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Document 52022DC0440

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS sur la stratégie européenne en matière de soins

COM/2022/440 final

Bruxelles, le 7.9.2022

COM(2022) 440 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS

sur la stratégie européenne en matière de soins

{SWD(2022) 440 final}


 «Soir après soir [durant la pandémie], nous étions tous là — à nos fenêtres, devant nos portes — pour applaudir les travailleurs de première ligne. Nous avons tous senti combien nous dépendions de ces travailleurs. De celles et ceux qui se dévouent pour un salaire inférieur, moins de protection et moins de sécurité. Les applaudissements se sont peut-être estompés, mais la force de nos émotions doit perdurer. […]

C’est ainsi que nous proposerons une nouvelle stratégie européenne de soins. Afin que chaque homme et chaque femme puissent bénéficier des meilleurs soins possibles et trouver le meilleur équilibre de vie 1

       Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne

1.Introduction

Les soins sont notre affaire à tous. Ce sont eux qui tissent nos liens sociaux et rassemblent nos générations. Tout au long de notre vie, nous et nos proches aurons besoin de soins ou serons amenés à en prodiguer.

En imposant la fermeture temporaire des crèches et des jardins d’enfants et en frappant de manière disproportionnée nos aînés, la pandémie de COVID-19 a montré combien il est important de disposer de services de soins professionnels solides pour assurer la continuité des soins. Elle a mis en évidence la nécessité d’améliorer la résilience de nos systèmes de soins, en révélant des faiblesses structurelles qui existaient déjà auparavant. Elle a également été lourde de conséquences sur le plan de la santé mentale, et les soins qui en découlent doivent être pris en considération. Tous ces aspects sont particulièrement essentiels pour le bien-être des bénéficiaires de soins et des aidants, la participation des femmes au marché du travail et la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée.

Des services de soins de qualité offrent des avantages évidents pour toutes les catégories d’âge. Les enfants ont besoin de soins pour développer leurs aptitudes et compétences cognitives, linguistiques et physiques. La participation à l’éducation de la petite enfance stimule le développement des enfants, leur offre de meilleures perspectives d’emploi à l’âge adulte, accroît leur capacité à mener une vie et une carrière épanouissantes, et contribue à réduire le risque de pauvreté et d’exclusion sociale. Elle contribue ainsi à briser le cercle vicieux de l’inégalité. En offrant une éducation et un accueil de qualité à la petite enfance, on favorise des modes de vie sains et actifs à un stade précoce de la vie, ce qui a des effets bénéfiques tout au long de la vie adulte, et ce, jusqu’à la vieillesse. Parallèlement, en offrant des soins de longue durée abordables et de qualité, on permet aux personnes âgées de rester autonomes et de vivre dignement. Cela est particulièrement important dans un contexte d’évolution démographique où les Européens vivent plus longtemps et en meilleure santé et où la demande de soins augmente de manière exponentielle. Les politiques en faveur du vieillissement actif, de même que l’intervention précoce, la promotion de la santé et la prévention des maladies, peuvent contribuer à prolonger la durée de vie autonome, saine et active et à retarder l’apparition des besoins en soins.



Bien que les services de soins de qualité présentent des atouts indéniables, ils restent inabordables, indisponibles ou inaccessibles pour bon nombre de personnes. Environ un tiers des enfants de moins de 3 ans et près de 90 % des enfants ayant entre 3 ans et l’âge de la scolarité obligatoire fréquentent des structures d’éducation et d’accueil de la petite enfance, mais bien des parents ne peuvent toujours pas y inscrire leurs enfants, parce que ces services ne sont tout simplement pas disponibles ou coûtent trop cher. De même, près de la moitié des personnes âgées de 65 ans ou plus qui nécessitent des soins de longue durée ne bénéficient pas de l’aide dont elles auraient besoin dans le cadre de leurs soins personnels ou de leurs activités ménagères. Très souvent, il n’y a pas de services de soins au moment et à l’endroit où l’on en a besoin, et le fait est que les listes d’attente sont longues et les procédures, lourdes. Jamais notre espérance de vie n’a été aussi longue; pourtant, en vieillissant, nous risquons davantage de développer une fragilité, une maladie ou un handicap, et donc d’avoir besoin de soins de longue durée. Pour de nombreuses personnes handicapées, le droit à une autonomie de vie — qui est consacré par la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées — est compromis par les lacunes des services de soins, du soutien aux familles et de l’assistance personnelle.

Le caractère inadéquat des services de soins a une incidence disproportionnée sur les femmes, car celles-ci restent les premières à assumer des responsabilités familiales supplémentaires ou à prodiguer des soins non professionnels, ce qui nuit à l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée ainsi qu’à leurs possibilités d’exercer un travail rémunéré.

Les femmes sont donc amenées à prendre de longs congés familiaux, à réduire leur temps de travail et à quitter avant l’heure le marché du travail. Nombre d’entre elles se retrouvent ainsi avec moins de perspectives de carrière et avec des salaires et retraites inférieurs à ceux que perçoivent les hommes. Étant donné qu’elles vivent en moyenne plus longtemps, mais moins souvent en bonne santé que les hommes, elles ont besoin de soins de longue durée plus intensifs, et ce, pendant des périodes plus longues. Cela dit, elles sont souvent moins en mesure de se les offrir, en raison des inégalités de genre en matière de rémunération et de retraite accumulées tout au long de leur vie.

Il est essentiel d’assurer de bonnes conditions de travail dans le secteur des soins pour en soutenir la résilience et l’attractivité et pour garantir l’égalité entre les femmes et les hommes. Les femmes représentent 90 % des travailleurs du secteur des soins et occupent souvent des emplois précaires et mal rémunérés. Même lorsqu’il s’agit de prendre en charge les êtres qui nous sont les plus chers, les activités de soins sont fréquemment sous-évaluées. En outre, il arrive souvent que les aidants manquent de perspectives d’évolution de carrière et que les formations disponibles ne comblent pas leur besoin de perfectionnement professionnel. En raison de la forte prévalence du travail à temps partiel dans le secteur des soins de santé, de nombreux travailleurs perçoivent des revenus mensuels encore plus faibles. Il arrive même que certains groupes vulnérables d’aidants professionnels, tels que les prestataires logés à domicile ou les prestataires à domicile, travaillent dans des conditions abusives. 

Le caractère inadéquat des systèmes de soins a un coût économique et compromet la capacité du secteur à créer des emplois. En investissant dans les services de soins, on aide davantage de femmes à intégrer le marché du travail et on génère davantage de recettes pour les budgets publics.

La présente stratégie établit un programme visant à améliorer aussi bien la situation des aidants que celle des bénéficiaires de soins. Elle appelle à renforcer l’accès à des services de soins de qualité, abordables et accessibles et à améliorer les conditions de travail des aidants ainsi que l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée. Elle contribuera à la concrétisation des principes d’accès à des soins abordables et de qualité inscrits dans le socle européen des droits sociaux et à la réalisation des grands objectifs en matière d’emploi et de réduction de la pauvreté pour 2030 dans toute l’UE, dont les dirigeants de l’UE se sont félicités lors du sommet de Porto en mai 2021 et qui ont été approuvés par le Conseil européen.

La présente stratégie repose sur deux propositions de recommandations du Conseil: l’une sur la révision des objectifs de Barcelone en matière d’éducation et d’accueil de la petite enfance et l’autre sur l’accès à des soins de longue durée abordables et de qualité. Ces recommandations fournissent des cadres d’action pour des réformes et des investissements au niveau national, régional et local. Toutes deux traitent du caractère adéquat, de la disponibilité et de la qualité des soins, ainsi que des conditions de travail des prestataires de soins. La présente communication expose d’autres actions de soutien au niveau européen et incite à l’adoption de mesures au niveau national 2 .

La stratégie répond aux appels lancés par divers acteurs au niveau de l’UE et au niveau national. Le Parlement européen 3 , le Conseil, le Comité économique et social européen, le Comité des régions, les partenaires sociaux et la société civile ont tous appelé à un renforcement de l’action de l’UE dans ce domaine 4 . Elle tient compte de l’expérience acquise par le passé dans le cadre des objectifs de Barcelone, et en particulier de la stagnation de la réalisation des objectifs dans certains États membres. La stratégie constitue également une réponse à la proposition de la conférence sur l’avenir de l’Europe 5 sur la transition démographique, qui invite à assurer des soins de longue durée de qualité, abordables et accessibles, répondant à la fois aux besoins des bénéficiaires et à ceux des aidants, et des services de garde d’enfants de qualité, abordables et accessibles dans toute l’UE, afin que les mères et les pères puissent concilier en toute confiance leur vie professionnelle et leur vie familiale.

2.Améliorer les services de soins

Il convient de développer les services de soins de manière à répondre aux besoins actuels et futurs en la matière. L’augmentation de la disponibilité des services de soins doit aller de pair avec l’amélioration de leur qualité, de leur caractère abordable et de leur accessibilité.

La qualité englobe non seulement les infrastructures et les services, mais aussi les interactions et les relations humaines entre prestataires et bénéficiaires de soins.

