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Document 61978CC0232

Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 4 juillet 1979.
Commission des Communautés européennes contre République française.
Viande ovine.
Affaire 232/78.

Recueil de jurisprudence 1979 -02729

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1979:179

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 4 JUILLET 1979 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La procédure dans laquelle nous présentons nos conclusions aujourd'hui concerne la compatibilité de certains éléments de ce que le gouvernement français appelle une organisation nationale du marché de la viande ovine, avec les dispositions du droit communautaire.

Dans sa requête, la Commission a exposé certaines particularités de ce régime français qui est géré par l'Office national interprofessionnel du bétail et des viandes et dont les dispositions relatives à l'importation ne revêtent plus maintenant d'importance en pratique, hormis le cas des pays tiers, qu'à l'égard du Royaume-Uni. Nous nous permettons de renvoyer à cet exposé et de ne rappeler que les éléments de ce régime qui sont destinés à stabiliser les prix sur le marché français que la production interne ne peut manifestement pas approvisionner à suffisance.

C'est ainsi que, à quelques exceptions près, l'importation de viande ovine congelée est en principe interdite. Dans la mesure où les importations sont admises, ce qui concerne les animaux vivants et les viandes fraîches et réfrigérées, il existe des prix de seuil nationaux et il est nécessaire d'obtenir une licence à l'importation.

Il semble qu'à cet égard l'autorité compétente attribue une licence globale d'importation, limitée du point de vue de la quantité importée et de la durée de validité, et que, dans le cadre de cette licence, elle délivre ensuite les différents certificats d'importation. Les importations ne sont autorisées qu'au cas où les cotations en France atteignent ou dépassent le niveau du prix de seuil. Lorsque ces cotations nationales sont inférieures au prix de seuil pendant une semaine, la délivrance d'autorisations d'importations est suspendue pour n'être rétablie que si le prix de seuil est atteint pendant la semaine suivante. Lorsque pendant deux semaines consécutives le prix de seuil n'est pas atteint sur le marché français, les importations sont arrêtées et la réouverture de la frontière n'intervient que lorsque le prix de seuil a été dépassé pendant deux semaines consécutives.

En outre, l'autorité compétente perçoit un droit sur les importations d'animaux vivants de boucherie, de viande fraîche et de viande réfrigérée. Selon les cotations nationales hebdomadaires, six taux forfaitaires différents sont applicables. Comme le prix de seuil, ces taux sont adaptés périodiquement à l'évolution des coûts; pour le calcul des droits, il est tenu compte notamment de l'évolution de la situation monétaire dans les pays exportateurs, c'est-à-dire, par exemple, de la dépréciation de la livre anglaise.

Sur recours formé par la république d'Irlande, cette réglementation avait déjà donné lieu à l'affaire 58/77. Celle-ci a été close sans qu'un arrêt soit prononcé parce que les gouvernements français et irlandais sont arrivés à un accord en vertu duquel, sous certaines conditions, la viande de mouton irlandaise obtenait le libre accès au marché français à partir du 1er janvier 1978.

Dans une lettre du mois de janvier 1978, le gouvernement britannique s'est plaint auprès de la Commission du traitement discriminatoire d'opérateurs britanniques intéressés à l'exportation, de même que, le mois suivant, il s'est plaint auprès de la Commission de ce que le gouvernement français avait annoncé une augmentation des droits d'importation susmentionnés.

Par la suite, la Commission, qui considère que la réglementation française viole le traité en ce qu'elle constitue une entrave aux échanges, a introduit une procédure au titre de l'article 169 du traité CEE afin de constater le manquement aux obligations découlant du traité. Après que la direction générale de l'agriculture eut déjà envoyé, le 16 janvier 1978, un télex au gouvernement français pour qu'il présente ses observations, télex auquel celui-ci a répondu le 21 janvier 1978, la procédure a été entamée par une lettre de la Commission du 2 février 1978, adressée à la représentation permanente de la France. Celle-ci a pris position dans une lettre du 18 avril 1978, dans laquelle elle a en particulier attiré l'attention de la Commission sur les conséquences économiques graves d'un démantèlement immédiat du régime d'importation parce que les prix sur le marché britannique se situaient à un niveau inférieur, et sur le fait qu'il n'existait pas encore de réglementation communautaire appropriée. Malgré ces observations, la Commission a émis un avis motivé en date du 22 mai 1978. Comme la France n'a pas pris les mesures qui étaient requises dans le délai fixé d'un mois, la Commission a finalement saisi la Cour de justice le 23 octobre 1978.

