This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document 61989TJ0043
Judgment of the Court of First Instance (Fourth Chamber) of 6 April 1990. # Walter Gill v Commission of the European Communities. # Officials - Invalidity pension - Occupational disease. # Case T-43/89.
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 6 avril 1990.
Walter Gill contre Commission des Communautés européennes.
Fonctionnaires - Pension d'invalidité - Maladie professionnelle.
Affaire T-43/89.
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 6 avril 1990.
Walter Gill contre Commission des Communautés européennes.
Fonctionnaires - Pension d'invalidité - Maladie professionnelle.
Affaire T-43/89.
Recueil de jurisprudence 1990 II-00173
ECLI identifier: ECLI:EU:T:1990:28
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 6 avril 1990. - Walter Gill contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Pension d'invalidité - Maladie professionnelle. - Affaire T-43/89.
Recueil de jurisprudence 1990 page II-00173
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
++++
1 . Fonctionnaires - Sécurité sociale - Assurance accidents et maladies professionnelles - Invalidité - Régimes distincts
( Statut des fonctionnaires, art . 73 et 78 )
2 . Fonctionnaires - Statut - Interprétation autonome
3 . Fonctionnaires - Sécurité sociale - Pension d' invalidité - Maladie professionnelle - Notion
( Statut des fonctionnaires, art . 78, alinéa 2 )
1 . Les régimes établis par les articles 73 et 78 du statut des fonctionnaires sont différents et indépendants l' un de l' autre . Contrairement à l' article 73, l' article 78 n' habilite pas les institutions à fixer les conditions d' attribution des pensions d' invalidité, et l' application de ses dispositions n' est donc assujettie qu' aux conditions prévues aux articles 13 à 16 de l' annexe VIII du statut, lesquels ne contiennent ni définition de la "maladie professionnelle" ni référence aux dispositions de l' article 73 ou à la réglementation fixant les modalités d' application dudit article .
Il serait donc contraire à l' économie des dispositions concernées de se référer, aux fins de l' application de l' article 78, deuxième alinéa, du statut, à la définition de la "maladie professionnelle" figurant à l' article 3 de la réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle, établie d' un commun accord des institutions en vertu de l' habilitation expresse de l' article 73, paragraphe 1, à plus forte raison si une telle référence avait pour conséquence de limiter les droits des intéressés .
2 . Le statut des fonctionnaires devant, en tant qu' instrument autonome des Communautés, être interprété dans son contexte propre et selon ses finalités propres, on ne saurait se référer, pour l' interprétation de la notion de maladie professionnelle visée à l' article 78, deuxième alinéa, au règlement n 1408/71, lequel se limite à coordonner les législations nationales en matière de sécurité sociale .
3 . L' article 78 du statut doit être interprété comme excluant du champ d' application de son deuxième alinéa des faits qui se sont déroulés exclusivement avant l' entrée en service du fonctionnaire . L' état pathologique du fonctionnaire concerné doit présenter un rapport suffisamment direct avec un risque spécifique et typique, inhérent aux fonctions qu' il a exercées auprès des Communautés .
Une institution doit être présumée avoir accepté la responsabilité financière découlant du risque que la maladie pulmonaire chronique d' un fonctionnaire, déjà établie lors de l' examen médical préalable à son entrée en fonctions et résultant de l' inhalation de poussières au fond des mines, entraînerait une invalidité le mettant dans l' impossibilité d' exercer ses fonctions, dès lors qu' elle affecte l' intéressé à des tâches comportant pour lui la nécessité de continuer à descendre au fond des mines avec tous les risques en résultant pour l' évolution de son état de santé .
Le fait que l' existence de la maladie ait été connue de l' institution dès le recrutement de l' intéressé et le fait que son aggravation était entièrement prévisible eu égard à la nature des fonctions auxquelles le fonctionnaire a été affecté constituent, d' autre part, un faisceau de présomptions concordantes suffisant pour permettre au Tribunal de constater que l' aggravation de la maladie qui s' est effectivement manifestée a trouvé son origine dans l' exercice ou à l' occasion de l' exercice des fonctions au service des Communautés .
