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Document 52019DC0373

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL sur l’évaluation des récents cas présumés de blanchiment de capitaux impliquant des établissements de crédit de l'Union européenne

COM/2019/373 final

Bruxelles, le 24.7.2019

COM(2019) 373 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

sur l’évaluation des récents cas présumés de blanchiment de capitaux impliquant des établissements de crédit de l'Union européenne


RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

sur l’évaluation des récents cas présumés de blanchiment de capitaux impliquant des établissements de crédit de l'Union européenne

I.Introduction

Au fil du temps, l’Union européenne a mis au point un cadre réglementaire solide pour prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, conformément aux normes internationales adoptées par le Groupe d’action financière. Toutefois, un certain nombre d’incidents récents impliquant des banques européennes ont attiré l’attention sur la manière dont les règles de l’Union ont été appliquées.

Le 12 septembre 2018, la Commission a publié une communication 1 proposant des mesures immédiates destinées à remédier à certaines des insuffisances réglementaires et institutionnelles les plus facilement identifiables, suivie d’une communication plus récente sur l’Union économique et monétaire 2 , dans laquelle la Commission a réaffirmé que ces mesures immédiates doivent être suivies d’une réflexion approfondie sur les mesures supplémentaires qui pourraient être nécessaires pour garantir l’efficacité du cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme à long terme.

Les colégislateurs de l’Union s’accordent également sur la nécessité d’identifier les éventuelles lacunes structurelles du cadre réglementaire et prudentiel actuel 3 . La Commission sur la criminalité financière, la fraude fiscale et l’évasion fiscale et la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen ont demandé à plusieurs reprises que l’adéquation du cadre actuel soit évaluée. Le 4 décembre 2018, le Conseil a adopté des conclusions sur un plan d’action en faveur de la lutte contre le blanchiment de capitaux 4 , invitant la Commission à procéder à «une analyse rétrospective des récents cas de blanchiment allégué auxquels auraient participé des établissements de crédit de l’UE».

Le présent rapport constitue la réponse de la Commission. Son principal objectif est d’indiquer les lacunes et les enseignements tirés et de fournir des éléments d’information en vue d’éclairer toute action stratégique ultérieure, si elle est jugée nécessaire. Les données sont tirées d’études de cas portant sur un échantillon de dix banques 5 au cours de la période 2012-2018, bien que certains des événements étudiés remontent à une date antérieure. Les banques ont été choisies à l’invitation du Conseil, en vue d’obtenir un aperçu suffisamment complet des lacunes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, couvrant différents types d’établissements de crédit 6 et une gamme de réactions différentes en matière de surveillance, et examinant l’incidence des cas étudiés. La sélection des cas ne doit en aucun cas être considérée comme une reconnaissance de fautes ou de responsabilités concernant certaines banques ou autorités publiques précises, ni comme une indication qu’il n’y a eu aucun problème avec d’autres banques ou autorités publiques. Il est à noter que le présent rapport est sans préjudice du droit de la Commission d’engager des procédures d’infraction contre les États membres pour infraction au droit de l’Union.

Au cours de la période de référence, les cadres réglementaires et institutionnels ont considérablement évolué. Les exigences légales applicables étaient reprises soit dans la 3e soit dans la 4e directive anti-blanchiment 7 . D’autres exigences relatives aux systèmes de gouvernance et de gestion des risques découlaient de la 3e et de la 4e directive sur les exigences de fonds propres 8 .

La Commission s’est appuyée sur des recherches documentaires ainsi que sur des discussions avec les établissements de crédit et les autorités publiques dans onze États membres. La Banque centrale européenne, en sa qualité d’autorité de surveillance, et les trois autorités européennes de surveillance ont également été étroitement associées.

Bien que le rapport vise principalement à présenter des conclusions communes à toutes les études de cas analysées ou à plusieurs d’entre elles, il est inévitable que l’accent mis sur des cas particuliers ait également identifié des problèmes qui peuvent être spécifiques à une banque ou un pays particulier. Dans de tels cas, les constatations n’ont été décrites que dans les cas où, en raison de leur gravité ou de leur nature spécifique, elles pourraient fournir des enseignements spécifiques concernant le cadre juridique ou institutionnel de l’Union.

Les constatations sont organisées en deux catégories:

·mise en lumière d’événements au sein des établissements de crédit;

·examen de la manière dont les différentes autorités publiques ont agi en réaction à ces événements.

S’il est important de comprendre le contexte du cadre juridique applicable au moment des événements, il est également utile d’examiner les constatations du point de vue des récents développements réglementaires et institutionnels, en particulier l’adoption de la 5e directive anti-blanchiment, la 5e directive sur les exigences de fonds propres 9 et la réforme des autorités européennes de surveillance 10 . En outre, le présent rapport devrait être examiné conjointement au rapport de la Commission sur l’évaluation supranationale des risques 11 , le rapport de la Commission sur les cellules de renseignement financier 12 et le rapport de la Commission sur l’interconnexion des mécanismes automatisés centralisés nationaux des États membres concernant les comptes bancaires 13 , publiés en même temps que le présent rapport. 

La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est une tâche permanente, soutenue par un cadre réglementaire qui nécessite des mises à jour régulières pour suivre le rythme des nouveaux développements. De grands progrès ont été réalisés dans l’amélioration du cadre existant, en particulier grâce aux ajustements législatifs apportés depuis 2018. Or, il apparaît de plus en plus clairement que l’application du cadre est très divergente, ce qui pose un problème structurel quant à la capacité de l’Union à empêcher que le système financier soit utilisé à des fins illégitimes.

II.Constatations relatives aux systèmes de défense mis en place par les établissements de crédit pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

Si l’examen des cas a permis d’identifier des défaillances dans les systèmes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans tous les établissements de crédit inclus dans notre échantillon, toutes les lacunes ne sont pas identiques et l’analyse conjointe a permis d’établir une typologie indicative des défaillances, qui n’est pas nécessairement commune à tous les établissements analysés 14 .

L’analyse a permis de recenser quatre grandes catégories dans lesquelles les lacunes peuvent être regroupées:

1)mauvaise application ou inapplication des obligations légales auxquelles sont soumis les systèmes et les contrôles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme;

2)défaillances de la gouvernance en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme;

3)décalages entre la propension au risque et la gestion des risques;

4)négligence des politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

1.Défauts de conformité aux règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

En vertu du cadre juridique de l’Union en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les établissements de crédit sont tenus: i) d’identifier et d’évaluer les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et de mettre en place des politiques, des contrôles et des procédures pour atténuer et gérer efficacement ces risques; ii) de mettre en place des mesures de vigilance adéquates à l’égard de la clientèle; et iii) d’informer de manière adéquate la cellule de renseignement financier de tout soupçon de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.

Dans de nombreux cas évalués, les établissements de crédit n’ont pas accordé la priorité, dans leurs politiques, au respect des règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Dans certains cas, bien que des systèmes de contrôle aient été officiellement mis en place, aucune évaluation globale des risques liés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme n’a été effectuée au niveau des différentes entités ou au niveau du groupe. De plus, dans certains cas, les services de conformité manquaient de personnel ou la fonction de conformité participait rarement à la prise de décision finale.

En raison de l’absence de mesures de vigilance adéquates à l’égard de la clientèle, certains établissements de crédit n’avaient pas suffisamment connaissance des opérations effectives de leurs clients et n’ont finalement pas été en mesure de tirer des conclusions significatives quant au caractère suspect ou non de l’activité d’un client. De nombreux établissements de crédit ont eu des difficultés à déterminer l’identité des bénéficiaires effectifs se cachant derrière leurs clients en raison du caractère fastidieux de l’identification et de l’absence de registres de propriété effective. Dans plusieurs cas, alors que les établissements faisaient des affaires avec un nombre important de personnes politiquement exposées, celles-ci n’étaient ni identifiées comme telles, ni traitées comme des clients à haut risque, en violation des lois nationales transposant la directive anti-blanchiment. Dans d’autres cas, les lacunes liées aux modèles d’enregistrement à distance ont rendu plus difficiles certains éléments du suivi des transactions (par exemple, identifier l’origine des ordres et des paiements ou les transactions liées relevant de différentes juridictions 15 ).

Enfin, certaines lacunes ont pu être identifiées en ce qui concerne les informations transmises aux cellules de renseignement financier. Par exemple, dans un cas particulier, le nombre d’alertes générées par les systèmes de contrôle automatisés a été plafonné à un nombre jugé approprié par rapport au nombre d’agents qui gèrent ces alertes, alors que dans d’autres cas, les établissements de crédit ne disposaient pas d’outils appropriés d’évaluation des risques permettant d’analyser les transactions. Dans la plupart des cas, le nombre d’opérations suspectes notifiées était faible – et le nombre de notifications d’opérations suspectes exploitables était encore plus faible.

Dans un petit nombre de cas examinés, les employés peuvent avoir été directement impliqués dans le blanchiment de capitaux ou avoir aidé des clients à commettre l’infraction 16 . Dans d’autres cas, l’inefficacité des contrôles liés à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme a rendu possible ou hautement probable le blanchiment de capitaux par les clients.

Étude de cas: mise en œuvre de politiques et de contrôles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux

Dans un cas, des enquêtes pénales nationales impliquant plusieurs organisations qui détenaient des comptes dans une banque ont conduit à soupçonner que la banque ou ses employés avaient contribué à rendre possible le blanchiment de capitaux sur ces comptes. L’élargissement ultérieur des enquêtes aux politiques et procédures de la banque a révélé d’importantes lacunes dans l’application des contrôles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme par la banque en ce qui concerne la vigilance à l’égard de la clientèle, la surveillance des opérations et la notification des opérations suspectes, malgré les politiques et contrôles apparemment rigoureux en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme présentés dans les documents.

