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Document 61985CC0089

    Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 25 mai 1988.
    A. Ahlström Osakeyhtiö et autres contre Commission des Communautés européennes.
    Pratiques concertées entre entreprises établies dans des pays tiers portant sur les prix de vente à des acheteurs établis dans la Communauté.
    Affaires jointes 89, 104, 114, 116, 117 et 125 à 129/85.

    Recueil de jurisprudence 1988 -05193

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1988:258

    61985C0089

    Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 25 mai 1988. - A. Ahlström Osakeyhtiö et autres contre Commission des Communautés européennes. - Pratiques concertées entre entreprises établies dans des pays tiers portant sur les prix de vente à des acheteurs établis dans la Communauté. - Affaires jointes 89, 104, 114, 116, 117 et 125 à 129/85.

    Recueil de jurisprudence 1988 page 05193
    édition spéciale suédoise page 00651
    édition spéciale finnoise page 00671


    Conclusions de l'avocat général


    ++++

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    1 . Par ordonnance du 16 décembre 1987, vous avez décidé de joindre, aux fins de la procédure orale et de l' arrêt, les dix affaires ayant pour objet l' annulation de la décision 82/202/CEE de la Commission, du 19 décembre 1984, relative à une procédure d' application de l' article 85 du traité CEE ( 1 ). Cinq mois auparavant, le 8 juillet 1987, vous aviez estimé opportun de dissocier du fond, mettant en cause des ententes dans l' industrie de la pâte à papier qui auraient été commises par les destinataires de la décision, tous établis à l' extérieur de la Communauté, la question de la compétence communautaire en matière d' application des règles de concurrence du traité aux entreprises relevant d' États tiers et celle, propre à une de ces affaires, relative aux rapports entre l' accord de libre-échange avec la Finlande et l' article 85 du traité ( 2 ).

    2 . Les parties et le gouvernement du Royaume-Uni, admis, par ordonnance du 9 octobre 1985, à intervenir au soutien des conclusions de la Commission dans les six affaires dans lesquelles la compétence de celle-ci a été, dès l' introduction des recours, contestée, ont été entendus le 12 janvier 1988 sur cette question . C' est sur cette dernière que nous présentons aujourd' hui nos conclusions .

    3 . C' est le fondement retenu par la Commission dans sa décision attaquée pour établir sa compétence - la localisation des effets ( 3 ) - qui est contesté par les requérantes et désapprouvé par le gouvernement du Royaume-Uni . Quelles que soient ses prises de position sur ce sujet dans d' autres contextes et même si, comme certains n' ont pas manqué de le relever, la Commission a eu tendance dans ses écritures à invoquer la localisation tantôt des effets, tantôt du comportement anticoncurrentiel, c' est au regard du premier fondement que nous paraît devoir être tranchée la question de la compétence communautaire .

    4 . En cela, nous divergeons du gouvernement britannique qui vous a invités à résoudre le présent litige en considérant qu' en l' espèce il s' agit d' une manifestation de l' exercice d' une compétence territoriale, admis tant par le droit communautaire que par le droit international .

    5 . C' est par des arguments puisés dans ces deux disciplines que les opposants à la théorie des effets cherchent à combattre cette dernière . L' objection commune élevée à l' encontre de la décision de la Commission s' articule autour de deux axes : ni le droit communautaire ni le droit international n' autoriseraient l' application des règles du droit de la concurrence communautaire aux entreprises établies à l' extérieur de la Communauté en raison des seuls effets produits à l' intérieur de celle-ci .

    6 . Après avoir examiné ces deux aspects, il conviendra de rappeler les enseignements tirés de la jurisprudence américaine, particulièrement fournie dans ce domaine . Nous vous suggérerons ensuite les critères à retenir pour fonder la compétence communautaire à l' égard d' entreprises établies en dehors de la Communauté et, notamment à la lumière de ceux-ci, nous aborderons la situation particulière de la KEA . Enfin, nous évoquerons le problème spécifique du rapport entre l' accord de libre-échange avec la République de Finlande et l' article 85 du traité CEE .

    I - La théorie des effets au regard du droit communautaire

    7 . Quelles que soient les particularités de chacune des affaires, la mise en cause de la compétence communautaire pour appliquer le droit de la concurrence aux entreprises établies en dehors de la Communauté repose sur deux considérations . En premier lieu, on soutient que rien dans le texte de l' article 85 du traité ne permet de l' étendre aux entreprises extérieures en raison des seuls effets anticoncurrentiels produits sur le territoire de la Communauté . En second lieu, on estime pouvoir tirer de la jurisprudence de la Cour un rejet de la théorie des effets . Déclarons-le d' emblée, nous vous proposerons de ne retenir aucune de ces deux objections .

    1 . Le texte de l' article 85

    8 . La lecture de l' article 85 du traité permet généralement de soutenir que le droit de la concurrence communautaire est applicable, par sa vocation même, dès lors que des effets anticoncurrentiels se sont produits sur le territoire de la Communauté . L' affectation du commerce entre États membres constitue le critère de démarcation entre les compétences communautaire et nationale en la matière . Ce sont les accords, décisions et pratiques concertées ayant "pour objet ou pour effet d' empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l' intérieur du marché commun" qui sont interdits et déclarés incompatibles avec le traité .

    9 . Au vu de ce texte, la grande majorité de la doctrine considère que ni la nationalité ni la localisation géographique de l' entreprise, mais bien la localisation de l' effet anticoncurrentiel constitue le critère d' application du droit communautaire de la concurrence ( 4 ).

    1O . En réalité, il n' est pas certain que la notion d' effet prévue à l' article 85 du traité soit, à strictement parler, le fondement de la compétence . Cette notion, comme, d' ailleurs, celle d' objet ( 5 ), permet, à coup sûr, d' établir une infraction au droit substantiel de la concurrence dans l' hypothèse où la compétence communautaire est, elle-même, incontestable . Mais elle peut être appelée à remplir une autre fonction, en tant que critère de compétence, et son contenu n' est pas alors nécessairement identique à celui de l' effet en droit substantiel . Nous reviendrons sur ce point .

    2 . L' enseignement tiré de la jurisprudence de la Cour

    11 . Si votre jurisprudence n' a pas, jusqu' à présent, consacré la théorie des effets en matière d' application du droit de la concurrence aux entreprises extérieures, on ne saurait en déduire que vous la récusez .

    12 . L' affaire la plus fréquemment évoquée dans ce débat est celle dite des "matières colorantes" ( 6 ). Dans vos arrêts du 14 juillet 1972, alors même que vous étiez invités par l' avocat général M . Mayras à retenir le critère des effets, certes qualifiés, pour asseoir la compétence communautaire à l' égard des entreprises extérieures, vous avez préféré reconnaître celle-ci sur le fondement de l' unité de l' entreprise . Cela ne signifie aucunement que la localisation des effets ne serait pas un titre de compétence suffisant ( 7 ). Comme l' a observé, justement à propos de cette décision, le professeur M . Goldman, "il ne faut pas faire parler les silences de la Cour" ( 8 ).

    13 . On ne saurait davantage tirer de vos arrêts, en la matière, des arguments concluants favorables à la théorie des effets, même si certains contiennent des affirmations pouvant aller dans un tel sens . Par exemple, lorsque vous déclarez, dans votre arrêt Beguelin, "que le fait, par l' une des entreprises participant à l' accord, d' être située dans un pays tiers ne fait pas obstacle à l' application" de l' article 85 du traité "dès lors que l' accord produit ses effets sur le territoire du marché commun" ( 9 ), il ne faut pas totalement négliger la circonstance qu' il s' agissait, dans cette affaire, d' un accord de concession exclusif dont l' une des parties était établie dans la Communauté .

    14 . C' est dire que votre jurisprudence relative au droit de la concurrence ne permet de conclure ni à l' adoption ni au rejet de la localisation des effets, en tant que critère de l' applicabilité du droit communautaire aux entreprises situées en dehors de la Communauté .

    15 . En revanche, on peut trouver un appui pour l' application de la théorie des effets dans l' arrêt Walrave et Koch . Rendu à propos du principe de non-discrimination fondée sur la nationalité dans ses rapports avec les dispositions du traité relatives à la liberté de circulation des travailleurs et de prestation des services, vous y avez déclaré :

    "( que ) la règle de non-discrimination, du fait qu' elle est impérative, s' impose pour l' appréciation de tous rapports juridiques, dans toute la mesure où ces rapports, en raison soit du lieu où ils sont établis, soit du lieu où ils produisent leurs effets, peuvent être localisés sur le territoire de la Communauté" ( 10 ).

