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Document 52011IE1010

Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Rôle et relations de l'UE vis-à-vis de l'Asie centrale et contribution de la société civile»

JO C 248 du 25.8.2011, p. 49–54 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

25.8.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 248/49


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Rôle et relations de l'UE vis-à-vis de l'Asie centrale et contribution de la société civile»

2011/C 248/08

Rapporteur: M. PEEL

Lors de sa session plénière des 15 et 16 septembre 2010, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, le Comité économique et social européen a décidé d'élaborer un avis d'initiative sur

«Rôle et relations de l'UE vis-à-vis de l'Asie centrale et contribution de la société civile».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 25 mai 2011.

Lors de sa 472e session plénière des 15 et 16 juin 2011 (séance du 16 juin 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 112 voix pour, 5 voix contre et 12 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Contrairement à l'Europe, les cinq États d'Asie centrale ne partagent pas une réelle affinité régionale. Le Comité exhorte la Commission et les autres institutions de l'UE à continuer d'œuvrer en faveur d'un sens plus approfondi de l'identité et de l'intégration régionales, en encourageant chacun des États à coopérer plus étroitement avec ses voisins, pour atténuer les problèmes ethniques et frontaliers et pour ouvrir la voie à un développement économique et social plus conséquent et plus durable.

1.1.1   Le Comité est fermement convaincu que s'impose de toute évidence une stratégie de l'UE globale, cohésive et coordonnée visant à nouer et développer un véritable contact entre les sociétés civiles de l'UE et de l'Asie centrale. Ce type de contact est à l'heure actuelle très peu répandu. En guise de point de départ, un niveau de représentation diplomatique de l'UE bien plus élevé est nécessaire.

1.1.2   Il importe de développer au maximum le recours à toute l'expertise disponible dans les institutions européennes, notamment dans l'esprit de l'article 11 du traité de Lisbonne. C'est pourquoi le Comité engage le SEAE à faire appel à lui autant que possible, notamment en matière de développement des capacités, compte tenu de l'expérience qu'il a acquise ailleurs (par exemple dans les Balkans ou en Amérique latine).

1.1.3   Aussi le Comité préconise-t-il qu'un mécanisme formel associant le CESE soit créé par l'intermédiaire du SEAE, dans le but tout d'abord de permettre de recenser plus clairement, dans chaque État, les principaux interlocuteurs de la société civile existants, y compris les partenaires efficaces issus des entreprises indépendantes et des syndicats, et ensuite pour aider à identifier de nouvelles organisations émergentes de la société civile et les soutenir dans leur développement. Afin de faciliter la réalisation de ces objectifs, il conviendrait qu'une petite délégation du CESE se rende en Asie centrale.

1.1.4   Le Comité soutient résolument le dialogue sur les droits de l'homme, processus bien structuré par l'UE qui est l'un des premiers résultats positifs de sa stratégie pour l'Asie centrale, mais exprime sa vive déception quant aux échecs qui doivent être pris en compte à ce stade. Il convient de rectifier le tir, et c'est là une priorité essentielle.

1.1.5   Ces efforts visant à établir des contacts interpersonnels nettement plus étroits doivent inclure des liens plus approfondis entre les jeunes et dans le domaine de l'éducation car la majorité de la population a moins de 25 ans, ainsi qu'une augmentation plus rapide du recours au programme Erasmus Mundus des deux côtés. Cela devrait s'accompagner d'un assouplissement des procédures concernant la délivrance des visas à des fins éducatives, d'une exonération des frais de scolarité pour les étudiants les plus doués en provenance d'Asie centrale, de la promotion de manuels scolaires en langue anglaise, d'universités d'été et de partenariats entre les universités comme entre les établissements d'enseignement secondaire.

1.2   La question plus vaste des droits de l'homme est étroitement liée à la promotion d'une plus grande participation de la société civile. Il s'agit d'un domaine clef dans lequel l'Europe peut offrir et offre une aide efficace aux pays d'Asie centrale qui poursuivent leur parcours indépendant. Cependant, il convient de définir les enjeux sur lesquels doit vraiment porter l'attention en ayant recours à la négociation et à la sensibilité culturelle. Malgré les problèmes persistants, chacun des cinq États d'Asie centrale a ratifié les huit conventions de l'OIT (à deux exceptions près, détaillées au paragraphe 5.4.1). Le fait de déterminer la manière dont l'Europe peut aider l'Asie centrale à respecter ces engagements, ainsi que d'autres, et les domaines dans lesquels il est opportun qu'elle le fasse offre un moyen concret pour construire une confiance mutuelle.

