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Document 61978CC0265

Conclusions de l'avocat général Warner présentées le 27 septembre 1979.
H. Ferwerda BV contre Produktschap voor Vee en Vlees.
Demande de décision préjudicielle: College van Beroep voor het Bedrijfsleven - Pays-Bas.
Restitutions indues.
Affaire 265/78.

Recueil de jurisprudence 1980 -00617

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1979:217

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN-PIERRE WARNER,

PRÉSENTÉES LE 11 SEPTEMBRE 1979 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La présente affaire a été déférée à la Cour par une demande de décision préjudicielle formée par le College van Beroep voor het Bedrijfsleven. L'appelante au principal est une société de Rotterdam, H. Ferwerda BV, spécialisée dans l'import-export de viande. Nous l'appellerons «Ferwerda». La déferenderesse est le Produktschap voor Vee en Vlees (Office de production du bétail et de la viande) qui est, entre autres, l'organisme chargé aux Pays-Bas du paiement pour le compte de la Communauté des restitutions à l'exportation pour la viande bovine.

En bref, le College van Beroep est appelé à se prononcer, sur la question de savoir si Ferwerda est en droit de conserver certaines sommes versées par erreur à son profit, par la défenderesse, en tant que restitutions à l'exportation sur des lots de viande de veau congelée livrés par Ferwerda à certains bateaux de la Holland-Amerika lijn mouillant à l'époque dans les eaux des Bermudes, et, dans la négative, si, motif pris de cette erreur, Ferwerda est en droit de demander des dommages-intérêts à la défenderesse.

Les règlements alors en vigueur, fixant les restitutions à l'exportation dans le secteur de la viande bovine étaient le règlement (CEE) de la Commission no 584/76 du 15 mars 1976 et le règlement (CEE) no 2492/76 du 13 octobre 1976.

Le préambule de chacun de ces règlements contenait des considérants selon lesquels la situation de marché à l'intérieur de la Communauté et les possibilités de vente à destination des pays tiers n'appelaient le versement de restitutions à l'exportation de viande congelée que pour certaines destinations. Ces dernières étaient spécifiées à l'annexe jointe à chacun des deux règlements, à savoir, les pays tiers européens, la Jordanie, les pays tiers riverains de la Méditerranée ou du golfe Persique, les pays tiers de la péninsule Arabique, d'Afrique et, en ce qui concerne certains morceaux, les Etats-Unis d'Amérique. Les Bermudes n'étaient pas incluses dans cette liste. Dans chacune des annexes, une note en bas de page précisait qu'«au sens du présent règlement» étaient «également considérées comme pays tiers européens les destinations visées à l'article 3 du règlement (CEE) no 192/75 (JO no L 25 du 31.1. 1975)». Le règlement no 192/75 est un règlement de la Commission «portant modalités d'application des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles». L'article 3 de ce règlement dispose que la livraison dans la Communauté aux -bateaux, aéronefs, organisations internationales et forces armées étrangères est assimilée à une exportation hors de la Communauté. Il ne s'étend pas à ravitaillement de navires à l'extérieur de la Communauté.

En réclamant le bénéfice de la restitution, Ferwerda a entendu se prévaloir d'une procédure instituée par l'aiticle 3 du règlement (CEE) no 141/69 du Conseil, du 4 mars 1969, intitulé «règlement établissant les règles générales complémentaires concernant l'octroi des restitutions à l'exportation» pour un certain nombre de produits. L'avant-dernier considérant de ce règlement laisse, semble-t-il, supposer que l'idée sous-jacente à l'article 3 est de compenser le fait que, dans le cas de certains produits importés de pays tiers, il est possible de suspendre la perception du prélèvement, dès lors que les produits en question sont placés sous le régime douanier de l'entrepôt ou des «zones franches». La compensation prend la forme d'une procédure en vertu de laquelle, dans le cas de produits communautaires figurant à l'annexe II du règlement — y compris la viande bovine et la viande de veau — le paiement de la restitution à l'exportation peut intervenir aussitôt qu'ils ont été placés pareillement sous contrôle douanier.