Les services d’éducation et d’accueil de la petite enfance doivent être de qualité, inclusifs et sans ségrégation, afin de profiter pleinement à tous les enfants. En outre, la qualité est essentielle pour que les parents aient davantage confiance en ces services et pour faire en sorte que ces derniers contribuent au bon développement émotionnel et éducatif de l’enfant.

Des soins de longue durée de qualité font la part belle au bien-être, à la dignité et aux droits fondamentaux des bénéficiaires de soins, notamment en prévenant et en atténuant l’isolement et la solitude ainsi que leurs incidences physiques et psychologiques. Pour atteindre ces objectifs, il faut des normes de qualité. Ces normes devraient s’appliquer de la même manière aux prestataires de soins publics et privés et s’appuyer sur une assurance qualité solide, des mécanismes d’exécution, des pratiques de suivi et des cadres de qualité complets, qui font souvent défaut. Des environnements de soins innovants, tels que des logements partagés où les personnes ayant besoin de soins de longue durée reçoivent ensemble des services de soins et d’assistance domestiques, ainsi que des logements adaptés ou des logements multigénérationnels, peuvent favoriser les contacts intergénérationnels et la solidarité tout en soutenant l’autonomie de vie et les interactions sociales, ce qui a une incidence positive sur le bien-être des personnes ayant besoin de soins et sur la cohésion sociale. Des environnements de soins adaptés au changement climatique peuvent également protéger les personnes vulnérables, comme les personnes âgées, contre des conditions météorologiques difficiles telles que les vagues de chaleur.

En rendant les services de soins plus abordables, on permet un accès plus équitable aux soins. Les coûts élevés sont l’un des principaux obstacles qui empêchent les parents d’inscrire leurs enfants dans des structures d’éducation et d’accueil de la petite enfance. Le caractère peu abordable pose également un problème en matière de soins de longue durée, puisque la couverture sociale de ces derniers est inégale et globalement limitée, ce qui rend les soins inabordables pour de nombreuses personnes. Environ un tiers des ménages ayant besoin de soins de longue durée n’ont pas recours aux services de soins à domicile parce qu’ils ne peuvent pas se le permettre, et de nombreuses personnes ayant besoin de soins de longue durée et leur famille sont confrontées à des coûts directs élevés. De ce fait, bon nombre d’entre eux sont exposés au risque de pauvreté monétaire et de difficultés financières s’ils commencent à avoir besoin de soins de longue durée.

Rendre les services de soins accessibles, c’est permettre aux personnes qui ont besoin de soins (et à leurs familles) d’utiliser effectivement les services disponibles, et leur donner les moyens de le faire. À cet effet, il peut être nécessaire d’adapter les installations de manière à permettre l’accès physique des bénéficiaires de soins et aidants handicapés. Les actions relevant de la stratégie en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030 contribueront à améliorer la qualité et l’accessibilité des soins et à soutenir l’autonomie de vie et l’inclusion dans la communauté. En outre, rendre les services accessibles, c’est tenir compte du fait que différents horaires de travail peuvent impliquer un besoin en soins à des heures atypiques, par exemple dans le cas des travailleurs postés ou de nuit. Il importe également que les structures de soins se trouvent à une distance raisonnable et que le trajet pour y accéder soit facile et rapide. La présence de telles installations sur le lieu de travail ou à proximité de celui-ci peut atténuer les difficultés logistiques que rencontrent les parents, en particulier si leur emploi leur impose d’être sur place. Enfin, les parents qui cherchent à inscrire leurs enfants dans des structures d’éducation et d’accueil de la petite enfance, et notamment les familles exposées au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, ne devraient pas se heurter à de lourdes procédures administratives d’inscription, y compris en ligne. De même, il se peut que la complexité excessive de la procédure de demande de prestations soit disproportionnée par rapport au temps et à la capacité dont les personnes ayant besoin de soins disposent pour l’accomplir.

Les zones rurales et reculées et les régions à faible densité de population sont particulièrement touchées par l’absence ou la pénurie de services de soins, en matière tant d’éducation et d’accueil de la petite enfance que de soins de longue durée, en raison des longues distances ou de l’offre limitée en transports publics. L’accès aux solutions de soins de longue durée et leur diversité sont insuffisants, ce qui suscite des préoccupations sur le plan de l’équité. Traditionnellement, les soins sont prodigués soit de manière non professionnelle (généralement par des membres de la famille ou des amis, très majoritairement des femmes), soit dans des établissements résidentiels. D’autres options, telles que les soins à domicile et les soins de proximité, ont commencé à se développer dans l’UE, quoique de manière inégale.

2.1. Éducation et accueil des jeunes enfants

Le principe 11 du socle européen des droits sociaux reconnaît le droit des enfants à des services d’éducation et d’accueil de la petite enfance abordables et de qualité. La recommandation du Conseil relative à des systèmes de qualité pour l’éducation et l’accueil de la petite enfance 6 soutient les États membres dans leurs efforts visant à améliorer l’accès aux systèmes d’éducation et d’accueil de la petite enfance et leur qualité, et les encourage à adopter un cadre de qualité. La stratégie de l’UE sur les droits de l’enfant 7 et la garantie européenne pour l’enfance 8 constituent un nouveau cadre politique global de l’UE destiné à protéger les droits de tous les enfants et à garantir l’accès aux services de base pour les enfants en situation de vulnérabilité ou issus de milieux défavorisés. En particulier, la garantie européenne pour l’enfance vise à faire en sorte que tous les enfants d’Europe exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale disposent d’un accès gratuit et effectif à des services de qualité en matière d’éducation et d’accueil de la petite enfance. Elle impose aux États membres d’élaborer des plans d’action nationaux pour concrétiser ces objectifs.

Dans le cadre du Semestre européen, l’UE examine les progrès réalisés en matière d’éducation et d’accueil de la petite enfance, le lien entre l’accueil des enfants et la participation des femmes au marché du travail et les progrès en matière d’inclusion sociale, notamment pour les enfants issus de milieux défavorisés. Elle soutient les réformes et les investissements des États membres au moyen de fonds de l’UE.

En 2002, le Conseil européen a fixé les objectifs de Barcelone 9 , qui visent à éliminer les freins à la participation des femmes au marché du travail en augmentant l’offre de services de garde d’enfants. Au cours des 20 dernières années, des progrès considérables ont été accomplis, et les objectifs initiaux ont en moyenne été atteints au niveau de l’UE. Il subsiste néanmoins des différences importantes entre les États membres, nombre d’entre eux n’ayant pas atteint les objectifs, en particulier dans le cas du groupe des enfants les plus jeunes et des enfants issus de milieux défavorisés. La Commission propose donc de réviser les objectifs de Barcelone afin de fixer de nouveaux objectifs, ambitieux mais réalistes, et de stimuler une convergence vers le haut dans l’ensemble de l’UE, garante de progrès authentiques dans tous les États membres et régions.

Graphique 1: Taux d’inscription des enfants de moins de 3 ans dans les structures d’éducation et d’accueil de la petite enfance (objectif actuel 33 %, données EU-SILC 2019)

Graphique 2: Taux d’inscription des enfants de plus de 3 ans dans les structures d’éducation et d’accueil de la petite enfance (objectif actuel 90 %, données EU-SILC 2019)

La révision proposée des objectifs de Barcelone apporte de nouvelles dimensions: 1) la participation des enfants exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale et 2) l’intensité du temps de participation à l’éducation et à l’accueil de la petite enfance (c’est-à-dire le nombre d’heures de fréquentation par semaine).

Ces nouveaux aspects sont particulièrement importants pour les enfants en situation de vulnérabilité ou issus de milieux défavorisés et pour leur famille. Cela inclut notamment les enfants handicapés, les enfants exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, les enfants issus de familles sans abri, les enfants roms 10 et issus de groupes minoritaires, les enfants issus de l’immigration, les enfants réfugiés et les enfants fuyant un conflit armé. Le fait d’encourager la participation à l’éducation et à l’accueil de la petite enfance est dans l’intérêt supérieur de l’enfant et de ses perspectives de vie, l’objectif étant de promouvoir l’inclusion sociale et de briser le cercle vicieux de l’inégalité. Dans le même temps, au sein des ménages à faibles revenus, les mères peuvent avoir plus de mal à trouver un emploi si elles ont des compétences ou une expérience professionnelles de faible niveau ou obsolètes. Elles peuvent également être confrontées à des facteurs qui les dissuadent de (ré)intégrer le marché du travail, tels que des frais de garde d’enfants relativement élevés ou des freins éventuels liés au système d’imposition et de prestations sociales. En faisant en sorte que davantage d’enfants issus de ménages à faibles revenus fréquentent les structures d’éducation et d’accueil de la petite enfance, on peut donc également avoir une incidence positive sur le retour de leurs mères au travail.