2.Défaillances en matière de gouvernance

En vertu de la directive sur les exigences de fonds propres 17 , les établissements de crédit devraient mettre en place des dispositifs de gouvernance pour assurer une gestion saine et efficace des risques. Cela comprend des mécanismes de contrôle interne adéquats qui devraient prévenir les défaillances du cadre de conformité. L’analyse a révélé des défaillances dans les dispositifs de gouvernance en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (y compris les «trois lignes de défense» 18 ), dans le système de notification interne, dans les politiques du groupe et dans les responsabilités et l’obligation de rendre des comptes des instances dirigeantes. Ces défaillances peuvent avoir contribué largement à faciliter le blanchiment de capitaux au sein d’un certain nombre d’établissements de crédit, ou les exposer au blanchiment de capitaux en raison de l’inefficacité des mesures de prévention contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Les trois lignes de défense

Dans la plupart des cas analysés, des faiblesses ont été constatées en ce qui concerne une ou plusieurs lignes de défense, ainsi que dans la manière dont les responsables des différentes lignes de défense interagissaient entre eux. Dans les cas les plus graves, la première ligne de défense (unités opérationnelles) était pratiquement inexistante, étant donné que les employés chargés des activités d’origination ne remplissaient pas les obligations de base découlant du cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, telles que la reconnaissance ou la notification de types suspects de clients et de transactions. Souvent, la deuxième ligne de défense (gestion des risques et conformité) s’est également avérée inadéquate, soit qu’elle n’ait pas correctement évalué et atténué les faiblesses relevées par les employés «de première ligne», soit qu'elle n'ait pas reconnu les défauts de conformité des employés «de première ligne». Dans plusieurs cas, la troisième ligne (audit interne) semble avoir accordé une priorité insuffisante à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, n’était pas indépendante de la «première ligne» ou ne recevait pas une attention suffisante de la part des instances dirigeantes. En outre, l’affectation des ressources ou la réactivité des trois lignes de défense n’était souvent pas proportionnelle au niveau de risques de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme auxquels l’établissement était exposé, ou n'évoluait pas (et devenait donc de plus en plus inadéquate) malgré le fait que l’établissement de crédit exerçait des activités plus risquées.

Notification interne des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme

Dans la plupart des cas, la notification interne des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme des unités opérationnelles et des fonctions de contrôle à la direction locale ou à la direction générale n’était pas bien établie ou suivie. Par ailleurs, les informations qui parvenaient aux instances dirigeantes n’étaient souvent pas suffisamment complètes pour permettre de prendre des décisions éclairées. Dans les grands groupes bancaires transfrontières, l’absence de traduction des rapports d’audit et les difficultés d’accès du personnel local aux instances dirigeantes de l’établissement de crédit qui se trouvent dans un autre État membre semblaient également être à l’origine des déficiences constatées dans la notification.

Étude de cas: défaillances dans les lignes de défense traditionnelles et dans la notification interne

Dans un cas, ce n’est qu’à la suite d’une dénonciation d’activités risquées et de flux financiers suspects dans certaines entités du groupe que le conseil d’administration a déclenché des enquêtes internes. La direction locale n’avait signalé aucun problème au conseil d’administration, et celui-ci n’avait pas lu les rapports d’audit interne locaux (rédigés dans la langue locale).

Responsabilités des instances dirigeantes et obligation en matière de reddition de comptes

Dans plusieurs cas, les instances dirigeantes des établissements de crédit n’ont pas été suffisamment informées des manquements liés au respect des exigences en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ainsi qu’aux risques de blanchiment de capitaux, et n’ont donc pas été en mesure de détecter et de traiter ces manquements de manière adéquate et en temps utile. Dans certains cas, la culture d’entreprise promue par les instances dirigeantes mettait surtout l’accent sur la rentabilité plutôt que sur la conformité. Lorsque des enquêtes internes étaient menées à la demande des instances dirigeantes, leur portée était parfois très limitée, même si le niveau de risque aurait dû déclencher une réaction beaucoup plus complète. Les manquements des instances dirigeantes de grands établissements de crédit complexes dans l’exercice de leurs fonctions résultaient également de l’attention limitée accordée par les instances dirigeantes aux problèmes rencontrés dans de plus petites unités opérationnelles, en dépit de l’ampleur disproportionnée des dommages dont souffrirait l’établissement de crédit du fait des problèmes liés à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans de telles unités opérationnelles.

Étude de cas: rôle des instances dirigeantes

Dans un cas, la composition du conseil d’administration de la banque a changé plusieurs fois, y compris à la demande de l’autorité de surveillance. Celle-ci était insatisfaite de l’incapacité de plusieurs conseils d’administration consécutifs à détourner l’entreprise de l’attention exclusive accordée aux secteurs ou clients à risque élevé.

3.Modèle commercial et propension au risque

L’analyse des cas donne à penser que certains établissements de crédit peuvent avoir poursuivi activement des modèles commerciaux risqués du point de vue de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Plus précisément, il semble que certains établissements se soient livrés à des activités à haut risque directement menées dans certains pays (en particulier des pays tiers) ou issues de ceux-ci, et aient fondé leur modèle commercial presque exclusivement sur des dépôts de non-résidents, sans mettre en place les politiques et les contrôles appropriés en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En outre, dans plusieurs cas, des expositions importantes à des risques liés à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ont été repérées dans le contexte des services bancaires correspondants, alors que les établissements ne disposaient pas de politiques spécifiques ou suffisamment claires de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme pour de telles activités. Dans leur recherche d’opportunités commerciales, plusieurs établissements de crédit étaient disposés à accepter des clients à risque en dehors de toute gestion adéquate, y compris des personnes politiquement exposées et des entités commerciales dont le bénéficiaire effectif ne pouvait être identifié. Dans certains cas, les établissements de crédit ont effectué des transactions anonymes ou établi des relations commerciales à distance sans faire preuve de la vigilance appropriée. Dans d’autres cas, certains établissements de crédit semblent avoir promu un modèle commercial agressif d’intégration de clients et de traitement des opérations sur la base de mesures de vigilance volontairement limitées à l’égard de la clientèle.

Étude de cas: propension au risque accrue

Dans un cas, un établissement de crédit avait attiré un grand nombre de ses clients par le biais d’un système de références dans le cadre duquel des «rabatteurs» étaient payés pour attirer de nouveaux clients et étaient chargés de vérifier la probité des clients potentiels. Ces rabatteurs étaient également payés par les clients. Rien n’indique que des clients aient été rejetés au cours de ce processus, même si l’établissement de crédit, après avoir été condamné à une amende par l’autorité de surveillance pour la faiblesse de ses contrôles relatifs au blanchiment, a clôturé certains comptes clients et coupé les liens avec un certain nombre de rabatteurs.

4.Politiques de groupe en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

Certains cas impliquaient des activités bancaires exercées dans différentes parties d’un groupe, par l’intermédiaire de succursales établies dans différents États membres ou pays tiers, ou par l’intermédiaire de filiales situées dans des États membres autres que celui où le siège est établi. La plupart de ces groupes ont organisé leur conformité, leur gouvernance et leur gestion des risques en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans l’objectif d’assurer avant tout le respect des cadres locaux de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Très souvent, cette démarche a été complétée de manière appropriée par une politique de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme à l’échelle du groupe, dans le cadre de laquelle les besoins réglementaires locaux auraient été intégrés dans une politique et des processus plus larges de gestion des risques et de conformité à l’échelle du groupe. L’absence d’une politique de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme à l’échelle du groupe donne à penser que la résolution des problèmes a peut-être été en grande partie laissée à l’appréciation de la direction locale. Dans certains cas, celle-ci était implantée dans des pays tiers auxquels s'appliquent d'autres lois et soumise à des obligations qui n’étaient pas nécessairement aussi strictes que celles applicables dans l’Union.

Dans certains cas, il apparaît que la société mère a eu des difficultés à se faire une idée précise et complète des risques existants au sein du groupe. Cela semble avoir empêché à plusieurs reprises que les problèmes locaux de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ne soient pris en compte dans le cadre d’actions plus larges à l’échelle du groupe. Dans quelques cas, les politiques et les processus de contrôle des établissements de crédit acquis (souvent dans un cadre transfrontière) n’ont pas été alignés en temps utile sur le cadre de gestion des risques à l’échelle du groupe, les systèmes informatiques et de notification restant distincts et non intégrés ou non interconnectés avec le système du groupe. En outre, dans certains cas, les problèmes rencontrés dans les succursales semblent avoir été écartés au niveau du groupe sur la base de considérations de proportionnalité liées à la taille des entités locales périphériques du groupe, l’impact que les entités et activités périphériques même pourraient avoir sur la réputation du groupe dans son ensemble ayant semble-t-il été négligé.

III.Constatations relatives aux mesures prises par les autorités compétentes

L’examen s’est concentré sur les mesures prises par les autorités de surveillance. Le rapport portant évaluation du cadre pour la coopération entre les cellules de renseignement financier examine le fonctionnement des cellules de renseignement financier et leur coopération avec d’autres autorités compétentes. Par ailleurs, les enquêtes pénales menées par les autorités compétentes des États membres, dont certaines sont en cours, ne sont pas couvertes par le présent rapport.

