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Document 61981CC0054

    Conclusions de l'avocat général VerLoren van Themaat présentées le 21 janvier 1982.
    Firma Wilhelm Fromme contre Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung.
    Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Frankfurt am Main - Allemagne.
    Primes de dénaturation indûment versées - Intérêts moratoires.
    Affaire 54/81.

    Recueil de jurisprudence 1982 -01449

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1982:15

    CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

    M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT,

    PRÉSENTÉES LE 21 JANVIER 1982 ( 1 )

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    I — Introduction

    L'affaire Fromme, qui nous occupe aujourd'hui, présente un certain nombre d'aspects qui ne satisferont pas le sentiment de la justice de chacun. De toute évidence, le juge de renvoi aussi a vu dans l'actuelle demande d'intérêts un certain nombre d'éléments qui ont heurté son sentiment de la justice. Toutes les atteintes à ce dernier ne peuvent toutefois être résolues sur la base du droit communautaire. Même le demandeur dans l'instance au principal a admis, durant la procédure devant votre Cour, que, d'après les questions posées et les explications fournies à leur sujet, le juge de renvoi attendait trop du droit communautaire. Ce qui importe en cas d'atteintes possibles au sentiment de la justice, comme celles dont il s'agit en l'espèce, est la nette distinction à opérer entre :

    a)

    la violation de principes juridiques du droit national, sur laquelle votre Cour ne peut pas statuer dans le cadre d'une procédure au titre de l'article 177 du traité;

    b)

    la violation de règles de droit écrites et de principes juridiques non écrits du droit communautaire, y compris les limites que le droit communautaire pose à la validité ou au contenu de règles juridiques nationales. Vos réponses aux questions posées devront notamment se rapporter à cet aspect. Non seulement le demandeur au principal, mais aussi la Commission ont insisté à cet égard pour que la réponse aux questions soit à ce point précise que le juge de renvoi puisse se prononcer, sur cette base, sur toutes les questions de droit communautaire pertinentes qui se posent;

    c)

    les aspects de l'affaire qui ne sont pas satisfaisants pour le sentiment de la justice et que seul le législateur national ou communautaire pourra résoudre.

    Les principaux faits de cette affaire, qui ont de l'importance pour vous, sont les suivants.

    En 1970, le négociant Fromme a obtenu du Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung (BALM) une prime d'un montant de 128497,62 DM. Cette prime a été payée sur la base du règlement no 172/67 du Conseil (JO 1967, p. 2602), qui établit les règles générales régissant la dénaturation. Après qu'un examen des livres comptables eut révélé que Fromme avait ajouté, en vue de cette dénaturation, une quantité de colorant bleu inférieure à celle prescrite par le règlement d'application (CEE) no 1403/69 de la Commission (JO 1969, L 180, p. 3), la prime a été répétée fin 1977. Il n'est pas contesté que le but de la règle de dénaturation en question, qui est d'assurer l'utilisation exclusive du froment dénaturé en vue de l'alimentation animale, a en l'occurrence été atteint. Néanmoins, par décision du 8 décembre 1977, la prime a été réclamée en retour, et Fromme l'a remboursée. C'est du reste pourquoi la procédure qui est à l'origine du présent renvoi ne concerne pas cette demande principale. En 1980, le BALM a toutefois réclamé en outre, sur la prime versée indûment, des intérêts qui, par suite du délai qui s'était écoulé entre-temps, représentaient au total, d'après le demandeur au principal, 70 à 80 % de la somme principale. Les questions qui vous sont posées par le juge de renvoi se rapportent exclusivement à cette demande complémentaire.

    La demande d'intérêts repose sur l'article 11, paragraphe 1, deuxième phrase, de l'arrêté du ministre allemand de l'agriculture, du 8 août 1968, relatif à la prime de dénaturation des céréales, tel qu'il a été modifié par l'arrêté du même ministre, du 14 février 1973, relatif à l'adaptation des règles en matière d'intérêts contenues dans les règlements d'application des organisations communes de marchés. La base légale de ce dernier est la loi allemande relative aux mesures d'exécution que comportent les organisations communes de marchés (MOG), du 31 octobre 1972. Là question centrale pour vous dans cette procédure est de savoir si une réglementation, comme celle qui est en vigueur en république fédérale d'Allemagne, est conforme au droit communautaire. Cette réglementation en matière d'intérêts prévoit, en cas d'actions en remboursement de primes payées indûment comme celles qui sont en cause ici, un taux d'intérêt fixe pour la période allant du paiement jusqu'au remboursement de la prime (soit, en l'occurrence, environ sept ans) qui est supérieur de 3 % au taux d'escompte de la Banque fédérale d'Allemagne et au moins égal à 6,5 %.

    Les règles allemandes litigieuses sont basées à leur tour sur le règlement no 729/70 du Conseil (JO 1970, L 94, p. 16), ou doivent en tout cas être vérifiées au regard de ce texte, dont spécialement l'article 8 déclare:

    1.

