COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 2.12.2020
COM(2020) 713 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Assurer la justice dans l’UE — Une stratégie européenne de formation judiciaire pour la période 2021-2024
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Assurer la justice dans l’UE — Une stratégie européenne de formation judiciaire pour la période 2021-2024
1.Introduction
Le traité de Lisbonne a conféré à l’Union européenne (UE) des compétences pour soutenir la coopération judiciaire en matière civile et pénale par la «formation des professions judiciaires». Depuis lors, la formation judiciaire au droit de l’Union a permis d’améliorer l’application correcte et uniforme du droit de l’Union et de renforcer la confiance mutuelle dans les procédures judiciaires transfrontières, contribuant ainsi à développer l’espace de justice de l’UE.
La communication de la Commission de 2011 intitulée «Susciter la confiance dans une justice européenne — donner une dimension nouvelle à la formation judiciaire européenne» a entraîné un changement radical, tant sur le plan de l’approche que de l’échelle, dans l’organisation de la formation judiciaire dans l’UE. Alors que la majorité des juges et procureurs de l’UE ayant répondu à une enquête de 2010 n’avaient jamais participé à une formation judiciaire sur le droit de l’Union ou d’un autre État membre, depuis l’adoption de la communication, plus de la moitié de l’ensemble des praticiens du droit de l’Union (plus d’un million) l’ont fait.
L’évaluation de la stratégie de formation judiciaire européenne 2011-2020 (publiée en 2019) et les rapports annuels sur la formation judiciaire européenne montrent que, dans l’ensemble, la stratégie a atteint la plupart de ses objectifs. L’objectif phare consistant à former au droit de l’Union la moitié (soit 800 000) de tous les praticiens du droit de l’UE entre 2011 et 2020 a été atteint en 2017. Cette stratégie a contribué à accroître le nombre d’activités de formation, mais a également favorisé de nouveaux types d’activités, comme les programmes d’échanges. Elle a contribué à améliorer la formation au droit de l’Union pour plusieurs catégories de praticiens du droit, en particulier les juges et les procureurs. Elle a également renforcé les capacités de réseaux tels que le réseau européen de formation judiciaire (REFJ) et renforcé les réseaux et les prestataires de formation au niveau de l’UE.
Sur la base de ces résultats, il est désormais essentiel que la formation judiciaire continue de figurer au premier rang des priorités de l’UE et soit encore renforcée.
L’UE est confrontée à un certain nombre de nouvelles évolutions et de nouveaux défis qui doivent être relevés par la formation judiciaire, notamment la détérioration de l’état de droit et les atteintes aux droits fondamentaux dans certains États membres, la numérisation exponentielle de nos sociétés et les perspectives d’adhésion à l’UE pour les Balkans occidentaux. En outre, le niveau de participation à la formation varie encore considérablement d’un État membre à l’autre et d’une profession juridique à l’autre. Cela peut avoir une incidence négative sur l’application uniforme et efficace du droit de l’Union.
La présente communication s’appuie sur les enseignements tirés et les évolutions depuis 2011. Elle reflète les résultats de l’évaluation de la stratégie de 2011‑2020 par la Commission et d’une vaste consultation publique menée par la Commission en 2018. Elle définit une stratégie globale visant à améliorer encore la formation des professionnels de la justice au droit de l’Union, en étendant l’intervention politique à de nouveaux thèmes, professions et zones géographiques, en s’attaquant aux nouveaux défis et en fixant de nouveaux objectifs pour la période 2021‑2024.
2.Une réponse souple aux nouveaux besoins de formation en droit de l’Union
Les praticiens de la justice doivent être en mesure de s’adapter aux nouvelles évolutions, y compris dans le domaine du droit de l’Union. Il est donc important d’apporter une réponse souple aux nouveaux besoins de formation en droit de l’Union.
Formation judiciaire pour promouvoir une culture commune de l’état de droit
Le respect de l’état de droit est essentiel à l’application effective du droit de l’Union et à la confiance mutuelle entre les États membres et leurs autorités judiciaires. L’essence de l’état de droit est une protection juridictionnelle effective, qui requiert l’indépendance, la qualité et l’efficacité des systèmes de justice nationaux. Les praticiens de la justice jouent un rôle essentiel dans la défense de l’état de droit. Ils devraient suivre le rythme de l’acquis de l’UE dans ce domaine, y compris la jurisprudence en évolution rapide de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), afin de pouvoir le mettre en œuvre dans le cadre de leurs travaux. Des praticiens bien formés et leurs réseaux jouent un rôle important dans le renforcement d’une culture de l’état de droit et le respect de l’état de droit lui-même, le principe de l’indépendance de la justice étant au centre de celui-ci.