L'article 3 dispose, pour autant qu'il importe en l'espèce:

«1)

La restitution ou, en cas de différenciation suivant la destination, la partie de la restitution calculée sur la base du taux le plus bas est payée sur demande de l'intéressé dès que les produits ou marchandises repris sur la liste figurant à l'annexe II ont été placés sous le régime douanier de l'entrepôt ou de zones franches.

Le respect de l'obligation d'exporter effectivement lesdits produits ou marchandises hors de la Communauté, sauf cas de force majeure, dans un délai déterminé, est assuré par la constitution d'une caution garantissant le remboursement d'un montant égal à celui de la restitution payée, majoré d'un montant déterminé dans le cas où l'exportation n'aurait pas eu lieu dans ce délai

...»

Le règlement (CEE) no 1957/69 de la Commission fixe des modalités complémentaires d'application des procédures introduites par le règlement (CEE) no 441/69, y compris la procédure définie à l'article 3. Les dispositions du règlement (CEE) no 1957/69 sont quelque peu complexes, du fait en particulier que certaines d'entre elles renvoient à des dispositions d'un règlement antérieur de la Commission, à savoir le règlement (CEE) no 1041/67, lequel a lui-même été remplacé par le règlement (CEE) no 192/75. Il est donc nécessaire d'interpréter ces renvois comme se référant aux dispositions correspondantes du règlement (CEE) no 192/75, qu'on peut retrouver au travers d'un «tableau de correspondance» joint en annexe au règlement (CEE) no 192/75.

Pour autant qu'il importe ici, l'article 1, paragraphe 2 sous a), du règlement (CEE) no 1957/69 dispose que l'article 11 du règlement (CEE) no 192/75 est applicable aux opérations réalisées conformément au règlement (CEE) no 441/69. Il n'est pas nécessaire de reprendre ici les (longues) dispositions de l'article 11. Il nous suffira de dire que, dans le présent contexte, elles servent à mettre en application l'exigence visée à l'article 3 du règlement (CEE) no 441/69 selon laquelle «dans le cas de différenciation du taux de la restitution selon la destination», seule «la partie de la restitution calculée sur la base du taux le plus bas est payée», lorsque les produits sont placés sous contrôle douanier. Elles mettent en évidence que, dans le cas où, pour un produit donné, aucune restitution n'a été fixée pour certaines destinations, aucun paiement ne pourra être fait à ce stade.

Les dispositions combinées de l'article 2, paragraphe 1 sous b) et de l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 1957/69 prévoient qu'en cas d'application des dispositions de l'article 3 du règlement (CEE) no 441/69, le taux de la restitution est, sauf fixation par avance, celui en vigueur le jour de «l'acceptation par le service des douanes de l'acte par lequel le déclarant manifeste sa volonté de placer les produits ou marchandises sous contrôle douanier en vue de leur mise sous le régime douanier de l'entrepôt ou de zones franches aux fins d'exportation». L'article 4, paragraphe 2, dispose que les marchandises peuvent demeurer sous le régime douanier de l'entrepôt ou de zones franches pour une période ne dépassant pas six mois à compter du jour de cette acceptation.

L'effet de l'article 6, paragraphe 1, est de disposer, pour autant qu'il importe en l'espèce, que la caution à constituer conformément à l'article 3 du règlement (CEE) no 441/69 doit être égale à 120 % de la restitution payée et que le montant en est recouvré «lorsque la preuve ne serait pas apportée» dans un certain délai de ce que «les produits ou marchandises ont, en l'état, quitté le territoire géographique de la Communauté, ou atteint leur destination au sens de l'article 3 du règlement (CEE) no [192/75] dans un délai de quarante-cinq jours ... à compter de la date à laquelle a pris fin le régime douanier de l'entrepôt ou de zones franches ...».

