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Document 61988CC0244

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 26 septembre 1989.
Usines coopératives de déshydratation du Vexin et autres contre Commission des Communautés européennes.
Agriculture - Règlement portant suspension de la fixation à l'avance d'une aide - Recevabilité du recours en annulation.
Affaire C-244/88.

Recueil de jurisprudence 1989 -03811

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1989:345

61988C0244

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 26 septembre 1989. - Usines coopératives de déshydratation du Vexin et autres contre Commission des Communautés européennes. - Agriculture - Règlement portant suspension de la fixation à l'avance d'une aide - Recevabilité du recours en annulation. - Affaire C-244/88.

Recueil de jurisprudence 1989 page 03811


Conclusions de l'avocat général


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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Les requérantes attaquent le règlement ( CEE ) n° 1910/88 de la Commission ( 1 ), qui a suspendu la fixation à l' avance de l' aide pour les fourrages séchés pour la période du 1er au 7 juillet 1988 .

Le cadre normatif pertinent dans la présente procédure est décrit dans le rapport d' audience, auquel nous renvoyons . Nous nous contentons de rappeler que le règlement attaqué est fondé sur l' article 12 du règlement ( CEE ) n° 1417/78 du Conseil ( 2 ), qui prévoit la possibilité de suspendre la fixation à l' avance de l' aide en question en cas de situation anormale sur le marché des fourrages séchés dans la Communauté, notamment lorsque le volume des demandes de fixation à l' avance n' apparaît pas en rapport avec l' écoulement normal de ces fourrages . Nous rappelons en outre que, conformément à l' article 9 du règlement ( CEE ) n° 1528/78 ( 3 ) de la Commission (( dans la version en vigueur à l' époque des faits de l' affaire, résultant du règlement ( CEE ) n° 2334/87 ( 4 ))), cette suspension implique le rejet des demandes de certificats avec fixation à l' avance du montant de l' aide, certificats qui, en l' absence de suspension, seraient délivrés aux entreprises demanderesses le troisième jour ouvrable suivant la date de présentation de la demande .

2 . Les requérantes ont présenté à l' organisme national d' intervention des demandes de certificats avec fixation à l' avance de l' aide en cause, les 28, 29 et 30 juin 1988 .

Toutefois, pendant les derniers jours du mois de juin, on avait pu constater, en même temps qu' une augmentation soudaine du prix mondial des fourrages séchés, un afflux massif de demandes de fixation à l' avance de l' aide dans le cadre de la Communauté .

La Commission a estimé qu' il s' agissait d' un phénomène de caractère spéculatif . En effet, l' aide en question est fixée périodiquement en fonction de la différence entre le prix communautaire et le prix mondial ( normalement moins élevé ) des fourrages séchés .

Du fait de l' augmentation du prix mondial enregistrée à la fin juin, les opérateurs ont pu prévoir une réduction du montant de l' aide à partir du mois suivant ( ce qui s' est effectivement vérifié par la suite ): d' où l' intérêt de demander la fixation à l' avance de l' aide pour un montant non encore rectifié à la baisse .

Dans ces circonstances, la Commission est intervenue sur la base des pouvoirs qui lui sont conférés à l' article 12 du règlement ( CEE ) n° 1417/78, précité, en adoptant le règlement de suspension litigieux : cela a entraîné le rejet des demandes déposées par les requérantes également .

3 . A titre préliminaire, la Commission a soulevé une exception d' irrecevabilité du recours, en estimant que les conditions visées à l' article 173, alinéa 2, du traité n' étaient pas satisfaites .

Selon elle, en effet, l' acte attaqué a une portée générale et ne peut donc être conçu comme une décision qui, bien que prise sous l' apparence d' un règlement, concerne individuellement les requérantes .

