Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 52020IR4749

    Avis du Comité européen des régions — Un nouvel espace européen de la recherche (EER) pour la recherche et l’innovation

    COR 2020/04749

    JO C 106 du 26.3.2021, p. 31–37 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    26.3.2021   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 106/31


    Avis du Comité européen des régions — Un nouvel espace européen de la recherche (EER) pour la recherche et l’innovation

    (2021/C 106/07)

    Rapporteur:

    Christophe CLERGEAU (FR/PSE), conseiller régional des Pays de la Loire

    Texte de référence:

    Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un nouvel EER pour la recherche et l’innovation

    COM(2020) 628 final

    RECOMMANDATIONS POLITIQUES

    LE COMITÉ EUROPÉEN DES RÉGIONS

    1.

    rappelle les conclusions de son avis sur le thème «Horizon Europe: le neuvième programme-cadre pour la recherche et l’innovation» qui:

    «demand[ait] une réelle prise en compte de l’excellence distribuée dans l’ensemble des États membres et des régions de l’Union afin d’améliorer le niveau de l’excellence scientifique de l’Europe tout entière et pas seulement de quelques grandes régions et métropoles,

    regrett[ait] fortement le refus persistant de reconnaître l’ancrage territorial de l’excellence scientifique [et] l’apport des écosystèmes régionaux et hubs d’innovation à la dynamique de l’Union,

    demand[ait] avec force la participation pleine et entière des autorités locales et régionales dans l’exercice de planification stratégique […] et la prise en compte dans ce cadre des stratégies de spécialisation intelligente,

    estim[ait] nécessaire de reconnaître les impacts territoriaux parmi les éléments constitutifs de la notion d’impact pour l’évaluation du programme et des projets»;

    2.

    se félicite de l’opportunité que représente cette communication pour proposer une stratégie cohérente de mobilisation de l’ensemble des parties prenantes afin de renforcer l’effort de l’Europe en matière de recherche et d’innovation; constate néanmoins le déséquilibre de la communication qui situe trop fortement l’espace européen de la recherche (EER) dans le prolongement d’Horizon Europe au détriment des autres éléments à prendre en compte;

    3.

    soutient les initiatives ambitieuses prévues dans la communication, qui contribuent à armer l’Europe pour relever les défis globaux auxquels elle est confrontée et sont de nature à transformer le paysage de la recherche et à permettre un renforcement de l’Europe par le développement des connaissances. La recherche et l’innovation (R&I) doivent jouer un rôle clé permettant d’accompagner les transitions, d’ordre écologique, numérique, social et économique, auxquelles l’Europe doit faire face. Ces politiques doivent également aider l’Europe à surmonter l’épreuve de la COVID-19, comme le démontre le plan d’action ERAvsCorona en cours;

    4.

    salue l’accent nouveau mis par la Commission sur l’implication des citoyens autour des questions de recherche et d’innovation, plaide pour que cette implication, tout en préservant la liberté scientifique, touche toutes les étapes de définition, de mise en œuvre et de suivi de ces politiques et ne se limite pas à «éclairer» ou «informer» les citoyens qui souhaitent au contraire y prendre une part active; considère que cette implication s’organise d’abord localement et que les villes et régions sont des acteurs essentiels pour la faciliter et la développer, jouant un rôle important dans le processus d’alignement de la recherche et de l’innovation sur les valeurs, les besoins et les attentes de la société. Ainsi, la co-conception et la co-responsabilité du processus et des résultats de la recherche et de l’innovation par les acteurs régionaux et locaux contribuent-elles à l’adoption et à l’acceptabilité de la recherche et de l’innovation par la société. Les villes et les régions fournissent également d’importantes ressources pour rendre opérationnel l’agenda de la science ouverte au sens large, qui est essentiel au développement d’un espace européen de la recherche performant;

    5.

    salue la volonté de la Commission d’atteindre 3 % du PIB consacré aux dépenses de R&D et de fixer un objectif de 1,25 % pour l’effort public en 2030 (contre 0,81 % actuellement), mais s’interroge sur le chemin permettant d’atteindre ces objectifs alors que le plan de relance ne prévoit pas d’effort massif pour la R&I et abandonne par exemple le programme «L’UE pour la santé» proposé par la Commission;

    6.