    Les Etats membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour

    s'assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le Fonds,

    prévenir et poursuivre les irrégularités,

    récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligences.

    Les États membres informent la Commission des mesures prises à ces fins, et notamment de l'état des procédures administratives et judiciaires.

    2.

    A défaut de récupération totale, les conséquences financières des irrégularités ou des négligences sont supportées par la Communauté, sauf celles résultant d'irrégularités ou de négligences imputables aux administrations ou organismes des États membres.

    Les sommes récupérées sont versées aux services ou organismes payeurs et portées par ceux-ci en diminution des dépenses financées par le Fonds.

    3.

    Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, arrête les règles générales d'application du présent article.

    Des règles d'application au sens du paragraphe 3 de cet article n'ont pas encore été arrêtées, ce qui, du point de vue de l'efficacité et de l'uniformité de la lutte contre la fraude dans tous les États membres, doit être fortement regretté.

    Nous reviendrons sur ce point en rapport avec certains aspects de la réglementation en matière d'intérêts litigieuse. Le règlement (CEE) no 1403/69 de la Commission (JO 1969, L 180, p. 3) contient, il est vrai, des règles d'application du règlement du Conseil, mais sur d'autres points que ceux qui sont en cause ici.

    Le tribunal administratif de Francfort-sur-le-Main a suspendu la procédure au principal, pour vous poser les questions suivantes:

    1)

    Est-il compatible avec le traité instituant la Communauté économique européenne que la république fédérale d'Allemagne perçoive, sur des primes de dénaturation indûment versées, des intérêts calculés à compter du jour du versement à un taux supérieur de 3 % au taux d'escompte appliqué à l'époque par la Banque fédérale d'Allemagne et en tout cas égal au minimum à 6,5 % sans y être habilitée par une norme du droit communautaire?

    2)

    Dans la négative:

    l'article 8, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94 du 28. 4. 1970, p. 13), habilite-t-il la République fédérale à percevoir des intérêts tels que ceux visés à la question 1)?

    3)

    Dans la négative:

    existe-t-il une autre disposition ou un principe général du droit communautaire d'où résulterait une telle habilitation?

    II — Analyse des questions posées

    Le demandeur dans l'instance au principal, le gouvernement fédéral allemand et la Commission sont unanimes à remarquer, dans leurs observations écrites, que les questions posées ainsi que les considérations juridiques développées à leur sujet par le juge de renvoi et indiquées dans le rapport d'audience révèlent un malentendu fondamental à propos de la relation générale entre le droit communautaire et le droit national dans le domaine de l'organisation des marchés agricoles. En l'état actuel du droit communautaire, cette relation générale ne peut être décrite en disant que le législateur national est exclusivement compétent dans ce domaine, pour autant qu'il a été habilité expressément à cette fin par le droit communautaire. Dans la réponse aux questions, il faudra tenir compte de ce malentendu. Comme celui-ci est à la base de toutes les questions posées, les directives d'interprétation pertinentes pour le juge de renvoi devront être formulées d'une manière plus ou moins indépendante des questions posées. Il faudra toutefois examiner à cette occasion toutes les questions de droit communautaire qui sont apparues durant la procédure et qui sont importantes pour le juge national.

    Pour permettre une réponse utile au juge de renvoi, les questions peuvent dès lors être reformulées comme suit: «La compétence d'un État membre de percevoir en cas de répétition, sur des primes de dénaturation versées indûment, des intérêts calculés à compter du jour du versement de la prime à un taux supérieur de 3 % au taux d'escompte appliqué à l'époque par la banque centrale concernée, mais égal au minimum à 6,5 %, est-elle limitée par:

    1.

    le traité instituant la Communauté économique européenne;

    2.

    l'article 8, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94 du 28. 4. 1970, p. 13) ou par

    3.

    d'autres règles ou principes généraux du droit communautaire?»

    Nous traiterons ces questions dans l'ordre indiqué ci-dessous. A cause des malentendus que toutes les questions révèlent sur ce point, nous examinerons d'abord quelques principes de base du droit communautaire concernant l'exécution de la politique agricole commune par les autorités nationales. Ensuite nous vérifierons jusqu'à quel point l'article 8 du règlement (CEE) no 729/70 conduit à cet égard à des conclusions différentes.

    Puis nous analyserons les limitations les plus importantes qui ont été tirées, dans toutes les observations écrites, de votre jurisprudence, même si c'est avec des résultats divergents pour la présente affaire. Compte tenu de la troisième question posée, nous examinerons enfin si d'autres règles ou principes généraux du droit communautaire que celles ou ceux qui ont joué un rôle dans votre jurisprudence analysée précédemment entraînent également des limitations pour les autorités nationales. En particulier, nous nous pencherons dans ce contexte sur la question de l'applicabilité en l'espèce du principe de proportionnalité, que vous avez développé ailleurs dans votre jurisprudence.