Les réactions des autorités de surveillance à l’égard des lacunes des différents établissements en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ont été très variées en ce qui concerne le calendrier, l’intensité et les mesures prises. S’il n’est pas toujours possible de tirer des conclusions générales, l’analyse aboutit à une série d’observations qui permettent de mieux comprendre les mesures et les pratiques de surveillance. Étant donné que le cadre institutionnel est régi par des normes complémentaires inscrites dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et le cadre prudentiel, les constatations sont présentées séparément pour ce qui est des mesures prises par les autorités de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et par les autorités prudentielles.

1.Surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

En vertu de la 3e directive anti-blanchiment, les États membres étaient tenus d’exiger des autorités compétentes qu’elles procèdent à des contrôles effectifs et prennent les mesures nécessaires pour assurer le respect de la directive par tous les établissements et personnes concernés. Dans le cas des établissements de crédit et des établissements financiers, les autorités compétentes devaient disposer de pouvoirs renforcés en matière de surveillance et notamment de la possibilité d’effectuer des inspections sur place et d’imposer des sanctions et des mesures administratives en cas de violation des obligations prévues par la directive.

a)Pouvoirs, organisation et ressources

Dans la plupart des cas, la surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme était assurée par l’autorité qui exerçait également la surveillance prudentielle. Dans un cas, la surveillance était assurée par la cellule de renseignement financier. À quelques rares exceptions près, les autorités de surveillance compétentes semblent avoir disposé de pouvoirs de surveillance suffisants et adéquats, malgré l’existence de différences dans leurs pouvoirs en matière d’imposition de sanctions et de mesures de surveillance en cas de violation de la directive anti-blanchiment. Il semble qu’il y avait de vastes écarts entre les niveaux 19 de sanctions applicables, principalement en raison du manque d’harmonisation des sanctions dans la 3e directive anti-blanchiment.

Dans plusieurs cas, les autorités de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme semblent avoir cruellement manqué de personnel, tandis qu'au sein d’autres autorités, le personnel semble avoir manqué d’expérience ou de connaissances suffisantes sur la manière d’exercer ses fonctions de surveillance. Cela semble avoir eu un impact direct sur la capacité des autorités de surveillance à s’acquitter efficacement de leurs fonctions de surveillance. Dans la plupart des cas évalués, l’absence de priorité accordée à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, tant au niveau gouvernemental qu’au niveau des autorités s'est répercutée largement sur l’intensité des actions prises par les autorités de surveillance nationales. Dans un certain nombre de cas, les incidents se sont produits dans le contexte de la crise financière, alors que l’attention du public et des responsables politiques était fixée sur d’autres carences du système financier.

b)Surveillance des entités locales

Dans un certain nombre de cas, l’autorité de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme semble n’avoir souvent eu recours qu’à des outils de contrôle à distance et n’avoir effectué que peu d’inspections sur place, limitées ou tardives, même lorsque le risque semblait élevé. Même dans les cas où des inspections sur place ont été effectuées, les autorités de surveillance semblent s’être souvent fondées uniquement sur des documents présentés par les établissements de crédit, sans procéder à des contrôles par sondage pour vérifier l’exactitude des informations fournies par ces établissements. Cela s’est souvent produit dans le contexte de ce que les autorités de surveillance ont décrit comme un climat de confiance entre l’autorité de surveillance et l’entité contrôlée. Dans de nombreux cas, les principaux manquements en matière de conformité ont été récurrents pendant des années avant d’être détectés par l’activité de surveillance ou avant que la banque ne les notifie. Dans quelques cas, les autorités de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ne semblent pas avoir reconnu assez rapidement la gravité de la situation, ce qui les a empêchées d’engager le dialogue avec les établissements contrôlés. Bien qu’elles aient constaté des violations, les autorités de surveillance, s’appuyant essentiellement sur des lettres et des recommandations informelles, n’ont souvent pas adopté de sanctions ou de mesures de contrôle.

Étude de cas: culture de surveillance

Dans un État membre, l’autorité de surveillance nationale compétente en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme a expliqué que la culture de surveillance était de nature «non intrusive» et fondée sur la confiance. L’autorité de surveillance s’est principalement fondée, mais pas exclusivement, sur des contrôles sur place et des échanges écrits avec les entités contrôlées, et n’a jamais imposé de sanctions ou adopté d’autres mesures de surveillance.

c)Surveillance des entités transfrontières

Dans la plupart des cas, les responsabilités et les tâches de contrôle respectives des autorités compétentes n’étaient pas suffisamment bien comprises ni convenues au préalable afin d’assurer une couverture complète de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au niveau des groupes et des différents établissements pris séparément. En réalité, aucune autorité de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ne semblait assumer la responsabilité de la surveillance d’un groupe, les différentes autorités de surveillance s’appuyant uniquement sur le contrôle des activités locales au sein de chaque État membre. Certaines autorités de surveillance ont noté que la 3e directive anti-blanchiment ne comportait pas d’obligation spécifique à cet égard. Néanmoins, une telle responsabilité existait de manière implicite à la fois dans la directive et dans les normes du Groupe d’action financière. Cela a été clarifié dans la 4e directive anti-blanchiment.

L’analyse a révélé que, dans plusieurs cas, l’autorité de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme chargée de surveiller le groupe n’était pas en mesure de comprendre la gravité des problèmes rencontrés dans une succursale donnée en raison de l’absence ou de l’insuffisance de contacts directs avec l’autorité chargée de la surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans cette succursale ou inversement. En outre, l’autorité de surveillance du groupe n’a pas reçu d’informations et d’analyses pertinentes sur les activités des succursales étrangères de la part des cellules de renseignement financier concernées. Il se peut donc que l’impact des problèmes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sur la succursale ou sur le groupe ait été sous-estimé.

d)Les mesures de surveillance et leur efficacité

Si des différences ont été constatées dans les pouvoirs juridiques des autorités de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en matière de sanctions et de mesures de surveillance, dans plusieurs cas évalués et indépendamment de l’étendue de leurs pouvoirs, les autorités de surveillance semblent avoir souvent hésité à imposer des sanctions ou à prendre des mesures de surveillance. Si, dans certains cas, l’autorité de surveillance a pris des mesures efficaces et imposé des sanctions substantielles dans des cas de violations graves, dans la plupart des cas, il y avait un décalage entre la gravité des violations et les sanctions ou mesures imposées, parfois en raison de l’insuffisance des pouvoirs juridiques disponibles. Les autorités de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ont hésité à imposer de nouvelles sanctions ou mesures lorsqu’une nouvelle inspection sur place a révélé que les mesures antérieures n’avaient pas été respectées ou ne l’avaient pas été suffisamment. En réalité, des approches très différentes ont été adoptées d’un cas à l’autre en ce qui concerne le recours aux sanctions pour remédier aux problèmes identifiés et l’efficacité de ces recours. Plusieurs autorités ne disposaient pas de pouvoirs de sanction efficaces, tandis que d’autres semblent avoir été réticentes à appliquer les pouvoirs existants, invoquant souvent une incertitude quant aux preuves disponibles. Dans plusieurs cas, les autorités ont imposé de multiples mesures de contrôle qui ne semblent pas avoir apporté d’améliorations substantielles. Il apparaît que les cadres applicables et/ou leur mise en œuvre n’offraient pas la certitude nécessaire quant à la capacité des autorités de surveillance à appliquer des sanctions et mesures effectives, proportionnées et dissuasives.

Dans certains cas, lorsque les établissements de crédit n’ont pas répondu aux exigences des autorités de surveillance concernant le renforcement de contrôles spécifiques liés à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en vue de les aligner sur le niveau réel des risques, les autorités de surveillance ont explicitement exigé la cessation ou la restriction de certaines relations commerciales avec certaines catégories de clients ou dans certains territoires. Cette mesure s’est avérée efficace. Dans un autre cas, les autorités de surveillance ont introduit la libération contrôlée des dépôts, par le biais de la nomination d’une personne compétente, ce qui s’est également avéré efficace. Le retrait de l'agrément comme sanction en cas de violation des règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ne semble avoir été utilisé qu’en dernier recours (voir section 2d).

Dans certains cas, étant donné qu’ils sont compétents en la matière dans certains États membres, les procureurs ont également pris des mesures ciblant certaines défaillances en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En outre, les procureurs se sont également penchés sur les infractions pénales liées au blanchiment de capitaux. Dans deux États membres, les services judiciaires ont inculpé et poursuivent actuellement en justice des employés d’établissements de crédit qui auraient été impliqués dans des infractions pénales liées au blanchiment de capitaux.

Étude de cas: absence de pouvoirs de sanction effectifs, proportionnés et dissuasifs

Même si les exigences de la directive anti-blanchiment applicables à l’époque exigeaient que les États membres veillent à ce que les autorités de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme aient le pouvoir d’imposer des sanctions «effectives, proportionnées et dissuasives» en cas de violation de la directive, dans un État membre, la sanction monétaire maximale que l’autorité compétente pouvait imposer était alors limitée à 46 500 euros au maximum par infraction.