    16 . Il s' agissait, dans cette affaire, d' une règle de l' Union cycliste internationale, dont le siège était à Genève . Devant la Cour, cette organisation a estimé pouvoir tirer argument de vos arrêts Geigy ( 11 ) et Continental Can ( 12 ) contre la théorie de la localisation des effets, du fait que ce critère n' avait pas été retenu dans ces décisions .

    17 . Cet argument donne tout son relief à votre réponse . D' aucuns n' ont pas manqué d' en conclure que la localisation des effets constitue un fondement de compétence communautaire qui, bien qu' énoncé dans un autre domaine, peut être invoqué dans celui de la concurrence ( 13 ). Si votre prise de position dans l' arrêt Walrave et Koch est transposable au droit de la concurrence, et nous ne voyons pas pour quelle raison elle ne le serait pas, on est en droit de soutenir que, loin de répudier la théorie des effets, vous n' hésitez pas à y souscrire .

    18 . On ne saurait, cependant, se satisfaire d' une telle constatation . En pareille matière, en effet, il importe de vérifier si un tel critère est ou non conforme aux exigences et à la pratique du droit international .

    II - La théorie des effets au regard du droit international

    19 . Deux fondements de compétence étatique sont incontestés en droit international : la territorialité et la nationalité ( 14 ). La première reconnaît juridiction à un État dès lors que la personne ou le bien en cause y sont situés ou que l' événement en question s' y est déroulé . La seconde consacre pareille compétence à l' égard des nationaux de l' État concerné .

    2O . La territorialité a, elle-même, engendré deux principes de compétence distincts :

    - la territorialité subjective, permettant à un État d' appréhender des actes ayant pris naissance sur son territoire, même si leur achèvement a eu lieu à l' étranger,

    - la territorialité objective, lui permettant, à l' inverse, de connaître des actes dont le début d' exécution se situe à l' étranger, mais dont l' accomplissement, tout au moins partiel, a eu lieu sur son propre territoire .

    21 . Le principe de territorialité objective a joué un rôle déterminant dans l' extension des compétences nationales en matière de concurrence . C' est de lui que procède la théorie de la localisation des effets qui, pour appréhender ces derniers, fonde la compétence d' un État, même en l' absence, sur son territoire, d' un comportement les ayant engendrés .

    22 . Cette localisation constitue-t-elle un titre de compétence conforme aux règles du droit international? Pour répondre à cette question, il convient, tout d' abord, de prendre en considération la nature même de ce dernier . Est-il attributif de compétences, en ce sens que l' État cherchant à exercer sa juridiction doit établir l' existence d' une règle permissive du droit international? S' agit-il, au contraire, d' un droit qui, respectant la plénitude des compétences étatiques - corollaire de la souveraineté -, se borne à poser certaines limites à l' exercice de celle-ci qui, à défaut de règles prohibitives, demeure entière?

    23 . La doctrine est, à cet égard, partagée . Le débat s' est instauré essentiellement à propos de la signification et de la portée de l' arrêt Lotus, rendu le 7 septembre 1927 par la Cour permanente de justice internationale ( 15 ). Cette décision, arrêtée grâce à la voix prépondérante du président, affirme notamment que le droit international n' interdit pas à un État

    "d' exercer, dans son propre territoire, sa juridiction dans toute affaire où il s' agit de faits qui se sont passés à l' étranger et où il ne peut s' appuyer sur une règle permissive du droit international . Pareille thèse ne saurait être soutenue que si le droit international défendait, d' une manière générale, aux États d' atteindre par leurs lois et de soumettre à la juridiction de leurs tribunaux des personnes, des biens et des actes hors du territoire, et si, par dérogation à cette règle générale prohibitive, il permettait aux États de ce faire dans des cas spécialement déterminés . Or, tel n' est certainement pas l' état actuel du droit international . Loin de défendre d' une manière générale aux États d' étendre leurs lois et leur juridiction à des personnes, des biens et des actes hors du territoire, il leur laisse, à cet égard, une large liberté, qui n' est limitée que dans quelques cas par des règles prohibitives; pour les autres cas, chaque État reste libre d' adopter les principes qu' il juge les meilleurs et les plus convenables . C' est cette liberté que le droit international laisse aux États qui explique la variété des règles qu' ils ont pu adopter sans opposition ou réclamations de la part des autres États ... tout ce que l' on peut demander à un État, c' est de ne pas dépasser les limites que le droit international trace à sa compétence en deçà de ces limites, le titre à la juridiction qu' il exerce se trouve dans sa souveraineté" ( 16 ).

    Cette affirmation prend toute sa mesure lorsqu' on la rapproche de celle par laquelle la Cour permanente déclare que "le droit international régit les rapports entre États indépendants" et proclame que "les limitations de l' indépendance des États ne se présument donc pas" ( 17 ).

    24 . La position du droit international à cet égard a été reprise et affinée par Sir Gerald Fitzmaurice dans ses conclusions individuelles relatives à l' arrêt rendu par la Cour internationale de justice le 5 février 1970 dans l' affaire Barcelona Traction :

    "Il est vrai qu' à l' heure actuelle le droit international n' impose aux États aucune règle rigide délimitant le domaine de leur compétence nationale en pareilles matières ( et il en est évidemment d' autres : par exemple, les questions de transport maritime, la législation antitrust, etc .), mais il leur laisse à cet égard une grande latitude . Néanmoins, a ) il postule l' existence des limites, même si, dans tout cas d' espèce, c' est au tribunal qu' il incombe éventuellement de les définir aux fins de l' affaire dont il s' agit, et b ) il impose à tout État l' obligation de faire preuve de modération et de mesure quant à l' étendue de la compétence que s' attribuent ses juridictions dans les affaires qui comportent un élément étranger et d' éviter d' empiéter indûment sur la compétence d' un autre État quand celle-ci est mieux fondée ou peut être exercée de façon plus appropriée" ( 18 ).

    25 . Un autre passage de l' arrêt Lotus a été invoqué par certains auteurs pour atténuer la portée de celui-ci quant à la reconnaissance de la théorie des effets en tant que fondement de compétence étatique . La Cour permanente y précisait que même les tribunaux des États qui adhèrent à une conception strictement territoriale de la législation pénale interprètent celle-ci de manière à inclure dans son champ d' application des infractions, fussent-elles commises à l' étranger, si c' est sur le territoire national "que s' est produit un des éléments constitutifs du délit et surtout ses effets" ( 19 ). Plus loin, dans son arrêt, la Cour permanente relève que, en l' espèce, entre l' acte et ses effets, "il y a une indivisibilité juridique absolue" ( 20 ), ce qui a conduit certains auteurs à soutenir que seules de telles circonstances permettent à un État d' exercer sa compétence en vertu du principe de la territorialité objective .

    26 . Mais, à supposer que la Cour permanente ait, ce faisant, voulu cantonner la compétence étatique tirée de la territorialité objective au cas où l' effet manifesté sur son teritoire était lui-même un élément constitutif de l' infraction, il n' y aurait là aucune incidence quant à l' application des règles de concurrence communautaires aux entreprises établies en dehors de la Communauté . Répétons-le, l' article 85 du traité interdit tout accord, toute décision et toute pratique concertée, qui ont pour effet "d' empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l' intérieur du marché commun ". Un tel effet n' est-il pas nécessairement un élément constitutif de l' infraction ( 21 )? Tel est l' avis de l' avocat général M . Mayras lorsqu' il déclare que, "dans le droit des ententes", on doit "admettre que l' effet même de l' infraction est un de ses éléments constitutifs et, probablement même, l' élément essentiel" ( 22 ).

    27 . Dès lors, même si, pour d' autres raisons, on a pu se poser la question : "Lotus navigue-t-il toujours?" ( 23 ), il ne paraît pas faire de doute que le principe ainsi dégagé, certes critiqué en doctrine, mais non contredit à ce jour par la jurisprudence internationale, permet de conclure à la conformité aux règles du droit des gens de la prise en compte de la localisation des effets en tant que fondement de compétence étatique ( 24 ). Et ce qui est ainsi reconnu aux États doit nécessairement l' être à la Communauté, en tant que sujet de droit international, là où la compétence communautaire se substitue à celle des États membres .