L'article 6, paragraphe 5, est la disposition en vertu de laquelle la déferenderesse fait valoir en l'espèce un droit de répétition au regard des sommes qu'elle a versées par erreur à Ferwerda. Il est rédigé comme suit:

«Le montant de la restitution payé, majoré le cas échéant, est remboursé conformément aux dispositions du présent article lorsque les preuves visées au paragraphe 1 ne sont pas apportées dans les délais requis. Dans ce cas, si ce montant n'est pas remboursé malgré demande, la caution préalablement constituée reste acquise».

Le College van Beroep a constaté que les faits de la cause étaient les suivants:

Le 16 mars 1976, Ferwerda a placé en entrepôt à la douane de Rotterdam 4511 kg de viande de veau congelée, en précisant au moyen du formulaire approprié que la viande était destinée à «divers bateaux» («diverse schepen») conformément aux dispositions des règlements (CEE) nos 441/69 du Conseil et 1957/69 de la Commission. Cette viande de veau a été retirée de l'entrepôt en trois lots, les deux premiers le 29 mars 1976 et le troisième le 12 mai 1976. Les «formulaires de contrôle» remplis au moment de l'enlèvement indiquaient respectivement comme destinataires «M.S. Statendam», «M.S. Rotterdam» et «M.S. Veendam Ned»; à chaque fois, il était spécifié que le bateau concerné se trouvait aux Bermudes. Sur la base du formulaire d'exportation remis le 16 mars 1976, la défenderesse a, par un avis du 13 avril 1976, informé la société qu'elle pouvait bénéficier d'une restitution d'un montant égal à 12410,66 florins. Cette somme a été versée à Ferwerda à une date que le College van Beroep ne précise pas.

Le 2 novembre 1976, Ferwerda a de même mis sous le régime de l'entrepôt douanier 820 kg de viande de veau congelée, qu'elle a retirée le même jour. A cette occasion, Ferwerda a spécifié, à la fois sur le formulaire d'exportation qu'elle avait rempli au moment où les marchandises avaient été placées en entrepôt douanier et sur le «formulaire de contrôle» déposé à l'occasion de leur enlèvement, que la destination des marchandises était le «M.S. Rotterdam, îles Bermudes» («M.S. Rotterdam Bermuda-eilanden»). Sur la base du «formulaire d'exportation», la défenderesse a fait savoir à Ferwerda, le 23 novembre 1976, que cette dernière pouvait bénéficier d'un montant de 1540,62 florins, majoré des montants compensatoires monétaires. Cette somme a été également versée par la défenderesse à une date que le College van Beroep ne précise pas.

Il est constant que Ferwerda n'avait pas droit aux restitutions qu'elle a reçues de la défenderesse. Il ne saurait d'ailleurs en être autrement, étant donné tout d'abord qu'à l'époque qui nous intéresse, les restitutions à l'exportation avaient été fixées uniquement pour certaines destinations, de sorte qu'elles ne pouvaient pas être réclamées au titre de la procédure définie à l'article 3 du règlement (CEE) no 441/69 et d'autre part, du fait que de telles restitutions n'étaient pas payables pour des fournitures de viande de veau congelée à des navires mouillant aux Bermudes.

Dans certaines pièces du dossier, on suggère que Ferwerda aurait pu être induite en erreur et amenée à réclamer indûment des restitutions, par une circulaire publiée par la défenderesse, le 15 octobre 1976, dans laquelle cette dernière cherchait à expliciter à l'égard des exportateurs de viande les conditions dans lesquelles des restitutions étaient susceptibles d'être versées. La circulaire disposait qu'elles étaient payables en cas de «livraisons pour ravitaillement de bateaux de haute mer» sans autre précision, autrement dit, sans spécifier que ces termes ne visaient que ravitaillement de bateaux à l'intérieur de la Communauté. II nous semble manifeste cependant que cette circulaire n'a pu susciter, sept mois plus tôt, la demande déposée par Ferwerda en mars 1976 et en supposant même que la circulaire ait pu inciter Ferwerda à présenter sa deuxième demande en novembre 1976, nous ne croyons pas qu'il faille y attribuer de l'importance. Comme l'a quasiment reconnu la défenderesse devant vous, la référence concernant les «divers bateaux», faite dans le formulaire d'exportation du 16 mars 1976, aurait dû à tout le moins amener la défenderesse à demander de plus amples renseignements, alors que la mention expresse «M.S. Rotterdam, îles Bermudes», visée dans le formulaire du 2 novembre 1976, aurait dû se traduire ipso facto par le rejet immédiat de la demande.

