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Document 52012AE0478

    Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme de l'Union européenne pour le changement et l'innovation sociale» COM(2011) 609 final — 2011/0270 (COD)

    JO C 143 du 22.5.2012, p. 88–93 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    22.5.2012   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 143/88


    Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme de l'Union européenne pour le changement et l'innovation sociale»

    COM(2011) 609 final — 2011/0270 (COD)

    2012/C 143/17

    Rapporteure générale: Mme BATUT

    Le Parlement européen, en date du 25 octobre 2011, et le Conseil, en date du 16 novembre 2011, ont décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

    "Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme de l'Union européenne pour le changement social et l'innovation sociale"

    COM(2011) 609 final – 2011/0270 (COD).

    Le 25 octobre 2011, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée "Emploi, affaires sociales, citoyenneté" de préparer les travaux du Comité en la matière (rapporteure générale: Mme BATUT).

    Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 23 février 2012) de nommer Mme Laure BATUT rapporteure générale, et a adopté le présent avis par 168 voix pour, 2 voix contre et 7 abstentions.

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1   Le CESE s’est déjà interrogé sur le concept d’innovation sociale en relevant le flou de ses contours et les incertitudes associées (1); en revanche, il a déjà reconnu les vertus de l’innovation sur le lieu de travail (2). Par ailleurs de nombreux acteurs font de "l’innovation sociale» tous les jours sans le savoir, simplement parce qu’ils font bien leur travail.

    1.2   Le CESE demande à la Commission de définir les objectifs "d'innovation sociale" et de "changement social" dans son PCIS (3). Ces concepts sont en expérimentation. Ils ne doivent pas venir remplacer les systèmes sociaux nationaux ni la législation du travail. Insérer la population dans l'emploi est peut être favorable à la compétitivité, cependant le Comité estime que la crise ne doit pas être prétexte à des transformations systémiques qui feraient de l’exception la règle.

    1.3   Le CESE souhaite des clauses écrites dans le programme à l’examen pour garantir que les activités d’innovation sociale seront des compléments qui ne concurrenceront pas les droits et les systèmes sociaux des États membres ni la sécurité juridique qu'ils offrent à leurs membres.

    1.4   Le Comité recommande à la Commission de référer son projet à l’objectif d’égalisation dans le progrès (4) des droits sociaux nationaux pour résoudre les disparités entre eux et faciliter ainsi la mobilité.

    1.5   Le CESE recommande à la Commission d’expliquer les effets attendus des synergies évoquées dans les trois programmes PROGRESS, EURES et Micro-financement, et les liens avec les fonds européens (notamment le FSE et le FESE (5)), et d’exposer la compatibilité de leurs règles de gestion sur lesquelles la visibilité n'est pas totale.

    1.6   Le Comité souhaite que le rôle des partenaires sociaux et des ONG figure clairement dans les trois volets du PCIS.

    1.7   Le CESE demande qu’une clause de souplesse soit introduite dans le programme PCIS pour le rendre ajustable après une revue à mi-parcours. En 2017, un bilan provisoire montrant les évolutions sociales serait établi et soumis au Parlement et pour avis aux comités consultatifs et à leurs organisations représentatives.

    1.8   Le CESE est d’avis que si les trois volets devaient rester sous le même chapeau, il conviendrait de changer le titre du PCIS en "Programme d’accompagnement pour le progrès social, la mobilité et l’inclusion".

    1.9   Sur PROGRESS, le CESE estime qu’il conviendrait de:

    recenser quels types d’emplois ont été créés grâce à PROGRESS;

    publier les réalisations et rendre visibles et échangeables les résultats positifs en mettant en ligne un thésaurus;

    définir "l’expérimentation" ainsi que son champ, et les acteurs, actions, et bénéficiaires potentiels;

    garder éligibles les projets qui comportent la dimension de genre et/ou celle de la non-discrimination;

    renoncer à consacrer la plus grande partie de PROGRESS aux tâches administratives d’analyse et de comptage pour être plus utile sur le terrain;

    mettre en place une simplification des documents et des procédures de contrôle;

    préciser le rôle des entreprises sociales dans les services sociaux d’intérêt général;

    expliquer la synergie entre le PCIS et FESE, entre PCIS et FSE, et préciser les règles de gouvernance à appliquer en fonction du degré de but social dans les entreprises sociales.

