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Document 51999DC0590

    Protection des interêts financiers des Communautés et lutte contre la fraude - Rapport annuel 1998

    /* COM/99/0590 final */

    51999DC0590

    Protection des interêts financiers des Communautés et lutte contre la fraude - Rapport annuel 1998 /* COM/99/0590 final */


    PROTECTION DES INTERÊTS FINANCIERS DES COMMUNAUTES ET LUTTE CONTRE LA FRAUDE - RAPPORT ANNUEL 1998

    (présenté par la Commission)

    >TABLE>

    SOMMAIRE

    Introduction

    1. Analyses et statistiques

    1.1. Fraudes et autres irrégularités

    1.2. Fraude avérée et présomption de fraude

    1.3. La situation en 1998

    1.3.1. Les cas d'irrégularités communiqués par les États membres

    1.3.2. Les cas sous enquête à l'UCLAF en coopération avec les États membres

    1.4. Les tendances

    1.4.1. Les communications des États membres

    1.4.1.1. Les ressources propres traditionnelles

    1.4.1.2. Les dépenses du FEOGA-Garantie

    1.4.1.3. Les dépenses structurelles

    1.4.2. Les cas sous enquête à l'UCLAF

    1.4.2.1. Les ressources propres traditionnelles

    1.4.2.2. Les dépenses du FEOGA-Garantie

    1.4.2.3. Les dépenses structurelles

    1.4.2.4. Les dépenses directes

    1.5. Le recouvrement des montants en jeu

    1.5.1. Les ressources propres traditionnelles

    1.5.2. Les dépenses du FEOGA-Garantie

    1.5.3. Les dépenses structurelles

    2. Enquêtes

    2.1. La criminalité organisée (activité des «task-groups»)

    2.1.1. Trafic de cigarettes

    2.1.2. Trafic d'alcool

    2.1.3. Huile d'olive édulcorée

    2.2. Les atteintes aux politiques communautaires par secteur budgétaire

    2.2.1. Le domaine des origines préférentielles (ressources propres)

    2.2.1.1. Importations de véhicules automobiles

    2.2.1.2. Importations d'ail de Chine

    2.2.1.3. Les textiles chinois

    2.2.1.4. Importations de conserves de thon de Turquie

    2.2.2. Le domaine de la politique agricole commune

    2.2.2.1. Exportations de viande à destination de la Jordanie

    2.2.2.2. Exportations de vin

    2.2.2.3. Pommes de terre - amidon

    2.2.2.4. Quotas laitiers

    2.2.3. Le domaine des politiques structurelles

    2.2.3.1. Financement de collèges par le Fonds Social Européen (FSE)

    2.2.3.2. Fond Social européen : Pays-Bas, région «Rijnmond et Gelderland»

    2.2.3.3. Le FEOGA-Orientation

    2.2.3.4. PIC LEADER I

    2.2.3.5. Instrument Financier d'Orientation de la Pêche (IFOP) - Secteur de l'aquaculture - Surfacturation de l'équipement

    2.2.4. Le domaine des dépenses directes

    2.2.4.1. Programme de formation professionnelle «Leonardo Da Vinci»

    2.2.4.2. Les dépenses de «Recherche - Télécommunication»

    2.2.5. Enquêtes comprenant des aspects internes

    2.2.5.1. Contrat de gardiennage des bâtiments de la Commission

    2.2.5.2. Détournement de fonds destinés aux programmes d'aides extérieures

    2.3. La fiscalité indirecte : la TVA

    3. Évolutions marquantes dans le domaine de la protection des intérêts financiers des Communautés

    3.1. La réforme du régime de transit douanier

    3.1.1. Mesures législatives : dispositions d'application du code des douanes communautaire et la Convention de transit commun

    3.1.2. Mesures opérationnelles

    3.1.3. Le nouveau Système de transit informatisé - NSTI

    3.2. La réforme des régimes préférentiels

    3.3. La fiscalité indirecte

    3.4. La réforme de la gestion financière (SEM 2000)

    3.5. Le Corpus Juris

    3.6. L'analyse comparée (rapports «209 A CE»)

    4. Coopération et partenariat avec les États membres

    4.1. Les initiatives des États membres pour la protection des intérêts financiers des Communautés

    4.2. L'article 280 CE et la responsabilité partagée entre la Communauté et les États membres pour la protection des finances de l'Europe

    4.3. La coopération judiciaire

    4.4. La protection de l'euro

    4.4.1. La communication de la Commission du 22 juillet 1998

    4.4.2. Les échanges d'informations et la coopération

    4.5. La coopération douanière

    4.6. Les actions de formation concernant la protection des intérêts financiers

    5. Coopération et partenariat avec les pays tiers

    5.1. La stratégie de pré-adhésion

    5.2. Les accords d'assistance mutuelle entre la Communauté et les pays tiers

    INTRODUCTION

    Les circonstances entourant les conditions d'élaboration du dixième rapport annuel sur la protection des intérêts financiers des Communautés et la lutte contre la fraude ont été particulières et, en cela, différentes de celles relatives à la préparation des rapports précédents. En effet, la Commission a pris la décision de démissionner, le 16 mars 1999, suite à la publication, le 15 mars 1999, du premier rapport [1] du Comité d'experts indépendants. La Commission sortante n'a pas estimé opportun, dans ces conditions, de publier le rapport annuel dans les délais habituels. Il convient de prendre acte, également, du fait que l'élaboration de ce document a débuté dans le cadre de la Commission sortante, avec la Task-Force «Coordination de la lutte antifraude» (UCLAF) comme maître d'oeuvre, et s'est achevée avec l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), organisme indépendant, dans le cadre de la Commission Prodi. Ce rapport est donc l'expression unique d'une période de transition entre la nouvelle et l'ancienne Commission, ainsi qu'entre l'ancienne structure antifraude et le nouvel Office.

    [1] «Premier rapport sur les allégations de fraude, de mauvaise gestion et de népotisme à la Commission européenne».

    Le rapport de la Commission relatif à l'année 1998 est le dernier qui fait le bilan des activités de la Task-Force «Coordination de la lutte antifraude» (UCLAF). En effet, la Commission a décidé, le 28 avril 1999, de créer l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) [2], instance indépendante quant aux activités opérationnelles, qui reprend l'ensemble des missions assumées par l'UCLAF. Le nouveau dispositif législatif [3], entré en vigueur le 1er juin 1999, étend et renforce les responsabilités de l'Office, celles-ci concernent l'ensemble des activités liées à la sauvegarde d'intérêts communautaires contre des comportements irréguliers susceptibles de poursuites administratives ou pénales.

    [2] Décision de la Commission 1999/352/CE, CECA, Euratom, du 28 avril 1999, instituant l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), JO L 136 du 31.5.1999, page 20.

    [3] Dispositif comprenant notamment, outre la décision de la Commission précitée, un règlement (CE) du Conseil et du Parlement européen relatif aux enquêtes de l'OLAF et un accord interinstitutionnel relatif aux enquêtes internes de l'Office (JO L 136 du 31.5.1999).

    Le budget communautaire pour 1998 [4] représente 82,8 milliards d'écus (exécution des crédits de paiement). Son financement est assuré par les ressources propres traditionnelles (14 milliards d'écus), la TVA (33 milliards d'écus) et la quatrième ressource, versée directement au budget communautaire, qui en constitue la recette principale (35 milliards d'écus). Côté dépenses, celles-ci demeurent principalement à vocation agricole (39,1 milliards d'écus ou 47% du total). Les actions structurelles représentent 28,8 milliards d'écus (35% du total) et les dépenses directement gérées par la Commission (actions extérieures, Recherche et Développement...) 10,7 milliards d'écus (13% du total, hors dépenses d'administration et de personnel).

    [4] Source : vade-mecum budgétaire (Commission européenne), édition 1999, doc. SEC(1999) 1100.

    Il importe de rappeler que la détection des cas de fraude et autres irrégularités commises au détriment des intérêts financiers des Communautés doit être effectuée par les États membres et la Commission, en étroite coopération. Les États membres ayant une obligation principale en la matière puisqu'ils perçoivent les ressources propres traditionnelles pour le compte des Communautés et administrent environ 80% des dépenses du budget communautaire. Sur la base des définitions des notions d' «irrégularité» et de «fraude» (ce dernier concept recouvrant une irrégularité comportant des éléments intentionnels qui en font une infraction pénale), il a été tenté, pour la première fois, de quantifier en tant que tel le nombre de fraudes commises au détriment du budget communautaire. Or, à l'heure actuelle, les communications des États membres en la matière, source de l'analyse, se sont révélées insuffisamment précises et harmonisées entre elles pour permettre l'établissement de statistiques détaillées. De manière globale, l'on peut néanmoins considérer que, parmi les irrégularités communiquées, 20% d'entre elles peuvent être considérées comme des «fraudes».

    L'interprétation des tendances et des courants d'irrégularité présentés dans le premier chapitre du rapport doit toutefois se faire avec prudence. Il faut toujours tenir compte du fait qu'une communication effectuée par un État membre au titre de ses obligations réglementaires en matière de lutte contre la fraude peut couvrir en réalité une irrégularité ou une fraude qui s'étend sur plusieurs années, ce qui est le cas en ce qui concerne le domaine du FEOGA-Garantie pour 1998, et qu'un nombre limité de cas peut avoir une grande influence statistique, sans pour autant démontrer une tendance générale. De plus, les résultats des enquêtes conduites sur le terrain les années précédentes commencent à produire leurs effets.