1.2.1   Le Comité soutient aussi résolument les initiatives en faveur d'éventuels accords en matière commerciale avec chacun des cinq États. Dans le droit fil des autres accords commerciaux récemment conclus par l'UE, le Comité plaide instamment dans ce contexte pour que soient mis en place dans chaque cas des forums de la société civile, afin de couvrir le développement durable, une nouvelle fois pour permettre le partage de l'expérience du Comité.

1.3   Des questions étroitement liées mais difficiles telles que la sécurité alimentaire ainsi que la sécurité de l'approvisionnement en eau et en énergie revêtent ici une importance toute particulière. Nous recommandons que l'UE joue un rôle plus significatif en encourageant les cinq États à coopérer pour remédier à ces graves problèmes par une approche globale. La Commission doit clarifier dans quelle mesure ces enjeux sont liés entre eux. Que ce soit pour la sécurité de l'approvisionnement en eau ou en denrées alimentaires, l'Europe possède une expérience constructive grâce à l'aide qu'elle fournit à d'autres pays, et cette expérience devrait être pleinement utilisée ici afin de renforcer la confiance.

1.4   Le Comité recommande que, comme il l'a déjà préconisé antérieurement (1) pour les négociations à venir, la Commission se réfère d'une part aux 27 conventions figurant dans son système SPG Plus comme à une base pour développer, avec l'Asie centrale, un commerce plus vaste qui ne soit pas lié à l'énergie, et d'autre part, le cas échéant, aux mesures d'assistance technique liée au commerce (ATLC)

1.5   Le Comité recommande de développer des liens avec l'Asie centrale dans le cadre d'une information étroite et mutuelle portant sur les relations de l'UE avec la Russie, la Chine et la Turquie, mais pas avec l'Iran tant que les sanctions sont en vigueur.

1.6   Les pays d'Asie centrale recèlent un important potentiel de réserves énergétiques qui peuvent offrir à l'Europe un approvisionnement complémentaire (et non pas alternatif), bien que cette option soit compliquée en raison du transit et du transport. Il est essentiel que la viabilité de tels liens soit fondée sur des motifs pragmatiques et économiques.

1.7   L'Asie centrale ne doit pas être le terminus des lignes européennes de transport et de transit, mais devrait plutôt être perçue comme un arrêt sur la route vers la Chine et au-delà. Les corridors de transport que proposent la Chine et l'UE doivent être alignés. L'ancienne «route de la soie» devrait être développée pour servir d'autoroute commerciale et énergétique.

2.   Introduction

2.1   Bien que le Kazakhstan soit le neuvième plus grand pays du monde par sa superficie, les cinq pays d'Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Turkménistan et Tadjikistan) ne rassemblent que quelque 61 millions d'habitants - démographiquement, ils sont donc l'équivalent du Royaume-Uni, de la France ou de l'Italie.

2.2   Il est primordial de garder à l'esprit que ces États ont vu le jour récemment et qu'ils sont encore dans une grande mesure en construction. Bien qu'ils soient indépendants et pleinement reconnus, ils sont l'un des résultats de l'éclatement de l'ancienne URSS. Aucun de ces pays n'a connu de grand mouvement de libération nationale. Dans chacun d'entre eux, l'ancienne élite politique soviétique est demeurée au pouvoir en tant qu'élite désormais indépendante. Ce passé commun demeure néanmoins un facteur positif qui stimule la cohésion régionale, qui est faible et loin d'atteindre le niveau qui existe en Europe; il s'agit là d'une notion dont l'UE commence à encourager l'essor dans la région.

2.3   En outre, ces États s'inscrivent dans un périmètre qu'ils n'ont pas choisi, pas plus qu'il n'est fondé sur des frontières naturelles. Ils ont été définis par des tiers, sont nés en tant que républiques faisant partie de l'URSS, ce qui a entraîné des tensions ethniques; elles ont très récemment été observées au Kirghizstan, où elles ont été subies par la minorité ouzbèke. Ainsi, l'expérience que possède l'UE pour ce qui est d'aider à dissiper les tensions nationales pourrait s'avérer profitable pour les pays de la région.

2.4   Ces pays ont également hérité d'économies planifiées: un modèle que les élites dirigeantes ont estimé opportun de maintenir en place. Cette sclérose sous-jacente est aggravée par un regain des anciennes rivalités stratégiques internationales (dues entre autres à la proximité de l'Afghanistan et de l'Iran), mais aujourd'hui les tensions sont également d'origine économique en raison de la découverte de ressources naturelles énergétiques qui n'ont pas encore été quantifiées, notamment du pétrole et du gaz (s'agissant du gaz, les réserves se trouvent surtout au Turkménistan).