Protection des droits fondamentaux
Les juges nationaux et les autres praticiens de la justice sont des acteurs essentiels pour garantir l’application effective de la Charte des droits fondamentaux de l’UE et faire des droits de cette Charte une réalité dans la vie quotidienne des citoyens.
Ils devraient recevoir une formation spécifique sur l’application de la Charte, son champ d’application et des droits spécifiques tels que la protection des données, mais aussi sur sa relation avec le droit national et son interaction avec la Convention européenne des droits de l’homme. La formation à la Charte devrait également être intégrée dans des modules de formation portant sur différents domaines du droit de l’Union, le cas échéant.
Renforcer la numérisation de la justice
La formation judiciaire doit préparer les professionnels de la justice à s’approprier la numérisation et l’utilisation de l’intelligence artificielle. Les évolutions dans ce domaine influencent de plus en plus tous les aspects de notre vie. La pandémie de COVID-19 a démontré que les systèmes de justice doivent s’adapter rapidement au moyen de la numérisation. Les praticiens de la justice doivent être conscients de l’incidence des outils et des technologies numériques sur les affaires traitées et être prêts à les utiliser correctement dans leur pratique quotidienne, y compris dans les procédures transfrontières. Ils doivent garantir une protection adéquate des droits des personnes et des données à caractère personnel dans l’espace numérique, notamment afin que les parties puissent accéder aux dossiers et assister aux audiences.
Suivre le rythme de l’évolution du droit de l’Union
La formation judiciaire européenne devrait permettre aux praticiens de la justice de percevoir le rôle du droit de l’Union dans leur pratique quotidienne, de lui donner plein effet et de garantir le respect des droits et obligations découlant du droit de l’Union dans les procédures judiciaires nationales. Il est également important qu’ils se tiennent informés de l’évolution du droit de l’Union. Toute nouvelle législation et toute évolution de la jurisprudence de la CJUE nécessitent une formation si elles doivent avoir les effets escomptés et les professionnels de la justice doivent posséder les connaissances et les compétences requises.
Cela vaut en particulier pour les principaux instruments de l’UE en matière de coopération judiciaire transfrontière. La création du Parquet européen a également des conséquences considérables sur la formation des procureurs, des juges et des avocats de la défense. En particulier, la stratégie devrait renforcer la formation de ces professions sur la base juridique du Parquet européen, les adaptations apportées aux systèmes juridiques et aux structures judiciaires nationaux, les relations du Parquet européen avec d’autres organes et agences de l’UE actifs dans la protection des intérêts financiers de l’UE, tels qu’EUROJUST, EUROPOL et l’OLAF, ainsi que l’application des instruments juridiques de l’UE utilisés par le Parquet européen dans le cadre de la coopération judiciaire transfrontière.
Dans le domaine de la sécurité, la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée (y compris la traite des êtres humains et le trafic d’armes à feu et de drogues illicites), la prévention et la lutte contre la radicalisation conduisant à l’extrémisme violent et la lutte contre le blanchiment de capitaux restent des domaines de formation clés.
Les praticiens de la justice qui sont en contact avec les victimes devraient être formés à mieux les soutenir et mieux communiquer avec elles, en tenant compte en particulier des besoins des plus vulnérables. Ils devraient également savoir comment recenser les recours abusifs et utiliser les outils disponibles pour y remédier.
Les droits des enfants
, les droits des personnes handicapées et l’adaptation des systèmes de justice à ces groupes, les défis spécifiques auxquels sont confrontées les victimes de violences fondées sur le genre
, mais aussi l’égalité et la non‑discrimination nécessitent une formation spécialisée et doivent être abordés dans d’autres cours.
La garantie des droits des consommateurs au moyen d’une formation continue sur le droit matériel et procédural constitue une priorité, comme le confirme la prolifération des pratiques illégales décelée au cours de la pandémie de COVID‑19. La jouissance effective des droits attachés à la citoyenneté de l’Union doit être garantie, y compris dans le domaine de la libre circulation.
Une formation est nécessaire pour le grand nombre de praticiens concernés par la mise en œuvre des règles du marché unique, y compris celles qui revêtent un intérêt particulier pour les entreprises, telles que les règles protégeant les investissements intra‑UE, en partie pour garantir la confiance des investisseurs. Des formations devraient également être disponibles sur le droit des sociétés de l’UE, notamment sur les outils et processus numériques, les transformations, les fusions et les scissions transfrontières, et sur le droit de la concurrence de l’UE pour ceux qui en ont besoin.