Il convient de préciser à cet égard que, conformément à la jurisprudence constante et bien connue de la Cour ( 5 ):

"L' article 173, alinéa 2, du traité CEE subordonne la recevabilité d' un recours en annulation formé par un particulier à la condition que l' acte attaqué, même s' il a été pris sous l' apparence d' un règlement, constitue, en réalité, une décision qui concerne le requérant directement et individuellement . L' objectif de cette disposition est notamment d' éviter que, par le simple choix de la forme d' un règlement, les institutions communautaires puissent exclure le recours d' un particulier contre une décision qui le concerne directement et individuellement, et de préciser ainsi que le choix de la forme ne peut pas changer la nature d' un acte .

Un recours formé par un particulier n' est toutefois pas recevable dans la mesure où il est dirigé contre un règlement de portée générale au sens de l' article 189, alinéa 2, du traité CEE . Le critère de distinction entre le règlement et la décision doit être recherché dans la portée générale ou non de l' acte en question . Il y a donc lieu d' apprécier la nature de l' acte attaqué et, en particulier, les effets juridiques qu' il vise à produire ou produit effectivement .

La nature réglementaire d' un acte n' est pas mise en cause par la possibilité de déterminer le nombre ou même l' identité des sujets de droit auxquels il s' applique à un moment donné, tant il est constant que cette application s' effectue en vertu d' une situation objective de droit ou de fait définie par l' acte, en relation avec la finalité de ce dernier .

Pour que ces sujets puissent être considérés comme individuellement concernés, il faut qu' ils soient atteints dans leur position juridique en raison d' une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et les individualise d' une manière analogue à celle d' un destinataire ."

4 . Il convient encore de rappeler que, dans les cas, d' ailleurs limités, où la Cour a admis qu' un acte adopté sous la forme d' un règlement concernait individuellement ceux qui l' avaient attaqué, elle a accordé une importance essentielle au fait que, au moment de l' adoption de la mesure, les destinataires des effets de l' acte étaient identifiés ou au moins identifiables .

Ainsi, dans l' arrêt International Fruit ( 6 ) ( en se prononçant sur un règlement prorogeant le régime de limitations quantitatives à la délivrance de titres d' importation pour les pommes de table originaires de pays tiers ), la Cour a souligné que

"lors de l' adoption dudit règlement, le nombre des demandes ( de licences d' importation ) susceptibles d' en être affectées était ... déterminé; qu' aucune nouvelle demande ne pouvait s' y ajouter" ( voir points 16 à 19 des motifs;

c' est nous qui soulignons );

et que,

"de ce fait, en arrêtant le maintien, pour la période en cause, du régime mis en oeuvre par l' article 1 du règlement n° 565/70, la Commission, même si elle a pris connaissance uniquement des quantités demandées, a décidé de la suite à donner à chaque demande déposée" ( voir points 20 à 22 des motifs ).

De manière analogue, dans l' arrêt CAM ( 7 ), la Cour développe son raisonnement à partir de la considération selon laquelle le règlement contesté :

"vise un nombre déterminé et connu d' exportateurs de céréales ainsi que, pour chacun d' eux, le volume des transactions pour lequel il avait été demandé une préfixation" ( voir point 15 des motifs; c' est nous qui soulignons ).

La possibilité d' identifier des sujets à qui l' acte s' avérait applicable a été jugée déterminante pour définir la nature de règlement ou de décision, également dans l' arrêt Toepfer ( 8 ).

Il convient, du reste, de souligner que la possibilité d' identifier des destinataires ou, mieux encore, le fait que ces derniers représentent un nombre déterminé et fixe ( numerus clausus ) connu par l' institution qui adopte l' acte, si elle constitue une condition nécessaire pour que le caractère non réglementaire de l' acte soit admis, n' est pas une condition suffisante en soi .

Nous avons déjà dit que, conformément à la jurisprudence citée ci-dessus, "la nature réglementaire d' un acte n' est pas mise en cause par la possibilité de déterminer le nombre ou même l' identité des sujets de droit auxquels il s' applique à un moment donné, tant il est constant que cette application s' effectue en vertu d' une situation objective de droit ou de fait définie par l' acte en relation avec la finalité de ce dernier ".

