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Document 61991CV0002

    Avis de la Cour du 19 mars 1993.
    Avis rendu en vertu de l'article 228, paragraphe 1, deuxième alinéa, du traité CEE - Convention n. 170 de l'Organisation internationale du Travail concernant la sécurité dans l'utilisation des produits chimiques au travail.
    Avis 2/91.

    Recueil de jurisprudence 1993 I-01061

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1993:106

    61991V0002

    Avis de la Cour du 19 mars 1993. - Avis rendu en vertu de l'article 228, paragraphe 1, deuxième alinéa, du traité CEE. - Convention n. 170 de l'Organisation internationale du Travail concernant la sécurité dans l'utilisation des produits chimiques au travail. - Avis 2/91.

    Recueil de jurisprudence 1993 page I-01061
    édition spéciale suédoise page I-00059
    édition spéciale finnoise page I-00071


    Sommaire
    Motifs de l'arrêt
    Dispositif

    Mots clés


    1. Accords internationaux - Conclusion - Avis préalable de la Cour - Objet - Compatibilité avec le traité CEE - Compétence de la Communauté

    (Traité CEE, art. 228, § 1, alinéa 2)

    2. Accords internationaux - Conditions de participation excluant une conclusion par la Communauté - Compétence de la Communauté - Exercice par une action commune des États membres

    3. Accords internationaux - Conclusion - Compétence de la Communauté - Attribution explicite ou implicite - Caractère exclusif - Critères d'appréciation

    (Traité CEE, art. 5)

    4. Accords internationaux - Convention n 170 de l'Organisation internationale du travail (OIT) concernant la sécurité dans l'utilisation des produits chimiques au travail - Conclusion - Compétence appartenant ensemble aux États membres et à la Communauté

    (Traité CEE, art. 100 et 118 A, Titre III, chap. 1)

    5. Accords internationaux - Accord s'appliquant aux pays et territoires d'outre-mer mais échappant au domaine assigné au régime d'association - Conclusion par l'État membre assurant la représentation internationale de ces pays et territoires

    6. Accords internationaux - Accord relevant pour partie de la compétence de la Communauté et pour partie de celle des États membres - Nécessité d'une coopération étroite dans la négociation, la conclusion et l'exécution

    Sommaire


    1. La procédure de l'article 228 du traité CEE, comme celle de l'article 103 du traité CEEA, permet d'aborder toutes questions relatives à la compatibilité d'un accord envisagé avec les dispositions du traité et, notamment, la question de savoir si la conclusion d'un tel accord relève ou non des compétences de la Communauté.

    En revanche, elle ne se prêterait pas à l'examen de la capacité internationale de la Communauté pour s'engager dans une convention élaborée sous les auspices de l'Organisation internationale du travail ou des obstacles que rencontrerait éventuellement la Communauté dans l'exercice de sa compétence eu égard à certaines règles posées par la constitution de ladite organisation.

    2. Dans une hypothèse où les conditions de participation à une convention internationale excluraient une conclusion par la Communauté elle-même, mais où le domaine couvert par ladite convention ressortirait de la compétence externe de la Communauté, celle-ci pourrait être exercée par l'intermédiaire des États membres agissant solidairement dans l'intérêt de la Communauté.

    3. La compétence de la Communauté pour conclure des engagements internationaux peut soit résulter d'une attribution explicite par le traité, soit découler d'une manière implicite de ses dispositions. En effet, chaque fois que le droit communautaire a établi, dans le chef des institutions de la Communauté, des compétences sur le plan interne en vue de réaliser un objectif déterminé, la Communauté est compétente, même en l'absence d'une disposition expresse à cet effet, pour conclure les engagements internationaux nécessaires à la réalisation de cet objectif.

    Cette compétence pourra revêtir un caractère exclusif, excluant une compétence parallèle des États membres, soit en vertu des dispositions du traité, soit en fonction de l'étendue des mesures qui ont été prises par les institutions communautaires pour l'application de ces dispositions et qui peuvent être de nature à priver les États membres d'une compétence qu'ils pouvaient antérieurement exercer à titre transitoire. Il importe peu que lesdites mesures relèvent ou non d'une politique commune. En effet, dans tous les domaines correspondant aux objectifs du traité, l'article 5 de celui-ci impose aux États membres de faciliter à la Communauté l'accomplissement de sa mission et de s'abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité, ce qui pourrait précisément être le cas s'agissant de la conclusion par les États membres d'engagements internationaux contenant des règles interférant avec celles arrêtées par la Communauté.

    4. La conclusion de la convention n 170 de l'Organisation internationale du travail, concernant la sécurité dans l'utilisation des produits chimiques au travail, relève d'une compétence appartenant ensemble aux États membres et à la Communauté.

    En effet, le domaine qu'elle couvre relève des dispositions sociales du traité faisant l'objet du chapitre 1er du titre III de celui-ci, relatif à la politique sociale. Le fait que la convention énonce des règles dans un domaine où la Communauté dispose d'une compétence normative interne ne confère cependant pas à cette dernière une compétence exclusive, l'article 118 A du traité ne prévoyant l'intervention de directives que pour fixer des prescriptions minimales, de sorte que les États membres pourraient appliquer les règles de la convention, à supposer qu'elles soient plus sévères, au titre de la liberté qui leur est laissée d'aller au-delà des prescriptions des directives, l'inverse étant également possible, car les normes de la convention ne sont, elles aussi, que minimales. Il en va de même s'agissant des directives adoptées sur la base de l'article 100 du traité, parce que celles-ci fixent également des prescriptions minimales.

    En revanche, certaines prescriptions de la convention, tout en n'étant pas en contradiction avec les directives existantes, concernent un domaine, celui de la classification, de l'emballage et de l'étiquetage des substances dangereuses, dans lequel, compte tenu du développement de l'activité normative de la Communauté qui ne s'est pas limitée à la fixation de prescriptions minimales, il y a lieu de considérer que les États membres ne sont plus compétents pour conclure des engagements internationaux hors du cadre des institutions communes.

    Enfin, s'agissant des principes généraux qu'énonce la convention pour sa mise en oeuvre, notamment le recours à la consultation des organisations les plus représentatives d'employeurs et de travailleurs, il y a lieu de considérer que, si les dispositions matérielles de la convention relèvent du domaine de compétence de la Communauté, celle-ci, en dépit du fait que la politique sociale relève pour l'heure d'une manière prépondérante de la compétence des États membres, est également compétente pour prendre des engagements visant la mise en oeuvre de ces dispositions.