En outre, l’application de la législation environnementale de l’UE requiert des connaissances spécialisées et davantage de formation.
Doter les praticiens des moyens de relever de nouveaux défis
Les nouvelles formes de terrorisme, l’extrémisme violent et la cybercriminalité, ainsi que la pandémie de COVID-19, ont eu des répercussions non seulement sur la vie des particuliers et des entreprises, mais aussi sur les systèmes de justice nationaux, qui doivent s’adapter. La pandémie, en particulier, a modifié les modes opératoires des criminels, ce qui a entraîné une augmentation significative des infractions liées à la cybercriminalité, aux activités criminelles en ligne et à la santé. Les praticiens de la justice doivent réagir à ces changements. En outre, les nouvelles formes de travail créent des défis en matière de droit du travail et de droit social. De nouvelles offres de formation devraient être rapidement organisées et mises à disposition, comme cela a été le cas récemment pour la cybercriminalité et l’asile.
Actions pour les prestataires de formation:
·mettre systématiquement à disposition, dans l’offre de formation continue destinée aux juges et aux autres professionnels de la justice, une formation sur l’acquis de l’UE en matière d’état de droit et de droits fondamentaux, conformément aux traités et à la Charte des droits fondamentaux de l’UE;
·intégrer le droit de l’Union, y compris la Charte des droits fondamentaux, dans les activités de formation en droit national et organiser, le cas échéant, une formation spécifique sur le droit de l’Union;
·dispenser des formations pour améliorer la sensibilisation et les compétences en matière de numérisation et d’intelligence artificielle, ainsi que l’utilisation efficace des procédures et registres judiciaires numérisés;
·assurer une formation efficace sur l’évolution de la législation et de la jurisprudence de l’UE, y compris les instruments de coopération judiciaire transfrontière et le Parquet européen;
·axer la formation sur la protection des droits des personnes dans l’espace numérique (par exemple, la protection des données, la vie privée, la non-discrimination, la protection contre les violences sexistes en ligne, le droit des contrats, les droits des consommateurs) et les droits de groupes spécifiques (par exemple, les enfants, les personnes handicapées, les victimes de violences fondées sur le genre, le racisme et la discrimination);
·suivre les besoins de formation et adapter les programmes aux défis émergents.
Actions pour la Commission:
·soutenir la formation en droit de l’Union pour les praticiens de la justice en fonction de leurs besoins;
·continuer à coopérer avec le Conseil de l’Europe en matière de formation, qui comprend la Charte des droits fondamentaux de l’UE.
3.Éléments nécessaires de la formation des praticiens au-delà du droit de l’Union
La formation judiciaire européenne devrait aller au-delà de l’éducation juridique et soutenir le perfectionnement des compétences professionnelles. Le droit et les principes juridiques ne fonctionnent pas en vase clos, de sorte que les praticiens de la justice doivent acquérir des compétences pluridisciplinaires.
S’il s’agit d’une compétence nationale, la formation au «métier de juge» est au cœur de l’efficacité de la justice, de la relation de confiance entre les systèmes de justice et les citoyens, et de la confiance entre les praticiens dans la coopération transfrontière. Parmi les principaux domaines de formation à l’intention des juges figurent la déontologie judiciaire, la résilience, les préjugés inconscients, la gestion des affaires et l’administration des greffes et le leadership.
En outre, pour acquérir le savoir-faire, les attitudes et l’expertise nécessaires, tous les praticiens de la justice ont besoin d’une formation sur les connaissances et compétences non juridiques, par exemple dans le domaine des sciences du comportement, de la psychologie, de l’anthropologie, de l’économie et de la linguistique cognitive.
Le développement des compétences linguistiques juridiques est essentiel pour permettre un dialogue harmonieux entre les praticiens, ce qui favorise ensuite la confiance mutuelle dans les procédures judiciaires transfrontières. La maîtrise des langues étrangères aide les praticiens de la justice à comprendre les systèmes et concepts juridiques étrangers et accroît la participation aux activités de formation transfrontières.
La Commission soutient une formation linguistique juridique avancée et technique afin de compléter l’offre nationale et encourage la combinaison d’aspects linguistiques et juridiques dans cette formation, qui s’est révélée efficace.
Actions pour les prestataires de formation:
·intégrer les connaissances et compétences du «métier de juge» et non juridiques dans les programmes nationaux de formation continue;
·proposer des cours en langue étrangère juridique, en particulier à l’intention des praticiens qui traitent des affaires transfrontières.