2.4.1   D'ores et déjà, des questions relatives à la transmission du pouvoir d'une génération à l'autre au sein d'une même famille se sont posées dans la région (notamment au Kazakhstan). La vieille infrastructure administrative de la nomenklatura soviétique peut à présent mieux être décrite comme une structure clanique ou familiale. Là encore, il s'agit d'un domaine dans lequel l'UE peut mobiliser ses programmes ayant trait à la société civile et à la gouvernance, afin d'encourager une fonction publique plus neutre.

2.5   Avant de tomber sous la domination russe au dix-neuvième siècle, l'Asie centrale était composée d'une multitude de khanats et d'émirats musulmans farouchement indépendants, aux noms exotiques tels que Boukhara ou Khiva. Mais ces contrées étaient également éloignées en raison des vastes zones désertiques qui les entouraient. Tamerlan édifia son grand empire autour de Samarkand et la population descend également en partie des armées de Gengis Khan et de la «Horde d'or». Il convient par ailleurs de souligner l'importante tradition scientifique qui existe dans cette région, notamment en matière d'astronomie, depuis la fondation de l'observatoire par Ulugh Beg, petit-fils de Tamerlan, dans les années 1420. Aujourd'hui encore, le Kazakhstan demeure très actif dans le programme spatial.

3.   Un nouveau Grand jeu?

3.1   Malgré le caractère inhospitalier de la région, l'Asie centrale a acquis, comme indiqué précédemment, une importance stratégique cruciale. À l'instar du «Grand jeu» du dix-neuvième siècle (lorsqu'elle était le terrain des rivalités entre ambitions britanniques et russes), une fois de plus, c'est probablement dans cette région, hormis en Asie orientale, que le plus grand nombre d'intérêts majeurs menacent d'entrer en conflit.

3.2   Après plus d'un siècle de domination russe, la région reste encore très influencée par la Russie. Le russe est la langue commune, les liens économiques demeurent étroits et la Russie estime que ces pays relèvent naturellement de sa sphère d'influence. En 2010, le Kazakhstan a intégré une union douanière formée avec la Russie (et la Biélorussie) et d'autres pays se sont déclarés intéressés. Cela risque de s'avérer problématique pour le Kirghizstan, seul pays membre de l'OMC. L'Ouzbékistan et le Turkménistan sont cependant nettement plus méfiants que les autres lorsqu'il est question de reconstruire des liens avec la Russie.

3.3   La Chine fait également preuve d'une très forte mobilisation en faveur du développement qu'elle a formellement exprimée par son adhésion à l'Organisation de coopération de Shanghai (dont font également partie la Russie et l'Iran). La Chine a des intérêts énergétiques stratégiques; en 2010, un gazoduc a été mis en service en un temps record, qui part du Turkménistan, traverse l'Ouzbékistan et le Kazakhstan et doit être relié à son réseau énergétique interne. La Chine est également très intéressée par la mise en place de corridors ferroviaire et routier stratégiques reliant l'occident par l'Asie centrale, mais actuellement, ces corridors ne sont pas encore alignés sur les corridors de transport européens qui partent vers l'est. Il convient d'y remédier. L'ancienne «route de la soie», qui est d'ores et déjà un itinéraire touristique, pourrait également être développée de manière profitable pour devenir une autoroute commerciale et énergétique.

3.4   L'Iran et l'Afghanistan sont étroitement impliqués, en tant que proches voisins dont la population parle le farsi comme au Tadjikistan et qui ont récemment vécu des épisodes de fondamentalisme islamique semblables. Chacun des États d'Asie centrale surveille très étroitement la ferveur religieuse, mais celle-ci progresse. Les insurrections islamiques ont été un facteur durant la guerre civile dans les années 1990. Beaucoup craignent que le conflit puisse être ranimé. Du fait des sanctions imposées en raison de la question nucléaire, pour l'Iran, les liens avec le Turkménistan sont essentiels, avec là aussi la construction d'un nouveau gazoduc stratégique. Le trafic de stupéfiants en provenance d'Afghanistan est de plus en plus préoccupant, mais il s'agit davantage d'un problème lié à la consommation finale qui a lieu en occident: le fait de réduire le marché illicite en Europe (et aux États-Unis) doit également être une partie de la solution. Il faut en outre exhorter les responsables locaux, pauvres et corruptibles, à faire barrage au trafic de stupéfiants.

3.5   La Turquie exerce elle aussi une forte influence dans la région, notamment parce que tous les peuples, mis à part les Tadjiks, sont des peuples Turcs et que leurs langues sont liées. La Turquie s'est fortement tournée vers cette région très vite après l'éclatement de l'Union soviétique et après quelques revers, elle y accroît de nouveau sa position. Enfin, la Turquie sera également un relais essentiel pour les pipelines énergétiques partant vers l'ouest.

