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Document 61975CC0054

Conclusions de l'avocat général Mayras présentées le 22 septembre 1976.
Raphaël de Dapper et autres contre Parlement européen.
Affaire 54-75.

Recueil de jurisprudence 1976 -01381

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1976:123

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 22 SEPTEMBRE 1976

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Par le présent recours, «dirigé contre l'omission de l'autorité investie du pouvoir de nomination de procéder à la vérification de la régularité et de la légalité des élections» qui ont eu lieu le 18 mars 1975 au Parlement européen en vue de la constitution d'un nouveau comité du personnel, le requérant ainsi que deux de ses collègues vous demandent l'annulation de ces élections socio-professionnelles.

Comme vous avez invité les parties à limiter leurs plaidoiries aux questions de compétence de la Cour et de recevabilité du recours, nous bornerons, à ce stade, nos explications à ces deux questions.

I —

Les dispositions traitant de la Cour ne comportent aucune clause lui attribuant spécifiquement compétence pour connaître du contentieux des élections socio-professionnelles au sein des institutions communautaires.

Cependant, la clause générale de l'article 179 nous paraît pouvoir servir de base à l'organisation du règlement judiciaire de tels litiges: «la Cour de justice est compétente pour statuer sur tout litige entre la Communauté et ses agents dans les limites et conditions déterminées au statut ou résultant du régime applicable à ces derniers».

Même si le Parlement européen n'est pas directement concerné par les opérations électorales du comité du personnel et s'il n'a pas à s'ingérer dans ces opérations, il a un intérêt évident à ce que cet organe soit valablement constitué.

En effet, les attributions du comité du personnel, prévues par le paragraphe 3 de l'article 9 du statut, «ont un caractère auxiliaire par rapport à l'activité de l'institution»; «le comité du personnel … a la nature d'organe interne de son institution» (ordonnance du 14 novembre 1963, Lassalle, Recueil 1964, p. 101).

L'article 9, paragraphe 2, du statut donne compétence à chaque institution pour déterminer la composition et les modalités de fonctionnement de cet organe. L'institution a donc le droit et le devoir de veiller à ce que son comité du personnel soit régulièrement constitué. Elle a l'obligation d'intervenir s'il apparaît que l'une des conditions fixées par l'article 1 de l'annexe II, qui détermine la composition et les modalités de fonctionnement des organes prévus à l'article 9 du statut, n'est pas remplie.

Il doit en aller de même en ce qui concerne le déroulement des opérations électorales elles-mêmes et la validité des élections du comité du personnel. Si, conformément au règlement relatif à la représentation du personnel, il appartient, en premier lieu, au collège des scrutateurs de statuer sur les réclamations relatives aux opérations électorales, c'est l'autorité investie du pouvoir de nomination qui, en définitive, doit assumer la responsabilité de la régularité de ces opérations vis-à-vis de l'ensemble des agents.

Le Parlement européen a le pouvoir et le devoir de contrôler la façon dont le comité du personnel a été élu et il a fait au moins une fois usage de ce pouvoir dans le passé. Au reste, le président du Parlement européen a pris les responsabilités qui lui incombent en répondant explicitement, le 7 octobre 1975 — quoique pour la rejeter —, à la réclamation des requérants.

Au plan du contrôle juridictionnel, c'est cette autorité qui est le «défendeur naturel» et non pas le comité élu à la suite des élections contestées — dépourvu de la capacité d'ester en justice, selon l'ordonnance Lassalle — ni le collège des scrutateurs.

Il n'en va pas autrement, à cet égard, que pour les jurys de concours, à propos desquels vous avez jugé par arrêt du 14 juin 1972, Marcato (Recueil 1972, p. 433) que «le seul moyen en droit dont disposent les intéressés à l'égard de pareille décision (d'un jury de concours qui leur fait grief) consisté dans la saisine de la Cour, seule compétente pour annuler de telles décisions».

Ajoutons, surabondamment, que, si la Cour n'était pas compétente, on ne voit guère quelle autre juridiction pourrait être saisie d'un litige tel que celui de l'espèce. Votre arrêt du 15 juin 1976, Mills, a trait à un cas du même genre.