    5. Si le champ d'application matériel d'une convention internationale échappe au domaine assigné par le traité au régime d'association des pays et territoires d'outre-mer, il appartient aux États membres qui assurent les relations internationales de ces territoires et les représentent à ce titre, de conclure la convention en cause.

    6. Lorsqu'il apparaît que la matière d'une convention internationale relève en partie de la compétence de la Communauté et en partie de celle des États membres, l'exigence d'unité dans la représentation internationale de la Communauté impose d'assurer une coopération étroite entre ces derniers et les institutions communautaires tant dans le processus de négociation et de conclusion que dans l'exécution des engagements assumés

    Motifs de l'arrêt


    La Cour de justice a été saisie d'une demande d'avis, déposée au greffe de la Cour le 21 août 1991, formulée par la Commission des Communautés européennes au titre de l'article 228, paragraphe 1, deuxième alinéa, du traité instituant la Communauté économique européenne, aux termes duquel:

    "Le Conseil, la Commission ou un État membre peut recueillir au préalable l'avis de la Cour de justice sur la compatibilité de l'accord envisagé avec les dispositions du présent traité. L'accord qui a fait l'objet d'un avis négatif de la Cour de justice ne peut entrer en vigueur que dans les conditions fixées selon le cas à l'article 236."

    I - Objet de la demande d'avis

    Par cette demande, la Commission a sollicité l'avis de la Cour sur la compatibilité avec le traité de la convention n 170 de l'Organisation internationale du travail (ci-après "OIT") concernant la sécurité dans l'utilisation des produits chimiques au travail (ci-après "convention n 170") et, plus particulièrement, sur la compétence de la Communauté pour conclure cette convention et les conséquences qui en découlent pour les États membres.

    La convention n 170 a été adoptée le 25 juin 1990 par la Conférence internationale du travail lors de sa 77e session.

    II - Procédure

    Conformément à l'article 107, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, la demande d'avis a été signifiée au Conseil et aux États membres. Des observations écrites ont été présentées par la Commission et par le Conseil, ainsi que par les gouvernements du royaume de Danemark, de la République fédérale d'Allemagne, de la République hellénique, du royaume d'Espagne, de la République française, de l'Irlande, du royaume des Pays-Bas et du Royaume-Uni.

    Par une lettre déposée au greffe de la Cour le 30 avril 1992, la Commission a répondu à une question écrite posée par la Cour. La Commission, le conseil, les gouvernements susmentionnés ainsi que le gouvernement belge ont été entendus à l'audience publique qui s'est tenue au siège de la Cour le 30 juin 1992.

    Les avocats généraux ont été entendus par la Cour en chambre du conseil, conformément à l'article 108, paragraphe 2, du règlement de procédure, le 23 octobre 1992.

    III - L'OIT

    L'OIT a été fondée en 1919 en vue d'améliorer les conditions de travail et de promouvoir la justice sociale. Peuvent devenir membres de cette organisation les États membres des Nations unies, dont elle est une institution spécialisée, ainsi que d'autres États admis dans les conditions prévues dans sa constitution. Les organes de l'OIT sont la Conférence générale des représentants des membres (ci-après "Conférence"), le Conseil d'administration et le Bureau international du travail (ci-après "BIT"). La Conférence, organe suprême de l'OIT, a comme tâche principale d'adopter des propositions sous forme de conventions internationales ou de recommandations, et son fonctionnement repose sur une structure tripartite: chaque membre y dispose de quatre représentants dont deux sont les délégués du gouvernement et dont les deux autres représentent respectivement les employeurs et les travailleurs de l'État concerné. Chaque délégué a le droit de voter individuellement sur toutes les questions soumises aux délibérations de la Conférence (article 4, paragraphe 1, de la Constitution de l'OIT).

    L'adoption des conventions et des recommandations suit une procédure dont les phases sont, en substance, les suivantes: lorsque le conseil d'administration de l'OIT décide de mettre à l'ordre du jour de la Conférence la définition de normes dans un domaine déterminé, le BIT élabore un rapport sur la base des réponses fournies par les membres au questionnaire qu'il leur a envoyé. Ce rapport est discuté en première lecture lors de la session annuelle de la Conférence et, au cas où il est décidé d'adopter une convention ou une recommandation, le BIT prépare à cet effet le texte soumis aux gouvernements pour observations. L'adoption d'une convention ou d'une recommandation requiert une majorité de deux tiers des voix des délégués présents (article 19, paragraphe 2, de la constitution de l'OIT), et seuls les membres sont admis à ratifier une convention ((paragraphe 5, sous d), du même article)).

    Les membres doivent communiquer l'acte adopté (convention ou recommandation) à l'autorité nationale compétente aux fins de sa mise en oeuvre et doivent indiquer au directeur général du BIT l'autorité ou les autorités considérées comme compétentes à cet égard et les décisions prises par celles-ci ((article 19, paragraphes 5, sous b) et c), et 6, sous b) et c), de la constitution de l'OIT)).

    Il convient de relever que, conformément aux dispositions du règlement de la Conférence et de la convention n 144 de l'OIT, concernant les consultations tripartites destinées à promouvoir la mise en oeuvre des normes internationales du travail, adoptée par la Conférence le 2 juin 1976, les partenaires sociaux doivent être consultés aux fins, notamment, de donner leur avis sur les réponses des gouvernements aux questionnaires qui leur sont adressés ((article 39, paragraphe 1, du règlement de la Conférence et article 5, paragraphe 1, sous a), de la convention n 144)), sur les commentaires des gouvernements relatifs aux projets de textes qui doivent être discutés en conférence (article 39, paragraphe 6, du règlement de la Conférence), ainsi que sur les propositions présentées aux autorités compétentes, conformément à l'article 19, précité ((article 5, paragraphe 1, sous b), de la convention n 144)).

    Il convient de relever, en outre, que la constitution de l'OIT prévoit une procédure de surveillance sur la manière dont les États membres mettent à exécution les conventions auxquelles ils ont adhéré, procédure à laquelle participent les partenaires sociaux (articles 22 à 34 de la constitution de l'OIT).

    Il convient de relever, enfin, qu'aux termes de l'article 19, paragraphe 8, de la constitution de l'OIT "en aucun cas, l'adoption d'une convention ou d'une recommandation par la Conférence, ou la ratification d'une convention par un membre ne devront être considérées comme affectant toute loi, toute sentence, toute coutume ou tout accord qui assurent des conditions plus favorables aux travailleurs intéressés que celles prévues par la convention ou la recommandation".