    1.10   Sur EURES, le CESE recommande de:

    conserver l’esprit du début d’EURES avec ses compétences régionales et avec la participation des partenaires sociaux;

    affirmer le principe de la primauté de l'offre d'emplois décents sur l'offre de micro-crédits et de micro-emplois;

    confirmer l'objectif de promouvoir la mobilité tout en luttant contre le dumping social;

    annoncer le changement de base légale avec l'ouverture aux services privés de placement (6) et en clarifier les conséquences par rapport au FSE et à l’attribution des fonds;

    clarifier le double financement d’EURES (PCIS et le FSE) et les conséquences des chevauchements budgétaires et modes de contrôles;

    définir la mobilité ciblée; recenser quels types de contrats sont signés grâce à EURES; évoquer le nouveau rôle centralisateur de la Commission pour qu’il soit discuté;

    confirmer la nécessité de la portabilité de tous les droits sociaux et des systèmes d'équivalence des compétences;

    ajouter des mesures favorisant l'inclusion numérique.

    1.11   Sur le micro-financement et l’entreprenariat social, le CESE recommande de:

    tenir compte du principe de subsidiarité;

    envisager l’hypothèse d’une clé de répartition entre États membres;

    prévoir une échelle des aides pour des bénéficiaires définis plus précisément (taille des entreprises sociales éligibles);

    rendre le projet visible pour protéger les citoyens éligibles des micro-financements non régulés et sans scrupules, et assurer que le micro-financement soit référencé en première page et dans toutes les langues de l'Union sur les sites Internet utiles;

    être plus explicite sur les rôles du FEI et de la BEI et sur leur effet de levier;

    établir des règles à l’égard des prêteurs pour qu’ils assument pleinement leur responsabilité.

    2.   Le contexte

    2.1   La Stratégie de l’Agenda social pour l’Europe du XXIe siècle est incluse dans celle de l’UE 2020. La proposition du programme pour le changement et l’innovation sociale (ci-après "PCIS") s’inscrit dans ce cadre. Ainsi que l’établit le Comité de la Protection Sociale, une personne sur cinq en Europe est menacée de pauvreté et d’exclusion sociale, et cette tendance lourde rencontre maintenant les effets sociaux de la crise. Les actions de l’UE et des États membres visent à sortir au moins 20 millions de personnes de la pauvreté d’ici 2020, et leurs principaux instruments pour l’emploi et l’inclusion sociale sont entre autres le FSE, PROGRESS, FEADER (7), FEDER, le micro-financement.

    2.2   Objectifs généraux du Programme

    2.2.1   La Commission propose de réunir trois programmes existants (PROGRESS, l’Instrument européen de micro-financement et EURES) sous un même chapeau, afin de rationaliser les choix et mieux contrôler l’utilisation des fonds dans cette période de crise des budgets nationaux.

    2.3   Les axes du nouveau programme

    2.3.1   Le programme PROGRESS, programme de 2006 pour l’emploi et la solidarité sociale, préconise l’établissement de tableaux de bord de la situation sociale européenne afin de rendre les situations nationales comparables.

    2.3.1.1

    Pour 2014-2020, PROGRESS vise à promouvoir l’emploi, engranger des données comparables, s’appuyer sur les leçons de l’expérience pour promouvoir une approche par les résultats, visant à développer la capacité des réseaux de la société civile européenne à développer les buts de la politique sociale de l’Union; avec un Budget de 575 ME, soit 82,1 ME par an, dont 17 % à consacrer à l’expérimentation sociale.

    2.3.2   EURES est le réseau européen entre la Commission et les services publics de l’emploi (SPE). Issu d’une ancienne pratique des syndicats, puis des partenaires sociaux, il facilite la mobilité des travailleurs en régions frontalières. Après 2002 il a trois objectifs: développer un portail européen sur la mobilité, mettre en place des partenariats transfrontaliers entre SPE et partenaires sociaux, et des plans d’activités dans les États membres, aux fins de compensation des offres et demandes d’emploi (20 ME). EURES est étendu à toute l’Union, et les États membres consomment 70 % de son budget avec les "plans d’activité".