    Ainsi, dans le domaine des ressources propres par exemple, l'année 1997 avait été particulièrement prolifique dans la mesure où près d'un milliard d'écus de montants en jeu avaient été constaté dans des cas de fraude ou d'irrégularité (cas communiqués par les États membres et enquêtes de l'UCLAF, en coopération avec ces derniers), ce milliard d'écus représentait 6,6% du budget concerné (14 milliards d'écus en 1997) ; en 1998, les montants constatés ne s'élèvent qu'à près de la moitié de ce montant (538 millions d'écus), soit une incidence budgétaire de 3,8% (le budget concerné étant resté stable). L'influence des cas «cigarettes» sur les statistiques a ainsi été particulièrement déterminante en 1997. La baisse significative des montants issus de ce trafic correspond aux succès obtenus sur le terrain, en Espagne et en Andorre, à l'encontre du marché noir. Ainsi, les moyens de l'UCLAF ont continué à être mobilisés en 1998, avec la coopération des autorités nationales compétentes, pour faire aboutir les enquêtes entamées en vue de punir les coupables et de récupérer les montants détournés.

    Pour les fonds structurels, certains États membres ont encore des difficultés pour satisfaire leurs obligations de communication des cas. La faiblesse des montants en jeu dans les cas de fraude ou d'irrégularité communiqués en 1998 par rapport à 1997 (42 millions d'écus contre 57 en 1997) peut être mise en regard du nombre réduit de cas traités par l'UCLAF en coopération avec les États membres sur la même période (7 millions d'écus en jeu dans ces cas contre 60 en 1997). L'incidence budgétaire globale est ainsi passée de 0,45% en 1997 à 0,18% en 1998, les budgets étant restés à peu près stables, n'évoluant que de 26 à 28 milliards d'écus. S'agissant du Fonds de cohésion, il est à préciser que l'absence de communications d'irrégularités par les États membres dans ce domaine peut s'expliquer par le fait que seuls quatre d'entre eux sont concernés. D'autre part, pour ce Fonds, inauguré en 1994, les projets, qui sont annuels, font l'objet d'une surveillance plus étroite de la part des États membres concernés [5].

    [5] Espagne, Portugal, Irlande, Grèce.

    Une même unité de la Task-Force UCLAF est chargée des enquêtes en matière de fonds structurels, de dépenses directes et de corruption (ou d'affaires susceptibles d'impliquer des fonctionnaires ou agents de l'institution). Cette unité a, dans le courant de l'année 1998, accordé la plus haute priorité à ces affaires «internes», qui requièrent un plus grand volume de travail. Le nombre global d'enquêtes s'en est ressenti.

    Enfin, dans le domaine du FEOGA-Garantie, c'est le phénomène inverse qui est constaté : en 1997, un montant de 317 millions d'écus a fait l'objet de fraudes ou d'irrégularités tandis qu'en 1998, ce montant augmentait jusqu'à 420 millions d'écus (pour 1997, cela représentait 0,79% du budget annuel consacré à ces dépenses - plus de 40 milliards d'écus - en 1998, ce pourcentage montait à plus de 1%, pour un budget moindre - 39,1 milliards d'écus). Cet écart est dû à la communication par les États membres, en 1998, de quelques nouveaux cas d'irrégularité qui couvrent plusieurs années d'enquête.

    De ces activités d'enquête et de coordination opérationnelle, certaines leçons ont été tirées pour engager des actions importantes en matière de prévention, notamment en ce qui concerne l'adaptation du cadre juridique et le renforcement de la législation communautaire en termes d'étanchéité à la fraude, conformément aux décisions prises par la Commission dans le cadre de «SEM 2000» et de sa recommandation n°7 [6] :

    [6] SEC(96) 1802/4. Cf. rapport annuel 1996, chapitre 1, page 11.

    - la réforme du régime du transit, dont la nécessité a été mise en évidence suite aux constatations faites sur le terrain, s'est poursuivie en 1998, conformément au plan d'action adopté par la Commission en 1995 ;

    - de même, la réforme des régimes préférentiels, débutée en 1996 par un premier renforcement de la réglementation relative au SPG (système des préférences généralisées), a été poursuivie d'une façon plus générale, en 1997 et en 1998, y compris au travers de la communication de la Commission sur la gestion des régimes préférentiels, qui met l'accent sur les risques de fraudes et d'irrégularités importants dans ces domaines. Ceci a notamment conduit, fin 1998, à l'adoption d'un nouveau type de clause de sauvegarde, juridiquement liée à la protection des intérêts financiers, dans le nouveau schéma SPG qui permet à la Commission d'agir rapidement en cas de fraudes importantes et de défaillances en matière de coopération administrative avec les pays tiers. De plus, cette évolution est à la base des travaux qui se conduisent actuellement, en 1999, pour finaliser un instrument juridique horizontal portant sur l'ensemble des accords préférentiels en cas de fraudes, instrument préconisé par la Commission dans sa communication précitée ;

    - en outre, le système de correction financière a été renforcé dans le domaine des politiques structurelles, dans l'esprit de la situation existant dans le domaine agricole, de telles mesures ayant été également proposées dans le domaine des ressources propres traditionnelles ;

    - d'autres mesures de nature préventive ont également permis un renforcement de plusieurs législations spécifiques dans le domaine agricole (restitutions, BSE...).

    Au-delà de l'aspect strictement financier, d'autres actions ont été menées en 1998, dans le domaine de la protection des intérêts communautaires, et méritent d'être signalées.

    Il s'agit des développements relatifs à la protection des intérêts des Communautés face aux agissements d'une délinquance, voire d'une criminalité, bien organisée qui prennent pour cible, non seulement les finances européennes, mais touchent également le bien-fondé même de certaines politiques communautaires fondamentales, mettent en danger les économies nationales et érodent la crédibilité de la construction européenne. Face à de tels comportements de nature délinquante ou criminelle, une réponse pénale appropriée doit être trouvée en conjuguant les effets du droit communautaire et du droit national afin de contrecarrer les criminels et d'empêcher leurs actions de se développer.

    Les nouvelles politiques de l'Union, comme la réalisation de l'Union économique et monétaire, avec, notamment, l'introduction de l'Euro, nécessitent la mise en place d'un système de protection communautaire face à la contrefaçon et au faux-monnayage. De même, pour répondre au défi de l'élargissement, la Commission développe une stratégie de pré-adhésion qui consiste à aider les pays candidats à préparer leur entrée dans l'Union avec un système de protection adapté à la sauvegarde des intérêts communautaires, et ce, aussi bien sur le plan de l'organisation et que le plan opérationnel.

    Enfin, l'on constate que les instruments juridiques relevant du titre VI du traité, établissant les dispositions relatives à la protection des intérêts financiers des Communautés, ne sont toujours pas ratifiés depuis leur adoption en 1995, et ce, malgré les appels récurrents des Conseil Ecofin et JAI, ainsi que du Conseil européen. En revanche, les instruments adoptés dans le même temps dans le cadre du premier pilier sont d'application.

    1. Analyses et statistiques

    1.1. Fraudes et autres irrégularités

    La lutte contre la fraude vise à protéger les intérêts financiers des Communautés européennes (et donc les intérêts du contribuable européen) contre tout comportement illégal. La forme que peut revêtir un tel comportement varie beaucoup et se décline sur une gamme allant du non-respect d'une norme de droit communautaire, par erreur ou mégarde, jusqu'à des actes intentionnels, voire criminels, souvent perpétrés par des réseaux organisés.

    Dans le souci de protéger efficacement les finances communautaires, les instruments légaux qui organisent la lutte contre la fraude couvrent toute la gamme des comportements illégaux, de la simple «irrégularité» jusqu'à la «fraude» criminelle et organisée. Le terme «irrégularité» étant beaucoup plus large, il est défini dans le droit communautaire comme suit :

    «Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue» [7].

    [7] Article 1 § 2 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil (JO L 312 du 23.12.1995).

    En revanche, le terme «fraude» couvre un comportement passible de sanctions pénales, il est défini comme suit :

    «Est constitutif d'une fraude portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes :

    a) en matière de dépenses, tout acte ou omission intentionnel relatif :

    - à l'utilisation ou à la présentation de déclarations ou de documents faux, inexacts ou incomplets, ayant pour effet la perception ou la rétention indue de fonds provenant du budget général des Communautés européennes ou des budgets gérés par les Communautés européennes ou pour leur compte,

    - à la non-communication d'une information en violation d'une obligation spécifique, ayant le même effet,

    - au détournement de tels fonds à d'autres fins que celles pour lesquelles ils ont initialement été octroyés ;

    b) en matière de recettes, tout acte ou omission intentionnel relatif :

    - à l'utilisation ou à la présentation de déclarations ou de documents faux, inexacts ou incomplets, ayant pour effet la diminution illégale de ressources du budget général des Communautés européennes ou des budgets gérés par les Communautés européennes ou pour leur compte,

    - à la non-communication d'une information en violation d'une obligation spécifique, ayant le même effet,

    - au détournement d'un avantage légalement obtenu, ayant le même effet» [8].

    [8] Article 1 § 1 de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO C 316 du 27.11.1995).

    Selon ces définitions, la notion générale d'«irrégularité» couvre aussi celle de «fraude», l'irrégularité englobe la fraude, qui se distingue pourtant des «autres irrégularités», notamment par le caractère intentionnel de l'infraction et par l'utilisation de moyens illicites qui relèvent de poursuites pénales. La fraude appelle l'application de moyens de répression beaucoup plus forts et l'implication du système judiciaire, tandis que, pour les autres irrégularités, l'accent est plutôt mis sur la régularisation financière de la situation.

    Dans cette situation, il serait certes utile de pouvoir distinguer plus clairement, dans le rapport sur les activités de l'UCLAF, les «fraudes» des «autres irrégularités». Toutefois, les informations transmises par les États membres ne sont pas révélées suffisamment précises et fiables pour opérer cette distinction. Même les indications fournies au sujet du «type d'irrégularité» sont à considérer avec beaucoup de prudence.