    regrette que, malgré un portefeuille de Commissaire commun pour les politiques de la recherche, de l’innovation, de la formation et de la jeunesse, il n’ait pas été possible de proposer une nouvelle approche pour un «Espace européen de l’éducation et de la recherche»; rappelle la nécessité d’une approche transversale de ces questions en lien étroit notamment avec les politiques régionales; espère que la communication sur l’approche globale de la recherche, de l’innovation, de l’éducation et de la jeunesse, annoncée par la communication dans son programme de travail pour 2021, ira dans cette direction;

    7.

    souligne que cette communication ne constitue qu’un point de départ devant conduire d’une part à de nouvelles actions concrètes et d’autre part à l’adoption d’un «pacte pour la recherche et l’innovation»; demande à être associé à la préparation de ces nouvelles étapes; demande que ce pacte soit l’occasion de défendre les libertés académiques et universitaires, la liberté d’expression des enseignants, chercheurs, étudiants, intellectuels, et leur libre circulation au sein de l’Union mais aussi entre l’Union et tous les pays partenaires; considère à ce titre que la politique de coopération internationale dans le cadre de l’EER devra se conformer à ces mêmes principes et s’inquiète de la dégradation rapide des libertés académiques dans de nombreux pays à travers le monde;

    8.

    souligne qu’il est essentiel, pour une mise en œuvre efficace des politiques, d’assurer un contrôle et un suivi adéquats de l’innovation et de la recherche; rappelle, à cet égard, qu’il a élaboré un avis sur «Le tableau de bord de l’innovation régionale et ses effets sur les politiques régionales de terrain», qui indique que le tableau de bord de l’innovation régionale est un outil essentiel pour comparer l’évolution des résultats en matière de performances des politiques régionales d’innovation et qu’il conviendrait d’en renforcer l’influence sur la prise de décision au niveau régional et sur son potentiel pour optimiser les écosystèmes régionaux d’innovation et la spécialisation intelligente;

    9.

    salue les avancées de cette communication qui propose une vision plus stratégique du partenariat entre la Commission et les États membres, en y associant les gouvernements régionaux qui sont souvent dotés de compétences pour la promotion de ces politiques, une approche plus intégrée des questions de recherche et d’innovation ainsi qu’une meilleure prise en compte des objectifs auxquels ces politiques doivent répondre et de leurs impacts sur nos sociétés; salue également le fait que cette communication explore la voie d’une gouvernance à plusieurs niveau plus largement ouverte, propose avec les «ERA hubs» une notion permettant de mieux reconnaître les rôles des écosystèmes régionaux et pôles d’innovation, renforce des éléments de coordination avec les aspects liés à la formation supérieure, à l’éducation au numérique et aux compétences numériques, et s’attache à un espace européen de la recherche plus inclusif, facilitant l’accès à la science d’excellence et la diffusion des résultats;

    10.

    souligne l’importance du développement de l’économie du partage et de la circulation de la connaissance. Les concepts et les pratiques en matière de diffusion des résultats des programmes et projets de recherche et d’innovation — idées, connaissances, méthodologies, prototypes, inventions et autres résultats similaires — devraient être financés de manière à ce qu’ils puissent, dans toute l’Europe, être retrouvés, consultés et appliqués pour une utilisation active;

    11.

    soutient la proposition d’élaboration de plans inclusifs en matière d’égalité entre les hommes et les femmes afin de promouvoir, dans la R&I, l’égalité des genres prônée par l’Union européenne, et demande que les villes et régions y soient associées; rappelle à cet effet que, parmi les actions du nouvel EER, l’action 12 porte sur l’«égalité entre les hommes et les femmes afin de promouvoir, dans la R&I, l’égalité des sexes prônée par l’UE», et souligne la nécessité de combler les écarts entre les hommes et les femmes dans le contexte de la transition numérique et de l’innovation, en encourageant une plus grande participation des femmes aux études et à l’emploi dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie, des arts et des mathématiques (STEAM) et des technologies de l’information et de la communication (TIC);

    12.

    apprécie particulièrement que le Comité européen des régions soit explicitement mentionné comme un acteur important de l’espace européen de la recherche autour notamment de la «plateforme d’échange de savoirs» et de l’initiative Science Meets Regions («La science rencontre les régions»);

    13.

