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Document 52011AE0985

    Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre vert — Politique en matière d'audit: les leçons de la crise» COM(2010) 561 final

    JO C 248 du 25.8.2011, p. 92–100 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    25.8.2011   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 248/92


    Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre vert — Politique en matière d'audit: les leçons de la crise»

    COM(2010) 561 final

    2011/C 248/16

    Rapporteur: M. MORGAN

    Le 13 octobre 2010, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le:

    «Livre vert – Politique en matière d'audit: les leçons de la crise»

    COM(2010) 561 final.

    La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 26 mai 2011.

    Lors de sa 472e session plénière des 15 et 16 juin 2011 (séance du 16 juin 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 153 voix pour, 1 voix contre et 7 abstentions.

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1   Vue d'ensemble

    1.1.1   Le Livre vert est intitulé «Politique en matière d'audit: les leçons de la crise». Le CESE estime que l'ampleur de la crise est imputable au fait qu'aucune des parties concernées n'a agi comme elle aurait dû, en particulier les conseils d'administration des banques. Compte tenu de la défaillance de ces derniers, les autorités de régulation et de supervision, ainsi que les auditeurs légaux, auraient dû détecter les problèmes qui ont provoqué la crise, ce qu'ils n'ont pas fait. L'UE a déjà abordé les questions de la régulation et de la supervision. Une révision du rôle des auditeurs légaux est manifestement nécessaire. Le CESE avait d'ailleurs appelé à un tel réexamen dans son avis sur le rapport De Larosière (1) en 2009. Au-delà du rôle de l’audit, le Livre vert traite de questions telles que la gouvernance, la surveillance et la concentration. Le CESE convient que ces aspects ont une réelle influence sur les performances des auditeurs au cours de la crise.

    1.1.2   Le Livre vert pose 38 questions. Trois questions portent sur des thèmes très controversés: la question 18 sur les appels d'offre obligatoires, la question 28 sur les audits conjoints, et la question 32 sur l'idée de revenir sur la concentration des «quatre grands», (Big Four). Dans chacun de ces cas, quelle que soit la politique que la Commission envisage d'adopter, le CESE insiste pour qu'une analyse d'impact rigoureuse soit réalisée avant toute décision.

    1.2   Rôle de l'auditeur

    1.2.1   Le rôle de l'auditeur légal, tel qu'actuellement défini et mis en œuvre, n'est pas adapté à sa finalité. Le comité d'audit ou de surveillance est le pendant indispensable de l'auditeur légal. Le renforcement de l’indépendance de l’auditeur externe et la réforme du comité d'audit ou de surveillance sont les éléments essentiels des propositions formulées dans le présent avis.

    1.2.2   Le CESE propose que la directive de 2006 sur l'audit soit modifiée afin de renforcer le rôle du comité d'audit ou de surveillance:

    une majorité des membres du comité et son président doivent être indépendants;

    la compétence de certains membres de ces comités doit être en rapport avec les caractéristiques sectorielles de l'entreprise concernée, en particulier dans le secteur bancaire;

    le comité d'audit ou de surveillance ne devrait pas se contenter de contrôler, mais assumer effectivement la responsabilité de l'intégrité du processus d'audit.

    1.2.3   S'agissant du modèle dualiste de gouvernance d'entreprises fondé à la fois sur un conseil d'administration et un conseil de surveillance, le CESE se prononce pour un renforcement du lien entre l'auditeur légal et le conseil de surveillance.

    1.2.4   D'une manière générale, le CESE estime qu'il convient d'apporter les améliorations suivantes:

    affiner le descriptif des tâches des auditeurs et la responsabilité qui en découle pour eux,

    rendre leurs rapports plus clairs et compréhensibles, en particulier pour ce qui concerne les risques existants,

    développer l'audit dans le sens d'un contrôle de l'entreprise (viabilité de son modèle d'activité, robustesse financière, visibilité et traitement des risques auxquels elle est confrontée),

    renforcer la communication en cours d'exercice entre l'auditeur et les organes de contrôle de l'entreprise dès le stade du déroulement de l'audit.

    1.3   Gouvernance et indépendance

    Le CESE ne soutient pas l'idée d'une rotation obligatoire, mais il convient que le recours répété dans le temps à une société d'audit légal doit être limité par l'obligation de lancer un appel d'offres à un intervalle de six à huit ans pour renouveler le contrat d'audit. La possibilité pour les auditeurs légaux de fournir à leurs clients des services autres que d'audit doit être strictement contrôlée en faisant l'objet d'une autorisation expresse du comité d'audit ou du comité de surveillance tandis que dans le cas des grandes sociétés, la fourniture de conseils sur les risques, ainsi que la prestation de services d'audit interne doivent être interdits en raison du conflit d'intérêt qu'ils font naître. L'offre de conseil fiscal doit être restreinte si le risque existe d'un conflit d'intérêts important.

    1.4   Surveillance

    Les auditeurs et les autorités de surveillance devraient avoir l'obligation statutaire de se rencontrer régulièrement. Cela s'avère particulièrement nécessaire dans le cas des banques d'importance systémique.

    1.5   Concentration

    La concentration de la majeure partie du marché de l'audit des grandes sociétés entre les mains des «quatre grands» constitue un oligopole. Il existait cinq sociétés avant qu'Arthur Andersen ne fasse faillite. Une autre faillite serait impensable. Le CESE recommande de mener une action à court terme, par le recours aux «dispositions testamentaires» («living wills»), pour atténuer les effets de l'éventuelle faillite d'une société. À plus long terme, le Comité estime qu’une reconfiguration du marché est nécessaire. Il recommande que les autorités nationales de la concurrence soient saisies du cas de cet oligopole, en commençant par l'Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

    1.6   Marché européen

    La création d'un marché européen efficace de l’audit légal des comptes est un objectif souhaitable, mais les différences dans les domaines fiscal, juridique et linguistique restent des obstacles redoutables. Une certaine rationalisation est possible.