Les autres faits de la cause peuvent être résumés rapidement.

En ce qui concerne les cautions exigées à l'article 3 du règlement (CEE) no 441/69 et à l'article 6, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 1957/69, il apparaît que Ferwerda est en compte courant avec la défenderesse. Une somme égale à 120 % de 12410,66 florins a été débitée sur ce compte le 5 avril 1976 et une somme égale à 120 % de 1540,62 florins l'a été le 12 novembre 1976.

Le 16 décembre 1977, la défenderesse a écrit à Ferwerda pour lui faire remarquer qu'elle n'aurait jamais dû recevoir les sommes dont s'agit (12410,66 et 1540,62 florins) et lui a demandé de les lui restituer. La défenderesse ajoutait que, dès que Ferwerda aurait retourné ces sommes, elle serait créditée du montant des cautions Ferwerda a obtempéré et a été créditée du montant des cautions le 27 décembre 1977. Le 13 janvier 1978, cependant, Ferwerda a intenté devant le College van Beroep un recours dirigé contre la «décision» de la défenderesse, telle qu'elle résultait de sa lettre du 16 décembre 1977.

Le 15 décembre 1978, le College van Beroep a, par ordonnance, renvoyé l'affaire devant la Cour de justice des Communautés européennes, en demandant à cette dernière de statuer à titre préjudiciel sur les trois questions suivantes.

La première question s'énonce comme suit:

«L'article 6, paragraphe 5, du règlement (CEE) no 1957/69 doit-il être interprété en ce sens que le principe de sécurité juridique, inscrit dans une loi interne ou appliqué en vertu d'une loi interne, ne peut être opposé à l'encontre de la demande de remboursement d'une restitution?»

S'expliquant sur cette question, le College van Beroep s'est référé à l'article 9, paragraphe 1, de la «In- en Uitvoerwet» (loi néerlandaise sur les importations et exportations) selon lequel une restitution ne peut être annulée que si les renseignements fournis en vue de son obtention paraissent tellement inexacts ou incomplets qu'une demande en ce sens aurait abouti à une décision différente si les circonstances exactes et complètes avaient été connues au moment de son examen. Le College van Beroep se réfère également à l'exposé des motifs joint au projet de loi, dans lequel il était dit que cette restriction apportée par la loi quant au pouvoir d'annuler, entre autres, les restitutions a été prévue «dans l'intérêt de la sécurité juridique». Le College est provisoirement d'avis que la décision entreprise, particulièrement en ce qui concerne la répétition de la restitution octroyée par la défenderesse dans son avis du 23 novembre 1976, est contraire au «principe de bonne administration, ancré dans la conscience juridique générale et qui veut qu'il ne soit pas porté atteinte à la sécurité juridique». Selon lui, la question est de savoir si ces règles du droit néerlandais peuvent être invoquées à l'encontre de l'action en répétition visée à l'article 6, paragraphe 5, du règlement (CEE) no 1957/69.

La deuxième question du College van Beroep tend à savoir s'il est possible, à défaut, d'exciper un principe de sécurité juridique dérivé du droit communautaire pour s'opposer à une telle demande. Cette question est rédigée comme suit:

«L'article 6, paragraphe 5, du règlement (CEE) no 1957/69 doit-il être interprété en ce sens qu'une décision, exigeant le remboursement d'une restitution, ne peut être examinée à la lumière d'un principe de sécurité juridique, tiré du droit communautaire?»

Enfin, la troisième question du College est la suivante:

«Si les réponses aux questions I et II doivent être qu'il n'est pas permis d'invoquer dans de pareils cas un principe de sécurité juridique de droit national ou communautaire, l'article 6, paragraphe 5, du règlement (CEE) no 1957/69 fait-il également obstacle à une demande en dommages-intérêts, introduite par l'exportateur contre l'administration qui a demandé le remboursement de la restitution et fondée sur les mêmes faits et circonstances qui seraient susceptibles de justifier un recours au principe de la sécurité juridique si ce recours n'était pas exclu par l'article 6, paragraphe 5?»