    proteste néanmoins contre une approche de la gouvernance encore centrée sur la relation entre la Commission et les États membres, qui fait le plus souvent des villes et des régions des cibles et non des acteurs de l’action publique, et renvoie aux État membres la prise en compte des enjeux locaux et régionaux; demande donc de nouveau une pleine et entière reconnaissance des villes et des régions comme partie prenantes à mobiliser dans la conception, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques européennes de recherche et d’innovation conformément au principe de «subsidiarité active» (1);

    Une nouvelle approche pour l’espace européen de la recherche

    14.

    souligne l’importance des positions élaborées par le Comité de l’espace européen de la recherche et de l’innovation (CEER) (2) (17.12.2019) et par l’ERRIN (3), et défend une nouvelle approche pour l’EER qui va:

    s’appuyant sur l’approche d’Horizon Europe basée sur l’excellence de la science, vers une approche combinant l’excellence de la recherche et la connaissance pour construire notamment un leadership européen dans la croissance durable et des processus de transition vers de nouveaux modèles,

    des stratégies de recherche vers des stratégies de la connaissance proposant une approche intégrée de la recherche, de l’innovation, de l’éducation et des compétences, impliquant un large éventail de parties prenantes — universités, industrie, différents niveaux du secteur public, citoyens et société civile,

    du programme-cadre européen et de politiques nationales de recherche autonomes vers un cadre de pilotage véritablement multiniveaux et une pleine reconnaissance de l’ancrage territorial de la R&I dans les villes et les régions;

    15.

    suggère qu’un accent plus fort soit mis sur la relation entre la recherche et les entreprises tout en reconnaissant le rôle essentiel que les autorités locales et régionales jouent pour développer un environnement propice à l’entrepreneuriat et faciliter l’établissement de liens aux fins du transfert de connaissances: parrainage de la recherche fondamentale par les entreprises, promotion de l’entrepreneuriat scientifique, dans le respect des exigences en matière de transparence, investissements privés, aide aux entreprises pour développer leur innovation;

    16.

    demande, dans le cadre de la création de la «plateforme de l’EER pour les talents», que soit mieux précisé comment la Commission entend a) assurer une continuité avec l’initiative EURAXESS et la Stratégie des ressources humaines pour les chercheurs (HSR4R), qui ont été développées jusqu’à présent pour faciliter la mobilité des chercheurs et l’évolution de leur carrière afin de contribuer à l’établissement d’un marché unique de la connaissance, de la recherche et de l’innovation, et b) favoriser la reconnaissance des personnels de recherche attachés à ces initiatives, ainsi que promouvoir des mécanismes de soutien en faveur des régions qui sont engagées dans un effort visant à attirer des talents et les retenir, dans cette stratégie HSR4R et dans une assistance destinée à répondre aux besoins des institutions de recherche et de leurs chercheurs;

    17.

    souligne la nécessité de travailler dans une bonne articulation locale/régionale et de fournir des instruments permettant aux collectivités locales ou régionales de jouer un rôle de premier plan, tels que les facilités d’appui aux politiques (Policy Support Facility), les synergies entre la politique régionale et Horizon Europe, et le label d’excellence. Il est essentiel de faciliter l’accès à l’information et aux données pour renforcer les synergies et complémentarités entre les fonds européens et permettre aux différents pouvoirs publics d’œuvrer de manière plus coordonnée;

    18.

    souhaite une clarification de la notion d’excellence en distinguant clairement excellence de la science, excellence des impacts étroitement liée à l’articulation entre science et écosystèmes d’innovation, notamment locaux et régionaux, et excellence des écosystèmes eux-mêmes à travers leurs domaines spécifiques d’excellence scientifique mais aussi leur capacité stratégique et de coordination (4);

    19.

    propose, tout en réaffirmant pleinement l’importance des actions de soutien à l’excellence scientifique dans le cadre notamment d’Horizon Europe, de reconnaître pleinement comme objectif complémentaire de l’EER la disponibilité dans toutes les villes et régions de l’Union d’une science d’un haut niveau de qualité mobilisable pour dynamiser l’innovation et aider la société et les entreprises à relever les défis des objectifs de développement durable et affronter les crises actuelles;

    20.

    se félicite que la Commission européenne propose de faciliter les investissements et les réformes en faveur des priorités de l’Union, en particulier les transformations écologique et numérique, qui sont devenues essentielles à la suite de la crise de la COVID-19;