En effet, il s' avère également indispensable que la circonstance qui permet d' identifier les destinataires de l' acte ait déterminé d' une manière ou d' une autre l' intervention de l' institution et relève donc de la raison d' être de l' acte lui-même .

Comme cela a été dit, "la connaissance du nombre et de l' identité des personnes concernées, généralement rendue possible par le caractère rétroactif de la mesure, n' est qu' une donnée première qui doit encore être complétée par l' individualisation de leur situation . Cette individualisation résultera non seulement de certaines qualités particulières ou d' une situation de fait spécifique, données objectives, mais de leur prise en considération par l' autorité communautaire" ( 9 ).

On a souligné, en termes encore plus explicites, que : "il ne suffit pas que le nombre ou l' identité de ces personnes soient connus, ou puissent l' être; il faut encore qu' ils figurent parmi les éléments ayant déterminé l' adoption de l' acte . En d' autres mots, il faut un lien de causalité entre la connaissance qu' a l' institution de la situation du requérant et la mesure adoptée" ( 10 ) ( c' est nous qui soulignons ).

5 . Pour en venir, à présent, au cas d' espèce, il convient avant tout de constater qu' au moment de l' adoption du règlement litigieux, le 30 juin 1988, les destinataires de l' acte ne constituaient pas un cercle déterminé et connu de la Commission .

Comme cela arrive souvent dans les cas de suspension de la délivrance de certificats avec fixation à l' avance, le règlement en cause a produit des effets à l' égard aussi bien de demandes déjà présentées que de demandes qui n' avaient pas encore été introduites, mais qui auraient pu l' être après le 30 juin 1988 .

En effet, le règlement litigieux concernait les certificats qui auraient dû être délivrés du 1er au 7 juillet 1988 . Compte tenu de l' intervalle de trois jours ouvrables entre le dépôt de la demande et la délivrance du certificat, il en résulte qu' en l' espèce la suspension concernait aussi bien les demandes présentées au cours des derniers jours du mois de juin 1988 que celles qui auraient pu être présentées après le 30 juin 1988, c' est-à-dire le vendredi 1er juillet et le lundi 4 juillet 1988 ( pour lesquelles, s' il n' y avait pas eu de suspension, les certificats auraient été délivrés respectivement le mercredi 6 et le jeudi 7 juillet 1988 ).

6 . Les requérantes objectent que l' extension, aux demandes introduites après le 30 juin 1988, de l' effet dans le temps du règlement de suspension constitue une fiction .

Elles invoquent deux raisons à cela . En premier lieu, elles affirment qu' il est contraire à la pratique courante des entreprises de demander des certificats au début du mois . En second lieu, l' objectif du règlement litigieux étant de lutter contre la spéculation, ce n' est qu' en apparence, selon elle, qu' il s' applique aux demandes présentées à partir du 1er juillet . A partir de cette date en effet, le montant de l' aide a été réduit par le règlement ( CEE ) n° 1895/88 de la Commission ( 11 ), de façon à le porter au niveau correct ( qui doit refléter la différence entre le prix mondial et le prix communautaire des fourrages séchés ). En conséquence, les demandes introduites à partir du 1er juillet, en admettant qu' il y en ait eu, ne pouvaient en aucune hypothèse avoir le caractère de spéculation et ne devaient donc pas être visées par la suspension . Les requérantes déduisent de ces considérations que le règlement en cause, même s' il est formulé différemment, ne concernait, en réalité, que les demandes présentées jusqu' au 30 juin et, donc, un groupe déterminé de sujets .

Cette argumentation ne paraît pas convaincante .

Avant tout, en ce qui concerne la pratique selon laquelle les certificats ne sont normalement pas demandés au début du mois, il s' agit d' une circonstance de fait purement accidentelle, qui n' est pas susceptible de déterminer la nature de l' acte en question .