    - La pratique des autorités compétentes pour la communication des cas varie beaucoup d'un État membre à l'autre (la quote-part des «irrégularités» qualifiées de «fraudes» varierait entre 0 et 76%). Ainsi, la qualification initiale d'un cas peut dépendre du fait que l'autorité de contrôle ou de détection est une autorité ayant des compétences pénales ou non [9].

    [9] A titre d'exemple, la majorité des cas communiqués par l'Italie a été décelée par la Guardia di Finanza, unité qui sort du cadre purement administratif.

    - Si l'on examine non seulement le «type d'irrégularité» mais aussi la description du modus operandi utilisée par les États membres, il apparaît qu'un nombre plus élevé de cas pourrait plutôt, en réalité, être qualifié de «fraude». Ceci vaut notamment pour le domaine des ressources propres.

    - En dernier lieu, l'appréciation juridique d'un même cas peut évoluer dans le temps et un cas considéré au début de l'enquête comme «fraude», et communiqué comme tel, pourrait être qualifié, à la fin de la procédure judiciaire, comme simple «irrégularité», ou vice-versa.

    En ce qui concerne les cas sous enquête à l'UCLAF, en coopération avec les États membres, cette distinction ne serait pas appropriée pour les raisons suivantes : d'un côté, l'UCLAF se concentre volontairement sur les cas complexes et transnationaux, irrégularités dites «graves», qui relèvent souvent de la criminalité organisée, et que les États membres ne peuvent pas traiter sans l'apport du niveau communautaire ; de l'autre, l'UCLAF n'a pas de compétence pour trancher la question de la nature pénale d'une d'irrégularité puisque ses enquêtes ne visent qu'à établir le caractère irrégulier des faits, permettant aux autorités compétentes des États membres de qualifier pénalement l'irrégularité en cause.

    1.2. Fraude avérée et présomption de fraude

    Une interprétation prudente de tous les éléments factuels dont dispose l'UCLAF permet d'estimer que, tous domaines budgétaires confondus, un cas sur cinq est à qualifier de «fraude» et justifie l'application de mesures relevant du droit pénal [10]. Tandis que les «autres irrégularités» peuvent souvent être constatées par une autorité administrative, un comportement de «fraude», et donc de délit pénal, doit être qualifié comme tel par les instances judiciaires et, en règle générale, par un tribunal. Entre l'engagement d'une procédure pénale et le verdict final peut s'écouler un laps de temps souvent important.

    [10] Par exemple pour «faux et usage de faux».

    De même, la qualification d'une irrégularité, sous enquête par l'UCLAF, en tant que «fraude» ne pourra servir que d'indicateur relatif pour mesurer la gravité du cas. L'UCLAF ne peut que fournir les éléments collectés au cours de l'enquête ainsi qu'une contribution à la procédure (par exemple par le biais de la coordination transnationale) devant les instances nationales. La «qualification» par la Commission d'un cas de «fraude» ne saurait donc être qu'une qualification provisoire dans l'attente du verdict des instances compétentes nationales. Ce verdict devrait trouver son expression dans une communication formelle de l'État membre sur la base de la réglementation sectorielle applicable.

    Ceci vaut aussi pour l'identification des montants en cause. Notamment dans les cas de fraude, l'impact budgétaire ne pourra être déterminé avec précision que sur la base du verdict final du tribunal compétent. Dans les stades qui précèdent ce verdict final, il s'agira d'une évaluation plus ou moins précise. C'est le cas en ce qui concerne les enquêtes de l'UCLAF qui, précisément, ont pour objectif d'éclaircir les faits et de les apprécier dans leur contexte. En l'occurrence, ce ne sera qu'au cours d'une enquête que le montant concerné sera précisé [11].

    [11] Le cas de la contrebande de cigarettes illustre bien ces propos. Lorsqu'un contrôle permet de saisir une quantité donnée de cigarettes en contrebande, l'enquête doit couvrir aussi les importations frauduleuses précédentes qui n'ont pas pu être détectées en temps utile. L'impact financier de la fraude doit être calculé sur la base de l'ensemble des importations frauduleuses et non pas seulement sur la base de la quantité de cigarettes saisies.

    Pour bien mesurer l'impact réel de la fraude et des autres irrégularités, il faut considérer, d'un côté, les montants communiqués par les États membres comme résultat de leurs constatations, et, de l'autre, les montants estimés par la Commission, pour des cas sous enquête, non encore formellement communiqués par les États membres. Dans la mesure où les États membres respectent leurs obligations de communication, l'impact estimé des cas sous enquête à l'UCLAF devrait être confirmé (ou infirmé) par les communications des États membres (souvent au titre d'une année suivante d'ailleurs).

    1.3. La situation en 1998

    1.3.1. Les cas d'irrégularités communiqués par les États membres

    Pour l'année 1998, les États membres ont communiqué à la Commission 5 091 cas d'irrégularités, incluant des fraudes éventuelles, impliquant 577 millions d'écus. Une analyse préliminaire indique que, globalement et tous domaines budgétaires confondus, les cas d'irrégularité avec soupçon de fraude représentent, en nombre et en valeur, environ 20% de l'ensemble.

    Les cas communiqués par les États membres se répartissent comme suit :

    >TABLE>

    (*) Ce pourcentage du budget de 1998 concerné par les irrégularités communiquées par les États membres n'est qu'une indication, un ordre de grandeur, car certains cas, communiqués au titre de 1998, peuvent couvrir plusieurs exercices antérieurs (une irrégularité datant d'une ou de plusieurs années a pu être communiquée seulement en 1998)

    (**) des ressources propres traditionnelles nettes.

    Une ventilation des cas par État membre figure en annexe (tableaux 1 à 4).

    1.3.2. Les cas sous enquête à l'UCLAF en coopération avec les États membres

    Outre les cas communiqués par les États membres, l'UCLAF a ouvert, en 1998, 227 nouveaux dossiers d'enquête qui portent, en règle générale, sur la suspicion d'une fraude ou d'une autre activité illégale. S'y ajoute un certain nombre de dossiers ouverts pendant les années précédentes, sous enquête active en 1998. L'impact présumé de ces nouveaux dossiers, ainsi que les constatations relatives à des dossiers encore sous enquête [12] représentent environ 442 millions d'écus.

    [12] Ne sont comptabilisés, pour les dossiers déjà ouverts dans les années antérieures qui ont connu, en 1998, une évolution des montants en jeu (soit une trentaine de dossiers, tous secteurs confondus), que la partie de ce montants excédant l'estimation initiale.

    >TABLE>

    (*) Ce pourcentage du budget concerné par les dossiers ouverts par l'UCLAF en 1998 n'est qu'une indication, un ordre de grandeur, car certains cas peuvent couvrir plusieurs exercices antérieurs (un dossier ouvert au titre de 1998 peut concerner une suspicion de fraude datant de plusieurs années)

    (**) des ressources propres traditionnelles nettes.

    1.4. Les tendances

    En comparant l'évolution des dernières années, l'on peut constater une certaine stabilisation du nombre de cas nouveaux et de leur impact financier. Ceci vaut aussi bien pour les cas de fraude que pour les autres irrégularités.

    1.4.1. Les communications des États membres [13]

    [13] Les graphiques 1, 3 et 5 en annexe montrent l'évolution des communications des États membres depuis 1995.

    1.4.1.1. Les ressources propres traditionnelles

    Le nombre de cas de fraude ou autres irrégularités détectés par les États membres connaît une fluctuation assez importante. Il avait atteint son niveau maximum en 1997 et il est redescendu, en 1998, au niveau de 1995 [14].

    [14] Depuis mi-1996, les États membres communiquent les informations relatives aux cas de fraude et d'irrégularité directement à la Commission par le biais de l'application informatique « OWNRES ». Le graphique 1, présenté en annexe, indique la situation de ces communications électroniques (fiches originales et mises à jour) au 4 octobre 1999. Ces communications se réfèrent, outre à l'année 1998, aux années précédentes lorsqu'une mise à jour est nécessaire. La Commission a demandé à plusieurs reprises que les États membres procèdent d'office à la communication d'une mise à jour des cas de fraude et d'irrégularités se référant à la période 1989 (début de l'obligation de communication) - 1996, en utilisant ce moyen de communication électronique. De ce fait, l'on peut escompter que, dans les années à venir, la Commission disposera au fur et à mesure d'informations plus détaillées et plus fiables.

    Tandis que, dans le passé, les montants concernés augmentaient d'année en année, l'on constate, en 1998, une certaine régression par rapport aux années précédentes. Toutefois, les montants plus modestes, constatés et communiqués par les États membres pour 1998, ne sont pas en ligne avec les résultats des enquêtes effectuées ces dernières années par l'UCLAF, en coopération avec les États membres. Pour le seul domaine des cigarettes, les États membres font état de presque 5 milliards de cigarettes saisies en contrebande (soit 78% de plus qu'en 1997), ce qui représente une perte de 118 millions d'écus pour le budget communautaire.

    Avec 16% des cas décelés et 12% du montant global impliqué, le domaine des régimes préférentiels se révèle toujours particulièrement vulnérable. En revanche, le nombre de cas décelés - et notamment les montants impliqués - dans le domaine du transit externe est en nette régression par rapport aux années précédentes. Ce phénomène pourrait s'expliquer par l'attention particulière qui est vouée à ce type de transactions et par l'utilisation du Système d'Information Préalable (SIP) [15].

    [15] Cf. point 4.5, page 54.

    1.4.1.2. Les dépenses du FEOGA-Garantie

    Les 2 412 cas communiqués au titre de l'année 1998 (fraudes et irrégularités) représentent une augmentation de presque 20% par rapport à 1997 et une augmentation de presque 40% par rapport à 1995.