    1.7   Simplification pour les PME

    Les PME ont des formes et des tailles multiples. En cas d'investissements externes, de facilités bancaires importantes, ou de sérieuses préoccupations de la part de clients ou de fournisseurs concernant la pérennité de leur chaîne de valeur, il est difficile d'envisager des simplifications.

    1.8   Coopération internationale

    Le CESE considère qu'il est impératif de coopérer au niveau international, ce qui exige le lancement d'initiatives en collaboration avec le Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board – FSB) et le G-20, les actions les plus immédiates devant néanmoins être menées avec les États-Unis par l'intermédiaire du G-8.

    1.9   Gouvernement d'entreprise

    Le CESE regrette que le Livre vert sur la politique en matière d'audit ne comporte pas un chapitre sur le gouvernement d'entreprise. Un Livre vert sur ce thème (COM(2011) 164 final) vient d'être publié. Il est impératif que la Commission intègre ses propositions sur le gouvernement d'entreprise dans ses propositions en matière d'audit. Ces questions sont indissociables en ce qui concerne la véracité des comptes des sociétés.

    2.   Introduction

    2.1   Aux termes de la législation existante, le conseil d'administration d'une société a l’obligation d'en tenir la comptabilité et de présenter une image fidèle de sa situation. Les grandes sociétés sont tenues d'appliquer les normes IFRS en matière de comptabilité. La responsabilité qui incombe aux auditeurs est de donner une opinion quant à la fidélité et la véracité de l'image donnée par le conseil et d'indiquer si les normes IFRS ont été respectées. Le rapport des administrateurs et l'avis des auditeurs légaux sont publiés tous deux dans le rapport annuel et les comptes de l'entreprise. Les rapports annuels d'avant la crise, élaborés par des dirigeants de banques, ne contenaient aucun avertissement quant à son émergence et les auditeurs légaux avaient continué de décerner leur satisfecit à ces documents. Le principal enseignement de la crise est que cette situation doit changer. Le CESE est d'avis que ce changement doit être axé sur le comité d'audit ou de surveillance, ainsi que sur la sauvegarde de l'indépendance de l'auditeur légal.

    2.2   Les déclarations des administrateurs et des auditeurs légaux qui figurent dans les rapports annuels donnent un reflet du statu quo. Le Comité a également examiné des rapports d'audits légaux établis en France, en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni. Dans tous les États membres, les auditeurs légaux se focalisent sur les procédures et les processus. Dans l'ensemble de l'UE, les auditeurs font référence à la conformité aux normes IFRS. D'aucuns craignent aujourd'hui que le simple contrôle formel du respect des normes IFRS ne laisse aucune place au jugement de l’auditeur concernant certains aspects de la comptabilité et de l'audit.

    2.3   En examinant, dans leur traduction anglaise, les avis d'audit émis en Allemagne par l'un des Big Four sur les comptes 2009 de la Deutsche Bank, de Munich Re et de BMW, pour se limiter à ces trois entreprises, on constate qu'ils sont formulés pratiquement dans les mêmes termes, alors qu'il s'agit de trois sociétés fort différentes. Du fait de cette tendance à utiliser des formules stéréotypées, le contenu même de l'audit est voilé aux yeux de l'utilisateur. L'auditeur légal confirme que les procédures adéquates ont bien été suivies mais il n'apporte aucun élément attestant de l'intensité de l'audit. Le CESE estime que des changements sont indispensables pour s'assurer que les rapports d'audit font passer le contenu avant la forme.

    2.4   Les auditeurs externes se fondent dans une large mesure sur les systèmes de contrôle interne de leurs clients, une grand part des travaux d'audit étant centrée sur le contrôle de l'intégrité de ces systèmes. Les sociétés d'une certaine taille disposent de fonctions d'audit interne en bonne et due forme, qui sont déconnectées des tâches financières et font directement rapport au comité d'audit. L'audit interne a la responsabilité de vérifier l'intégrité des dispositifs de contrôle interne. Certaines entreprises sous-traitent leur audit interne à des tiers. Dans ce cas, les prestations qui font l'objet de cette sous-traitance ne devraient jamais être fournies par la société d'audit externe qu'elles ont choisie. Il incombe au comité d'audit ou de surveillance d'assurer l'indépendance de la fonction d'audit interne et, par extension, l'intégrité du système de contrôle interne.

    2.5   Si l'audit procure des garanties sur l'information financière contenue dans les comptes annuels des sociétés, il n'exprime actuellement aucun avis particulier sur leurs décisions économiques. L’une des enseignements tirés de la crise est que dans leurs rapports, les administrateurs devraient mettre en évidence dans leurs rapports la situation sous-jacente de leurs activités économiques, notamment en évaluant les «risques», et que les auditeurs devraient fournir un niveau d'assurance concernant ces déclarations. C'est pourquoi les auditeurs légaux ne devraient pas conseiller leurs clients sur l'évaluation et la gestion du risque (2).

    2.6   Au vu des carences et des échecs qui ont affecté le dispositif actuel d'information des actionnaires et des parties prenantes et, plus particulièrement, à la lumière du sort que certaines banques ont connu durant la crise, un large mouvement s'est dessiné en faveur d'un accroissement du rôle du comité d'audit ou de surveillance. Au Royaume-Uni, par exemple, le Conseil sur l'information financière (FRC), a préconisé de fonder la réforme en la matière sur les bases suivantes:

    établir des rapports descriptifs de meilleure qualité, notamment en ce qui concerne la stratégie d'affaires et la gestion des risques,

    reconnaître plus largement l'importance des comités d'audit et, en conséquence, insister davantage sur leur contribution, s'agissant de garantir l'intégrité des rapports financiers,

    instaurer davantage de transparence dans la manière dont les comités d'audit s'acquittent de leurs responsabilités concernant l'honnêteté du rapport annuel, y compris en supervisant les auditeurs externes,

    donner des informations plus fournies sur la procédure d'audit, tant aux comités d'audit qu'aux investisseurs, et élargir le champ des responsabilités confiées aux auditeurs,

    élargir l'accessibilité des rapports annuels en utilisant les moyens technologiques.