Quant au caractère non spéculatif des demandes éventuellement présentées à partir du 1er juillet, il s' agit d' une considération qui ne peut se vérifier qu' a posteriori . Au moment de l' adoption du règlement de suspension, dans une phase de fluctuations marquées des prix sur le marché en question, la Commission n' était pas en mesure de prévoir avec une certitude absolue si l' ajustement du montant de l' aide décidé le 1er juillet serait suffisant . En attendant que la situation devienne plus claire et plus stable, il était opportun de suspendre la fixation à l' avance pour la durée maximale autorisée, c' est-à-dire pour sept jours . Nous ne croyons donc pas qu' il soit possible d' estimer que la suspension a été conçue comme visant uniquement les demandes présentées jusqu' au 30 juin . Au contraire, elle se référait en outre aux demandes éventuellement présentées ultérieurement, dont le caractère spéculatif ou non ne pouvait être déterminé avec certitude a priori .

Il est exact qu' aucune demande n' a été introduite après le 1er juillet . Mais c' est là uniquement la conséquence de la suspension décidée avec effet jusqu' au 7 juillet . En effet, les opérateurs, ayant eu connaissance de la suspension, ont été dissuadés de présenter une demande qui ne pouvait aboutir à aucun résultat utile . Cette circonstance ne dément donc pas - et confirme peut-être même - que la suspension était conçue, au moins potentiellement, comme concernant aussi bien les demandes déjà présentées ( que la Commission ne connaissait de toute façon que globalement ) que les demandes qui auraient pu être présentées dans le futur .

Il y a ensuite une considération supplémentaire . Le règlement de suspension, adopté le 30 juin, a été publié le jour suivant . Ainsi, ce n' est que le 1er juillet que les opérateurs intéressés ont eu connaissance de la suspension . En conséquence, cette dernière devait être appliquée également à des demandes présentées aux autorités nationales le 30 juin ( à une date à laquelle le montant de l' aide n' avait pas encore été réduit ) et dont la Commission, lorsqu' elle a décidé la suspension, ne pouvait matériellement pas être au courant .

Nous ne pensons donc pas qu' on puisse estimer que le règlement de suspension concernait un cercle déterminé et connu de sujets . Au contraire, ce règlement paraît destiné à produire des effets dans la "sphère juridique" d' opérateurs qui n' étaient pas déterminables au moment de l' adoption de l' acte .

7 . Cela devrait suffire à exclure que le règlement litigieux puisse être considéré comme une pluralité de décisions contre lesquelles les personnes physiques ou morales ont le droit de se prévaloir en justice sur la base de l' article 173, alinéa 2 .

Mais il y a une réflexion supplémentaire qui nous semble déterminante .

Nous pensons en effet que, indépendamment de ses effets spécifiques, ce sont plus généralement la ratio et la finalité du règlement de suspension qui conduisent à reconnaître sa nature réglementaire .

La suspension de la fixation à l' avance constitue une mesure de réglementation du marché, et ce pas seulement dans l' hypothèse qui fait l' objet de la présente procédure . Elle tend à éviter que, en présence d' une évolution anormale de la situation économique, le régime de fixation à l' avance ( de l' aide comme d' un autre avantage ) soit utilisé à des fins purement spéculatives, en le déviant ainsi du but pour lequel il a été créé .

Au contraire, la suspension ne constitue pas une riposte et moins encore une décision adoptée en relation avec les demandes individuelles de fixation à l' avance présentées . Si les dispositions qui prévoient le pouvoir de suspension précisent en général que ce pouvoir peut s' exercer "notamment" quand le volume des demandes de fixation à l' avance n' apparaît pas en rapport avec les possibilités normales d' écoulement du marché (( voir, en l' espèce, l' article 12 du règlement ( CEE ) n° 1417/78 du Conseil )), c' est dû au fait qu' un volume de demandes excessif représente un indice particulièrement probant de l' existence d' un phénomène spéculatif et, donc, d' une altération des conditions normales du marché . Mais rien n' empêche la Commission, même en l' absence d' un volume anormalement élevé de demandes, de décider de la suspension, pourvu, bien entendu, que les conditions du marché le justifient . Ainsi, par exemple, dans le secteur concerné, lorsqu' on constate une hausse inattendue du prix mondial des fourrages secs, la Commission peut décider la suspension même à titre préventif, c' est-à-dire avant que les demandes à caractère spéculatif aient commencé d' être introduites auprès des autorités nationales .