    28 . La compétence ainsi reconnue est une "jurisdiction to prescribe", pouvoir de l' État d' "édicter des règles générales ou individuelles à travers ses organes législatifs, exécutifs ou juridictionnels" ( 25 ). Elle ne saurait s' entendre comme une "jurisdiction to enforce", "pouvoir que possède un État de mettre en oeuvre une règle générale ou une décision individuelle par des actes matériels d' exécution pouvant aller jusqu' à la mise en oeuvre de la contrainte étatique" ( 26 ). Cette opinion est largement partagée par ceux qui admettent que la théorie des effets puisse fonder une compétence étatique . D' ailleurs, c' est essentiellement contre les mesures prises au titre de la compétence d' exécution qu' environ vingt États ont adopté des lois dites de blocage ( 27 ). Mais il faut alors se poser la question de savoir si le pouvoir d' infliger une amende ressortit à la compétence normative ou à celle d' exécution .

    29 . Lorsqu' une entente est déclarée illégale et une amende prononcée, on s' accorde généralement à reconnaître qu' il s' agit là de l' exercice de la compétence normative . Ce que le droit international interdit à un État, c' est, pour reprendre la formule de l' arrêt Lotus " - sauf l' existence d' une règle permissive contraire - tout exercice de sa puissance sur le territoire d' un autre État" ( 28 ).

    30 . Ce qui est donc exclu, ce sont des mesures concrètes d' exécution et de contrainte . Mais, comme on l' a écrit, "commander n' est pas contraindre" ( 29 ). Et nous souscrivons, pour notre part, à l' analyse suivante du professeur Goldman :

    "La condamnation à payer une amende dès lors qu' elle sanctionne des faits tombant sous le coup de la loi du for en raison des effets qu' ils produisent sur le territoire du for ... est indissolublement liée, comme le déclenchement ou la constatation de la nullité, à l' application de la loi par hypothèse compétente, et refuser au juge de la prononcer serait priver de toute signification cette 'compétence législative' " ( 30 ).

    C' est dans ce sens que s' est prononcé l' avocat général M . Mayras dans ses conclusions relatives aux arrêts "matières colorantes ":

    "Le fait de prononcer une sanction pécuniaire tendant à réprimer un comportement anticoncurrentiel, comme, d' ailleurs, à en prévenir la poursuite ou le renouvellement, est à distinguer du recouvrement de l' amende infligée qui ne pourrait être, en cas de refus de l' entreprise, condamnée de s' en acquitter, opéré que par voie d' exécution forcée" ( 31 ).

    31 . Ces précisions étant apportées, c' est à coup sûr le droit américain qui fournit l' exemple des réflexions et tentatives les plus poussées pour déterminer les circonstances permettant à un État d' exercer sa compétence normative dans des situations impliquant des éléments d' extranéité . Cela ne saurait surprendre . Le Sherman Act remonte à 189O . Il a donné lieu à une jurisprudence et à une doctrine abondantes, et significatives de la préoccupation de concilier des intérêts nationaux légitimes avec des impératifs du droit et des rapports internationaux . Telle est la raison qui nous conduit à en évoquer les décisions les plus marquantes .

    III - Les enseignements du droit américain

    32 . A l' origine, les tribunaux américains s' en sont tenus à la stricte application du critère de territorialité . Une des expressions les plus célèbres, à cet égard, est celle du juge Oliver Wendell Holmes à propos de l' affaire American Banana ( 32 ): "All legislation is prima facie territorial" (" Toute législation est a priori territoriale ". Et il poursuivait en affirmant que, selon un principe général, voire universel, la légalité ou l' illégalité d' un acte est exclusivement déterminée par le droit de l' État sur le territoire duquel il est accompli .

    33 . Il a fallu attendre 1945 et l' arrêt Alcoa ( 33 ) pour voir consacrer la théorie des effets dans sa forme la plus absolue . Jusqu' à cette décision, des entreprises établies à l' étranger n' ont été condamnées aux États-Unis qu' en raison de leur comportement sur le territoire de ce pays, et le principe de la territorialité objective, connu d' autres branches du droit, n' avait pas été invoqué dans des litiges en matière d' ententes ( 34 ). Tranchée par un tribunal spécialement constitué, l' affaire Alcoa a permis au juge Learned Hand d' affirmer que, dans l' interprétation de la législation interne relative aux ententes, il convient de prendre en considération les limites généralement respectées par les États dans l' exercice de leurs compétences . Et Learned Hand de poursuivre avec ces paroles qui n' ont pas fini de résonner tant elles marquent la consécration extrême de la théorie des effets :

    "It is settled law ... that any state may impose liabilities, even upon persons not within its allegiance, for conduct outside its borders that has consequences within its borders which the state reprehends; and these liabilities other states will ordinarily recognize" (" C' est une règle de droit bien établie ... que tout État peut imposer des obligations, même à des personnes qui ne sont pas placées sous son allégeance, pour des actes accomplis en dehors de ses frontières qui ont, à l' intérieur de celles-ci, des conséquences que l' État condamne; et, d' ordinaire, les autres États reconnaîtront ces obligations ").

    Selon le juge Hand, une telle application de la règle étatique en matière de concurrence à des entreprises établies à l' étranger suppose la réunion d' un élément intentionnel et d' un élément matériel . L' acte n' est donc appréhendé que si il a été voulu et s' il a produit effet, quelle qu' en soit l' importance .

    34 . Des décisions de ce type sont rares, sans doute parce que les espèces ne donnant lieu à aucun élément de rattachement autre que l' effet produit sont elles-mêmes exceptionnelles . Citons, cependant, l' affaire de l' Horlogerie suisse ( 35 ). Le juge Cashin, invoquant expressément la théorie des effets, a retenu la compétence des autorités américaines à l' égard de cette défenderesse établie à l' étranger, dès lors que le comportement de celle-ci avait un effet direct et substantiel aux États-Unis . Notons déjà, à ce stade, le souci de qualifier les effets .

    35 . Une telle jurisprudence, notamment dans son expression la plus poussée telle qu' elle résulte des termes utilisés par le juge Hand, ne pouvait manquer de susciter critiques et réactions . Pour prévenir les conflits pouvant résulter, notamment, de l' exercice de compétences concurrentes, d' une application sans nuances de la théorie des effets, des propositions diverses ont été formulées aux États-Unis . Citons, à cet égard, le Restatement of Foreign Relations Law of the United States, publié en 1965 par l' American Law Institute et l' Antitrust Guide for International Operations, paru en janvier 1977 à l' initiative du ministère américain de la Justice . Ce dernier document fait référence à la notion d' effet substantiel et prévisible . Cette même notion d' effet substantiel figure dans le Tentative Draft of the Restatement ( revised ) publié en 1985, qui exige, en outre, que le comportement à l' étranger ait ou ait eu l' intention de produire un effet substantiel à l' intérieur du territoire . L' élément intentionnel est, selon certains, équivalant à l' exigence d' effet prévisible ( 36 ).

    36 . Dans cette même perspective tendant à cantonner la théorie des effets, il convient de citer la décision du juge Choy dans l' affaire Timberlane Lumber ( 37 ). Tout en souscrivant à la jurisprudence Alcoa et Horlogerie suisse, le juge Choy considère que les efforts jusqu' à présent déployés pour réduire la portée de la théorie des effets sont peu satisfaisants . D' une part, la notion d' effet substantiel lui paraît difficilement définissable dans un contexte international . D' autre part, le distinguo entre effets direct et indirect lui semble inadapté dans la mesure où il ne permet pas de prendre en compte les intérêts d' autres pays .

    37 . Et le juge Choy de conclure que, dans certaines circonstances, les intérêts des États-Unis sont à la fois trop faibles et l' impératif de modération en vue de préserver l' harmonie de leurs relations internationales trop prégnant pour justifier une revendication de compétence extraterritoriale . Pour déterminer si une telle compétence doit être exercée, il a dégagé trois critères cumulatifs, les deux premiers de légalité, le troisième d' opportunité, qu' il formule en trois questions :

    1 ) L' atteinte à la concurrence alléguée affecte-t-elle ou était-elle destinée à affecter le commerce extérieur des États-Unis?

    2 ) Sa nature et son importance permettent-elles de la considérer comme une violation du Sherman Act?

    3 ) Compte tenu du respect dû à la courtoisie internationale et au "fairness", y a-t-il lieu, pour l' appréhender, d' exercer la compétence extraterritoriale des États-Unis?

    38 . Cette troisième condition, qui s' analyse en une règle de raison en matière de compétence, inclut sept facteurs dont l' énumération n' est pas exhaustive . Ceux-ci sont notamment :

    - l' importance du conflit avec une règle étrangère;

    - la nationalité des parties et la localisation du lieu principal d' activité des entreprises en cause;

    - l' importance respective des effets aux États-Unis et à l' étranger;

    - la mesure dans laquelle il y a eu volonté expresse de nuire ou d' affecter le commerce des États-Unis, et la probabilité d' un tel effet .