    IV - La participation de la Communauté aux négociations des conventions de l'OIT

    La question de la participation de la Communauté - qui n'est pas un membre de l'OIT, mais dispose d'un statut d'observateur - aux négociations des conventions conclues dans le cadre de l'OIT s'est posée pour la première fois à propos de la convention n 153 sur la durée de travail et les périodes de repos dans les transports routiers (1977-1979), secteur qui faisait alors l'objet du règlement (CEE) n 543/69, du 25 mars 1969, relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route (JO L 77, p. 49). Pour faciliter la participation de la Communauté aux différentes négociations, le BIT avait élaboré un document à l'attention de la Conférence. Les solutions proposées dans ce document n'ont toutefois pas été acceptées par certains États membres en raison de la réaction de leurs partenaires sociaux qui craignaient de voir leur influence diminuer au sein de la Conférence.

    Ce document, élaboré par le conseil d'administration du BIT le 12 février 1981, a été complété par un autre document, en date du 31 mai 1989. Ces deux documents prévoyaient, en substance, en ce qui concerne les négociations, que les États membres pouvaient autoriser la Commission à proposer des amendements en leur nom collectif, que l'autorité mentionnée à l'article 19 de la constitution pourrait être le Conseil et, enfin, en ce qui concerne la ratification, que celle-ci pouvait résulter d'une communication de la Communauté en ce sens, pourvu qu'une notification préalable de la part des douze États membres ait confirmé que cet acte valait ratification par les Douze.

    Ces documents font encore mention du respect des engagements pris par les États membres qui ont ratifié une convention. A cet égard, il y est observé que seuls les États membres peuvent être tenus pour responsables du non-respect de ces engagements, et cela même si la violation des dispositions d'une telle convention résulte d'un acte de la Communauté, pris à la majorité des voix.

    Le problème de la compétence de la Communauté dans le cadre de l'OIT s'est posé une nouvelle fois lors de l'élaboration de la convention n 162, relative à la sécurité dans l'utilisation de l'amiante (1983-1986), domaine qui a fait l'objet de quatre directives communautaires. Étant donné que, sans contester la compétence communautaire, certains États ont considéré que la constitution de l'OIT ne permettait pas l'intervention de la Communauté à la Conférence, le Conseil a décidé que la Communauté et les États membres feraient état des réalisations communautaires dans les domaines considérés, en se référant aux directives adoptées à cette fin. La Commission a introduit un recours en annulation contre cette décision du Conseil au motif qu'elle violait l'article 228 du traité CEE. Toutefois, elle s'est désistée de l'instance à la suite de l'adoption, par le Conseil, le 22 décembre 1986, d'une décision qui apportait, à son avis, une solution globalement satisfaisante au problème de la participation de la Communauté aux négociations au sein de l'OIT.

    Cette décision, prise d'un commun accord avec la Commission, s'est bornée à régler les cas de compétence exclusive de la Communauté. Elle impose un respect intégral de la consultation tripartite prévue dans la convention n 144 et de l'autonomie des partenaires sociaux, et précise que la réponse de la Communauté au questionnaire de l'OIT est adoptée par le Conseil, sur proposition de la Commission, et tient compte des consultations avec les partenaires sociaux. Pour la préparation de la première lecture d'un projet de convention, la Commission propose au Conseil d'adopter une décision l'autorisant à négocier et lui donnant des directives à cette fin. A la Conférence, la Commission agit en tant que porte-parole de la Communauté et en coordination étroite, sur place, avec les États membres. Les délégués des États membres conservent le droit de prendre la parole à la séance plénière de la Conférence.

    En juillet 1988, lorsque la Commission, en application de la décision du Conseil du 22 décembre 1986, susmentionnée, a demandé aux États membres de répondre au questionnaire de l'OIT concernant la convention n 170, plusieurs États membres ont contesté la compétence exclusive de la Communauté à intervenir en la matière. En conséquence, les États membres ont transmis leurs réponses à l'OIT, empêchant ainsi la transmission d'une réponse communautaire. Estimant que la compétence exclusive de la Communauté ne faisait aucun doute, la Commission a soumis, le 12 mai 1989, une communication au Conseil lui demandant des pouvoirs de négociation pour la convention n 170.

    Le 30 novembre 1989, le Conseil a adopté une décision permettant à la Commission d'exprimer le point de vue de la Communauté dans le cadre des négociations en cause, mais en coordination étroite avec les États membres. Ceux-ci conservaient le droit de se prononcer sur les sujets qui relèvent de la compétence nationale. Cette même décision prévoyait une procédure aux fins de règlement des différends qui surgiraient à cet égard. Par cette même décision, le Conseil a accepté de réexaminer sa décision du 22 décembre 1986 et, si nécessaire, en accord avec la Commission, de compléter cette décision par des dispositions réglant les cas de compétence mixte de la Communauté et des États membres, ainsi que par des dispositions visant à éviter les difficultés qui résulteraient de la constitution ou de la pratique institutionnelle de l'OIT.

    Après l'adoption de la convention n 170, la Commission a transmis au Conseil une communication indiquant qu'elle considérait que les États membres étaient tenus d'informer le directeur du BIT que les autorités compétentes, au sens de l'article 19, paragraphe 5, sous c), de la constitution de l'OIT, étaient en l'occurrence les institutions communautaires. A cette occasion, plusieurs délégations nationales auprès du Conseil ont manifesté leur refus d'accepter la compétence exclusive de la Communauté pour conclure la convention.

    V - Contenu de la convention

    La convention n 170 a pour objet la protection des travailleurs contre les effets nocifs de l'utilisation des produits chimiques au travail.

    La convention n 170 est divisée en sept parties.

    La partie I a pour objet de définir le champ d'application de la convention. Celle-ci s'applique à toutes les branches d'activité économique dans lesquelles on utilise des produits chimiques (article 1er, paragraphe 1). Les États ayant ratifié la convention sont toutefois autorisés à exclure de l'application de celle-ci ou de certaines de ses dispositions, dans les conditions qui y sont précisées, des branches d'activité économique, des entreprises ou des produits particuliers. Une telle exclusion doit être précédée de la consultation des organisations les plus représentatives d'employeurs et de travailleurs intéressés (article 1er, paragraphe 2).