Dans l' affaire T-43/89,
Walter Gill, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Stoke-by-Clare, Suffolk, Royaume-Uni, représenté par Me Aloyse May, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude dudit Me May, 31, Grand-rue,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M . Sean van Raepenbusch, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet l' annulation de la décision de la Commission du 20 mai 1988 refusant au requérant le bénéfice de l' application de l' article 78, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires et fixant sa pension d' invalidité sur la base de l' article 78, troisième alinéa, dudit statut,
LE TRIBUNAL ( quatrième chambre ),
composé de MM . D . A . O . Edward, président de chambre, R . Schintgen et R . Garcia-Valdecasas, juges,
greffier : M . H . Jung
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 14 mars 1990,
rend le présent
Arrêt
Les faits à l' origine du recours
1 Au cours de la procédure écrite, la Commission avait soulevé une exception d' irrecevabilité . L' agent de la Commission ayant formellement renoncé à cette exception au début de la procédure orale, seuls sont repris ci-dessous les éléments relatifs au fond de l' affaire .
2 Né en 1924, le requérant, après huit ans de service comme pilote militaire, a commencé en 1948 sa carrière dans les mines de charbon en Angleterre . Il a été successivement mineur, boutefeu, directeur de mine, inspecteur des mines, inspecteur régional des mines et, enfin, inspecteur principal des mines attaché au ministère à Londres . Entre 1948 et 1971, il est descendu au fond cinq à sept fois par semaine . Parallèlement, de 1949 à 1952, il a suivi des études d' ingénieur des mines et a obtenu, en 1952, un diplôme de l' université de Londres ( BSc Honours in Engineering and Mining ). Entre 1971 et 1974, il est descendu au fond plusieurs fois par mois . Jusqu' en 1961, environ, il a été fumeur .
3 En 1974, eu égard à sa large expérience professionnelle, le requérant a été recruté par les services de la Commission en qualité d' administrateur principal et affecté à la division "problèmes de sécurité dans le secteur carbosidérurgique" de la direction "sécurité et médecine de travail", au sein de la direction générale des affaires sociales à Luxembourg . Plus précisément, il a été recruté afin d' accomplir des tâches de conception, d' étude et de contrôle relatives à :
- la promotion de recherches dans le domaine de l' hygiène du travail dans les mines, la coordination de ces recherches et la diffusion de leurs résultats;
- la préparation d' un nouveau programme dans le domaine de la sécurité minière, par des contacts avec les milieux intéressés de la CECA .
4 Le requérant a donné toute satisfaction dans l' accomplissement de ces tâches et ses fonctions ont été étendues à d' autres tâches de gestion . Entre 1974 et 1979, il a été appelé à inspecter différentes mines dans les pays de la Communauté et à descendre au fond de vingt à trente fois . A la suite d' un accident survenu au début de 1979, il n' est descendu au fond qu' une ou deux fois entre 1979 et 1981 .
5 L' examen radiographique du thorax effectué lors de l' examen médical qui a précédé son entrée en fonctions a révélé une broncho-pneumopathie ( maladie pulmonaire ) chronique . La Commission n' en a pas informé le requérant, pas plus qu' elle n' a invoqué les dispositions de l' article 1er de l' annexe VIII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut ").
6 Le 11 juin 1981, le requérant a déposé une demande de mise en invalidité, faisant état d' une maladie professionnelle au sens de l' article 78, deuxième alinéa, du statut . Un certificat médical joint en annexe constatait une incapacité de travail "due à une broncho-pneumopathie obstructive, vraisemblablement liée à l' inhalation de poussière ( travail dans les mines )". L' existence d' une invalidité permanente et totale a été très vite constatée et le requérant a fait valoir qu' il avait droit à une pension calculée en application dudit article 78, deuxième alinéa .
7 Après de nombreux retards et malentendus qui n' étaient en aucun cas imputables au requérant, la commission d' invalidité s' est finalement réunie le 27 mars 1987 . Entre-temps, le 21 octobre 1983, l' autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission a pris une décision provisoire, admettant le requérant au bénéfice d' une pension d' invalidité calculée en application de l' article 78, troisième alinéa, du statut . La commission d' invalidité a établi son rapport le 31 mars 1987 . Ses conclusions essentielles sont les suivantes :
"M . Walter Gill continue à être atteint d' une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l' impossibilité d' exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière .
Cette invalidité ne résulte pas d' un accident survenu dans l' exercice ou à l' occasion de l' exercice de ses fonctions, d' un acte de dévouement accompli dans un intérêt public ou du fait d' avoir exposé ses jours pour sauver une vie humaine .
L' invalidité n' a pas été non plus intentionnellement provoquée par le fonctionnaire . M . Gill n' est pas atteint d' une des maladies reprises dans le catalogue des maladies professionnelles des Communautés européennes . Toutefois, la commission d' invalidité est d' avis qu' il y a une relation de cause à effet vraisemblable et un rapport suffisamment direct avec un risque spécifique et typique inhérent aux fonctions exercées entre 1948 et 1971 . Par contre, une relation de cause à effet lui semble peu probable pour la période de 1974 à 1981 où M . Gill était fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes à Luxembourg ."