    Après une baisse considérable des montants impliqués dans les communications de la période 1995-1997, le montant global est de nouveau en hausse en 1998 (+ 75%). Cette hausse est due à la communication par l'Italie de quatre cas très importants dans le secteur de l'huile d'olive (aide à la consommation); ces cas se réfèrent à une période longue de plusieurs années. Ceci confirme la constatation de la Commission [16] selon laquelle l'impact budgétaire réel des irrégularités communiquées ne peut pas être mesuré par rapport à un seul exercice puisqu'il est largement influencé par la date (aléatoire) de la détection des irrégularités.

    [16] Cf. notamment rapport annuel 1994, chapitre 6, section 2.

    Parmi les types d'interventions, les irrégularités décelées par les États membres concernent toujours en premier lieu les mesures qui sont à qualifier de soutien du marché. La part des restitutions à l'exportation est restée relativement stable. Les produits les plus touchés sont l'huile d'olive, la viande bovine et les bovins ainsi que les produits laitiers.

    1.4.1.3. Les dépenses structurelles

    Le nombre de cas détectés et communiqués par les États membres continue d'augmenter. Ceci indique que les systèmes de contrôle mis en place deviennent de plus en plus performants. Toutefois, l'on constate des divergences entre États membres : la détection, par les services de la Commission, d'un cas de fraude à grande échelle dans le domaine du Fonds social aux Pays-Bas [17] a mis en évidence les difficultés rencontrées par cet État membre à satisfaire à l'obligation de communication. De manière générale, cet État membre n'a communiqué dans le courant de l'exercice 1998 que trois cas d'irrégularité, tous trois dans le cadre du FEDER.

    [17] Cf. point 0, page 31.

    En 1998, environ la moitié des cas - et des montants - communiqués concernent le Fonds social ; en 1997, ce fonds représentait moins de 40% des cas et des montants. Par rapport à la dotation budgétaire, l'incidence des fraudes et irrégularités est plus élevée dans le domaine du Fonds social (0,28%) et du FEOGA-Orientation (0,23%) que dans le domaine du Fonds régional (0,11%) ou de l'IFOP (0,12%).

    1.4.2. Les cas sous enquête à l'UCLAF [18]

    [18] Les graphiques 2, 4, 6 et 7 en annexe montrent l'évolution des dossiers ouverts par l'UCLAF en coopération avec les États membres depuis 1995.

    L'UCLAF a conduit au total, en 1998, 346 missions d'enquête et de coopération, en collaboration avec les États membres, enquêtes qui ne concernent pas seulement les nouveaux dossiers de l'année mais qui concernent également les dossiers ouverts d'un point de vue opérationnel. Cela correspond à 132 missions dans le domaine des ressources propres (produits industriels, de la pêche, produits agricoles, produits textiles, cigarettes), 135 dans le domaine du FEOGA-Garantie, 79 dans les domaines des actions structurelles (fonds structurels et fonds de cohésion) et des dépenses directes gérées par la Commission (« Recherche », dépenses en faveur de certains pays tiers -programmes PHARE, TACIS, dépenses du FED...).

    Une partie de ces missions d'enquête (55) a été conduite dans des pays tiers, soit environ 16% du nombre total. Mais en termes de ressources humaines (nombre d'agents/jour), ces missions dans les pays tiers représentent près de 30% de l'activité opérationnelle.

    Une des priorités pour la Commission est la lutte contre la fraude impliquant des filières organisées, voire des réseaux de criminalité. C'est pourquoi l'activité de ses task-groups spécialisés (cigarettes, alcool, huile d'olive...), en collaboration étroite avec les États membres, s'est poursuivie et intensifiée en 1998 pour contrecarrer ces grands trafics lucratifs et les empêcher de se développer. C'est pourquoi également, le champ d'activité de l'UCLAF a dépassé la protection des intérêts financiers communautaires et englobe d'autres activités liées au crime organisé comme la lutte contre le commerce de produits contrefaits (produits pirates).

    Ces affaires nécessitent un traitement pénal, seul susceptible d'avoir un effet dissuasif face à des filières de criminalité organisée qui profitent ainsi des disparités entre les systèmes juridiques des États membres.

    1.4.2.1. Les ressources propres traditionnelles

    La diminution des montants en 1998 par rapport à 1997, alors que le nombre d'enquêtes a augmenté, s'explique par le fait que des montants relatifs à des fraudes importantes établies dans des secteurs d'activité différents sont pris en compte et comptabilisés pour une année déterminée, alors que les enquêtes relatives à ces dossiers se poursuivent pendant la (ou les) année(s) suivante(s). Ceci est le cas, par exemple, pour le dossier de contrebande de cigarettes via le Monténégro [19], pour lequel les enquêtes se sont encore poursuivies en 1998. Ceci est également le cas pour le dossier de contrebande de cigarettes via Andorre en 1997 [20], qui a fait l'objet de mesures spécifiques, prises dans le cadre du renforcement de la coopération CE/Andorre [21].

    [19] Cf. rapport annuel 1997, chapitre 2, point 2.1.1.3, page 20.

    [20] Cf. rapport annuel 1997, chapitre 2, point 2.1.1.5, page 21.

    [21] Cf. chapitre 2, point 0, page 21 et suivantes.

    1.4.2.2. Les dépenses du FEOGA-Garantie

    Dans le domaine du FEOGA-Garantie, le nombre de nouveaux dossiers d'enquête ouverts en 1998 est du même niveau de celui de 1996, supérieur à celui de 1997 et inférieur au nombre de 1995. Ceci reflète le fait que l'instruction des grands dossiers ouverts ces dernières années nécessite encore des ressources substantielles. Pour les enquêtes de l'UCLAF, les montants impliqués atteignaient leur niveau le plus élevé en 1997, tandis que, pour les communications des États membres, les montants globaux étaient, pour cette même année 1997, nettement inférieurs aux années précédentes ou, même, à l'année suivante. Ceci illustre bien le décalage dans le temps entre d'une part les résultats d'une enquête menée par un État membre seul et, d'autre part, les résultats d'une enquête multilatérale coordonnée par l'UCLAF.

    Les nouvelles enquêtes concernent en premier lieu les mesures de soutien du marché, l'exportation de viande bovine et le trafic de sucre et les quotas laitiers.

    1.4.2.3. Les dépenses structurelles

    Les dossiers d'enquête ouverts par l'UCLAF en coopération avec les États membres ne suivent pas la même évolution que les communications de ces derniers. Leur nombre a diminué, et, en particulier, les montants concernés. Une enquête sur deux, entamée en 1998, concerne le Fonds social tandis que ce fonds ne représentait que moins de 40% des enquêtes en 1997 (mais plus de 50% en 1996). Le nombre de nouvelles enquêtes lancées dans les domaines du FEDER et du FEOGA-Orientation est en recul net par rapport aux années précédentes.

    Les montants impliqués dans les cas sous enquête à l'UCLAF sont, en moyenne, le double ou le triple des montants impliqués dans les cas communiqués par les États membres.

    1.4.2.4. Les dépenses directes

    Le nombre de nouveaux dossiers d'enquête est en recul par rapport aux années 1996 et 1997, le montant global concerné est également nettement inférieur à celui de 1997. Comme dans les années précédentes, ces nouvelles enquêtes concernent en premier lieu la «Recherche» et l'«Aide au développement».

    1.5. Le recouvrement des montants en jeu

    Les chiffres indiqués au point 1.3 visent à décrire l'impact global des cas de fraude ou autres irrégularités avérés ou soupçonnés. Ces chiffres incluent donc aussi les tentatives de fraude avortées et les pertes subies par le budget communautaire qui ne peuvent être calculées que sous la forme d'une extrapolation (notamment en ce qui concerne la contrebande). En revanche, le recouvrement est une action «en réparation» qui se limite aux seuls cas pour lesquels l'opérateur économique concerné et les montants exacts en jeu ont pu être identifiés.

    1.5.1. Les ressources propres traditionnelles

    En application de la réglementation communautaire [22], la perception des ressources propres traditionnelles a été déléguée aux États membres et ces derniers ont l'obligation de prendre toute mesure pour que la constatation, la comptabilisation, le recouvrement et la mise à disposition de ces ressources soient assurés dans les meilleures conditions.

    [22] Décision 94/728/CE, Euratom du Conseil du 31 octobre 1994 relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 293 du 12.11.1994) et règlement (CEE, Euratom) n° 1552/89 du Conseil du 29 mai 1989 (JO L 155 du 7.6.1989).

    Le problème fondamental pour le recouvrement des ressources propres réside dans le fait que la procédure de recouvrement ne peut être lancée que si les droits ont été constatés par l'autorité compétente de l'État membre concerné. Ceci implique notamment l'identification de l'opérateur en cause et le calcul exact des droits dus. En cas de contrebande (de cigarettes par exemple), il est difficile, voire impossible, de calculer ex post les droits qui étaient dus lors de l'importation clandestine de la marchandise qui, entre-temps, a été écoulée sur le marché ; si la marchandise est appréhendée au moment de l'importation clandestine, elle est normalement détruite et les droits ne sont pas perçus.

    Dans les cas d'importation de marchandises en application non justifiée d'un régime préférentiel, les problèmes majeurs résident dans les insuffisances des contrôles à réaliser par les États membres et dans les retards ou absences de coopération constatés de la part des pays bénéficiaires. Il en résulte que, y compris dans les cas de constatation effective de fausse origine préférentielle, les importateurs redevables, sous l'effet distinct ou conjugué des délais de prescription en matière de recouvrement et en raison de l'incertitude juridique due au manque de coopération des pays bénéficiaires, peuvent se soustraire à l'acquittement de la dette douanière et aux poursuites éventuelles.

    Dans ces cas et dans d'autres formes de fraude sophistiquée liée à des réseaux de criminels bien organisés, il est souvent impossible de procéder à un quelconque recouvrement auprès d'un débiteur solvable. C'est pourquoi il demeure primordial de s'attaquer à ces réseaux, quels qu'ils soient.