    III — Principes de base du droit communautaire en matière d'exécution de la politique agricole commune par les autorités nationales

    Dans toutes les observations écrites, on a fait remarquer que, d'après la formulation des questions posées, le juge de renvoi était parti à tort de l'idée que les États membres ne peuvent percevoir des intérêts, en cas de répétition de primes versées indûment, que s'ils y ont été habilités expressément par le droit communautaire.

    Sur un plan tout à fait général, l'article 5, première phrase, du traité CEE permet déjà de dire que les États membres ont l'obligation de prendre les mesures générales ou particulières qui sont propres à assurer l'exécution des règlements dans le domaine de la politique agricole commune. Sous cet angle, une habilitation n'est pas nécessaire.

    Déjà dans les arrêts rendus dans les affaires Bollmann (affaire 40/69, Recueil 1970, p. 69) et Krohn (affaire 74/69, Recueil 1970, p. 451), votre Cour a toutefois précisé que ces mesures d'exécution nationales ne peuvent affecter, modifier ou étendre la portée du règlement communautaire. Dans votre arrêt dans l'affaire Balkan-Import-Export (affaire 118/76, Recueil 1977, p. 1177), vous avez répété une nouvelle fois cette limitation de la compétence nationale. Elle peut être considérée comme une précision du deuxième alinéa de l'article 5 du traité CEE.

    En ce qui concerne la problématique actuelle, vous avez concrétisé ce principe, dans votre arrêt dans les affaires Lippische Hauptgenossenschaft (119 et 126/79, Recueil 1980, p. 1863), en déclarant qu'en ce qui concerne l'octroi de primes, c'est aux autorités nationales qu'il appartient d'exiger la restitution de toute prime dont le versement apparaît comme n'ayant pas été justifié (point 7 des motifs). La suite de votre arrêt permet d'affirmer que cette compétence des États membres ne se rapporte pas seulement à l'adoption de mesures procédurales visant à la restitution, tandis que l'établissement de conditions matérielles serait réservé à la Communauté. Vous avez spécifié seulement que les autorités nationales doivent procéder, en cette matière, avec la même diligence que celle dont elles usent dans la mise en oeuvre de législations nationales correspondantes, de manière à éviter toute atteinte à l'efficacité du droit communautaire (point 8). Sous ce rapport, la fixation de délais de prescription ou de forclusion a explicitement été jugée admissible par votre Cour. En vous référant au principe énoncé à l'article 5 du traité CEE, selon lequel les mesures d'exécution nationales ne peuvent pas mettre en péril le droit communautaire, vous avez déclaré dans l'arrêt Ferwerda (affaire 265/78, Recueil 1980, p. 617) que c'est aux États membres qu'il appartient de désigner le juge compétent et de régler les modalités procédurales, mais que celles-ci ne peuvent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne et qu'elles ne peuvent en aucun cas être aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l'exercice des droits que le juge national a l'obligation de sauvegarder (point 10). Au point 17 des motifs de votre arrêt dans l'affaire Express Dairy Foods (affaire 130/79, Recueil 1980, p. 1887), vous avez considéré, dans la même ligne, que c'est aux Etats membres, et spécialement au juge national, qu'il appartient de régler toutes les questions accessoires ayant trait au problème des paiements indus, y compris celle du versement d'intérêts.

    A côté de l'exigence d'efficacité et de l'interdiction d'affecter, de modifier ou d'étendre la portée du droit communautaire, votre jurisprudence antérieure a toutefois énoncé aussi une interdiction de discrimination. Celle-ci a manifestement un caractère plus spécifique que l'interdiction de «toute discrimination entre producteurs ou consommateurs de la Communauté», qui est inscrite à l'article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité CEE. Cette interdiction de discrimination, qui vise à assurer la protection juridique de tous les opérateurs économiques de la Communauté, s'applique certes aussi aux mesures d'exécution nationales de la politique agricole commune. Dans la jurisprudence considérée ici, l'interdiction de discrimination est formulée toutefois sous la forme d'une assimilation des mesures d'exécution du droit communautaire à d'autres règles nationales comparables. Dans votre arrêt Ferwerda (affaire 265/78, Recueil 1980, p. 617), vous avez exprimé cette idée, au point 12 des motifs, dans les termes suivants: «que le renvoi explicite aux législations nationales est soumis aux mêmes limites que celles qui affectent le renvoi implicite dont la nécessité a été reconnue en l'absence de réglementation communautaire, en ce sens que l'application de la législation nationale doit se faire de façon non discriminatoire par rapport aux procédures visant à trancher des litiges du même type, mais purement nationaux». Encore au point 8 des motifs du même arrêt, vous avez déjà énoncé une interdiction de discrimination en ce qui concerne les conditions de forme et de fond dans lesquelles... les administrations des États membres peuvent percevoir lesdites impositions et, le cas échéant, répéter des avantages financiers qui auraient été octroyés irrégulièrement. Dans l'affaire Express Dairy Foods (affaire 130/79, Recueil 1980, p. 1887), vous avez jugé également, au point 12, «que l'application de la législation nationaie doit se faire de façon non discriminatoire par rapport aux procédures visant à trancher des litiges du même type, mais purement nationaux». Dans les affaires Lippische Hauptgenossenschaft (119 et 126/79, Recueil 1980, p. 1863), vous avez déclaré enfin: «Il appartient... aux autorités nationales d'apprécier, selon les règles et principes de leur droit national, une situation du genre de celle qui est soumise à l'appréciation du Verwaltungsgericht, étant toujours entendu qu'elles ne sauraient établir une différence entre des situations régies par le droit communautaire et des situations analogues relevant de l'application du seul droit national.»