Il convient que les services d’éducation et d’accueil de la petite enfance soient disponibles pendant un nombre d’heures suffisant pour permettre aux parents, et en particulier aux mères, de s’investir réellement dans un travail rémunéré. Une très faible intensité en matière d’éducation et d’accueil de la petite enfance ne permet pas de maintenir un lien solide avec le marché du travail. Il faut donc évaluer la progression de l’offre de services d’éducation et d’accueil de la petite enfance dans les États membres en tenant compte à la fois de la participation globale et du nombre d’heures de garde d’enfants, étant donné que ces éléments sont révélateurs de différents aspects.

L’un des moyens de garantir une offre adéquate de services d’éducation et d’accueil de la petite enfance est d’établir un droit légal à ces services, en vertu duquel les pouvoirs publics garantissent une place à tous les enfants dont les parents en font la demande. Ce droit légal existe dans la plupart des États membres, mais l’âge à partir duquel il s’applique varie considérablement. Idéalement, il ne devrait pas y avoir de marge entre la fin d’un congé familial correctement rémunéré et le droit légal à une place dans une structure d’éducation et d’accueil de la petite enfance.

Les responsabilités familiales à l’égard des enfants ne cessent pas lorsque ceux-ci entrent à l’école primaire. Lorsque les horaires de travail des parents ne sont pas compatibles avec les horaires de l’école, l’existence de structures d’accueil extrascolaires abordables et de qualité joue un rôle important pour les enfants. Ces structures pourraient englober d’autres services de soutien, tels que l’aide aux devoirs, en particulier pour les enfants issus de milieux défavorisés. En outre, il convient que les enfants grandissent, jouent et nouent des liens sociaux dans des environnements qui favorisent un mode de vie sain à tous points de vue.

Parallèlement à la présente stratégie, la Commission présente une proposition de recommandation du Conseil sur la révision des objectifs de Barcelone, qui invite les États membres:

— à atteindre les objectifs révisés en matière de participation à l’éducation et à l’accueil de la petite enfance d’ici à 2030: au moins 50 % des enfants de moins de trois ans et au moins 96 % des enfants ayant entre trois ans et l’âge de la scolarité primaire obligatoire devraient participer aux systèmes d’éducation et d’accueil de la petite enfance, ce dernier objectif étant conforme à celui de l’espace européen de l’éducation;

— à assurer un nombre suffisant d’heures d’éducation et d’accueil de la petite enfance pour permettre aux parents de s’investir réellement dans un travail rémunéré;

— à combler l’écart de fréquentation des services d’éducation et d’accueil de la petite enfance entre les enfants exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale et l’ensemble de la population des enfants;

— à prendre des mesures pour améliorer la qualité, l’accessibilité et le caractère abordable de services d’éducation et d’accueil de la petite enfance inclusifs pour tous les enfants et à mettre en place un droit légal à l’éducation et à l’accueil de la petite enfance, en tenant compte de la disponibilité et de la durée d’un congé familial correctement rémunéré;

— à améliorer les conditions de travail du personnel des structures d’éducation et d’accueil de la petite enfance, tout en prenant des mesures pour améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et en comblant l’écart entre les hommes et les femmes en matière de soins.

 

La Commission:

— continuera à soutenir fermement les États membres dans leurs efforts individuels pour concevoir et mettre en œuvre des réformes dans le domaine de l’éducation et de l’accueil de la petite enfance au moyen du cadre stratégique de l’espace européen de l’éducation et de l’instrument d’appui technique, notamment pour garantir l’accessibilité, le caractère abordable, la qualité et le caractère inclusif des services d’éducation et d’accueil de la petite enfance, ainsi que la mise en place de systèmes de suivi et d’évaluation solides. Elle continuera de suivre et de guider l’action des États membres en la matière dans le cadre du Semestre européen grâce à une analyse et à un soutien ciblés, ainsi qu’à la promotion et à la facilitation de l’échange de bonnes pratiques, de l’apprentissage mutuel et des activités de renforcement des capacités techniques.

2.2. Soins de longue durée

Plusieurs instruments et initiatives au niveau de l’UE jettent les bases d’une vision stratégique commune des soins de longue durée dans l’Union. La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reconnaît le droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante et à participer à la vie sociale et culturelle. Elle consacre le droit des personnes handicapées à bénéficier de mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la communauté. Le principe 18 du socle européen des droits sociaux énonce le droit d’accéder à des services de soins de longue durée abordables et de qualité, en particulier des services de soins à domicile et des services de proximité. La Commission aide les États membres à relever les défis associés aux soins de longue durée en menant des travaux d’analyse communs et en favorisant les échanges de bonnes pratiques et l’apprentissage mutuel. Elle suit l’évolution des politiques dans le cadre du Semestre européen et soutient les réformes et les investissements grâce aux financements de l’UE. 

Toutefois, l’UE doit mieux cibler son action pour stimuler la réforme des politiques. Les services de soins de longue durée sont souvent inadaptés aux besoins, en plus d’être inabordables et de ne pas respecter des normes de qualité élevées. En outre, d’importants problèmes subsistent en ce qui concerne le respect des principes d’égalité, de liberté de choix, de droit à une autonomie de vie et d’interdiction de toute forme de ségrégation pour les personnes ayant besoin de soins de longue durée. Les conditions de travail dans le secteur des soins sont difficiles et les salaires sont bas, ce qui explique en partie les pénuries de personnel dans ce secteur. Afin de contribuer à éliminer ces faiblesses structurelles, la Commission propose une recommandation du Conseil établissant un cadre d’action global pour orienter les investissements et les réformes dans le domaine des soins de longue durée, ainsi que plusieurs mesures de soutien supplémentaires.

Parallèlement à cette stratégie, la Commission présente une proposition de recommandation du Conseil sur les soins de longue durée, qui invite les États membres à prendre des mesures pour répondre aux problématiques communes en matière de soins de longue durée. En particulier, la proposition de recommandation:

— encourage les États membres à renforcer la protection sociale à l’égard des soins de longue durée et à améliorer le caractère adéquat, la disponibilité et l’accessibilité des services de soins de longue durée;

— présente un ensemble de principes de qualité et d’orientations en matière d’assurance de la qualité, en s’appuyant sur les travaux déjà menés par le comité de la protection sociale dans ce domaine;

— demande que des mesures soient prises pour améliorer les conditions de travail ainsi que les possibilités de perfectionnement et de reconversion professionnels dans le secteur des soins, tout en soulignant la contribution significative des aidants non professionnels et leur besoin de soutien;

— définit plusieurs principes de bonne gouvernance des politiques et de financement durable.

En matière de soins, il faut adopter une approche stratégique et intégrée. Les approches axées sur la personne et propices à une autonomie de vie font souvent défaut, et leur absence est exacerbée par une intégration insuffisante entre les soins de longue durée et les soins de santé ou entre les soins non professionnels, les soins à domicile, les soins de proximité et les soins résidentiels. Lorsque l’on veut mettre l’accent sur les personnes, on doit offrir un choix de services répondant à leurs besoins et améliorer la transition des soins en institution vers les soins à domicile et les services de proximité. Des services de soins de longue durée bien intégrés aux soins de santé et proposant de bonnes solutions, y compris aux personnes en soins palliatifs, améliorent la qualité de vie et les résultats en matière de santé, et ils peuvent favoriser un bon rapport coût-efficacité tout en contribuant à réduire la charge pesant sur les hôpitaux et les autres établissements de soins de santé. Une aide ciblée fournie par des experts peut aider les États membres à concevoir et à mettre en œuvre des approches intégrées en matière de soins qui profitent à la fois aux systèmes de soins de longue durée et aux systèmes de soins de santé.

La transition numérique offre également de multiples possibilités. Bien que la technologie ne puisse ni ne doive remplacer l’interaction humaine, qui est au cœur des activités de soins, des solutions numériques innovantes telles que les technologies de l’information et de la communication, les technologies d’assistance, la téléassistance, la télésanté, l’intelligence artificielle et la robotique peuvent améliorer l’accès à des services de soins abordables et de qualité et favoriser l’autonomie de vie. Ces solutions sont également susceptibles d’améliorer la productivité de la main-d’œuvre dans le secteur en se substituant aux aidants professionnels dans l’accomplissement de certaines tâches laborieuses ou dangereuses, en améliorant la gestion des dossiers ainsi que la sécurité et la santé au travail, en contribuant à la surveillance à distance des bénéficiaires de soins et en facilitant la formation et le recrutement des aidants professionnels. Les investissements dans ces technologies doivent aller de pair avec des investissements dans les compétences numériques, la suppression des obstacles à l’accessibilité pour les personnes handicapées et l’amélioration de la connectivité dans les zones rurales et reculées.

La Commission soutient un large éventail de travaux de recherche et d’innovation ayant trait aux outils numériques pour une vie active et saine et aux soins intégrés et centrés sur la personne. Les politiques européennes encouragent la transformation numérique, y compris la numérisation des services publics tout au long de la décennie numérique de l’Europe, et des services publics numériques inclusifs et accessibles aux personnes handicapées. La proposition de création d’un espace européen des données de santé 11 vise à donner aux personnes les moyens de transmettre leurs propres données de santé aux prestataires de soins de leur choix en vue d’améliorer la fourniture des soins de santé. Bien que de nombreuses pratiques portent leurs fruits et que les innovations ne cessent de se multiplier dans ce secteur, l’utilisation accrue de technologies innovantes et de solutions numériques pour les soins nécessite la mise en place d’un cadre propice au transfert de bonnes pratiques.

