COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 28.9.2022
COM(2022) 495 final
2022/0302(COD)
Proposition de
DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL
relative à la responsabilité du fait des produits défectueux
(Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)
{SEC(2022) 343 final} - {SWD(2022) 315 final} - {SWD(2022) 316 final} - {SWD(2022) 317 final}
EXPOSÉ DES MOTIFS
1.CONTEXTE DE LA PROPOSITION
1.1. Justification et objectifs de la proposition
Le présent exposé des motifs accompagne la proposition de directive relative à la responsabilité du fait des produits défectueux abrogeant la directive 85/374/CEE (ci-après la «directive sur la responsabilité du fait des produits» ou la «directive»).
L’objectif de la directive est de mettre en place, au niveau de l’Union européenne (UE), un système d’indemnisation des personnes qui subissent des lésions corporelles ou des dommages causés par des produits défectueux. Depuis l’adoption de la directive en 1985, la façon dont les produits sont fabriqués et distribués ainsi que leur mode de fonctionnement ont beaucoup évolué et les règles en matière de sécurité des produits et de surveillance du marché ont été modernisées. Les transitions écologique et numérique sont en cours et apportent d’énormes avantages à la société et à l’économie européennes, que ce soit en prolongeant la durée de vie des matériaux et des produits, par exemple au moyen de la refabrication, ou en augmentant la productivité et la convivialité, grâce aux produits intelligents et à l’intelligence artificielle.
L’une des conclusions de l’évaluation de la directive, réalisée en 2018 dans le cadre du programme de la Commission pour une réglementation affûtée et performante (REFIT), était que la directive constituait globalement un instrument efficace et pertinent. Toutefois, la directive présentait aussi plusieurs lacunes:
·il y avait un flou juridique concernant la manière d’appliquer les définitions et les concepts vieux de plusieurs décennies de la directive aux produits de l’économie numérique moderne et de l’économie circulaire (par exemple, les logiciels et les produits nécessitant des logiciels ou des services numériques pour fonctionner, comme les dispositifs intelligents et les véhicules autonomes);
·la charge de la preuve (c’est-à-dire la nécessité, pour obtenir réparation, de prouver que le produit était défectueux et que ce défaut avait causé le dommage subi) posait des difficultés aux personnes lésées dans des cas complexes (concernant, par exemple, des produits pharmaceutiques, des produits intelligents ou des produits dotés d’IA);
·les règles limitaient excessivement les possibilités d’introduire des demandes en réparation (par exemple, la directive ne prévoit aucune réparation pour les dommages matériels d’une valeur inférieure à 500 EUR).
Les lacunes de la directive dans le domaine des technologies numériques émergentes ont été analysées plus en détail dans le livre blanc sur l’intelligence artificielle, le rapport sur la responsabilité dans les domaines de l’intelligence artificielle, de l’internet des objets et de la robotique, qui l’accompagne, et le rapport du groupe d’experts sur la responsabilité et les nouvelles technologies. Le Parlement européen a également souligné que des règles de responsabilité adaptées au monde numérique étaient nécessaires afin de garantir un niveau élevé de protection effective des consommateurs ainsi que des conditions de concurrence équitables et la sécurité juridique pour toutes les entreprises, tout en évitant des coûts et des risques élevés pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les start-up.
La révision de la directive vise à garantir le fonctionnement du marché intérieur, la libre circulation des marchandises, une concurrence non faussée entre les opérateurs du marché et un niveau élevé de protection de la santé et des biens des consommateurs. En particulier, la présente proposition vise à
·garantir que les règles en matière de responsabilité prennent en considération la nature des produits et les risques qu’ils présentent à l’ère numérique et dans l’économie circulaire;
·garantir qu’il existe toujours une entreprise établie dans l’UE pouvant être tenue pour responsable en ce qui concerne les produits défectueux achetés directement à des fabricants situés en dehors de l’UE, compte tenu de la tendance croissante des consommateurs à acheter des produits directement dans des pays tiers sans qu’il y ait de fabricant ou d’importateur établi dans l’UE;
·alléger la charge de la preuve dans les cas complexes et assouplir les restrictions à l’introduction de demandes en réparation, tout en garantissant un juste équilibre entre les intérêts légitimes des fabricants, des personnes lésées et des consommateurs en général; et
·garantir la sécurité juridique en alignant davantage la directive sur le nouveau cadre législatif créé par la décision nº 768/2008/CE ainsi que sur les règles de sécurité des produits et en codifiant la jurisprudence liée à la directive.
1.2. Cohérence avec les dispositions existantes dans le domaine d’action
Il existe dans chaque État membre des régimes nationaux de responsabilité autorisant les demandes en réparation dans un plus grand nombre de situations que ne le prévoit la directive: des actions peuvent être intentées contre un éventail plus large de personnes responsables et pour un éventail plus large de dommages. Ces actions peuvent concerner aussi bien des services que des produits et les personnes lésées bénéficient souvent de délais plus longs pour introduire une demande en réparation. Toutefois, les personnes lésées doivent prouver l’existence d’une faute, ce qui n’est pas requis par la directive sur la responsabilité du fait des produits. La directive, en tant que régime de responsabilité sans faute (également appelée responsabilité «stricte» ou «objective»), n’affecte pas ces droits, de sorte qu’elle est cohérente avec les régimes nationaux plus larges. En outre, il existe au niveau de l’UE plusieurs instruments complémentaires en matière de responsabilité, décrits ci-après:
·la directive sur la vente de biens et la directive sur les contenus et services numériques confèrent aux consommateurs un droit de recours qui leur permet d’obtenir le remplacement, la réparation ou le remboursement d’un bien, y compris d’un contenu numérique ou d’un service numérique, lorsque celui-ci n’est pas conforme au contrat ou ne fonctionne pas correctement. Ces actes concernent la responsabilité contractuelle, tandis que la directive sur la responsabilité du fait des produits concerne la responsabilité extracontractuelle des producteurs pour des lésions corporelles ou dommages causés par une sécurité défaillante;
·le règlement général sur la protection des données (RGPD) porte sur la responsabilité des responsables du traitement et des sous-traitants en ce qui concerne les dommages matériels ou moraux causés par un traitement de données qui enfreint le RGPD, tandis que la proposition de directive sur la responsabilité du fait des produits ne prévoit de réparation que pour les pertes matérielles résultant de la mort, de lésions corporelles, de dommages causés à des biens et de la perte ou de la corruption de données;
·la directive sur la responsabilité environnementale établit un cadre visant à la prévention et à la réparation des dommages environnementaux. Elle concerne les dommages écologiques, tels que les dommages causés aux espèces et aux habitats naturels protégés, par opposition à ceux causés aux biens privés, qui sont couverts par la directive sur la responsabilité du fait des produits.
La législation de l’UE en matière de sécurité des produits vise à garantir que seuls des produits sûrs sont mis sur le marché intérieur. Les produits couverts par une législation sectorielle (par exemple dans le domaine des machines, des produits pharmaceutiques, des jouets, des équipements hertziens) doivent satisfaire aux exigences essentielles de santé et de sécurité qui y sont énoncées. Les produits non couverts par une législation sectorielle relèvent de la directive sur la sécurité générale des produits et doivent donc être sûrs à ce titre. Les règles de sécurité sont mises en application par les règles de surveillance du marché, qui garantissent la protection des consommateurs en permettant d’empêcher la circulation des produits non conformes ou d’exiger leur mise en conformité. La législation sur la sécurité des produits ne contient pas de dispositions spécifiques sur la responsabilité des entreprises mais mentionne le fait que la directive sur la responsabilité du fait des produits s’applique dès lors qu’un produit défectueux cause un dommage. La sécurité des produits et la responsabilité du fait des produits sont donc des mécanismes complémentaires aux fins d’un marché unique des biens opérationnel et garantissant des niveaux élevés de sécurité. Un certain nombre de propositions législatives sont en cours de négociation dans le domaine de la sécurité des produits:
·le projet de règlement sur l’intelligence artificielle vise à garantir que les systèmes d’IA à haut risque respectent les exigences en matière de sécurité et de droits fondamentaux (par exemple, la gouvernance des données, la transparence, le contrôle humain). La proposition de directive sur la responsabilité du fait des produits permettra de garantir que lorsque les systèmes d’IA sont défectueux et causent des lésions corporelles, des dommages aux biens ou des pertes de données, les personnes lésées pourront demander réparation au fournisseur de système d’IA ou à tout fabricant intégrant un système d’IA dans un autre produit;
·la proposition de règlement relatif aux machines et la proposition de règlement sur la sécurité générale des produits (RSGP), qui révisent la directive sur les machines et la directive relative à la sécurité générale des produits existantes, visent, dans leurs domaines respectifs, à remédier aux risques de la numérisation pour la sécurité des produits mais ne traitent pas de la responsabilité. La proposition de RSGP fixe des obligations supplémentaires pour les fournisseurs de services intermédiaires en ligne fin de lutter contre la vente en ligne de produits dangereux. Le règlement sur les services numériques récemment adopté établit des règles horizontales pour les fournisseurs de services intermédiaires en ligne, y compris les places de marché en ligne. Lorsque des plateformes en ligne fabriquent, importent ou distribuent des produits défectueux, elles peuvent être tenues pour responsables dans les mêmes conditions que les opérateurs économiques. Lorsqu’elles jouent un simple rôle d’intermédiaire dans la vente de produits entre professionnels et consommateurs, elles sont couvertes par une exemption conditionnelle de responsabilité au titre du règlement sur les services numériques. Aucune de ces mesures ne concerne la responsabilité du fait des produits défectueux. Le règlement sur les services numériques définit les conditions dans lesquelles les plateformes opérant en tant qu’intermédiaires peuvent être exonérées de responsabilité.
Dans le domaine de la cybersécurité, le règlement sur la cybersécurité et l’acte délégué adopté sur le fondement de la directive sur les équipements radioélectriques visent à atténuer les risques en matière de cybersécurité mais ne régissent pas la responsabilité des fabricants. La récente proposition de règlement sur la cyberrésilience s’appuie sur les règles existantes pour encourager les fabricants et les développeurs de logiciels à atténuer les risques en matière de cybersécurité mais ne traite pas de la responsabilité.
En ce qui concerne l’économie circulaire, le plan d’action 2020 pour l’économie circulaire annonçait une politique en matière de produits durables visant à fournir des produits de grande qualité, fonctionnels et sûrs, conçus en vue de leur réemploi, de leur réparation et d’un recyclage de qualité. Le plan d’action n’envisage pas de mesures relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux.
Le projet de directive relative à l’adaptation des règles en matière de responsabilité civile extracontractuelle pour faute au domaine de l’intelligence artificielle, adopté dans le même paquet législatif que la présente proposition, vise à faciliter l’accès à l’information et à alléger la charge de la preuve dans les actions en réparation intentées au titre des régimes nationaux de responsabilité fondés sur la faute lorsque les dommages sont causés par un système d’IA. Il n’y a pas de chevauchement avec les demandes introduites au titre de la directive sur la responsabilité du fait des produits.
1.3. Cohérence avec les autres politiques de l’Union
La proposition est conforme aux priorités de la Commission consistant à adapter l’Europe à l’ère du numérique et à bâtir une économie au service des personnes et parée pour l’avenir.