3.6   Les États-Unis sont également très présents dans la région, en particulier du fait de la guerre qu'ils mènent en Afghanistan.

3.7   L'ensemble de ces éléments conduit à se demander dans quelle mesure l'UE doit développer sa présence dans la région, d'autant plus qu'aucun de ses États membres n'y possède d'héritage colonial. Les besoins de l'Europe doivent être examinés à long terme, en tenant pleinement compte des relations plus larges de l'UE.

3.7.1   L'UE mène d'ores et déjà des négociations majeures avec la Russie et la Chine, avec lesquelles elle a conclu un partenariat stratégique. Les négociations d'adhésion avec la Turquie sont en cours, bien qu'elles progressent très lentement. Cependant, il semble encore que les liens entre l'UE et les pays d'Asie centrale soient traités de manière totalement indépendante de celles avec les autres pays. Cela n'a pas de sens. Il faut développer des liens avec l'Asie centrale dans le cadre d'une information étroite et mutuelle portant sur les relations de l'UE avec la Russie, la Chine et la Turquie; de même, nos relations avec l'Asie ne doivent pas être développées d'une manière qui pourrait porter atteinte à nos relations stratégiques avec l'un ou l'autre de ces partenaires essentiels. Tant que les sanctions contre l'Iran ne sont pas levées, il serait prématuré de l'associer au processus, bien qu'il soit indispensable de prendre en compte l'équation Iran/Asie centrale.

4.   La présence de l'UE en Asie centrale

4.1   L'UE a lancé sa propre stratégie pour l'Asie centrale en juillet 2007, à l'initiative de la présidence allemande. Cela peut sembler quelque peu paternaliste, pourtant il convient également d'observer que les échanges commerciaux demeurent très faibles et qu'ils doivent encore décoller. À l'exception du Kazakhstan, qui représentait en 2009 (comme en 2007) 0,9 % des importations de l'UE et 0,5 % de ses exportations, aucun des autres pays n'a participé à plus de 0,1 % aux échanges commerciaux de l'UE. Malgré ces chiffres, du point de vue de chacun de ces pays, l'UE demeure un partenaire commercial essentiel; cela vaut tout particulièrement pour le Kazakhstan, pour qui l'UE est, en termes de volume des échanges, un partenaire commercial plus important que la Russie ou la Chine.

4.2   Pour l'UE, il semble on ne peut plus pertinent de s'intéresser de près à l'Asie centrale, notamment dans le contexte du programme de Partenariat oriental et de la stratégie de la mer Noire. Ces initiatives incluent, outre la Turquie, l'ensemble des pays de l'ancienne URSS à l'exception de la Russie, avec laquelle l'UE négocie un nouveau partenariat stratégique autonome. Certains États membres de l'UE, notamment la Lituanie et, de plus en plus l'Allemagne, possèdent d'ores et déjà des liens très étroits avec l'Asie centrale. Qui plus est, nombreux sont ceux qui considèrent que l'Azerbaïdjan est plus proche de l'Asie centrale que le reste du Caucase, notamment pour des raisons d'ordre énergétique et religieux.

4.2.1   L'énergie est un enjeu crucial. Les pays d'Asie centrale recèlent un important potentiel de réserves énergétiques qui peut offrir à l'Europe un approvisionnement complémentaire, bien que cette option soit compliquée en raison du transit et du transport. L'UE doit impérativement demeurer réaliste quant à l'approvisionnement énergétique potentiel que pourrait lui fournir cette région et la viabilité de tels liens doit être fondée sur des motifs pragmatiques et économiques. Étant importantes aussi pour les pays où elles se situent, ces ressources énergétiques naturelles doivent être considérées comme complémentaires à l'approvisionnement existant dont elles constituent une diversification et non pas comme une solution alternative, ni un levier à utiliser pour influencer les relations avec les autres pays de la région.

4.3   Malgré le ton optimiste du rapport d'évaluation de juin dernier, les liens entre l'UE et les cinq États d'Asie centrale sont exceptionnellement restreints. L'UE ne possède qu'une seule mission à part entière au Kazakhstan, tandis que des délégations de l'UE ont récemment été mises en place au Kirghizstan et au Tadjikistan. Quant à l'Ouzbékistan et au Turkménistan, l'UE n'est représentée que grâce aux Maisons de l'Europe qui emploient principalement des consultants contractuels. Selon le CEPS (2), dix-huit États membres ont une ambassade au Kazakhstan, 10 en Ouzbékistan, et seuls quelques uns en possèdent une dans les autres pays de la région. Seules l'Allemagne et la France ont une ambassade dans les cinq pays et le Royaume-Uni en a quatre. Neuf États membres ne possèdent aucune ambassade dans ces pays. Pour être couronnée de succès, la stratégie de l'UE pour l'Asie centrale requiert une représentation de l'UE nettement plus importante, qui servira de test préliminaire au nouveau Service européen pour l'action extérieure, et ce malgré ses limitations budgétaires très strictes. Une action commune menée par le biais de ce même service et portant sur des questions aussi cruciales que celle des visas (du moins pour les États membres de l'espace Schengen) fera partie de ces tests.