    2.3.2.1

    Pour 2014-2020, l’objectif est d’assurer dans le cadre du PCIS pour 143 ME (20,5 ME par an) la mobilité dans toutes les régions de l'Union, particulièrement pour les jeunes, et, de gérer au niveau européen des statistiques et de l’information; assurer un bilan annuel avec échanges; améliorer le portail grâce au multilinguisme; ajouter dans un proche avenir les acteurs privés de l’emploi; assurer le programme des activités nationales sur budget FSE.

    2.3.3   L’Instrument de micro-financement en faveur de l’emploi et de l’inclusion sociale (2010) vise le développement de l’accès à des micro-crédits pour ceux qui sont en situation de difficulté par rapport à l’emploi et/ou au crédit. Les travailleurs indépendants et les micro-entreprises sociales y sont éligibles. Le Fonds européen d’Investissement est le gestionnaire du programme; il permet aux institutions financières prêteuses de s’adosser au FEI et à la BEI pour être garantis de leurs risques de pertes éventuelles, et de développer des apports de liquidités. Il a mobilisé 200 millions d’euros sur 3 ans (2010-2013) pour les 27.

    2.3.3.1

    Pour 2014-2020, il vise toujours à faciliter l’accès à la micro-finance et à l’entreprenariat social par la garantie de prêts allant jusqu’à 25 000 euros, avec un budget de 191,6 millions d’euros pour 7 ans (27 ME par an).

    2.4   Les éléments de la proposition

    2.4.1   Le nouveau programme PCIS est proposé pour 958 ME, soit seulement 10 % de plus qu’en 2007. Inscrit dans UE 2020, il s’appuie sur les mêmes principes: partenariats, coordination, conditionnalités ex-ante, environnement budgétaire sain, renforcement de la coopération et de la cohésion territoriale, poursuite de la simplification.

    2.4.2   La Commission, dont l'hypothèse majeure est de changer structurellement à terme le social dans l’Union en promouvant la "modernisation" des politiques sociales des États membres (8), propose ici de:

    mettre en synergie les trois programmes entre eux, ainsi qu’avec le Fonds social européen;

    mettre en place des procédures harmonisées d’information, communication, diffusion, gestion et évaluation;

    se concentrer plus sur de grands projets présentant une forte valeur ajoutée européenne, en recherchant les moindres coûts.

    2.4.3   Le programme a cinq objectifs:

    renforcer l’appropriation des objectifs de l’Union pour l’emploi, les affaires sociales, l’exclusion;

    promouvoir la bonne gouvernance, l’apprentissage mutuel et l’innovation sociale;

    moderniser et faire appliquer la législation européenne;

    promouvoir la mobilité géographique;

    augmenter l’accès à la micro-finance.

    3.   Remarques générales du CESE

    3.1   Le Comité trouve intéressante la proposition de rationaliser les actions d’aide de l’Union européenne au bénéfice des demandeurs d’emploi, et prend en considération le fait qu’il n’est pas aisé de préparer un programme pour 7 ans alors même que le précédent doit encore courir sur 2 années.

    3.2   Il regrette que l’objectif d’égalisation dans le progrès des droits sociaux nationaux, qui vise à résoudre les disparités entre eux et faciliter ainsi la mobilité, ne soit pas repris comme objectif général (9).

    3.3   Il rappelle que la compétence de l’Union en matière de politique sociale et de cohésion est une compétence partagée (10). Quoi qu’elle fasse, l'Union doit le respecter, comme les prescriptions d'application générale de l’article 9 du TFUE (11), et celles des articles 8 et 10.

    3.4   À cet égard, le Comité souhaite que les deux grandes questions de l’égalité et de la lutte anti-discriminations, toujours associées jusqu’ici aux politiques sociales, puis confiées à la DG Justice, restent éligibles dans PROGRESS, car beaucoup de discriminations se traduisent par des inégalités salariales et sociales. Le projet de règlement sur le FSE les reprend en ses considérants 10 et articles 7 et 8 (12), et l'égalité est toujours au chapitre social du Traité.