Afin de limiter autant que possible les risques liés aux technologies numériques et d’améliorer la sécurité des produits, l’UE modernise actuellement les règles relatives à la sécurité des machines et des équipements radioélectriques ainsi qu’à la sécurité générale des produits, et introduit de nouvelles règles pour des systèmes d’IA sûrs et dignes de confiance. La présente proposition complète ce processus de modernisation du numérique par défaut en garantissant que lorsqu’un produit cause un dommage, les personnes lésées peuvent avoir la certitude que leur droit à réparation sera respecté; les entreprises bénéficieront quant à elles d’une sécurité juridique quant aux risques de responsabilité auxquels elles s’exposent dans l’exercice de leurs activités. Ces efforts conjugués de modernisation devraient renforcer la capacité de l’Europe à poursuivre une transformation numérique qui profite aux citoyens et contribuer à une économie juste et compétitive ainsi qu’à un fonctionnement harmonieux du marché unique. Quels que soient leur taille et leur secteur, les entreprises devraient bénéficier de conditions de concurrence équitables et pouvoir utiliser les technologies, produits et services numériques à une échelle qui stimule leur productivité et leur compétitivité au niveau mondial.
En ce qui concerne l’intelligence artificielle en particulier, la présente proposition confirme que les systèmes d’IA et les biens dotés d’IA sont des «produits» et qu’ils relèvent donc du champ d’application de la directive. Dès lors, une demande en réparation est possible dans le cas d’un dommage causé par un élément d’IA défectueux sans que la personne lésée doive prouver la faute du fabricant, comme c’est le cas pour tout autre produit. Deuxièmement, la proposition précise que non seulement les fabricants de matériel informatique mais aussi les fournisseurs de logiciels et les fournisseurs de services numériques ayant une incidence sur le fonctionnement du produit (par exemple, un service de navigation dans un véhicule autonome) peuvent être tenus pour responsables. Troisièmement, la proposition prévoit que les fabricants peuvent être tenus pour responsables lorsqu’ils apportent des modifications à des produits qu’ils ont déjà mis sur le marché, y compris lorsque ces modifications sont déclenchées par des mises à jour logicielles ou par l’apprentissage automatique. Quatrièmement, la directive révisée allège la charge de la preuve dans les cas complexes, y compris dans des situations mettant en jeu des systèmes d’IA ou lorsqu’un produit ne satisfait pas aux exigences de sécurité. À cet égard, elle répond en grande partie à la recommandation du Parlement européen de veiller à ce que les règles de responsabilité soient adaptées à l’intelligence artificielle. En complément de ces modifications, la proposition parallèle de directive relative à la responsabilité fondée sur la faute dans le domaine de l’intelligence artificielle vise à permettre, lorsqu’une personne lésée doit prouver que le dommage causé par un système d’IA est imputable à la faute d’une personne pour obtenir réparation en vertu du droit national, un allègement de la charge de la preuve dès lors que certaines conditions sont respectées.
En ce qui concerne l’économie circulaire, les modèles économiques mettant en jeu des produits modifiés ou mis à niveau sont de plus en plus courants et occupent une place centrale dans les efforts déployés par l’UE pour atteindre les objectifs de durabilité et de réduction des déchets conformément au pacte vert pour l’Europe et à la loi européenne sur le climat. La présente proposition vise à intensifier des efforts comme l’initiative sur les produits durables, en garantissant que les consommateurs disposent, en cas de dommage causé par des produits modifiés défectueux, d’un droit à réparation défini tout aussi clairement que pour les dommages causés par des produits entièrement nouveaux, et en apportant la clarté juridique dont l’industrie a besoin pour adopter des modèles commerciaux circulaires.
2.BASE JURIDIQUE, SUBSIDIARITÉ ET PROPORTIONNALITÉ
•Base juridique
Tout comme la directive 85/374/CEE, la proposition est fondée sur l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ex-article 95 du traité instituant la Communauté européenne, ex-article 100 du traité instituant la Communauté économique européenne). En effet, son objectif est d’harmoniser les règles nationales afin de promouvoir la libre circulation des marchandises, créant ainsi des conditions de concurrence équitables pour les entreprises dans le marché intérieur, et de garantir la protection des consommateurs.
•Subsidiarité
Comme il a été conclu dans l’évaluation réalisée, la valeur ajoutée de règles de l’UE en matière de responsabilité du fait des produits en complément des règles de l’UE en matière de sécurité des produits est incontestée. En effet, les règles relatives au droit à réparation d’un dommage causé par un produit défectueux renforcent les règles en matière de sécurité des produits. Ces deux législations poursuivent le même objectif, à savoir un marché intérieur des biens opérationnel et garantissant un niveau élevé de protection des consommateurs, et toutes deux doivent faire l’objet d’une modernisation.
La présente proposition apportera une sécurité juridique en ce qui concerne: i) les produits, les entreprises et les types de dommages qui entrent dans le champ d’application de la directive; et ii) l’équilibre approprié entre les intérêts des fabricants et ceux des consommateurs dans l’ensemble de l’UE. En l’absence d’un ensemble uniforme de règles en matière de réparation des dommages causés par des produits défectueux, les fabricants seraient confrontés à 27 réglementations différentes. Il en résulterait des niveaux différents de protection des consommateurs et une distorsion de la concurrence pour les entreprises des États membres.
•Proportionnalité
La présente proposition établit un juste équilibre entre les intérêts de l’industrie et ceux des consommateurs, comme expliqué à la section 8 de l’analyse d’impact. La proposition apporte une sécurité juridique quant aux produits et aux entreprises couverts par la responsabilité sans faute. Elle incitera également toutes les entreprises, y compris les fabricants de pays tiers, à ne mettre sur le marché de l’UE que des produits sûrs afin d’éviter que leur responsabilité soit engagée. La sécurité des produits en sera ainsi renforcée.
La proposition garantira également que les citoyens bénéficient d’un même niveau de protection, que le produit défectueux leur causant un dommage soit un produit physique ou un produit numérique. En élargissant le champ d’application du régime de l’UE en matière de responsabilité du fait des produits aux fournisseurs de logiciels, aux entreprises qui apportent des modifications substantielles aux produits, aux mandataires et aux prestataires de services d’exécution des commandes, les personnes lésées auront de meilleures chances d’obtenir réparation pour les dommages subis et les entreprises pourront bénéficier de conditions de concurrence équitables. En incluant les pertes matérielles dues à la perte, à la destruction ou à la corruption de données, la proposition reflète l’importance des données à l’ère numérique. Toutefois, la proposition ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire et ne prend pas en considération d’autres types de préjudice, tels que les atteintes à la vie privée ou la discrimination, qui seraient traités de manière plus appropriée dans le cadre d’autres législations.
La proposition renforcera également la sécurité juridique et garantira un niveau plus uniforme de protection des consommateurs dans l’ensemble de l’UE. La charge de la preuve sera plus équitablement répartie entre les personnes lésées et les fabricants dans les situations complexes, ce qui augmentera les chances de succès des actions en réparation. Toutefois, il n’y aura pas de renversement de la charge de la preuve, car cela exposerait les fabricants à des risques de responsabilité nettement plus élevés et pourrait freiner l’innovation, avec pour conséquences une hausse potentielle des prix des produits et un accès restreint aux produits innovants.
•Choix de l’instrument
La proposition prend la forme d’une directive, laissant ainsi aux États membres la flexibilité nécessaire pour intégrer aisément les règles prévues dans les systèmes nationaux. Cet aspect est important, étant donné que les règles prévues sont en étroite interaction avec les codes civils nationaux et intégrées au cœur des systèmes juridiques nationaux. La proposition vise à remplacer intégralement la directive sur la responsabilité du fait des produits. Une modification de la directive au moyen d’une refonte ou d’un acte modificatif a été jugée inappropriée car il est nécessaire de modifier presque tous les articles.
3.RÉSULTATS DES ÉVALUATIONS EX POST, DES CONSULTATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES ET DES ANALYSES D’IMPACT
•Évaluations ex post/bilans de qualité de la législation existante
Il est ressorti de l’évaluation réalisée en 2018 que la directive sur la responsabilité du fait des produits était globalement un instrument efficace et pertinent, mais qu’elle présentait plusieurs lacunes (voir section 1.1).
Ces conclusions ont été prises en compte dans la rédaction de l’analyse d’impact à l’appui de la présente proposition.
•
Consultation des parties intéressées
Pour élaborer la présente proposition, la Commission a consulté un large éventail de parties prenantes, notamment des associations de consommateurs et des organisations de la société civile de l’UE et des États membres, des associations professionnelles, des entreprises, des associations d’assurance, des cabinets d’avocats, des experts du monde universitaire, des citoyens et des autorités nationales. Les activités de consultation ont comporté une analyse d’impact initiale, une consultation publique spécifique sur 12 semaines, dans le cadre de laquelle 291 réponses ont été reçues, des ateliers avec les parties prenantes, un atelier avec les États membres, ainsi qu’une consultation ciblée et des entretiens avec les parties prenantes effectués par un consultant indépendant.
La contribution des parties prenantes pour chaque objectif spécifique de la révision de la directive sur la responsabilité du fait des produits est résumée ci-après.
·Garantir que les règles en matière de responsabilité reflètent la nature des produits et les risques qu’ils présentent à l’ère numérique et dans l’économie circulaire
–La plupart des parties prenantes sont favorables à ce qu’il soit précisé que le logiciel est un produit relevant du champ d’application de la directive. Toutefois, la majorité des entreprises ont suggéré de clarifier ce point au moyen de lignes directrices non contraignantes plutôt que par la révision législative de la directive. Il y avait un large consensus parmi tous les groupes de parties prenantes pour qu’un produit puisse être considéré comme défectueux du fait de vulnérabilités en matière de cybersécurité. Parmi les participants à la consultation publique, 70 % étaient favorables à la possibilité de tenir les fabricants pour responsables en cas de non-fourniture des mises à jour de sécurité logicielles nécessaires pour remédier à ces vulnérabilités.
–Les entreprises étaient opposées à l’inclusion dans la directive de la responsabilité sans faute pour les violations de la protection des données, en partie parce qu’il est déjà possible d’obtenir réparation de ces violations en vertu d’autres actes législatifs comme le RGPD. Toutefois, les organisations de consommateurs, les pouvoirs publics et les ONG étaient davantage favorables à cette inclusion.
–Tous les groupes de parties prenantes se sont montrés largement favorables à la possibilité de tenir pour responsables les opérateurs économiques qui apportent des modifications substantielles aux produits lorsque ces produits modifiés sont défectueux et causent des dommages.
·Garantir qu’il y ait toujours une personne responsable établie dans l’UE pour les produits défectueux achetés auprès de producteurs établis hors de l’UE
Lors de la consultation publique, 64 % des répondants étaient plutôt d’accord ou tout à fait d’accord avec le fait que la directive devait garantir la protection des consommateurs lorsque des produits défectueux achetés directement dans des pays tiers causent des dommages et qu’il n’y a pas de fabricant ou d’importateur établi dans l’UE. Les avis étaient plus divergents quant à la possibilité de tenir pour responsable le mandataire d’un fabricant de pays tiers, le prestataire de services d’exécution des commandes ou une place de marché en ligne.