Actions pour la Commission:
·apporter un soutien financier à la formation transfrontière sur des questions non juridiques, lorsqu’elle est liée à une formation juridique.
4.Formation accrue, plus large et plus ciblée pour les professionnels de la justice
L’un des principaux objectifs de la communication de 2011 visait globalement à augmenter le nombre de praticiens du droit formés afin de donner l’impulsion nécessaire. Il s’agit en soi d’un moteur de changement fructueux. Toutefois, l’évaluation de la stratégie de formation a mis en évidence certains problèmes, tels que des résultats très divergents entre les professions et les pays. Cela nécessite une approche fixant des objectifs nouveaux et ambitieux (bien que différenciés) mieux adaptés aux besoins de formation et aux niveaux de participation des professions concernées à la formation en droit de l’Union.
Participation à une formation continue en droit de l’Union dans l’UE (en %)
Professions
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2011
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2012
|
2013
|
2014
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2015
|
2016
|
2017
|
2018
|
2019
|
Juges et procureurs
|
24,62 %
|
23,04 %
|
24,00 %
|
29,11 %
|
28,10 %
|
38,03 %
|
48,22 %
|
54,66 %
|
55,70 %
|
Personnel des tribunaux et des parquets
|
1,75 %
|
0,90 %
|
1,52 %
|
1,32 %
|
2,06 %
|
2,39 %
|
3,23 %
|
4,14 %
|
6,40 %
|
Avocats et juristes
|
1,79 %
|
1,73 %
|
5,04 %
|
5,28 %
|
3,54 %
|
4,11 %
|
4,88 %
|
4,82 %
|
3,36 %
|
Notaires
|
11,36 %
|
5,75 %
|
10,37 %
|
15,31 %
|
18,07 %
|
13,89 %
|
27,03 %
|
22,35 %
|
26,03 %
|
Huissiers de justice
|
3,57 %
|
4,02 %
|
3,12 %
|
8,29 %
|
5,67 %
|
7,57 %
|
9,55 %
|
12,77 %
|
16,19 %
|
Source: Commission européenne (UE-28, sauf 2019: UE-27 étant donné qu’aucune donnée n’a été reçue du Royaume-Uni; données provenant des rapports annuels de formation judiciaire européenne).
Dans l’ensemble, davantage de professionnels de la justice devraient suivre des formations sur le droit de l’Union et les prestataires de formation devraient améliorer l’offre de formation en droit de l’Union, qu’elle soit nationale ou transfrontière, et qu’elle soit (co)financée ou non par l’UE. Cela s’applique à tous les professionnels de la justice qui appliquent le droit de l’Union, notamment avant tout les juges, les procureurs et le personnel des tribunaux, mais aussi les professions telles que les avocats et juristes, les notaires, les huissiers de justice, les médiateurs, les interprètes/traducteurs en justice, les experts judiciaires, et, dans certaines situations, le personnel pénitentiaire et les agents de probation.
Objectifs sur mesure
Les juges et les procureurs sont les principaux garants de la bonne application du droit de l’Union au niveau national. Ils devraient rester le principal groupe cible de la formation au droit de l’Union. Les juges appliquent d’office le droit de l’Union, mettent en pratique les principes de primauté et d’effet direct et posent des questions préjudicielles à la CJUE. Les procureurs doivent connaître et appliquer les parties pertinentes de l’acquis de l’UE dans le domaine de la justice, y compris les droits procéduraux des suspects et des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales, la protection des intérêts financiers de l’UE et les nouvelles règles de fonctionnement à la suite de la création du Parquet européen.
Le personnel des tribunaux et des parquets est essentiel au bon fonctionnement des systèmes de justice. Certains participent à la rédaction et à l’exécution des décisions de justice, à la signification et à la notification transfrontières d’actes, aux injonctions de payer européennes, aux mandats d’arrêt européens et à d’autres procédures transfrontières. Cela nécessite un large éventail de formations sur le droit de l’Union, qui devraient être précisément adaptées aux besoins recensés. La Commission encourage la mise en réseau de tous les prestataires de formation du personnel des tribunaux au niveau national et de l’UE afin de partager les bonnes pratiques et de renforcer les offres nationales de formation.
Les avocats et juristes jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre pratique du droit de l’Union dans de nombreuses procédures judiciaires, qu’elles soient nationales ou transfrontières, civiles, familiales, administratives ou pénales. Il leur appartient également de soulever des questions de droit de l’Union dans des situations juridiques spécifiques. Ils doivent être informés des évolutions récentes intervenues dans l’acquis de l’UE. Il est donc essentiel de se concentrer sur la formation des avocats en cabinet privé et sur leurs prestataires de formation.