Dans sa requête, la Commission a demandé à la Cour de déclarer qu'en continuant d'appliquer après le 1er janvier 1978 son régime national à l'importation de viande ovine en provenance du Royaume-Uni, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 12 et de l'article 30 du traité CEE.

Lors de l'audience, se référant à l'arrêt rendu dans l'affaire 231/78 (Commission contre Royaume-Uni, arrêt du 29 mars 1979), et eu égard aux délais fixés dans les articles 35, 36 et 42 de l'acte d'adhésion, la Commission a modifié ses prétentions en ce sens qu'elle demande de constater le manquement au traité à partir du jour de l'adhésion pour les restrictions quantitatives à l'importation, à partir du 1er janvier 1975 les mesures d'effet équivalent et à partir du 1er juillet 1977 pour les taxes d'effet équivalent.

En ce qui concerne ces chefs de demandes, que le gouvernement français a encore expressément contestés lors de l'audience, nous ferons les observations suivantes.

1.

Au préalable, il convient de constater que le litige entre les parties ne porte pas sur le fait que l'interruption des importations ainsi que l'arrêt total de celles-ci prévus dans la réglementation française constituent une restriction quantitative au sens de l'article 30 du traité CEE, sur le fait que la nécessité de demander une licence d'importation équivaut à une mesure d'effet équivalent (à cet égard, on peut par exemple se référer à l'arrêt rendu dans l'affaire 68/76, Commission/République française, arrêt du 16. 3. 1977, Recueil 1977, p. 515) et sur le fait que les droits perçus à l'importation doivent être considérés comme des taxes d'effet équivalent au sens de l'article 12 du traité CEE.

De la même manière il est incontesté que dans la mesure où elles font partie d'une organisation nationale des marchés, ainsi qu'elle a été définie par exemple dans l'affaire 48/74 (M. Charmasson contre ministre de l'économie et des finances, arrêt du 10. 12. 1974, Recueil 1974, p. 1383), les mesures en question peuvent être valides. En conséquence, l'appréciation de leur légalité n'est pas uniquement fonction des dispositions citées du traité; à cet égard, il convient beaucoup plus de rechercher si leur intégration dans une organisation nationale de marchés et le fait qu'il n'existe pas encore d'organisation commune des marchés dans ce secteur jouent un rôle notable.

2.

A cet égard, une certaine importance pourrait revenir à l'article 60, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion, dont les termes sont les suivants:

«Pour les produits qui ne sont pas soumis, lors de l'adhésion, à l'organisation commune des marchés, les dispositions du titre I concernant la suppression progressive des taxes d'effet équivalant à des droits de douane, et des restrictions quantitatives et mesures d'effet équivalent ne s'appliquent pas à ces taxes, restrictions et mesures, lorsqu'elles font partie d'une organisation nationale de marchés à la date de l'adhésion.

Cette disposition n'est applicable que dans la mesure nécessaire pour assurer le maintien de l'organisation nationale et jusqu'à la mise en application de l'organisation commune des marchés pour ces produits».

Dans ce contexte, se pose la question de savoir, et, dans un premier temps, la Commission a limité son appréciation à cet aspect, si, après la fin du délai fixé à l'article 9, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion, il est encore possible de recourir à l'article 60, paragraphe 2, c'est-à-dire en fait la question de savoir si l'article 60, paragraphe 2, peut être considéré comme une «disposition particulière» au sens de l'article 9, paragraphe 2, selon lequel

«Sous réserve des dates, délais et dispositions particulières prévus par le présent acte, l'application des mesures transitoires s'achève à la fin de l'année 1977».