4.4   L'UE a négocié des accords de partenariat et de coopération avec les cinq États d'Asie centrale. Les accords qui ont respectivement été signés avec le Kazakhstan, le Kirghizstan et l'Ouzbékistan sont entrés en vigueur en 1999, mais par la suite, l'accord avec l'Ouzbékistan a été partiellement suspendu entre 2005 et 2008 en raison du massacre d'Andijan. L'accord avec le Tadjikistan (dont la conclusion a été retardée par la guerre civile) n'a été ratifié qu'en 2009, tandis que celui avec le Turkménistan ne l'a toujours pas été en raison de la question des droits de l'homme.

4.5   Le Kazakhstan apparaît de plus en plus comme un acteur majeur de la région. Ses relations avec l'UE progressent de manière significative, portées en avant par un intérêt croissant qu'accordent les deux parties à leurs liens mutuels. De toute évidence, pour l'UE, le Kazakhstan est le pays le plus accessible et le fait d'avoir postulé avec succès à la présidence de l'OSCE (3) a donné une preuve sans équivoque de sa volonté de jouer un rôle de premier plan. Parmi les autres éléments qui témoignent de la volonté du Kazakhstan de s'impliquer davantage sur une scène plus vaste figure le fait qu'il ait intégré l'union douanière avec la Russie et la Biélorussie ainsi que son souhait manifeste de rejoindre l'OMC, si possible en même temps que la Russie. Comme autre signe ont peut citer l'émergence d'une classe d'entrepreneurs fort jeunes, qui souhaitent étudier à l'étranger et sont encouragés à le faire, et par l'essor d'une culture de la société civile et la participation de celle-ci.

4.6   Une volonté similaire de visibilité internationale accrue ne s'est pas encore manifestée en Ouzbékistan, qui conserve une approche plus fermée et plus autoritaire, comme c'est également le cas au Turkménistan. À l'origine, l'Ouzbékistan paraissait le plus enclin à développer des liens plus étroits avec l'Europe, mais cette perspective s'est amenuisée, notamment suite à l'épisode d'Andijan, tandis que le Kazakhstan s'est ouvert.

4.7   Malgré les fortes inquiétudes liées aux troubles ethniques survenus en 2010, le Kirghizstan peut se targuer d'une société plus ouverte et d'une plus grande participation de la société civile. C'est également le cas du Tadjikistan, avec lequel l'UE ne possède actuellement que de très faibles liens. Ce pays est plus fragile, il a connu dans les années 1990 une importante guerre civile qui pourrait éclater à nouveau et il est confronté à une «crise alimentaire».

5.   Le rôle de la société civile et les droits de l'homme

5.1   La société civile joue un rôle intermittent qui varie fortement dans les cinq États. C'est au Kirghizstan que sa présence est la plus forte, tandis qu'une culture de la société civile se développe au Kazakhstan et au Tadjikistan.

5.1.1   La société civile joue néanmoins un rôle évident dans le dialogue sur les droits de l'homme, processus bien structuré par l'UE qui est l'un des premiers résultats de sa stratégie pour l'Asie centrale mise en œuvre dans ces trois pays. Ainsi se sont multipliées les réunions annuelles au niveau officiel, avec différents séminaires de la société civile réunissant des juristes spécialisés dans les droits de l'homme et des ONG locales, en la présence de responsables de l'UE. Ces réunions suivent un ordre du jour standardisé mais ne donnent pas encore lieu à une évaluation effective permettant de jauger les résultats obtenus.

5.1.2   Le Comité soutient résolument ce processus, mais il regrette vivement que la Commission n'aie pas encore jugé opportun de l'y associer. Nous invitons instamment la Commission à rectifier le tir dès que possible, entre autres parce que nous sommes un partenaire de dialogue qui a fait ses preuves et un intermédiaire vers la société civile qui peut se prévaloir d'un savoir pratique étendu et d'une expertise largement reconnue.

5.2   Ce niveau de participation de la société civile ne trouve d'écho ni en Ouzbékistan (où les ONG ont été mises en place par le gouvernement) ni au Turkménistan où il n'existe, de fait, pas de société civile indépendante.