2.La dimension de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans la surveillance prudentielle

La surveillance prudentielle, parallèlement à la surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, joue un rôle essentiel dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ce rôle s’inscrit dans le cadre de la surveillance prudentielle, bien que la dimension de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ne soit pas toujours explicitement soulignée. Les autorités de surveillance prudentielle sont chargées de la délivrance et du retrait des agréments, de l’évaluation de l’aptitude des actionnaires, des membres de l’organe de direction et des titulaires des principales fonctions des établissements de crédit, ainsi que du processus de contrôle et d’évaluation prudentiels, qui vérifie que les établissements de crédit disposent de fonds propres et de liquidités suffisants ainsi que de systèmes de gouvernance solides.

a)Pouvoirs, organisation et ressources

Au cours de la période considérée, de nombreuses autorités de surveillance prudentielle se sont principalement concentrées sur la gestion de crise et ont pris des mesures correctives à la suite de la crise financière de 2008-2009 et de la crise de la dette souveraine qui a suivi. Étant donné que d’autres aspects de la surveillance avaient souvent la priorité, les questions de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme n’ont peut-être pas toujours reçu l’attention requise. Si toutes les autorités prudentielles interrogées considèrent que la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est importante, il semble que la priorité et les ressources aient été principalement accordées à d’autres préoccupations prudentielles.

Bien que le cadre prudentiel garantisse que les autorités prudentielles soient dotées d’un large éventail de pouvoirs, plusieurs d’entre elles ont fait part de leur malaise quant à l’utilisation de ces pouvoirs dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, dès lors que le cadre prudentiel ne fait explicitement référence à ces préoccupations que de manière exceptionnelle.

Avec la mise en place du mécanisme de surveillance unique 20 , les responsabilités prudentielles des établissements de crédit importants et, pour certaines fonctions (agrément, retrait et évaluation des acquisitions de participations qualifiées), de tous les établissements de crédit de l’Union bancaire ont été transférées à la Banque centrale européenne. La Banque centrale européenne, comme toutes les autorités de surveillance prudentielle, doit tenir compte dans ses activités de surveillance prudentielle des préoccupations liées à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Lorsqu’elle agit en sa qualité d’autorité de surveillance, la Banque centrale européenne n’est pas considérée comme l’autorité responsable de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme 21 . Le transfert des pouvoirs de surveillance prudentielle à la Banque centrale européenne a introduit un niveau institutionnel supplémentaire en matière de coopération et de coordination, ajoutant l’interaction avec la Banque centrale européenne à l’interaction entre les autorités nationales de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et les autorités prudentielles.

b)Surveillance des entités locales

La surveillance prudentielle est fondée sur le principe du contrôle par le pays d’origine, qui attribue la responsabilité de la surveillance à l’autorité compétente de l’État membre dans lequel l’établissement de crédit a son siège social (qui est la Banque centrale européenne pour les établissements de crédit importants établis dans l’Union bancaire). Cette responsabilité s’étend également aux succursales de l’établissement de crédit, qu’elles soient établies dans le même État membre ou non. L’autorité prudentielle de l’État membre d’accueil où les succursales sont établies n’a que des compétences résiduelles liées à l’intérêt général et à des fins statistiques 22 .

Compte tenu de la confidentialité des décisions des autorités de surveillance, il n’a pas été possible de déterminer si les autorités de surveillance prudentielle ont systématiquement utilisé l’analyse du modèle commercial pour évaluer la viabilité et la vulnérabilité de plusieurs établissements de crédit, même lorsque ces établissements menaient des activités impliquant des facteurs de risque importants en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il n’a pas non plus été possible de déterminer si la gouvernance en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme était systématiquement incluse dans l’examen plus large des dispositifs de gouvernance des établissements de crédit par les autorités prudentielles. D’après des preuves anecdotiques et à la lumière de l’absence de directives spécifiques dans le corpus réglementaire unique, il apparaît que les préoccupations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme n’ont pas été systématiquement prises en compte dans le processus de contrôle et d’évaluation prudentiels. A posteriori, et après un examen plus approfondi de l’activité, certaines autorités ont admis que certains signaux d’alarme auraient effectivement pu être déclenchés. Dans plusieurs cas, les autorités de surveillance prudentielle ne semblaient pas avoir reconnu en temps utile la gravité de la situation, ce qui les a empêchés de procéder à des échanges d’informations substantiels et appropriés et de coordonner leur action avec d’autres autorités. Dans plusieurs cas, les autorités de surveillance ont invoqué des informations insuffisantes sur l’adéquation des systèmes de conformité ou de gestion des risques, comme l’exige le cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Une série de cas analysés montrent que certains établissements de crédit ont été agréés par les autorités nationales compétentes sans que les aspects liés à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme aient fait l’objet d’un contrôle suffisant, tant du point de vue du plan d’entreprise que de l’aptitude des actionnaires, des membres du conseil d’administration et des titulaires des principales fonctions.

c)Surveillance des entités transfrontières.

Alors que les succursales transfrontières sont placées sous la surveillance prudentielle de l’autorité de l’État membre d’origine, la surveillance de ces succursales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme relève de la compétence de l’autorité de l’État membre d’accueil. Les groupes bancaires (c’est-à-dire une société mère et ses filiales) sont soumis à des exigences prudentielles (y compris en matière de gouvernance) et à une surveillance prudentielle sur base consolidée. L’autorité à laquelle incombe la surveillance consolidée est généralement l’autorité de l’État membre d’origine qui contrôle l’établissement de crédit disposant des actifs les plus importants et où les politiques du groupe sont généralement centralisées. Dans la surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la dimension du groupe est beaucoup moins importante, de sorte que les tâches confiées à l’autorité de l’État membre d’origine sont très limitées.

L’analyse a démontré que c’est souvent l’autorité prudentielle de l’État membre d’origine chargée de la surveillance de la succursale qui n’a pas correctement apprécié la gravité des problèmes liés à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans une filiale. Cela semble s’expliquer par l’absence de contact direct entre l’autorité prudentielle du pays d’origine et l’autorité du pays d’accueil chargée de la surveillance de la succursale en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ou par une mauvaise compréhension de ces problèmes de la part même de l’autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme du pays d’origine, avec laquelle les autorités prudentielles nationales étaient en contact régulier. Dans plusieurs cas, cela semble avoir conduit à une sous-estimation de l’impact que les problèmes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au sein d’une succursale peuvent avoir sur la société mère et sur la réputation du groupe.

En ce qui concerne l’autorité à laquelle incombe la surveillance consolidée chargée de l’organisation et de la direction des collèges des autorités de surveillance, certains éléments de preuve isolés donnent à penser que les questions de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans les succursales ont régulièrement été examinées au sein desdits collèges. Or, rien n’indique que les décisions conjointes prises au niveau du groupe exigeaient des groupes bancaires qu’ils s’attaquent de manière structurée et systématique aux problèmes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au sein du groupe.

Dans de nombreux cas, les différents niveaux auxquels les tâches de surveillance prudentielle et de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ont été confiées (autorités du pays d’origine ou du pays d’accueil, autorités nationales ou de l’Union) semblent avoir exacerbé les difficultés de coopération, notamment les difficultés à identifier la contrepartie institutionnelle concernée.

Étude de cas: défaillances en matière de surveillance d'un groupe

Dans le cas d’une banque ayant des succursales à l’étranger, l’autorité de surveillance de l’État membre d’origine et celle de l’État membre d’accueil étaient des autorités intégrées qui n’établissaient pas nécessairement une distinction claire entre leurs responsabilités en matière de surveillance prudentielle et de lutte contre le blanchiment de capitaux. L’autorité de surveillance du pays d’origine, bien que chargée de la surveillance prudentielle des succursales à l’étranger, n’a pas tenu compte des problèmes de lutte contre le blanchiment de capitaux signalés par l’autorité de surveillance du pays d’accueil. En fin de compte, c’est l’autorité de l’État membre d’accueil qui a demandé à la succursale de réduire, puis de mettre un terme à ses activités impliquant des risques en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

d)Les mesures de surveillance et leur efficacité

L’examen a révélé qu’en l’absence de règles détaillées sur la manière de prendre en compte les préoccupations liées à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les autorités de surveillance prudentielle se sont largement appuyées sur les mesures correctives prises par les autorités de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme lorsque de telles préoccupations ont été identifiées. À certaines occasions, les autorités de surveillance prudentielle se sont concentrées sur la nécessité d’assurer un provisionnement adéquat des amendes, un niveau approprié de liquidité ou l’augmentation des exigences de fonds propres pour risque opérationnel. Certaines autorités prudentielles ont utilisé leur boîte à outils prudentiels plus vaste, y compris les enquêtes sur place et les enquêtes approfondies ciblées, lorsqu’elles étaient préoccupées par les risques liés à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Cela a parfois conduit à l’adoption de mesures qualitatives visant à remédier aux problèmes en matière de gouvernance, de contrôles internes et de modèle commercial non viable, ainsi que dans le cadre de gestion des risques des établissements de crédit. Compte tenu des contraintes de confidentialité, il n’a pas toujours été possible de déterminer si les autorités de surveillance prudentielle ont toujours pris des mesures prudentielles adéquates et opportunes pour remédier aux lacunes en matière de gouvernance ou de gestion des risques ayant permis aux principaux manquements en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme de se produire. Certaines autorités de surveillance ont demandé à des établissements de crédit d’adapter leur modèle commercial en vue de réduire les risques.

Le retrait de l'agrément en cas d’infractions graves aux règles de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme figure également parmi les sanctions prévues par le cadre prudentiel. Seules les autorités prudentielles peuvent retirer un agrément. Cet outil a été utilisé par les autorités prudentielles dans plusieurs des cas analysés, principalement pour de petits établissements. Dans les cas analysés, il n’a pas été possible de déterminer comment ces infractions et leur intensité ont été évaluées en vue de l’application de la sanction de retrait. Parmi les cas analysés, plusieurs cas de retrait d'agrément se sont avérés être une simple formalité plutôt qu’une sanction pour infraction aux règles de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, l’établissement de crédit ayant déjà été déclaré en défaillance avérée ou prévisible, ou placé sous la responsabilité d’un administrateur spécial.