Les réformes peuvent également être soutenues par la coopération internationale. La pandémie de COVID-19 et les défis démographiques ont placé les soins de longue durée en tête des priorités d’action mondiales. L’expertise disponible au niveau international peut renforcer l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes, y compris au niveau de l’UE. L’«appel mondial à l’action en vue d’une reprise centrée sur l’humain qui soit inclusive, durable et résiliente pour sortir de la crise du COVID-19» lancé par l’Organisation internationale du travail (OIT) en 2021 a mis en évidence les perspectives considérables en matière de travail décent dans l’économie des soins. Il a souligné la nécessité d’investir dans le secteur des soins, de remédier au problème du manque de ressources et d’améliorer les conditions de travail. Les travaux de l’OIT sur la protection sociale et les conditions de travail des aidants professionnels, dont les prestataires à domicile et les prestataires logés à domicile, fournissent une bonne base pour l’analyse des problématiques du secteur dans le monde entier et des normes internationales pertinentes. Les soins intégrés et les soins de longue durée sont également au cœur des actions déployées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans le cadre de la décennie des Nations Unies pour le vieillissement en bonne santé. Une coordination étroite entre les États membres peut contribuer à accroître le retentissement de ces initiatives et faire en sorte que l’UE joue un rôle plus important dans la résolution des problématiques démographiques mondiales. Les travaux d’analyse de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) soutenus par la Commission et visant à mesurer l’efficacité de la protection sociale peuvent également contribuer à orienter l’élaboration de politiques solides pour accroître la protection sociale liée aux soins de longue durée.

La Commission:

— offrira aux États membres un soutien technique direct au titre de l’instrument d’appui technique dans le cadre d’un nouveau projet phare intitulé «Vers des soins intégrés centrés sur la personne». Ce soutien vise à faciliter les réformes conformément à la proposition de recommandation du Conseil relative à l’accès à des soins de longue durée abordables et de qualité. Le projet phare aidera les États membres, sur demande, à concevoir et à mettre en œuvre des réformes visant à renforcer la coordination entre les soins de santé, les soins sociaux et les soins de longue durée et l’intégration des différents niveaux de prestation de soins, en plaçant la personne au centre des services afin de garantir un meilleur accès aux soins et une meilleure qualité des soins à tous les stades de la vie;

— financera, dans le cadre du futur partenariat Horizon Europe sur la transformation des systèmes de santé et de soins, un pôle de connaissances sur les technologies innovantes et/ou les solutions numériques dans le domaine des prestations de santé et de soins. Ce pôle soutiendra l’évaluation et la transférabilité des bonnes pratiques et servira d’espace d’échange et de renforcement de la communauté. En complément, un financement de la recherche et de l’innovation en faveur des soins centrés sur la personne et de l’adoption de solutions numériques sera disponible dans le cadre du programme Horizon Europe et du programme pour une Europe numérique;

— mettra en place un partenariat stratégique avec l’OMS en vue d’apporter un soutien spécifique à chaque pays pour concevoir et mettre en œuvre des politiques pour des soins de longue durée de qualité, y compris au moyen de services de soins intégrés. Celles-ci seront complétées par un répertoire de connaissances en libre accès et un soutien aux échanges interdisciplinaires des parties prenantes.

La Commission invite:

— les États membres, les partenaires sociaux et la société civile à exploiter le potentiel des solutions numériques et à intégrer celles-ci lors de la conception, de la mise en œuvre et du suivi des politiques en matière de soins et du financement connexe.

3. Stimuler la résilience et une représentation plus équilibrée des hommes et des femmes dans le secteur des soins

3.1. Améliorer les conditions de travail dans le secteur des soins

Le secteur des soins a un fort potentiel de création d’emplois, notamment en raison du vieillissement de la population. Pour maintenir la couverture des soins de longue durée au même niveau, il faudrait recruter plus de 1,6 million de prestataires de soins de longue durée d’ici à 2050. Afin de répondre à la demande croissante de soins, le secteur doit non seulement retenir le personnel, mais aussi attirer davantage de travailleurs possédant les compétences requises.

Graphique 3: Nombre de prestataires de soins de longue durée (en équivalent temps plein) pour 100 personnes âgées de 65 ans et plus, 2019

Source: enquête sur les forces de travail de l’UE, 2019, Barslund, M. et al., 2021.

Toutefois, les pénuries de main-d’œuvre dans l’UE sont de plus en plus marquées, y compris dans le contexte de la reprise du marché du travail après la pandémie. Elles sont le reflet de problématiques structurelles telles que le vieillissement, la double transition que représentent le passage au numérique et la lutte contre la crise climatique, les mauvaises conditions de travail dans certains secteurs et certaines professions, ou encore les pénuries de compétences. Le secteur des soins est particulièrement touché par les pénuries de main-d’œuvre en raison des conditions de travail souvent difficiles et des bas salaires.

Étant donné que le secteur des soins est l’un des plus touchés par la ségrégation de genre, le fait d’attirer une main-d’œuvre plus diversifiée, en particulier en embauchant davantage d’hommes, peut contribuer à réduire la ségrégation sur le marché du travail et à lutter contre les stéréotypes sexistes à tous les niveaux de soins. Si le potentiel de création d’emplois est plus élevé dans les zones rurales, où les populations sont en moyenne plus âgées, les pénuries de main-d’œuvre y sont également plus marquées, étant donné que la population en âge de travailler y est plus restreinte et que les femmes, en particulier, ont tendance à en partir 12 .

L’amélioration des conditions de travail et des salaires, soutenue par un dialogue social fort, l’éducation et la formation, rendra plus attrayants les emplois dans le secteur des soins. Il convient que les prestataires de soins de longue durée et les professionnels de l’éducation et de l’accueil de la petite enfance, y compris ceux qui travaillent par l’intermédiaire de plateformes de travail numériques, puissent exercer effectivement leurs droits sociaux et leurs droits du travail, quel que soit leur type d’emploi ou leur statut (salarié ou indépendant). Offrir aux aidants professionnels des possibilités d’évolution de carrière grâce à la reconversion et au perfectionnement professionnels, c’est accroître la résilience du secteur face aux chocs imprévus, tels que la pandémie de COVID-19, et aider les travailleurs à progresser dans leur carrière. Grâce à de meilleures conditions de travail, la profession va aussi attirer davantage de personnes, dont des hommes, ce qui améliorera l’équilibre entre les hommes et les femmes dans le secteur.

Les aidants professionnels sont essentiels pour répondre aux besoins de la société en matière de soins, mais leur travail n’est pas apprécié à sa juste valeur. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence une inadéquation entre le niveau de rémunération et la valeur essentielle du travail de soins. La faible rémunération peut également découler de stéréotypes sexistes selon lesquels les compétences non techniques requises pour les soins, telles que la communication, l’empathie ou la coopération, seraient des compétences naturellement féminines qui ne sont pas dûment reconnues dans la valeur économique du travail accompli des femmes 13 . Les défis liés au caractère abordable des soins peuvent exercer une pression à la baisse sur les salaires. Étant donné la grande proportion de femmes travaillant dans le secteur, l’augmentation des salaires pourrait contribuer à réduire l’écart salarial global entre les hommes et les femmes et, partant, l’écart de retraite.

Le secteur des soins a besoin de meilleurs processus de dialogue social au niveau national comme au niveau de l’UE. Les services sociaux, dont l’éducation et l’accueil de la petite enfance et les soins de longue durée, constituent un grand secteur économique. Or, pour diverses raisons, parmi lesquelles la prévalence de l’emploi irrégulier dans ce secteur, nombreux sont les prestataires de soins de longue durée qui ne sont pas représentés par des processus de dialogue social, et ce, dans bien des États membres. Cela peut créer un cercle vicieux, dans lequel les conditions de travail défavorables et les bas salaires se traduisent par des taux de rotation élevés chez les aidants professionnels, raison pour laquelle ces travailleurs sont moins représentés et l’urgence d’améliorer les conditions de travail ne se fait pas sentir. Un dialogue social et des négociations collectives efficaces, entre autres au niveau de l’UE, peuvent contribuer à résoudre les problèmes de main-d’œuvre dans le secteur des soins.

D’autres initiatives de l’UE contribuent à améliorer la situation des aidants professionnels. La stratégie européenne en matière de compétences 14 , en particulier par l’intermédiaire des partenariats du pacte pour les compétences, présente un fort potentiel pour soutenir le perfectionnement et la reconversion professionnels dans le secteur des soins. La législation de l’UE relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles 15 et aux salaires minimaux profite aux aidants dans l’ensemble de l’UE. Le cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2021-2027 16 définit des actions visant à améliorer la santé et la sécurité des travailleurs. À la suite de la recommandation du Conseil relative à l’accès à la protection sociale 17 , les États membres se sont engagés à étendre l’accès aux systèmes de protection sociale aux travailleurs occupant des formes d’emploi atypiques, dont les personnes travaillant à temps partiel. La Commission a également présenté des propositions législatives sur l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme 18 et le renforcement de la transparence des rémunérations 19 , qui, une fois adoptées par le Parlement européen et le Conseil, pourraient contribuer à améliorer les conditions de travail dans le secteur.