    2.7   Le CESE reprend ces principes à son compte. Ils ont les implications suivantes:

    1.

    Les administrateurs devront décrire de manière plus détaillée les dispositions qu'ils prennent pour garantir la fiabilité de l'information sur laquelle s'appuient et l'équipe dirigeante de leur société et leur propre gestion de cette entreprise; de même, il conviendra qu'ils assurent une plus grande transparence en ce qui concerne ses activités et tout risque qui y est associé.

    2.

    Les auditeurs légaux auront à fournir des rapports qui comprendront un chapitre sur l'exhaustivité et la solidité du rapport fourni par le comité d'audit et qui repéreront dans le rapport annuel tous les éléments dont ils estiment qu'ils sont incorrects ou incohérents avec les informations contenues dans les états financiers ou obtenues durant leur audit.

    3.

    La puissance grandissante des comités d'audit ou de surveillance pour amener l'équipe de gestion et les auditeurs à rendre des comptes devra être renforcée par une transparence accrue, grâce à des rapports plus fournis, où ils expliqueront notamment comment ils se sont acquittés de leurs devoirs concernant la sincérité du rapport annuel et d'autres aspects de leur mission, comme la supervision du processus d'audit externe et la désignation des auditeurs légaux externes.

    2.8   En ce qui concerne les comités d'audit, la directive européenne de 2006 sur les contrôles légaux contient les dispositions suivantes:

    Chaque entité d'intérêt public doit être dotée d'un comité d'audit. Les États membres déterminent si les comités d'audit doivent être composés de membres non exécutifs de l'organe d'administration et/ou de membres de l'organe de surveillance de l'entité contrôlée et/ou de membres nommés par l'assemblée générale des actionnaires de l'entité contrôlée. Au moins un membre du comité d'audit doit être indépendant et compétent en matière de comptabilité et/ou d'audit.

    Sans préjudice des responsabilités des membres de l'organe d'administration, de gestion ou de surveillance ou des autres membres nommés par l'assemblée générale des actionnaires de l'entité contrôlée, le comité d'audit est notamment chargé des missions suivantes:

    1.

    suivi du processus d'élaboration de l'information financière;

    2.

    suivi de l'efficacité des systèmes de contrôle interne, d'audit interne, le cas échéant, et de gestion des risques de la société;

    3.

    suivi du contrôle légal des comptes annuels et des comptes consolidés.

    2.8.1   Le CESE estime que, tout en conservant les dispositions existantes en matière de codécision, il y a lieu, pour matérialiser les principes et préceptes énumérés dans les paragraphes 2.8 et 2.9, de modifier ces instructions, en prescrivant qu'une majorité des membres de ces comités et leurs présidents devront être indépendants.

    2.8.2   Une simple exigence de compétence en matière de comptabilité et/ou d'audit est insuffisante. La compétence de certains membres de ces comités doit être en rapport avec les caractéristiques sectorielles de l'entreprise concernée, en particulier dans le secteur bancaire.

    2.8.3   Le CESE estime que le comité d'audit ou de surveillance ne devraient pas se contenter de contrôler, mais devraient assumer effectivement la responsabilité de l'intégrité de ces processus, conformément aux principes et règles détaillés aux paragraphes 2.6 et 2.7.

    2.9   S'il est acquis que les administrateurs sont responsables des états financiers, il convient d'apporter quelques précisions quant à leurs rôles et responsabilités s'agissant de la véracité desdits états. Par exemple, les administrateurs certifient qu'ils ont procédé à toutes les vérifications nécessaires pour leur permettre de se porter garant des comptes en conscience. Or, peut-on croire que les conseils d'administration des banques ont procédé aux vérifications nécessaires avant la crise? Avaient-ils la moindre idée de leurs risques de liquidité, de la faiblesse de leurs actifs associés à des créances hypothécaires ou des risques inhérents à leurs encours de prêts? À l'avenir, les banques et d'autres sociétés devront veiller à ce que les administrateurs nommés au conseil d'administration soient munis des compétences adéquates et qu'ils disposent d'une meilleure compréhension de leurs rôle et responsabilités.

    2.10   La réussite de la mise en œuvre des principes détaillés au paragraphe 2.6 nécessitera une révision plus globale du gouvernement d'entreprise. Il est indispensable que soient intégrées les conclusions des Livres verts sur le gouvernement d'entreprise et sur la politique en matière d'audit, afin qu'il n'y ait aucun hiatus entre eux.

    2.11   En résumé, si les administrateurs ont pour responsabilité de présenter une image fidèle de la situation des affaires, les auditeurs légaux doivent être certains qu'une image fidèle a été présentée. La limitation de la responsabilité est un privilège extraordinaire dont jouissent les sociétés anonymes. L'audit légal est conçu pour garantir que ce privilège ne donne pas lieu à des abus. Les actionnaires, les détenteurs d'obligations, les banques et les autres créanciers sont directement exposés sur le plan financier. Ils sont directement tributaires de la sincérité des états financiers. Les revenus d'autres parties prenantes, qu'il s'agisse des employés, des clients ou des fournisseurs, sont tributaires de la poursuite des activités de la société. Lors de la crise bancaire, les auditeurs légaux ont failli à leur tâche, de même que d'autres parties responsables. L'audit ne peut être exempté des mesures de réforme et de surveillance introduites dans d'autres secteurs du système financier. Le statu quo n'est pas envisageable.

    3.   Questions

    3.1   Introduction

    1)

    Avez-vous des remarques d'ordre général à formuler sur l'approche suivie par le présent Livre vert et sur son objet?

    Se référer à la section 1 du présent avis.