C'est le point de vue que le gouvernement français défend énergiquement. En citant les travaux préparatoires à l'acte d'adhésion, il souligne qu'à la différence de ce qui figure à l'article 8 du traité CEE, le principe d'une période de transition n'a pas été établi. Le gouvernement français estime que dans sa quatrième partie ainsi que dans ses annexes et protocoles, l'acte d'adhésion prévoit uniquement diverses mesures transitoires auxquelles des délais différents étaient ou sont encore applicables à l'heure actuelle. Il est important, en particulier, qu'à l'article 9, paragraphe 2, il ne soit pas uniquement question d'un délai de principe, mais que des réserves y soient également formulées, réserves au regard desquelles la notion vague de «dispositions particulières» a une certaine portée. De l'avis du gouvernement français, il convient de considérer que l'article 60, paragraphe 2, constitue une telle disposition particulière. Eu égard aux notables différences et divergences de structure dans la politique agricole, qui se sont particulièrement fait sentir dans le secteur de la viande ovine, ainsi que le montrent les différences de prix, cet article est une mesure transitoire importante pour l'agriculture. Si on le compare à l'article 45 du traité CEE et si on observe que, contrairement à d'autres dispositions particulières qui comprennent formellement une limitation dans le temps, l'article 60, paragraphe 2, ne contient aucune date, la seule déduction possible est que la jurisprudence Charmasson (affaire 48/74) développée relativement au traité CEE lui-même n'est pas déterminante pour l'acte d'adhésion, c'est-à-dire que, même après la fin du délai prévu à l'article 9, paragraphe 2, le principe de la libre circulation des marchandises ne peut pas être appliqué lorsqu'il existe une organisation nationale de marché, aussi longtemps qu'une organisation commune des marchés dans le secteur envisagé fait défaut.

En l'espèce, la Commission s'est également opposée à cette interprétation ainsi qu'elle l'avait déjà fait dans l'affaire 118/78 (C.J. Meijer B. V. contre The Department of Trade, arrêt du 29. 3. 1979) et dans l'affaire 231/78, dans lesquelles il était question de restrictions à l'importation dans le cadre de l'organisation britannique du marché de la pomme de terre. En substance, elle a prétendu que, l'année 1977 étant écoulée, des entraves nationales aux échanges ne pouvaient être justifiées en aucun cas par référence à une organisation nationale de marché et sur le fondement de l'article 60, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion.

En ce qui concerne ce point de désaccord, nous nous bornerons à rappeler que dans l'arrêt de l'affaire 231/78, lors de la rédaction duquel l'argumentation française susmentionnée était connue, puisque la France s'était portée partie intervenante aux côtés du Royaume-Uni, la Cour de justice a confirmé l'interprétation défendue par la Commission.

Si nous ne nous méprenons pas, il semble qu'à cet égard la Cour de justice ait attaché de l'importance à trois éléments: la nécessité de prendre en considération le système général de l'acre d'adhésion, la nécessité de tenir compte en outre du rapport existant entre l'article 60 et les dispositions générales du traité sur le fondement et le système de la Communauté ainsi que sur les principes de la politique agricole commune, et enfin la nécessité de respecter le principe de l'égalité de traitement des États membres au regard des règles essentielles du fonctionnement du marché commun. La Cour en a déduit à titre de principe que les règles sur le fonctionnement du marché commun bénéficient d'une priorité et qu'en toute hypothèse les réserves ou les dispositions qui s'en écartent ne peuvent pas être interprétées lato sensu. Il convient en outre d'en conclure que les dispositions particulières au sens de l'article 9, paragraphe 2, supposant une nette limitation dans le temps, l'article 60, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion ne peut pas être considéré comme une telle disposition, ce qui fait apparaître clairement qu'il n'était plus possible de justifier des mesures entravant la libre circulation des marchandises par une référence à une organisation nationale particulière de marché après la fin du délai fixé à l'article 9, paragraphe 2, c'est-à-dire après 1977. La Cour a souligné expressément que si, après cette date, il existait encore des domaines non réglementés dans la politique agricole commune, cela ne devrait constituer aucun empêchement à l'application des règles générales en vigueur pour le marché commun; si à la fin de ladite période, il s'avérait que des dispositions particulières étaient encore nécessaires, elles ne pourraient en toute hypothèse pas être prises unilatéralement par référence à des organisations nationales de marchés.

Ainsi la solution du présent litige est effectivement esquissée en ce sens qu'à partir du 1er janvier 1978, il n'existe plus de fondement juridique pour le maintien des restrictions appliquées par la France, entre autres de celles qui concernent l'importation de viande ovine en provenance du Royaume-Uni.