Ce qui justifie la mesure de suspension est donc uniquement la modification de l' équilibre du marché et non la présentation des demandes individuelles de la part des opérateurs économiques .

Sous cet aspect, la situation dans le cas d' espèce apparaît nettement différente de celle sur laquelle portait l' arrêt International Fruit, déjà cité . Dans ce dernier cas, la réglementation de base prévoyait que la Commission soit informée hebdomadairement par les États membres des quantités pour lesquelles des licences d' importation avaient été demandées, et que la Commission apprécie la situation et décide de la délivrance des licences sur la base de ces communications . Dans ce cas, comme nous l' avons dit, non seulement la mesure adoptée par la Commission ( en l' espèce, il s' agissait d' une mesure de sauvegarde ) concernait un groupe déterminé et fixe d' opérateurs, mais, surtout, les demandes de licences d' importation présentées par ces derniers ( et, en particulier, les quantités indiquées ) étaient l' élément essentiel pris en considération par la Commission pour définir le contenu de la mesure de sauvegarde à adopter . Dans cette hypothèse, il y a donc un lien de causalité entre les demandes de titres d' importation présentées et la mesure de sauvegarde . En conséquence, cette mesure - comme l' a souligné la Cour - ne revêtait pas de portée générale, mais, au contraire, devait être considérée comme une pluralité de décisions concernant individuellement chaque demandeur .

En revanche, c' est précisément ce lien de causalité qui ne paraît pas exister dans le cas d' espèce, la suspension de la préfixation étant logiquement liée - comme cela résulte de la réglementation de base - à une appréciation de la situation du marché et non pas nécessairement à la prise en considération des demandes de préfixation présentées .

Il nous semble, en définitive, que les règlements de suspension tels que le règlement litigieux, indépendamment du fait qu' ils produisent des effets à l' égard de demandes déjà introduites ( et donc déterminées ) ou même de demandes futures et éventuelles, doivent en toute hypothèse être considérés, compte tenu de leur ratio et de leur finalité, comme des actes à caractère normatif et applicables à des situations juridiques définies en termes abstraits et généraux .

Cette conclusion se trouve d' ailleurs confortée par un précédent analogue, en substance, au cas d' espèce . Nous nous référons à l' arrêt Moksel ( 12 ), dans lequel la Cour a déclaré irrecevable un recours en annulation formé contre un règlement de suspension de la fixation à l' avance des restitutions aux exportations dans le secteur de la viande bovine, en faisant valoir que :

"En conséquence, il résulte de la finalité de l' acte litigieux, du cadre réglementaire dans lequel il s' insère, ainsi que de sa nature même, que celui-ci est bien un règlement qui a une portée générale; il s' ensuit que l' exception soulevée par la Commission doit être accueillie en tant qu' elle concerne la demande en annulation dirigée contre le règlement ( CEE ) n° 3318/80 ." ( Point 19 des motifs .)

Nous estimons, en conséquence, que le présent recours est irrecevable .

8 . Permettez-moi ensuite une dernière observation .

La faculté de suspendre la fixation à l' avance est prévue dans divers secteurs du marché et en relation avec des hypothèses différentes ( aides à la transformation, restitutions à l' exportation, etc .). Même si les circonstances concrètes peuvent changer de cas en cas, la fonction et les caractéristiques essentielles des règlements de suspension n' en restent pas moins analogues . Dans tous les cas, en effet, il s' agit de vérifier dans l' intervalle de quelques jours ( entre le dépôt de la demande et la délivrance du certificat y relatif ) s' il s' est produit une altération de la situation du marché de nature à exiger une suspension de la fixation pour une certaine période .