    2)

    Estimez-vous qu'il est nécessaire de mieux définir la fonction sociale de l'audit en ce qui concerne la véracité des états financiers?

    La véracité des états financiers est la condition sine qua non dans une société qui dépend largement des performances des entreprises à responsabilité limitée dans une économie de marché. Il y va de l'intérêt général que les entreprises survivent et prospèrent. Les intérêts qui en dépendent sont complexes dans leur multiplicité: actionnaires, détenteurs d'obligations, banques et autres créanciers tributaires des états financiers pour juger de la sûreté de leurs investissements et de leurs prêts; salariés tributaires des états financiers pour évaluer la sécurité de leurs emplois et de leurs traitements; autres parties prenantes dépendant des états financiers pour estimer la sûreté de l'entreprise en tant qu'employeur, fournisseur ou client; populations locales et pouvoirs publics locaux et nationaux qui se fondent sur les comptes pour mesurer la contribution de l'entreprise à la richesse commune et sa capacité à payer des impôts.

    Outre ces considérations, les banques et les autres institutions de crédit jouent un rôle fondamental dans le fonctionnement de l'économie de marché. Lors de la crise financière, les banques ont failli à leur mission, qui est de faire circuler les capitaux dans l'économie. En conséquence, la véracité de leurs états financiers antérieurs à la crise a été, à juste titre, remise en question. Des états financiers véridiques et fidèles constituent le fondement de l'organisation politique, sociale et économique de l'Union européenne. Les sociétés qui réalisent des audits légaux sont responsables de la sauvegarde de l'intérêt général.

    3)

    Estimez-vous qu'il est possible d'améliorer encore le niveau général de la «qualité de l'audit»?

    Oui: les rapports d'audit ne sont pas pertinents. Ils ne reflètent pas les travaux des auditeurs légaux. Avec l'avènement des normes IFRS, les comptes audités sont également susceptibles d'être moins pertinents, en particulier dans le cas des banques.

    3.2   Rôle de l'auditeur

    4)

    Estimez-vous que les audits devraient fournir des assurances quant à la santé financière des entreprises? Les audits sont-ils adaptés à cette fin?

    En l'état actuel, les audits ne sont pas adaptés à cette fin. La situation financière d'une entreprise est fonction de la résilience de son modèle d'activité commerciale. Il appartient au premier chef aux institutions et aux analystes de tester ce modèle, et non aux auditeurs légaux. Quoi qu'il en soit, des changements doivent être apportés. Les administrateurs doivent établir des rapports plus transparents du point de vue de la santé réelle de l'entreprise. Il devrait alors incomber aux auditeurs légaux de fournir une assurance externe sur ces informations. À cette fin, ils devront faire preuve d'une compréhension des risques inhérents au niveau sectoriel qui semble avoir fait défaut à mesure que les actifs bancaires devenaient de plus en plus complexes. Dans ce contexte, une explication devrait accompagner les appréciations formulées afin de confirmer la continuité des activités de l'entreprise.

    5)

    Pour réduire le décalage entre les attentes et la réalité et pour clarifier le rôle de l'audit, la méthode d'audit employée devrait-elle être mieux expliquée aux utilisateurs?

    Oui. Dans le rapport et les comptes, les auditeurs rédigent de brèves observations qui sont toutefois axées sur les processus et ne disent rien de leurs constatations, de leurs préoccupations ou de leur jugement. Il ne s'agit pas seulement d'expliquer la méthodologie. Les administrateurs doivent fournir des explications sur leurs appréciations et leurs décisions, les auditeurs légaux devant alors expliquer le processus par lequel ils parviennent à la conclusion que les comptes donnent bien une image véridique et fidèle de la situation. Dans ce cadre, il est important de veiller à ce que les auditeurs légaux ne recourent pas une fois de plus à un langage stéréotypé.

    6)

    Le «scepticisme professionnel» devrait-il être renforcé? Si oui, comment?

    Le scepticisme professionnel peut être renforcé par la formation, une expérience en dehors de l'audit, l'examen par des pairs des conclusions des audits et l'autorité des associés d'audit. En outre, la transparence accrue demandée aux auditeurs dans le cadre des propositions du chapitre 2 requerra de ces derniers un scepticisme professionnel plus rigoureux que jusqu'à présent. Celui-ci serait renforcé par la mise en place d'un organe disciplinaire professionnel dans chaque État membre.

    L'indépendance économique contribuerait probablement à renforcer encore le scepticisme professionnel. L'ampleur des services autres que d'audit fournis aux clients devrait être examinée et faire l'objet d'une évaluation critique par le comité d'audit ou de surveillance afin d'empêcher tout conflit d'intérêts entre l'exercice du scepticisme professionnel et la conservation de recettes conséquentes provenant du client. Il est également possible que ce scepticisme serait renforcé si des appels d'offres obligatoires (question 18) réduisaient la probabilité que la société d'audit conserve son mandat durant une période étendue.

    7)

    Faut-il faire évoluer la perception négative des réserves dans les rapports d'audit? Si oui, comment?

    Non. Les actionnaires et parties prenantes doivent être préoccupés par les réserves des auditeurs légaux à l'égard du rapport des administrateurs. Cependant, une communication plus transparente des administrateurs et/ou du comité d'audit ou de surveillance est de nature à permettre aux actionnaires de mieux comprendre pourquoi un auditeur légal a émis des réserves dans un rapport d'audit.

    Dans le cas des banques, la formulation de réserves peut susciter une crise de confiance susceptible d'avoir des conséquences de nature systémique. C'est pourquoi les inquiétudes des auditeurs doivent être notifiées dès que possible aux autorités de régulation et de surveillance afin que les problèmes potentiels puissent être traités rapidement.

    8)

    Quelles autres informations devraient être fournies aux parties prenantes externes et comment?