·Alléger la charge de la preuve dans des cas complexes et assouplir les restrictions à l’introduction de demandes en réparation, tout en garantissant un juste équilibre entre les fabricants et les consommateurs
–Lors de la consultation publique, 77 % des personnes interrogées ont estimé que des produits techniquement complexes posaient des difficultés pour ce qui est de la charge de la preuve incombant à la personne lésée. Ce pourcentage était nettement plus élevé parmi les organisations de consommateurs, les ONG et les citoyens (95 %) que parmi les organisations professionnelles (38 %). Les entreprises étaient plus ouvertes à l’obligation de divulgation d’informations et à l’allégement de la charge de la preuve dans les cas complexes qu’au renversement de la charge de la preuve, qu’elles considéraient comme une option radicale qui nuirait à l’innovation. La plupart des organisations professionnelles, organisations de consommateurs et experts juridiques étaient fortement favorables au maintien de l’approche technologiquement neutre de la directive. La majorité des parties prenantes étaient opposées à la suppression de l’exonération pour risque de développement.
–Les organisations de consommateurs, les ONG et les citoyens étaient favorables à la suppression de la règle qui empêche la réparation des dommages aux biens d’une valeur inférieure à 500 EUR ainsi qu’à l’allongement du délai de 10 ans durant lequel les fabricants restent responsables du fait d’un produit défectueux après sa mise sur le marché. Les entreprises sont favorables à ce que les restrictions restent inchangées.
•Obtention et utilisation d’expertise
Pour élaborer la proposition, il a été recouru en particulier à deux études indépendantes: l’une réalisée dans le cadre de l’évaluation et l’autre dans le cadre de l’analyse d’impact. La Commission a également recueilli les avis d’experts du monde universitaire, de groupes de consommateurs, de l’industrie et des autorités nationales dans le cadre du groupe d’experts 2018-2020 sur la responsabilité et les nouvelles technologies.
L’analyse juridique repose sur une abondante jurisprudence établie depuis 1985, en particulier de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), et sur de nombreuses publications.
•Analyse d’impact
La présente proposition est étayée par une analyse d’impact (SWD [xxxx]), élaborée conformément aux lignes directrices de la Commission pour une meilleure réglementation. Le rapport d’analyse d’impact a été examiné par le comité d’examen de la réglementation et a reçu un avis favorable. Il a ensuite été révisé sur la base des observations du comité, notamment moyennant l’ajout d’explications concernant la portée des problèmes recensés, les conséquences des règles de sécurité des produits pour les dommages causés par les produits, les estimations pour les scénarios de référence, les incidences de l’option privilégiée par groupe de parties prenantes et la pertinence de l’initiative pour les PME.
Outre le scénario de référence de l’inaction, l’analyse d’impact a recensé trois options pour résoudre le premier problème lié à l’ère numérique et à l’économie circulaire et deux options pour résoudre le deuxième problème lié aux obstacles à l’obtention d’une réparation et à l’introduction de demandes en réparation.
–L’option 1a garantirait que les fabricants de produits ayant besoin de logiciels ou de services numériques pour fonctionner sont responsables en vertu de la directive. Comme pour les composants corporels, les fournisseurs de ces éléments numériques incorporels seraient solidairement responsables avec le fabricant. Toutefois, dans le cadre de cette option, les producteurs de logiciels autonomes ne seraient pas responsables au titre de la directive.
–L’option 1b s’appuierait sur l’option 1a et inclurait en outre tous les logiciels pertinents en tant que produits à part entière, y compris un logiciel de tiers ajouté à un produit ou un logiciel autonome pouvant lui-même causer un dommage (par exemple, une application médicale pour smartphone). Les entreprises qui modifient substantiellement un produit et le remettent sur le marché seraient également responsables au titre de la directive. Dans le cadre de cette option, il serait également possible d’engager la responsabilité du mandataire d’un producteur non établi dans l’UE ou d’un prestataire de services d’exécution des commandes lorsqu’aucun importateur n’est présent dans l’UE.
–L’option 1c inclurait les mesures de l’option 1b et en outre tout logiciel ayant des incidences sur les droits fondamentaux. Les dommages résultant de violations des droits fondamentaux, telles que les violations de la protection des données, les atteintes à la vie privée ou la discrimination (liées, par exemple, à l’utilisation de logiciels de recrutement dotés d’IA), pourraient faire l’objet d’une demande en réparation.
–L’option 2a allégerait la charge de la preuve incombant aux consommateurs en harmonisant: i) les règles relatives aux situations dans lesquelles les producteurs sont tenus de communiquer les informations techniques dont la victime a besoin aux fins de son action en justice; et ii) les conditions dans lesquelles les juridictions nationales peuvent présumer qu’un produit était effectivement défectueux ou que le défaut a effectivement causé le dommage, en particulier dans les cas complexes où il est très difficile de prouver la responsabilité. L’option 2a réduirait les restrictions à l’introduction de demandes en réparation (en supprimant le seuil pour les dommages aux biens et en prolongeant la période de responsabilité).
–L’option 2b renverserait la charge de la preuve, de sorte qu’en cas de dommage causé par un produit, c’est au producteur qu’il reviendrait de prouver que le produit n’était pas défectueux et n’a pas causé le dommage. L’exonération pour risque de développement, qui exempte les producteurs de la responsabilité lorsque la défectuosité d’un produit n’est pas décelable sur la base des connaissances les plus récentes, serait supprimée. L’option 2b réduirait encore les restrictions à l’introduction de demandes en réparation (en ce qui concerne les seuils et les délais).
L’analyse d’impact a dégagé les options 1b et 2a en tant que combinaison d’options privilégiée.
L’option 1b apportera une sécurité juridique quant aux produits et aux producteurs couverts par la responsabilité sans faute et incitera tous les producteurs, y compris ceux établis dans des pays tiers, à ne mettre sur le marché de l’UE que des produits sûrs afin d’éviter tout engagement de leur responsabilité. Cela renforce la sécurité des produits et aura des incidences économiques et sociales positives. Cette option garantira aussi que les consommateurs bénéficient d’un même niveau de protection lorsqu’ils subissent un dommage causé par un produit défectueux — indépendamment de la question de savoir si le défaut concerne des composants numériques ou corporels du produit —, et lorsqu’ils subissent un dommage causé par un logiciel autonome lui-même défectueux. Grâce à l’inclusion explicite des fournisseurs de logiciels, des mandataires et des prestataires de services d’exécution des commandes dans le champ d’application de la directive, les victimes d’un préjudice auront de meilleures chances d’obtenir réparation parce qu’elles n’auront pas à prouver la faute du producteur (étant donné le principe de la «responsabilité sans faute» de la directive). Des règles plus claires en matière de responsabilité en ce qui concerne les modèles économiques circulaires apporteront une sécurité juridique et contribueront donc à promouvoir ce type de modèles, ce qui aura une incidence positive sur l’environnement. Globalement, avec l’option 1b, les réparations annuelles versées aux personnes lésées devraient augmenter d’un montant compris entre 150 000 EUR et 22 130 000 EUR par rapport au scénario de référence. Cela se traduirait par une légère augmentation des primes d’assurance annuelles pour les producteurs, estimée à un montant compris entre 4 350 000 EUR et 8 690 000 EUR par rapport au scénario de référence.
L’option 2a permettra de renforcer la sécurité juridique et de parvenir à un niveau plus égal de protection des consommateurs dans l’ensemble de l’UE, ce qui aura des incidences économiques et sociales positives. Dans les cas complexes, la charge de la preuve sera répartie plus équitablement entre les personnes lésées et les producteurs. Cela augmentera les chances de succès des actions en réparation dans de telles situations. Les obstacles disproportionnés à l’introduction de demandes en réparation seront réduits. Globalement, avec l’option 2a, les réparations annuelles versées aux personnes lésées devraient augmenter d’un montant compris entre 200 000 EUR et 43 540 000 EUR par rapport au scénario de référence. Cela se traduirait par une légère augmentation des primes d’assurance annuelles pour les producteurs, qui serait, selon les estimations, comprise entre 14 350 000 EUR et 28 710 000 EUR par rapport au scénario de référence.
L’option privilégiée contribuera à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, en particulier l’ODD 3 (bonne santé et bien-être), en générant des effets sociaux positifs sur la santé et le bien-être des personnes lésées, l’ODD 9 (promotion de l’innovation), en offrant aux entreprises une sécurité juridique pour innover et l’ODD 12 (consommation et production responsables), en améliorant la sécurité des produits lorsque des modifications substantielles sont apportées.
•Réglementation affûtée et simplification
L’évaluation de la directive a révélé que la charge administrative actuelle était très faible, et qu’une simplification n’était pas nécessaire. L’adaptation des règles de responsabilité à l’ère numérique et à l’économie circulaire ne créera pas de nouveaux coûts administratifs pour les entreprises ou les consommateurs.
La proposition vise à établir un juste équilibre des intérêts entre l’industrie et les consommateurs, notamment en évitant les mesures qui pourraient rendre l’innovation plus difficile pour les PME ou générer un surcoût que les PME auraient du mal à absorber. La proposition n’exempte pas les microentreprises et ne prévoit pas non plus de mesures d’atténuation spécifiques pour les PME car une indemnisation adéquate des personnes lésées du fait d’un produit défectueux ne peut être subordonnée à la taille de l’entreprise responsable. La concurrence entre les acteurs du marché serait faussée si des entreprises commercialisant des produits similaires étaient soumises à des règles de responsabilité différentes.
•Droits fondamentaux
La réduction des restrictions à l’introduction de demandes en réparation et l’allègement de la charge de la preuve dans les cas complexes renforceraient le droit à un recours effectif, qui est garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
4.INCIDENCE BUDGÉTAIRE
La proposition n’a aucune incidence sur le budget de l’Union.
5.AUTRES ÉLÉMENTS
•Plans de mise en œuvre et modalités de suivi, d’évaluation et d’information
Les États membres doivent transposer la directive dans un délai de douze mois après son entrée en vigueur et communiquer les mesures nationales d’exécution à la Commission. La Commission est disposée à fournir un soutien technique aux États membres en vue de la mise en œuvre de la directive.
La Commission examinera l’application et la transposition de la directive six ans après son entrée en vigueur et proposera, s’il y a lieu, des modifications législatives.
•Documents explicatifs
La directive proposée harmonise le droit de la responsabilité civile et contient à la fois des règles de fond et des règles de procédure. Les États membres peuvent utiliser différents types d’instrument juridique pour la transposer. Il est donc justifié que les États membres joignent à la notification de leurs mesures de transposition un ou plusieurs documents expliquant le lien entre les éléments de la directive et les parties correspondantes des instruments nationaux de transposition, conformément à la déclaration politique commune des États membres et de la Commission du 28 septembre 2011 sur les documents explicatifs.