    De votre jurisprudence antérieure, nous déduisons par conséquent, d'une part, que la pratique d'exécution nationale ne doit pas mettre en péril l'efficacité du droit communautaire et qu'elle ne peut pas, dès lors, être moins efficace que la pratique d'exécution relative à des réglementations nationales comparables. Cela découle notamment du point 8 des motifs de votre arrêt dans les affaires Lippische Hauptgenossenschaft. D'autre part, les considérations développées dans les motifs, que nous avons cités ensuite, des arrêts rendus dans les affaires Ferwerda, Express Dairy Foods et Lippische Hauptgenossenschaft nous semblent impliquer que les justiciables ne peuvent pas non plus être traités d'une manière moins favorable qu'en cas d'application de règles purement nationales comparables. Comme il existe de fortes divergences d'opinions sur la signification exacte de l'interdiction de discrimination dans le cas d'espèce, nous examinerons encore, dans notre exposé sur la troisième question qui vous est posée, dans quelle mesure des précisions complémentaires sont possibles ici. De plus, nous reviendrons aussi sur le problème de l'efficacité, sur la base des arguments qui ont été avancés au cours de la procédure.

    IV — Les règles de compétence de l'article 8 du règlement (CEE) no 729/70

    Les principes découlant de votre jurisprudence antérieure, que nous venons d'indiquer, s'appliquent naturellement pour autant que le droit communautaire ne comporte pas de dispositions contraires. C'est pourquoi nous nous proposons d'examiner maintenant jusqu'à quel point l'article 8 du règlement (CEE) no 729/70 permet de déduire des conclusions différentes, ou bien de préciser les principes dégagés jusqu'à présent.

    Dans les affaires Baywa et Raiffeisenbankgenossenschaft (affaires 146, 192 et 193/81, le même juge de renvoi a posé entre autres, à ce sujet, la question suivante: «L'article 8 du règlement (CEE) no 729/70... impose-t-il aux États membres une obligation d'exiger en toutes circonstances la restitution de primes de dénaturation versées à tort, ou bien ce règlement permet-il aux États membres de décider, dans des dispositions nationales, de laisser la question de la restitution dans un cas d'espèce à l'appréciation de l'autorité compétente?»

    Comme la procédure orale dans ces affaires plus récentes n'avait pas encore eu lieu lorsque les présentes conclusions ont été préparées, il n'est pas encore possible de tenir compte ici de ce que cette procédure orale fera apparaître. En revanche, l'arrêt dans la présente affaire pourra peut-être le faire. La question qui est posée au sujet de l'article 8 dans l'affaire actuelle est basée sur le même malentendu concernant la répartition des compétences que celui que nous avons déjà signalé précédemment. Il ne s'agit pas de savoir si l'article 8 comporte une habilitation, mais s'il contient des limitations de la compétence nationale qui s'écartent des principes généraux cités tout à l'heure, se dégageant de votre jurisprudence.

    Le texte de l'article 8 précise en tout cas l'obligation générale déjà mentionnée, inscrite à l'article 5 du traité CEE. D'après cet article 8, les États membres doivent prendre entre autres, conformément à leurs dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, «les mesures nécessaires pour:

    ...

    ...

    récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligences».

    Puis le deuxième paragraphe de l'article 8 dispose entre autres que les sommes récupérées sont versées aux services ou organismes qui ont effectué les paiements initiaux, tandis que ces services ou organismes portent ces montants en diminution des dépenses financées par le Fonds.

    Malgré une proposition de la Commission relative précisément à la question du calcul des intérêts, qui fait l'objet du présent litige, le Conseil n'a pas fait usage de la possibilité, visée au troisième paragraphe de l'article 8, d'arrêter des règles générales d'application de cet article.

    Pas plus que la Commission, nous ne pouvons trouver dans le texte de l'article 8 un quelconque élément qui exclurait la compétence des États membres, telle qu'elle se dégage de la jurisprudence citée il y a un instant, de régler aussi le paiement d'intérêts en cas de répétition. C'est pertinemment que la Commission observe en outre que le règlement no 281/72 du Conseil, du 7 février 1972, concernant les irrégularités et la récupération (JO 1972, L 36, p. 1), qui est également applicable en l'espèce, ne contient pas non plus de règles restrictives. De votre jurisprudence, en particulier de vos arrêts Roquette (affaire 26/74, Recueil 1976, p. 677) et Express Dairy Foods (affaire 131/77, Recueil 1980, p. 1887), il peut dès lors être déduit que les États membres sont en principe compétents pour régler le paiement d'intérêts. A cet égard aussi s'appliquent toutefois alors les restrictions indiquées tout à l'heure, à savoir qu'une telle réglementation ne peut pas affecter, modifier ou étendre la portée des règlements communautaires, en l'occurrence de l'article 8 du règlement (CEE) no 729/70. A l'instar de la Commission, nous estimons que le demandeur dans l'instance au principal et le juge de renvoi, dans son jugement, donnent incorrectement, sous cet angle, une interprétation littérale, restrictive, de l'article 8. D'après cette interprétation, seuls les montants mêmes payés indûment pourraient être répétés.