Dans la présente affaire, la Commission a fait tout d'abord valoir que l'article 6, paragraphe 5, ne s'appliquait nullement aux circonstances de l'espèce. Nous approuvons ce point de vue. Il nous semble manifeste en effet — comme le soutient la Commission — que l'article 6, paragraphe 5, n'a pas pour objet ni pour effet de se préoccuper des cas où il y a eu une erreur de la part de l'office national chargé d'appliquer la législation. Il suppose, au contraire, que le versement à l'opérateur s'est correctement effectué au moment où ses marchandises ont été placées sous contrôle douanier et envisage l'éventualité d'un défaut d'exportation de la marchandise dans les délais visés à l'article 6, paragraphe 1. En l'espèce, comme le fait remarquer la Commission, Ferwerda s'est conformée, à la lettre, aux dispositions de l'article 6, paragraphe 1, en ce que, à l'intérieur des délais dont s'agit, elle a fourni la preuve que ses marchandises avaient quitte en l'état le territoire géographique de la Communauté. L'irrégularité en l'espèce ne résulte pas de ce que Ferwerda aurait manqué de satisfaire aux conditions visées à l'article 6, paragraphe 1, mais bien de ce qu'elle a reçu, à l'époque où ses marchandises étaient placées en entrepôt douanier, des paiements auxquels elle n'avait pas droit.

Le problème réellement posé en l'espèce est donc quelque peu différent de celui qu'avait envisagé le College van Beroep. Le vrai problème est celui-ci: lorsqu'une restitution à l'exportation a été payée par erreur à un opérateur par un organisme national, la question de savoir si le montant de cette restitution peut être récupéré relève-t-elle du droit communautaire ou du droit national? Il s'agit là d'un problème d'un genre qui vous est familier. Il suffit de se rappeler les affaires 26/74, Roquette/Commission (Recueil 1976, p. 677); 33/76 Rewe/Landwirtschaftskammer Saarland (Recueil 1976, p. 1989); 45/76, Cornet/Produktschap voor Siergewassen (ibidem, p. 2043); 118/76, Balkan-Import-Export/HZA Berlin-Packhof (Recueil 1977, p. 1177), ainsi que l'affaire 177/78, Pigs and Bacon Commission/McCarren & Co. Ltd. (arrêt du 26 juin 1979, non encore publié au Recueil), pour ne mentionner que certaines parmi les plus récentes, dans lesquelles la Cour était appelée à examiner des questions concernant les sphères respectives d'application du droit communautaire et du droit national. Un principe qui émerge clairement de ces affaires est que, dès lors que le droit communautaire ne prescrit pas les voies de recours applicables à des situations particulières, il y a lieu de recourir aux voies de recours ouvertes par le droit national.

Partant, et en admettant que l'article 6, paragraphe 5, du règlement (CEE) no 1957/69 soit inapplicable, la question est de savoir s'il existe une quelconque règle de droit communautaire gouvernant la présente situation. Il nous paraît manifeste que tel n'est pas le cas.

Les observations de la défenderesse et celles de la Commission font référence à l'article 8 du règlement (CEE) no 729/70 du Conseil «relatif au financement de la politique agricole commune». Cet article dispose:

«1)

Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour:

s'assurer de la réalité et de la régularité des opérations financières dans le Fonds [c'est-à-dire le FEOGA],

prévenir et poursuivre les irrégularités,

récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligences.

Les États membres informent la Commission des mesures prises à ces fins, et notamment de l'état des procédures administratives et judiciaires.

2)

A défaut de récupération totale, les conséquences financières des irrégularités ou des négligences sont supportées par la Communauté, sauf celles résultant d'irrégularités ou de négligences imputables aux administrations ou organismes des États membres

...»