    Suite à la constatation des droits, la pratique démontre que le processus de recouvrement mené sous la responsabilité des États membres se caractérise souvent par sa lenteur. Cette lenteur s'explique notamment par le temps que durent les procédures administratives et judiciaires. Aussi, les interprétations divergentes du droit communautaire faites par les administrations nationales constituent des obstacles à un recouvrement homogène de ces ressources.

    La Commission, quant à elle, assure le suivi du recouvrement, entre autres, au moyen des instruments suivants :

    - l'établissement du rapport de synthèse des communications sur des États membres sur l'activité et les résultats de leurs contrôles [23];

    [23] Cf. deuxième rapport de synthèse concernant l'exercice 1997 [Doc. COM (1999)110 final du 12 mars 1999].

    - L'analyse statistique des communications « fraude » (baptisée "échantillon A"), qui a pour objet de présenter les aspects généraux de la situation du recouvrement. Un premier rapport rédigé sur cette base a été adressé à l'autorité budgétaire (Parlement européen et Conseil) en 1995 [24];

    [24] « Rapport sur le recouvrement des ressources propres traditionnelles provenant des cas de fraudes et d'irrégularités (Méthodologie et Échantillon A 94) », doc. COM(95) 398 final du 6 septembre 1995. Un deuxième rapport est prévu pour la fin 1999.

    - l'examen plus détaillé des cas d'importance majeure sélectionnés dans le cadre d'un échantillonnage sur base de critères objectifs [25] ou en vue de la complexité particulière d'un cas.

    [25] « Rapports sur le recouvrement des ressources propres traditionnelles provenant des cas de fraudes et d'irrégularités ( Échantillons B94 et B98) », doc. COM(97) 259 final du 9 juin 1997 et COM(1999) 160 final du 21 avril 1999.

    Le rapport de synthèse se réfère à l'ensemble des irrégularités constatées et des montants impliqués, sans tenir compte du seuil de 10 000 écus qui déclenche l'obligation de communication à la Commission [26]. De ce rapport, il résulte que le « taux de recouvrement brut » (recouvrement pendant l'année) dans les États membres se situait, en 1997, en moyenne, autour de 23%. Ce taux est en ligne avec le taux de recouvrement qui résulte des communications formelles des États membres pour l'année 1998, concernant des cas de plus de 10 000 écus, qui est de 27%.

    [26] Article 6 § 4 du règlement (CEE, Euratom) n° 1552/89 du Conseil.

    Le suivi financier des cas de fraude et autres irrégularités qui font partie des échantillons B94 et B98 [27] démontre, respectivement, un progrès non négligeable - mais toujours insuffisant - dans l'efficacité du recouvrement (le taux passe de 2% à 12%) et le taux de prescription diminue fortement (de 12% à 4%). Toutefois, le taux de recouvrement varie énormément en fonction du produit concerné et du régime douanier. Ainsi, dans deux cas qui concernent l'importation irrégulière de produits textiles sous couvert de certificats de préférence inapplicables [28], le taux de recouvrement est de 55% et 60%, ce qui démontre la faisabilité du recouvrement à la condition qu'une coopération efficace avec le pays d'origine concerné soit maintenue. Cette constatation est confirmée par un autre cas impliquant également l'importation irrégulière de produits textiles [29]. Dans ce dernier cas, le taux de recouvrement s'élève à 52%.

    [27] Cf. rapport annuel 1994, déjà cité, chapitre 6, section 2 (B94). 9 cas ont été sélectionnés (B98) ; ils ont fait l'objet d'une communication dans le cadre de l'assistance mutuelle et représentent un impact total de 136 millions d'écus.

    [28] Pièces d'habillement importées du Laos et pièces textiles importées du Cambodge.

    [29] Pièces textiles importées de Bangladesh, affaire qui ne fait pas partie de l'échantillon B98.

    Conformément à l'article 17 § 2 du règlement (CEE, Euratom) n° 1552/89 du Conseil, les États membres ne sont dispensés de mettre les ressources propres à la disposition du budget communautaire que si le recouvrement n'a pu être effectué pour des raisons qui ne leur sont pas imputables [30]. Dans leurs rapports annuels au titre de l'article 17§3 du règlement précité, les États membres doivent, le cas échéant, indiquer les raisons qui les empêchent de mettre les ressources propres à la disposition du budget communautaire. Entre 1989 et 1998, la Commission s'est vu communiquer, par 7 États membres, 44 cas considérés par ceux-ci comme « irrécouvrables ». Étant donné ce faible nombre de cas, la Commission s'interroge sur le respect scrupuleux, par les États membres, des obligations qui leur incombent.

    [30] En juillet 1997, la Commission a soumis une proposition de modification du règlement n° 1552/89, toujours sur la table du Conseil en 1999, qui vise à introduire une procédure qui permet d'identifier de manière plus systématique et claire les montants qui doivent être mis à la charge d'un État membre qui n'a pas respecté toutes ses obligations de recouvrement (procédure du style «apurement des comptes»).

    Afin d'augmenter l'efficacité des procédures, la Commission a donc proposé d'introduire une date « butoir » (délai de 5 ans) s'appliquant à tous les États membres pour retirer les montants irrécouvrables de leur comptabilité [31].

    [31] Proposition présentée au Conseil le 11 mai 1999.

    1.5.2. Les dépenses du FEOGA-Garantie

    Conformément à l'article 8, paragraphe 2 du règlement (CE) n° 729/70 du Conseil, à défaut de recouvrement intégral des montants en cause, les conséquences financières des fraudes et autres irrégularités sont soit à la charge du budget communautaire, soit à la charge de l'État membre concerné si celui-ci n'a pas respecté toutes ses obligations. La décision de savoir qui doit supporter la perte est prise dans le cadre de la procédure dite d'apurement des comptes.

    Depuis quelques années, la Commission (Direction générale Agriculture) s'efforce, avec les États membres, de liquider le «poids du passé», à savoir les montants qui restent à recouvrer dans les cas de fraude et autres irrégularités qui avaient été communiqués il y a plusieurs années. En effet, toute en reconnaissant que les procédures de recouvrement peuvent se révéler particulièrement longues, la Commission considère qu'une période de quatre années devrait suffire pour prendre les mesures nécessaires et constater si le montant en cause peut effectivement être recouvré. Si, après cette période de quatre années, le recouvrement n'est pas engagé et se révèle impossible, la Commission doit trancher et décider si le montant est à la charge du FEOGA (puisque le recouvrement est impossible pour des raisons qui ne sont pas imputables à l'État membre en cause) ou à la charge de l'État membre (puisqu'il n'a pas fait preuve de la diligence voulue). Toutefois, une exception doit être faite pour les cas dans lesquels l'ordre de recouvrement est devant les instances judiciaires.

    Force est de constater que les tentatives de la Commission d'exhorter les États membres à liquider ce «poids du passé» et à augmenter le taux de recouvrement effectif n'ont pas encore porté leurs fruits. En effet, le pourcentage des montants encore à recouvrer après les quatre années (sans compter les cas en justice) est passé de 36% pour les cas communiqués avant 1994 [32] à 50% pour les cas communiqués avant 1995. D'un montant global de 1 651 millions d'écus communiqué à la Commission de 1973 à 1994 inclus, 824 millions d'écus restaient à recouvrer en 1998 (sans compter les cas en justice).

    [32] Cf. rapport annuel 1997, tableau 4.

    Étant donné qu'il incombe aux États membres de démontrer qu'ils ont fait preuve de diligence et pris toutes les mesures nécessaires pour assurer le recouvrement effectif des montants en cause, la Commission sera forcée, dans le cadre des prochaines décisions sur l'apurement des comptes, de mettre des montants considérables à la charge de ces derniers, s'ils n'ont pas pu démontrer l'impossibilité objective du recouvrement.

    1.5.3. Les dépenses structurelles

    Comme pour les autres dépenses, le point de départ pour le suivi financier sont les communications des États membres en vertu des règlements (CE) n° 1681/94 et n° 1831/94. Néanmoins, à la différence des autres domaines budgétaires, les projets individuels qui sont cofinancés par les fonds communautaires s'inscrivent, en règle générale, dans le cadre d'un programme pluriannuel, ce qui permet souvent de régulariser la situation financière, au plus tard dans le cadre du paiement final pour le programme en cause. La conséquence est que la situation du recouvrement ne peut être appréciée qu'une fois le programme concerné terminé.

    Si l'on ne regarde que la situation du recouvrement qui concerne les programmes opérationnels clôturés ou plus particulièrement la situation des projets financés sous le premier programme cadre 1988-1993, l'on constate que 44 millions d'écus ont été recouvrés sur un montant déclaré de 123 millions d'écus (soit environ 36%). Toutefois, force est de constater que les États membres ne communiquent que très rarement les mesures de suivi prises pour que les conséquences financières des fraudes et autres irrégularités constatées puissent être appréciées. Les États membres courent donc le risque que la Commission surévalue systématiquement les montants qui doivent encore être régularisés.

    2. Enquêtes

    Ce chapitre présente quelques-unes des enquêtes les plus significatives conduites par l'UCLAF, impliquant des réseaux de criminalité organisée tout d'abord, quelque soit le secteur touché et la politique communautaire mise en danger, les sections suivantes de ce chapitre détaillent quelques enquêtes destinées à protéger l'ensemble de ces politiques communautaires: politique commerciale, politique agricole, politique structurelles, politiques dites de «dépenses directes», administrées «directement» par les services de la Commission et non pas par l'intermédiaire des États membres. Certaines de ces politiques de dépenses comportent des aspects «internes». Ce «volet» interne révèle l'existence d'irrégularités graves et de cas de mauvaise gestion décelés au sein même des services de la Commission. Enfin, la dernière section de ce chapitre est consacrée à la fiscalité indirecte (fraudes dans le domaine de la TVA et des accises).