Il n’en reste pas moins que des rapports récents et la pandémie de COVID-19 ont mis en évidence la difficulté des conditions de travail dans le secteur des soins de longue durée. Les aidants professionnels sont régulièrement exposés à des risques pour la santé sur le plan tant physique que psychologique. Les comportements sociaux éprouvants, dont la violence verbale et physique, l’intimidation et le harcèlement sexuel, sont un problème fréquent, qui touche en particulier les prestataires de soins de longue durée. Les contrats atypiques et l’expansion constante du travail via une plateforme jouent un rôle de plus en plus important dans le secteur des soins. Cela pose des problèmes tels que l’accès limité des aidants à la protection sociale, aux droits des travailleurs et à une santé et une sécurité au travail adéquates. Il faut examiner en détail les lacunes dans l’application du cadre juridique de l’UE en ce qui concerne les conditions de travail dans le secteur des soins de longue durée. La convention nº 190 de l’OIT et la recommandation nº 206 qui l’accompagne fournissent un cadre international pour prévenir, réparer et éliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail. En outre, étant donné que l’économie sociale repose sur des acteurs qui sont d’importants prestataires de services de soins de longue durée et sur un modèle de gouvernance participative, on peut mener des recherches approfondies sur sa contribution à l’amélioration des conditions de travail dans le secteur des soins.

Les conditions de travail des prestataires à domicile, dont beaucoup sont des femmes et qui sont souvent issus de l’immigration, comptent parmi les plus mauvaises auxquelles est confrontée la main-d’œuvre du secteur des soins de longue durée. Ces prestataires travaillent fréquemment au noir ou en tant que faux indépendants, perçoivent des salaires extrêmement bas et se voient parfois privés de certains droits fondamentaux du travail, comme des périodes de repos et une rémunération adéquates. La convention nº 189 de l’OIT établit des normes prévoyant des conditions de travail décentes pour les prestataires à domicile, y compris les prestataires logés à domicile, mais la ratification est à la traîne, seuls huit États membres de l’UE ayant franchi le pas.

La Commission:

— continuera, en collaboration avec les partenaires sociaux, à étudier les modalités de mise en place d’un nouveau dialogue social sectoriel pour les services sociaux au niveau de l’UE;

— proposera d’accroître le soutien au renforcement des capacités en matière de dialogue social au niveau national dans le secteur des soins au moyen d’appels à propositions relatifs au dialogue social et de financements du Fonds social européen plus;

— financera des projets dans le cadre du programme «Citoyens, égalité, droits et valeurs» afin de définir des critères permettant de mesurer la valeur sociale et économique du travail dans différents secteurs, parmi lesquels le secteur des soins;

réexaminera l’application des normes de l’UE régissant les conditions de travail, y compris pour les prestataires logés à domicile, en coopération avec les agences décentralisées de l’UE. Le réexamen s’appuiera sur l’analyse à venir de la sécurité et de la santé au travail dans le secteur de la santé et des soins de longue durée. Les conclusions du réexamen alimenteront les débats et soutiendront une meilleure exécution de la législation au niveau national, en étant éventuellement étayées par des orientations sur l’amélioration des conditions de travail dans le secteur des soins de longue durée;

— exploitera toutes les possibilités de financer les recherches menées dans le cadre d’Horizon Europe sur les conditions de travail dans l’économie sociale, y compris dans le secteur des soins.

La Commission invite:

— les États membres et les partenaires sociaux au niveau de l’UE et au niveau national à favoriser un dialogue social efficace et à conclure des conventions collectives pour le secteur des soins dans le but d’offrir aux aidants professionnels des conditions de travail équitables et des salaires adéquats;

— les États membres à combler les lacunes dans la mise en œuvre et l’application de l’acquis de l’UE en matière de droit du travail et de conditions de travail dans le secteur des soins, ainsi qu’à ratifier et à mettre en œuvre la convention nº 189 de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques. Elle invite également les États membres à prendre des mesures pour formaliser et réglementer la situation spécifique des prestataires à domicile et des prestataires logés à domicile;

— les États membres à lutter contre les risques sur le lieu de travail associés à la violence et au harcèlement dans le secteur des soins et à adopter la décision du Conseil autorisant les États membres à ratifier la convention nº 190 de l’OIT sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail.

La migration légale peut être un moteur essentiel pour remédier aux pénuries de main-d’œuvre. Déjà aujourd’hui, nombre de personnes originaires de pays tiers travaillent dans le secteur des soins. Or, les aidants professionnels migrants travaillent souvent au noir ou dans des conditions précaires. La communication intitulée «Attirer des compétences et des talents dans l’UE» 20 souligne que, en proposant des voies d’accès légales et durables pour travailler dans le secteur des soins, on permettrait à la fois aux aidants professionnels venus de pays tiers d’entamer une carrière dans l’UE et aux pays de l’UE de mieux répondre à leur demande en matière d’emploi. Ces possibilités peuvent également être précieuses pour les personnes fuyant l’agression russe en Ukraine, en particulier les aidants professionnels expérimentés qui souhaitent chercher un emploi pendant qu’ils résident dans l’UE. Il est nécessaire d’évaluer si et dans quelle mesure les outils de l’UE pourraient contribuer à améliorer l’admission des aidants professionnels migrants dans l’UE, dans l’intérêt mutuel de tous les États membres et des pays d’origine, tout en garantissant le recrutement éthique des migrants.

Les possibilités de perfectionnement et de reconversion professionnels amélioreront l’attractivité et la qualité des activités de soins. Pour améliorer la qualité de l’offre de soins et réduire la rotation du personnel, il faudra veiller à ce que tous les types de prestataires de soins puissent participer à la fois à un enseignement et une formation initiaux de qualité et à des programmes de perfectionnement professionnel continu tout au long de leur carrière. La plupart des prestataires de soins de longue durée possèdent un niveau de qualification moyen, et les compétences requises évoluent constamment et deviennent de plus en plus complexes. Le secteur a besoin de travailleurs possédant des compétences non techniques, des compétences numériques et des connaissances spécialisées (par exemple sur certains types de maladies telles que la maladie d’Alzheimer ou les maladies chroniques, ou sur les méthodes de diagnostic et de traitement, par exemple par téléassistance).

La Commission:

— lancera, d’ici la fin de 2022, une étude recensant les conditions d’admission et droits actuels des prestataires de soins de longue durée originaires de pays tiers dans les États membres. La Commission étudiera également la valeur ajoutée et la faisabilité de la mise en place, au niveau de l’UE, de programmes visant à attirer des aidants professionnels, en tenant compte de la dimension éthique de ces programmes, comme indiqué dans l’initiative «Attirer des compétences et des talents dans l’UE». Il serait également possible de mettre en place des partenariats destinés à attirer les talents dans plusieurs secteurs économiques, dont celui des soins de longue durée, sur la base de la demande, tout en gardant à l’esprit les risques de fuite des cerveaux;

— promouvra les possibilités offertes au personnel de l’éducation et de l’accueil de la petite enfance dans le cadre des programmes Erasmus+ de développer en permanence leurs compétences professionnelles par la conception de programmes d’éducation et d’accueil de la petite enfance, de méthodes d’enseignement innovantes et de nouveaux supports d’apprentissage pour les enfants;

— promouvra la mise en place d’un partenariat pour les compétences au titre du pacte pour les compétences dans le secteur des soins de longue durée. Le partenariat devrait inclure les compétences numériques et le développement de programmes de formation et d’éducation correspondants, dans le contexte de la stratégie européenne en matière de compétences, et s’appuyer sur des synergies avec des partenariats à grande échelle dans des secteurs pertinents (par exemple les soins de santé, les services de proximité et les services sociaux). Les appels lancés dans le cadre du programme Erasmus+ soutiendront la coopération sectorielle en matière de soins de longue durée (par exemple l’alliance pour la coopération sectorielle en matière de compétences);

— prendra des mesures spécifiques sur les compétences numériques dans les secteurs de la santé et des soins dans le cadre du programme pour une Europe numérique , en lançant des appels à propositions pour des cours de master et des formations de courte durée ainsi que dans le cadre du programme de travail «L’UE pour la santé» en offrant des possibilités de formation et de perfectionnement professionnel pour les professionnels de la santé, y compris les infirmiers;

— fera progresser la veille stratégique sur les besoins et tendances actuels et futurs en matière de compétences dans le secteur des soins de longue durée, en étroite coopération avec le CEDEFOP. Ces travaux devraient s’appuyer sur Skills OVATE, l’outil innovant du CEDEFOP permettant d’analyser les offres d’emploi publiées en ligne, et sur la boîte à outils pour la veille du marché du travail.

La Commission invite:

— les États membres et les partenaires sociaux européens et nationaux à prendre des mesures pour faciliter le perfectionnement et la reconversion professionnels des aidants professionnels, conformément à la stratégie européenne en matière de compétences et à ses actions, et notamment au pacte pour les compétences.