    21.

    demande que l’EER valorise les liens à construire entre les stratégies de spécialisation intelligente, les priorités de l’EER et leur mise en œuvre globale; demande également que l’EER contribue à un meilleur équilibre entre d’une part, l’indispensable excellence de la science et d’autre part, l’urgence qu’il y a à combler l’écart de performances en matière de recherche et d’innovation entre les États, les régions et les villes dans l’Union européenne;

    ERA, spécialisations intelligentes et politique régionale

    22.

    considère qu’un nouvel EER devrait être l’occasion de pleinement reconnaître le rôle des spécialisations intelligentes et de leur processus collectif et entrepreneurial comme un des socles de la performance européenne actuelle et future en matière de recherche et d’innovation; souligne que les spécialisations intelligentes fédèrent les collectivités locales et régionales, les institutions de recherche, le secteur privé et la société civile et aident les régions à obtenir un avantage concurrentiel, à stimuler l’investissement privé et à créer des emplois; souligne par ailleurs le rôle clé des régions dans la stratégie de spécialisation intelligente européenne et la nécessité de préserver l’approche spécifique des stratégies régionales de spécialisation intelligente, y compris quand existent aussi des stratégies nationales de spécialisation intelligente; suggère dans ce cadre de réaliser une cartographie croisée et dynamique de l’excellence scientifique distribuée et des spécialisations intelligentes, et cela en partenariat entre les régions, les États membres et l’Union européenne; propose de prendre également en compte une nécessaire évolution des S3 vers les stratégies de spécialisation intelligente durable (S4) et vers une meilleure pratique de la quadruple hélice, qui permet de placer la société comme acteur de la stratégie;

    23.

    souligne l’importance sur la base de cette cartographie de contribuer à la mise en réseau des spécialisations intelligentes régionales adossées à l’excellence scientifique et de faciliter les coopérations transrégionales, aussi bien via Interreg et notamment son volet «investissements interrégionaux en matière d’innovation», que dans le cadre d’Horizon Europe, à travers des projets collectifs concrets à travers tout le programme, et en particulier le pilier 2, notamment au sein des «missions» et des «partenariats européens d’innovation» et dans la partie transversale «Renforcer l’espace européen de la recherche»; souligne l’importance d’associer les villes et les régions à la gouvernance des «missions» et des «partenariats»;

    24.

    appuie la volonté de la Commission de guider l’élaboration de feuilles de route technologiques communes avec l’industrie afin d’inclure des programmes d’investissement en faveur de la R&I, mais s’étonne de les voir articulées uniquement avec les États membres et l’industrie dans le cadre des partenariats européens programmés au sein d’«Horizon 2020»; rappelle que cet exercice doit être conduit en tenant compte des spécialisations intelligentes des régions et du rôle des écosystèmes régionaux et hubs d’innovation qui structurent également les chaînes de valeur industrielles;

    25.

    réaffirme la vocation des villes et des régions d’être les partenaires du développement et de la mise en réseau des infrastructures de recherche et de technologie et du programme ESFRI; rappelle leur rôle majeur dans l’émergence, l’animation et la valorisation de ces infrastructures (5); réitère par ailleurs que les collectivités locales et régionales sont des acteurs clés pour la création d’écosystèmes régionaux et de pôles d’innovation efficaces (6);

    26.

    propose d’aller vers des contrats de partenariat entre les régions, les États membres et l’Union européenne, pour mobiliser toutes les parties prenantes autour d’objectifs partagés en matière de recherche, d’innovation, et de formation supérieure, à l’éducation au numérique et aux compétences numériques et autour de plans d’accompagnement des domaines de spécialisation intelligente mobilisant l’ensemble des politiques de l’Union européenne et non limités aux règles de mobilisation du FEDER. Cette démarche pourrait faire l’objet d’une action pilote;

    27.

    rappelle que la mobilisation du FEDER en faveur de la recherche et de l’innovation s’est considérablement accrue au fil des périodes de programmation pour atteindre plus de 100 milliards d’EUR pour 2014-2020, et qu’au cours de cette même période, la mobilisation financière des villes et des régions sur leurs budgets propres a atteint un niveau représentant au total quasi deux fois le volume du programme cadre de recherche européen. Ces données soulignent les enjeux de coordination entre politiques européennes, nationales, locales et régionales, ainsi que les enjeux de synergies entre les outils d’intervention;