Il n’existe pas de règles communes en ce qui concerne la fermeture de succursales, et certains éléments indiquent que l’autorité prudentielle du pays d’origine n’intervient pas toujours de manière substantielle dans la décision de fermeture de succursales prise par l’autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme du pays d’accueil.

Étude de cas: retrait d'agrément

Dans un cas, une banque a vu son accès aux marchés se réduire à la suite d’un avertissement émis par les autorités d’un pays tiers concernant des soupçons de blanchiment de capitaux en rapport avec cette banque. Cette situation a entraîné une détérioration significative de la liquidité de la banque, de sorte qu’elle s’est vue incapable de payer ses dettes ou d’autres passifs à leur échéance. L’autorité prudentielle a alors décidé de déclarer la banque en défaillance avérée ou prévisible. La banque s’est vu retirer son agrément quelques mois plus tard, alors qu’elle était en cours de liquidation.

3.Coopération au sein de l’Union

Les dispositions relatives à la coopération entre les différentes autorités sont dispersées dans les différents cadres réglementaires prudentiels et de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et varient en termes de précision et de caractère contraignant. La coopération est fortement influencée par la répartition des responsabilités entre les autorités de l’État membre d’origine et celles de l’État membre d’accueil, qui est axée sur les autorités de l’État membre d’accueil dans la directive anti-blanchiment et sur celles de l’État membre d’origine dans la directive sur les exigences de fonds propres. La mise en place du mécanisme de surveillance unique et l’exercice des compétences prudentielles par la Banque centrale européenne constituent une dimension supplémentaire de la coopération.

La plupart des autorités interrogées (autorités prudentielles, autorités de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, autorités répressives, cellules de renseignement financier) se sont déclarées disposées à coopérer et à échanger des informations avec les autres autorités compétentes. Dans les cas couverts par l’analyse rétrospective, les autorités semblent avoir interagi les unes avec les autres à plusieurs reprises, tant au niveau national qu’international. Par exemple, la plupart des autorités intégrées ont souligné que leurs services de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et leurs services prudentiels coordonnaient régulièrement leurs efforts ou ont occasionnellement travaillé en équipes communes. Au-delà des frontières, les autorités semblent avoir discuté de préoccupations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans le cadre de collèges d’autorités de surveillance ou sur une base bilatérale, notamment lorsque les problèmes se sont aggravés. Toutefois, les autorités compétentes n’ont pas toutes entretenu des contacts, et là où il y a eu interaction, l’intensité et la fréquence des contacts ont varié considérablement. Dans plusieurs des cas analysés, l’interaction s’est révélée clairement inefficace et a empêché une bonne compréhension de la gravité de la situation ou n’a pas abouti à une action conjointe de surveillance.

En ce qui concerne la coopération nationale, les autorités ont mis en évidence un certain nombre de problèmes qui ont pu affecter l’intensité, la qualité et la fréquence de la coopération et de l’échange d’informations, ce qui donne à penser que la coopération ne permet pas toujours une surveillance efficace. Par exemple, plusieurs autorités ont indiqué que les exigences de confidentialité empêchaient une coopération et un échange d’informations efficaces entre les cellules de renseignement financier, les autorités répressives et les autorités de surveillance prudentielle ou de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. D’autres autorités ont signalé un manque d’expérience dans l’identification de ce qui constitue une information importante à partager entre une cellule de renseignement financier et une autorité de surveillance prudentielle ou de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ou entre les deux autorités de surveillance et ont observé que, avec l’expérience, l’échange d’informations s’était récemment intensifié. Certaines autorités de surveillance intégrées ont déclaré n’avoir jamais demandé l’avis d’une cellule de renseignement financier dans le cadre d’évaluations prudentielles, par exemple à des fins de compétence et d’honorabilité, mais s’appuyer sur des informations fournies par les services prudentiels. En outre, de nombreux cas analysés ont démontré que les cellules de renseignement financier n’échangeaient pas d’informations de manière structurée avec les autorités de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et les autorités de surveillance prudentielle. Les cellules de renseignement financier peuvent parfois avoir été empêchées de partager des informations avec les autorités de surveillance en raison de dispositions du droit interne (par exemple, lorsque l’analyse effectuée par la cellule de renseignement financier était considérée comme des informations pénales et ne pouvait être partagée qu’avec les autorités répressives). D’un autre côté, les cellules de renseignement financier ont très rarement reçu un retour d’information des autorités de surveillance sur l’utilisation faite des informations fournies et sur les résultats des inspections effectuées sur la base de ces informations. Ces questions sont examinées plus en détail dans le rapport portant évaluation du cadre pour la coopération entre les cellules de renseignement financier.

En outre, il existe d’autres problèmes potentiels ayant trait à l’intensité, à la qualité et à la fréquence de la coopération. Ils concernent plusieurs définitions et règles figurant dans les directives pertinentes, qui peuvent avoir conduit à des interprétations différentes des obligations et à des attentes différentes de la part des différentes autorités.

L’examen a mis en lumière des mesures efficaces dans des cas où les autorités de surveillance ont eu des interactions intensives avec les autorités répressives dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Toutefois, il est apparu qu’il existe une grande variété de facteurs déclenchant la participation des autorités répressives, puisqu’il n’existe pas de dénominateur commun dans le droit de l’Union. Cela peut également expliquer pourquoi les contacts des autorités répressives avec les autorités de surveillance d’autres États membres restent restreints. Il semble également y avoir des différences dans le rôle et l’étendue des pouvoirs des services répressifs, ce qui peut également expliquer en partie pourquoi la coopération et la coordination entre les autorités répressives en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme restent rares.

En ce qui concerne la coopération transfrontière au sein de l’Union, l’analyse n’a pas permis d’identifier l’intensité, la qualité et la fréquence des interactions entre les différentes autorités. Les différents cas ont montré que les contacts entre les autorités (autorités de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et autorités prudentielles) des États membres étaient inégaux et souvent établis sur une base ad hoc, ce qui peut être largement attribué aux différences dans les cadres juridiques applicables en matière de répartition des compétences de surveillance et d’approche en matière de surveillance de groupe. La coopération s’est souvent réduite à un simple échange d’informations et n’a pas toujours abouti à une compréhension commune des implications transfrontières, ni à une action concertée en matière de surveillance. En outre, il semble qu’il n’y ait pas eu d’objectif stratégique commun de prévention du blanchiment de capitaux parmi la multitude d’acteurs institutionnels impliqués.

4.Coopération entre les autorités de l’Union et les autorités de pays tiers

La coopération et l’échange d’informations entre les autorités des États membres chargées de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et leurs homologues des pays tiers ne sont pas régis par la directive anti-blanchiment. La coopération en matière de surveillance s’effectue presque exclusivement sur une base bilatérale, sur la base des normes du Groupe d’action financière (en particulier la recommandation 40 23 et sa note interprétative). Les autorités prudentielles de l’Union peuvent avoir recours à des collèges prudentiels pour discuter avec leurs homologues de pays tiers de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, mais cela n’implique pas la participation des autorités de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les deux autorités de surveillance sont tenues de respecter les principes énoncés dans les lignes directrices du Comité de Bâle sur la bonne gestion des risques liés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme.

Environ la moitié des cas analysés dans le cadre de l’exercice rétrospectif concernaient une interaction de surveillance avec les autorités de pays tiers. Les parties prenantes ont mentionné les problèmes suivants, qui sous-tendent les défis de la coopération avec certaines autorités de pays tiers: le manque de volonté des deux parties à échanger des informations confidentielles avec certaines autorités, le manque de confiance mutuelle et la crainte que les échanges d’informations, dans les rares cas où ils incluent le transfert de données à caractère personnel, ne soient pas conformes au règlement général sur la protection des données 24 .

Dans certains cas analysés, les autorités ont indiqué qu’elles entretenaient une coopération et un échange d’informations réguliers et globalement satisfaisants avec les autorités responsables de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et les autorités prudentielles de pays tiers, bien que, dans quelques cas, des signes d’asymétrie dans l’échange d’informations ont été relevés. Dans d’autres cas, les autorités ont mis en évidence des lacunes dans la coopération avec les autorités de pays tiers, notamment en ce qui concerne le calendrier et l’étendue de l’échange d’informations ou de la coordination des actions. Dans quelques cas, lorsque les autorités de pays tiers ont annoncé des mesures légitimes à l’encontre d’un établissement de crédit établi dans l’Union, les autorités prudentielles et/ou les autorités de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au sein de l’Union semblent avoir manqué d’informations sur l’imminence et le contexte de telles mesures. Ces mesures ont eu un impact important sur les banques concernées, mais ont été prises sans avertissement préalable suffisant pour permettre aux autorités compétentes de l’Union de prendre des mesures préventives à l’encontre des établissements concernés et d’autres mesures visant à préserver la stabilité financière avant la publication des mesures. Il s’agissait de situations dans lesquelles des mesures ont été prises spécifiquement par les autorités répressives de pays tiers, et non par les autorités de surveillance de ces pays.

En outre, dans plusieurs cas où, à la suite de constatations par les autorités de surveillance, les autorités répressives ont ouvert des enquêtes, celles-ci ont rencontré des problèmes de coopération avec certains pays tiers. Plus précisément, les autorités de pays tiers n’ont pas répondu aux demandes d’entraide judiciaire émanant des autorités répressives des États membres. Cela a empêché ces dernières d’obtenir des preuves permettant d’attester l’origine criminelle des capitaux, ce qui a finalement conduit à l’abandon des poursuites.