    3.5   Le CESE regrette que les synergies attendues de la jonction des trois volets PROGRESS, EURES et micro-financement ne soient pas mises en lumière dans le PCIS. Le rôle des régions aurait pu être pris en compte. Les possibilités concrètes de synergie avec les autres programmes européens, comme pour l’éducation, les aides aux emplois jeunes, l’initiative phare pour les jeunes "Ton premier Emploi EURES", ne sont pas examinées.

    3.6   Le CESE estime que l’évaluation des fonds distribués réellement, leur taux d’utilisation, les limites rencontrées dans les faits par les projets (voir: micro-financement et création d’emploi), sont nécessaires pour éclairer le nouveau programme, et que, par ailleurs, la Commission ne montre pas comment va être déterminée la forte valeur ajoutée européenne rendant éligibles de nouvelles actions. Elle fonde ainsi ses objectifs sur des éléments incertains, d’autant plus incertains que l’évaluation du programme précédent n’est pas faite, et l’estimation de la valeur ajoutée du nouveau programme plus que subjective.

    3.7   Le Comité, par comparaison avec le projet de règlement sur le FSE, estime que la place et le rôle des partenaires sociaux auraient du être mentionnés dans les trois volets du PCIS; le texte du FSE leur reconnaît "un rôle capital en matière d’emploi, d’éducation et d’inclusion sociale" (13).

    3.8   De la même manière, il observe que le rôle des ONG devrait être évoqué dans le PCIS (en partie financé sur fonds FSE); en effet, le projet de règlement FSE indique en son considérant 9 (14) que "la mise en œuvre/des actions soutenues par le FSE dépend de la bonne gouvernance et du partenariat entre tous les acteurs territoriaux et socioéconomiques concernés, en particulier les partenaires sociaux et les organisations non gouvernementales".

    3.9   Les organisations de la société civile sont conviées par le PCIS (15) et, le CESE estime que leur place devrait être définie. Elles pourraient alors jouer leur rôle dans le processus de mise en œuvre des politiques.

    3.10   Le CESE estime que la Commission devrait se préoccuper de l'inclusion numérique (16) dans les actions prévues, car les NTIC représentent un levier transversal pour l'inclusion et l'emploi.

    4.   Sur la méthode

    4.1   Le CESE observe que le projet s’intitule "Programme pour le changement social et l’innovation sociale" (PCIS) et propose de continuer trois actions anciennes de l’Union sans innover. La Commission propose d'orienter les trois volets vers le changement et l'innovation sociale par l'expérimentation sociale, sans définir ni dans les considérants, ni dans le texte, ni dans l’évaluation ex-ante, l’objectif même de "l’innovation sociale".

    4.2   Les recherches universitaires menées dans différents pays sur "l’innovation sociale" partent de l’idée que le modèle production-consommation est à bout de souffle, et arrivent à celle qu’il est temps de bouleverser les structures sociales en défragmentant les rôles entre catégories d’acteurs et d’intérêts, ce qui, parce que la définition de l’innovation n’est pas stabilisée, entraînerait à des alea sur les choix des modèles de gouvernance dans les entreprises, sociales ou non, tout comme sur la place des représentations salariales et la forme du dialogue social (17). Pour ces chercheurs, le changement social s’opérerait aussi sur les systèmes de protection sociale. Il s’agit de réviser le "modèle social" européen, sans droit dur, de manière expérimentale. Le volet Progress (18) devrait d’ailleurs favoriser "un processus décisionnel" fondé sur des éléments concrets et l’innovation, "en partenariat avec les partenaires sociaux, les organisations de la société civile et d’autres parties intéressées".