5.2.1   Il est important de rappeler qu'avant l'indépendance, il n'y a avait aucune tradition ou notion de société civile en tant qu'intermédiaire entre l'État et le citoyen, et la notion d'ONG était également inconnue. Les syndicats, les communautés, les associations de jeunes et de professionnels faisaient tous partie de la structure étatique, et ils n'étaient que peu exposés aux influences extérieures pour les aider à former de nouvelles institutions après l'indépendance. Néanmoins, bon nombre d'entre eux ont adopté depuis un style plus indépendant, en même temps que des entreprises d'État ont été privatisées, que des syndicats et des associations professionnelles indépendants sont apparus, notamment au Kazakhstan et au Kirghizstan, et dans une moindre mesure au Tadjikistan.

5.2.2   Des initiatives de communautés rurales locales et des groupes d'entraide reposant sur les communautés locales traditionnelles et les groupes d'entraide clanique (Hashar/ashar) ont vu le jour dans les années 1990. Ces groupements se sont développés notamment en réaction au démantèlement des systèmes soviétiques de protection sociale mais ils se différencient fort des ONG reconnues internationalement. De telles ONG sont aussi apparues, mais ont été confinées dans les grandes zones urbaines et sont souvent fortement dépendantes d'un soutien financier extérieur (y compris des États-Unis). Chaque pays a évolué différemment, avec des problèmes divers, mais après les révolutions de couleur en Géorgie, en Ukraine et au Kirghizstan, les ONG (considérées par bon nombre comme venant d'ailleurs et surpayées par rapport à la norme locale) ont fait l'objet de restrictions sévères en Ouzbékistan, et véritablement disparu au Turkménistan. Récemment, les disparités entre campagne et ville se sont accentuées et les influences et activités à caractère islamique ont suscité un intérêt croissant.

5.3   Entre les sociétés civiles de l'UE et d'Asie centrale, il semble n'y avoir que peu de coopération formelle ou de lien approfondi, ce qui n'est pas surprenant étant donné la pauvreté des contacts interpersonnels entre l'Europe et l'Asie centrale. Avant que la société civile d'Asie centrale ne puisse partager nos valeurs et s'y identifier, il faut d'abord les lui faire connaître et s'assurer que ces valeurs soient largement comprises sans être imposées. À cet égard, le Kazakhstan pourrait servir de pont, notamment en raison des meilleurs contacts qui y sont établis entre les entreprises et les syndicats.

5.3.1   Le Comité estime que de toute évidence, une stratégie européenne globale, cohésive et coordonnée s'impose pour développer les contacts de la société civile avec l'Asie centrale. Le Comité lui-même est bien placé pour faire avancer un tel projet, le principal enjeu étant de trouver comment faire pour contribuer au mieux à accroître fortement le dialogue et les contacts interpersonnels, déterminer les sujets d'intérêt commun, identifier les associations de la société civile émergentes et promouvoir les bonnes pratiques, afin de mener à l'établissement d'un mécanisme plus formel visant à entretenir des contacts réels avec la société civile.

5.3.2   L'on ne peut que se féliciter du travail mené actuellement par le Service européen d'action extérieure (SEAE) dans la région. Cela étant, il apparaît essentiel de développer au maximum le recours à toute l'expertise disponible dans les institutions européennes, raison pour laquelle, comme pour le processus de dialogue sur les droits de l'homme, le Comité engage le SEAE à faire appel à lui autant que possible, notamment en matière de soutien au développement des capacités, compte tenu de l'expérience décisive qu'il a acquise ailleurs.

5.3.3   Trois voies se profilent à cet effet. Tout d'abord, le Comité lui-même doit, avec l'aide du SEAE, déterminer clairement ses principaux interlocuteurs du moment. Il faut trouver des entreprises indépendantes et des partenaires syndicaux indépendants qui soient efficaces et établir des liens importants avec eux ainsi qu'avec d'autres partenaires concernés de la société civile dans les cinq États concernés. L'organisation internationale des employeurs (OIE) n'a aucun membre en Asie centrale, elle a cependant des contacts au Kazakhstan. À cette fin (et également pour promouvoir le présent avis), il est proposé qu'une petite délégation du CESE se rende en Asie centrale.

5.3.4   Ensuite il apparaît fondamental d'identifier les organisations de la société civile qui se développent, de les encourager et de leur apporter une aide sur le terrain dans le cadre de leur développement. Là encore, le Comité compte sur le SEAE pour l'associer quand et où cela semble approprié.