Toutefois, nous désirons examiner un certain nombre d'autres arguments que le gouvernement français a présentés a l'audience et qui, à son avis, doivent conduire à une appréciation différente.

C'est ainsi que le gouvernement français a fait valoir que les problèmes liés à l'organisation française du marché de la viande ovine sont différents de ceux qui se posaient dans l'affaire 231/78. Il estime qu'il est surtout important de constater que les négociations pour l'instauration d'une organisation commune des marchés dans ce secteur sont déjà très avancées et que l'on peut prévoir un aboutissement à brève échéance. Cette circonstance revêt une certaine importance au regard de certaines formules utilisées dans l'arrêt de l'affaire 231/78 selon lesquelles des organisations nationales de marchés et les entraves qui y sont liées ne peuvent subsister «indéfiniment».

Mais en réalité, cet argument n'est pas concluant. En effet, si dans l'affaire 231/78 la Cour a dégagé le principe selon lequel des exceptions aux règles générales au titre de l'article 60, paragraphe 2, ne sauraient être admises après la fin de l'année 1977, il n'est naturellement pas possible, puisqu'il n'existe aucune réserve à cet égard, d'attacher une importance décisive au fait que le remplacement des organisations nationales de marchés ne puisse absolument être envisagé, ni au fait que ce remplacement ait lieu peu de temps après la fin de la période transitoire prévue à l'article 9, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion, comme ce sera très vraisemblablement le cas pour la viande ovine.

En outre, il a également été fait mention de l'évolution du niveau des prix au Royaume-Uni, d'une part, et en France, d'autre part; ces prix se sont quelque peu rapprochés au cours des dernières années et on escompte que les conditions seront bientôt réunies pour permettre une libre circulation des marchandises, même si la réglementation française est maintenue.

Toutefois, selon les principes dégagés dans l'arrêt cité, cela ne doit pas non plus entrer en considération parce que l'on ne peut pas se fonder sur le fait que, eu égard à l'évolution de la situation économique, l'acte d'adhésion accorde un délai de carence supplémentaire pour des mesures qui sont en elles-mêmes contraires au traité. En outre, abstraction faite de ce que, dans tous les cas, l'obligation de demander une licence d'importation doit être considérée comme une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative interdite, il ne faut pas méconnaître qu'à l'heure actuelle également il existe encore des différences de prix notables et qu'il est absolument impossible de déterminer avec certitude le moment où ces différences auront diminué, de sorte que la perception d'un droit à l'importation et un arrêt temporaire des importations seront superflus.

En outre, le gouvernement français rappelle que le Royaume-Uni a également une organisation nationale de marché dans le secteur de la viande ovine qui reste manifestement inchangée, ce qui est contraire au principe de l'égalité de traitement. En avançant des chiffres qui sont certainement impressionnants, le gouvernement français fait observer que l'abrogation des mesures françaises entraînerait une forte concurrence de la viande de mouton britannique à bon marché, qui mettrait en grand danger l'économie dans certaines régions françaises désavantagées.

A cet égard, il convient de répondre d'abord que le droit communautaire n'exige en aucune manière un démantèlement des organisations nationales de marchés, mais uniquement l'élimination des entraves à la libre circulation des marchandises qui y sont liées. Il n'est donc pas extraordinaire que, en ce qui concerne l'organisation britannique de marché pour la viande de mouton, qui n'inclut manifestement pas de régime pour les importations, aucune modification, analogue à celle de l'organisation française de marché, qui comprend effectivement des entraves à l'importation, ne soit exigée. D'autre part, il n'est nullement certain que les effets présumés sur la structure française de l'économie se produisent comme on le redoute, si la thèse de la Commission était appliquée. En fait il convient de ne pas oublier, ce qui a aussi été clairement souligné dans l'affaire 231/78, qu'à la fin de la période de transition, le droit communautaire n'exclut que les mesures nationales unilatérales; il n'empêche nullement qu'au cas où les conditions seraient réunies à cet effet, des mesures soient arrêtées par la Communauté, sous la forme d'aides par exemple, comme l'a déjà envisagé une proposition de la Commission.