Les notaires contribuent à garantir l’effet du droit de l’Union dans des domaines pertinents pour les particuliers et les entreprises, tels que la succession, la médiation, l’insolvabilité et la lutte contre le blanchiment de capitaux. Cette contribution devrait être mieux prise en compte dans le contenu de la formation tout en encourageant l’utilisation de méthodologies interactives, y compris pour l’apprentissage en ligne.
Les huissiers de justice participent à l’exécution transfrontière des décisions de justice, par exemple dans le cadre de la procédure européenne de règlement des petits litiges et du recouvrement transfrontière des avoirs. Bien que leur statut professionnel et leur parcours diffèrent, ils font partie du personnel judiciaire dans environ un tiers des États membres. Ils ont besoin de davantage de formations sur le droit pertinent de l’Union pour s’assurer qu’ils l’appliquent correctement dans leurs tâches quotidiennes.
Améliorer la formation d’autres professions au droit de l’Union
À l’interface entre cette stratégie et le programme européen de formation des services répressifs (LETS), il a été utile d’élaborer et de promouvoir des supports de formation communs et des sessions de formation communes pour les procureurs, les juges et les enquêteurs. Dans ce contexte, la coopération fructueuse entre le REFJ et l’Agence de l’Union européenne pour la formation des services répressifs (CEPOL) mérite d’être saluée et pourrait être exploitée davantage.
Le personnel pénitentiaire et les agents de probation constituent un nouveau public cible, car leur formation est essentielle pour faire respecter les droits fondamentaux pendant la détention (en particulier dans le cadre des mandats d’arrêt européens) et pour consolider leur rôle clé dans la prévention de la radicalisation dans les prisons et la réussite des programmes de réhabilitation. Ils doivent également avoir connaissance des politiques de l’UE, en particulier en ce qui concerne les transferts de prisonniers, la probation, les peines de substitution, la surveillance, la législation en matière de drogue et d’autres questions dans les prisons.
Enfin, d’autres professionnels de la justice, tels que les médiateurs, les experts judiciaires, les praticiens de l’insolvabilité et les interprètes/traducteurs en justice, ont de plus en plus besoin de connaissances et de compétences en matière d’application du droit de l’Union. La qualité de leur contribution aux procédures judiciaires devrait être renforcée par la formation pertinente au droit de l’Union.
Actions pour toutes les parties prenantes:
D’ici à 2024, la formation continue sur le droit de l’Union devrait être accessible chaque année à:
·65 % des juges et des procureurs;
·15 % des membres du personnel des tribunaux et des parquets qui ont besoin de compétences en droit de l’Union;
·15 % des avocats et juristes;
·30 % des notaires;
·20 % des huissiers de justice.
Actions pour les réseaux:
·REFJ — établir un réseau de tous les prestataires de formation du personnel des tribunaux afin d’échanger leur expertise et leurs bonnes pratiques;
·Réseau européen des centres de formation des personnels pénitentiaires (EPTA) — accroître la portée des formations à tous les États membres, recenser les besoins de formation liés au droit de l’Union et formuler une réponse adéquate;
·Confédération européenne de la probation (CEP) — poursuivre les travaux sur la formation.
5.Promouvoir des activités de formation efficaces et de grande qualité
La formation judiciaire n’est pas une fin en soi. Il est également essentiel que la formation soit d’une qualité suffisante pour atteindre ses objectifs. Une bonne méthodologie est essentielle, de la conception à la mise en œuvre et à l’évaluation. Afin de répondre avec souplesse aux défis quotidiens des praticiens, les prestataires de formation doivent suivre en permanence les besoins de formation du point de vue des parties prenantes tant nationales qu’européennes.
Les praticiens de la justice doivent être exposés à diverses formes d’apprentissage: réflexif, conceptuel, expérimental et concret. Leur formation devrait comprendre une combinaison d’activités résidentielles en face-à-face, d’outils d’apprentissage en ligne et de formations pratiques. Les activités de formation en face-à-face (y compris transfrontière) sont essentielles pour développer les compétences et les attitudes et instaurer une confiance mutuelle en permettant des discussions libres dans un climat de confiance et de respect. Elles devraient reprendre dès que la situation sanitaire le permettra. La formation au niveau de l’UE devrait également aider à tester de nouvelles approches, telles que des formats hybrides (combinant la formation en face-à-face et en ligne) et des formations interprofessionnelles en face-à-face sur des sujets spécifiques présentant un intérêt.