    4.3   La Commission européenne, dans son projet, promeut cette "expérimentation sociale", sans définir vers quelle innovation et quel changement elle propose d’aller. C’est une approche sociologique qui pourrait tromper le citoyen qui ne peut voir où va le projet final. Le CESE estime qu’il conviendrait d’abord de voir pourquoi et comment le marché, les services publics, les aides européennes n’ont pas répondu au besoin social, pourquoi une réallocation de la richesse n’a pas été faite pour garantir leur autonomie aux personnes en difficulté, dans le respect des principes de la Charte des droits fondamentaux.

    4.4   Le Comité estime qu'il faudrait savoir quel est le changement sociétal espéré à terme de toute innovation, ce que la méthode "bottom up" et le projet de règlement à l’examen, qui s’y réfère, ne permettent pas.

    4.5   Les systèmes de sécurité sociale connus des citoyens pour leur durabilité ont une forte légitimité. Le Comité estime qu’ "expérimenter puis appliquer à grande échelle des solutions innovantes pour répondre aux besoins sociaux" (19) peut conduire à réduire les grandes solidarités, au clientélisme, et à l’atomisation de l’action sociale et de ses formes représentatives.

    4.6   Pour le CESE, le programme à l’examen devrait garantir que les activités d’innovation sociale seront des compléments qui ne concurrencent pas les droits sociaux (20) et systèmes de protection sociale nationaux. Le Comité souligne que l’innovation sociale ne doit pas évincer les systèmes fondés sur le droit ni la sécurité de long terme qu’ils procurent aux personnes, y compris aux plus vulnérables.

    4.7   Le réel changement social pour les catégories défavorisées, avant les réformes sociales systémiques, serait d’accéder à l’emploi, au logement et aux transports. Les personnes vivant dans l'Union ont surtout besoin d'emplois décents. Le programme devrait évoquer la question du logement car elle concerne tous les acteurs de l’emploi et de l’inclusion (21).

    4.8   Le CESE rappelle qu’en matière de protection sociale proprement dite (22), l’article TFUE 153.4 garantit aux États membres la faculté de définir les principes fondamentaux de leur système de sécurité sociale et la possibilité de maintenir ou d'établir des mesures de protection plus strictes, compatibles bien sûr avec les traités.

    5.   Remarques spécifiques

    5.1   Le Comité estime utile de voir figurer dans le projet de règlement le rappel du principe de subsidiarité et d’y introduire la définition de la "forte valeur ajoutée" qui est attendue.

    5.2   Sur PROGRESS

    5.2.1   La définition des actions, des acteurs et des bénéficiaires potentiels du projet n’est pas suffisante (23). Le texte ne dit pas si les éléments d’analyse tiennent comptent des points de vue des partenaires sociaux (24) et des ONG, notamment pour la mise au point des batteries d’indicateurs (25).

    5.2.2   Le programme PROGRESS a des objectifs "difficilement mesurables" et recourt à des "variables subjectives", alors que la fiche financière du projet l’inscrit dans une gestion fondée sur les résultats (26). L’incidence sur l’objectif de l’emploi n’est pas mesurée, l’outil semble peu opérationnel. Pour le CESE, les données déjà collectées devraient tirer les leçons des réalisations et un thésaurus en ligne des expériences positives devrait être rendu disponible. Le CESE recommande, avant de poursuivre, de rechercher quels emplois ont été créés grâce aux aides. La Commission éviterait ainsi de faire des recommandations de réformes structurelles en partant d’une évaluation peu fiable.

    5.2.3   Il existe un décalage entre l’objectif et les moyens: le financement annoncé, en dotant les trois volets pour 2014-2020 de 10 % de fonds supplémentaires par rapport à 2007 ne peut pas ouvrir d'actions nouvelles.

    5.2.4   Le projet attribue une trop grande place à la gestion (27): l’argent du contribuable devrait plutôt aider directement le citoyen. Il serait important de savoir quelle part sera attribuée à la lutte contre la pauvreté par exemple.

    5.2.5   Les évaluations des projets aidés comme par le passé peuvent occasionner des frais en faisant appel à des entreprises de contrôle externes. Le CESE estime qu’il convient de mettre en place simplification et standardisation des documents et des procédures.