Enfin, le gouvernement français a encore fait valoir, et, à son avis, cela va quelque peu à l'encontre d'une interprétation stricte de l'article 60, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion, qu'également après la fin de la période de transition, les institutions communautaires se sont prononcées pour une application souple des dispositions communautaires dans le domaine agricole et, à cet égard, on peut citer les exceptions au règlement no 1422/78 ou la baisse du prix du beurre britannique grâce à des aides; en outre, on n'a pas hésité à considérer que l'article 102 de l'acte d'adhésion, qui concerne des mesures pour la protection des réserves halieutiques, constitue une «disposition particulière» qui, malgré l'imprécision de ses termes, permet de s'écarter de l'article 9.

En ce qui concerne l'article 102 de l'acte d'adhésion, il suffit de dire que cette disposition, en raison de la claire limitation dans le temps qu'elle contient, ce qui constitue le point déterminant d'après l'affaire 231/78, peut sans difficulté être considérée comme une «disposition particulière» au sens de l'article 9, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion. Au reste, il suffit de penser, d'une part, qu'il ne s'agissait nullement d'entraves aux échanges, c'est-à-dire d'une limitation du principe essentiel de la libre circulation des marchandises, et que, d'autre part, un élément également important est qu'il ne s'agit pas de mesures nationales arrêtées unilatéralement, mais d'exceptions au droit communautaire autorisées par les institutions de la Communauté.

En conséquence, il ne reste plus qu'à conclure, en ce qui concerne la demande de la Commission telle qu'elle était formulée à l'origine, qu'en appliquant après le 1er janvier 1978 son régime national à l'importation de viande ovine en provenance du Royaume-Uni, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 12 et de l'article 30 du traité CEE.

3.

Néanmoins, en ce qui concerne la modification des conclusions de la Commission lors de l'audience, il convient encore de se demander s'il faut aller plus loin et constater que le régime français à l'importation devait déjà être considéré comme une violation du traité avant la fin de la période transitoire de l'article 9 de l'acte d'adhésion, à pa rtir des différentes dates mentionnées par la Commission.

Comme il est certain qu'en premier lieu la Commission souhaite une adaptation aussi rapide que possible de la situation française au droit communautaire, il serait possible de dire qu'il n'y a pas d'intérêt à étendre l'examen à des périodes antérieures. Il ne serait donc pas nécessaire de répondre à la question de savoir si l'article 60, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion ne constitue qu'une dispositon d'exception en faveur des nouveaux États membres, parce qu'en l'espèce il suffit de constater que, en toute hypothèse après le 1er janvier 1978, elle ne pouvait plus être appliquée et qu'en conséquence, même en interprétant largement cette disposition, la France ne pouvait plus en tirer aucun droit après cette date.

Si on veut toutefois examiner de plus près la question évoquée, on peut faire brièvement les observations suivantes.

La Commission pense en particulier pouvoir trouver des fondements pour le point de vue qu'elle défend dans les motifs de l'arrêt de l'affaire 231/78. En fait, il y est dit que l'acte d'adhésion ne peut être interprété en ce sens qu'il aurait créé, en faveur des nouveaux États membres et pour une période indéterminée, une position juridique qui, en ce qui concerne l'élimination des restrictions quantitatives, est différente de celle que le traité prévoit pour les États membres originaires. En outre, la Commission fait observer que, si on considérait l'article 60, paragraphe 2, comme une disposition particulière au sens de l'article 9, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion, il s'ensuivrait une inégalité durable entre les États membres originaires et les nouveaux États membres, puisque ces derniers seraient en mesure d'empêcher ou de limiter l'importation de certains produits agricoles d'origine communautaire, alors qu'en vertu du traité, les premiers devraient s'abstenir de toute entrave à l'importation des mêmes produits dès lors qu'ils proviennent d'un nouvel État membre qui se fonde sur l'article 60, paragraphe 2. Dans ce passage de l'arrêt (17e attendu) il est d'ailleurs dit que les États membres originaires n'ont pu tolérer de telles inégalités qu'à titre temporaire.