    Déjà dans l'affaire Pays-Bas/Commission (affaire 11/76, Recueil 1979, p. 245), votre Cour a déclaré (point 6 des motifs) «que le texte de l'article 8 dans ses différentes versions linguistiques... contient trop d'éléments contradictoires et équivoques pour indiquer la réponse aux questions [qui étaient alors] controversées; qu'aux fins de l'interprétation de la disposition, il y a donc lieu de considérer le contexte dans lequel elle figure et l'objectif poursuivi par la réglementation en cause». A l'attendu suivant, elle a constaté «que l'article 8 définit les principes selon lesquels la Communauté et les États membres doivent organiser la lutte contre les fraudes et les autres irrégularités en rapport avec les opérations financées par le FEOGA; qu'il prévoit tant des mesures visant la récupération de montants indûment versés que la poursuite, au moyen de procédures administratives et judiciaires, des personnes responsables».

    A cet égard, la Commission soutient pertinemment, selon nous, que l'appréciation des mesures d'exécution nationales doit porter en premier lieu sur leur efficacité du point de vue des objectifs de l'article 8 (tels qu'ils ont été précisés par la Cour).

    Enfin, le demandeur au principal a insisté beaucoup, surtout lors de la procédure orale, sur la constatation du juge de renvoi selon laquelle les intérêts réclamés ne sont pas versés à la Communauté, mais entrent dans le budget de la République fédérale. On pourrait effectivement se demander si cette prescription est conforme au deuxième paragraphe de l'article 8. Néanmoins, nous partageons le point de vue du gouvernement fédéral allemand et de la Commission selon lequel ce point n'a pas d'importance pour la relation entre le demandeur au principal et le BALM. Pour cette relation, seule la première. partie du deuxième paragraphe est importante, et non pas aussi la relation entre les organismes d'exécution nationaux et le FEOGA, qui est réglée dans la fin du même paragraphe.

    Sur les deux limitations générales que le droit communautaire établit pour les mesures d'exécution nationales et qui sont reconnues en principe dans toutes les observations écrites (pas d'atteinte à la portée du droit communautaire et non-discrimination), l'article 8 ne jette pas de nouvel éclairage. Sous ce rapport, l'article 8 laisse intacts les principes généraux qui sont contenus dans votre jurisprudence antérieure. Comme nous l'avons déjà annoncé, nous reviendrons encore sur la question de savoir jusqu'à quel point ces principes généraux doivent être précisés pour une situation comme la présente.

    Séparément, nous examinerons de plus, dans nos considérations sur la troisième question du Verwaltungsgericht telle que nous l'avons reformulée, dans quelle mesure il peut être déduit du texte de l'article 8 que le principe de proportionnalité, exprimé dans d'autres parties de votre jurisprudence, doit également être appliqué en l'espèce et quelle signification il faut alors lui reconnaître.

    V — Précision des limitations générales, établies dans la jurisprudence, aux fins de la situation actuelle

    a)

    En rapport avec la question de savoir si les mesures d'exécution allemandes affectent, modifient ou étendent la portée de l'article 8 du règlement (CEE) no 729/70 qui est applicable en l'espèce, nous nous proposons d'examiner encore uniquement, après ce que nous avons déjà dit à ce sujet, si l'article 8 en question permet d'en déduire une quelconque limite supérieure des intérêts à réclamer. L'agent du gouvernement fédéral allemand a nié l'existence d'une telle limite, dans des termes assez absolus, au cours de la procédure orale. D'un point de vue préventif, a-t-il dit, les intérêts ne sauraient être assez élevés. La Commission s'est bornée à affirmer que les règles relatives aux intérêts doivent être efficaces («wirksam») et que, quelle que soit la manière dont elle est conçue, une telle réglementation est indispensable pour l'exécution efficace de l'article 8. A la fin de la procédure orale, l'agent de la Commission a toutefois reconnu que les intérêts ne pouvaient pas être fixés à un taux indéfiniment élevé, par exemple à 30 %. Un taux d'intérêt qui s'écarterait trop du niveau général des taux dans l'État membre concerné créerait, aussi à notre avis, une menace pour la paix juridique, ainsi que la possibilité qu'en raison des risques trop élevés, les opérateurs économiques renoncent à la dénaturation. Dans cette mesure, le taux d'intérêt est donc limité, selon nous, par l'interdiction de discrimination, dont il nous reste encore à parler.