    2.1. La criminalité organisée (activité des «task-groups»)

    Dans certains secteurs où existent des potentialités importantes de profits illicites, l'activité des task-groups spécialisées par produit (cigarettes, alcool, huile d'olive...) montre qu'une collaboration étroite entre États membres, ainsi qu'une coordination efficace au niveau communautaire, permettent de mettre à jour des trafics importants, tout comme les efforts de prévention développés aux niveaux communautaire et national.

    2.1.1. Trafic de cigarettes

    - Opération Rana

    En janvier 1998, les autorités douanières espagnoles (SVA [33]) ont saisi sept camions contenant un total de plus de 80 millions de cigarettes qui étaient sur le point d'être placés en contrebande en Espagne. Par la suite, dans une opération complémentaire, le (navire) roulier Rana a été saisi par le SVA car il avait été utilisé pour débarquer les cigarettes de contrebande dans un petit port de la région de Barcelone. Les enquêtes effectuées dans le cadre des dispositions d'assistance mutuelle de l'Union européenne ont établi que les cigarettes en question avaient été initialement chargées au Pirée, en Grèce, en provenance de différents ports des États-Unis.

    [33] Servicio de Vigilancia Aduanera.

    Les autorités espagnoles ont demandé l'assistance du groupe de travail «cigarettes» de l'UCLAF. Après des échanges avec le procureur espagnol chargé de l'affaire, les agents de la Commission ont effectué des investigations en Grèce, en Albanie et aux États-Unis, et ont rapporté des preuves suffisantes pour faire apparaître que les cigarettes saisies avaient bien été exportées depuis les États-Unis vers la Grèce, avant d'être chargées sur le Rana pour la contrebande en Espagne, sans avoir été légalement déchargées en Albanie comme le prétendaient les armateurs.

    Dans les procédures judiciaires qui se sont déroulées en Espagne, l'information et les preuves fournies par la Commission se sont révélées décisives. Devant le tribunal espagnol, les enquêteurs de l'UCLAF ont présenté les preuves qui avaient été obtenues lors des missions précitées. Le verdict de culpabilité s'est accompagné d'amendes et de peines de prison. Il faut souligner, à cet égard, l'efficacité de la coopération entre la Commission et les autorités judiciaires espagnoles, ainsi qu'entre la Commission et les autres autorités du Royaume d'Espagne et de la Grèce.

    Une aide administrative remarquable a été apportée par le gouvernement de l'Albanie. Les services américains ont également apporté une excellente coopération, qui a marqué la première application importante du nouvel accord d'assistance mutuelle douanière entre les États-Unis et les Communautés européennes.

    - Trafic en Andorre

    La Commission, au cours des dernières années, a développé une action de coopération avec plusieurs services nationaux afin de lutter contre les pertes considérables causées au budget de la Communauté et aux budgets nationaux par la criminalité organisée. Depuis 1996, Andorre a été identifiée comme une source importante de contrebande de cigarettes vers l'Union européenne, pour une perte totale estimée en 1997 à 400 millions d'écus (ressources propres communautaires et droits nationaux).

    En mars 1998, une première mission a été conduite par l'UCLAF avec des représentants des services spécialisés concernés (Espagne, France, Irlande, Royaume-Uni). Les enquêtes ainsi menées ont montré l'absence d'instruments législatifs appropriés en Andorre pour prévenir et combattre la fraude.

    En novembre 1998, une mission de la Commission, avec la participation de l'UCLAF, s'est rendue auprès du gouvernement andorran et a noté un changement fondamental d'attitude, exprimé d'ailleurs par ce gouvernement auprès d'une délégation de la commission du contrôle budgétaire du Parlement européen, qui s'était rendue sur place en juillet 1998.

    Le gouvernement d'Andorre a mis en place une nouvelle législation adéquate pour combattre la contrebande et mettre pleinement en oeuvre le protocole d'assistance mutuelle existant entre les Communautés européennes et Andorre [34]. En termes de ressources propres communautaires, l'UCLAF estime que, pour 1998, l'impact de cette meilleure prévention de la fraude s'élève à 75 millions d'écus (droits de douane). Le montant de pertes qui ont ainsi pu être évitées pour les finances des différents États membres est évalué à 300 millions d'écus de TVA et accises.

    [34] Les lois sur la fraude dans le domaine douanier et sur le contrôle des marchandises sensibles ont été publiées au Journal officiel andorran le 4.3.1999. La loi modifiant le code pénal, faisant de la contrebande un délit, a été publiée au Journal officiel andorran le 7.7.1999.

    2.1.2. Trafic d'alcool

    Le groupe de travail spécialisé («task-group» alcool) coordonne depuis fin 1996 des investigations internationales sur les circuits frauduleux concernant l'alcool et les boissons alcoolisées. Son activité en 1998 a démontré que plusieurs réseaux sophistiqués ou filières criminelles actives dans d'autres détournements de produits communautaires se sont intéressés au commerce illégal d'alcool (régime de circulation intra-communautaires d'alcool et de boissons alcoolisées en suspension du paiement des accises) en direction des pays qui présentent les taux de taxation les plus élevés.

    Le cas le plus important dont le task-group se soit occupé en 1998 concerne le démantèlement d'une organisation criminelle responsable de la soustraction du régime de circulation intra-communautaire vers les pays de l'Est de 1,5 million de litres d'alcool «anhydre».

    Un deuxième cas important concerne la soustraction au régime de circulation intra-communautaire de 150 000 litres d'alcool «anhydre» et de boissons spiritueuses détournés vers les marchés de l'Europe du Nord.

    Dans cette affaire, plusieurs types d'irrégularité ont pu être mis à jour. Un premier type a été détecté dans l'exportation de l'alcool d'Italie vers les pays d'Europe de l'Est, avec des documents administratifs d'accompagnement estampillés, comme si l'alcool avait bien quitté la Communauté. L'envoi est en fait retiré du régime de circulation et passé de manière illicite dans les pays européens nordiques. Ce système de trafic est en déclin, puisqu'il est relativement facile pour les unités d'enquête des douanes de détecter vers quelle destination le produit est exporté.

    Un deuxième type d'irrégularité consiste en une fausse description de l'alcool, déclaré sur les titres de transport comme sauce tomate ou marchandises diverses. Dans ce type de fraude, les documents administratifs d'accompagnement établis à la distillerie d'origine sont faussement estampillés avec le nom et le numéro d'enregistrement des contributions indirectes d'un bénéficiaire fictif des marchandises dans un autre État membre.

    Enfin, le troisième type d'irrégularité consiste à simuler physiquement l'exportation de l'alcool : par exemple, comme a pu le constater l'UCLAF, les camions pouvaient être envoyés à vide d'Italie vers la Slovénie, les documents administratifs d'accompagnement étant estampillés au passage de la frontière. Les fausses exportations créent une quantité d'alcool non déclarée, disponible pour être vendue sur le marché noir de l'Europe du Nord. Dans le cadre de ce dossier, l'UCLAF a coordonné l'échange des informations qui ont conduit à l'arrestation en Slovénie des responsables « financiers » de l'organisation criminelle, inculpés pour blanchiment d'argent provenant de la fraude.

    En dernier lieu, en novembre 1998, le task-group a été informé par les services italiens d'une deuxième enquête concernant la contrebande d'alcool au Royaume-Uni et en Irlande. Le groupe a collaboré aux investigations qui se sont développées en Italie, en France, au Royaume-Uni, en Irlande, en Belgique et aux Pays-Bas. Cela a permis le démantèlement d'une organisation criminelle basée en Italie, coupable d'exporter les boissons alcoolisées depuis le Royaume-Uni vers les Pays-Bas et la Belgique, puis de les réintroduire ultérieurement au Royaume-Uni et en Irlande, en utilisant des faux documents administratifs d'accompagnement italiens fabriqués par l'organisation. Les enquêtes en cours laissent apparaître que 150 000 litres environ d'alcool «anhydre» sont impliqués dans cette fraude.

    2.1.3. Huile d'olive édulcorée

    Sous ce titre était déjà relaté dans le rapport annuel de 1997 [35] un cas de détournement illustrant la méthode employée par des réseaux criminels pour introduire dans l'Union européenne de l'huile de noisette venant de Turquie, afin de la mélanger à de l'huile d'olive et de bénéficier indûment d'aides communautaires à la consommation [36]. L'huile de noisette, introduite dans différents ports d'Europe du Nord sous l'appellation « huile végétale » ou « huile de tournesol », était transportée par camions citernes, le plus souvent français, vers les pays producteurs d'huile d'olive.

    [35] Chapitre 2, point 2.1.2.2, page 23.

    [36] Règlement (CE) n° 1638/98 du Conseil, du 20 juillet 1998, modifiant le règlement n° 136/66/CEE portant établissement d'une organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses (JO L 210 du 28.7.1998).

    Le task-group huile d'olive a continué ses enquêtes dans l'affaire de l'huile d'olive édulcorée par de l'huile de noisette ou de tournesol, principalement en direction des ramifications espagnoles de ce trafic. Le service français d'enquêtes douanières ayant identifié l'ensemble des transports et des destinataires finals, cette affaire a donné lieu, en 1998, à de nouveaux développements. L'enquête a été menée par le service fiscal de la Guardia Civil espagnole, auprès des trois sociétés espagnoles préalablement identifiées comme destinataires de l'huile de noisette.

    Cette enquête a révélé le circuit suivant : après son dédouanement en Europe du Nord par diverses sociétés établies dans des paradis fiscaux et relayées par des compagnies fiduciaires suisses, l'huile de noisette était vendue à une société suisse qui la refacturait comme de l'huile d'olive aux trois sociétés espagnoles contrôlées par une seule et même personne, propriétaire d'une usine de production.