    5.2.6   Concernant les entreprises sociales (28), le CESE souhaite:

    rappeler le principe de subsidiarité et les responsabilités des Etats membres;

    voir la définition de leur rôle dans les services sociaux d’intérêt général;

    voir la synergie entre PCIS et proposition de règlement du 07.12.2011 sur le "Fonds d’entreprenariat social européen" visant à favoriser le développement des entreprises sociales (attribution d’un label FESE);

    des règles de gouvernance en fonction du degré de but social, les règles s’imposant aux investisseurs, et des précisions sur le rôle des banques avec si nécessaire les règles de solvabilité à exiger éventuellement;

    l’éligibilité des auto-entrepreneurs.

    5.3   Sur EURES

    5.3.1   EURES sera financé par 15 % du PCIS et en grande partie par le FSE. Le chevauchement budgétaire des programmes ne rend pas les choses claires pour le citoyen: les fonds structurels sont régionalisés selon NUTS2, et les fonds du PCIS ne le sont pas.

    5.3.2   Les activités au niveau national et transfrontalier seront financées par le Fonds social européen et les activités européennes (29) par le PCIS. Pour la partie FSE, les règles de participation des partenaires sociaux et ONG s’appliqueront, mais pas pour la partie PCIS.

    5.3.3   Le CESE se demande s’il est utile de regrouper sous un PCIS unique des éléments aussi divers, dont le contrôle budgétaire sera plus difficile que dans la configuration précédente. Le partage des financements entre FSE, Commission, États membres devrait être plus clair. Cela entraîne l'application des règles différentes pour la comitologie et le contrôle des actes d'exécution de la Commission (30).

    5.3.4   Le CESE se demande s’il est pertinent pour la Commission de créer un système centralisé et freiner la dynamique régionale EURES, alors que l’ancienneté du fonctionnement de cette ancienne "innovation sociale" montre que les acteurs de terrain sont les mieux placés. En 2007, le Parlement souhaitait même augmenter son budget (31). Le Comité rappelle que la mobilité n’est pas un objectif en soi, mais seulement une aide en cas de nécessité d’aller chercher un emploi dans un pays d’accueil de l’Union.

    5.3.5   Le CESE estime qu’il serait nécessaire d’évoquer dans le texte:

    le principe de la primauté de l’offre d’emplois décents sur l’offre de micro-crédits et de micro-emplois;

    l’objectif de promouvoir la mobilité tout en luttant contre le dumping social;

    les types de contrats de travail obtenus par EURES;

    la définition de la mobilité ciblée;

    l’évolution annoncée de la base légale d’EURES (32);

    la nécessité de la portabilité des droits des citoyens mobiles et nouveaux textes sur l’équivalence des compétences (33).

    5.3.6   Le CESE estime important de maintenir clairement dans EURES le rôle des partenaires sociaux.

    5.4   Sur le micro-financement et l’entreprenariat social

    5.4.1   Le CESE souhaite que les citoyens soient largement informés de ce programme pour qu’ils évitent les offres de micro-financement par l’économie informelle à des taux usuraires sur Internet (besoin d'inclusion numérique). Il convient de ne pas oublier que les personnes citées à l’article 22 du projet sont des personnes vulnérables et qu’il faut leur procurer d’autres aides que du micro-crédit et des activités concurrentielles. Celles-ci peuvent être risquées et être un leurre pour elles, et ne jamais remplacer un emploi salarié.

    5.4.2   Le CESE souhaiterait que l’hypothèse d’une clé de répartition du programme entre États membres soit étudiée.

    5.4.3   Le Comité estime nécessaire de mettre en évidence l’effet de levier attendu du FEI et la BEI, et de définir clairement les bénéficiaires. En effet, entre la personne qui vient de perdre son emploi (art. 22.1.a), une entreprise sociale (art. 22.3) avec salariés et budget, et l’auto-entrepreneur et sa micro-entreprise, la somme de 25 000 euros aura des conséquences très différentes, et les garanties seront vues différemment par les organismes prêteurs. Il conviendrait donc de clarifier:

    ce qui est "social" dans ce volet;

    les bénéficiaires, et particulièrement la taille des entreprises sociales éligibles;

    ce qu’est une "micro-entreprise sociale";

    les modalités de mise en œuvre de l’aide et la couverture précise apportée (100 %?);

    des critères pour éventuellement introduire une forme d’échelle des aides;

    des mesures de simplification de l’évaluation ex-post pour faciliter les bilans et alléger le coût des contrôles.