5.3.5   Le Comité soutient aussi résolument les initiatives en faveur d'éventuels accords en matière commerciale avec chacun des cinq États. Dans le droit fil des autres accords commerciaux conclus dernièrement par l'UE, nous recommandons dans ce contexte la création d'un forum de la société civile avec chacun des cinq pays, afin de formaliser davantage les liens avec la société civile dans la région. Cela permettrait de partager l'expertise du Comité en matière de développement durable avec les représentants concernés de la société civile.

5.3.6   Enfin, il convient d'encourager davantage l'extension des contacts et des échanges entre jeunes et le recours au programme Erasmus Mundus afin d'encourager l'approfondissement des liens éducatifs et la mobilité des deux côtés. Cela devrait s'accompagner d'un assouplissement des procédures concernant la délivrance des visas à des fins éducatives, une exonération des frais de scolarité pour les étudiants les plus doués en provenance d'Asie centrale, de la promotion de manuels scolaires en langue anglaise, d'universités d'été et de partenariats entre les universités comme entre les établissements d'enseignement secondaire. Nous nous félicitons du doublement du budget à 10 millions d'euros par an, mais comme l'indique le rapport sur l'état d'avancement, la majorité de la population d'Asie centrale a moins de 25 ans (et ne se rappellera donc pas de l'époque soviétique).

5.3.7   La société civile a un rôle crucial à jouer en favorisant une meilleure cohésion et intégration régionale, essentielles pour instaurer un environnement économique et social permettant aux marchés de fonctionner de manière efficace, en encourageant la création d'emplois décents, le développement des PME, le renforcement des infrastructures locales et régionales et en aidant à réduire la pauvreté avec l'appui d'institutions robustes et aux mandats clairement définis. L'expérience de la société civile des États baltes notamment sera particulièrement utile à cet égard.

5.3.8   Ce processus doit à son tour reposer sur divers facteurs tels qu'un engagement politique, la paix et la sécurité, l'État de droit, le progrès de la démocratie, une bonne gouvernance et une stabilité macroéconomique.

5.4   Par ailleurs, la question des droits de l'homme, qui progresse à grand peine, est étroitement liée à la promotion d'une plus grande présence de la société civile, en particulier en Ouzbékistan et au Turkménistan. Compte tenu de la longue tradition de régime autocratique et de l'absence de toute expérience en la matière, les droits de l'homme doivent jouer un rôle de plus en plus significatif si l'UE et sa société civile développent effectivement une relation de travail avec la région. Les droits de l'homme ont façonné l'Europe et son histoire et l'Europe estime à juste titre que dans ce domaine clé elle peut proposer son aide.

5.4.1   Néanmoins, à l'heure actuelle, les enjeux sur lesquels doit vraiment porter l'attention doivent être définis en ayant recours à la négociation et à la sensibilité culturelle. Chacun des États d'Asie centrale a adhéré de son plein gré aux droits de l'homme universels en devenant membre des Nations Unies et des institutions affiliées comme par exemple l'Organisation internationale du travail (OIT). Contrairement à de nombreux autres partenaires commerciaux de l'UE, chaque État d'Asie centrale a déjà ratifié les huit conventions fondamentales de l'OIT, à l'exception de la convention sur la liberté d'association (no 87) et de celle sur l'âge minimum qui n'ont pas été ratifiées dans le premier cas par l'Ouzbékistan et dans le second par le Turkménistan. Ce dernier n'a signé la convention sur le travail des enfants (no 182) qu'en novembre 2010 et l'Ouzbékistan celle sur l'âge minimum qu'en 2009. Le respect de ces conventions est une autre question. Nous invitons donc la Commission ainsi que l'OIT à centrer davantage les efforts sur la recherche des domaines dans lesquels l'Europe peut aider l'Asie centrale à respecter ces engagements et de la meilleure manière de le faire.

5.4.2   Il s'agit d'un moyen concret de progresser dans le renforcement de la confiance mutuelle. Si l'on peut affirmer qu'aucun droit de l'homme n'est plus important que les autres, les problèmes cruciaux concernent ceux qui ont trait aux libertés fondamentales de l'homme, à l'État de droit et à la liberté de réunion, d'association et d'expression. L'UE a d'ores et déjà obtenu de bons résultats en réalisant des avancées positives sur des questions telles que le handicap.

5.4.3   Il persiste néanmoins des problèmes majeurs et les récents événements en Afrique du Nord sont là pour rappeler tant l'importance de renforcer la participation active de la société civile que l'urgence de traiter ces questions sous-jacentes de manière positive. Le Comité souhaite développer des contacts forts et réels et une bonne collaboration avec la société civile d'Asie centrale. Le boycottage ou le fait d'imposer des conditions très strictes fondées sur le progrès n'est pas une option réaliste. La situation d'ici a été comparée avec celle de la Biélorussie où en janvier 2011, suite aux troubles provoqués par les élections présidentielles, 158 mandataires ont été interdits d'entrée sur le territoire de l'Union européenne et leurs avoirs gelés dans les banques de l'UE. C'est un exemple que les cinq États d'Asie centrale doivent garder clairement à l'esprit.