8 Le 4 novembre 1987, le directeur général de la direction générale du personnel et de l' administration a adressé au requérant la lettre suivante :
"A défaut d' une probabilité suffisante quant à la relation de cause à effet entre vos fonctions en tant que fonctionnaire de la Communauté et votre invalidité, un tel rapport ne saurait être considéré comme faisant apparaître une maladie professionnelle au sens du deuxième alinéa de l' article 78 du statut .
J' ai donc le regret de vous informer de ce que votre pension continuera à être déterminée conformément au troisième alinéa de l' article 78 ."
9 Le requérant a aussitôt introduit une réclamation, qui a été rejetée par décision de la Commission du 20 mai 1988 .
La procédure
10 C' est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe de la Cour de justice le 18 août 1988, le requérant a introduit le présent recours contre la Commission visant à obtenir l' annulation de la décision du 20 mai 1988 .
11 Le requérant a conclu à ce qu' il plaise à la Cour :
- annuler la décision du 20 mai 1988;
- dire que le requérant est atteint d' une invalidité permanente et totale résultant d' une maladie professionnelle au sens de l' article 78, deuxième alinéa, du statut;
- dire que le requérant a droit à une pension d' invalidité égale à 70 % de son traitement de base depuis le jour de sa mise en invalidité, c' est-à-dire à partir du 1er novembre 1983;
- condamner la partie défenderesse à tous les frais et dépens de l' instance .
12 La Commission a conclu à ce qu' il plaise à la Cour :
- déclarer la requête irrecevable, ou à tout le moins non fondée;
- statuer sur les dépens comme de droit .
13 La procédure écrite s' est entièrement déroulée devant la Cour . En vertu de l' article 3, paragraphe 1, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988 instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes, la Cour ( première chambre ) a, par ordonnance du 15 novembre 1989, renvoyé l' affaire devant le Tribunal .
14 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal ( quatrième chambre ) a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables . Le Tribunal a, toutefois, demandé à la Commission de compléter le dossier par la production de certaines pièces .
15 La procédure orale s' est déroulée le 14 mars 1990 . Ainsi qu' il a été mentionné ci-dessus, l' agent de la Commission a formellement renoncé, au début de l' audience, à l' exception d' irrecevabilité qui avait été soulevée dans les mémoires écrits . Les représentants des parties ont été entendus en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal .
Sur le fond
16 A l' appui de ses conclusions, le requérant fait valoir :
- que l' article 78, deuxième alinéa, du statut n' exige pas qu' il y ait un lien de cause à effet entre la maladie professionnelle et les fonctions exercées auprès des Communautés;
- qu' en tout état de cause sa maladie a été aggravée par les conditions dans lesquelles il a exercé ses fonctions auprès des Communautés, en particulier par les différentes descentes au fond;
- que les signes de maladie apparus sur les radiographies prises lors de son entrée en fonctions n' ont pas été portés à sa connaissance, ce qui ne lui a pas permis de se soumettre à des traitements thérapeutiques et d' éviter ainsi une invalidité totale;
- que les termes du mandat confié à la commission d' invalidité étaient imprécis et erronés;
- que le rapport de cette commission, en tant qu' il constate une absence de cause à effet entre la maladie et les fonctions exercées pour la période postérieure à 1974, est insuffisamment motivé .
17 La Commission ne conteste pas que, abstraction faite de l' identité de son employeur à tel ou tel moment, l' invalidité du requérant est due à une maladie professionnelle en ce sens que cette maladie trouve son origine dans l' exercice par le requérant de son activité professionnelle dans les mines . Elle ne conteste pas non plus que la maladie s' est aggravée après 1974 . En ce qui concerne l' interprétation donnée par le requérant à l' article 78, deuxième alinéa, du statut, en revanche, elle soutient que l' expression "maladie professionnelle" doit être interprétée conformément à l' article 3 de la réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "règlement de couverture "), arrêtée en application de l' article 73 du statut . Aux termes de cet article 3 :
"1 . Sont considérées comme maladies professionnelles les maladies qui figurent à la 'liste européenne des maladies professionnelles' ...
2 . Est également considérée comme maladie professionnelle toute maladie ou aggravation d' une maladie préexistante ne figurant pas à la liste visée au paragraphe 1, lorsqu' il est suffisamment établi qu' elle trouve son origine dans l' exercice ou à l' occasion de l' exercice des fonctions au service des Communautés ."