    Le demandeur au principal a toutefois soutenu un autre point de vue, à savoir que des intérêts pouvaient seulement être exigés lorsque l'intéressé a tiré un avantage de la prime obtenue irrégulièrement, tandis qu'il faudrait encore tenir compte d'autres particularités du cas concret. Il faudrait songer notamment à l'absence de dol ou au caractère minimal et purement formel de l'irrégularité en cause.

    Il se fait que dans l'affaire Balkan-Import-Export, votre Cour a effectivement déclaré admissibles une clause nationale de remise pour des motifs d'équité et, dans l'affaire Ferwerda, l'application d'un principe de sécurité juridique impliquant que des prestations obtenues de bonne foi ne peuvent pas être répétées.

    Au point 10 des motifs de l'arrêt dans les affaires Lippische Hauptgenossenschaft, vous avez déclaré en outre, à propos du principe de prescription, que le droit communautaire ne limite pas la liberté des autorités nationales compétentes d'appliquer, à la récupération d'avantages indûment accordés en vertu de la réglementation communautaire, ... les limitations qui pourraient éventuellement résulter de l'application de principes généraux reconnus dans le droit du pays concerné. Compte tenu des décisions rendues dans les affaires Balkan et Ferwerda, il serait parfaitement pensable, à notre avis, de reconnaître à cette phrase une signification plus générale, dépassant le domaine de la prescription.

    Dans toutes ces affaires antérieures, il s'agissait toutefois de décisions déclarant admissibles des réglementations nationales. Dans l'hypothèse où le droit allemand connaîtrait de pareils principes généraux, il serait peut-être possible de s'y reporter, en application du principe de non-discrimination. Ces principes ne représentent toutefois pas, dans les arrêts en question, des principes du droit communautaire, mais des principes de droit national jugés admissibles.

    Ce qui doit encore être examiné dans la présente affaire, en dehors de la signification à donner en l'espèce à l'interdiction de discrimination, est la question de savoir s'il est également possible de se reporter en l'occurrence au principe de proportionnalité que vous avez développé dans votre jurisprudence relative à d'autres secteurs de la politique agricole commune. Comme annoncé, nous reviendrons également sur cette question dans les parties suivantes de ce paragraphe de notre exposé.

    b)

    En ce qui concerne le principe de non-discrimination, nous avons déduit de votre jurisprudence antérieure que lors de l'exécution du droit communautaire, et donc aussi en cas de répétition de paiements effectués indûment en vertu d'une disposition de droit communautaire, les justiciables ne doivent être traités ni plus favorablement ni moins favorablement qu'ils le sont habituellement lors de l'exécution de dispositions purement nationales. Ce n'est certainement pas la tâche de votre Cour de donner au juge de renvoi des éclaircissements sur la question, débattue au cours de la procédure, de savoir avec quelles autres réglementations nationales la comparaison doit être faite en l'occurrence. Il s'agit là d'une question qui devra être résolue d'après le droit national. Sur la base du système développé par la Commission dans ses observations écrites et orales, il nous semble toutefois parfaitement possible de donner quelques explications. abstraites complémentaires, basées sur votre jurisprudence antérieure.

    Pour commencer, il nous semble que l'argumentation de la Commission, selon laquelle la nature propre du droit communautaire et les problèmes de contrôle particuliers qui se posent ici justifient une réglementation en matière d'intérêts plus sévère, risque fort de se heurter à la règle de non-discrimination que vous avez formulée le plus clairement dans les affaires Express Dairy Foods et Lippische Hauptgenossenschaft.

    Durant la procédure orale, l'agent de la Commission a développé son opinion en quatre points.

    En remier lieu, le droit communautaire s'opposerait à ce qu'il soit traité plus mal que le droit national applicable à des faits nationaux (comparables). En revanche, un traitement plus favorable que celui prévu par des règles en matière d'intérêts purement nationales comparables ne serait pas critiquable du point de vue du droit communautaire. Ce premier élément de l'opinion de la Commission nous semble incompatible, comme nous l'avons déjà dit, avec vos arrêts cités en dernier lieu. De même l'argument invoqué à l'appui de ce premier élément, à savoir qu'une harmonisation avec le droit d'autres États membres pourrait ainsi être favorisée, nous semble également insoutenable. Tout d'abord, dans un arrêt se rapportant a l'article 92, c'est-à-dire dans les affaires 6 et 11/69 (taux français de réescompte, Recueil 1969, p. 523), vous avez rejeté une telle harmonisation des taux d'intérêts en déclarant qu'elle fausserait la concurrence. Bien qu'il se soit agi alors d'une harmonisation vers le bas, il en est de même pour une adaptation des taux d'intérêts à des taux plus élevés dans d'autres États membres. Des différences de taux d'intérêts spécifiques, qui s'écartent des différences de taux d'intérêts générales entre les États membres, conduisent à des distorsions de concurrence au sens soit de l'article 92 du traité CEE (en cas d'adaptation vers le bas), soit de'l'article 101 (en cas d'adaptation vers le haut). En outre, pour autant qu'une harmonisation des règles en matière d'intérêts soit souhaitée, les États membres ne sont pas en mesure de l'opérer, d'après les communications qui ont été faites au cours de la procédure par le gouvernement fédéral et par la Commission au sujet de l'absence de directives générales claires. Ce n'est du reste pas leur tâche. Seul le Conseil serait en mesure et aurait le pouvoir de le faire, sur la base de l'article 8, paragraphe 3, du règlement qui est en cause ici. Nous renvoyons également à ce propos au point 12 des motifs de votre arrêt déjà cité dans l'affaire Express Dairy Foods. Lors d'une harmonisation des taux d'intérêts spécifiques qui font l'objet du présent litige, le Conseil devrait également éviter des distorsions spécifiques créées par les divergences, variables d'un État membre à l'autre, avec le taux d'intérêt général. L'ampleur d'une majoration uniforme du taux d'intérêt national normal, éventuellement jugée nécessaire dans le cas de pareilles actions en répétition, serait limitée par les exigences de l'intérêt communautaire.