    Les auditeurs légaux ont une responsabilité envers les actionnaires, et par extension à l'égard des employés et des autres parties prenantes. Ils n'adressent pas de rapport séparé aux parties prenantes. La société est responsable des informations fournies à ces dernières. Comme cela est proposé au chapitre 2, tant les administrateurs que les auditeurs devraient fournir davantage d'informations aux instances de contrôle de l'entreprise, aux actionnaires, aux employés et aux autres parties prenantes et témoigner d'une plus grande transparence.

    En outre, le CESE préconise que, du moins dans les rapports d'audit qui ne sont pas rendus publics, l'auditeur se prononce sans ambiguïté sur les risques constatés. L'auditeur devrait donner des informations qui rendent visibles les risques potentiellement fatals. Il pourrait inclure la prévision de scénarios possibles, les analyses de sensibilité, exposer les principaux paramètres susceptibles d'influencer les risques ainsi que les niveaux et la probabilité des dommages. S'agissant des méthodes comptables, les effets sur les avoirs, les finances et les bénéfices de l'entreprise devraient être présentés de manière plus transparente.

    9)

    Le dialogue entre auditeurs externes, auditeurs internes et comité d'audit est-il approprié et régulier? Si ce n'est pas le cas, comment cette communication peut-elle être améliorée?

    La crise bancaire laisserait supposer que le dialogue n'a pas toujours été approprié et régulier, mais dans bien des cas, il l'a été. Un rôle accru du comité d'audit induirait une meilleure communication.

    10)

    Estimez-vous que les auditeurs devraient contribuer à garantir la fiabilité des informations fournies par les entreprises dans le domaine de la responsabilité sociale et environnementale?

    Éventuellement, mais pas avant l'adoption d'un accord au niveau de l'UE sur les normes en matière d'information.

    11)

    L'auditeur devrait-il communiquer de manière plus régulière avec les parties prenantes? Par ailleurs, le délai entre la clôture de l'exercice et la date de l'opinion d'audit devrait-il être réduit?

    Les parties prenantes font l'objet de la question 8. Le délai ne pose pas de problème.

    12)

    Quelles autres mesures devraient être envisagées afin d'augmenter la valeur des audits?

    La Commission doit procéder à un réexamen de l'incidence de l'introduction des normes IFRS, en particulier en ce qui concerne les banques. D’aucuns s’inquiètent du fait que, dans les IFRS, la prudence et le «conservatisme comptable» ont été supplantés par les procédures et le respect des normes. Il s’avère qu'en limitant la capacité des auditeurs à exercer un jugement prudent, les IFRS offrent moins d'assurance. Ces normes présentent également des défauts particuliers, par exemple l'impossibilité de prendre en compte des pertes escomptées.

    Des éléments probants, communiqués à la chambre des Lords du Royaume-Uni concernant la concentration du marché de l'audit, ont permis de constater que les faiblesses des IFRS étaient particulièrement graves en ce qui concerne l'audit des banques (3).

    Les normes internationales d'audit (ISA)

    13)

    Quel est votre point de vue sur l'introduction des normes ISA dans l'UE?

    Favorable. Mais il convient dans ce contexte de veiller à une stricte neutralité à l'égard des systèmes juridiques.

    14)

    L'utilisation des normes ISA devrait-elle être obligatoire dans l'ensemble de l'UE? Si oui, faut-il adopter une approche par approbation des normes, analogue à celle employée pour les normes internationales d'information financière (IFRS)? À titre d'alternative, étant donné que les normes ISA sont actuellement utilisées de manière généralisée dans l'UE, leur utilisation doit-elle être favorisée par des instruments juridiques non contraignants (recommandation, code de conduite)?

    Oui, éventuellement au moyen d'un règlement.

    15)

    Les normes ISA doivent-elles faire l'objet d'adaptations supplémentaires en fonction des besoins des PME et des PMC?

    Pas nécessaire.

    3.3   Gouvernance et indépendance des sociétés d'audit

    16)

    Y a-t-il conflit lorsque l'auditeur est désigné et rémunéré par l'entité auditée? Quelles autres solutions conseilleriez-vous dans ce contexte?

    Il existe un conflit potentiel, mais qui est gérable. Il est nécessaire d'instaurer une plus grande transparence lors de la désignation et de la redésignation des auditeurs légaux, et cette proposition figure au chapitre 2. La désignation par l'entreprise (comité d'audit ou de surveillance et actionnaires) permet de sélectionner l'auditeur qui est le mieux à même de répondre aux besoins particuliers de cette entreprise, par exemple la nécessité de connaître le secteur d'activités ou d'avoir une envergure internationale.

    17)

    Une désignation par un tiers serait-elle justifiée dans certains cas?

    Non. Pas dans des circonstances normales. Toutefois, la question pourrait se poser dans le cas d'institutions d'importance systémique, comme les grandes banques. Des autorités de surveillance qui sont en contact régulier avec les auditeurs légaux de ce type d'institutions et se montrent insatisfaites de leurs performances ou de leur indépendance devraient être habilitées à demander à l’institution de procéder à un changement. Il ne doit s'agir que d'un pouvoir de réserve, dans la mesure où une société consciente d'un problème de surveillance effectuerait probablement ce changement elle-même.

    18)

    Le recours répété à une société d'audit donnée devrait-il être limité dans le temps? Si oui, quelle serait la durée maximale pendant laquelle la même société d'audit pourra être désignée?

    Dans sa réponse à cette question, le CESE tient tout d'abord à formuler un avertissement: toute proposition de modification du statu quo doit faire l'objet d'une analyse d'impact rigoureuse.

    De par la rotation des équipes d'audit et de leurs responsables et le renouvellement normal des présidents, PDG et directeurs financiers, il existe, au niveau individuel, un «roulement» tout à fait approprié des relations. Le problème se pose au niveau de la relation d'entreprise à entreprise, avec la nécessité pour l'auditeur légal de conserver ses clients et le souhait du client de garder un auditeur avec lequel il se sent à l'aise. Ces relations à long terme peuvent menacer l'indépendance et le scepticisme professionnel.