18 La maladie dont le requérant est atteint ne figurant pas à la liste européenne des maladies professionnelles, la Commission soutient qu' il y aurait lieu d' appliquer les dispositions de l' article 3, paragraphe 2, du règlement de couverture, lesquelles exigent qu' un lien de causalité soit prouvé . En outre, selon la Commission, la position du requérant "est en contradiction avec le principe élémentaire, à la base de toute couverture d' un risque social, dans quelque branche de sécurité sociale que ce soit, suivant lequel tel régime de sécurité sociale n' est applicable que lorsque le fait générateur considéré est survenu sous l' empire dudit régime ". Elle affirme que "l' octroi des prestations au requérant du fait de sa broncho-pneumopathie chronique, contractée indiscutablement à l' époque de ses activités professionnelles dans les mines de charbon au Royaume-Uni, maladie qui continua à se développer après la cessation d' exposition au risque, doit être examiné au regard de la seule législation britannique, sous laquelle il était affilié durant cette période ". Il est constant, au reste, que cette législation n' ouvre aucun droit au requérant . A l' appui de cette argumentation, l' agent de la Commission a, en outre, fait référence dans sa plaidoirie aux principes consacrés par le règlement ( CEE ) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté .
19 Si l' on accepte la prémisse selon laquelle, ainsi que l' a jugé la Cour ( arrêts du 12 janvier 1983, K./Conseil, 257/81, Rec . p . 1, et du 20 mai 1987, Geist/Commission, 242/85, Rec . p . 2181 ), les régimes établis par les articles 73 et 78 du statut sont différents et indépendants l' un de l' autre, il y a lieu d' examiner si la définition de la "maladie professionnelle" figurant à l' article 3 du règlement de couverture peut être adoptée aux fins de l' interprétation de l' article 78, deuxième alinéa, du statut . Tout d' abord, il convient de relever que les articles en cause commencent, tous deux, par les mêmes termes (" Dans les conditions fixées ...", "Dans les conditions prévues ..."). Mais, tandis que le paragraphe 1 de l' article 73 du statut confie aux institutions le soin de fixer, par une réglementation établie d' un commun accord, les conditions d' attribution des prestations prévues aux paragraphes 2 et 3 du même article, le premier alinéa de l' article 78 du statut, quant à lui, renvoie aux articles 13 à 16 de l' annexe VIII en ce qui concerne les conditions d' ouverture du droit à une pension d' invalidité au titre de l' article 78 . C' est donc en vertu de l' habilitation expresse inscrite à l' article 73 du statut que l' article 3 du règlement de couverture définit la "maladie professionnelle ". Par contre, l' article 78 du statut ne conférant pas une pareille habilitation aux institutions, l' application de ses dispositions n' est assujettie qu' aux conditions prévues aux articles 13 à 16 de l' annexe VIII du statut, lesquels ne contiennent ni définition de la "maladie professionnelle" ni référence aux dispositions de l' article 73 du statut ou à la réglementation fixant les modalités d' application dudit article . Il serait donc contraire à l' économie des dispositions concernées de se référer, aux fins de l' application de l' article 78, deuxième alinéa, du statut, à une définition arrêtée, en vertu d' une habilitation expresse du statut, dans le règlement de couverture, et cela à plus forte raison si une telle référence avait pour conséquence de limiter les droits des intéressés .
20 De même, l' argument tiré du règlement n 1408/71 du Conseil ne peut être retenu . En effet, ce règlement se limitant à coordonner les législations nationales en matière de sécurité sociale, on ne saurait s' y référer pour l' interprétation du statut des fonctionnaires, lequel, en tant qu' instrument autonome des Communautés, doit être interprété dans son propre contexte et selon ses propres finalités .
21 Rappelant l' évolution historique des dispositions relatives à la pension d' invalidité, la Cour a jugé que la modification apportée en 1972 à l' article 78 du statut avait eu pour but d' éviter des prestations injustifiées et que la réglementation actuelle doit être interprétée comme excluant du champ d' application de son deuxième alinéa des faits qui se sont déroulés exclusivement avant l' entrée en service du fonctionnaire ( arrêt du 24 novembre 1983, Cohen/Commission, points 13 à 17, 342/82, Rec . p . 3829 ). L' état pathologique du fonctionnaire concerné doit présenter un rapport suffisamment direct avec un risque spécifique et typique, inhérent aux fonctions qu' il a exercées auprès des Communautés ( arrêt du 12 janvier 1983, K./Conseil, point 20, 257/81, Rec . p . 1 ).