    39 . Citons encore l' arrêt Mannington Mills ( 38 ) dans lequel le juge Weis, se référant à la décision Timberlane et l' interprétant, ajoute aux critères ainsi énoncés d' autres facteurs dont certains sont expressément liés à des considérations de politique étrangère . En peu de mots, il apparaît que cette position, sans contester le principe d' une compétence extraterritoriale, en développe les conditions tenant à l' opportunité de son exercice . Notons, cependant, qu' à l' occasion de cette même affaire le juge Adams a donné une autre interprétation des mêmes critères, lesquels, selon lui, tendent à établir l' existence même d' une compétence et non à en définir les conditions d' exercice .

    40 . La position actuelle du droit américain repose sur deux principes . Selon le premier, la compétence des États-Unis est revendiquée lorsque les effets sur le commerce de ce pays sont directs, substantiels et prévisibles . En vertu du second, les tribunaux procèdent à une "balance of interests" pour assurer le caractère raisonnable de l' exercice d' une telle compétence ( 39 ).

    41 . La règle du "judicial interest balancing" en matière de compétence n' est pas exempte de critiques . Une des plus notables est celle formulée par le juge Wilkey dans l' affaire Laker Airways ( 40 ). Selon lui, la "balance des intérêts" par les tribunaux, afin que l' exercice de la compétence soit conforme à la règle de raison, est une technique inadaptée . Cette dernière les oblige à choisir entre une loi interne, destinée à protéger des intérêts nationaux, et une loi étrangère visant à en écarter l' application qui menacerait des intérêts étrangers .

    42 . Dans un tel contexte, la balance des intérêts serait entravée par deux facteurs . Il existerait, en premier lieu, des limites considérables quant à la capacité des tribunaux de procéder, dans de telles circontances, à une évaluation objective d' intérêts concurrents . Le juge Wilkey émet, à cet égard, des doutes sérieux sur le point de savoir dans quelle mesure un juge est à même de faire une appréciation appropriée des problèmes et priorités concurrents en cause ( 41 ). Il considère, en second lieu, qu' une telle méthode ne saurait permettre d' atteindre son but, qui est d' assurer le respect de la courtoisie internationale . S' agissant de cette dernière, il estime que l' efficacité de la balance des intérêts, en tant que moyen destiné à identifier l' exercice le plus raisonnable de la compétence normative n' a pas été démontrée . Cette approche, a-t-il notamment déclaré, n' a trouvé qu' un point d' ancrage temporaire en droit interne ( 42 ).

    43 . Relevant que les tribunaux américains refusent souvent d' adopter cette méthode et que la critique de la doctrine s' est intensifiée à son égard, le juge Wilkey a, par ailleurs, observé qu' il n' est pas démontré que la balance des intérêts constitue une règle de droit international ( 43 ). Ce dernier n' exclut pas les compétences concurrentes . Dès lors que deux revendications de compétence sont justifiées au regard du droit international, aucune règle de ce droit ne permettrait d' écarter l' une au profit de l' autre au motif que cette dernière serait "plus raisonnable" ( 44 ).

    44 . Signalons, enfin, que le Tentative Draft of the Restatement de 1985 énumère huit critères permettant de déterminer dans quelles circonstances l' exercice de compétence doit être considéré comme raisonnable . Parmi ceux-ci figurent le caractère substantiel, direct et prévisible de l' effet, la conformité de la règle aux traditions du système international, l' intérêt éventuel d' autres États et la probabilité de conflit pouvant en résulter .

    45 . Il ne semble donc pas, en pratique, que la balance des intérêts suivant les critères formulés dans les arrêts Timberlane et Mannington Mills ait permis de dégager une règle de raison en matière de compétence . A une exception près, note un auteur américain, aucun tribunal n' a décliné l' exercice de sa compétence à la suite de l' analyse préconisée par ces décisions ( 45 ). Le professeur Mann estime, pour sa part, que la balance des intérêts est, en droit, "un guide mauvais et trompeur" (" bad and misleading guide ") ( 46 ). Selon cet auteur, un juge ne saurait avoir un pouvoir discrétionnaire pour décider de l' exercice de sa compétence . Si, interprétée à la lumière du droit international, une loi est applicable, le juge ne saurait l' écarter . Si les règles de droit international excluent son application, le juge n' a aucun pouvoir discrétionnaire pour l' appliquer . En conséquence, la distinction entre, d' une part, l' existence et, d' autre part, l' exercice d' une compétence et la reconnaissance d' un pouvoir discrétionnaire permettant de ne pas l' exercer constituerait une démarche erronée à ne pas suivre ( 47 ).

    46 . On le voit, aussi subtil et fécond qu' il soit, le droit américain, qui permet une approche éclairante de la problématique en cause, ne fournit pas, semble-t-il, des critères de compétences suffisamment précis et éprouvés pour pouvoir être purement et simplement adoptés . Il vous appartient donc, à l' aide notamment de la réflexion doctrinale en la matière, de définir les circonstances dans lesquelles la compétence de la Communauté, pour appliquer ses règles de concurrence à des entreprises établies en dehors de son territoire, peut être revendiquée .

    IV - Les critères de compétence proposés

    47 . Les difficultés rencontrées dans notre matière illustrent bien que la territorialité, en tant que facteur de rattachement, ne permet pas de résoudre tous les problèmes liés aux dimensions et aux caractères du commerce international contemporain . Un principe rigide de territorialité n' est plus adapté au monde moderne, a constaté Le professeur Mann ( 48 ). Dans le même sens, citons le professeur Prosper Weil :

    "Nous avons l' image, écrit-il, d' une société internationale faite d' alvéoles juxtaposés, séparés par des frontières; la notion de territoire, qui est au coeur même du concept de territorialité, illustre cette répartition entre des entités séparées par des limites physiques et géographiques . Mais il est évident ... que les frontières ne sont pas seulement des barrières, que ce sont aussi des points de passage et que la vie économique se rit de ce genre de barrières" ( 49 ).

    48 . Ce constat a conduit différents auteurs à élaborer divers critères en matière d' application extraterritoriale des lois . Ainsi, Sir Robert Jennings estime qu' en droit international un État a le droit d' exercer une compétence extraterritoriale lorsque ses intérêts légitimes sont en cause, mais qu' il ne saurait abuser de ce droit . Il y aurait abus lorsque l' exercice de la compétence extraterritoriale constitue une ingérence dans l' exercice de la compétence territoriale locale ( 50 ). Selon Le professeur Mann, le vrai problème est d' identifier ce qu' il appelle les "legally relevant facts" (" faits pertinents en droits ") ( 51 ) et l' État dont le rapport avec ceux-ci est de nature à rendre l' attribution de compétence juste et raisonnable ( 52 ). Préconisant de fonder la compétence sur le "rapport étroit" (" closeness of connection "), cet auteur considère

    "that a State has ( legislative ) jurisdiction, if its contact with a given set of facts is so close, so substantial, so direct, so weighty, that legislation in respect of them is in harmony with international law and its various aspects ( including the practice of States, the principles of non-interference and reciprocity and the demands of inter-dependence )" ( 53 ).

    Et M . Mann précise aussitôt qu' un simple intérêt politique, économique, commercial ou social ne constitue pas un "rapport étroit ". S' agissant plus particulièrement du droit de la concurrence, il estime que l' effet, voulu, prévisible et, a fortiori, imprévu, ne saurait établir un tel rapport ( 54 ).

    49 . D' autres auteurs proposent de reconnaître la compétence de l' État dans lequel l' effet primaire (" the primary effect ") de l' acte se fait sentir ( 55 ). Pour déterminer si l' effet est primaire ou secondaire, il convient de prendre en considération un double facteur : l' effet produit dans l' État est-il plus direct et plus substantiel que celui survenu dans d' autres États . Et l' on estime que cette méthode permet l' exercice des compétences par les seuls États y ayant un intérêt légitime ( 56 ). Enfin, il est généralement admis que le droit international n' interdit pas les compétences concurrentes . Relevons, toutefois, que, selon certains, l' évolution du droit international coutumier ferait émerger des limitations spécifiques à l' exercice extraterritorial des compétences étatiques . Ainsi, le droit international interdirait l' application extraterritoriale de la loi interne lorsqu' elle pourrait engendrer des obligations contradictoires ( 57 ) ou susciterait des conflits de compétences ( 58 ).