    Comme deuxième précision, la Commission a expliqué durant la procédure orale qu'un motif pour une différenciation objective des taux d'intérêts pouvait être trouvé dans le fait que l'application du droit communautaire est nettement plus difficile et pose des problèmes de contrôle plus importants que l'exécution du droit administratif national, parce qu'elle implique la collaboration de deux autorités relevant d'ordres juridiques différents. En ce qui concerne cette précision, nous doutons tout d'abord que la répétition de primes de dénaturation octroyées en infraction avec le droit communautaire soit effectivement plus difficile que la répétition de subsides souvent beaucoup plus élevés, accordés à des entreprises industrielles en infraction avec le droit communautaire ou avec le droit national. Le dossier semble néanmoins indiquer que la répétition de subsides du dernier type, versés indûment, est régie en république fédérale d'Allemagne par des règles en matière d'intérêts moins strictes. Indépendamment de cela, l'idée que le respect de dispositions communautaires devrait être garanti, pour les raisons institutionnelles précitées, par des sanctions plus lourdes que le respect de dispositions de droit économique national comparables quant à leur contenu, nous semble en principe contestable et ne pas favoriser la réception du droit communautaire dans les États membres. De nouveau, à supposer que des différences de contenu ou des intérêts communautaires particuliers exigent des sanctions plus sévères en cas d'irrégularités, un règlement d'application pris en vertu de l'article 8, paragraphe 3, devrait l'exprimer.

    La troisième précision que la Commission a apportée au cours de la procédure orale, à savoir qu'une adaptation à un des taux d'intérêts allant de 8 à 12 %, que le droit communautaire lui-même prévoit dans d'autres domaines, serait admissible, ne nous paraît pas non plus compatible avec les principes que vous avez formulés dans votre jurisprudence.

    Enfin, il en est de même, nous semble-t-il, pour le quatrième élément de l'interdiction de discrimination formulée dans votre jurisprudence, qui a été avancé par la Commission, à supposer que cet élément ajoute encore quelque chose de neuf aux trois premiers. La Commission estime cette fois qu'un taux d'intérêt fixe ou fictif, inscrit dans une législation particulière exécutant le droit communautaire et qui s'écarte du reste du droit national, ne représente pas une discrimination.

    Les précisions que la Commission a suggérées en vue de votre réponse au Verwaltungsgericht de Francfort nous semblent donc toutes, successivement, incompatibles avec votre jurisprudence antérieure. D'autre part, des précisions si détaillées dans votre réponse ne nous semblent ni nécessaires ni souhaitables. En revanche, comme votre jurisprudence antérieure semble permettre des interprétations si contestables, un certain affûtage de vos formulations antérieures nous paraît s'imposer. Dans cette optique, vous pourriez éventuellement clarifier que lors de la répétition de sommes obtenues indûment, pour les intérêts à calculer à cette occasion, les justiciables ne peuvent être traités d'une manière ni plus favorable ni moins favorable qu'ils le seraient d'après les règles légales nationales et les principes généraux du droit qui s'appliquent à des cas matériellement comparables dans la sphère juridique purement nationale.

    c)

    Examinons maintenant, comme nous l'avons annoncé, si le principe de proportionnalité, qui a été développé dans votre jurisprudence concernant beaucoup de domaines du droit communautaire, peut aussi avoir de l'importance, en tant que principe général du droit communautaire, pour la problématique actuelle. En dehors de nombreux arrêts relatifs au secteur de la politique agricole commune, ce principe a été développé notamment dans votre jurisprudence sur l'application de clauses de sauvegarde. De plus, il est appliqué régulièrement par la Commission dans le cadre de la politique de concurrence, menée sur la base de l'article 85, paragraphe 3, sous a), et de l'article 92, paragraphe 3, du traité CEE.