•Explication détaillée de certaines dispositions de la proposition
Chapitre I – Dispositions générales
Le chapitre I définit l’objet et le champ d’application de la proposition, ainsi que les termes utilisés dans la proposition. Il aligne la terminologie relative à la responsabilité du fait des produits sur le cadre de l’Union en matière de sécurité des produits en fondant les définitions, notamment celles de «fabricant» et de «mise sur le marché», sur celles figurant dans le nouveau cadre législatif instauré par la décision nº 768/2008/CE. Il est également tenu compte de la réalité des produits à l’ère numérique, d’une manière neutre sur le plan technologique, avec l’inclusion des logiciels et des fichiers de fabrication numériques dans la définition du produit et la clarification des conditions dans lesquelles un service connexe doit être traité comme un composant d’un produit. La notion de dommage ouvrant droit à réparation est également élargie de manière à inclure la perte ou la corruption de données.
Chapitre II — Dispositions spécifiques relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux
Le chapitre II établit les règles régissant la responsabilité des opérateurs économiques pour les dommages causés par des produits défectueux et les conditions dans lesquelles les personnes physiques ont droit à réparation:
–le critère permettant de déterminer si un produit est défectueux — c’est-à-dire si le produit offrait la sécurité à laquelle le grand public peut légitimement s’attendre — est substantiellement le même que dans le cadre de la directive. Toutefois, compte tenu du caractère évolutif des produits à l’ère numérique ainsi que de la jurisprudence de la CJUE, des facteurs tels que l’interconnectivité ou les fonctions d’autoapprentissage des produits ont été ajoutés à la liste non exhaustive des facteurs que les juridictions devront prendre en considération pour apprécier le caractère défectueux d’un produit.
–L’éventail des opérateurs économiques pouvant être tenus pour responsables du fait de produits défectueux reflète l’importance croissante des produits fabriqués en dehors de l’Union et mis sur le marché de l’Union et permet de garantir qu’il existe toujours dans l’Union un opérateur économique contre lequel une action en réparation peut être intentée. La proposition n’affecte pas l’exonération conditionnelle de responsabilité prévue par le règlement sur les services numériques car elle ne fixe des conditions en matière de responsabilité que dans les cas où une plateforme en ligne ne bénéficie pas de l’exonération. En outre, la présente proposition ne vise que la situation spécifique où une personne a subi un dommage causé par un produit défectueux et demande réparation, scénario qui n’est pas couvert par le règlement sur les services numériques. Elle précise également dans quelles conditions les opérateurs économiques qui apportent des modifications à un produit, par exemple dans le contexte de modèles de l’économie circulaire, peuvent être tenus pour responsables.
–La charge de la preuve incombe aux personnes lésées, qui doivent prouver le dommage subi, la défectuosité du produit et le lien de causalité entre les deux. Toutefois, compte tenu des difficultés que celles-ci rencontrent, en particulier dans les cas complexes, la charge de la preuve est allégée de manière à obtenir un juste équilibre entre les intérêts des entreprises et ceux des consommateurs.
–Comme dans le cadre de la directive, les opérateurs économiques peuvent être exonérés de la responsabilité dans certaines conditions, à l’égard desquelles ils supportent la charge de la preuve. Les exonérations sont adaptées de manière à tenir compte du fait qu’à l’ère numérique, les produits sont susceptibles de changer ou d’être modifiés après leur mise sur le marché. Dans l’intérêt de conditions de concurrence équitables pour tous les fabricants dans l’Union et d’une protection uniforme des consommateurs, il convient que l’exonération accordée aux fabricants pour les défauts scientifiquement et techniquement indécelables s’applique dans tous les États membres et que la dérogation possible au titre de la directive ne soit pas maintenue.
Chapitre III – Dispositions générales sur la responsabilité
Le chapitre III établit des règles de responsabilité de nature plus générale, qui reposent largement sur celles de l’actuelle directive. Il prévoit que lorsqu’il existe plusieurs personnes responsables, celles-ci sont solidairement responsables. En outre, lorsqu’un produit défectueux cause un dommage, les fautes concurrentes de tiers ne réduisent pas la responsabilité du fabricant, alors que celles de la personne lésée peuvent le faire. La responsabilité ne peut être exclue ou limitée par une disposition contractuelle ou par d’autres dispositions législatives. La fixation de seuils plafonds ou planchers aux fins du droit à réparation n’est donc pas non plus autorisée. Le délai de trois ans pour l’introduction d’une action en réparation reste inchangé par rapport à la directive. Les opérateurs économiques sont responsables du fait des produits défectueux pendant une période de dix ans après la mise sur le marché du produit, mais les demandeurs bénéficieront d’une période supplémentaire de cinq ans pour intenter une action en réparation dans les cas où les symptômes d’une lésion corporelle sont longs à se manifester, par exemple à la suite de l’ingestion d’un produit chimique ou d’un produit alimentaire défectueux.
Chapitre IV – Dispositions finales
Les États membres seront tenus de publier les jugements rendus en matière de responsabilité du fait des produits, de sorte que, dans l’intérêt d’une interprétation uniforme des règles dans ce domaine, les autres juridictions nationales puissent tenir compte de ces jugements. Ces mesures de transparence faciliteront également le réexamen que la Commission effectuera six ans après l’entrée en vigueur de la directive. Outre les dispositions types relatives à la transposition et à l’entrée en vigueur, le chapitre IV prévoit également l’abrogation de la directive et établit des mesures transitoires.
2022/0302 (COD)
Proposition de
DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL
relative à la responsabilité du fait des produits défectueux
(Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)
LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 114,
vu la proposition de la Commission européenne,
après transmission du projet d’acte législatif aux parlements nationaux,
vu l’avis du Comité économique et social européen,
statuant conformément à la procédure législative ordinaire,
considérant ce qui suit:
(1)La directive 85/374/CEE du Conseil établit des règles communes en matière de responsabilité du fait des produits défectueux dans le but d’éliminer les disparités entre les ordres juridiques des États membres qui sont susceptibles de fausser la concurrence et d’affecter la libre circulation des marchandises au sein du marché intérieur, et qui entraînent des différences dans le niveau de protection du consommateur contre les dommages causés à sa santé et à ses biens par lesdits produits.
(2)Seule la responsabilité sans faute de l’opérateur économique concerné permet de résoudre de façon adéquate le problème d’une juste répartition des risques inhérents à la production technique moderne.
(3)Il est nécessaire de réviser la directive 85/374/CEE à la lumière des évolutions liées aux nouvelles technologies, y compris l’intelligence artificielle (IA), aux nouveaux modèles d’entreprise dans le domaine de l’économie circulaire et aux nouvelles chaînes d’approvisionnement mondiales, qui ont engendré des incohérences et une insécurité juridique, en particulier en ce qui concerne la signification du terme «produit». L’expérience tirée de l’application de la directive 85/374/CEE a également montré que les personnes lésées peinent à obtenir réparation en raison des restrictions à l’introduction des demandes de réparation et de la difficulté à rassembler des preuves de la responsabilité, compte tenu notamment de la complexité technique et scientifique croissante. Cela inclut les actions en réparation des dommages en rapport avec les nouvelles technologies, y compris l’IA. La révision encouragera donc le déploiement et l’adoption de ces nouvelles technologies, y compris l’IA, tout en permettant aux demandeurs de bénéficier du même niveau de protection, quelle que soit la technologie concernée.
(4)Il est également nécessaire de réviser la directive 85/374/CEE pour garantir la cohérence et la compatibilité avec la législation en matière de sécurité des produits et de surveillance du marché au niveau de l’Union et au niveau national. En outre, il y a lieu de clarifier les notions et concepts fondamentaux afin de garantir la cohérence et la sécurité juridique et de tenir compte de la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne.
(5)Eu égard à l’ampleur des modifications qui seraient nécessaires et par souci de clarté et de sécurité juridique, il convient d’abroger la directive 85/374/CEE et de la remplacer par une nouvelle directive.
(6)Afin de garantir l’exhaustivité du régime de l’Union en matière de responsabilité du fait des produits, la responsabilité sans faute pour les produits défectueux devrait s’appliquer à tous les meubles, y compris incorporés dans d’autres meubles ou dans des immeubles.
(7)Il convient que la responsabilité du fait des produits défectueux ne s’applique pas aux dommages résultant d’accidents nucléaires, dans la mesure où la responsabilité pour ces dommages est régie par des conventions internationales ratifiées par les États membres.
(8)Afin de créer un véritable marché intérieur offrant un niveau élevé et uniforme de protection des consommateurs et de tenir compte de la jurisprudence de la Cour de justice, les États membres ne devraient pas, en ce qui concerne les aspects relevant du champ d’application de la présente directive, maintenir ou introduire des dispositions plus strictes ou plus souples que celles prévues par la présente directive.
(9)Dans les systèmes juridiques des États membres, une personne lésée peut avoir un droit à réparation sur la base de la responsabilité contractuelle ou pour des motifs de responsabilité extracontractuelle autres que la défectuosité d’un produit, par exemple la responsabilité fondée sur la garantie des vices cachés ou sur la faute. Cela inclut les dispositions de la [directive .../... du Parlement européen et du Conseil sur la responsabilité en matière d’IA], qui établit des règles communes relatives à la divulgation d’informations et à la charge de la preuve dans le cadre des actions en réparation des dommages causés par une faute imputable à un système d’IA. Il convient que ces dispositions — qui tendent également à atteindre, entre autres, l’objectif d’une protection efficace des consommateurs — ne soient pas affectées par la présente directive.
(10)Dans certains États membres, les personnes lésées peuvent être habilitées à intenter des actions en réparation des dommages causés par des produits pharmaceutiques dans le cadre d’un régime national spécial de responsabilité, de sorte qu’il existe déjà une protection efficace des consommateurs dans le secteur pharmaceutique. Il convient que la présente directive ne porte pas atteinte au droit d’intenter de telles actions.
(11)La décision nº 768/2008/CE du Parlement européen et du Conseil énonce des principes communs et des dispositions de référence conçus pour être appliqués à l’ensemble de la législation sectorielle sur les produits. Par souci de cohérence avec cette législation, il convient d’aligner certaines dispositions de la présente directive, en particulier les définitions, sur ladite décision.
(12)À l’ère numérique, les produits peuvent être corporels ou incorporels. Les logiciels, tels que les systèmes d’exploitation, les micrologiciels, les programmes informatiques, les applications ou les systèmes d’IA, sont de plus en plus répandus sur le marché et jouent un rôle de plus en plus important pour la sécurité des produits. Les logiciels peuvent être mis sur le marché en tant que produits autonomes, puis être intégrés dans d’autres produits en tant que composants, et ils sont susceptibles de causer des dommages lors de leur exécution. Dans l’intérêt de la sécurité juridique, il convient donc de préciser que le logiciel est un produit aux fins de l’application de la responsabilité sans faute, quel que soit son mode de fourniture ou d’utilisation, et donc indépendamment du fait qu’il soit installé sur un appareil ou accessible via des technologies en nuage. Toutefois, le code source du logiciel ne doit pas être considéré comme un produit aux fins de la présente directive, car il s’agit d’une simple information. Le développeur ou le producteur de logiciels, y compris les fournisseurs de systèmes d’IA au sens du [règlement (UE) .../... (législation sur l’IA)], devraient être considérés comme des fabricants.