    Le CESE ne soutient pas l'idée qu'un mécanisme de rotation obligatoire limite des missions d'audit, mais recommande que les grandes sociétés soient tenues de lancer un appel d'offres tous les six à huit ans pour renouveler le contrat d'audit. L'appel d'offres devrait être envoyé à au moins une société parmi les «quatre grands». Un tel exercice ne conduira pas nécessairement à un changement d'auditeur légal. Il importe dès lors que la procédure soit transparente. Le comité d'audit devrait expliquer sur quelle base se fonde son appel d'offres et la décision prise. Dans ce cadre, il devrait également organiser une réunion avec les principaux actionnaires.

    19)

    La fourniture de services autres que d'audit par des sociétés d'audit devrait-elle être interdite? Une telle interdiction devrait-elle s'appliquer à toutes les sociétés et leurs clients ou uniquement à certains types d'entités, comme les établissements financiers d'une importance systémique?

    Aucune restriction ne devrait être appliquée aux sociétés d'audit fournissant des services autres que d'audit aux entreprises autres que leurs clients d'audit légal mais ces services ne devraient être fournis aux clients d'audit légal que moyennant l'autorisation expresse du comité d'audit ou de surveillance. Pour renforcer l'indépendance de l'audit légal de grandes sociétés, l'auditeur légal ne doit pas fournir à son client de conseils sur ou les risques, et ne doit pas être non plus l'auditeur interne. L'offre de conseil fiscal doit être restreinte si le risque existe d'un conflit d'intérêts important. Dans l'ensemble, les services autres que l'audit comprennent soit la consultance soit la comptabilité. La consultance est moins susceptible que la comptabilité de donner lieu à un conflit d'intérêts par rapport à l'audit légal. Le comité d'audit devrait donner son accord pour tout service autre que l'audit, fourni par l'auditeur légal, et prévenir les conflits d'intérêts. Les comités devraient également surveiller la valeur totale de ces services autres que l'audit et ce montant devrait figurer dans le rapport annuel.

    Dans le cas des PME, un régime plus souple peut être envisagé. Les PME ont des formes et des tailles multiples. Dans de nombreux cas, il pourrait se justifier que la société effectuant l'audit légal fournisse des conseils en matière de fiscalité et de risques.

    20)

    La proportion maximale des honoraires qu'un cabinet d'audit peut recevoir d'un seul client devrait-elle être réglementée?

    Il ne peut être répondu à cette question qu'en tenant compte du total des revenus de chaque société d'audit à l'échelon national. Le seuil actuel de 15 % des honoraires des cabinets d'audit nationaux provenant d'un seul client, tel qu'il est fixé dans le code de déontologie du Conseil des normes internationales de déontologie comptable, est sensé étant donné que les honoraires sont fonction de la taille et de la complexité de l'entreprise soumise à l'audit. Les clients font tout pour les faire baisser. Les honoraires payés à la société d'audit pour des prestations autres que l'audit devraient être comptabilisés de façon distincte.

    21)

    Devrait-on introduire de nouvelles règles concernant la transparence des états financiers des sociétés d'audit?

    Oui, mais ces règles doivent prendre en compte le fait que les réseaux des quatre grandes sociétés d'audit sont composés d'entreprises nationales distinctes plutôt que d'une seule entité. Les sociétés d'audit devraient publier leurs comptes, exactement comme le font les entreprises qu'elles contrôlent.

    22)

    Quelles nouvelles mesures pourrait-on envisager en matière de gouvernance des cabinets d'audit pour accroître l'indépendance des auditeurs?

    Dans certaines juridictions, les auditeurs fournissent une confirmation annuelle d'indépendance. Dans un État membre, ils suivent un code de gouvernance pour les sociétés d'audit. Lorsque survient un conflit d'intérêts, ils doivent abandonner l'un ou l'autre engagement. En outre, les cabinets d'audit doivent employer des directeurs et conseillers indépendants.

    23)

    D'autres structures peuvent-elles être envisagées pour permettre aux sociétés d'audit d'obtenir des capitaux de sources extérieures?

    La société à responsabilité limitée est une structure attrayante pour les sociétés d'audit. Il faut la comparer à la structure de société anonyme des agences de notation, qui a sans aucun doute eu une influence sur les décisions désastreuses qu'elles ont prises et qui ont mené à la crise financière. S'il ne fait pas courir de risque de responsabilité illimitée devant les tribunaux des États membres, le statut de société de personnes devrait être suffisamment solide. Néanmoins, si d'autres formes de mise en société contribuent à élargir le marché, elles devraient être encouragées. Limiter la responsabilité pourrait avoir le double avantage d'attirer de nouveaux capitaux et d'encourager les sociétés d'audit de taille moyenne à soumissionner de manière agressive pour des contrats avec de grandes entreprises.

    24)

    Êtes-vous d'accord avec les propositions concernant les auditeurs de groupe? Avez-vous d'autres idées à ce sujet?

    Les auditeurs de groupes devraient disposer de l'autorité et des accès nécessaires pour pouvoir pleinement s'acquitter de leurs responsabilités envers les actionnaires des groupes.

    3.4   Surveillance

    25)

    Quelles mesures devrait-on envisager pour accroître l'intégration et la collaboration sur la surveillance des cabinets d'audit au niveau de l'UE?

    Des questions telles que les normes, les passeports et les réseaux internationaux de cabinets d'audits comportent une dimension internationale. Cependant, les cabinets d'audit légal opèrent sous la forme de sociétés nationales soumises à la surveillance d’un État membre. Le CESE soutient l'idée d'un collège d'autorités nationales de surveillance, en lien avec le nouveau cadre de surveillance financière de l'UE.