Enfin, aucune difficulté particulière ne paraît se poser quant aux conséquences d'un arrêt constatant éventuellement l'irrégularité de la consultation électorale: l'affaire serait renvoyée devant le Parlement européen qui serait tenu de prendre les mesures que comporterait l'exécution de votre arrêt. Certes, si la constatation d'une irrégularité affectant la validité des élections n'intervient qu'après que le mandat du comité du personnel irrégulièrement élu soit venu à expiration et si «la nullité des élections du 18 mars 1975 n'entraînera pas nécessairement la nullité des procédures dans lesquelles le comité du personnel est appelé à jouer son rôle statutaire», ainsi que l'a jugé le président de la deuxième chambre par ordonnance du 2 juillet 1975, la portée d'une telle constatation risque de rester plutôt théorique. Mais ceci ne fait que souligner la nécessité de régler rapidement de tels litiges, d'autant qu'une action en responsabilité reste possible; elle a d'ores et déjà été formulée.

II —

Du point de vue des délais, les trois requérants ont formé en temps utile une réclamation au collège des scrutateurs, qui l'a rejetée le 22 avril 1975. Le 5 mai 1975, ces mêmes personnes ont saisi le président du Parlement européen d'une réclamation précontentieuse, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, contre ce rejet. Le 16 juin 1975, les requérants ont introduit le présent recours.

Par application de l'article 91, paragraphe 4, dernière phrase, le président de la deuxième chambre ordonna, le 14 juillet 1975, la suspension de la procédure au principal jusqu'au moment où serait intervenue une décision explicite ou implicite de rejet de la réclamation.

L'un des requérants ayant reçu, le 10 octobre suivant, notification d'une décision du président du Parlement européen du 7 octobre par laquelle celui-ci rejetait explicitement sa réclamation, la procédure a repris son cours normal.

Le recours nous paraît donc, quant aux délais, satisfaire aux dispositions combinées des articles 90 et 91.

Dans leur rédaction actuelle, les articles 90 et 91 du statut sont exclusivement conçus en vue de la solution de litiges individuels, introduits par les fonctionnaires et autres agents. A la limite, le présent litige a un caractère collectif puisqu'il met en réalité aux prises des syndicats par requérants et défendeur interposés. Mais si les requérants sont tous affiliés à une organisation syndicale, il n'en reste pas moins qu'ils sont des personnes visées au statut; en tant qu'électeurs ou candidats régulièrement inscrits, éligibles ou même élus, ils ont qualité pour contester la validité des élections, qu'ils aient été élus ou non: en effet, le nombre des voix obtenues par un candidat a une incidence directe sur sa «représentativité».

Quant à la nature de l'acte attaqué, votre jurisprudence a fait une distinction entre les actes affectant la position statutaire des fonctionnaires et les rapports internes du service. Pour ces derniers, vous avez jugé dans l'affaire Nemirovsky (arrêt du 14 juillet 1976) que «les griefs formulés dans la réclamation concernaient non la position statutaire» de la requérante, «mais exclusivement les rapports internes du service et plus particulièrement des questions touchant à l'organisation administrative et à la discipline du travail dans les services». Mais, s'ils ne sont pas, strictement parlant, affectés dans leurs droits «statutaires» par la façon dont se déroulent les élections au comité du personnel, les fonctionnaires et agents d'une institution ont — tout comme l'institution elle-même — intérêt à ce que les organes administratifs soient désignés et composés de façon régulière. La décision par laquelle le collège des scrutateurs a rejeté la réclamation des requérants leur faisait grief; par conséquent, ils avaient le droit et l'obligation (article 91, paragraphe 2) de saisir préalablement l'autorité investie du pouvoir de nomination d'une réclamation s'ils entendaient porter le litige devant la Cour. A son tour, la décision par laquelle le président du Parlement, autorité qui doit veiller en définitive à la bonne application des dispositions combinées de l'article 9 du statut et de l'article 1 de l'annexe II, rejette leur réclamation leur fait grief et peut vous être déférée.

Nous concluons à ce que vous vous déclariez compétents pour juger le présent litige, à ce que le recours soit déclaré recevable et à ce que les dépens afférents à la présente phase de la procédure soient mis à la charge du Parlement européen.

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