(13)Afin de ne pas entraver l’innovation ou la recherche, il convient que la présente directive ne s’applique pas aux logiciels libres et ouverts développés ou fournis en dehors du cadre d’une activité commerciale. C’est notamment le cas pour les logiciels — y compris leur code source et leurs versions modifiées — qui sont mis en libre partage et librement accessibles, utilisables, modifiables et redistribuables. En revanche, il convient que la directive s’applique lorsque le logiciel est fourni en échange d’un prix, ou lorsque les données à caractère personnel ne sont pas utilisées exclusivement pour améliorer la sécurité, la compatibilité ou l’interopérabilité du logiciel et sont donc fournies dans le cadre d’une activité commerciale.
(14)Il convient que les fichiers de fabrication numérique, qui contiennent les informations fonctionnelles nécessaires pour produire un élément corporel en permettant le contrôle automatisé de machines ou d’outils tels que les perceuses, tours, fraiseuses et imprimantes 3D, soient considérés comme des produits, afin de garantir la protection des consommateurs dans l’hypothèse où ces fichiers seraient défectueux. Pour lever toute ambiguïté, il y a également lieu de préciser que l’électricité est un produit.
(15)Il est de plus en plus fréquent que des services numériques soient intégrés à un produit ou interconnectés avec celui-ci de telle sorte que l’absence du service empêcherait le produit d’exécuter une de ses fonctions, par exemple la fourniture continue de données relatives au trafic au sein d’un système de navigation. Bien que la présente directive n’ait pas vocation à s’appliquer pas aux services en tant que tels, il est nécessaire d’étendre la responsabilité sans faute à ces services numériques, étant donné que ceux-ci déterminent la sécurité du produit au même titre que les composants physiques ou numériques. Il convient que ces services connexes soient considérés comme des composants du produit auquel ils sont interconnectés, lorsqu’ils sont sous le contrôle du fabricant de ce produit, en ce sens qu’ils sont fournis par le fabricant lui-même ou que le fabricant les recommande ou influence d’une quelconque autre manière leur fourniture par un tiers.
(16)Compte tenu de l’importance et de la valeur croissantes des actifs incorporels, il convient également de prévoir une réparation en cas de perte ou de corruption de données, comme la suppression du contenu d’un disque dur, qui couvre notamment le coût de la récupération ou de la restauration des données. De ce fait, pour protéger les consommateurs, il faut qu’une réparation soit prévue pour les pertes matérielles résultant non seulement de la mort ou de lésions corporelles, telles que les frais funéraires ou médicaux ou la perte de revenus, et des dommages aux biens, mais aussi de la perte ou de la corruption de données. Toutefois, la présente directive ne porte pas atteinte au droit à réparation en cas de violation du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, de la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil ou du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil.
(17)Dans un souci de sécurité juridique, il convient de préciser que les lésions corporelles comprennent le préjudice médicalement reconnu à la santé psychologique.
(18)Tout en prévoyant une réparation intégrale et adéquate pour toutes les pertes matérielles résultant de la mort, des lésions corporelles, des dommages causés à des biens ou de la destruction de biens ainsi que de la perte ou de la corruption de données, les États membres devraient établir des règles relatives au calcul de la réparation. En outre, la présente directive ne devrait pas porter atteinte aux règles nationales relatives au dommage moral.
(19)Afin de protéger les consommateurs, il convient de réparer les dommages causés à des biens appartenant à une personne physique. Étant donné que les biens sont de plus en plus utilisés à des fins tant privées que professionnelles, il y a lieu de prévoir la réparation des dommages causés à ces biens à usage mixte. Étant donné que la présente directive vise à protéger les consommateurs, il convient d’exclure de son champ d’application les biens utilisés exclusivement à des fins professionnelles.
(20)Il convient que la présente directive s’applique aux produits mis sur le marché ou, le cas échéant, mis en service dans le cadre d’une activité commerciale, à titre onéreux ou gratuit, par exemple les produits fournis dans le cadre d’une campagne de parrainage ou les produits fabriqués pour la fourniture d’un service financé par des fonds publics, étant donné que ce mode de fourniture conserve un caractère économique ou commercial.
(21)La présente directive ne devrait pas porter atteinte aux différents moyens de recours au niveau national, que ce soit au moyen de procédures judiciaires, de solutions non juridictionnelles, de procédures de règlement extrajudiciaire des litiges ou d’actions représentatives au sens de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil ou dans le cadre de mécanismes de recours collectifs nationaux.
(22)Afin de protéger la santé et les biens des consommateurs, la détermination de la défectuosité d’un produit doit se faire en fonction non pas de l’inaptitude du produit à l’usage, mais du défaut dans la sécurité à laquelle le grand public peut légitimement s’attendre. Il convient que la détermination de la défectuosité comporte une analyse objective et ne fasse pas référence à la sécurité à laquelle une personne donnée peut légitimement s’attendre. Il y a lieu d’évaluer la sécurité à laquelle le grand public peut légitimement s’attendre en tenant compte, entre autres, de la destination, des caractéristiques objectives et des propriétés du produit en question ainsi que des exigences spécifiques du groupe d’utilisateurs auquel le produit est destiné. Certains produits, tels que les dispositifs médicaux destinés au maintien des fonctions vitales, présentent un risque particulièrement élevé de dommages pour les personnes et suscitent donc des attentes très élevées en matière de sécurité. Afin de répondre à ces attentes, il devrait être possible pour un tribunal de constater qu’un produit est défectueux sans établir qu’il l’est effectivement, lorsque celui-ci est issu de la même série de production qu’un produit dont la défectuosité a déjà été prouvée.
(23)Afin de tenir compte de la prévalence croissante des produits interconnectés, l’évaluation de la sécurité d’un produit devrait également prendre en considération les effets d’autres produits sur celui-ci. Il convient également de prendre en considération l’effet que la capacité d’apprentissage d’un produit après déploiement a sur la sécurité de ce même produit, afin de tenir compte de la confiance légitime dans le fait que les logiciels et algorithmes sous-jacents d’un produit sont conçus de manière à prévenir tout comportement dangereux du produit. Afin de refléter le fait qu’à l’ère numérique, de nombreux produits restent sous le contrôle du fabricant après leur mise sur le marché, il convient que l’évaluation de la sécurité d’un produit tienne également compte du moment où les produits quittent le contrôle du fabricant. Un produit peut également être considéré comme défectueux en raison de sa vulnérabilité en matière de cybersécurité.
(24)Afin de refléter la pertinence de la législation relative à la sécurité des produits et à la surveillance du marché pour déterminer le niveau de sécurité auquel le grand public peut légitimement s’attendre, il convient de préciser que les exigences de sécurité, y compris les exigences de cybersécurité applicables à la sécurité, ainsi que les interventions des autorités de réglementation, telles que l’émission de rappels de produits, ou des opérateurs économiques eux-mêmes devraient également être prises en considération dans cette évaluation. Ces interventions ne devraient toutefois pas, à elles seules, créer une présomption de défectuosité.
(25)Dans l’intérêt du choix du consommateur et afin d’encourager l’innovation, l’existence ou la mise sur le marché ultérieure d’un produit plus perfectionné ne devrait pas, en soi, amener à conclure qu’un produit est défectueux. De même, la fourniture de mises à jour ou de mises à niveau d’un produit ne devrait pas, en soi, amener à conclure qu’une version antérieure du produit est défectueuse.
(26)La protection du consommateur exige que la responsabilité de tous les fabricants participant au processus de production puisse être engagée si leur produit ou un composant fourni par eux présente un défaut. Lorsqu’un fabricant intègre dans un produit un composant défectueux provenant d’un autre fabricant, la personne lésée devrait pouvoir demander réparation du même dommage tant auprès du fabricant du produit qu’auprès du fabricant du composant.
(27)Afin de garantir aux personnes lésées un droit à réparation exécutoire lorsqu’un fabricant est établi en dehors de l’Union, il devrait être possible d’engager la responsabilité de l’importateur du produit et du mandataire du fabricant. L’expérience pratique de la surveillance du marché a montré que les chaînes d’approvisionnement comprennent parfois des opérateurs économiques qui, du fait de leur forme innovante, ne s’insèrent pas facilement dans les chaînes d’approvisionnement traditionnelles telles qu’elles sont définies dans le cadre juridique en vigueur. Tel est notamment le cas des prestataires de services d’exécution des commandes, qui assument en grande partie les mêmes fonctions que les importateurs, mais qui ne répondent peut-être pas toujours à la définition traditionnelle de l’importateur dans le droit de l’Union. Compte tenu du rôle des prestataires de services d’exécution des commandes en tant qu’opérateurs économiques dans le cadre de la sécurité des produits et de la surveillance du marché, en particulier dans le règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil, il convient que ces prestataires puissent être tenus pour responsables; cela dit, étant donné leur rôle subsidiaire, leur responsabilité ne devrait être engagée qu’en l’absence d’importateur ou de mandataire établi dans l’Union. Afin d’imputer efficacement la responsabilité aux fabricants, importateurs, mandataires et prestataires de services d’exécution des commandes, il convient que les distributeurs ne puissent être tenus pour responsables que s’ils n’identifient pas rapidement un opérateur économique concerné établi dans l’Union.
(28)La vente en ligne a connu un essor constant et régulier et a fait apparaître de nouveaux modèles commerciaux et de nouveaux acteurs sur le marché, tels que les plateformes en ligne. Le [règlement .../... relatif à un marché intérieur des services numériques (règlement sur les services numériques)] et le [règlement .../... relatif à la sécurité générale des produits] réglementent, entre autres, la responsabilité des plateformes en ligne et leur obligation de rendre des comptes en ce qui concerne les contenus illicites, y compris les produits. Lorsque les plateformes en ligne agissent comme fabricants, importateurs ou distributeurs à l’égard d’un produit défectueux, il convient que leur responsabilité soit engagée au même titre que celle de ces opérateurs économiques. Lorsque les plateformes en ligne ne sont que des intermédiaires dans la vente de produits entre professionnels et consommateurs, elles bénéficient d’une exemption conditionnelle de responsabilité au titre du règlement sur les services numériques. Toutefois, le règlement sur les services numériques dispose que les plateformes en ligne permettant aux consommateurs de conclure des contrats à distance avec des professionnels ne sont pas exonérées de responsabilité au titre de la législation sur la protection des consommateurs lorsqu’elles présentent le produit ou permettent autrement la transaction spécifique en question de telle sorte qu’un consommateur moyen peut être amené à croire que le produit est fourni soit directement par la plateforme en ligne, soit par un professionnel agissant sous l’autorité ou le contrôle de celle-ci. Conformément à ce principe, lorsqu’il est avéré que les plateformes en ligne présentent le produit ou permettent autrement la transaction spécifique de sorte à produire cette conséquence, il convient qu’elles puissent être tenues pour responsables, au même titre que les distributeurs en vertu de la présente directive. Elles ne seraient donc responsables que lorsqu’il est avéré qu’elles présentent le produit ou permettent autrement la transaction spécifique de sorte à produire cette conséquence, et uniquement lorsqu’elles ne désignent pas rapidement un opérateur économique concerné établi dans l’Union.