    La partie II énonce des principes généraux. Les articles 3 et 4 prescrivent ainsi l'obligation pour les membres de consulter les organisations susmentionnées respectivement sur les mesures à prendre pour donner effet aux dispositions de la convention et sur celles qui visent à élaborer, à appliquer et à revoir périodiquement une politique cohérente de sécurité dans l'utilisation des produits chimiques au travail. Aux termes de l'article 5, "L'autorité compétente doit pouvoir, si cela est justifié par des raisons de sécurité et de santé, interdire ou limiter l'utilisation de certains produits chimiques dangereux, ou exiger une notification ainsi qu'une autorisation préalable à l'utilisation de ces produits."

    La partie III concerne la classification des produits chimiques et établit des règles sur leur transport, étiquetage et marquage, sur l'élaboration de fiches de données de sécurité qui doivent être fournies aux employeurs et sur les responsabilités des fournisseurs dans ces domaines (articles 6, 7, 8 et 9).

    La partie IV définit les responsabilités des employeurs en ce qui concerne l'identification des produits chimiques (étiquetage, marquage et utilisation des fiches de données de sécurité de ces produits), leur transfert dans d'autres récipients ou appareillages et l'exposition des travailleurs aux produits chimiques dangereux (articles 10 à 12). Les employeurs doivent adopter des mesures appropriées afin, d'une part, de protéger les travailleurs contre les risques liés à l'utilisation de produits chimiques dangereux et, d'autre part, de réduire au minimum ceux qui résultent de l'élimination des produits dont ils n'ont plus besoin (articles 13 et 14). Enfin, les employeurs ont l'obligation d'informer et de former les travailleurs quant à l'utilisation de produits chimiques au travail (articles 15 à 16).

    La partie V définit les devoirs des travailleurs qui consistent à collaborer avec les employeurs dans l'exécution des responsabilités qui incombent à ces derniers et à respecter toutes les procédures et les pratiques relatives à la sécurité dans l'utilisation des produits chimiques au travail. Les travailleurs doivent également prendre toutes les mesures raisonnables afin d'éliminer ou de réduire au minimum, pour eux-mêmes et les autres, les risques d'une telle utilisation (article 17).

    La partie VI concerne les droits des travailleurs et de leurs représentants. A cet égard, la convention prévoit que les travailleurs doivent avoir le droit de s'écarter du danger résultant de l'utilisation de produits chimiques lorsqu'ils ont un motif raisonnable de croire qu'il existe un risque imminent et sérieux pour leur sécurité ou leur santé et ont l'obligation de le signaler sans délai à leur supérieur. Les travailleurs doivent être protégés contre les conséquences injustifiées de l'exercice d'un tel droit ou de tout autre droit prévu par la convention. Ils doivent également avoir la possibilité d'obtenir, d'une part, des informations sur l'identification des produits chimiques utilisés au travail, les propriétés dangereuses de ces produits, les mesures de précaution à prendre, l'éducation et la formation, d'autre part, l'information figurant sur les étiquettes et les marquages, et, enfin, les fiches de données de sécurité, ainsi que toute autre information devant être conservée aux termes de la convention (article 18).

    La partie VII définit les responsabilités des États exportateurs. Lorsque dans un État membre exportateur l'utilisation de produits chimiques dangereux est interdite, totalement ou en partie, pour des raisons de sécurité et de santé au travail, cet État devra porter ce fait, ainsi que les raisons y relatives, à la connaissance de tout pays vers lequel il exporte (article 19).

    Les dispositions des articles 20 et suivants de la convention sont de nature procédurale et concernent, notamment, sa ratification, sa dénonciation et sa modification.

    VI - Résumé des observations écrites présentées par les institutions et les gouvernements des États membres

    A - Sur l'admissibilité

    Le gouvernement allemand considère que la demande d'avis n'est pas admissible dans la mesure où l'article 228, paragraphe 1, deuxième alinéa, du traité, ne concerne que les accords dont la conclusion est envisagée par la Communauté. Or, tel ne saurait être le cas en l'espèce puisque la Communauté n'est pas membre de l'OIT et que l'article 19, paragraphe 5, sous d), de la constitution de l'OIT limite la ratification des conventions aux seuls États membres de l'organisation.

    Selon ce même gouvernement, la structure de l'OIT, fondée sur un système tripartite, fait également obstacle à la conclusion de la convention n 170 par la Communauté. A cet égard, il souligne que, conformément à l'esprit de la constitution de l'OIT et à la convention n 144, les consultations des partenaires sociaux doivent être efficaces, dans la mesure où le but de ces consultations est de permettre à ces derniers d'exercer une influence sur les divers gouvernements nationaux. Or, cette influence serait réduite si leur position devait être communiquée aux institutions communautaires par l'intermédiaire des gouvernements. Il souligne aussi certains problèmes pratiques et notamment le fait que, d'une part, les réponses aux questionnaires doivent être données dans des délais très courts et que, d'autre part, les représentants des gouvernements des États membres n'auraient plus la possibilité de prendre en considération les suggestions de leurs partenaires sociaux. Enfin, l'influence des partenaires sociaux se trouverait affaiblie du fait qu'au cours des négociations à la Conférence le représentant de la Commission n'aurait pas une sensibilité politique comparable à celle des représentants des gouvernements des États membres qui sont régulièrement en contact avec leurs partenaires sociaux.

    Le gouvernement néerlandais considère également que la demande d'avis n'est pas admissible, car la convention n 170 n'intervient pas entre la Communauté et un ou plusieurs États ou une organisation internationale. Il ajoute que la Communauté ne peut pas être partie à la convention n 170 parce qu'elle n'est pas membre de l'OIT. Il admet toutefois qu'une interprétation extensive de l'article 228 pourrait conduire la Cour à considérer la demande d'avis comme admissible.

    B - Sur le fond

    1. La Commission et le gouvernement hellénique estiment que seule la Communauté est compétente pour conclure la convention n 170.

    A cet égard, la Commission se réfère aux attendus 17 et 22 de l'arrêt de la Cour du 31 mars 1971, Commission/Conseil, dit "AETR" (22/70, Rec. p. 263), aux termes desquels:

    "... chaque fois que, pour la mise en oeuvre d'une politique prévue par le traité, la Communauté a pris des dispositions instaurant, sous quelque forme que ce soit, des règles communes, les États membres ne sont plus en droit ... de contracter avec les États tiers des obligations affectant ces règles".