Des outils et des formats de formation variés et accessibles devraient être utilisés pour s’adapter à la disponibilité et à la diversité des apprenants. La formation devrait mieux utiliser les nouvelles technologies pour toucher un public plus large et promouvoir la qualité de la formation. Cette nécessité est accentuée par la pandémie actuelle et le passage des activités en face-à-face à la formation en ligne.
L’apprentissage en ligne de haute qualité et l’accès aux ressources en ligne sur le droit de l’Union devraient devenir une réalité pour tous les professionnels. Ils devraient compléter et multiplier les avantages des activités en face-à-face au moyen de matériel de dernier cri et d’outils d’apprentissage autonomes, afin d’exploiter de manière optimale la justice en ligne
Les activités menées au niveau national ne peuvent avoir la même incidence que les activités transfrontières. Les échanges transfrontières généraux et spécialisés de juges, de procureurs et de présidents de tribunaux restent une priorité. Ils renforcent la culture judiciaire européenne commune, instaurent la confiance et promeuvent l’application uniforme du droit de l’Union. Les échanges devraient apporter une valeur ajoutée tangible aux participants et multiplier les effets dans l’environnement professionnel.
Toute formation doit démontrer qu’elle a atteint ses objectifs. L’évaluation devrait porter sur l’acquisition de connaissances et de compétences, sur les changements d’attitude et les incidences sur les performances professionnelles, en plus des niveaux de satisfaction des apprenants.
Actions pour les prestataires de formation:
·suivre de plus près les recommandations figurant dans les Conseils à l’intention des prestataires de formation et dans le Manuel du REFJ sur la méthodologie de la formation judiciaire en Europe;
·organiser chaque année des activités de formation transfrontières pour au moins 5 % de l’ensemble des juges et procureurs; encourager la participation de nouveaux participants;
·proposer à tous les apprenants un apprentissage en ligne interactif, pratique et accessible qui soit précisément adapté aux objectifs de la formation;
·étudier plus avant le potentiel des techniques modernes telles que la formation en face-à-face virtuelle et les solutions de réalité augmentée;
·recourir davantage à la «capsule» de formation en ligne (courte, à jour, étroitement ciblée) afin de répondre aux besoins immédiats des professionnels de la justice dans le cadre d’un cas concret;
·veiller à ce que les formateurs soient formés à l’exploitation du plein potentiel des méthodologies d’apprentissage en ligne;
·évaluer chaque activité de formation sur la base de la satisfaction des participants, de l’accroissement des compétences et, le cas échéant, de l’incidence de l’activité sur leurs performances.
Actions pour la Commission:
·le cas échéant, utiliser un formulaire d’évaluation commun pour les activités soutenues par l’UE;
·intégrer une «plateforme européenne de formation» dans le portail européen e‑Justice en tant que plateforme centrale d’informations sur les activités de formation destinées aux professionnels de la justice et en tant que point d’accès unique pour les supports d’auto‑apprentissage sur le droit de l’Union.
6.Renforcer la formation judiciaire des jeunes praticiens
Les nouveaux professionnels de la justice devraient acquérir des connaissances de base sur le système juridique et la culture juridique de l’UE au cours de leur formation initiale. Ces connaissances devraient contribuer à améliorer leur compréhension pratique du rôle du droit de l’Union dans les systèmes juridiques nationaux, de l’acquis en matière d’état de droit et de leur rôle en tant que praticiens de la justice européenne. Dans le cadre de la formation initiale (lorsqu’elle existe), il convient donc de consacrer suffisamment de temps à une formation de qualité dans le domaine du droit de l’Union, des droits fondamentaux, de l’état de droit, du «métier de juge» et des compétences linguistiques. La formation sur les éléments systémiques du droit de l’Union devrait être normalisée.
Actions pour les prestataires de formation:
·veiller à ce que chaque programme de formation initiale comprenne des modules sur le droit de l’Union, intégrés dans la formation au droit national et autonomes, le cas échéant;
·inclure l’acquis de l’Union sur l’état de droit et sur la Charte des droits fondamentaux de l’UE ainsi que le «métier de juge» en tant qu’éléments standard de l’offre de formation judiciaire initiale pour les nouveaux praticiens;
·prévoir que tous les juges et procureurs futurs ou nouvellement nommés participent à un échange transfrontière au cours de leur formation initiale;
·faire des échanges du programme AIAKOS du REFJ pour les juges et procureurs futurs et nouvellement nommés une composante standard de l’offre de formation initiale. Les organismes nationaux de formation judiciaire devraient contribuer à leur organisation;
·faire des cours de langue juridique une composante standard de l’offre de formation initiale.