    28.

    s’inquiète des avancées limitées constatées dans le domaine des synergies notamment du fait des lenteurs affectant l’évolution des régimes d’encadrement des aides d’État, rappelle son souhait «que l’ensemble des fonds mobilisés pour cofinancer une action ou un programme d’action s’appuyant sur le programme Horizon Europe soient assujettis aux règles juridiques s’appliquant à ce programme, notamment celles relatives aux aides d’État» (7), et réaffirme sa conception des synergies comme des coopérations librement consenties autour de 5C: cohérence, complémentarité, compatibilité, co-construction, reconnaissance des collectifs d’acteurs locaux (8); insiste une nouvelle fois sur le besoin d’une démarche effective de co-construction et d’une maîtrise des éventuels transferts financiers par l’autorité de gestion;

    29.

    considère qu’au regard de ces éléments, une pleine association des villes et régions à l’«ERA forum for transition» est indispensable, aussi bien du fait des enjeux de coopération et de coordination à traiter, que du rôle des acteurs locaux dans le déploiement de l’agenda de transformation en lien avec les crises et transitions;

    Contribution des écosystèmes régionaux et pôles d’innovation à la dynamique de l’espace européen de la recherche

    30.

    recommande que les bonnes pratiques locales ou régionales fassent l’objet d’un suivi et d’un développement dans le cadre de l’élaboration des «critères de réalisation de la condition favorisante» des stratégies de spécialisation intelligente, tels qu’établis dans le règlement portant dispositions communes relatives aux Fonds structurels. Il convient de rappeler que, dans le cadre du processus d’élaboration des programmes régionaux du FEDER, chaque autorité régionale ou locale est tenue de rédiger une «bonne gouvernance de la stratégie nationale, régionale ou locale de spécialisation intelligente», dans laquelle elle doit démontrer les progrès accomplis dans la mise en œuvre de ses stratégies de spécialisation intelligente, y compris, entre autres, les mesures adoptées en matière de collaboration internationale. Il s’agit d’une excellente occasion de développer et de diffuser les bonnes pratiques, par exemple au moyen de plateformes telles que «La science à la rencontre des régions» ou la plateforme d’échange de connaissances (PEC);

    31.

    soutient avec enthousiasme le concept d’«ERA hub» considérant qu’il s’agit là d’une opportunité pour donner une reconnaissance institutionnelle et une forme concrète à la notion d’écosystème régional et pôle d’innovation qu’il promeut depuis plusieurs années, et pleinement reconnaître une approche territorialisée («place-based approach») de la science et de l’innovation; demande une mise en œuvre rapide de cette proposition et propose d’utiliser la plateforme d’échange des connaissances (PEC) pour en préciser le cahier des charges et faciliter l’émergence de projets pilotes; se félicite d’ailleurs de l’intention de la Commission de porter cette initiative, en collaboration avec le CdR, à un niveau stratégique, en promouvant des synergies entre les instruments de R&I, l’éducation, la formation, le perfectionnement et la reconversion, et mobilisant des fonds de cohésion; appelle à ne pas limiter cette initiative au seul objectif de faciliter l’accès à l’excellence;

    32.

    attire l’attention sur plusieurs écueils à éviter: la réflexion à mener doit tenir compte de l’expérience des «digital hubs» ou de l’EIT mais les «ERA hubs» ne doivent pas se limiter à ces références ni se borner à organiser un «espace de la connaissance interconnectée» centré sur l’échange des bonnes pratiques et la circulation des connaissances, d’ailleurs l’Europe n’a pas besoin d’un «hub des hubs»; les «ERA Hubs» ne doivent pas être limités à un outil dédié à la réduction du fossé d’innovation, ils ne doivent pas non plus servir une nouvelle fois à mettre en lumière les seuls sites universitaires de classe mondiale déjà très soutenus par les États membres et le programme cadre;

    33.