    La plus grande partie de cette quantité, figurant dans la comptabilité-matière de ce destinataire espagnol comme «huile de Tarragone», était mélangée dans son usine, selon des proportions variant de 15 à 50 %, à de l'huile d'olive achetée sur le marché espagnol. Ainsi, la comptabilité des trois sociétés espagnoles ne faisait apparaître aucune anomalie particulière, les sociétés paraissant n'avoir jamais acheté ni reçu d'huile de noisette ou d'huile de tournesol.

    Le produit édulcoré était ensuite revendu à diverses sociétés espagnoles de production et d'embouteillage qui le commercialisaient sous l'appellation «huile d'olive», bénéficiant indûment de fonds communautaires au titre de l'aide à la consommation. Au cours d'une opération judiciaire d'envergure, menée auprès des sociétés destinataires du mélange, treize personnes ont pu être arrêtées.

    Des investigations complémentaires ont permis d'établir que les entreprises les plus importantes de ce réseau étaient dirigées par la même personne.

    En fonction du volume final (en cours d'évaluation) d'huile d'olive édulcorée commercialisée, variable en fonction du taux d'incorporation de l'huile de noisette dans l'huile d'olive, les enquêtes ont permis d'établir qu'un montant de 8 à 14 millions d'écus (en fonction du taux d'incorporation de l'édulcorant dans l'huile d'olive) a été indûment perçu au titre d'aide à la consommation. Les principaux initiateurs de ce trafic ont été arrêtés et traduits en justice.

    2.2. Les atteintes aux politiques communautaires par secteur budgétaire

    Les atteintes à ces politiques ne lèsent pas seulement le budget de la Communauté, mais nuisent aussi à la crédibilité même de la Communauté. C'est pourquoi, la Commission favorise la protection, sur le terrain, de ses politiques, en étroite coopération avec les services spécialisés des États membres, qui, pour leur part, possèdent tous les moyens de protéger les finances communautaires, en termes d'effectifs notamment.

    2.2.1. Le domaine des origines préférentielles (ressources propres)

    La Commission s'attache à protéger le système des préférences commerciales communautaires, et à conduire des enquêtes mettant en évidence l'obtention indue du traitement préférentiel. Comme la Cour des comptes l'a déjà relevé dans le cadre de ses rapports annuels, les régimes préférentiels applicables aux pays en voie de développement ou à d'autres pays bénéficiaires, s'avèrent particulièrement propices aux fraudes et aux irrégularités. La Commission, investie d'un rôle de coordination des actions menées par les États membres, organise notamment des missions communautaires de coopération administrative et d'enquête dans les pays tiers. Ces missions sont effectuées en coordination et en coopération étroite avec les autorités compétentes des États membres [37].

    [37] Cf. rapport de la Cour des comptes relatif à l'exercice 1994, JO C 303 du 14.11.1995, point 1.21, page 26.

    Le type d'infraction le plus commun est la description erronée quant à l'origine préférentielle de marchandises déclarées à l'importation dans la Communauté, accompagnée de la production d'une documentation commerciale inexacte et/ou des certificats d'origine faux, ou, le plus souvent, obtenus de la part des autorités des pays bénéficiaires sur la base de fausses déclarations des opérateurs.

    Les investigations, dans ces types de cas, peuvent faire participer plusieurs États membres et plus d'un pays tiers, et sont à la fois longues et complexes.

    Bien que la Commission ait négocié des dispositions de coopération administrative avec tous les pays bénéficiaires auxquels elle octroie la préférence tarifaire, chaque pays reste maître de l'ordre juridique dans lequel les enquêtes touchant des opérations litigieuses prennent place. Dans la collecte des éléments de preuve, les enquêteurs communautaires sont hautement tributaires de facteurs externes comme l'intérêt politique ou commercial, l'efficacité du système juridique local, l'efficacité et la bonne volonté des administrations locales.

    Pour cette raison, la Commission a toujours insisté sur le fait que les importateurs devaient rester entièrement responsables de l'exactitude des déclarations d'importation faites en leur nom, engageant leur responsabilité financière pour les sommes ayant été éludées au détriment du budget communautaire.

    Ces dernières années, les investigations effectuées par les services de la Commission et les administrations des États membres ont démontré que les pertes étaient à la fois substantielles et en augmentation.

    2.2.1.1. Importations de véhicules automobiles

    La coopération entre la Commission (UCLAF) et les autorités douanières des États membres et de la Hongrie a permis de mettre à jour l'utilisation de fausses déclarations d'origine hongroise de la part d'un constructeur automobile japonais, portant sur 58 000 véhicules automobiles lors de leur importation dans la Communauté . Le paiement de 10% de droits de douane a ainsi été éludé, ce qui représente un préjudice de 32 millions d'écus pour les finances communautaires.

    L'accord douanier entre la Communauté européenne et la Hongrie prévoit en effet que les véhicules automobiles venant de ce pays peuvent être importés dans la Communauté en exemption de droits de douane, avec un certificat d'origine hongroise, mais sous réserve que les pièces constitutives non originaires (hors de Hongrie et de l'Union européenne) n'excèdent pas 40% de la valeur des produits finis. Or le fabricant japonais, qui a délocalisé en Hongrie sa production fin 1993 pour faire appel progressivement à la sous-traitance hongroise et communautaire, n'a pas respecté ces exigences durant les premières années de fabrication. Il a donc demandé indûment à l'administration hongroise la délivrance de certificats (EUR1) attestant de l'origine hongroise des véhicules.

    En déclarant, sous cette origine, des véhicules produits en réalité à partir d'une majorité de pièces japonaises, les importateurs européens et les filiales du groupe ont abusivement bénéficié d'une exonération de droits de douane lors des importations réalisées de 1994 à 1997, dans 14 États membres de la Communauté. La fraude portait sur la majorité des véhicules concernés, soit 58 000 véhicules sur un total de 98 000 véhicules importés entre 1994 et 1997.

    Les États membres ont engagé les procédures de recouvrement des droits de douane à l'encontre des filiales et des importateurs redevables des droits de douane. La fraude a été constatée au terme d'enquêtes que l'UCLAF et les autorités douanières des États membres ont menées. Le règlement (Euratom, CE) n° 2185/96 du Conseil [38] relatif aux contrôles sur place de la Commission a été appliqué auprès d'un opérateur allemand, conjointement avec les autorités douanières de cet État membre. La coopération douanière avec l'administration hongroise a témoigné efficacement de son engagement dans le processus de pré-adhésion.

    [38] JO L 292 du 15.11.1996.

    2.2.1.2. Importations d'ail de Chine

    A partir de 1993, la Commission a introduit un système de certificats d'importation pour contrôler les importations d'ail en provenance de Chine [39]. Les informations statistiques détenues par les services de la Commission ou provenant de source commerciale, ont montré alors une augmentation soudaine des importations d'ail en provenance de certains pays tiers qui, précédemment, exportaient peu (ou n'exportaient pas du tout) d'ail vers la Communauté. Les pays tiers en question, tels que l'Iran et les Émirats Arabes Unis, puis la Malaisie et, plus récemment encore la Jordanie et l'Inde, se situaient sur l'itinéraire d'expédition depuis la Chine.

    [39] La mesure de protection actuelle figure dans le règlement (CE) n° 1137/98 du 29.5.1998 (JO L 157 du 30.5.1998), qui limite à 12 000 tonnes (dans les douze mois se terminant le 31 mai 1999) la quantité d'ail originaire de Chine couverte par des certificats d'importation.

    La Commission a soupçonné que les restrictions à l'importation d'ail chinois étaient contournées par une description erronée des pays d'origine. Dans le cas de la Malaisie, par exemple, les autorités malaysiennes ont confirmé aux services de la Commission que ce pays ne produisait pas d'ail.

    L'UCLAF a coordonné des enquêtes aux Pays-Bas, en Belgique et en Italie notamment. Il résulte des investigations effectuées dans plusieurs États membres que tous les envois concernés ont été, en fait, chargés en Chine. Des documents faux ou non valides ont été présentés aux importateurs européens. La Commission et les États membres continuent à surveiller les importations de pays tiers dans ce secteur, pour détecter d'éventuelles irrégularités.

    Un importateur néerlandais fait d'ores et déjà l'objet de poursuites judiciaires faisant suite à une saisie de 260 tonnes effectuée par les autorités portugaises. En Italie, les poursuites contre les importateurs ont conduit à la saisie de 1 100 tonnes d'ail. Cette fraude se traduit non pas par des droits de douane éludés, car les taux applicables à la Chine et aux pays tiers sont identiques, mais par une distorsion sur le marché communautaire de l'ail. Des mesures préventives ont également été adoptées pour éviter que de nouvelles quantités d'ail chinois excédentaires entrent sur le marché de l'Union; la législation a été adaptée pour demander des certificats d'origine dans le cas de certains pays tels que la Malaisie, Les Émirats Arabes Unis et l'Iran, et des réductions significatives des importations ont été enregistrées à brève échéance.

    2.2.1.3. Les textiles chinois

    Les irrégularités dans ce secteur semblent avoir augmenté ces dernières années.

    Elles reposent sur une fausse déclaration par un importateur concernant l'origine de ses marchandises, infraction qui a pour effet de contourner des restrictions quantitatives (établis dans les dispositions relatives à la délivrance des licences d'importation dans l'Union européenne) et d'éluder des droits de douane ou des droits antidumping.

    Les avantages que ces pratiques frauduleuses apportent à leurs auteurs peuvent se révéler commercialement décisifs : la combinaison de droits à l'importation nuls ou réduits et de l'absence de restrictions quantitatives fournissent à des fraudeurs un avantage commercial immédiat sur les opérateurs qui respectent le système.