Ce n’est que dans de rares cas que les autorités de l’Union chargées du contrôle de différentes entités du groupe ont coordonné leur interaction avec les autorités de pays tiers. Toutefois, dans la plupart des cas analysés, aucune preuve de ce type n’a pu être trouvée. L’analyse n’a pas non plus permis d’établir que les autorités de l’Union ont, dans tous les cas, transmis à leurs homologues européens toutes les informations pertinentes reçues des autorités de pays tiers.

Étude de cas: interaction avec les autorités de pays tiers

Dans deux cas, les autorités nationales n’ont pas été en mesure d’intervenir ou de constater les infractions qui ont sous-tendu les actions des autorités de pays tiers, étant donné que ces dernières n’ont notifié les mesures envisagées aux autorités des États membres que très peu de temps avant leur publication. À la suite de la publication des mesures envisagées, deux établissements de crédit européens ont dû cesser leurs activités.

IV.Progrès récents réalisés au sein de l’Union

Au cours des dernières années, les établissements de crédit et les autorités publiques responsables de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ont pris des mesures pour améliorer leur dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ces progrès, ainsi que les défis qui restent à relever, sont documentés dans les recommandations spécifiques par pays et dans les rapports nationaux qui les accompagnent 25 . En outre, plusieurs évolutions ont eu lieu au niveau de l’Union.

1.Évolution du cadre réglementaire de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

Depuis l’introduction de la directive anti-blanchiment, le cadre juridique de l’Union a été considérablement amélioré par le biais de la 4e directive anti-blanchiment, qui devait être transposée dans les États membres pour juin 2017, tandis que la 5e directive anti-blanchiment apporte de nouvelles améliorations et devrait être transposée d’ici janvier 2020. Ce nouveau cadre constitue une amélioration par rapport aux règles précédentes, notamment parce qu’il: i) clarifie la nécessité pour les établissements de crédit de procéder à des évaluations des risques et de mettre en place des politiques et procédures adéquates pour prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme; ii) met en place des registres des bénéficiaires effectifs, des comptes des établissements de crédit et des listes de personnes politiquement exposées, ce qui améliorera considérablement la capacité des établissements à exercer une vigilance efficace à l’égard de la clientèle; iii) clarifie le rôle de l’établissement mère dans la mise en œuvre de politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme pour l’ensemble du groupe; iv) clarifie le rôle de l’autorité de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme de l’établissement mère dans la surveillance du groupe à ces fins; v) renforce considérablement les pouvoirs des autorités de surveillance en matière d’imposition de sanctions et de mesures administratives en cas de manquement aux obligations pertinentes, tout en exigeant que ces sanctions et mesures administratives soient publiques; vi) améliore sensiblement l’échange d’informations entre les autorités compétentes concernées, notamment en levant l’obstacle de la confidentialité des échanges d’informations entre autorités de surveillance et en concluant un protocole d’accord pour les échanges entre les autorités de surveillance et la Banque centrale européenne; et vii) permet aux autorités de surveillance des États membres de conclure des protocoles d’accord avec leurs homologues de pays tiers à des fins de collaboration et d’échange d’informations confidentielles.

La directive 2018/1673 visant à lutter contre le blanchiment de capitaux au moyen du droit pénal complète ce cadre préventif en harmonisant la définition du délit de blanchiment de capitaux et les sanctions y afférentes. La directive est entrée en vigueur en décembre 2018 et les États membres ont deux ans pour la transposer. Ce nouveau cadre constitue une amélioration par rapport aux règles précédentes, notamment parce qu’il i) rend le blanchiment de capitaux passible d’une peine d’emprisonnement maximale d’au moins quatre ans; ii) considère les cas comme aggravés lorsque l’auteur de l’infraction est une entité assujettie et a commis l’infraction dans l’exercice de ses activités professionnelles; iii) veille à ce que les autorités répressives puissent utiliser des outils d’enquête efficaces, tels que ceux qui sont utilisés en matière de lutte contre la criminalité organisée ou d’autres formes graves de criminalité; iv) autorise les États membres à ériger en infraction pénale également le blanchiment de capitaux commis par imprudence ou à la suite d’une négligence grave.

2.Évolution du cadre réglementaire prudentiel

Le cadre prudentiel a fait l’objet d’une mise à jour substantielle en 2018, des modifications devant être appliquées d’ici fin 2020 26 . En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les amendements ont introduit une obligation explicite de coopération entre les autorités prudentielles et les autorités de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et les cellules de renseignement financier, et supprimé les obstacles liés à la confidentialité en vue de permettre des échanges d’informations efficaces entre ces autorités. L’Autorité bancaire européenne a été chargée d’élaborer des lignes directrices détaillant divers aspects de l’exigence de coopération.

En outre, la 5e directive sur les exigences de fonds propres a clarifié la possibilité pour les autorités de surveillance prudentielle d’utiliser les outils prudentiels disponibles pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans une perspective prudentielle. La 5e directive sur les exigences de fonds propres fournit plus de détails sur l’évaluation des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques pendant le processus d’agrément. Elle introduit également un pouvoir explicite de révocation des membres du conseil d’administration en cas de doute quant à leur qualité, notamment du point de vue de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

En outre, la 5e directive sur les exigences de fonds propres mentionne explicitement la dimension de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans le cadre du processus de contrôle et d’évaluation prudentiels, exigeant des autorités compétentes qu’elles prennent les mesures nécessaires en utilisant les outils et les pouvoirs dont elles disposent si les préoccupations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont importantes d’un point de vue prudentiel. Les autorités compétentes sont également tenues d’informer l’Autorité bancaire européenne et l’autorité chargée de la surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux lorsqu’elles identifient des faiblesses dans le modèle de gouvernance, les activités commerciales ou le modèle commercial, qui donnent des motifs raisonnables de soupçonner un blanchiment de capitaux ou un financement du terrorisme.

3.Évolution du rôle des autorités européennes de surveillance en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

Au niveau de l’Union, les mandats actuels des trois autorités européennes de surveillance – l’Autorité bancaire européenne, l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles et l’Autorité européenne des marchés financiers – s’étendent au domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Elles sont habilitées à élaborer des règles et des orientations dans ce domaine, à promouvoir la coopération et l’échange d’informations entre les autorités et la convergence en matière de surveillance et à veiller à ce que la législation en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme soit correctement appliquée. Toutefois, les autorités européennes de surveillance ne sont pas elles-mêmes des autorités de surveillance disposant de leurs propres pouvoirs et outils contraignants pour assurer le respect et l’application des règles et recommandations et ne peuvent être associées de manière adéquate à la coopération avec les autorités des pays tiers. Elles doivent plutôt travailler avec les autorités nationales compétentes en utilisant les pouvoirs qui leur sont conférés par leurs règlements fondateurs 27 .

Ces dernières années, en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les autorités européennes de surveillance se sont concentrées sur l’exécution d’un certain nombre de mandats de nature réglementaire qui leur ont été délégués en vertu de la 4e directive anti-blanchiment. Toutefois, plus récemment, l’accent a été davantage placé sur la réalisation de travaux de convergence, notamment sur la bonne application des règles pertinentes.

Par exemple, en juillet de l’année dernière, dans le cas d’une banque, le conseil des autorités de surveillance de l’Autorité bancaire européenne a adopté des recommandations adressées à l’autorité de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme afin qu’elle prenne des mesures pour assurer la conformité avec la directive anti-blanchiment. La Commission a ensuite adressé un avis à cette autorité de surveillance concernant les mesures nécessaires pour se conformer au droit de l’Union 28 .

Plus tôt cette année, à la demande de la Commission, l’Autorité bancaire européenne a également enquêté auprès des autorités de surveillance de deux États membres sur les circonstances de l’exploitation par une banque d’un portefeuille à haut risque de clients non-résidents par l’intermédiaire de sa succursale à l’étranger. En l’espèce, l’Autorité bancaire européenne a ouvert en février 2019 une enquête formelle pour violation du droit de l’Union en vertu de l’article 17 du règlement (UE) nº 1093/2010 (le règlement instituant l’Autorité bancaire européenne) 29 . À la suite de l’ouverture de l’enquête et d’une analyse approfondie effectuée par le personnel de l’Autorité bancaire européenne, le panel indépendant de l’Autorité bancaire européenne sur la violation du droit de l’Union a proposé un projet de recommandation à son conseil des autorités de surveillance concernant un certain nombre de violations du droit de l’Union par les deux autorités de surveillance en matière de contrôle et de coopération efficaces. Le conseil de surveillance de l’Autorité bancaire européenne (composé des responsables des autorités prudentielles des États membres) a rejeté la recommandation le 16 avril 2019.

La décision finale du conseil des autorités de surveillance de l’Autorité bancaire européenne dans la procédure pour violation du droit de l’Union relative à la banque concernée peut avoir été motivée par les questions suivantes:

·Les membres du conseil des autorités de surveillance, tout en reconnaissant qu’il peut y avoir eu des déficiences dans la surveillance, semblent avoir considéré que les obligations des autorités de surveillance au titre des directives pertinentes n’étaient pas suffisamment claires et inconditionnelles et ne pouvaient donc pas être utilisées pour émettre une recommandation pour violation du droit de l’Union. En outre, les membres du conseil des autorités de surveillance ont tenu compte du fait que le cadre législatif a changé pendant la période couverte par l’enquête de l’Autorité.