    propose au contraire de reconnaître dans le cadre des «ERA hubs» des collectifs d’acteurs, des écosystèmes régionaux (ou interrégionaux) et des hubs d’innovation qui se caractériseraient par les critères cumulatifs suivants:

    existence d’une stratégie de la connaissance, proposant une approche intégrée de l’enseignement supérieur, de l’éducation au numérique, de la formation tout au long de la vie dont le perfectionnement et la reconversion, de la recherche et de l’innovation,

    association de l’ensemble des parties prenantes suivant le modèle de la quadruple hélice qui insiste sur l’implication des citoyens et des acteurs publics locaux issus d’un système démocratique,

    capacité de coordination collective, de définition d’une stratégie, et de décision partagée concernant l’adoption des priorités et l’affectation des ressources,

    performance économique et sociale dans les impacts territoriaux dans tous les domaines: formation, innovation, création d’emplois et d’entreprises, services rendus aux entreprises comme aux services publics et au tiers secteur, contribution aux transitions, innovation sociale et culturelle, cohésion sociale, citoyenneté active et créativité culturelle [en utilisant notamment le «tableau de bord de l’innovation» (9)],

    présence au sein des spécialisations intelligentes dont relèvent les «ERA hubs» de domaines d’excellence scientifique de niveau européen et international, ou inscrits dans une trajectoire permettant d’atteindre rapidement et de manière crédible ce niveau,

    engagement dans des réseaux et partenariats thématiques interrégionaux ou européens en matière de spécialisation intelligente,

    historique d’implication dans les programmes européens de recherche, de formation et de mobilité européenne des chercheurs et des étudiants;

    34.

    considère que ces «ERA hubs» devraient être soutenus directement par l’Union européenne, y compris financièrement, dans le cadre d’un partenariat reposant sur trois piliers:

    une reconnaissance par l’Union européenne de ces «ERA hubs» comme des points d’appui importants pour la réalisation des objectifs de l’Union européenne et le déploiement des politiques liées; cela impliquant que les «ERA hubs» soient pris en compte aussi bien dans l’animation du «Forum de l’EER pour la transition» que dans la programmation stratégique d’«Horizon Europe»,

    un soutien européen au renforcement des fonctions supports clés (stratégie, coordination, européanisation, internationalisation, formation, attraction des talents, innovation et transferts) et une facilitation de l’accès aux différents programmes européens dont Horizon Europe,

    un engagement des parties prenantes des «ERA hubs» à renforcer leur capacité stratégique et la qualité des spécialisations intelligentes, à augmenter leur implication dans les réseaux et programmes communautaires, et à développer des coopérations au sein du réseau européen des «ERA hubs»;

    35.

    souhaite que puissent être reconnus comme «ERA hubs» au moins entre 50 et 100 sites en Europe, que ce réseau soit largement ouvert notamment aux écosystèmes émergents de l’UE-13 et des régions les plus défavorisées;

    36.

    souligne le rôle crucial des villes et des régions en tant que promoteurs et maîtres d’œuvre de vastes projets de collaboration en faveur des innovations sociétales, visant à relever les défis de société. Les «ERA hubs» (pôles de l’EER) devraient servir d’instruments pour développer les compétences et les pratiques nécessaires afin d’accélérer ces progrès;

    37.

    souligne que le réseau des «ERA hubs» pourrait devenir un excellent cadre pour faire émerger des projets collectifs de recherche et d’innovation fédérant dans une démarche ascendante plusieurs écosystèmes régionaux et pôles d’innovation. Ces consortiums pourraient utilement mobiliser l’outil juridique des actions cofinancées «Cofund actions» présent au sein d’Horizon Europe, utilisable également dans le cadre du pilier 2, dispositif parfaitement adapté pour développer des synergies entre le programme cadre, la politique régionale et les budgets des villes et des régions;

    Crise COVID-19, fracture de l’innovation, diffusion de l’excellence: la cohésion au cœur de l’EER

    38.

    alerte sur les conséquences des crises actuelles sur les territoires les plus fragiles et les plus touchés, et rappelle que la crise économique et financière de 2008 s’était traduite dans certaines régions, notamment dans les pays méridionaux, par un effondrement de l’investissement dans la recherche et l’innovation. Le Comité insiste donc pour que le plan de relance «Next Generation EU» et le prochain cadre financier pluriannuel soutiennent plus fortement la formation supérieure, l’éducation au numérique, la formation tout au long de la vie dont le perfectionnement et la reconversion, la recherche et l’innovation au service des objectifs de l’EER, et que dans ce cadre, le programme «React EU» et le «fonds de transition juste» soient également mobilisés en cohérence avec les programmes opérationnels adoptés par les régions et leurs stratégies de spécialisation intelligente. Ceci est indispensable car les régions nécessitent un soutien plus nourri en faveur de la relance, avant de pouvoir faire preuve de résilience;