Mais il nous semble très douteux, d'une part, que l'on doive effectivement déduire de ces termes que, selon la Cour de justice, l'article 60, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion ne s'applique en toute hypothèse qu'en faveur des nouveaux États membres. C'est ainsi qu'il ne faut pas oublier que l'arrêt concernait le marché des pommes de terre, pour lequel il n'existe manifestement pas d'organisation nationale de marché dans les États membres originaires; c'est pourquoi, en ce qui concerne les États membres originaires, l'arrêt se fonde de manière si expresse sur les obligations qui leur incombent en vertu du traité. En outre, dans cette partie de l'arrêt, à laquelle ne s'attache pas une valeur décisive, il est question de différences de traitement, en particulier en ce qui concerne l'interprétation de l'article 60, paragraphe 2, en tant que disposition particulière dont l'application n'est pas limitée à la période de transition; eu égard en effet aux rapports entre les États originaires, il est établi depuis l'arrêt Charmasson qu'après la fin de la période de transition ils ne peuvent plus se fonder sur des organisations nationales de marchés pour maintenir des entraves à l'importation. De surcroît, il ne semble pas inopportun d'observer que les «discriminations temporaires» étaient dues au fait que pendant la période transitoire de l'article 9, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion, alors que la période de transition prévue par le traité était déjà écoulée, des entraves ne pouvaient plus exister que dans les rapports entre les États membres originaires et les nouveaux États membres, et non pas, pour les mêmes produits, dans les rapports entre les États membres originaires.

Hormis le fait que l'arrêt cité souligne aussi la nécessité d'une égalité de traitement entre les États membres originaires et les nouveaux États membres, il conviendrait également d'opposer à un tel essai d'interprétation, et à cet égard il faut se rallier à l'avis du représentant du gouvernement français, le système nettement synallagmatique de l'article 60, paragraphe 2. À la différence de l'article 60, paragraphe 1, dont il ressort clairement qu'il ne s'applique qu'aux nouveaux États membres, l'article 60, paragraphe 2, est objectif en ce sens qu'il s'applique à certains produits, à savoir ceux qui lors de l'adhésion n'étaient pas soumis à une organisation commune des marchés. À l'égard de ces produits, il est prévu que les dispositions du titre I concernant la suppression progressive des taxes d'effet équivalant à des droits de douane, les restrictions quantitatives et mesures d'effet équivalent, ne s'appliquent pas à ces taxes, restrictions et mesures, lorsqu'elles font partie d'une organisation nationale de marché à la date de l'adhésion. Si l'on se réfère notamment aux obligations réciproques qui découlent des articles 35, 36 et 42, il apparaît clairement, à notre avis, que l'article 60, paragraphe 2, ne s'appliquait pas qu'unilatéralement aux nouveaux États membres.

Enfin, il est encore intéressant d'analyser ce que la Commission a exposé dans les affaires 118/78 et 213/78 quant à l'historique de l'article 60, paragraphe 2. Manifestement, lors de la rédaction de cette disposition, on était généralement convaincu que les États membres originaires pouvaient maintenir des entraves à la libre circulation des marchandises, issues d'organisations nationales de marchés, jusqu'à l'établissement d'une organisation commune des marchés. C'est à cette situation qu'il fallait adapter celle des nouveaux États membres, et, de ce point de vue, l'article 60, paragraphe 2, ne pouvait à l'origine effectivement pas être considéré comme une mesure transitoire. Toutefois, après que l'arrêt Charmasson rendu en 1974 eut ensuite clairement établi que les exceptions au principe de la libre circulation des marchandises n'avaient pu exister que durant la période de transition, même si à la fin de celle-ci une organisation commune des marchés n'avait pas encore été mise en place, il est nécessaire, si on veut éviter toute discrimination, d'interpréter ce principe, à l'égard des nouveaux États membres, en ce sens que la «période transitoire» doit désigner celle de l'acte d'adhésion.

Telle est la raison pour laquelle nous estimons qu'il n'y a pas lieu de constater qu'en maintenant le régime national à l'importation de viande ovine avant le 1er janvier 1978, la République française a violé le droit communautaire.

4.

Nous proposons donc de faire droit à la demande formée par la Commission à l'origine et dé déclarer qu'en appliquant le régime national à l'importation de viande ovine en provenance du Royaume-Uni après le 1er janvier 1978, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en venu de l'article 12 et de l'article 30 du traité CEE. Conformément aux conclusions formulées, il y a lieu de condamner la défenderesse aux dépens.


( 1 ) Traduit de l'allemand.

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