3.2. Un meilleur équilibre entre les responsabilités professionnelles et familiales

En investissant dans le secteur des soins, on contribuerait à faire en sorte que les soins non professionnels soient un choix plutôt qu’une nécessité. La prise en charge des proches a une grande valeur sociétale et économique. Par exemple, on estime que la valeur des heures de soins de longue durée assurées par des aidants non professionnels représenterait environ 2,5 % du PIB de l’UE, soit plus que les dépenses publiques consacrées aux soins de longue durée. De plus, les personnes ayant des responsabilités familiales devraient pouvoir choisir dans quelle mesure elles souhaitent combiner soins et travail rémunéré. Elles devraient donc avoir accès à des services leur permettant de concilier leurs responsabilités familiales et leur vie professionnelle.

Le fait de dispenser des soins a des conséquences majeures pour les aidants non professionnels, notamment des effets négatifs sur leurs revenus actuels et futurs et sur leur santé mentale. Les femmes assurent l’essentiel des soins, ce qui les amène souvent à adapter leurs modalités de travail aux responsabilités familiales, par exemple en interrompant leur carrière, en travaillant à temps partiel ou en quittant complètement et prématurément le marché du travail. Cette situation est particulièrement pesante pour les parents isolés, dont la grande majorité sont des femmes. Certains ont la double charge de s’occuper en même temps des enfants et d’autres membres dépendants de leur famille. Avant la pandémie, en 2019, environ un tiers (32,6 %) des femmes inactives âgées de 25 à 49 ans ont indiqué que les responsabilités familiales étaient la raison principale pour laquelle elles ne cherchaient pas d’emploi, contre 7,6 % des hommes inactifs.

Les services de soins sont essentiels pour permettre aux personnes de concilier travail et responsabilités familiales, mais ils ne sont pas suffisants à eux seuls. C’est la raison pour laquelle le principe 9 du socle européen des droits sociaux dispose que les parents et les personnes ayant des responsabilités familiales ont le droit de bénéficier de congés adaptés et de formules de travail flexibles ainsi que de services de garde. Les mesures visant à concilier vie professionnelle et vie privée devraient aider les travailleurs à trouver un équilibre entre leurs responsabilités familiales et leur travail, tandis que les allocations de soins peuvent compenser en partie les heures de soins effectuées. Un meilleur accès aux congés spéciaux et familiaux et aux modalités de travail flexibles, telles que le travail à temps partiel, le télétravail et les horaires flexibles, peut aider les travailleurs à mieux concilier vie professionnelle et vie privée.

L’une des causes profondes de la différence entre le temps que les femmes et les hommes consacrent aux tâches de soins non rémunérées réside dans les stéréotypes sur les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans les sphères privée et professionnelle. On ne peut résoudre ce problème qu’en adoptant une approche transformatrice qui vise à revaloriser les activités de soins et à lutter contre les stéréotypes, de sorte que les hommes et les femmes soient perçus comme étant pareillement capables de prodiguer des soins et d’être des professionnels ou des chefs de file dans le secteur des soins. 

La directive concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée 21 , que les États membres devaient transposer en droit national au plus tard en août 2022, encourage un partage plus égal des responsabilités familiales. Elle introduit des droits non transférables au congé familial et des modalités de travail flexibles tant pour les femmes que pour les hommes. Elle est spécifiquement conçue pour encourager les hommes à exercer ces droits. La directive dispose également que les aidants qui exercent ces droits ne doivent pas faire l’objet d’un traitement défavorable ou d’une discrimination sur le lieu de travail. Il convient que les travailleurs ayant des responsabilités familiales soient au courant des nouveaux droits conférés par la directive et que les employeurs soient encouragés à mettre en place des politiques favorables à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, y compris à la lumière de l’adoption des nouvelles modalités de (télé)travail découlant des circonstances liées à la COVID-19.

L’accès à des services de soutien adéquats et à des mesures destinées aux aidants non professionnels, tels que des conseils, un soutien psychologique ou des services de relève, est souvent rare et inégal. De nombreux aidants non professionnels ne bénéficient pas d’une formation adéquate pour s’occuper d’une personne dépendante, ce qui entraîne parfois des sentiments de surcharge, voire des problèmes de santé mentale (épuisement, etc.). Dans le cas des aidants non professionnels âgés, tout particulièrement, les responsabilités familiales peuvent être pesantes et nuire à leur propre vie saine. Il est possible de promouvoir les bonnes pratiques de soutien aux aidants non professionnels, par exemple en tirant parti de l’expertise de l’Organisation mondiale de la santé. Les politiques visant à donner un cadre légal aux soins non professionnels, par exemple au moyen de contrats de service avec les autorités publiques, peuvent bénéficier aux aidants non professionnels et aux personnes dont ils ont la charge, et contribuer à la reconnaissance et à une meilleure valorisation de l’offre de soins.

La Commission:

— surveillera l’adoption des nouveaux droits prévus par la directive concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, y compris au moyen du cadre de suivi établi par le Comité de l’emploi et le comité de la protection sociale en ce qui concerne l’utilisation du congé familial et des modalités de travail flexibles par les femmes et les hommes ayant des responsabilités familiales;

— lancera une campagne de sensibilisation sur les nouveaux droits conférés par la directive concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée;

— abordera le partage inégal des activités de soins non rémunérées dans sa prochaine campagne de communication sur la lutte contre les stéréotypes sexistes;

— collaborera avec EQUINET pour recenser les mesures permettant de combattre d’éventuels traitements défavorables dans les États membres à l’égard des travailleurs qui prennent un congé familial, y compris par la coopération entre les organismes de promotion de l’égalité et d’autres acteurs;

— soutiendra les dispositifs qui mettent en avant les pratiques favorables à la vie de famille dans les entreprises, encouragent les femmes et les hommes à exercer leurs nouveaux droits et promeuvent le rôle des hommes dans les responsabilités familiales ou en matière de soins dans le cadre du programme «Citoyens, égalité, droits et valeurs»;

— facilitera une meilleure utilisation et une meilleure diffusion des outils et des supports de formation de l’OMS sur les mesures de soutien mises à la disposition des aidants non professionnels.

La Commission invite les États membres:

— à combattre les stéréotypes sexistes et à promouvoir un partage plus égal des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes;

— à concevoir des mesures de soutien pour les aidants non professionnels, par exemple des services de conseil, un soutien psychologique, des services de relève et/ou un soutien financier adéquat, qui ne dissuadent pas de participer au marché du travail, ainsi que des politiques visant à donner un cadre légal aux soins non professionnels.

4. Investir dans les soins

Les dépenses publiques en matière de soins varient considérablement d’un État membre à l’autre. Cela s’explique par le fait que l’organisation, la qualité et la valeur de la prestation de soins sont envisagées de diverses manières et que, dans le cas des soins de longue durée, le poids accordé aux soins professionnels et aux soins non professionnels n’est pas le même selon les pays.

On estime que, parmi les postes de dépenses publiques liées au vieillissement, c’est celui des soins de longue durée qui augmentera le plus rapidement, pour atteindre 2,5 % du PIB d’ici à 2050, avec de grandes différences entre les États membres 22 .

Le soutien public au secteur des soins est un investissement social qui, parallèlement à l’action en faveur d’un financement pérenne, apporte de multiples bénéfices aux individus, à la société et à l’économie. Accroître les investissements dans les soins a une incidence positive sur le développement des enfants ainsi que sur le bien-être et la dignité des bénéficiaires des soins, contribue à l’équité sociale et à l’égalité de genre, favorise la participation des femmes au marché du travail et stimule la création d’emplois. Il ressort de recherches récentes 23 que les investissements dans les soins peuvent générer des cotisations fiscales et sociales supplémentaires, en raison des emplois créés ainsi que de la participation accrue des femmes au marché du travail. Globalement, les recettes fiscales tirées de la hausse du volume des revenus et de l’emploi augmenteraient, ce qui ramènerait le besoin de financement total des mesures de la politique de soins de santé de 3 % du PIB (avant impôts) à un montant net de 2 % du PIB (après impôts) 24 . D’après l’OIT, les États membres peuvent en moyenne récupérer environ 55 % du montant de leurs investissements dans le secteur des soins. Ce taux varie notamment suivant les sommes à investir, la demande de main-d’œuvre dans l’État membre concerné et le niveau d’imposition.

Tirer tout le parti des mesures de prévention ou d’intervention précoce peut favoriser la pérennité des budgets publics. La promotion de la santé, la prévention des maladies, les soins de santé de qualité et dispensés au bon moment ainsi que les mesures axées sur un mode de vie sain sont autant d’activités fortement susceptibles de retarder ou de réduire la nécessité de soins de santé ou de longue durée, tout en permettant aux personnes âgées de rester chez elles le plus longtemps possible.