(29)Dans la transition d’une économie linéaire vers une économie circulaire, les produits sont conçus pour être plus durables, réutilisables, réparables et évolutifs. L’Union promeut également des modes de production et de consommation innovants et durables qui prolongent la fonctionnalité des produits et des composants, tels que la refabrication, la remise à neuf et la réparation. En outre, les produits permettent des modifications sous la forme de changements apportés aux logiciels, y compris des mises à niveau. Tout produit substantiellement modifié en dehors du contrôle du fabricant d’origine est considéré comme un produit nouveau et il convient que la personne ayant effectué la modification substantielle puisse être tenue pour responsable en tant que fabricant du produit modifié, étant donné qu’en vertu de la législation pertinente de l’Union, elle est responsable de la conformité du produit avec les exigences de sécurité. Le caractère substantiel d’une modification est déterminé sur la base de critères définis dans la législation de l’Union et la législation nationale applicables en matière de sécurité; par exemple, sont substantielles les modifications apportées aux fonctions prévues à l’origine ou celles qui affectent la conformité du produit avec les exigences de sécurité applicables. Dans l’intérêt d’une juste répartition des risques dans l’économie circulaire, il convient qu’un opérateur économique apportant une modification substantielle soit exonéré de responsabilité s’il peut prouver que le dommage est lié à une partie du produit non affectée par la modification. Les opérateurs économiques effectuant des réparations ou d’autres opérations n’impliquant pas de modifications substantielles ne devraient pas être tenus pour responsables en vertu de la présente directive.
(30)Étant donné que les opérateurs économiques sont responsables indépendamment de la faute, et afin de permettre une juste répartition des risques, il devrait incomber à la personne lésée qui demande réparation du dommage causé par un produit défectueux de prouver le dommage, la défectuosité d’un produit et le lien de causalité entre les deux. Or, pour ce qui est de pouvoir consulter et comprendre les informations sur le mode de fabrication et de fonctionnement d’un produit, les personnes lésées sont souvent très désavantagées par rapport aux fabricants. Cette asymétrie des informations peut nuire à la juste répartition des risques, en particulier dans les cas présentant une complexité technique ou scientifique.
(31)Il faut donc faciliter l’accès des demandeurs aux preuves à utiliser en justice, tout en veillant à ce que cet accès soit limité à ce qui est nécessaire et proportionné et à ce que les informations confidentielles et les secrets d’affaires soient protégés. Ces preuves devraient également comprendre les documents que le défendeur doit créer ex novo en collectant ou en classant les preuves disponibles.
(32)En ce qui concerne les secrets d’affaires au sens de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil, les juridictions nationales devraient être habilitées à prendre des mesures spécifiques pour garantir la confidentialité des secrets d’affaires pendant et après la procédure, tout en assurant un équilibre juste et proportionné entre l’intérêt du détenteur du secret d’affaires consistant à préserver ce secret et l’intérêt de la personne lésée. Ces mesures devraient au moins viser à restreindre l’accès aux documents contenant des secrets d’affaires ou des secrets d’affaires allégués, ainsi qu’à restreindre l’accès aux audiences à un nombre limité de personnes, ou à permettre l’accès à des documents expurgés ou à des transcriptions d’audiences. Lorsqu’elles se prononcent sur de telles mesures, les juridictions nationales devraient prendre en considération i) la nécessité de garantir le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, i) la nécessité de garantir le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, ainsi que iii) tout préjudice que la décision d’accorder ou de refuser ces mesures pourrait causer à l’une ou l’autre des parties et, le cas échéant, à des tiers.
(33)Il est également nécessaire d’alléger la charge de la preuve incombant au demandeur, pour autant que certaines conditions soient remplies. Les présomptions de fait réfragables constituent un mécanisme courant pour atténuer les difficultés rencontrées par les demandeurs en matière de preuve, et elles permettent aux juridictions de fonder l’existence d’une défectuosité ou d’un lien de causalité sur la présence d’un autre fait prouvé, tout en préservant les droits du défendeur. Afin d’inciter au respect de l’obligation de divulguer des informations, les juridictions nationales devraient présumer la défectuosité d’un produit lorsqu’un défendeur manque à cette obligation. De nombreuses exigences législatives et prescriptions obligatoires en matière de sécurité ont été adoptées pour protéger les consommateurs et le public contre les risques de préjudice. Afin de resserrer encore le lien étroit qui existe entre les règles en matière de sécurité des produits et celles en matière de responsabilité, le non-respect de ces exigences et prescriptions devrait également donner lieu à une présomption de défectuosité. Tel est notamment le cas lorsque les produits ne sont pas équipés de moyens permettant de consigner des informations sur leur fonctionnement comme l’exige le droit de l’Union ou le droit national. Il devrait en aller de même en cas de dysfonctionnement évident — par exemple lorsqu’une bouteille en verre explose en cours d’utilisation normale, puisqu’il est inutilement fastidieux d’exiger que le demandeur prouve la défectuosité lorsque les circonstances sont telles que l’existence de cette défectuosité n’est pas contestée.
(34)Les juridictions nationales devraient également présumer qu’un produit est défectueux ou qu’il y a un lien de causalité entre le dommage et la défectuosité, ou les deux, lorsque, bien que le défendeur ait divulgué des informations, il serait excessivement difficile pour le demandeur, au vu de la complexité technique ou scientifique de l’affaire, de prouver la défectuosité du produit ou le lien de causalité, ou les deux. Dans de tels cas, le fait d’exiger des preuves porterait atteinte à l’effectivité du droit à réparation. Par conséquent, étant donné que les fabricants ont des connaissances spécialisées et sont mieux informés que la personne lésée, ce devrait être à eux de renverser la présomption. Il convient que les juridictions nationales déterminent la complexité technique ou scientifique au cas par cas, en tenant compte de divers facteurs. Ces facteurs devraient inclure la complexité du produit, par exemple lorsqu’il s’agit d’un dispositif médical innovant, la complexité de la technologie utilisée, par exemple l’apprentissage automatique, la complexité des informations et des données à analyser par le demandeur ainsi que la complexité du lien de causalité, par exemple dans le cas d’un lien entre un produit pharmaceutique ou alimentaire et l’apparition d’un problème de santé, ou bien dans le cas où, pour prouver l’existence d’un lien, le demandeur devrait expliquer le fonctionnement interne d’un système d’IA. L’appréciation des difficultés excessives devrait elle aussi être effectuée au cas par cas par les juridictions nationales. Bien qu’il incombe aux demandeurs de présenter des arguments démontrant l’existence de difficultés excessives, il convient de ne pas en exiger la preuve. Par exemple, dans une demande concernant un système d’IA, le demandeur ne devrait pas être tenu, pour que la juridiction constate l’existence de difficultés excessives, d’expliquer les caractéristiques spécifiques du système d’IA ni en quoi ces caractéristiques compliquent l’établissement du lien de causalité. Il convient que le défendeur ait la possibilité de contester l’existence de difficultés excessives.
(35)Afin de préserver une juste répartition des risques et d’éviter un renversement de la charge de la preuve, il convient néanmoins que, pour bénéficier de la présomption, le demandeur soit tenu de démontrer — sur la base d’éléments de preuve suffisamment pertinents — qu’il est probable que le produit était défectueux (lorsque le demandeur a du mal à prouver la défectuosité) ou que la défectuosité du produit est une cause probable du dommage (lorsque le demandeur a du mal à prouver le lien de causalité).
(36)Dans l’intérêt d’une juste répartition des risques, il convient que les opérateurs économiques soient exonérés de leur responsabilité s’ils peuvent prouver l’existence de circonstances exonératoires spécifiques. Ils ne devraient pas être tenus pour responsables lorsqu’ils peuvent prouver que quelqu’un d’autre qu’eux-mêmes a fait sortir le produit du processus de fabrication contre leur volonté ou que la défectuosité du produit résulte précisément de sa conformité avec des réglementations obligatoires.
(37)Du point de vue des fabricants, le moment de la mise sur le marché ou de la mise en service est normalement le moment auquel un produit quitte leur contrôle, tandis que, du point de vue des distributeurs, c’est le moment où ceux-ci mettent le produit à disposition sur le marché. Par conséquent, il convient que les fabricants soient exonérés de responsabilité lorsqu’ils prouvent qu’il est probable que la défectuosité ayant causé le dommage n’existait pas au moment où ils ont mis le produit sur le marché ou l’ont mis en service, ou que cette défectuosité est apparue après ce moment. Toutefois, étant donné que les technologies numériques permettent aux fabricants d’exercer un contrôle après le moment de la mise sur le marché ou de la mise en service, il convient que les fabricants restent responsables de toute défectuosité apparue après ce moment du fait des logiciels ou des services connexes qu’ils contrôlent, que ce soit sous la forme de mises à niveau ou de mises à jour ou bien d’algorithmes d’apprentissage automatique. Ces logiciels ou services connexes devraient être considérés comme étant sous le contrôle du fabricant lorsque celui-ci les fournit lui-même ou bien autorise ou influence d’une quelconque autre manière leur fourniture par un tiers.
(38)La possibilité pour les opérateurs économiques de s’exonérer de leur responsabilité en prouvant qu’un défaut est apparu après la mise sur le marché ou la mise en service du produit devrait également être limitée lorsque la défectuosité d’un produit tient à l’absence de mises à jour ou de mises à niveau logicielles nécessaires pour remédier aux vulnérabilités en matière de cybersécurité et préserver la sécurité du produit. Ces vulnérabilités peuvent affecter le produit de telle sorte qu’il cause des dommages au sens de la présente directive. Compte tenu des responsabilités qui incombent aux fabricants en vertu du droit de l’Union en matière de sécurité des produits tout au long de leur cycle de vie, notamment en vertu du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil, il convient que les fabricants soient également responsables des dommages causés par leur incapacité à fournir des mises à jour ou mises à niveau de sécurité logicielles nécessaires pour remédier aux vulnérabilités du produit face à l’évolution des risques en matière de cybersécurité. Cette responsabilité ne devrait pas s’appliquer lorsque la fourniture ou l’installation d’un tel logiciel échappe au contrôle du fabricant, par exemple lorsque le propriétaire du produit n’installe pas la mise à jour ou la mise à niveau fournie pour assurer ou maintenir le niveau de sécurité du produit.
(39)Dans l’intérêt d’une juste répartition des risques, les fabricants devraient également être exonérés de responsabilité s’ils prouvent que l’état des connaissances scientifiques et techniques, déterminé en fonction du niveau le plus avancé de connaissances objectives accessibles et non des connaissances réelles du fabricant en question, alors que le produit était sous leur contrôle, était tel que l’on ne pouvait pas déceler de défectuosité.
(40)Il peut arriver que deux ou plusieurs parties soient responsables du même dommage, notamment lorsqu’un composant défectueux est intégré dans un produit qui cause un dommage. Dans ce cas, la personne lésée devrait pouvoir demander réparation tant auprès du fabricant qui a intégré le composant défectueux dans son produit qu’auprès du fabricant du composant défectueux lui-même. Afin de garantir la protection des consommateurs, il convient que toutes les parties soient considérées comme solidairement responsables dans de telles situations.