·Les membres du conseil des autorités de surveillance ont également estimé que cette affaire concernait le passé et que l’article 17 du règlement de l’Autorité bancaire européenne relatif aux procédures pour violation du droit de l’Union ne constitue pas le bon outil pour remédier aux problèmes passés 30 .

Les constatations qui précèdent soulèvent des questions pour l’avenir, notamment sur la manière de faire en sorte que les autorités de surveillance puissent être tenues responsables de leurs actions en vue de garantir le respect du droit de l’Union par les établissements financiers, notamment lorsqu’elles travaillent avec des directives d’harmonisation minimale. Par ailleurs, elles soulignent également la nécessité pour les autorités européennes de surveillance d’utiliser l’ensemble des outils à leur disposition, y compris les examens prospectifs de mise en œuvre, afin de renforcer dans la pratique la surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme à travers l’UE. Il convient de noter que la décision de l’Autorité bancaire européenne n’affecte pas le droit de la Commission d’engager une procédure d’infraction sur la base des mêmes faits.

La récente réforme des autorités européennes de surveillance a mis davantage l’accent sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. À compter de janvier 2020, le mandat en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dont dispose actuellement chacune des trois autorités européennes de surveillance sera concentré au sein de l’Autorité bancaire européenne, qui jouera un rôle moteur, ainsi qu'un rôle de coordination et de contrôle dans la promotion de l’intégrité, de la transparence et de la sécurité du système financier afin de prévenir et de combattre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. De nouvelles règles en matière de partage et de diffusion de l’information devraient améliorer sensiblement la coopération entre les autorités prudentielles et les autorités de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et renforcer le rôle de l’Autorité bancaire européenne en vue de garantir que les infractions aux règles pertinentes fassent systématiquement l’objet d’enquêtes et que les autorités nationales de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme respectent les règles de l’Union. En outre, l’Autorité bancaire européenne aura un rôle à jouer pour faciliter la coopération avec les autorités de pays tiers en cas d’indices de violation de la directive anti-blanchiment.

V.Conclusion

La prévention et la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont essentielles pour préserver l’intégrité du marché intérieur et lutter contre la criminalité. Différentes entités ont un rôle différent à jouer dans cette tâche, à commencer par les établissements de crédit, les autorités de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et les autorités de surveillance prudentielle (y compris la Banque centrale européenne agissant en sa qualité d’autorité de surveillance), les cellules de renseignement financier et les autorités répressives (police, procureurs et tribunaux). Il est impératif que ces entités accordent un degré de priorité suffisant à leurs tâches de prévention et de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il est également essentiel que les lois soient pleinement et efficacement appliquées par les établissements de crédit et appliquées de manière systématique par des autorités publiques dotées de pouvoirs d’enquête et de contrôle suffisants et disposant de sanctions efficaces et dissuasives. La coopération et l’échange efficace d’informations entre la multitude d’autorités compétentes sont essentiels pour répondre aux préoccupations croissantes en matière de lutte transfrontière contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, y compris en dehors de l’Union. L’analyse a montré que souvent, dans la pratique, ces aspects essentiels n’étaient pas suffisamment pris en compte.

1.Constatations relatives aux systèmes de défense mis en place par les établissements de crédit pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

L’analyse des cas sélectionnés a révélé des cas importants de non-respect par les établissements de crédit des exigences essentielles de la directive anti-blanchiment, telles que l’évaluation des risques, la vigilance à l’égard de la clientèle et la notification des transactions et activités suspectes aux cellules de renseignement financier. Les cas présentant des défaillances persistantes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme affichent souvent également des défaillances plus globales de la gouvernance en matière de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, notamment dans la fonction de contrôle ainsi que, dans certains cas, dans l’attitude des instances dirigeantes.

Bon nombre des banques examinées exerçaient des activités à risque du point de vue de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, sans mettre en place des contrôles et une gestion des risques appropriés. Souvent, les risques se sont matérialisés bien avant que les établissements de crédit n’identifient les défaillances. Et même lorsque des défaillances ont été identifiées, certaines banques ont mis beaucoup de temps à y remédier.

De nombreux groupes bancaires transfrontières analysés ont organisé localement leurs fonctions de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, en mettant l’accent sur le respect des règles locales, sans compléter cette approche par la mise en œuvre rigoureuse et systématique d’une politique de groupe et de processus de contrôle.

Si certaines des défaillances identifiées semblent avoir été principalement dues à la négligence, dans certains cas, des employés ou la direction d’établissements de crédit semblent avoir soutenu le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme ou avoir délibérément abaissé leurs défenses, en quête d’activités rentables mais hautement suspectes. Dans quelques cas, les défaillances étaient si graves qu’elles ont finalement conduit à la faillite ou à la fermeture de l’établissement de crédit ou de certaines activités.

Toutefois, ces dernières années, grâce au développement progressif du cadre juridique de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, de nombreux établissements de crédit examinés ont pris des mesures substantielles pour améliorer leurs systèmes de conformité aux règles de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ils ont renforcé leurs équipes de gestion des risques et de conformité et travaillent à leurs procédures et contrôles internes. Certaines des obligations y afférentes devraient également être plus claires une fois que la 5e directive anti-blanchiment et la 5e directive sur les exigences de fonds propres auront été transposées. En outre, conformément au plan d’action de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme adopté par le Conseil en décembre 2018, l’Autorité bancaire européenne élabore actuellement des orientations plus détaillées relatives à l’application des règles pertinentes. Ces mesures visent à clarifier les attentes vis-à-vis des établissements de crédit et à les aider à mieux se préparer à jouer leur rôle dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Cependant, plusieurs aspects du cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme pourraient nécessiter d’être renforcés par des règles contraignantes ne laissant guère de place à une interprétation divergente.

2.Constatations relatives aux mesures prises par les autorités publiques

L’analyse a examiné les actions et les réponses des autorités de surveillance et d’autres autorités publiques dans chacun des cas. Dans certains cas, les autorités publiques ont efficacement identifié de manière préventive les défaillances des établissements de crédit et exigé des mesures correctives, mais dans d’autres, elles ne sont intervenues qu’après la matérialisation de risques importants ou en cas de manquements répétés en matière de conformité et de gouvernance. L’opportunité et l’efficacité des mesures de surveillance ultérieures imposées aux établissements de crédit ont été très variables.

Un certain nombre de facteurs semblent avoir influencé l’efficacité des mesures de surveillance. Les autorités publiques ont attribué différents degrés de priorité et d’affectation des ressources aux activités de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ce qui peut expliquer les différences en ce qui concerne le degré d’intrusion et d’intensité de la surveillance. Souvent, les contrôles n’étaient pas effectués avec une fréquence suffisante, tandis que dans d’autres cas, le personnel des autorités souffrait d’un manque d’expérience en la matière. À cet égard, il sera important de mettre davantage l’accent sur la mise en œuvre et la convergence de la surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme par le biais d’examens et d’une formation dispensés par l’Autorité bancaire européenne. Plusieurs autorités prudentielles avaient également des incertitudes quant à l’ampleur et aux modalités de la prise en compte des préoccupations liées à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans leur boîte à outils. Les travaux de l’Autorité bancaire européenne en matière d’élaboration de lignes directrices, ainsi que d’intégration de ces préoccupations dans la surveillance prudentielle, devraient à l’avenir guider les travaux des autorités de surveillance.

Le cadre décentralisé de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, qui repose essentiellement sur l’approche du pays d’accueil, est axé sur le contrôle du respect des cadres locaux par les entités nationales, sans nécessairement prêter attention à leurs activités transfrontières. En réalité, aucune autorité de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ne semblait assumer la responsabilité de la surveillance à l’échelle du groupe, les différentes autorités de surveillance s’appuyant uniquement sur le contrôle des activités locales au sein de chaque État membre, sans aucun contrôle des politiques du groupe en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Bien que la surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ait été plus clairement introduite dans la 4e directive anti-blanchiment, elle doit encore être effectivement appliquée dans la pratique par les autorités. Le cadre ne prévoit toujours pas de tâches claires en matière de surveillance des groupes, ni de mécanisme de coordination spécifique ou de processus décisionnel commun entre toutes les autorités compétentes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ce qui contraste avec les mécanismes efficaces qui caractérisent la surveillance prudentielle transfrontière depuis la 4e directive sur les exigences de fonds propres et la mise sur pied du mécanisme de surveillance unique. La mise en place de collèges de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et leur surveillance par l’Autorité bancaire européenne seront importantes à cet égard.

En ce qui concerne la coopération et l’échange d’informations entre les autorités compétentes, ceux-ci ont effectivement eu lieu dans une certaine mesure, mais ils n’ont pas toujours été opportuns ni efficaces. Les facteurs sous-jacents semblent avoir été l’absence de contacts directs entre les autorités prudentielles et les autorités compétentes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et les cellules de renseignement financier, la diversité des structures institutionnelles à travers l’Union et la complexité de la coordination, le manque de ressources et les obstacles juridiques à l’échange d’informations.

La coopération avec les autorités de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et les autorités répressives de pays tiers s’est avérée difficile dans certains cas et les mesures prises par les autorités de pays tiers restent largement imprévisibles, malgré leurs potentielles incidences majeures sur les pays de l’Union. Bien que l’Autorité bancaire européenne se soit vu attribuer un rôle renforcé dans la coordination avec les pays tiers, ce rôle restera probablement limité en raison de la nature de ses compétences.