En outre, le manque d’investissements dans les soins de longue durée et la prévention risque de se répercuter sur les budgets des retraites, de l’assistance sociale et des soins de santé. L’initiative «Vivre ensemble en bonne santé» et le plan européen pour vaincre le cancer portent sur la prévention, le traitement et la prise en charge des maladies non transmissibles, afin que les patients puissent mener une vie longue et épanouissante et qu’il soit remédié aux problèmes rencontrés par les familles et par les aidants.

Il est possible d’améliorer la pérennité budgétaire des services de soins en faisant en sorte qu’ils soient d’un bon rapport coût-efficacité. Il est possible d’améliorer le rapport coût-efficacité en créant un cadre de gouvernance cohérent et intégré, en assurant un suivi continu et en veillant à ce que les ressources disponibles soient bien ciblées (notamment en faveur de l’autonomie de vie, dans le cas des soins de longue durée) et à ce que les services répondent aux besoins de la personne. Pour ce faire, il peut être utile de cartographier les infrastructures et les services disponibles et d’établir une analyse des lacunes, tout en tenant compte des inégalités territoriales et des enjeux démographiques. Des solutions innovantes et intégrées en matière de soins et l’utilisation éthique des nouvelles technologies dans le domaine des soins peuvent également renforcer la pérennité budgétaire des systèmes de soins de longue durée ou de soins de santé.

Les prestataires de soins ont besoin de mécanismes de financement stables et durables ainsi que d’environnements réglementaires clairs et propices. Au vu de leur fonction sociale évidente, les services de soins de longue durée sont un bien public. Lorsqu’ils sont fournis par des organismes publics ou des associations, les services de soins de longue durée sont généralement considérés comme des services sociaux d’intérêt général. Les investissements tant publics que privés dans les soins de longue durée devraient s’inscrire dans un environnement réglementaire clair, assorti de normes de qualité élevées, qui tienne compte de la valeur sociale des services de soins, de la nécessité de respecter les droits fondamentaux des personnes ayant besoin de soins et de l’impératif d’offrir des salaires et des conditions de travail équitables aux prestataires de soins. Un soutien accru aux prestataires de soins régionaux ou locaux peut créer des emplois et donner des moyens d’agir à l’échelon local.

Les acteurs de l’économie sociale apportent une valeur ajoutée à la fourniture de services de soins de qualité grâce à leur démarche centrée sur la personne et au réinvestissement de leurs bénéfices dans leurs activités et à l’échelon local. Comme le préconise le plan d’action pour l’économie sociale 25 , les cadres stratégiques et juridiques devraient créer un environnement propice à une contribution optimale de l’économie sociale aux services de soins. Le recours systématique à des marchés publics socialement responsables pourrait faciliter la participation de l’économie sociale à la mise en place de normes de qualité élevée dans le domaine des soins et à l’offre de conditions de travail équitables. Le rapport à paraître du groupe de haut niveau sur l’avenir de la protection sociale et des États-providence dans l’UE fournira plus d’indications sur le financement durable et sur le rôle des services sociaux dans les États-providence.

Il est nécessaire d’accroître les investissements publics comme privés à l’échelon national, et le financement de l’Union peut concourir à la réalisation de cet objectif. Les États membres peuvent mettre à profit les possibilités de financement de l’UE telles que le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen plus (FSE+) et son volet relatif à l’emploi et à l’innovation sociale, le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), le Fonds pour une transition juste, le programme Horizon Europe et le programme pour une Europe numérique. En outre, la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) peut financer des réformes et des investissements admissibles dans le contexte de la reprise à l’issue de la pandémie de COVID-19. L’instrument d’appui technique peut également venir en soutien des réformes et des investissements. Dans le même temps, les États membres devraient mener des politiques en faveur d’un financement pérenne des services de soins qui sont compatibles avec la viabilité globale des finances publiques.

Au cours de la période de programmation 2014-2020, le Fonds social européen (FSE) a appuyé plusieurs actions liées aux soins de longue durée, concernant la reconversion et le perfectionnement professionnels de la main-d’œuvre, l’élargissement de l’accès et de la couverture, le soutien aux services de soins intégrés et l’autonomie de vie, ou encore le vieillissement actif et en bonne santé. Des ressources du FSE ont également été allouées à des projets aux échelons régional et local, visant à améliorer les services de garde d’enfants, à remédier aux problèmes rencontrés par les enfants défavorisés, à faciliter l’accès des parents au marché du travail et à combler les disparités entre les hommes et les femmes en matière d’emploi.

La programmation pour la période 2021-2027 est en cours, et l’accès au FEDER et au FSE+ est subordonné à l’existence de cadres stratégiques nationaux ou régionaux en matière de santé et de soins de longue durée.

La garantie européenne pour l’enfance offre aux États membres la possibilité de mobiliser des fonds du FSE+ en vue de renforcer l’accès à l’éducation et à l’accueil de la petite enfance. Elle peut également servir à accroître la qualité de l’offre dans des environnements professionnels ou non professionnels ainsi qu’à améliorer l’inclusion des enfants handicapés, des enfants exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale et des enfants issus de communautés marginalisées.

Le Feader, qui s’appuie sur les éléments probants et sur les faits pertinents décrits dans la vision à long terme pour les zones rurales, donne également aux États membres la possibilité de favoriser la garde d’enfants et les soins de longue durée en milieu rural.

Le principal objectif du Fonds pour une transition juste est de soutenir les investissements visant à atténuer les répercussions de la transition climatique, mais, lorsque cela est dûment justifié, les plans territoriaux de transition juste peuvent prévoir des activités relevant des domaines de l’éducation et de l’inclusion sociale, y compris des investissements dans les infrastructures destinées aux centres de formation et aux structures d’accueil des enfants ou de soins à long terme, comme indiqué dans les plans territoriaux de transition juste.

La FRR offre aux États membres une grande latitude pour financer des réformes et des investissements en matière de résilience sociale. Un grand nombre d’États membres 26 ont mobilisé la FRR en faveur du secteur des soins de longue durée. Les réformes entreprises dans le cadre des plans pour la reprise et la résilience concernent notamment le renforcement du système de soins de longue durée et la promotion d’un changement du modèle de soutien et de soins de longue durée, l’accroissement des ressources humaines et des capacités d’infrastructure pour la fourniture de services de soins de longue durée, mais aussi la formation ainsi que la reconversion et le perfectionnement professionnels des prestataires des soins de longue durée. Des réformes supplémentaires devraient également améliorer la fourniture de soins de longue durée en modernisant ou en élargissant les services sociaux, dont les services de proximité, et en accroissant la viabilité budgétaire à long terme des systèmes de soins de longue durée. Sur les 25 plans adoptés au 20 juillet 2022 au titre de la facilité pour la reprise et la résilience, 12 prévoient des réformes et des investissements dans le domaine de l’éducation et de l’accueil de la petite enfance, pour un montant total d’environ 7 900 000 000 EUR 27 . Ces investissements devraient augmenter le taux de participation, en particulier dans les groupes défavorisés, et ainsi réduire les inégalités. Ces mesures sont également étayées par des réformes tendant à améliorer l’accès, le caractère inclusif et la qualité de l’éducation et de l’accueil de la petite enfance.

 La Commission invite les États membres:

— à garantir un financement et des investissements adéquats et pérennes dans des systèmes de soins de qualité, notamment:

— en menant des politiques en faveur d’un financement pérenne des services de soins qui sont compatibles avec la viabilité globale des finances publiques;

— en encourageant les investissements tant publics que privés dans les services de soins, tout en veillant à la présence d’un environnement réglementaire clair, qui tienne compte de la valeur sociale de ces services et de la nécessité de respecter les droits fondamentaux des personnes;

— en utilisant les fonds existants de l’UE pour améliorer l’égalité d’accès à des soins de longue durée de qualité, en particulier à des soins de proximité et à des soins à domicile;

— en utilisant les fonds existants de l’UE pour garantir l’égalité d’accès à des services d’éducation et d’accueil de la petite enfance inclusifs et de qualité, y compris sur le lieu de travail des parents, pour tous les enfants, en particulier ceux exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, appartenant à des groupes marginalisés tels que les Roms, issus de l’immigration, handicapés ou privés de soins parentaux. Dans ce contexte, la Commission continuera d’aider les États membres à assurer aux enfants exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale un accès gratuit et effectif à l’éducation et à l’accueil de la petite enfance, comme indiqué dans la garantie européenne pour l’enfance.

5. Améliorer la base factuelle et suivre les progrès accomplis

Il est essentiel de disposer de données fiables et comparables pour suivre les progrès réalisés et pour élaborer des politiques fondées sur des éléments probants. Dans cette optique, il convient notamment de veiller à ce que les données de référence sur la participation à l’éducation et à l’accueil de la petite enfance soient suffisamment détaillées, par exemple avec une ventilation par groupe ou par catégorie d’âge. En outre, renforcer la base factuelle suppose d’avoir de meilleures données relatives au type et aux conséquences de la fourniture de soins non professionnels, qui fassent ressortir les inégalités de genre, les modalités horaires et le recours au congé familial.