(41)Il peut arriver que, parallèlement à la défectuosité du produit, les actes et omissions de personnes autres qu’un opérateur économique potentiellement responsable contribuent à causer le préjudice subi, par exemple lorsqu’un tiers exploite la vulnérabilité d’un produit en matière de cybersécurité. Dans l’intérêt de la protection des consommateurs, lorsqu’un produit est défectueux, par exemple en raison d’une vulnérabilité qui le rend moins sûr que ce que le grand public est en droit d’attendre, il convient que la responsabilité de l’opérateur économique ne soit pas réduite du fait de ces actes ou omissions. Il devrait cependant être possible de réduire ou supprimer la responsabilité de l’opérateur économique lorsque les personnes lésées ont elles-mêmes contribué, par négligence, à causer le dommage.
L’objectif de protection des consommateurs serait compromis s’il était possible de limiter ou d’exclure la responsabilité d’un opérateur économique au moyen de dispositions contractuelles. Il convient donc de ne pas autoriser de dérogations contractuelles. Pour la même raison, les dispositions du droit national ne devraient pas pouvoir limiter ou exclure la responsabilité, par exemple en fixant des plafonds financiers à la responsabilité d’un opérateur économique.
(43)Étant donné que les produits vieillissent au fil du temps et que des normes de sécurité plus élevées sont élaborées au fur et à mesure que la science et la technologie évoluent, il ne serait pas raisonnable que les fabricants soient responsables pour une durée illimitée de la défectuosité de leurs produits. Il convient donc que la responsabilité soit engagée pendant une durée raisonnable, à savoir dix ans après la mise sur le marché, sans préjudice des demandes en cours dans le cadre d’une procédure judiciaire. Afin d’éviter que la possibilité d’obtenir réparation ne soit indûment refusée, le délai de prescription devrait être de 15 ans dans les cas où des preuves médicales montrent que les symptômes d’une lésion corporelle sont d’apparition lente.
(44)Étant donné que les produits substantiellement modifiés sont essentiellement des produits nouveaux, il convient que le délai de prescription recommence à courir après toute modification substantielle d’un produit, par exemple à la suite d’une refabrication, qui consiste à modifier un produit de telle sorte que sa conformité avec les exigences de sécurité applicables peut en être affectée.
(45)Afin de faciliter l’interprétation harmonisée de la présente directive par les juridictions nationales, il convient d’imposer aux États membres de publier les jugements pertinents en matière de responsabilité du fait des produits.
(46)La Commission devrait procéder à une évaluation de la présente directive. En application du paragraphe 22 de l’accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne «Mieux légiférer», cette évaluation devrait se fonder sur cinq critères, à savoir l’efficacité, l’effectivité, la pertinence, la cohérence et la valeur ajoutée européenne, et constituer la base des analyses d’impact d’autres mesures éventuelles. Pour des raisons de sécurité juridique, il convient que la présente directive ne s’applique pas aux produits mis sur le marché ou mis en service dans l’Union avant la date de sa transposition. Il est nécessaire de prévoir des dispositions transitoires afin d’assurer le maintien de la responsabilité au titre de la directive 85/374/CEE pour les dommages causés par des produits défectueux qui ont été mis sur le marché ou mis en service avant cette date.
(47)Étant donné que les objectifs de la présente directive — qui consistent à assurer le fonctionnement du marché intérieur, une concurrence non faussée et un niveau élevé de protection des consommateurs — ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres parce que le marché des biens concerne l’ensemble de l’Union, mais peuvent être mieux atteints au niveau de l’Union grâce à l’effet d’harmonisation des règles communes en matière de responsabilité, l’Union peut adopter des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité sur l’Union européenne. Conformément au principe de proportionnalité énoncé audit article, la présente directive n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs,
ONT ADOPTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:
CHAPITRE I
Dispositions générales
Article premier
Objet
La présente directive établit des règles communes relatives à la responsabilité des opérateurs économiques pour les dommages causés à des personnes physiques par des produits défectueux.
Article 2
Champ d’application
1.La présente directive s’applique aux produits mis sur le marché ou mis en service après le [OP: veuillez insérer la date correspondant à 12 mois après l’entrée en vigueur].
2.La présente directive ne s’applique pas aux dommages résultant d’accidents nucléaires dans la mesure où la responsabilité pour ces dommages est régie par des conventions internationales ratifiées par les États membres.
3.La présente directive n’affecte pas:
a)l’applicabilité du droit de l’Union relatif à la protection des données à caractère personnel, en particulier le règlement (UE) 2016/679, la directive 2002/58/CE et la directive (UE) 2016/680;
b)les règles nationales relatives au droit de recours entre deux ou plusieurs opérateurs économiques qui sont solidairement responsables en vertu de l’article 11 ou lorsque le dommage est causé conjointement par un produit défectueux et par un acte ou une omission d’un tiers tels que visés à l’article 12;
c)les droits qu’une personne lésée peut avoir en vertu des règles nationales en matière de responsabilité contractuelle ou de responsabilité extracontractuelle pour des motifs autres que la défectuosité d’un produit, y compris les règles nationales mettant en œuvre le droit de l’Union, comme la [directive sur la responsabilité en matière d’IA];
d)les droits qu’une personne lésée peut avoir dans le cadre d’un régime spécial de responsabilité qui existait en droit national au 30 juillet 1985.
Article 3
Niveau d’harmonisation
Les États membres s’abstiennent de maintenir ou d’introduire, dans leur droit national, des dispositions s’écartant de celles fixées par la présente directive, notamment des dispositions plus strictes ou plus souples visant à assurer un niveau différent de protection des consommateurs, sauf si la présente directive en dispose autrement.
Article 4
Définitions
Aux fins de la présente directive, on entend par:
1)«produit»: tout meuble, même s’il est incorporé dans un autre meuble ou dans un immeuble. Le terme «produit» comprend l’électricité, les fichiers de fabrication numériques et les logiciels;
2)«fichier de fabrication numérique»: une version numérique ou un modèle numérique d’un meuble;
3)«composant»: tout élément, corporel ou incorporel, ou tout service connexe, intégré dans un produit ou interconnecté avec celui-ci par le fabricant dudit produit ou placé sous le contrôle de ce fabricant;
4)«service connexe»: un service numérique qui est intégré à un produit ou interconnecté avec celui-ci de telle sorte que son absence empêcherait le produit d’exécuter une ou plusieurs de ses fonctions;
5)«contrôle du fabricant»: le fait que le fabricant d’un produit autorise a) l’intégration, l’interconnexion ou la fourniture par un tiers d’un composant, y compris les mises à jour ou mises à niveau logicielles, ou b) la modification du produit;
6)«dommage»: les pertes matérielles résultant:
a)de la mort ou de lésions corporelles, y compris le préjudice, médicalement reconnu, causé à la santé psychologique;
b)du préjudice causé à des biens ou de la destruction de biens, à l’exception:
i) du produit défectueux lui-même;
ii) d’un produit endommagé par un composant défectueux de ce produit;
iii) des biens utilisés exclusivement à des fins professionnelles;
c)de la perte ou de la corruption de données qui ne sont pas utilisées exclusivement à des fins professionnelles;
7)«données»: les données au sens de l’article 2, point 1), du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil;
8)«mise sur le marché»: la première mise à disposition d’un produit sur le marché de l’Union;
9)«mise à disposition sur le marché»: toute fourniture d’un produit destiné à être distribué, consommé ou utilisé sur le marché de l’Union dans le cadre d’une activité commerciale, à titre onéreux ou gratuit;
10)«mise en service»: la première utilisation d’un produit dans l’Union dans le cadre d’une activité commerciale, à titre onéreux ou gratuit, lorsque le produit n’a pas été mis sur le marché avant sa première utilisation;
11)«fabricant»: toute personne physique ou morale qui met au point, fabrique ou produit un produit ou fait concevoir ou fabriquer un produit, ou qui commercialise ce produit sous son propre nom ou sa propre marque, ou qui met au point, fabrique ou produit un produit pour son propre usage;
12)«mandataire»: toute personne physique ou morale établie dans l’Union ayant reçu mandat écrit du fabricant pour agir en son nom aux fins de l’accomplissement de tâches déterminées;
13)«importateur»: toute personne physique ou morale établie dans l’Union qui met un produit provenant d’un pays tiers sur le marché de l’Union;
14)«prestataire de services d’exécution des commandes»: toute personne physique ou morale qui propose, dans le cadre d’une activité commerciale, au moins deux des services suivants: entreposage, conditionnement, étiquetage et expédition d’un produit, sans être propriétaire du produit concerné, à l’exclusion des services postaux au sens de l’article 2, point 1), de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, des services de livraison de colis au sens de l’article 2, point 2), du règlement (UE) 2018/644 du Parlement européen et du Conseil, et de tout autre service postal ou service de transport de marchandises;
15)«distributeur»: toute personne physique ou morale faisant partie de la chaîne d’approvisionnement, autre que le fabricant ou l’importateur, qui met un produit à disposition sur le marché;
16)«opérateur économique»: le fabricant d’un produit ou d’un composant, le fournisseur d’un service connexe, le mandataire, l’importateur, le prestataire de services d’exécution des commandes ou le distributeur;
17)«plateforme en ligne»: une plateforme en ligne au sens de l’article 2, point h), du règlement (UE).../... du Parlement européen et du Conseil relatif à un marché intérieur des services numériques (règlement sur les services numériques).
CHAPITRE II
Dispositions spécifiques en matière de responsabilité du fait des produits défectueux
Article 5
Droit à réparation
1.Les États membres veillent à ce que toute personne physique qui subit un dommage causé par un produit défectueux (ci-après la «personne lésée») ait droit à réparation conformément aux dispositions de la présente directive.
2.Les États membres veillent à ce que les demandes en réparation au titre du paragraphe 1 puissent également être introduites par:
a)une personne qui a succédé ou a été subrogée dans les droits de la personne lésée en vertu de la loi ou de dispositions contractuelles; ou
b)une personne agissant pour le compte d’une ou de plusieurs personnes lésées, conformément au droit de l’Union ou au droit national.
Article 6
Défectuosité
1.Un produit est considéré comme défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle le grand public peut légitimement s’attendre compte tenu de toutes les circonstances, y compris:
a)la présentation du produit, notamment les instructions d’installation, d’utilisation et d’entretien;
b)l’utilisation ou la mauvaise utilisation raisonnablement prévisible du produit;
c)l’effet sur le produit de toute capacité à poursuivre son apprentissage après le déploiement;
d)l’effet sur le produit d’autres produits dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils soient utilisés en même temps que le produit;
e)le moment où le produit a été mis sur le marché ou mis en service ou, lorsque le fabricant conserve le contrôle du produit après ce moment, le moment où le produit a quitté le contrôle du fabricant;
f)les exigences en matière de sécurité des produits, y compris les exigences de cybersécurité pertinentes pour la sécurité;
g)toute intervention d’une autorité de réglementation ou d’un opérateur économique visé à l’article 7 en ce qui concerne la sécurité des produits;
h)les attentes spécifiques des utilisateurs finals auxquels le produit est destiné.
2.Un produit n’est pas considéré comme défectueux au seul motif qu’un produit plus perfectionné, y compris les mises à jour ou mises à niveau d’un produit, est déjà ou sera ultérieurement mis sur le marché ou mis en service.
Article 7
Responsabilité des opérateurs économiques du fait des produits défectueux
1.Les États membres veillent à ce que le fabricant d’un produit défectueux puisse être tenu pour responsable du dommage causé par ce produit.