    "qu'il résulte du rapprochement de ces dispositions ((articles 3, sous e) et 5 du traité)) que, dans la mesure où des règles communautaires sont arrêtées pour réaliser les buts du traité, les États membres ne peuvent, hors du cadre des institutions communes, prendre des engagements susceptibles d'affecter lesdites règles ou d'en altérer la portée."

    Or, selon la Commission, les règles communes adoptées sur la base de l'article 118 A du traité risquent d'être affectées, au sens de cette jurisprudence, par des obligations contractées par les États membres dans le cadre des conventions de l'OIT. La Commission ajoute que la nature de prescriptions minimales qu'ont les règles communautaires en la matière, tout comme celles qui résultent des conventions de l'OIT, n'exclut pas ce risque.

    Dans sa réponse à la question que la Cour lui avait posée à cet égard, la Commission a observé que le relèvement harmonieux et progressif des conditions relatives au milieu de travail pour l'ensemble des travailleurs de la Communauté, visé à l'article 118 A, était difficilement conciliable avec des engagements internationaux pris par les États membres. Il en résulterait, en effet, une coexistence, au sein de la Communauté, du droit communautaire et d'accords partiels, de nature à porter atteinte à l'autonomie du législateur communautaire.

    La Commission observe à ce propos que l'alignement de certaines dispositions, fondées sur l'article 118 A sur des règles posées dans le cadre de conventions de l'OIT ne serait pas toujours possible ou souhaitable, notamment lorsque, conformément au paragraphe 2 de cet article du traité, il convient de ne pas imposer des contraintes excessives aux petites et moyennes entreprises, que la mise en oeuvre de telles conventions serait de nature à entraîner.

    La Commission observe, en outre, qu'en vertu des engagements pris au sein de l'OIT les États membres pourraient avoir des difficultés à adopter des dispositions plus adaptées aux conditions sociales et technologiques, spécifiques à la Communauté. A cet égard, la Commission rappelle que la dénonciation des conventions de l'OIT n'est possible que tous les dix ans.

    Selon la Commission, la Communauté n'a de compétence exclusive pour conclure un accord international que si la réglementation communautaire couvre de manière substantielle le domaine qui fait l'objet d'un tel accord. Or, tel serait le cas en l'espèce étant donné que le domaine régi par la convention n 170 est déjà couvert par plusieurs directives, prises non seulement sur la base de l'article 118 A, mais aussi sur celle des articles 100 et 100 A du traité.

    Pour la Commission, le devoir de consulter les partenaires sociaux, qui découle de l'article 3 de la convention n 170, constitue une règle de procédure dont le respect peut être assuré par la Communauté. Un organisme de composition tripartite, à savoir le comité consultatif pour la sécurité, l'hygiène et la protection de la santé sur le lieu de travail (institué par la décision 74/325/CEE du Conseil, du 27 juin 1974 - JO L 185, p. 15), serait d'ailleurs toujours consulté lors de la préparation des mesures communautaires dans le domaine couvert par la convention. La Commission estime que les dispositions de la convention n 170 qui ne font pas l'objet de règles communautaires seraient auxiliaires par rapport à la sécurité du travail.

    Enfin, la Commission observe que si la Communauté rencontre des difficultés pour exercer sa compétence exclusive au sein de l'OIT, il incombe aux États membres d'agir conjointement dans l'intérêt et pour le compte de la Communauté.

    Le gouvernement hellénique considère également que la Communauté dispose d'une compétence exclusive pour conclure la convention n 170. Il observe, à cet égard, que toutes les dispositions de celle-ci visent la protection des travailleurs, objectif qui relève de l'article 118 A du traité CEE et a déjà donné lieu à l'adoption de douze directives. Ce gouvernement observe, toutefois, que la Cour doit examiner le mécanisme général de conclusion et de ratification des conventions de l'OIT et, en particulier, le point de savoir si la Communauté peut élaborer, signer, sanctionner et ratifier ces conventions au nom des États membres.

    Le Conseil et les gouvernements allemand, espagnol, danois, français, irlandais, néerlandais et belge considèrent que la compétence pour conclure la convention n 170 appartient tout à la fois à la Communauté et aux États membres.

    Pour dénier la compétence exclusive de la Communauté en la matière, les gouvernements allemand, espagnol et irlandais observent que les points de l'arrêt AETR, précité, mentionnés par la Commission, ne concernent que l'hypothèse où la Communauté agit dans le cadre d'une politique commune. Or, tel n'est pas le cas des règles adoptées sur la base de l'article 118 A. La politique sociale continue à relever, à titre principal, des États membres.

    Le gouvernement espagnol considère, pour sa part, que les directives prises au titre des articles 100 et 100 A ne peuvent pas être invoquées en l'espèce, étant donné qu'elles visent des objectifs et des domaines différents de ceux de la politique sociale.

    Pour le Conseil et les gouvernements danois, français, néerlandais et belge, les règles adoptées sur le fondement de l'article 118 A ne sauraient être affectées, au sens de l'arrêt AETR, par une convention de l'OIT, conclue par les États membres dans le domaine couvert par ces règles. Ils observent, à cet égard, que celles-ci constituent des prescriptions minimales (article 118 A, paragraphe 3) tout comme les dispositions des conventions de l'OIT (article 19, paragraphe 8, de la constitution de l'OIT). Dès lors, les règles communes ne pourraient être affectées que si la Communauté décidait d'instaurer des normes moins rigoureuses que la norme internationale, et ce sans donner aux États membres la possibilité d'adopter des dispositions plus protectrices. Or, tel ne saurait être le cas dans le domaine considéré, eu égard précisément aux termes de l'article 118 A, paragraphe 3.

    Le Conseil et les gouvernements allemand et danois considèrent que, en tout état de cause, la Communauté ne dispose d'aucune compétence pour prendre des engagements dans les domaines qui relèvent de la consultation tripartite, prévue aux articles 3 et 4 de la convention n 170. A cet égard, les États membres seraient exclusivement compétents.

    Le Conseil considère qu'il en va de même pour ce qui concerne l'obligation de disposer d'une politique cohérente de sécurité dans l'utilisation de produits chimiques au travail, prévue par l'article 4 de la convention, et la mise en oeuvre de l'article 5, c'est-à-dire l'attribution des pouvoirs, mentionnés par cette disposition, aux autorités nationales compétentes.