    26)

    Comment peut-on parvenir à un degré plus élevé de consultation et de communication entre l'auditeur de grandes entreprises cotées et les autorités de régulation?

    Il existe déjà certaines exigences légales, bien que l'on ait pu observer une rupture du dialogue auditeur légal/autorité de surveillance dans certains États membres au cours des années précédant la crise. Le CESE propose que l'Autorité bancaire européenne définisse des obligations spécifiques au secteur bancaire. De plus, les autorités de régulation devraient tenir le président et le conseil d'administration responsables de la communication avec elles, responsabilité assortie de sanctions si l'entreprise manque de communiquer certains éléments clés.

    3.5   Concentration et structure de marché

    27)

    La configuration actuelle du marché de l'audit pourrait-elle présenter un risque systémique?

    Nous pensons qu'il existe un véritable risque de perturbation du marché. Nous ne pensons pas que la faillite d'une société d'audit légal puisse présenter un risque systémique immédiat pour le marché. Néanmoins, du point de vue de l'indépendance et du marché, il serait absolument inacceptable que trois sociétés seulement détiennent une position dominante. La récente crise financière et économique a mis en évidence que, dans le domaine de la gestion du risque, il faut parer à toute éventualité.

    28)

    Estimez-vous que la formation obligatoire d'un consortium de sociétés d'audit comprenant au moins une société d'audit plus petite, n'ayant pas une importance systémique, pourrait agir comme un catalyseur qui dynamiserait le marché de l'audit et permettrait aux petits et moyens cabinets de participer plus activement au segment des audits plus importants?

    En France, la législation prévoit que les sociétés doivent être contrôlées par un consortium d'au moins deux cabinets. Des dispositions similaires existaient au Danemark. Elles n'ont plus été jugées nécessaires. En France, ce dispositif s’applique depuis 1966 aux sociétés cotées. Il a été étendu aux sociétés astreintes à la publication de comptes consolidés en 1984, une époque à laquelle la part de marché des sociétés d'audit anglo-américaines augmentait rapidement. Dans une certaine mesure, cette politique a été couronnée de succès. Une étude (4) de 2006 concernant 468 sociétés françaises, fondée sur des données de 2003, montrait que 54 sociétés avaient été auditées par deux des quatre grands, 241 par un des quatre grands et une société française, et le solde de 173 sociétés par diverses combinaisons de grandes et de petites sociétés d'audit françaises.

    La physionomie du marché de l'audit en France n'est pas seulement tributaire des interventions du législateur. La propriété des entreprises en France est beaucoup plus concentrée que dans les pays anglo-saxons, ce qui affecte les besoins en matière d'audit. À titre d'exemple, le plus grand investisseur détient 25 % ou davantage de 73 % des sociétés françaises. Les principales catégories de propriétaires sont les autres sociétés (34 %), les actionnaires familiaux (25 %), le grand public (21 %), alors que les investisseurs internationaux ne détiennent que 8.5 %.

    L’étude a permis de constater que: «En particulier, le recours aux quatre grands cabinets d’audit augmente lorsque la structure de la propriété est moins concentrée entre les mains d’un détenteur d’une part importante de la société et qu’elle compte davantage d’investisseurs internationaux et publics, alors que ce recours est plus faible lorsque l’actionnariat familial est important. En outre, la présence d’un des quatre grands est plus probable lorsque les investisseurs institutionnels (banques et fonds de pension) sont davantage présents. Il est important de noter qu’il s’avère que certaines de ces caractéristiques relatives à la propriété sont également associées au recours à deux des quatre grands plutôt qu’à un seul».

    Eu égard à ce lien entre propriété et audit, ces constats donnent à penser qu’il n’est pas prudent de conclure qu’en France, l’environnement juridique est le seul élément qui détermine la structure du marché de l’audit national. Sur ce point, il convient cependant de noter que la législation française n'impose pas d'associer obligatoirement un «petit» cabinet avec un «grand» dans le cadre de l'audit conjoint, contrairement à ce que propose la Commission. Comme la Commission le reconnaît, la consultation sur le Livre vert a fourni des réponses diverses à cette question, notamment sur le fait de savoir si des audits conjoints déboucheraient sur des comptes de meilleure qualité ou s'ils engendreraient davantage de bureaucratie et de coûts.

    En réponse à la question, les audits conjoints accroîtraient la participation des petits cabinets au marché des grandes entreprises. Quant à savoir s’ils réduiraient effectivement la concentration et dans quel délai, le CESE demande à la Commission de réaliser une analyse d’impact approfondie avant toute conclusion sur cette question. Le CESE estime que la législation relative à la concurrence constitue un moyen complémentaire pour régler la question de l’oligopole.

    29)

    Êtes-vous d'accord avec l'idée d'une rotation obligatoire et du lancement d'un nouvel appel d'offres après une période donnée dans le but d'améliorer la structure des marchés de l'audit? Quelle devrait être cette période maximale?

    Le CESE ne soutient pas l'idée d'une rotation obligatoire. S'agissant des appels d'offres obligatoires, il convient de se référer à la réponse à la question 18.

    30)

    Que devrait-on faire face à l'opinion dont bénéficient les «Big Four»?

    Le CESE est favorable à la suppression de toute distorsion artificielle envers les «Big Four», telles que les pactes bancaires. Il y a lieu d'interdire l'assignation obligatoire des missions aux seules «Big Four». La Commission pourrait envisager d'introduire un système visant à attester que des cabinets d'audit ne disposant pas du même statut que les «quatre grands» disposent de la compétence voulue pour procéder à l'audit d'une grande entreprise.

    31)

    Êtes-vous d'accord avec l'idée que les plans d'urgence, notamment les testaments, pourraient jouer un rôle clé dans la gestion des risques systémiques et des risques de faillite des sociétés?