    50 . Ces diverses préoccupations nous semblent, pour l' essentiel, être prises en compte par l' adoption du critère de l' effet qualifié . Ne se heurtant à aucune règle prohibitive de droit international, ce critère est largement retenu par la pratique des États ( 59 ). Il est, en outre, pour des raisons objectives, particulièrement approprié eu égard à la spécificité du droit de la concurrence ( 60 ). Celle-ci provient de sa qualité de droit du marché tendant à la protection de l' ordre public économique ( 61 ). C' est en fonction de ces considérations et à l' aune du droit international que l' on doit définir les caractères de l' effet dont la localisation justifie une revendication de compétence normative à l' égard des entreprises établies à l' extérieur de la Communauté .

    51 . Pour certains, ces effets devraient correspondre à ceux qui sont appréhendés lorsque l' atteinte à la concurrence résulte d' un comportement se déroulant à l' intérieur du territoire de l' État revendiquant compétence ( 62 ). Mais, comme nous l' avons indiqué, il n' est pas sûr que la notion d' effet prévue à l' article 85 du traité pour établir l' existence d' une infraction aux règles de concurrence soit identique à celle exigée par le droit communautaire, et admise en droit international, afin de déterminer la compétence à l' égard des entreprises établies à l' extérieur .

    52 . En droit communautaire substantiel, la restriction de la concurrence doit être "perceptible" ( 63 ) ou "sensible" ( 64 ). L' effet attentatoire à celle-ci peut être direct ou indirect et objectivement ou raisonnablement prévisible ( 65 ). Tels sont les caractères de l' effet envisagé en tant qu' élément constitutif de l' atteinte à la liberté de la concurrence communautaire .

    53 . Tous ces caractères ne nous paraissent pas devoir être retenus s' agissant de l' effet entendu en tant que critère de compétence extraterritoriale . La réserve la plus importante, à cet égard, concerne l' effet indirect ( 66 ). Rappelons que l' avocat général M . Mayras a proposé, dans ses conclusions relatives aux "matières colorantes", de retenir le critère d' effet direct et immédiat, raisonnablement prévisible et substantiel ( 67 ). Nous nous rallions à cette solution et, pour les raisons qu' il indique, faisons nôtre son analyse :

    "La Commission ne serait-elle pas désarmée si, en présence d' une pratique concertée dont l' initiative aurait été prise et la responsabilité assumée exclusivement par des entreprises extérieures au marché commun, elle se trouvait privée de la possibilité de prendre aucune décision à leur encontre? Ce serait, en même temps, renoncer à une protection du marché commun, nécessaire à la réalisation des objectifs majeurs de la Communauté économique européenne" ( 68 ).

    54 . Les effets qualifiés sont généralement retenus en tant que critère de compétence . Le Restatement se réfère à l' effet substantiel et prévisible . L' International Law Association a adopté, lors de sa 55e conférence tenue à New York en août 1972, une résolution relative aux principes du droit international en matière de pratiques restrictives ( 69 ). L' article 5 de ce texte déclare qu' un État a compétence pour édicter des règles régissant le comportement qui se déroule en dehors de son territoire et cause effet à l' intérieur de celui-ci lorsque trois conditions sont remplies : a ) le comportement et son effet sont des éléments constitutifs d' une entente; b ) l' effet est substantiel; c ) il est le résultat direct et poursuivi à titre principal (" direct and primarily intended result ") du comportement extérieur en cause . Il est intéressant de noter que ce texte a été préféré à celui proposé par le Committee on the Extra-territorial Application of Restrictive Trade Practices, selon lequel le droit international n' autoriserait pas la revendication ou l' exercice de compétence normative extraterritoriale par un État du seul fait que les effets ou répercussions d' un comportement ayant eu lieu à l' étranger se font sentir sur son territoire ( 70 ). Ainsi, dans cette enceinte académique, la proposition rejetant la théorie de l' effet s' est-elle vue écartée au profit d' une résolution favorable à l' adoption du critère de l' effet qualifié .

    55 . Certes, dans ses observations, le gouvernement du Royaume-Uni, se référant à l' aide mémoire qu' il avait soumis à la Commission le 20 octobre 1969 à propos de la décision "matières colorantes", a soutenu que le fondement territorial peut seul justifier la compétence communautaire dans les présentes affaires . Aussi estime-t-il que la jurisprudence "matières colorantes" doit s' appliquer non seulement à des filiales, mais aussi à d' autres établissements intermédiaires, situés dans la Communauté, dont le comportement à l' intérieur de celle-ci y a produit des effets anticoncurrentiels . Il ne s' agirait alors, selon le gouvernement britannique, que de l' exercice de la compétence territoriale .

    56 . Pour toutes les raisons exposées précédemment, nous ne croyons pas pouvoir vous proposer de suivre cette voie . Au demeurant, le rattachement territorial à la Communauté de nature à permettre à celle-ci d' assumer compétence à leur égard est contesté par les requérantes . Celles-ci prétendent que tout comportement qui leur serait propre se serait produit en dehors de la Communauté . Elles ajoutent que leurs divers représentants ont agi indépendamment et qu' aucune activité de ces derniers ne saurait leur être imputée . Mais, en tout état de cause, il nous paraît inutile d' aborder la discussion sur la nature des rapports juridiques entre les sociétés requérantes et leurs divers établissements à l' intérieur de la Communauté .

    57 . Nous l' avons vu, il n' existe aucune règle de droit international susceptible d' être invoquée à l' encontre du critère de l' effet direct, substantiel et prévisible . La notion de courtoisie internationale, aux contours incertains, ne saurait davantage lui être opposée ( 71 ).

    58 . En l' absence d' une telle prohibition, en présence d' une pratique étatique aussi répandue, en raison de son caractère approprié au domaine de la concurrence, nous vous proposons donc de le retenir en tant que critère de compétence communautaire .

    59 . Restent à examiner deux problèmes particuliers, relatifs, respectivement, à la situation de la KEA et à l' incidence, à l' égard des requérantes finlandaises, de l' accord de libre-échange conclu entre leur pays et la Communauté .

    V - La situation de la KEA

    6O . La KEA est l' association des entreprises américaines à laquelle la Commission impute essentiellement des recommandations sur les prix que ses membres auraient suivies et qui auraient contribué à rendre le marché transparent, favorisant ainsi la concertation avec d' autres producteurs étrangers à l' association . D' une manière générale, cette association aurait constitué le cadre de la concertation entre les producteurs concernés .

    61 . A le supposer rempli, le critère que nous vous proposons de retenir est de nature à justifier, dans son principe, la compétence de la Communauté, alors même que la KEA n' y dispose pas de succursales, filiales ou agences, en d' autres termes du type de rattachement territorial qui, selon le Royaume-Uni, permettrait exclusivement de fonder l' exercice de la juridiction communautaire .

    62 . La nature des activités de la KEA, qui ne s' est pas elle-même livrée au commerce dans la Communauté, ne nous apparaît pas davantage constituer un obstacle à l' applicabilité du droit communautaire . En effet, la circonstance qu' une association d' entreprises ne participe pas, en tant que telle, à la vie économique ne s' oppose pas à l' application à son encontre des règles de concurrence . Rappelons, à cet égard, la généralité des termes de votre arrêt Van Landewyck où, alors que se trouvait critiquée l' applicabilité de l' article 85, paragraphe 1, à une recommandation en ce qu' elle émanait d' une association sans but lucratif, vous avez indiqué que :

    "D' une part, ainsi qu' il ressort de l' article 8 des statuts de Fedetab, les décisions prises par celle-ci sont obligatoires pour ses membres . D' autre part, l' article 85, paragraphe 1, s' applique également aux associations dans la mesure où leur activité propre ou celle des entreprises qui y adhèrent tend à produire les effets qu' il vise à réprimer . Étant donné que plusieurs fabricants ont déclaré expressément se conformer aux dispositions de la recommandation, celle-ci ne saurait échapper à l' article 85 du traité du seul fait qu' elle a été émise par une association sans but lucratif" ( 72 ).

    63 . Certes, en l' espèce, les statuts de la KEA prévoient que ses membres sont, en principe, libres de s' écarter du prix recommandé . Mais la Commission fait valoir que l' existence d' une procédure à mettre en oeuvre au sein de l' association pour le cas où des membres ne pratiquent pas les prix ainsi déterminés se concilie difficilement avec ce caractère facultatif . Elle soutient, par ailleurs, que les recommandations ont été respectées en 1975 et 1976 . Il faut ici observer que vous admettez l' application de l' article 85 à une recommandation d' une association d' entreprises qui se qualifie de non obligatoire dans la mesure où il ressort des éléments de l' espèce que, quel qu' en soit le "statut juridique exact", elle constitue "l' expression fidèle de la volonté de la requérante de coordonner le comportement de ses membres" ( 73 ). A l' évidence, il s' agit là d' un examen relevant du fond de l' affaire mais, en tout état de cause, vous ne sauriez écarter le principe de l' application de l' article 85 à l' association en cause .