Ainsi que la Commission l'a fait remarquer cependant, cet article concerne essentiellement les rapports de droit entre la Communauté et les Etats membres. L'intention de ses auteurs de réglementer les relations entre États membres et personnes privées est pour ainsi dire démentie par les termes «conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales».

Il se trouve que l'article 8 a fait récemment l'objet d'un examen par la Cour dans l'affaire 11/76 Pays-Bas/Commission, ainsi que dans l'affaire 18/76 Allemagne/Commission (arrêts du 7 février 1979, non encore publiés au Recueil). Dans ces deux affaires, les questions qui ont été soulevées concernaient, bien entendu, les relations de droit entre la Communauté et les États membres. Cependant, deux points évoqués dans les arrêts rendus dans ces affaires nous paraissent revêtir de l'importance en l'espèce.

En premier lieu, la Cour a admis, dans chacune de ces affaires, qu'en règle générale, il ne sera pas possible, ni d'après le droit communautaire ni d'après la plupart des systèmes juridiques nationaux, de récupérer auprès du bénéficiaire les sommes qui lui auraient été indûment versées par suite d'une application erronée, bien que de bonne foi, du droit communautaire par les autorités nationales (voir l'attendu no 12 de l'arrêt dans l'affaire 11/76 et l'attendu no 6 de l'arrêt dans l'affaire 18/76). Cela exclut, nous semble-t-il, toute possibilité d'interpréter l'article 8 comme instituant une règle communautaire générale selon laquelle une restitution de ces sommes devrait avoir lieu dans tous les cas.

En second lieu, la Cour a considéré dans ces mêmes deux affaires que, dans de telles circonstances, l'article 8 était en tous points inapplicable et que toute perte qui en résulterait devait être supportée par l'État membre concerné, dont l'organisme a commis l'erreur. S'il en est bien ainsi, ce dont nous ne doutons pas, il paraît logique de laisser à chaque État membre le soin de déterminer par ses propres lois dans quelles conditions et dans quelle mesure il doit supporter la perte.

Peut-être pourrait-on objecter à cela que, dans ce cas, il y aura un manque d'uniformité dans les conséquences de l'application du droit communautaire dans les différents États membres. La réponse à ces objections est, croyonsnous, double. En premier lieu, la Cour ne peut créer du droit communautaire lorsqu'il n'en existe pas; cette tâche doit être laissée aux organes législatifs de la Communauté. En second lieu, nous nous préoccupons en l'espèce des conséquences d'erreurs commises par une administration, autrement dit, d'une situation qui devrait être anormale. De telles erreurs ne devraient se produire que de temps à autre, et elles ne devraient pas affecter sensiblement les conditions de concurrence entre opérateurs dans les différents États membres.

Pour être complet il nous faut dire que nous avons examiné aussi le règlement (CEE) no 283/72 du Conseil, du 7 février 1972, «concernant les irrégularités et la récupération des sommes indûment versées dans le cadre du financement de la politique agricole commune, ainsi que l'organisation d'un système d'information dans ce domaine». Nous n'avons cependant rien trouvé dans ce règlement qui puisse s'appliquer au présent problème.

Partant, la conclusion est inévitablement, selon nous, qu'il n'existe pas de règle communautaire pertinente en l'espèce, et que la matière est régie, dans chaque État membre, par le droit de cet État. Il semble, par suite, qu'elle soit régie aux Pays-Bas par l'article 9, paragraphe 1, de la In- en Uitvoerwet.

En conclusion, nous pensons qu'il y a lieu de répondre à la première question déférée à la Cour par le College van Beroep en ce sens que, dans les cas où une restitution à l'exportation a été versée par erreur par une autorité administrative ou un quelconque organisme d'un État membre, à la suite d'une fausse application de l'article 3 du règlement (CEE) no 441/69, les conditions dans lesquelles le montant de cette restitution est susceptible de faire l'objet d'une répétition doivent être déterminées conformément au droit de cet État.

Dès lors, les deuxième et troisième questions du College n'appellent pas de réponse.


( 1 ) Treduit de l'angles.

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