7.Renforcer la responsabilité partagée
La responsabilité de la formation judiciaire est partagée entre les États membres, les prestataires de formation, les organisations nationales et européennes des professions de la justice et l’UE. Tous les acteurs concernés doivent faire preuve d’un plus grand engagement.
La responsabilité première incombe aux parties prenantes nationales
Les prestataires de formation nationaux, les ministères de la justice, les conseils des juges et des procureurs, ainsi que les autorités des professions réglementées, sont tous des acteurs clés pour faire en sorte que l’offre de formation réponde aux besoins des praticiens. Des ressources appropriées doivent être mises à disposition, en ce qui concerne le budget, le personnel pour organiser la formation et le temps pour que les professionnels de la justice puissent y participer. La fixation de quotas obligatoires pour la formation peut garantir qu’elle soit considérée comme faisant partie des modalités de travail habituelles. Les informations sur l’offre de formation au niveau national et au niveau de l’UE doivent être diffusées de manière proactive et la participation doit être encouragée.
Les dirigeants et les membres de haut rang des professions de la justice devraient prendre part à la création d’une véritable culture de la formation. Un changement d’attitude est nécessaire pour faire des organes professionnels et de la justice des organisations d’apprentissage, dans lesquelles la formation est considérée comme un investissement et non comme une distraction dans le travail quotidien.
Réseaux d’experts en droit de l’Union
Les praticiens de la justice ne sont pas tenus de maîtriser tous les détails du droit de l’Union, mais de s’y conformer en cas de besoin. Ils devraient pouvoir compter sur un pair capable de fournir une expertise et une assistance en matière de droit de l’Union en toute indépendance judiciaire et appartenant à un réseau créé à cet effet au niveau national. Il s’agit de la valeur ajoutée reconnue des réseaux nationaux de coordinateurs des tribunaux en matière de droit de l’Union.
Le rôle unique du Réseau européen de formation judiciaire
Le REFJ est le mieux placé pour coordonner, par l’intermédiaire de ses membres, les activités nationales de formation sur le droit de l’Union et pour développer la formation transfrontière des juges et des procureurs, y compris les échanges. Ses neuf «principes de formation judiciaire» deviennent une référence mondiale pour une bonne formation judiciaire. Le REFJ nécessite un financement stable et adéquat.
Les acteurs au niveau de l’UE sont des relais essentiels
L’Académie de droit européen (ERA) et l’Institut européen d’administration publique (EIPA-Luxembourg) contribuent à consolider les connaissances sur le droit de l’Union. Ils devraient renforcer davantage leur offre de formation, garantir la qualité de leurs activités et promouvoir la transférabilité de leurs résultats.
Les réseaux de professionnels de la justice, tels que le Conseil des barreaux européens (CCBE) pour avocats, les Notaires d’Europe (CNUE) pour les notaires et l’Union européenne des huissiers de justice (UEHJ) pour les huissiers jouent également un rôle clé dans l’amélioration de la formation au droit de l’Union. Ils sont essentiels à la pleine mise en œuvre de cette stratégie, en veillant à ce que le contenu créé soit repris et réutilisé par leurs membres et en encourageant le déploiement national d’activités de formation. L’échange d’expériences entre les prestataires de formation de différents États membres devrait leur permettre de réfléchir aux lacunes dans leur offre de formation, d’innover et de s’appuyer sur les bonnes pratiques dont les résultats sont avérés.
Les réseaux européens de professionnels de la justice axés sur des domaines particuliers du droit de l’Union jouent également un rôle important en tant que relais.
Le soutien de la Commission
La Commission soutiendra des projets de formation de haute qualité ayant une dimension européenne, par l’intermédiaire du programme «Justice» et d’autres mécanismes de financement pertinents. Elle soutiendra la formation des relais, y compris les formateurs, et encouragera les consortiums transfrontières de prestataires de formation. Elle continuera de promouvoir le travail des réseaux intervenant dans ce domaine, encouragera leur coopération au moyen de conférences et encouragera l’utilisation des technologies modernes et du portail européen e‑Justice.
La Commission soutiendra des projets portant sur des domaines prioritaires de l’UE, testant de nouvelles idées et répondant à des besoins ponctuels spécifiques. Elle accordera une attention particulière à l’évaluation des besoins de formation et à la durabilité des résultats. Elle exigera des prestataires bénéficiant d’un cofinancement de l’UE qu’ils en fassent davantage pour garantir la durabilité de la formation et d’autres résultats. Elle utilisera tous les moyens prévus par le règlement financier pour simplifier l’accès aux financements de l’UE, y compris les procédures de gestion des demandes et des subventions.