    Le gouvernement du Royaume-Uni observe que les compétences de la Communauté en matière de politique sociale sont différentes de celles exercées dans le domaine de la politique des transports, en cause dans l'arrêt AETR, et que la nature des règles arrêtées sur la base de l'article 118 A (règles minimales) ne saurait justifier une compétence externe de la Communauté. Seul l'article 235 justifierait, dans ce domaine, une telle compétence.

    Le gouvernement français observe enfin que, en tout état de cause, les États membres sont seuls compétents pour conclure la convention n 170 au titre de la défense des intérêts propres des pays ou des territoires d'outre-mer, étant donné que le domaine de la convention échappe à celui assigné au régime d'association prévu par le traité CEE.

    Les gouvernements danois, espagnol, français, irlandais et néerlandais attirent l'attention de la Cour sur les difficultés que posent l'organisation et le fonctionnement de l'OIT pour l'exercice, par la Communauté, de la compétence de conclure une convention dans le cadre de cette organisation. Leur position peut être résumée comme suit.

    La Communauté bénéficie d'un simple statut d'observateur. Bien qu'elle puisse participer aux délibérations, la constitution de l'OIT ne lui reconnaît pas un droit de vote (article 12, paragraphe 2). En outre, ainsi qu'il résulte de l'article 15, paragraphe 5, sous d), de ladite constitution, seuls les États membres peuvent ratifier une convention de l'OIT. A cet égard, le gouvernement irlandais observe que la question de savoir si les États membres peuvent valablement déléguer à la Communauté le pouvoir de ratifier en leur nom une convention de l'OIT soulève certains problèmes de droit international public et, notamment, celui de savoir qui serait responsable au cas où des États membres n'honoreraient pas leurs engagements.

    Le fonctionnement de l'OIT, basé sur le tripartisme, constitue également un obstacle à l'exercice de la compétence exclusive de la Communauté. Les arguments invoqués à cet égard coïncident en substance avec ceux exposés par le gouvernement allemand à propos de l'admissibilité de la demande.

    Enfin, certains gouvernements observent que la procédure à suivre par la Communauté pour conclure une convention dans le cadre de l'OIT, définie par les décisions du Conseil du 22 décembre 1986 et du 30 novembre 1989, précitées, suppose, pour son application, l'accord des instances de l'OIT, lequel n'a pas été donné jusqu'à présent.

    Prise de position de la Cour

    Sur l'admissibilité de la demande d'avis

    1 Le gouvernement allemand conteste l'admissibilité de la demande d'avis présentée par la Commission en application de l'article 228, paragraphe 1, du traité et le gouvernement néerlandais émet également un doute sur la recevabilité de cette demande. Selon eux, la procédure prévue par cet article est seulement destinée à l'examen de la compatibilité avec les dispositions du traité d'un accord dont la conclusion est envisagée entre la Communauté et un ou plusieurs États ou une organisation internationale. Or, la demande dont il s'agit porte sur la compétence de la Communauté pour conclure une convention qui ne peut être ratifiée que par les États membres de l'OIT et non par la Communauté, laquelle n'est pas membre de cette organisation internationale.

    2 Cette argumentation ne peut être accueillie.

    3 Il y a lieu de relever, à cet égard, que, selon la jurisprudence constante de la Cour (avis 1/75 du 11 novembre 1975, Rec. p. 1355, avis 1/76 du 26 avril 1977, Rec. p. 741, délibération 1/78, formulée en vertu de l'article 103 du traité CEEA, du 14 novembre 1978, Rec. p. 2151, et avis 1/78 du 4 octobre 1979, Rec. p. 2871), la procédure de l'article 228, comme celle de l'article 103 du traité CEEA, permet d'aborder toutes questions relatives à la compatibilité d'un accord envisagé avec les dispositions du traité et notamment la question de savoir si la conclusion d'un tel accord relève ou non des compétences de la Communauté. Cette interprétation est confirmée par l'article 107, paragraphe 2, du règlement de procédure.

    4 Il s'ensuit que la demande d'avis ne porte pas sur la capacité internationale de la Communauté pour s'engager dans une convention élaborée sous les auspices de l'OIT, mais qu'elle concerne l'étendue, au regard des seules règles du droit communautaire, des compétences de la Communauté et des États membres dans le domaine qui fait l'objet de la convention n 170. La Cour ne saurait donc apprécier les obstacles que rencontrerait éventuellement la Communauté dans l'exercice de sa compétence, en vertu de certaines règles posées par la constitution de l'OIT.

    5 En tout état de cause, il convient de relever que si, en vertu de la constitution de l'OIT, la Communauté ne peut pas conclure elle-même la convention n 170, sa compétence externe pourrait, le cas échéant, être exercée par l'intermédiaire des États membres agissant solidairement dans l'intérêt de la Communauté.

    6 Il y a donc lieu de considérer que les conditions de l'article 228, paragraphe 1, deuxième alinéa, du traité se trouvent remplies et que, dès lors, la demande d'avis est admissible.

    Sur le fond

    II

    7 Avant d'examiner le point de savoir si la convention n 170 relève du domaine de la compétence de la Communauté et, le cas échéant, si la compétence de la Communauté revêt un caractère exclusif, il convient de rappeler que, ainsi que la Cour l'a affirmé notamment dans l'avis n 1/76, précité, point 3, la compétence pour prendre des engagements internationaux peut non seulement résulter d'une attribution explicite par le traité, mais également découler de manière implicite de ses dispositions. La Cour a conclu, notamment, que chaque fois que le droit communautaire avait établi, dans le chef des institutions de la Communauté, des compétences sur le plan interne en vue de réaliser un objectif déterminé, la Communauté était investie de la compétence pour prendre les engagements internationaux nécessaires à la réalisation de cet objectif, même en l'absence d'une disposition expresse à cet égard. Dans l'arrêt du 14 juillet 1976, Kramer (3/76, 4/76, et 6/76, Rec. p. 1279, point 20), la Cour avait déjà relevé qu'une telle compétence pouvait découler de manière implicite notamment d'actes pris, dans le cadre des dispositions du traité ou des actes d'adhésion, par les institutions de la Communauté.

    8. Le caractère exclusif de la compétence de la Communauté a été reconnu notamment par la Cour à propos des articles 113 du traité (avis 1/75, précité, arrêt du 15 décembre 1976, Donckerwolcke et Schou, 41/76, Rec. p. 1921, point 32) et 102 de l'acte d'adhésion (arrêt du 5 mai 1981, Commission/Royaume-Uni, 804/79, Rec. p. 1045, points 17 et 18). Il ressort de cette jurisprudence que l'existence d'une telle compétence, découlant d'une disposition du traité, exclut une compétence des États membres parallèle à celle de la Communauté, dans l'ordre communautaire aussi bien que dans l'ordre international (voir avis 1/75, précité).

