonctionnaires ou leurs ayants droit qui ont engagé une action en justice ou introduit une réclamation avant cette date.

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