22 C' est à la lumière de ces considérations qu' il convient d' examiner les circonstances tout à fait particulières de la présente affaire . Le requérant a été recruté par la Commission en raison de son expérience professionnelle très large . Son recrutement au service des Communautés a été le prolongement - voire même l' apogée - d' une carrière professionnelle homogène, qui a débuté par un travail manuel au fond des mines, avant de passer à des responsabilités de gestion, puis de supervision et de contrôle au niveau local, régional, national et enfin communautaire . Son expérience au fond faisait partie intégrante de cette carrière, dont elle constituait un élément essentiel . Les risques de maladie pulmonaire résultant de l' inhalation de poussières au fond des mines étaient notoires et faisaient également partie intégrante de cette carrière .
23 C' est donc en pleine connaissance de ce que le requérant pouvait être atteint d' une maladie liée à son activité professionnelle que la Commission a procédé à son recrutement . Cette éventualité s' est confirmée lorsque l' examen radiographique du thorax effectué au moment de son entrée en fonctions a révélé l' existence d' une maladie pulmonaire chronique . Cet examen a été effectué dans l' intérêt de l' institution, en application de l' article 33 du statut, et son résultat ne saurait donc être couvert, comme l' a soutenu l' agent de la Commission à l' audience, par le secret médical . En effet, l' article 28, sous e ), du statut prévoit que nul ne peut être nommé fonctionnaire s' il ne remplit les conditions d' aptitude physique requises pour l' exercice de ses fonctions . La finalité de l' examen médical est précisément de permettre à l' institution de ne pas procéder à la nomination d' un candidat inapte aux fonctions prévues ou bien de le recruter en l' affectant à des fonctions compatibles avec son état de santé . A tout le moins, l' institution peut se fonder sur les dispositions de l' article 1er de l' annexe VIII du statut pour décider de ne l' admettre au bénéfice des garanties prévues en matière d' invalidité qu' à l' issue d' une période de cinq ans pour les suites ou conséquences d' une maladie dont il est atteint .
24 La Commission n' a choisi aucune des trois possibilités qui lui étaient ouvertes . Au contraire, elle a affecté le requérant à des fonctions comportant pour lui la nécessité de continuer à descendre au fond, avec tous les risques qui en résultaient pour l' évolution de son état de santé . Il va de soi que c' était de cette manière que la Commission pouvait profiter au maximum de l' expérience et des connaissances du requérant et, de ce fait, de son activité professionnelle menée au risque d' une maladie pulmonaire . Il serait manifestement injustifié que la Commission puisse ainsi tirer avantage de l' expérience professionnelle acquise par le requérant avant et après son entrée en fonctions sans en supporter les désavantages . La Commission doit être présumée avoir accepté la responsabilité financière découlant du risque que la maladie pulmonaire du requérant, déjà établie, entraînerait une invalidité le mettant dans l' impossibilité d' exercer ses fonctions .
25 Il s' ensuit que la demande du requérant satisfait aux conditions requises par l' article 78, deuxième alinéa, du statut, tel qu' il y a lieu, selon le Tribunal, de l' interpréter .
26 En admettant même que l' on retienne comme bien fondée la thèse soutenue par la Commission, selon laquelle l' article 78 du statut devrait être interprété à la lumière de l' article 3 du règlement de couverture, les liens de causalité, de connexité et de continuité requis au paragraphe 2 de cette dernière disposition ont été clairement établis . La Commission ne conteste pas qu' au moment de son entrée en fonctions le requérant était atteint d' une "maladie préexistante", ni qu' il y a eu une "aggravation" de cette maladie pendant la période où il a été à son service . Le fait que l' existence de la maladie était connue de la Commission dès le début et le fait que son aggravation était entièrement prévisible constituent un faisceau de présomptions concordantes, suffisant pour permettre au Tribunal de constater que l' aggravation qui s' est manifestée a trouvé "son origine dans l' exercice ou à l' occasion de l' exercice des fonctions au service des Communautés ".
27 Les éléments nécessaires pour justifier la demande du requérant étant réunis, il n' y a pas lieu de répondre aux autres moyens et arguments . La décision attaquée doit être annulée . Il incombe à la Commission de prendre les mesures que comporte l' exécution du présent arrêt .
Sur les dépens
28 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis au Tribunal en vertu de l' article 11 de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, précitée, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens . La partie défenderesse ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens .
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL ( quatrième chambre )
déclare et arrête :
1 ) La décision de la Commission du 20 mai 1988 refusant au requérant le bénéfice de l' application de l' article 78, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires et fixant sa pension d' invalidité sur la base de l' article 78, troisième alinéa, dudit statut est annulée .
2 ) La Commission est condamnée aux dépens .