    39.

    demande à la Commission d’expliquer comment, dans le contexte actuel et sans soutien renforcé, les États membres dont le niveau d’investissement dans la R&I est inférieur à la moyenne européenne pourraient atteindre l’objectif d’augmentation de 50 % de ces investissements au terme des cinq prochaines années, objectif que par ailleurs le Comité soutient;

    40.

    constate que l’EER est fragmenté: les fonds de l’Union européenne ne sont pas suffisants pour financer la collaboration entre les écosystèmes d’innovation régionaux et les résultats de la recherche sont rarement partagés avec le grand public et le reste des régions, même au sein d’un même État membre; regrette dans le même temps que les programmes supranationaux de R&I profitent traditionnellement à des réseaux peu nombreux et relativement «fermés» d’universités avancées, de centres de recherche, de grandes industries et de régions englobant une capitale, qui, dans de nombreux cas, ont déjà participé aux éditions précédentes du programme cadre ou disposent d’une forte présence à Bruxelles;

    41.

    partage le constat que les progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’EER se sont ralentis et qu’il existe encore de grandes disparités entre les pays et les régions, comme indiqué dans le rapport d’étape de l’EER 2018. La convergence des systèmes de recherche et d’innovation européenne, nationale et régionale est insuffisante, ce qui se traduit par une concentration nuisible des sites d’excellence en R&I à travers l’Europe en laissant des régions entières sur le bord du chemin. Cela débouche en outre sur un paysage de la mobilité et de la circulation des connaissances déséquilibré qui contredit les objectifs politiques de l’EER;

    42.

    considère que ces constats sont largement partagés et régulièrement réitérés mais qu’il n’en est tiré aucune leçon politique, et que les choix budgétaires en cours, s’ils sont maintenus, ne permettront pas de pallier ces insuffisances, feront du discours sur la réduction de la fracture de l’innovation un vœu pieux, et des dispositifs de diffusion de l’excellence et d’élargissement de la participation des outils insuffisants et incapables d’atteindre les objectifs politiques visés.

    Bruxelles, le 5 février 2021.

    Le président du Comité européen des régions

    Apostolos TZITZIKOSTAS


    (1)  COM(2018) 703 final.

    (2)  Avis du CEER sur l’avenir de l’espace européen de la recherche (https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-1201-2020-INIT/en/pdf, en anglais).

    (3)  Recommandations de l’ERRIN pour l’avenir de l’espace européen de la recherche (https://errin.eu/system/files/2020-06/200608%20ERRIN_recommendations_for_the_future_of_the_European_Research_Area_approved.pdf, en anglais).

    (4)  Ainsi, selon l’Association européenne des universités, «Excellence is not limited to highly cited publications but needs to be based on the many and diverse contributions of the research community, notably including Open Science practices, citizen engagement, and impact on society» («L’excellence ne se limite pas à avoir les publications les plus citées; elle doit se fonder sur les contributions nombreuses et variées de la communauté des chercheurs, avec notamment les pratiques relevant de la science ouverte, l’engagement citoyen et l’impact sur la société»).

    (5)  Avis du Comité européen des régions sur le thème «Infrastructures de recherche — L’avenir de l’espace européen de la recherche (EER) selon une perspective régionale et transfrontière» (JO C 39 du 5.2.2020, p. 68).

    (6)  Avis du Comité européen des régions sur «Un agenda européen renouvelé dans le domaine de la recherche et de l’innovation — L’occasion pour l’Europe de façonner son avenir» (JO C 168 du 16.5.2019, p. 4).

    (7)  Avis du Comité européen des régions — Horizon Europe: le neuvième programme-cadre pour la recherche et l’innovation (JO C 461 du 21.12.2018, p. 79).

    (8)  Avis du Comité européen des régions — La dimension locale et régionale du programme Horizon 2020 et le nouveau programme-cadre de recherche et d’innovation (JO C 342 du 12.10.2017, p. 1).

    (9)  Avis du Comité européen des régions — Le tableau de bord de l’innovation régionale et ses effets sur les politiques régionales de terrain (JO C 440 du 18.12.2020, p. 87).


    Top