Malgré quelques avancées dans la mise au point d’indicateurs communs concernant l’accès et le financement des soins de longue durée, les statistiques ayant trait à ces soins sont encore sous-développées. Il manque des données administratives comparables, par exemple sur les dépenses et sur les prestations de soins. Il faut donc poursuivre les travaux afin de développer et d’harmoniser la collecte de données à l’échelle de l’UE. Par ailleurs, adopter une approche rigoureuse et systématique de la projection de l’évolution des besoins nationaux en matière de soins de longue durée aidera les États membres dans leurs tâches de planification. Si l’on sait que l’accès aux soins est plus difficile dans les zones rurales ou éloignées, les données sur les inégalités territoriales en matière de soins de longue durée n’en sont pas moins rares; il est nécessaire de disposer de davantage d’éléments probants sur les principales causes de ces inégalités et sur les mesures qui permettent de les réduire.

La Commission:

— s’efforcera d’améliorer la collecte et l’analyse des données relatives aux soins, notamment en renforçant la communication d’informations sur la participation à l’éducation et à l’accueil de la petite enfance, en coopération avec les États membres. Elle intensifiera également sa coopération stratégique avec des organisations internationales, telles que l’OCDE et l’OIT, ainsi que ses échanges avec des agences de l’UE, dont l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) et Eurofound. Lorsque cela est possible et pertinent, les données devraient être ventilées par sexe, âge, handicap et origine ethnique;

examinera les progrès accomplis et œuvrera à la mise au point et à l’analyse d’indicateurs de suivi de l’éducation et de l’accueil de la petite enfance, avec le concours du réseau Eurydice de l’Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture (EACEA) et de l’EIGE. Ces travaux s’appuieront sur ceux effectués en réponse aux recommandations sur l’éducation et l’accueil de la petite enfance et sur la garantie pour l’enfance;

— créera un groupe de travail sur les statistiques relatives aux soins de longue durée afin d’améliorer la base factuelle des soins de longue durée. Ces activités faciliteront la mise au point et le suivi d’indicateurs communs de l’UE sur les soins de longue durée, approuvés par le comité de la protection sociale;

— élaborera des projections détaillées sur la demande de services de santé et de soins de longue durée dans l’UE (en s’appuyant sur les projections démographiques à long terme disponibles aux échelons national et régional), afin de contribuer à la planification des ressources;

— financera, au moyen d’un appel à propositions dans le cadre du programme Horizon Europe, la recherche sur la lutte contre les inégalités territoriales en matière de soins et sur le développement de solutions intégrées en matière de soins, dont les outils numériques et la téléassistance;

— aidera les États membres à mettre en commun des éléments d’appréciation sur la fourniture de soins dans les zones rurales par l’intermédiaire de l’observatoire rural créé dans le cadre du plan d’action rural 28 ainsi que du réseau de la politique agricole commune.

La Commission invite:

— les agences de l’Union, telles que l’EIGE, à collecter régulièrement des données, à mettre au point des indicateurs et à réaliser des analyses sur l’écart entre les femmes et les hommes en matière de prise en charge des responsabilités familiales, sur l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, sur l’utilisation du temps dans le travail rémunéré ou non rémunéré, sur les activités individuelles ou sociales des femmes et des hommes ayant des responsabilités familiales, et sur leurs modalités de travail tout au long de leur vie professionnelle;

— les États membres à collecter des données, ventilées par sexe, âge et autres aspects de l’utilisation du temps (de préférence dans le cadre des enquêtes européennes harmonisées sur l’utilisation du temps), sur le recours au congé familial et sur les modalités de travail flexibles.

La réussite de la mise en œuvre de la stratégie européenne en matière de soins requiert un engagement commun de toutes les parties prenantes. Pour concrétiser cette stratégie, la Commission travaillera en partenariat étroit avec d’autres institutions et organes de l’UE, notamment le Parlement européen, le Conseil, le Comité des régions et le Comité économique et social européen, ainsi qu’avec les États membres, les partenaires sociaux, les acteurs de l’économie sociale, les organisations de la société civile et d’autres parties prenantes.

La Commission:

suivra la mise en œuvre des politiques en matière d’éducation et d’accueil de la petite enfance et de soins de longue durée, évaluera les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de Barcelone dans le cadre du processus du Semestre européen, et envisagera de formuler des recommandations par pays, le cas échéant;

— élargira les possibilités pour toutes les parties prenantes de rendre compte de leur expérience et d’apprendre les unes des autres, grâce à des programmes d’apprentissage mutuel sur toutes les dimensions des soins.

La Commission invite:

— les États membres à créer les conditions permettant aux prestataires de soins, y compris les organisations de la société civile et les acteurs de l’économie sociale, à jouer un rôle actif dans la conception et la fourniture de services de soins de qualité ainsi que dans l’amélioration des conditions de travail dans le secteur, et à soutenir les efforts déployés par les autorités régionales ou locales pour investir dans les services de soins;

— les États membres à approuver et mettre en œuvre rapidement les propositions de recommandations du Conseil relatives à la révision des objectifs de Barcelone concernant l’éducation et l’accueil de la petite enfance ainsi que l’accès à des soins de longue durée abordables et de qualité.

6. Conclusion

La valeur que nous accordons aux soins devrait être en adéquation avec la valeur que nous souhaitons attacher aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et aux aidants.

La présente stratégie est une pierre angulaire de la vision de l’UE concernant les politiques sociales, laquelle vise à contribuer à l’adaptation aux évolutions démographiques, à éliminer les inégalités qui persistent — notamment entre les hommes et les femmes — , à tirer parti des transitions écologique et numérique, ainsi qu’à accroître la résilience aux chocs extérieurs. Elle est conçue pour aider les personnes ayant besoin de soins à tout âge en améliorant leur accès à des soins abordables, accessibles et de qualité. Ses principes: permettre à tout un chacun de vivre dans la dignité, défendre les droits de l’homme, ne laisser personne de côté et ouvrir de meilleures perspectives de vie et de carrière, l’ossature de notre mode de vie européen.

Renforcer le secteur des soins contribue à faire en sorte que les femmes et les hommes puissent participer au travail et à la société sur un pied d’égalité tout en s’occupant de leurs proches. L’objectif est que les aidants professionnels jouissent de meilleures conditions de travail, ce qui devrait rendre le secteur plus résilient et plus attractif, mais aussi favoriser la création de nouveaux emplois face à la hausse de la demande.

La Commission invite les institutions de l’Union, les États membres, les autorités locales et régionales, la société civile, les partenaires sociaux et les autres parties prenantes à approuver la présente stratégie et à concourir à sa mise en œuvre.

(1)

Discours sur l’état de l’Union, 15 septembre 2021.

(2)

Un document de travail des services de la Commission accompagnant la proposition, présentée par la Commission, de recommandation du Conseil sur l’accès à des soins de longue durée abordables et de qualité [SWD(2022) 441] fournit des éléments faisant état des problèmes essentiels auxquels est confronté le secteur et des exemples spécifiques de solutions à ces problèmes, inspirés des mesures prises dans les différents États membres de l’UE.

(3)

Résolution du Parlement européen du 5 juillet 2022 intitulée «Vers une action européenne commune en matière de soins» [2021/2253 (INI)].

(4)

Document de travail des services de la Commission SWD(2022) 440.

(5)

Conférence sur l’avenir de l’Europe — Rapport sur les résultats finaux, mai 2022, proposition 1, p. 15.

(6)

Recommandation du Conseil du 22 mai 2019, JO C 189 du 5.6.2019.

(7)

COM(2021) 142 final.

(8)

Recommandation du Conseil du 14 juin 2021, JO C 223 du 22.6.2021.

(9)

Conseil européen de Barcelone, 15 et 16 mars 2002. (2002), SN 100/1/02 REV 1. 

(10)

COM(2020) 620 final du 7.10.2020, JO C 93 du 19.3.2021, p. 1.

(11)

COM(2022) 197 final.

(12)

Voir le document SWD(2021) 167 final.

(13)

Voir le document SWD(2021) 41 final.

(14)

COM(2020) 274 final.

(15)

Directive (UE) 2019/1152 du 20.6.2019.

(16)

COM(2021) 323 final.

(17)

2019/C 387/01.

(18)

Voir le document COM(2021) 762 final.

(19)

Voir le document COM(2021) 93 final.

(20)

COM(2022) 657 final.

(21)

Directive (UE) 2019/1158, JO 2019, L 188.

(22)

Commission européenne et Comité de politique économique, 2021, The 2021 Ageing Report – Economic and budgetary projections for the 27 EU Member States (2019-2070).

(23)

Rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) intitulé «Soin à autrui au travail: Investir dans les congés et services de soin à autrui pour plus d’égalité de genre dans le monde du travail», 2022.

(24)

Organisation internationale du travail (OIT), 2022, ILO Care Policy Investment Simulator (Genève, à paraître).

(25)

COM(2021) 778 final.

(26)

 Voir SWD(2022) 441.

(27)

Il s’agit des plans de la Belgique, de la Tchéquie, de l’Allemagne, de la Grèce, de l’Espagne, de la Croatie, de l’Italie, de Chypre, de la Lituanie, de l’Autriche, de la Roumanie et de la Slovaquie.

(28)

 COM(2021) 345 final.

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