    5.4.4   Du côté des prêteurs:

    des règles plus claires devraient leur être adressées pour qu’ils assument leur rôle sans accabler les emprunteurs d’éventuelles exigences séparées et cachées;

    prévoir des mesures d’évaluation pour un bilan rapide.

    5.4.5   Le CESE souhaite que la valeur ajoutée de ces mesures soit plus élevée que l’évaluation estimative du programme précédent qui donne 1,2 emploi créé pour un micro-crédit octroyé (34).

    Bruxelles, le 23 février 2012.

    Le président du Comité économique et social européen

    Staffan NILSSON


    (1)  Avis du CESE, JO C 100, page 77, 30.04.2009.

    (2)  Avis du CESE, JO C 132, page 22, 03.05.2011.

    (3)  PCIS: Programme pour le Changement et l'Innovation Sociale, COM(2011) 609 final.

    (4)  TFUE, art. 151.

    (5)  Fonds social européen et Fonds d'entreprenariat social européen.

    (6)  Programme de travail de la Commission pour l'année 2012, COM(2011) 777 final.

    (7)  Fonds européen agricole pour le développement rural.

    (8)  COM(2011) 609 final: pt. 1 de l'Exposé des motifs et art. 4.1 c).

    (9)  TFUE, art. 151, paragraphe 1.

    (10)  TFUE, art. 4.2 b) et c).

    (11)  Avis du CESE, JO C 24, page 29, 28.01.2012.

    (12)  COM(2011) 607 final.

    (13)  COM(2011) 607 final, voir pt 5 de l'Exposé des motifs.

    (14)  COM(2011) 607 final, considérant 9.

    (15)  COM(2011) 609, considérant 9.

    (16)  Avis CESE, JO C 318, page. 9, 29.10.2011.

    (17)  Social innovation Review, Standford Graduate School of Business, Fall 2008, J.A. Phills, K. Deiglmeier, D.T. Miller; Social Innovation, J. Howaldt & M. Schwarz, IMO-Dortmund, Mai 2010; Transformations et Innovation sociale en Europe: quelles sorties de crise?, N. Richez-Battesti & D. Vallade, P.U de Louvain-Cahiers du CIRTES 5, sept. 2010, p.45; S. Bacq & F. Janssen, ibid, p. 207.

    (18)  Art. 3 a) du projet et avis du CESE, JO C 255, page 67, 14.10.2005.

    (19)  Art. 9-1 et art. 3 aux champs très larges – COM(2011) 609.

    (20)  TFUE art. 151, paragraphe 1.

    (21)  Art.1, 7, 15, 24, 34.3, 52.3 de la Charte des Droits Fondamentaux, art. 8 de la CEDH, et art. 30 et 31 de la Charte sociale européenne révisée.

    (22)  COM(2011) 609, art. 4.1 a) et b).

    (23)  Ex: Évaluation ex-ante, p. 42.

    (24)  COM(2011) 609, art. 15, a) et c).

    (25)  COM(2011) 607, art. 6.

    (26)  "Fiche financière législative pour les propositions", pt 1.4.3, (annexe du COM(2011) 609 final,, page 32).

    (27)  COM(2011) 609 final, art. 5.3.

    (28)  Avis CESE, JO C 24, page 1, 28.01.2012.

    (29)  Portail et Projet pour la jeunesse "Ton Premier Emploi EURES".

    (30)  Règlement (UE) No 182/2011.

    (31)  PE, Résolution du 15.09.2007.

    (32)  Communication COM(2011) 777 final.

    (33)  Proposition de directive du 19.12.2011 (COM(2011) 883 final).

    (34)  "Fiche financière législative pour les propositions", pt 2.1.2, Indicateurs de performance, (annexe du COM(2011) 609 final, p. 37).


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