Cibler les professionnels de la justice en dehors de l’UE
La formation judiciaire européenne est axée sur les professionnels de la justice de l’UE. Toutefois, au fil des ans, la coopération a été étendue aux pays candidats et candidats potentiels à l’adhésion à l’UE ainsi qu’à d’autres pays qui avaient manifesté un intérêt à se familiariser avec la culture judiciaire de l’UE, afin d’améliorer le fonctionnement de leur système de justice. En particulier, une formation sur l’acquis en matière d’état de droit est nécessaire dans les pays candidats et candidats potentiels, car ceux-ci doivent donner la priorité aux travaux visant à promouvoir la démocratie, l’état de droit et le respect des droits fondamentaux afin de se préparer à l’adhésion à l’UE.
La Commission encourage en particulier la participation des professionnels de la justice de la région des Balkans occidentaux à la formation judiciaire transfrontière. L’aide de l’UE dans la région vise à garantir la cohérence et la durabilité et à relever les défis sur la base d’une évaluation rigoureuse des besoins de formation et d’une approche axée sur les problèmes (plutôt que sur les donateurs). La coopération structurelle des prestataires de formation judiciaire des Balkans occidentaux devrait être encore renforcée, tant au niveau régional qu’avec l’UE. Le cas échéant, cela devrait inclure la consolidation du rôle du REFJ, qui est un pôle d’expertise et pourrait soutenir le renforcement des capacités et les améliorations méthodologiques.
D’autres synergies pourraient être recherchées avec les initiatives de formation judiciaire financées par l’UE dans d’autres pays tiers, en particulier en Afrique et en Amérique latine, afin de contribuer au renforcement de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit.
Durabilité
La diffusion, la mise en œuvre, la réutilisation, la mise à jour et l’adaptation au contexte national des modules et publications de formation tels que des manuels et des lignes directrices, qui sont produits avec le soutien de fonds de l’UE et partagés par les prestataires de formation nationaux et de l’UE, seront vivement encouragées, de même que la formation ciblant les relais, tels que les formateurs.
Suivi
La Commission continuera à rendre compte des progrès accomplis en matière de formation des professionnels de la justice au droit de l’Union. Elle réfléchira avec les parties prenantes à la manière d’améliorer la collecte et l’analyse des données.
Recommandations:
·Tous les États membres — établir un réseau national de coordinateurs du droit de l’Union pour les juges et les procureurs; promouvoir la coopération transfrontière entre ces réseaux;
·Autres professions de la justice — créer des postes similaires pour soutenir l’apprentissage par les pairs sur le lieu de travail.
Actions pour les parties prenantes:
·REFJ — assurer une formation de qualité, y compris l’apprentissage en ligne, pour les juges et les procureurs, répondre aux besoins du personnel des tribunaux et accroître l’effet multiplicateur des éléments livrables au niveau de l’UE en renforçant l’offre de formation de ses membres sur le droit de l’Union;
·Réseaux, prestataires de formation et organisations de professionnels de la justice au niveau de l’UE — continuer à promouvoir, coordonner et/ou organiser des activités de formation transfrontières, y compris les activités interactives en ligne, tout en multipliant les effets de formation.
Actions pour la Commission:
·soutenir la coopération entre les parties prenantes afin de contribuer à la réalisation des objectifs de cette stratégie;
·octroyer un soutien financier de l’UE à des projets de haute qualité qui répondent de manière durable à des besoins concrets de formation, ainsi qu’au REFJ au moyen du programme «Justice»;
·mettre en place, en coopération avec les parties prenantes, un système de suivi amélioré.
8.Conclusion
Cette stratégie de formation judiciaire européenne 2021-2024 établit le cadre d’un ensemble ambitieux d’actions clés visant à renforcer l’application correcte et effective du droit de l’Union. Elle vise à consolider une culture judiciaire européenne commune fondée sur l’état de droit, les droits fondamentaux et la confiance mutuelle.
Afin de garantir le succès de la stratégie, la Commission invite toutes les parties prenantes — ministères de la justice, conseils des juges et des procureurs, conseils des professions auto-réglementées, associations européennes de professionnels de la justice, prestataires de formation au niveau national et de l’UE, institutions et organes de l’UE — à s’engager à atteindre ses objectifs quantitatifs et qualitatifs.
La Commission assurera un suivi régulier de la mise en œuvre de la stratégie et collaborera avec les autres institutions de l’UE pour obtenir le soutien politique nécessaire à la réalisation des objectifs.