    64 . Précisons, enfin, qu' il apparaît prématuré d' examiner le grief de nullité invoqué, au motif que la décision critiquée indique que tous ses destinataires exportent directement dans la Communauté ou y pratiquent leur commerce, alors que tel n' est pas le cas de la KEA . Ce n' est pas là, à proprement parler, un problème de compétence, mais de motivation qu' il s' agira d' apprécier à un stade ultérieur de la procédure .

    65 . La KEA a été constituée sur la base du Webb Pomerene Act . Cette loi, on le sait, autorise, par dérogation à la législation antitrust américaine, les associations à l' exportation . Elle ne nous paraît pas, cependant, de nature à remettre en cause la compétence normative de la Commission dans la mesure où elle n' impose en aucun cas aux entreprises concernées de pratiquer des ententes restrictives à l' exportation .

    66 . A cet égard, le professeur Turner, dans le document versé aux débats ( 74 ) par les requérantes elles-mêmes, rappelle, conformément aux règles généralement admises en droit international, qu' il convient de distinguer entre l' autorisation et l' obligation : "Existing international law draws a line between sovereign compulsion and mere permission" (" Le droit international actuel établit une distinction entre contrainte étatique et simple permission ").

    67 . Par ailleurs, même si l' auteur indique qu' une autorisation spécifique et officielle d' un cartel à l' exportation constitue une condition décisive pour son immunité face à l' exercice d' une compétence antitrust étrangère, soulignons qu' il soutient, en dernière analyse, le point de vue selon lequel :

    "It seems reasonable to conclude that mere permission or even specific authorization for participation in an international cartel should not suffice to immunize the cartel from antitrust attack by countries whose interests are substantially affected" (" Il semble raisonnable de conclure qu' une simple permission ou même une autorisation spécifique de participer à un cartel international ne devrait pas suffire à conférer au cartel une immunité face à une poursuite antitrust de la part de pays dont les intérêts sont substantiellement affectés ").

    VI - L' accord de libre-échange et l' application de l' article 85 du traité CEE

    68 . Les requérantes finlandaises contestent plus spécifiquement la compétence de la Commission pour appliquer l' article 85 du traité CEE, compte tenu des dispositions de l' accord de libre-échange conclu entre la Finlande et la Communauté ( 75 ). Ce texte, prévoyant des règles particulières pour les restrictions de concurrence affectant les échanges de marchandises entre parties contractantes, serait "prééminent" sur le droit communautaire de la concurrence . Dès lors, la Commission aurait pu seulement recourir à la procédure que prévoit l' article 27 de l' accord, à savoir la saisine du comité mixte .

    69 . A notre connaissance, cette thèse de la prééminence de l' accord de libre-échange vous est soumise pour la première fois . En effet, dans les deux recours introduits par des entreprises originaires d' États signataires d' accords de libre-échange à l' encontre de décisions les sanctionnant au titre du droit communautaire de la concurrence, la compétence de la Communauté à cet égard n' a pas été contestée ( 76 ). Par ailleurs, les nombreuses hypothèses où la Commission a appliqué les articles 85 ou 86 à de telles entreprises n' ont pas donné lieu à des recours où l' applicabilité de ces textes aurait été mise en cause .

    7O . Soulignons, tout d' abord, que l' article 23 vise les pratiques restrictives de concurrence en ce qu' elles sont susceptibles d' affecter les échanges entre la Finlande et la Communauté . Ce texte se distingue donc, quant à son objet, des dispositions antitrusts propres aux parties contractantes, à l' instar, pour la Communauté, de l' article 85 du traité CEE, qui vise les accords affectant la concurrence à l' intérieur du marché commun .

    71 . Dès lors, la circonstance que des pratiques restrictives de concurrence contreviennent simultanément aux dispositions de l' accord et aux règles propres est-elle de nature à écarter l' application de ces dernières au profit exclusif de la procédure prévue à l' article 27 de l' accord? Soit explicitement ( 77 ), soit implicitement ( 78 ), la doctrine amenée à aborder cette question ne remet pas en cause l' application de l' article 85 aux entreprises originaires de pays signataires d' accords de libre-échange dans la mesure où le commerce intracommunautaire est affecté .

    72 . La thèse des requérantes entraînerait une limitation très significative des prérogatives des contractants qui nécessiterait une disposition parfaitement claire ou, à tout le moins, devrait pouvoir être déduite de l' intention évidente des parties à l' accord . Or, les termes de ce dernier ne fournissent aucune indication en ce sens . Au demeurant, pareille interprétation ne pourrait se réclamer du "respect du maintien du pouvoir de décision autonome" des parties contractantes visé dans le préambule .

    73 . Enfin, les requérantes soutiennent que la notion d' affectation des échanges entre Communauté et Finlande jouerait, pour effectuer le départ entre l' application de l' accord et celle du traité CEE, un rôle identique à celui de la clause interétatique de l' article 85, s' agissant du droit communautaire et du droit des États membres . Ce parallélisme nous paraît contestable en ce qu' il assimile les rapports issus respectivement du traité CEE et de l' accord . Il faut ici évoquer votre arrêt Polydor ( 79 ), où vous avez indiqué, au sujet de l' accord de libre-échange conclu avec le Portugal, que

    "ses dispositions ... n' ont pas la même finalité que le traité CEE, en ce que celui-ci vise ... à la formation d' un marché unique réalisant des conditions aussi proches que possible de celles d' un marché intérieur ".

    74 . L' apparente logique du raisonnement qui vous est proposé ignore cette différence d' objectifs . On ne peut transposer aux relations entre dispositions de l' accord de libre-échange et traité CEE le caractère de celles qui sont établies entre celui-ci et les droits nationaux des États membres . Observons, en outre, que l' argument de la requérante méconnaît, en toute hypothèse, que l' application simultanée et cumulative du droit communautaire et du droit national à une même entente n' est nullement exclue . Votre arrêt Walt Wilhelm ( 80 ) a formulé cette solution en des termes particulièrement nets en indiquant :

    "... attendu que le droit communautaire et le droit national en matière d' ententes considèrent celles-ci sous des aspects différents; qu' en effet, alors que l' article 85 les envisage en raison des entraves qui peuvent en résulter pour le commerce entre les États membres, les législations internes, inspirées par des considérations propres à chacune d' elles, considèrent les ententes dans ce seul cadre ...".

    Et vous avez affirmé que si

    "la distinction des aspects communautaires et nationaux ne saurait servir, dans tous les cas, de critères déterminants à la délimitation des compétences ..., cependant, elle implique qu' une même entente puisse, en principe, faire l' objet de deux procédures parallèles, l' une devant les autorités communautaires en application de l' article 85 du traité CEE, l' autre devant les autorités nationales en application du droit interne ".

    Relevons, dès lors, que si l' analogie suggérée par les requérantes paraît discutable en son principe même, elle conduit, au surplus, à contredire la thèse qu' elle entend voir adopter . L' application exclusive de l' accord de libre-échange ne peut donc être retenue .

    75 . Pourrait-on, en revanche, considérer, en présence d' ententes affectant tant les échanges intracommunautaires que le commerce entre la Finlande et la Communauté, qu' il existe une obligation, avant toute mise en oeuvre de l' article 85, de recourir à la procédure du comité mixte? Il nous paraît extrêmement douteux que l' on puisse inférer des termes de l' article 27, paragraphe 3, sous a ), une obligation de cette nature à la charge des parties contractantes . L' expression "chaque partie contractante peut saisir le comité mixte" incite à analyser cette procédure comme une faculté ( 81 ). On rapprochera cette formulation de celles qui figurent à l' article 27, paragraphe 3, sous b ): "En ce qui concerne l' article 24, les difficultés résultant de la situation figurant à cet article sont notifiées pour examen au comité mixte"; et, surtout, à l' article 27, paragraphe 3, sous c ): "En ce qui concerne l' article 25 ( hypothèses de dumping ), une consultation a lieu au sein du comité mixte avant que la partie contractante intéressée prenne les mesures appropriées ." On ne peut tenir pour neutres ces nettes différences de terminologie .