    9 Le caractère exclusif ou non de la compétence de la Communauté ne découle pas seulement des dispositions du traité, mais peut dépendre également de l'étendue des mesures qui ont été prises par les institutions communautaires pour l'application de ces dispositions et qui sont de nature à priver les États membres d'une compétence qu'ils pouvaient exercer auparavant à titre transitoire. Comme la Cour l'a affirmé dans l'arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil, dit "AETR" (22/70, Rec. p. 263, point 22), lorsque des règles communautaires ont été arrêtées pour réaliser les buts du traité, les États membres ne peuvent, hors du cadre des institutions communes, prendre des engagements susceptibles d'affecter lesdites règles ou d'en altérer la portée.

    10 Contrairement à ce que soutiennent les gouvernements allemand, espagnol et irlandais, cette jurisprudence ne saurait être limitée au cas où la Communauté a arrêté des règles communautaires dans le cadre d'une politique commune. En effet, dans tous les domaines qui correspondent aux objectifs du traité, son article 5 impose aux États membres de faciliter à la Communauté l'accomplissement de sa mission et de s'abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité.

    11 Or, la mission de la Communauté et les buts du traité seraient également compromis si les États membres pouvaient conclure des engagements internationaux contenant des règles susceptibles d'affecter des règles adoptées dans des domaines ne relevant pas de politiques communes ou d'en altérer la portée.

    12 Enfin, un accord peut intervenir dans un domaine où les compétences sont partagées entre la Communauté et les États membres. Dans un tel cas, la négociation et la mise en oeuvre de l'accord exigent une action commune de la Communauté et des États membres (arrêt Kramer, précité, points 39 à 45, et avis 1/78, précité, point 60).

    III

    13 C'est compte tenu de ce qui précède qu'il convient d'examiner si la convention n 170 relève du domaine de la compétence de la Communauté et, le cas échéant, si cette compétence revêt un caractère exclusif.

    14 Il convient de rappeler à cet égard que la convention n 170 concerne la sécurité dans l'utilisation des produits chimiques au travail. Selon son préambule, elle a pour objectif essentiel de prévenir les maladies et les lésions professionnelles dues aux produits chimiques, ou d'en réduire l'incidence, par l'évaluation des dangers de tous ces produits, par la mise à la disposition des employeurs et des travailleurs des informations nécessaires à la protection et, enfin, par l'établissement des principes de programmes de protection.

    15 Le domaine couvert par la convention n 170 relève des "dispositions sociales" du traité qui composent le chapitre 1 du titre III relatif à la politique sociale.

    16 Conformément à l'article 118 A du traité, les États membres doivent s'attacher, notamment, à promouvoir l'amélioration du milieu du travail pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs et se fixer pour objectif l'harmonisation, dans le progrès, des conditions existant dans ce domaine. Pour contribuer à la réalisation de cet objectif d'harmonisation, le Conseil dispose du pouvoir d'arrêter des prescriptions minimales par voie de directives. En effet, ainsi qu'il résulte du paragraphe 3 de cet article, les dispositions arrêtées en vertu de cet article ne font pas obstacle au maintien et à l'établissement, par chaque État membre, de mesures de protection renforcée dans les conditions de travail, compatibles avec le traité.

    17 La Communauté dispose ainsi d'une compétence normative interne dans le domaine social. Dès lors, la convention n 170, dont l'objet coïncide d'ailleurs avec celui de plusieurs directives prises au titre de l'article 118 A, relève du domaine de la compétence de la Communauté.

    18 Afin d'examiner la question de savoir si cette compétence revêt un caractère exclusif, il y a lieu d'observer que les dispositions de la convention n 170 ne sont pas de nature à affecter des règles arrêtées sur la base de l'article 118 A. En effet, si, d'une part, la Communauté décide d'arrêter des normes moins rigoureuses que celles édictées par une convention de l'OIT, les États membres peuvent, conformément à l'article 118 A, paragraphe 3, établir des mesures de protection renforcée dans les conditions de travail ou appliquer à cet effet les dispositions de la convention de l'OIT. Si, d'autre part, la Communauté décide d'arrêter des normes plus sévères que celles prévues par une convention de l'OIT, rien n'empêche la pleine application du droit communautaire par les États membres au titre de l'article 19, paragraphe 8, de la constitution de l'OIT qui autorise l'adoption, par les membres, de mesures plus contraignantes que celles prévues par les conventions et les recommandations adoptées dans le cadre de cette organisation.

    19 La Commission observe toutefois qu'il est parfois difficile de déterminer si une mesure particulière est plus favorable qu'une autre aux travailleurs. Ainsi, pour éviter d'être en infraction par rapport aux dispositions d'une convention de l'OIT, les États membres pourraient être tentés de ne pas adopter des dispositions qui seraient plus adaptées aux conditions sociales et technologiques, spécifiques à la Communauté. La Commission estime, par conséquent, que, dans la mesure où cette attitude risque de compromettre le développement du droit communautaire, la Communauté devrait avoir la compétence exclusive pour conclure la convention n 170.

    20 Cet argument ne saurait être accueilli. En effet, d'éventuelles difficultés apportées à la fonction législative communautaire, telles que celles mentionnées par la Commission, ne sont pas de nature à fonder le caractère exclusif de la compétence de la Communauté.

    21 Pour les mêmes raisons, une compétence exclusive ne peut pas davantage se fonder sur les dispositions communautaires arrêtées sur la base de l'article 100 du traité, dont notamment la directive 80/1107/CEE du Conseil, du 27 novembre 1980, concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à des agents chimiques, physiques et biologiques pendant le travail (JO L 327, p. 8), et les directives particulières, arrêtées sur la base de l'article 8 de celle-ci, qui contiennent toutes des prescriptions minimales.

    IV

    22 Certaines directives intervenues dans des domaines faisant l'objet de la partie III de la convention n 170 contiennent des règles qui ne revêtent toutefois pas le caractère de prescription minimale. Il en va ainsi de la directive 67/548/CEE du Conseil, du 27 juin 1967, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances dangereuses (JO 1967, 196, p. 1), prise sur le fondement de l'article 100, modifiée notamment par la directive 79/831/CEE du Conseil, du 18 septembre 1979 (JO L 259, p. 10) et la directive 88/379/CEE du Conseil, du 7 juin 1988, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la classification, à l'emballage et à l'étiquetage des préparations dangereuses (JO L 187, p. 14), adoptée sur la base de l'article 100 A.