    Des plans d'urgence devraient être prévus tant pour les sociétés d'audit que pour les autorités nationales de régulation. Les sociétés d'audit sont des réseaux internationaux. La meilleure stratégie consisterait à se concentrer sur la limitation de la faillite au niveau de l'État membre et sur le maintien de l'intégrité du reste du réseau. Les testaments («living wills») seraient l'élément central de toute stratégie de limitation. L'alerte précoce en cas de problèmes potentiels faciliterait la mise en œuvre des plans d'urgence.

    32)

    Est-ce que les bénéfices du regroupement des grandes sociétés d'audit au cours de ces deux dernières décennies (internationalisation de l'offre, les synergies) sont toujours d'actualité? Dans quelles circonstances un retour en arrière pourrait-il être envisagé?

    Comme cela est expliqué dans la réponse à la question 18, le CESE tient à ce que toute action envisagée fasse l’objet d’une analyse d’impact approfondie. Dans la mesure où les futures superpuissances asiatiques connaîtront une expansion mondiale, il est probable que leurs sociétés d’audit suivront leurs clients. Toute initiative engagée par des pouvoirs publics pour imposer un changement dans le marché de l’audit doit être envisagée dans une échelle de temps de vingt ans. En outre, l’impact potentiel de la loi des conséquences imprévues doit être pris sérieusement en considération.

    Il est difficile d'envisager un retour en arrière, mais l'important est de faire respecter le droit de la concurrence sur le marché de l'audit. Le CESE serait favorable à un renvoi de cette question aux autorités nationales chargées de la concurrence, en commençant par l'Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Les autorités chargées de la concurrence devraient également examiner avec attention toute proposition d'acquisition par l'une des sociétés faisant partie des «Big Four».

    3.6   Création d'un marché européen

    33)

    Selon vous, quelle est la meilleure façon d'améliorer la mobilité transfrontalière des professionnels de l'audit?

    L'harmonisation des réglementations et des lois applicables serait un point de départ. L'introduction des normes ISA y contribuerait également. La diversité des régimes fiscaux, des législations et des langues dans les 27 États membres constitue sans conteste une entrave à une véritable mobilité transfrontalière.

    34)

    Êtes-vous d'accord avec la proposition d'une harmonisation maximale combinée à un passeport européen unique pour les auditeurs et les sociétés d'audit? Estimez-vous que cette proposition devrait aussi s'appliquer aux plus petits cabinets d'audit?

    Oui, mais nous ne devrions pas sous-estimer les difficultés que cela implique. Il serait concevable de disposer d'un passeport européen pour les auditeurs pour le domaine de l'information financière obligatoire conforme aux normes IFRS. De ce fait, il convient préalablement de déterminer si la société d'audit légal peut ou va contrôler des états financiers conformes aux normes IFRS avant de décider à quel auditeur ou société d'audit ce passeport peut être accordé.

    3.7   Simplification: petits et moyens cabinets et praticiens

    35)

    Seriez-vous favorable à un type de service plus simple qu'un audit, à savoir un «audit limité» ou un «examen légal», pour les états financiers des PME, à la place de l'audit légal? Ce service devrait-il dépendre du fait qu'un comptable (interne ou externe) ayant les qualifications appropriées ait préparé les comptes?

    Les PME ont des formes et des tailles multiples. Si l'on est en présence d'investissements externes et ou de concours bancaires importants, ou si des clients ou fournisseurs majeurs sont préoccupés par la viabilité de leur chaîne de valeur, il est difficile d'envisager des raccourcis. Le travail d'un expert comptable pourrait convenir aux micro-entreprises autofinancées.

    36)

    Est-ce qu'une exemption limitée, applicable aux PME, devrait être mise en place en cas d'éventuelle interdiction future de fournir des services autres que d'audit?

    Oui, mais le bien-fondé d'une telle interdiction reste à prouver.

    37)

    Est-ce qu'un «audit limité» ou un «examen légal» devraient être assortis de règles moins contraignantes en ce qui concerne le contrôle de qualité interne et la surveillance des autorités? Pourriez-vous donner des exemples pratiques du fonctionnement de tels services?

    Voir question 35. En tout état de cause, les petites entreprises font l'objet d'audits simples et d'ampleur limitée.

    3.8   Coopération internationale

    38)

    Selon vous, quelles mesures de coopération internationale pourraient augmenter la qualité de la supervision des acteurs internationaux du secteur de l'audit?

    Coopérer avec le G-20 et le Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board - FSB); néanmoins, dans un premier temps, la mesure la plus importante serait une coopération au niveau du G-8, en insistant en particulier sur les liens étroits avec les organes de réglementation aux États-Unis.

    Bruxelles, le 16 juin 2011.

    Le président du Comité économique et social européen

    Staffan NILSSON


    (1)  JO C 318, 23.12.2009, p. 57.

    (2)  La gestion du risque nécessite de recenser, d'évaluer et de hiérarchiser les risques (définis dans la norme ISO 31000 comme les effets de l'incertitude sur la réalisation des objectifs, qu'ils soient positifs ou négatifs), et ensuite d'utiliser des ressources de manière économique et coordonnée pour réduire, surveiller et contrôler la probabilité et/ou l'incidence d'événements malheureux ou pour tirer parti au maximum des possibilités qui s'offrent. Les stratégies pour gérer les risques consistent notamment à transférer le risque à une autre partie, à éviter les risques, à réduire les effets négatifs des risques et à accepter tout ou partie des conséquences d'un risque particulier (source: Wikipedia.org).

    (3)  Rapport de la chambre des Lords publié le 15 mars 2011, «Auditors: Market concentration and their role» (Auditeurs: la concentration du marché et leur rôle), volume 1, page 32 (http://www.parliament.uk/hleconomicaffairs).

    (4)  «Assessing France’s Joint Audit Requirement: Are Two Heads Better than One?» Jere R. Francis, University of Missouri-Columbia, Chrystelle Richard, Université Paris Dauphine et Ann Vanstraelen, Universiteit Antwerpen et Universiteit Maastricht.


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