    76 . Mais, en tout état de cause, les requérantes sont-elles en droit de faire grief à la Commission de ne pas avoir saisi le comité mixte afin de rechercher une solution négociée au motif que pareille attitude méconnaîtrait tant les articles 23 et 27 de l' accord de libre-échange que le caractère particulier des relations entre Finlande et Communauté, souligné par la déclaration annexée à l' accord?

    77 . Pour écarter cette argumentation, il suffit, à cet égard, de rappeler que vous avez jugé dans votre arrêt Adams ( 82 ) que :

    "une décision de saisir ou de ne pas saisir le comité mixte ... ne peut être prise qu' en vue des seuls intérêts généraux de la Communauté, à la suite d' une appréciation essentiellement politique qu' un particulier ne peut pas attaquer en justice ."

    78 . Observons in fine qu' il n' est pas contesté que la république de Finlande ait été consultée dans le cadre de la recommandation de l' OCDE de 1979 sur les pratiques restrictives de concurrence, bien que les requérantes soutiennent que cela ait porté sur la teneur de la décision, déjà adoptée . On observera que l' État contractant n' a pas jugé utile de provoquer une réunion du comité mixte, comme l' y aurait autorisé l' article 31, paragraphe 2, point 2, de l' accord .

    79 . Enfin, les requérantes allèguent que sont en cause seulement les effets d' "une concertation de leurs prix avec ceux des autres parties à la procédure", concertation qui "aurait, tout au plus, pu affecter les échanges de marchandises entre la Communauté et la Finlande" et dont les "éventuels effets indirects sur les échanges de marchandises intracommunautaires" ne suffisent pas à justifier l' application des interdictions du traité CEE . Pour sa part, la Commission soutient avoir entendu sanctionner une concertation mondiale affectant le commerce intracommunautaire, à laquelle se seraient livrées les requérantes finlandaises non seulement entre elles, mais également avec d' autres producteurs .

    8O . L' examen de l' existence et de l' intensité de l' affectation des échanges intracommunautaires suppose une analyse au fond à laquelle vous procéderez à un stade ultérieur .

    81 . Aux termes de ces observations, nous estimons donc que la Commission, dans la décision critiquée, a justement indiqué que l' accord de libre-échange ne contient aucune disposition l' empêchant d' appliquer immédiatement l' article 85, paragraphe 1, lorsque le commerce entre États membres est affecté .

    82 . Nous concluons donc à ce que vous rejetiez :

    - d' une part, le grief formulé par les requérantes à l' encontre de la décision attaquée, pour autant qu' il met en cause le critère des effets en tant que fondement de celle-ci; il vous appartiendra ultérieurement, pour déterminer si la Commission a, à juste titre, exercé sa compétence à l' encontre des requérantes, de rechercher si les effets du comportement par elle allégué étaient substantiels, directs et prévisibles;

    - d' autre part, le moyen selon lequel l' accord de libre-échange conclu par la Communauté avec la république de Finlande ferait obstacle à l' application des dispositions de l' article 85 à l' encontre des requérantes finlandaises .

    ( 1 ) JO L 85 du 26.3.1985 .

    ( 2 ) Outre l' argument relatif à l' accord de libre-échange avec la Finlande, propre à leur affaire, les requérantes dans l' affaire 89/85, comme la plupart des autres requérantes, contestent la compétence de la Commission pour appliquer les règles de concurrence communautaires sur la seule base de la théorie dite de "la localisation des effets ". Notons, cependant, que la requérante dans l' affaire 1O4/85 n' a mis en cause la compétence de la Commission qu' à l' audience, la requérante dans l' affaire 116/85 n' a pa so levé d' objections quant à la compétence de la Commission, expliquant, par lettre du 29 octobre 1987, sa passivité initiale par la considération que la Cour aurait à examiner cette question ex officio, mais en s' associant sur ce point aux arguments présentés par les autres demanderesses . A l' audience, elle a confirmé cette position en s' en remettant à la sagesse de la Cour sur cette question . La requérante dans l' affaire 117/85 n' a pas soulevé un moyen d' incompétence et, à l' audience, s' est ralliée aux posi ions des autres demanderesses .

    ( 3 ) Point 79 de la décision attaquée .

    ( 4 ) Bernini, G .: "Les règles de concurrence", Trente ans de droit communautaire, Office des publications officielles des Communautés européennes, 1982, p . 345, spécialement p . 375; Goldman, B .: Les champs d' application territoriale des lois sur la concurrence, RCADI, 1969 ( III ), p . 635, spécialement p . 676 et suiv ., et Les effets juridiques extraterritoriaux de la politique de la concurrence, RMC, 1972, p . 612, spécialement p . 614 et 615 . Bischoff, J . M . et Kovar, R .: L' application du droit comm nautaire de la concurren e aux entreprises établies à l' extérieur de la Communauté, JDI ( Clunet ), 1975, p . 675, spécialement p . 684 . Schapira, J ., Le Tallec, G ., et Blaise, J.-B .: Droit européen des affaires, PUF, Thémis, 1984, p . 245 . Mégret, J ., Louis, J.-V ., Vignes, D ., et Waelbroeck, M .: Le droit de la Communauté économique européennes, volume 4 : "Concurrence", éditions de l' université de Bruxelles, 1972, p . 110 et 111 . Soufflet, J .: La compétence extraterritoriale du droit de la concurrence de la Communauté économique européenne, JDI ( Clunet ), 1971, p . 487, spécialement p . 491 .

    ( 5 ) Focsaneaunu, L .: Pour objet ou pour effet, RMC, 1966, p . 862 .

    ( 6 ) Affaires 48/69, Imperial Chemical Industries, Rec . 1972, p . 619, 52/69, J . R . Geigy AG, Rec . 1972, p . 787, et 53/69, Sandoz AG, Rec . 1972, p . 845 .

    ( 7 ) Voir J.-M . Bischoff et R . Kovar, article précité, p . 684 .

    ( 8 ) Goldman, B .: "International law association", Report of the 55th Conference, New York, 1972, p . 128 .

    ( 9 ) Affaire 22/71, arrêt du 25 novembre 1971, Rec . p . 949, attendu 11 .

    ( 10 ) Affaire 36/74, arrêt du 12 décembre 1974, Rec . p . 14O5, attendu 28, souligné par nous .

    ( 11 ) Affaire 52/69, arrêt du 14 juillet 1972, Rec . p . 826 .

    ( 12 ) Affaire 6/62, arrêt du 21 février 1973, Rec . p . 241 .

    ( 13 ) Delannay, Ph .: Observations sous l' arrêt 36/74, Walrave et Koch, CDE, 1976, p . 209, spécialement p . 224 .

    ( 14 ) Voir, par exemple, Higgins, R .: "The legal bases of jurisdiction", in Olmstead, C . J . ( ed ): Extra-territorial Application of Laws and Responses thereto, Oxford, ILA et ECS, 1984, p . 3 .

    ( 15 ) Recueil des arrêts, publications de la Cour permanente de justice internationale, série A-J 10 .

    ( 16 ) Ibidem, p . 19 .

    ( 17 ) Ibidem, p . 18 .

    ( 18 ) Cour internationale de justice : Recueil des arrêts, "Avis consultatifs et ordonnances", 1970, p . 65, spécialement p . 105 .

    ( 19 ) Ibidem, p . 23 .

    ( 20 ) Ibidem, p . 30 .

    ( 21 ) Akehurst, M .: Jurisdiction in International Law, BYIL, 1972-1973, p . 145, spécialement p . 195 et 196 . Goldman, B .: Les champs d' application territoriale des lois sur la concurrence, RCADI, 1969 ( III ), p . 635, spécialement p . 701 .

    ( 22 ) Conclusions dans les affaires jointes 48, 52 et 53/69, précitées, p . 669, spécialement p . 700 .

    ( 23 ) Julliard, P .: "L' application extraterritoriale de la loi économique", L' application extraterritoriale du droit économique, Cahiers du Cedin, précité, p . 13, spécialement p . 24 .

    ( 24 ) A cet égard, P . Demaret écrit : "L' arrêt Lotus a été rendu à la plus faible majorité possible . Mais le dictum cité ci-dessus correspond a la réalité internationale en 1927 et sans doute encore à celle d' aujourd' hui", in L' extraterritorialité des lois et les relations transatlantiques : une question de droit ou de diplomatie?, CDE, 1985, p . 1, spécilement p . 26 .

    ( 25 ) Stern, B ;: Quelques observations sur les règles internationales relatives à l' application extra-territoriale du droit, AFDI, 1986, p . 7, spécialement p . 11 .

    ( 26 ) Ibidem .