Il est fréquent que, par la suite, ces règlements soient contestés dans le cadre soit de renvois préjudiciels, soit de recours directs, comme justement dans le cas d' espèce et dans l' affaire Moksel, rappelée ci-dessus .

Il me semble donc important que la Cour précise clairement aux intéressés quelle est la voie de recours à suivre lorsqu' ils ont l' intention d' attaquer un règlement de suspension : elle doit leur dire s' ils peuvent en demander l' annulation sur la base de l' article 173 ou si, au contraire, ils doivent en faire valoir l' invalidité dans le cadre d' une procédure formée devant les juridictions nationales contre les actes d' exécution adoptés par les autorités nationales, en demandant en même temps à la juridiction saisie de déférer à la Cour à titre préjudiciel la question de la validité du règlement de suspension .

Pour les raisons que nous venons d' exposer, nous pensons que la seconde solution est préférable . Nous estimons en outre que, justement en vue d' exclure toute incertitude pour l' avenir, la Cour, en confirmant sa jurisprudence Moksel, devrait analyser la nature de l' acte contesté essentiellement à la lumière de sa ratio et de sa finalité : ces deux derniers aspects s' avèrent en général communs à tous les règlements de suspension, quel que soit le secteur dans lequel ils sont adoptés .

Au contraire, le fait que, comme on l' a vu, le règlement litigieux ne concerne pas un cercle délimité et connu d' opérateurs, même si c' est un élément décisif dans le cas d' espèce, ne constitue en définitive qu' une circonstance accidentelle et qui n' est donc pas susceptible de fonder une appréciation d' ordre général sur la nature ( réglementaire ou non ) des règlements de suspension . Cela ne constitue donc pas un critère sûr d' orientation pour les opérateurs intéressés, d' autant moins que ces derniers peuvent également ne pas être en mesure de savoir si, lors de son adoption, un règlement de suspension se réfère ou non à un nombre déterminé et fixe ( numerus clausus ) de destinataires .

9 . Nous proposons, en conséquence, à la Cour de déclarer le recours irrecevable et de condamner les requérantes aux dépens .

(*) Langue originale : l' italien .

( 1 ) JO L 168 du 1.7.1988, p . 111 .

( 2 ) JO L 171 du 28.6.1978, p . 1 .

( 3 ) JO L 179 du 1.7.1978, p . 10 .

( 4 ) JO L 210 du 1.8.1987, p . 63 .

( 5 ) Voir, en dernier lieu, l' arrêt du 29 juin 1989, RAR, points 6 à 9 des motifs ( 250/86 et 11/87, Rec . 1989, p . 0000 ); voir, également, l' arrêt du 24 février 1987, Deutz und Geldermann, points 6 à 9 des motifs ( 26/86, Rec . p . 941 ) et l' arrêt du 6 octobre 1982, Alusuisse, points 7, 8 et 11 des motifs ( 307/81, Rec . p . 3463 ).

( 6 ) Arrêt du 13 mai 1971, International Fruit ( 41-44/70, Rec . p . 411 ).

( 7 ) Arrêt du 18 novembre 1975, CAM ( 100/74, Rec . p . 1393 ).

( 8 ) Arrêt du 3 mai 1978, Toepfer ( 112/77, Rec . p . 1021 ).

( 9 ) Barav, A . et Vandersanden, G .: Contentieux communautaire, Bruylant, Bruxelles, 1977, p . 172 .

( 10 ) Waelbroeck, M .: Rev . int . jur . belge, 1971, p . 533 .

( 11 ) JO L 168 du 1.7.1988, p . 73 .

( 12 ) Arrêt du 25 mars 1982, Moksel ( 45/81, Rec . p . 1129 ).

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