Dans le contexte de l’évolution du cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux, les autorités de surveillance ont accordé une attention beaucoup plus grande aux problèmes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, notamment au cours des deux dernières années. La vague d’incidents récents a également entraîné des modifications ciblées du cadre juridique pertinent, notamment en ce qui concerne le cadre prudentiel et le contrôle de l’application par l’Autorité bancaire européenne. De nombreuses autorités ont été réorganisées ou sont en cours de l’être, et acquièrent des ressources supplémentaires et de nouvelles compétences. Cette tendance devrait se poursuivre et s’appuyer sur une assistance à la mise en œuvre ainsi que sur des flux d’informations efficaces à travers l’UE, sur la base de la future base de données de l’Autorité bancaire européenne.

3.Problèmes structurels non résolus

Alors que certaines des causes sous-jacentes des événements analysés ont déjà été ou seront bientôt traitées grâce aux récentes modifications apportées au cadre réglementaire, l’analyse souligne un certain nombre de problèmes structurels non résolus. Les conclusions du présent rapport visent à éclairer le débat sur la manière dont le cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme pourrait être encore amélioré et à servir de base à de nouvelles discussions avec les parties prenantes concernées.

Certaines des lacunes mises en évidence dans le présent rapport sont de nature structurelle et n’ont pas encore été corrigées. La divergence des approches adoptées par les établissements de crédit pour se conformer aux règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et par les autorités nationales pour en assurer la surveillance résulte d’une harmonisation minimale au niveau de l’Union. L’intégration des questions de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans la surveillance prudentielle, en particulier dans les situations transfrontières, manque encore de cohérence dans le cadre prudentiel.

Il en résulte une certaine fragmentation réglementaire et prudentielle dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, qui semble inadaptée au regard de la croissance constante des activités transfrontières au sein de l’Union et de la centralisation de la surveillance prudentielle au sein de l’Union bancaire. Des liens faibles menacent l’intégrité du système financier de l’Union dans son ensemble et continueront d’exister si l’on ne veille pas à ce que toutes les entités appliquent de manière cohérente et efficace des règles communes et soient soumises à une surveillance de la plus haute qualité.

Cela implique que les tâches des différentes autorités compétentes impliquées dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme soient clairement définies et attribuées de manière adéquate, tout en veillant à ce qu’aucune activité présentant un risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ne soit laissée sans surveillance. En outre, au niveau international, la coopération avec les principales autorités des pays tiers devrait être plus structurée et systématique, assurant des positions concertées dans la coopération avec les pays tiers.

Il pourrait être envisagé d’harmoniser davantage les règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, tant en ce qui concerne les obligations des établissements de crédit que les pouvoirs, devoirs et outils nécessaires à une surveillance efficace. En particulier, il conviendrait d’envisager la transformation de la directive anti-blanchiment en un règlement, mesure qui offrirait la possibilité de définir un cadre réglementaire de l’Union à la fois harmonisé et directement applicable pour lutter contre le blanchiment de capitaux. En outre, la dimension transfrontière de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme mériterait d’être développée afin de l’adapter au degré actuel d’intégration du marché bancaire. D’autres solutions pourraient aussi être envisagées afin de garantir une surveillance anti-blanchiment systématique et de qualité, un échange d’informations fluide et une coopération optimale entre toutes les autorités concernées dans l’Union. Il pourrait pour cela être nécessaire de confier des tâches spécifiques de surveillance anti-blanchiment à un organisme de l’Union.

(1)

Communication de la Commission «Renforcer le cadre de l’Union en matière de surveillance prudentielle et de surveillance anti-blanchiment applicable aux établissements financiers», COM(2018) 645 final, 12.9.2018.

(2)

Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil et à la Banque centrale européenne «Approfondissement de l’Union économique et monétaire européenne: bilan quatre ans après le rapport des cinq présidents», COM(2019) 279 final, 12.6.2019.

(3)

Le cadre pertinent est défini principalement dans la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) nº 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive, telle que modifiée (la directive anti-blanchiment) et complétée par les dispositions de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, telle que modifiée (directive sur les exigences de fonds propres).

(4)

  https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2018/12/04/money-laundering-council-adopts-conclusions-on-an-action-plan-for-enhanced-monitoring/

(5)

Les dix banques incluses dans l’échantillon n’ont pas fait l’objet d’une analyse globale, mais l’examen s’est concentré sur des événements spécifiques connus du public liés à certaines banques en particulier et sur les mesures de surveillance correspondantes. Les conclusions du présent rapport ne caractérisent pas nécessairement chacun des cas étudiés et n’ont pas nécessairement la même importance dans tous les cas où elles s’appliquent. L’échantillon de cas comprend: ABLV Bank en ce qui concerne les événements qui ont conduit à la fermeture de la banque, Danske Bank en ce qui concerne les événements qui ont conduit à la fermeture de sa succursale estonienne, Deutsche Bank en ce qui concerne l’affaire des transactions miroirs qui a conduit à l’imposition d’amendes, FBME Bank en ce qui concerne les événements qui ont conduit à sa fermeture, ING en ce qui concerne les événements qui ont provoqué l’arrangement avec le ministère public des Pays-Bas, Nordea en ce qui concerne les événements qui ont donné lieu à des amendes pour manque de conformité aux règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, Pilatus Bank en ce qui concerne les événements qui ont conduit à sa fermeture, Satabank en ce qui concerne les événements qui ont conduit à des restrictions de ses activités, Société Générale en ce qui concerne les événements qui ont conduit à l’imposition d’amendes pour manque de conformité aux règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et Versobank en ce qui concerne les événements qui ont mené à la fermeture de la banque.

(6)

En termes de taille, de modèle commercial, de présence transfrontière, de modèles de gouvernance, etc.

(7)

Directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) nº 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission (JO L 849 du 9.7.2015, p. 1).

(8)

 Directive 2006/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO L 177 du 30.6.2006, p. 1) et directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO L 176 du 27.6.2013, p. 338).

(9)

Directive (UE) 2019/878 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les entités exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres (JO L 150 du 7.6.2019).

(10)

Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE, directive (UE) 2019/878 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les entités exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres (JO L 150 du 7.6.2019, p. 253) et la réforme des autorités européennes de surveillance devant être formellement adoptée le XXX.

(11)

Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme pesant sur le marché intérieur et liés aux activités transfrontières [COM(2019) 370 final].

(12)

Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil évaluant le cadre de coopération entre les cellules de renseignement financier [COM(2019) 371].

(13)

Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’interconnexion des mécanismes automatisés centralisés nationaux (registres centraux ou systèmes électroniques centraux de recherche de données) des États membres concernant les comptes bancaires [COM(2019) 372].

(14)

Les causes ou manifestations précises des défaillances en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme varient considérablement, de même que leur intensité.

(15)

Un établissement de crédit évalué disposait de structures de groupe complexes exécutant des opérations relevant de juridictions étrangères, qui étaient ensuite comptabilisées dans l’Union par l’intermédiaire d’une succursale à l’étranger. Ce modèle particulier présente des risques liés à la participation de tiers aux paiements et tend à être associé à la délégation complète de la vigilance à l’égard de la clientèle à l’entité qui effectue la comptabilisation à distance.

(16)

Il convient de noter qu’il appartient aux autorités nationales d’enquêter sur ces cas. La Commission n’a aucune compétence à cet égard.

(17)

Article 74 de la directive 2013/36/UE (directive sur les exigences de fonds propres).

(18)

Les trois lignes de défense concernent les aspects suivants: (1ère ligne) les unités opérationnelles, (2e ligne) la fonction de conformité et de gestion des risques et (3e ligne) la fonction d’audit interne.

(19)

Alors que certaines autorités ne pouvaient imposer qu’un maximum de 46 500 euros par infraction, d’autres pouvaient imposer des sanctions administratives s’élevant à plusieurs millions d’euros.

(20)

Règlement (UE) nº 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO L 287 du 29.10.2013, p. 63) (règlement instituant le mécanisme de surveillance unique).

(21)

Considérant 28 du règlement instituant le mécanisme de surveillance unique.

(22)

Les autorités du pays d’accueil sont plus étroitement associées à la surveillance exercée par les autorités du pays d’origine lorsque des succursales sur leur territoire ont été désignées comme importantes.

(23)

http://www.fatf-gafi.org/media/fatf/documents/recommendations/Recommandations%20du%20GAFI%202012.pdf.

(24)

Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données personnelles) (JO L 119 du 4.5.2016, p. 1).

(25)

https://ec.europa.eu/info/publications/2019-european-semester-country-specific-recommendations-council-recommendations_en.

(26)

Directive (UE) 2019/878 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les entités exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres (JO L 150 du 7.6.2019).

(27)

Règlement (UE) nº 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision nº 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission, règlement (UE) nº 1094/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles), modifiant la décision nº 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/79/CE de la Commission; Règlement (UE) nº 1095/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), modifiant la décision no 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/77/CE de la Commission (JO L 331 du 15.12.2010, p. 84).

(28)

C(2018) 7431 final du 8.11.2018.

(29)

 Règlement (UE) nº 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision nº 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission (JO L 331 du 15.12.2010, p. 12).

(30)

En particulier, les membres ont estimé que si la portée des enquêtes au titre de l’article 17 n’est pas limitée aux infractions actuelles, le recours consistant à formuler des recommandations «établissant les mesures à prendre pour se conformer au droit de l’Union» peut ne pas convenir aux cas relatifs à des activités de surveillance passées.

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