Les États membres veillent à ce que, lorsqu’un composant défectueux a causé le défaut du produit, le fabricant du composant défectueux puisse également être tenu pour responsable du même dommage.
2.Les États membres veillent à ce que, lorsque le fabricant du produit défectueux est établi en dehors de l’Union, l’importateur du produit défectueux et son mandataire puissent être tenus pour responsables du dommage causé par ce produit.
3.Les États membres veillent à ce que, lorsque le fabricant du produit défectueux est établi en dehors de l’Union et qu’aucun des opérateurs économiques visés au paragraphe 2 n’est établi dans l’Union, le prestataire de services d’exécution des commandes puisse être tenu pour responsable du dommage causé par le produit défectueux.
4.Toute personne physique ou morale qui modifie un produit qui a déjà été mis sur le marché ou mis en service est considérée comme un fabricant du produit aux fins du paragraphe 1, lorsque la modification est considérée comme substantielle au regard des règles de l’Union ou des règles nationales applicables en matière de sécurité des produits et qu’elle est entreprise en dehors du contrôle du fabricant d’origine.
5.Les États membres veillent à ce que, lorsqu’il n’est pas possible d’identifier un fabricant visé au paragraphe 1 ou, dans le cas où le fabricant est établi en dehors de l’Union, d’identifier un opérateur économique visé au paragraphe 2 ou 3, chaque distributeur du produit puisse être tenu pour responsable quand:
a)le demandeur demande au distributeur d’identifier l’opérateur économique ou la personne qui a fourni le produit au distributeur; et
b)le distributeur n’identifie pas l’opérateur économique ou la personne qui a fourni le produit au distributeur dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande.
6.Le paragraphe 5 s’applique également à tout fournisseur d’une plateforme en ligne qui permet aux consommateurs de conclure des contrats à distance avec des professionnels et qui n’est pas un fabricant, un importateur ou un distributeur, pour autant que les conditions énoncées à l’article 6, paragraphe 3, du règlement (UE).../... du Parlement européen et du Conseil relatif à un marché intérieur des services numériques (règlement sur les services numériques) soient remplies.
Article 8
Divulgation des éléments de preuve
1.Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales soient habilitées, sur sollicitation d’une personne lésée demandant réparation du dommage causé par un produit défectueux (ci-après le «demandeur») qui a présenté des faits et des éléments de preuve suffisants pour étayer la plausibilité de sa demande en réparation, à ordonner au défendeur de divulguer les éléments de preuve pertinents dont il dispose.
2.Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales limitent la divulgation des éléments de preuve à ce qui est nécessaire et proportionné pour étayer une demande visée au paragraphe 1.
3.Afin de déterminer si la divulgation est proportionnée, les juridictions nationales tiennent compte des intérêts légitimes de toutes les parties, y compris des tiers concernés, notamment pour ce qui est de la protection des informations confidentielles et des secrets d’affaires au sens de l’article 2, point 1), de la directive (UE) 2016/943.
4.Les États membres veillent à ce que, lorsqu’il est ordonné à un défendeur de divulguer des informations qui sont un secret d’affaires ou un secret d’affaires allégué, les juridictions nationales soient habilitées, à la demande dûment motivée d’une partie ou sur leur propre initiative, à prendre les mesures spécifiques nécessaires pour préserver la confidentialité de ces informations lorsqu’elles sont utilisées ou mentionnées au cours de la procédure judiciaire.
Article 9
Charge de la preuve
1.Les États membres veillent à ce que le demandeur soit tenu de prouver la défectuosité du produit, le dommage subi et le lien de causalité entre la défectuosité et le dommage.
2.La défectuosité du produit est présumée lorsque l’une des conditions suivantes est remplie:
a)le défendeur n’a pas respecté l’obligation de divulguer les éléments de preuve pertinents dont il dispose conformément à l’article 8, paragraphe 1;
b)le demandeur établit que le produit n’est pas conforme aux exigences de sécurité obligatoires prévues par le droit de l’Union ou le droit national qui sont destinées à protéger contre le risque du dommage survenu; ou
c)le demandeur établit que le dommage a été causé par un dysfonctionnement manifeste du produit lors d’une utilisation normale ou dans des circonstances normales.
3.Le lien de causalité entre la défectuosité du produit et le dommage est présumé lorsqu’il a été établi que le produit est défectueux et que le dommage causé est d’une nature généralement propre au défaut en question.
4.Lorsqu’une juridiction nationale juge que le demandeur rencontre des difficultés excessives, en raison d’une certaine complexité technique ou scientifique, pour prouver la défectuosité du produit ou le lien de causalité entre sa défectuosité et le dommage, ou les deux, la défectuosité du produit ou le lien de causalité entre sa défectuosité et le dommage, ou les deux, sont présumés lorsque le demandeur a démontré, sur la base d’éléments de preuve suffisamment pertinents, ce qui suit:
a)le produit a contribué au dommage; et
b)il est probable que le produit était défectueux ou que sa défectuosité est une cause probable du dommage, ou les deux.
Le défendeur a le droit de contester l’existence de difficultés excessives ou la probabilité visée au premier alinéa.
5.Le défendeur a le droit de renverser toute présomption visée aux paragraphes 2, 3 et 4.
Article 10
Exonération de responsabilité
1.Un opérateur économique visé à l’article 7 n’est pas responsable du dommage causé par un produit défectueux s’il apporte l’une des preuves suivantes:
a)s’il s’agit d’un fabricant ou d’un importateur, qu’il n’a pas mis le produit sur le marché ni ne l’a mis en service;
b)s’il s’agit d’un distributeur, qu’il n’a pas mis le produit à disposition sur le marché;
c)qu’il est probable que la défectuosité ayant causé le dommage n’existait pas au moment de la mise sur le marché, de la mise en service ou, pour un distributeur, de la mise à disposition sur le marché du produit, ou que cette défectuosité est apparue après ce moment;
d)que la défectuosité est due à la conformité du produit avec des réglementations obligatoires édictées par les autorités publiques;
e)s’il s’agit d’un fabricant, que l’état objectif des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise sur le marché ou de la mise en service du produit ou au cours de la période pendant laquelle le produit était sous le contrôle du fabricant n’a pas permis de déceler la défectuosité; ou
f)s’il s’agit d’un fabricant d’un composant défectueux visé à l’article 7, paragraphe 1, deuxième alinéa, que la défectuosité du produit est due à la conception du produit dans lequel le composant a été intégré ou aux instructions données par le fabricant de ce produit au fabricant du composant; ou
g)dans le cas d’une personne qui modifie un produit visé à l’article 7, paragraphe 4, que la défectuosité ayant causé le dommage est liée à une partie du produit non affectée par la modification.
2.Par dérogation au paragraphe 1, point c), un opérateur économique n’est pas exonéré de responsabilité lorsque la défectuosité du produit est due à l’un des éléments suivants, à condition qu’il soit sous le contrôle du fabricant:
a)un service connexe;
b)des logiciels, y compris des mises à jour ou mises à niveau logicielles; ou
c)l’absence de mises à jour ou de mises à niveau logicielles nécessaires au maintien de la sécurité.
CHAPITRE III
Dispositions générales en matière de responsabilité
Article 11
Responsabilité de plusieurs opérateurs économiques
Les États membres veillent à ce que, lorsque deux ou plusieurs opérateurs économiques sont responsables du même dommage en vertu de la présente directive, ils puissent être tenus pour solidairement responsables.
Article 12
Réduction de la responsabilité
1.Les États membres veillent à ce que la responsabilité d’un opérateur économique ne soit pas réduite lorsque le dommage est causé à la fois par la défectuosité d’un produit et par un acte ou une omission d’un tiers.
2.La responsabilité d’un opérateur économique peut être réduite ou supprimée lorsque le dommage est causé conjointement par la défectuosité du produit et par la faute de la personne lésée ou de toute personne dont la personne lésée est responsable.
Article 13
Exclusion ou limitation de la responsabilité
Les États membres veillent à ce que la responsabilité d’un opérateur économique en vertu de la présente directive ne soit pas limitée ou exclue à l’égard de la personne lésée par une disposition contractuelle ou par le droit national.
Article 14
Délais de prescription
1.Les États membres veillent à ce qu’un délai de prescription de trois ans s’applique à l’introduction d’une demande en réparation d’un dommage relevant du champ d’application de la présente directive. Le délai de prescription commence à courir à compter de la date à laquelle la personne lésée a eu connaissance ou aurait dû avoir raisonnablement connaissance de l’ensemble des éléments suivants:
a)le dommage;
b)la défectuosité;
c)l’identité de l’opérateur économique concerné qui peut être tenu pour responsable du dommage conformément à l’article 7.
Les dispositions des États membres réglementant la suspension ou l’interruption de la prescription visée au premier alinéa ne sont pas affectées par la présente directive.
2.Les États membres veillent à ce que les droits conférés à la personne lésée en vertu de la présente directive s’éteignent à l’expiration d’un délai de prescription de dix ans à compter de la date à laquelle le produit effectivement défectueux qui a causé le dommage a été mis sur le marché, mis en service ou substantiellement modifié conformément à l’article 7, paragraphe 4, à moins qu’un demandeur n’ait, entre-temps, engagé une procédure devant une juridiction nationale contre un opérateur économique qui peut être tenu pour responsable en vertu de l’article 7.
3.Par dérogation au paragraphe 2, lorsqu’une personne lésée n’a pas été en mesure d’engager une procédure dans un délai de dix ans en raison de la période de latence de lésions corporelles, les droits conférés à la personne lésée en vertu de la présente directive s’éteignent à l’expiration d’un délai de prescription de 15 ans.
CHAPITRE IV
Dispositions finales
Article 15
Transparence
1.Les États membres publient, dans un format électronique facilement accessible, tout jugement définitif rendu par leurs juridictions nationales en rapport avec des procédures engagées en vertu de la présente directive ainsi que d’autres jugements définitifs pertinents en matière de responsabilité du fait des produits. La publication est effectuée dans les plus brefs délais après la notification par écrit du jugement complet aux parties.
2.La Commission peut créer et tenir à jour une base de données accessible au public contenant les jugements visés au paragraphe 1.
Article 16
Réexamen
Au plus tard le [OP: veuillez insérer la date correspondant à six ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive], puis tous les cinq ans, la Commission réexamine l’application de la présente directive et présente un rapport au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen.
Article 17
Abrogation et disposition transitoire
1.La directive 85/374/CEE est abrogée avec effet au [OP: veuillez insérer la date correspondant à 12 mois après la date d’entrée en vigueur de la présente directive]. Toutefois, elle continue de s’appliquer aux produits mis sur le marché ou mis en service avant cette date.
2.Les références faites à la directive 85/374/CEE s’entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe de la présente directive.
Article 18
Transposition
1.Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le [OP: veuillez insérer la date correspondant à 12 mois après l’entrée en vigueur de la présente directive]. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions.
Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.
2.Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine couvert par la présente directive.
Article 19
Entrée en vigueur
La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.
Article 20
Destinataires
Les États membres sont destinataires de la présente directive.
Fait à Bruxelles, le
Par le Parlement européen
Par le Conseil
La présidente
Le président