5.4.4   Dans son avis sur «L'Europe dans le monde» (4), le Comité préconise qu'en guise de jalon pour les futurs accords commerciaux de l'UE, la Commission s'appuie sur les 27 conventions (y compris les 8 conventions fondamentales de l'OIT) reprises dans le système SPG Plus. Cet objectif doit s'appliquer aussi dans le cas présent en tant que base pour le développement d'échanges commerciaux non liés à l'énergie avec l'Asie centrale et de mesures d'assistance technique liée au commerce (ATLC) le cas échéant, et encourager une participation à l'OMC. Seul le Kirghizstan est membre de l'OMC mais beaucoup considèrent à présent son adhésion en 1998 comme prématurée.

5.5   L'annexe A contient un bref résumé de la situation actuelle en matière des droits de l'homme dans chacun des cinq États d'Asie centrale.

6.   Questions environnementales

6.1   Le système SPG Plus inclut d'importantes conventions en matière d'environnement. À cet égard, l'Asie centrale est principalement concernée par les questions de sécurité alimentaire, de sécurité de l'approvisionnement en eau et d'approvisionnement énergétique, domaines dans lesquels l'UE aura la tâche importante d'encourager ces cinq États à travailler ensemble et à adopter une approche globale. Dans la stratégie de l'UE, les liens entre ces questions ne sont pas clairs. Le problème de l'eau est traité d'une part avec les problèmes énergétiques et d'autre part avec les questions de durabilité environnementale et la sécurité alimentaire comme un problème majeur en soi.

6.2   En 2008, la FAO a inscrit le Tadjikistan parmi les dix-sept pays «en crise alimentaire»; il s'agit du seul pays d'Asie à figurer sur cette liste. La sécurité de l'approvisionnement en eau est aussi un enjeu fondamental pour l'ensemble de la région, comme en témoignent le rétrécissement de la mer d'Aral, les problèmes croissants de disparition des fleuves, ou encore le fait que le coton consomme de très grandes quantités d'eau. L'expérience acquise par l'UE en matière d'aide à d'autres pays devrait également permettre de renforcer la confiance en Asie centrale.

6.2.1   Le Tadjikistan et le Kirghizstan sont approvisionnés en eau la plupart de l'année (bien qu'une mauvaise gestion et des systèmes de distribution endommagés ont mené à d'importants gaspillages et, partant, à des pénuries), alors que leurs voisins sont confrontés à des problèmes de rareté de l'eau, en particulier l'Ouzbékistan (qui dépend fortement de l'eau qu'il importe pour ses cultures de riz et de coton, grandes consommatrices d'eau ainsi que pour l'eau potable). Les principaux problèmes du Tadjikistan sont liés au caractère très limité des autres sources d'énergie, mais surtout à la sécurité alimentaire. Il dépend largement de ses voisins pour l'approvisionnement en énergie et en nourriture.

6.2.2   En 2008, on estimait que dans ce pays, plus de deux millions de personnes (soit plus d'un tiers de la population) étaient en situation d'insécurité alimentaire et 750 000 en situation d'«insécurité alimentaire grave». 64 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté tandis que seuls 7 % du territoire se prêtent à l'agriculture.

6.2.3   Malheureusement l'Ouzbékistan et le Tadjikistan n'entretiennent pas des relations de bon voisinage, ce qui a engendré un cercle vicieux de privations mutuelles en raison d'interdictions d'exportation respectivement d'énergie et d'eau. Dans le cas du Tadjikistan, il s'agissait notamment d'assurer son propre approvisionnement en électricité, qui n'était disponible à Douchanbé que deux heures par jour par temps de grand froid.

6.3   Cette crise a démontré l'importance d'une stratégie globale incluant l'utilisation écologique des ressources naturelles, la réduction de la pauvreté et surtout la garantie de la sécurité alimentaire pour la promotion d'une croissance économique durable dans l'ensemble de l'Asie centrale. Le Comité se félicite toutefois du fait que l'UE se soit déjà activement engagée à aider le Tadjikistan et ses voisins à résoudre ces crises.

Bruxelles, le 16 juin 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 211 du 19.08.2008, p.82.

(2)  Centre d'études de la politique européenne.

(3)  Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe; il s'agit du seul lien politique et institutionnel qui existe, au niveau international, entre l'Europe et l'ancienne URSS.

(4)  COM(2006) 763 final.


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