    23 Ces directives contiennent des dispositions qui, à certains égards, constituent des mesures assurant une protection des travailleurs, dans leurs conditions de travail, plus étendue que les dispositions de la partie III de la convention n 170. C'est le cas, notamment, des règles, très détaillées, sur l'étiquetage établies par l'article 7 de la directive 88/379, précitée.

    24 Le domaine d'application de la convention n 170 est toutefois plus étendu que celui des directives précitées. Ainsi, la notion de produits chimiques ((article 2, sous a) )) est-elle plus large que celle de produits visés par ces directives. Par ailleurs, et à la différence des dispositions de ces directives, les articles 6, paragraphe 3, et 7, paragraphe 3, de la convention réglementent le transport des produits chimiques.

    25 S'il n'existe aucune contradiction entre ces dispositions de la convention et celles des directives précitées, il convient toutefois d'admettre que la partie III de la convention n 170 relève d'un domaine déjà couvert en grande partie par des règles communautaires, progressivement adoptées depuis 1967 dans la perspective d'une harmonisation encore plus complète et destinée, d'une part, à éliminer les obstacles aux échanges résultant des divergences entre les réglementations des États membres et, d'autre part, à assurer, en même temps, la protection de la population ainsi que de l'environnement.

    26 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les engagements découlant de la partie III de la convention n 170 qui relèvent du domaine des directives, mentionnées ci-dessus au point 22, sont de nature à affecter les règles communautaires fixées par ces directives et que, dès lors, les États ne peuvent, hors du cadre des institutions communes, prendre de tels engagements.

    V

    27 La partie II de la convention n 170 contient des principes généraux, énoncés aux articles 3, 4, et 5, relatifs à sa mise en oeuvre.

    28 Dans la mesure où il est établi que les dispositions matérielles de la convention n 170 relèvent du domaine de la compétence de la Communauté, celle-ci est également compétente pour prendre des engagements visant la mise en oeuvre de ces dispositions.

    29 L'article 3 impose la consultation des organisations les plus représentatives d'employeurs et de travailleurs sur les mesures à prendre pour donner effet aux dispositions de la convention n 170. L'article 4 détermine que chaque membre doit élaborer, appliquer et revoir périodiquement une politique cohérente de sécurité dans l'utilisation des produits chimiques au travail, à la lumière des conditions et des pratiques nationales et en consultation avec lesdites organisations.

    30 Il est vrai que, en l'état actuel du droit communautaire, la politique sociale, et notamment la concertation entre partenaires sociaux, relève d'une manière prépondérante du domaine de la compétence des États membres.

    31 Toutefois, cette matière n'est pas complètement soustraite à la compétence de la Communauté. A cet égard, il y a lieu de relever notamment que, selon l'article 118 B du traité, la Commission s'efforce de développer le dialogue entre partenaires sociaux au niveau européen.

    32 Par conséquent, la question de savoir si des engagements internationaux, ayant pour objet la consultation d'organisations représentatives des employeurs et des travailleurs, relèvent de la compétence des États membres ou de celle de la Communauté ne peut pas être dissociée de l'objet de la consultation.

    33 L'article 5 de la convention n 170 impose, si cela est justifié par des raisons de sécurité et de santé, que soit accordée à l'autorité compétente le pouvoir d'interdire ou de limiter l'utilisation de certains produits chimiques dangereux, ou d'exiger une notification ainsi qu'une autorisation préalable à l'utilisation de ces produits.

    34 Il convient de relever, à ce propos, que, quand bien même l'autorité compétente visée par cet article serait une autorité d'un des États membres, la Communauté peut néanmoins assumer l'obligation visée à cet article sur le plan externe. En effet, de la même manière que, sur le plan interne, la Communauté peut, dans un domaine couvert par des règles communautaires, prévoir que des autorités nationales soient investies de certains pouvoirs de contrôle (voir notamment, l'article 4 de la directive 80/1107/CEE, du Conseil, du 27 novembre 1980, concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à des agents chimiques, physiques et biologiques pendant le travail, JO L 327, p. 8, cité par le Conseil), elle peut, sur le plan externe, prendre des engagements visant à assurer le respect de dispositions matérielles qui relèvent de sa compétence et qui impliquent l'attribution de certains pouvoirs de contrôle aux autorités nationales.

    VI

    35 Enfin, comme le gouvernement français l'a observé, le champ d'application matériel de la convention échappe au domaine assigné au régime d'association des pays et territoires d'outre-mer et, dès lors, ainsi que la Cour l'a relevé dans l'avis 1/78, précité, points 61 et 62, il appartient aux États membres, qui assurent les relations internationales de ces territoires et qui les représentent à ce titre, de conclure la convention en cause.

    VII

    36 Dans la délibération 1/78 du 14 novembre 1978 (Rec. p. 2151, points 34 à 36), la Cour a souligné que lorsqu'il apparaît que la matière d'un accord ou d'une convention relève pour partie de la compétence de la Communauté et pour partie de celle des États membres, il importe d'assurer une coopération étroite entre ces derniers et les institutions communautaires tant dans le processus de négociation et de conclusion que dans l'exécution des engagements assumés. Cette obligation de coopération, relevée dans le cadre du traité CEEA, s'impose également dans le cadre du traité CEE, car elle découle de l'exigence d'unité dans la représentation internationale de la Communauté.

    37 En l'espèce, la coopération entre la Communauté et les États membres est d'autant plus nécessaire que la première ne peut pas, en l'état actuel du droit international, contracter elle-même une convention de l'OIT et qu'elle doit le faire par l'intermédiaire des seconds.

    38 Il appartient donc aux institutions communautaires et aux États membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer au mieux une telle coopération, tant dans le processus de soumission à l'autorité compétente et de ratification de la convention n 170 que dans l'exécution des engagements découlant de cette convention.

    VIII

    39 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que la conclusion de la convention n 170 de l'OIT relève d'une compétence appartenant ensemble aux États membres et à la Communauté

    Dispositif


    En conclusion,

    LA COUR

    émet l'avis suivant:

    La conclusion de la convention n 170 de l'OIT relève d'une compétence appartenant ensemble aux États membres et à la Communauté

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