    ( 27 ) Voir par exemple, Atwood, J . R .: "Blocking statutes and sovereign compulsion : recent developments and the proposed restatement", in Hawk, B . E . ( ed ): Antitrust and Trade Policies in the United States and the European Community, Annual Proceeding of the Fordham Corporate Law Institute, New York, Matthew Bender, 1986, chapitre 16, p . 327 . Collins, L .: "Blocking and clawback statutes : The United Kingdom approach", Journal of Business Law, 1986, p . 372 et 452 .

    ( 28 ) Précité, p . 18 .

    ( 29 ) Goldman, B . et Lyon-Caen, A .: Droit commercial européen, Dalloz, quatrième édition, 1983, p . 886 .

    ( 30 ) Goldman, B .: Observations sous les arrêts "matières colorantes", JDI ( Clunet ), 1973, p . 935 .

    ( 31 ) Rec . 1972, p . 701 .

    ( 32 ) 213 US 347 ( 1909 ).

    ( 33 ) 148 F . 2d 416 ( 1945 ).

    ( 34 ) Neale, A . D ., et Stephens, M . L .: International Business and National Jurisdiction, Oxford, Clarendon Press, 1988, p . 167 .

    ( 35 ) 1965, Trade Cases, paragraphe 71352; 1963, Trade Cases, paragraphe 70600 .

    ( 36 ) Voir Neale, A . D ., et Stephens, M . L ., précité, p . 167 .

    ( 37 ) 549 F . 2d 597 ( 9 Cir . 1977 ).

    ( 38 ) 595 F . 2d 1287 ( 3 Cir . 1979 ).

    ( 39 ) Neale, A . D ., et Stephens, M . L ., p . 177 .

    ( 40 ) 731 F . 2d 909 ( DC . Cir . 1984 ); le juge Wilkey a également critiqué la "judicial balance of interests" dans son article : "American Antitrust : Adjusting conflicts with other legal systems", Private Investors abroard, New York, Matthew Bender, 1985, cité par Neale, A . D ., et Stephens, M . L ., précité, p . 179, note 14 .

    ( 41 ) Ibidem, p . 78 .

    ( 42 ) Ibidem, p . 80 .

    ( 43 ) Ibidem .

    ( 44 ) Ibidem, p . 83 et 84 .

    ( 45 ) Griffin, J . P .: "Possible resolutions of international disputes over enforcement of US antitrust laws", 18, Stanford Journal of International Law, Issue 2, 1982, cité par Neale A . D ., et Stephens, M . L ., précité, p . 76, note 14 .

    ( 46 ) Mann, F . A .: The doctrine of international jurisdiction revisited after twenty years, RCADI, 1984 ( III ), p . 12, spécialement p . 30 et 31 .

    ( 47 ) Mann, F . A ., ibidem, p . 87 et 88 .

    ( 48 ) Cours précité, RCADI, 1964, p . 126 .

    ( 49 ) Weil, p .: L' application extraterritoriale du droit économique, Cahiers de Cedin, Montchrestien, 1987, p . 11 .

    ( 50 ) Jennings, R . Y .: Extraterritorial Jurisdiction and the United States Antitrust Laws, BYIL, 1957, p . 146, spécialement p . 153 .

    ( 51 ) Mann, F . A .: The doctrine of Jurisdiction in International Law, RCCADI, 1964, p . 7, spécialement p . 45 .

    ( 52 ) Ibidem, p . 44 .

    ( 53 ) "Qu' un État a compétence ( législative ) lorsque son rattachement à un ensemble donné de faits est si étroit, si substantiel, si direct, si important, que le fait de légiférer à leur égard est conforme au droit international et à ses différents aspects ( y compris la pratique des États, les principes de non-ingérence et de réciprocité et les exigences de la solidarité mutuelle ). ( ibidem, p . 49 ).

    ( 54 ) Ibidem, p . 104 .

    ( 55 ) Notamment Akehurst, M ., précité, p . 198 .

    ( 56 ) Ibidem, p . 201 .

    ( 57 ) Julliard, P .: "Application extraterritoriale de la loi économique", L' application extraterritoriale du droit économique, précité, p . 13, spécialement p . 31 .

    ( 58 ) Stern, B ., précité, p . 15 .

    ( 59 ) Idot, L .: Le contrôle des pratiques restrictives de concurrence dans les échanges internationaux, université de droit, d' économie et des sciences sociales de Paris ( Paris II ), thèse, 1981, ronéo, spécialement p . 89 et suiv .

    ( 60 ) Bischoff, J . M ., et Kovar, R ., précité, p . 700 .

    ( 61 ) Eeckman, P .: L' application de l' article 85 du traité Rome aux ententes étrangères à la CEE, mais causant des restrictions à la concurrence à l' intérieur du marché commun, RCDIP, 1965, p . 499, spécialement p . 519 .

    ( 62 ) Demaret, P ., précité, p . 33 .

    ( 63 ) Mégret, J ., Louis, J.-V ., Vignes, D ., et Waelbroeck, M .: Le droit de la Communauté économique européenne, Éditions de l' université de Bruxelles, 1972, volume 4, "Concurrence", p . 20 .

    ( 64 ) Ibidem, p . 21 .

    ( 65 ) Goldman, B ., et Lyon-Caen, A .: Droit commercial européen, Dalloz, quatrième édition, p . 551 .

    ( 66 ) Bischoff, J . M ., et Kovar, R ., précité, spécialement p . 7O6 et suiv .

    ( 67 ) Rec . 1972, p . 699-700 .

    ( 68 ) Ibidem, p . 702 .

    ( 69 ) The International Law Association : Report of the 55th Conference Held at New York, August 21st to August 26, 1972, p . 138;

    ( 70 ) Ibidem, p . 175 .

    ( 71 ) Sur la notion de courtoisie internationale, voir : Oppenheim, L . International Law, huitième édition, H . Lauterpacht, Longmans, Green and Co, vol . 1, p . 33 et suiv .; Nys, E .: Le droit international, deuxième édition, 1904, tome 1, p . 201 et suiv .; Yntema, H . E .: "The comity doctrine", Michigan Law Review, 1966-1967, vol . 65, p . 1 .

    ( 72 ) Affaire2O9/78, arrêt du 29 octobre 198O, Rec . p . 3125, souligné par nous; solution analogue dans l' affaire 96/82, NVIAZ, arrêt du 8 novembre 1983, Rec . p . 3369 .

    ( 73 ) Affaire 45/85, VDS, arrêt du 27 janvier 1987, Rec . p . 405, point 32 .

    ( 74 ) "Application of competition laws to foreign conduct : appropriate resolution of jurisdictionnal issues", conférence du Fordham Corporate Law Institute des 3 et 4 octobre 1985 .

    ( 75 ) Accord du 5 octobre 1973, JO L 328 du 28.11.1973, p . 17 .

    ( 76 ) Affaire 85/76, Hoffmann-Laroche, arrêt du 13 février 1979, Rec . p . 461, et 22/78, Hugin, arrêt du 31 mai 1979, Rec . p . 1869 .

    ( 77 ) Voir, notamment : Roth : "Die Wettbewerbsregeln in den Freihandelsabkommen der EWG" Wettbewerb in Recht und Praxis p . 423; Temple Lange, John : "European Community Antidumping and Competition Laws, Their Actual and Potential Application to EFTA Countries", Tidsskrift for Rettsvitenskap, 3/87, p . 59O .

    ( 78 ) H . Schroeter ( in Kommentar zum EWG-Vertrag-Groeben, de Boeckl, Thiesing, Ehlermann, vol . 1, p . 919 ) qui estime que si la question pratique de l' effet direct des règles de concurrence des accords de libre-échange ne s' est pas posée à ce jour, cela s' explique "par le fait qu' une grande partie des ententes qui sont incompatibles avec le fonctionnement correct des accords de libre-échange tombent également dans le champ d' application de l' article 85 du traité CEE ". Voir également Hirsch ( in L' accord entre la Suisse et la CEE confère-t-il des droits aux particuliers?, CDE, 19 , p . 194 ) qui exprime exactement la même idée du point de vue de l' application des dispositions helvétiques anticartel .

    ( 79 ) Affaire 27O/8O, arrêt du 9 février 1982, Rec . p . 329 .

    ( 80 ) Affaire 14/68, arrêt du 13 février 1969, Rec . p . 1 .

    ( 81 ) Hunnings, March : "A mere permissive provision", Enforceability of the EEC-EFTA Free Trade Agreements, 2 EL Rev ., 1977, p . 63 .

    ( 82 ) Affaire 53/84, arrêt du 7 novembre 1985, Rec . p . 3595 .

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