    Il s'agissait toujours, dans, ces contextes, d'une application de dispositions communautaires dont le texte ou l'interprétation, qui était donnée à ce dernier dans votre jurisprudence ou dans la pratique de la Commission, contenait comme restriction que les interventions en cause devaient être «nécessaires» (article 40, paragraphe 3, première phrase), «indispensables» (article 85, paragraphe 3) ou «justifiées et nécessaires en vue d'atteindre le but visé» (clauses de sauvegarde d'ordre public). Une telle clause figure également au début de l'article 8 du règlement (CEE) no 729/70 du Conseil, qui est applicable en l'espèce.

    C'est pourquoi nous estimons que le principe de proportionnalité, tel que vous l'avez développé dans un grand nombre d'arrêts, représente aussi dans l'espèce actuelle un principe général du droit communautaire qui impose des limitations à l'exécution nationale de l'article précité.

    Il découle notamment de ce principe de proportionnalité, à notre avis, qu'entre les intérêts réclamés et l'avantage obtenu doit exister un rapport de proportionnalité suffisant, tandis que l'application d'une clause nationale de remise pour des motifs d'équité ou d'un autre pouvoir d'atténuation d'une rigueur excessive, qui est applicable dans des cas similaires, pourrait être justifiée lorsqu'il apparaît que malgré une infraction marginale aux règles communautaires concernées, le but du régime de dénaturation, à savoir l'utilisation de la quantité en cause de blé tendre en vue de l'alimentation animale, a effectivement été atteint dans un cas concret.

    Comme le principe de proportionnalité envisagé ici n'a pas été évoqué, ou du moins n'a pas été évoqué explicitement au cours de la présente procédure, nous ne vous proposerons pas d'inclure dans votre réponse des précisions allant si loin. Peut-être la procédure orale dans les affaires 146, 192 et 193/81 clarifiera-t-elle toutefois cet aspect d'une manière telle que votre arrêt dans l'affaire actuelle pourra parfaitement donner davantage de précisions. Notamment la discussion sur la troisième question posée dans les affaires précitées Baywa et autres pourrait apporter plus de clarté sur ce point.

    VI — Proposition de réponse aux questions posées

    Voici maintenant notre proposition concrète de réponse aux questions qui vous sont posées dans la présente affaire. Ces réponses peuvent être parallèles, de la manière indiquée dans notre introduction, aux trois questions qui vous sont soumises et donner au juge de renvoi des directives d'interprétation suffisantes, à notre avis, sur toutes les questions de droit communautaire qui sont apparues durant la procédure. Nous rappelons que nous avons reformulé les questions posées comme suit:

    «La compétence d'un État membre de percevoir en cas de répétition, sur des primes de dénaturation versées indûment, des intérêts calculés à compter du jour du versement de la prime à un taux supérieur de 3 % au taux d'escompte appliqué à l'époque par la banque centrale concernée, mais égal au minimum à 6,5 %, est-elle limitée par:

    1.

    le traité instituant la Communauté économique européenne;

    2.

    l'article 8, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94 du 28. 4. 1970, p. 13) ou par

    3.

    d'autres règles ou principes généraux du droit communautaire?»

    Aux questions formulées ainsi, nous proposons de donner la réponse suivante:

    1.

    Pour autant que le droit communautaire ne contient pas de dispositions dérogatoires ou des limitations, les États membres sont non seulement compétents, mais sont aussi obligés, en vertu de l'article 5, première phrase, du traité CEE, de prendre toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant de ce traité ou de l'organisation commune des marchés agricoles. L'état général actuel du droit communautaire a pour conséquence qu'il en est également ainsi, en principe, pour les règles en matière d'intérêts applicables en cas de répétition de paiements effectués indûment comme ceux qui sont en cause ici.

    2.

    L'obligation qui dérive déjà de l'article 5, première phrase, du traité CEE est certes précisée par l'article 8 du règlement (CEE) no 729/70 (JO 1970, L 94, p. 13), mais elle n'est pas limitée par lui en ce qui concerne des règles en matière d'intérêts comme celles qui sont en cause ici, du moins tant qu'il n'est pas donné application au troisième paragraphe de cet article 8 et sans préjudice des principes d'interprétation indiqués ci-dessous.

    3.

    Les pouvoirs d'un État membre d'arrêter et d'appliquer des règles en matière d'intérêts comme celles qui sont en cause ici sont limités notamment par les principes généraux du droit communautaire suivants, qui découlent entre autres de la jurisprudence de la Cour de justice:

    a)

    l'interdiction d'affecter, de modifier ou d'étendre, par des mesures d'exécution nationales, la portée des règlements communautaires concernés;

    b)

    l'interdiction de traiter les justiciables, lors de la répétition de sommes obtenues par eux indûment ou lors du calcul des intérêts à percevoir sur elles, d'une manière plus favorable ou moins favorable qu'ils le seraient d'après les règles légales nationales et les principes juridiques généraux du droit national applicables à des cas matériellement comparables se situant dans la sphère juridique purement nationale;

    c)

    le principe de proportionnalité consacré dans le droit communautaire et développé par la jurisprudence communautaire.


    ( 1 ) Traduit du néerlandais.

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