    C'est ce qu'illustre le cas des textiles chinois transbordés par les Maldives. Une mission communautaire a établi qu'une cargaison d'environ 18,5 millions de T-shirts, importés dans l'Union européenne comme originaires des Maldives, n'avait en fait jamais touché le territoire des Maldives. Les enquêtes ultérieures effectuées par les services d'enquête douanière de l'UCLAF et des États membres concernés, avec la coopération de certaines administrations de pays tiers, ont établi que les marchandises textiles en question avaient été initialement expédiées de la République populaire de Chine. La fausse déclaration initiale quant à leur prétendue origine des Maldives avait eu alors un double effet dans la mesure où elle permettait une revendication irrégulière d'une préférence tarifaire ainsi que le contournement des contingents d'importation, en vigueur dans la Communauté, sur les marchandises textiles chinoises.

    2.2.1.4. Importations de conserves de thon de Turquie [40]

    [40] Cf. rapport annuel 1996, chapitre 3, point 3.2.2, page 33.

    En 1998, de nouvelles constatations ont permis de penser que la fraude, décelée en 1996, avait repris : le trafic était susceptible de se poursuivre et de nouvelles vérifications se révélaient nécessaires.

    La mission communautaire a confirmé, en juin 1998, que, malgré les constatations précédentes effectuées en 1996, les exportateurs turcs continuaient leurs activités illégales. L'analyse des documents comptables présentés aux autorités turques et aux enquêteurs communautaires comme preuve du statut originaire des produits exportés a révélé que certains de ces documents ne reflétaient pas la réalité des opérations. Ces conclusions ont été, par la suite, confirmées par des preuves recueillies au cours d'investigations conduites en France et en Espagne dans le cadre du règlement n° 2185/96 relatif aux contrôles sur place de la Commission. Les États membres ont été invités à engager les procédures de recouvrement et à prendre toutes les mesures utiles concernant ces importations.

    2.2.2. Le domaine de la politique agricole commune

    2.2.2.1. Exportations de viande à destination de la Jordanie

    L'examen a posteriori du volume des exportations avec restitutions de viande bovine à destination de la Jordanie a fait apparaître, dès 1991, une croissance des tonnages sans rapport avec la consommation locale. L'absence d'accord d'assistance mutuelle avec la Jordanie ainsi que l'absence d'éléments concrets sur d'éventuelles irrégularités n'avaient pas permis l'ouverture immédiate d'une enquête. Plus récemment, une information probante, parvenue à l'UCLAF sur la fraude suspectée, a permis, après avoir été exposée aux autorités jordaniennes, d'obtenir leur accord formel pour la conduite d'une mission d'enquête communautaire sur place.

    Après la réunion de toute la documentation nécessaire auprès de l'ensemble des États membres concernés, l'enquête effectuée sur place en février-mars 1998 a permis d'établir qu'environ 38 000 tonnes de viande bovine et 3 300 tonnes de viande de volaille déclarées en douane n'étaient pas destinées à la consommation locale : les preuves d'arrivée à destination fournies aux organismes payeurs pour obtenir le paiement de restitutions étaient fausses ou inadéquates.

    Le plus souvent, l'opérateur local déposait en douane une ébauche de déclaration d'importation afin d'obtenir un numéro d'enregistrement; puis il demandait directement l'annulation de la procédure en cours et faisait établir un document de réexportation en transit. Ainsi, aucun droit de douane n'était perçu; et même si aucune signature d'acceptation définitive ne figurait sur les documents douaniers, les exportateurs européens recevaient comme preuve d'arrivée un double du document annulé immédiatement après.

    Dans d'autres cas, une déclaration de transit était établie d'emblée. A la demande des exportateurs, des sociétés internationales de surveillance agréées établissaient cependant un certificat de mise à la consommation locale, faisant une référence précise à la déclaration de transit, sans que l'on puisse avoir un doute sur la nature et la signification de ce document.

    L'on relève pourtant que les fonctionnaires habilités de l'administration jordanienne fournissent habituellement aux opérateurs, pour autant que la procédure de dédouanement ait été menée à son terme et les droits de douane payés, un certificat d'accomplissement des formalités d'importation. Bien évidemment, cette voie normale n'a jamais été utilisée par les exportateurs.

    Pour toutes les opérations en cause (à deux exceptions près), la destination finale des marchandises était l'Irak. De manière à contourner l'embargo, les opérateurs concernés effectuaient un simulacre de dédouanement en Jordanie et obtenaient le paiement des restitutions. Le montant des restitutions indûment perçues par les exportateurs à l'occasion de ces opérations est d'environ 65 millions d'écus.

    2.2.2.2. Exportations de vin [41]

    [41] Cf. rapport annuel 1996, chapitre 3, point 3.1.6, page 32.

    Les enquêtes sur les exportations fictives de vin vers des pays d'Europe de l'Est ont été élargies à l'ensemble des exportations de vin en vrac, avec restitutions, depuis l'Italie entre 1992 et 1995. Elles sont à présent achevées.

    Des missions sur place effectuées dans plusieurs États membres (France, Grèce, Italie) et pays tiers (Slovénie, Croatie, Roumanie, Macédoine [42] et Russie) ont permis d'établir qu'une grande partie du vin exporté (80%) n'a pas été régulièrement mise à la consommation sur les lieux de destination. Le vin, accompagné de faux documents ou d'attestations inexactes, était soumis au régime d'importation temporaire et réexporté par la suite, ou bien déchargé en contrebande.

    [42] Les restitutions à l'exportation à destination de ces pays tiers ont été abolies par le règlement (CE) n° 213/94 de la Commission du 31 janvier 1994 modifiant le règlement (CEE) n° 2137/93 fixant les restitutions à l'exportation dans le secteur viti-vinicole (JO L 27 du 1.2.1994).

    Une autre partie du vin (10%) n'a jamais été déchargée dans les ports de destination et a été dirigée vers la Suisse, destination qui ne permet pas l'octroi de restitutions à l'exportation. De fausses preuves de mise à la consommation ont alors été présentées pour la perception des restitutions.

    Le reste du vin (10%) s'est révélé être un produit de substitution aux qualités et aux caractéristiques telles qu'il était inéligible au bénéfice de restitutions.

    Ces irrégularités concernent 80% du total des exportations de vin depuis l'Italie (soit 350 000 hectolitres). Quatre sociétés sont en cause, dont deux ont des connexions directes avec la délinquance organisée. Des procédures de recouvrement des restitutions indûment perçues ont été lancées pour une valeur de 6,5 millions d'écus.

    Dans cette affaire, les poursuites judiciaires entamées à l'encontre des entreprises impliquées sont dans la phase de jugement. La Commission collabore avec les autorités judiciaires et les fonctionnaires de l'UCLAF qui ont réalisé les enquêtes ont été entendus par le Tribunal en charge de l'affaire en tant que témoins de l'accusation. Les documents et déclarations recueillis lors des missions dans les pays tiers ont été retenus dans les procédures judiciaires comme éléments de preuve de l'accusation.

    2.2.2.3. Pommes de terre - amidon

    Selon les rapports sur le marché de l'amidon disponibles fin 1997, les Pays-Bas, traditionnellement important producteur d'amidon, ont connu un excédent de production d'environ 200 000 tonnes de pommes de terre destinées à la fabrication d'amidon. Ces pommes de terre ne pouvaient pas être acceptées par l'industrie de transformation car le quota national d'amidon était déjà atteint.

    Au début de 1998, l'UCLAF a été informée que cet excédent de pommes de terre semblait avoir disparu du marché néerlandais. On a suspecté que certaines quantités avaient été transportées en Allemagne car, sur ce marché, se manifestait une certaine pénurie.

    Sur ces bases, la Commission a pris contact avec les autorités allemandes et l'UCLAF a entrepris une enquête dans les milieux de l'industrie allemande de l'amidon, en coopération avec les administrations nationales compétentes.

    Les enquêteurs ont détecté un certain nombre d'irrégularités et ont pu montrer que des quantités importantes de pommes de terre destinées à la production d'amidon, d'origine néerlandaise, avaient en effet été transportées en Allemagne. Elles étaient livrées à des entreprises allemandes et transformées en amidon, en bénéficiant de l'aide communautaire.

    Un montant d'aides indûment payées de 1,5 million d'écus a déjà été récupéré par les autorités allemandes. L'investigation conjointe de l'UCLAF et des autorités allemandes est toujours en cours et les montants en jeu, incluant les montants indûment payés et les amendes prévues par le règlement (CEE) n° 97/95 de la Commission [43], devraient s'élever à plusieurs millions d'écus.

    [43] Règlement (CE) n° 97/95 de la Commission, du 17.1.1995, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1766/92 du Conseil en ce qui concerne le prix minimal et le paiement compensatoire à payer aux producteurs de pommes de terre ainsi que du règlement (CE) n° 1868/94 du Conseil instituant un régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre (JO L 16 du 24.1.1995).

    2.2.2.4. Quotas laitiers

    Agissant conjointement avec les autorités britanniques (Intervention Board), l'UCLAF a conduit une enquête auprès d'une société située en Irlande du Nord, concernant des ventes suspectes de lait et de produits laitiers de cette société à une filiale située en République d'Irlande. Le contrôle portait sur les registres et sur la documentation concernant les ventes de lait. L'analyse comparative a mis à jour des divergences dans la teneur en graisse déclarée de quantités significatives de crème vendues au cours de la période 1995-1997.

    Une investigation complémentaire dans les locaux de la filiale en République d'Irlande a permis de découvrir que la teneur en matières grasses des entrées de lait était systématiquement sous-déclarée, ce qui évitait de payer la taxe normalement due au bénéfice du budget communautaire. La société d'Irlande du Nord exagérait la teneur en matières grasses des livraisons de crème : elle dissimulait ainsi, dans sa balance lait/matières grasses, des volumes supplémentaires de matières grasses et évitait ainsi la détection de la fraude dans le cadre de vérifications portant uniquement sur les entrées et les sorties de matières grasses.

    Un examen détaillé, effectué par l'UCLAF et le ministère irlandais de l'agriculture, des enregistrements de la société productrice a indiqué que la teneur en matière grasse du lait avait été sous-déclarée pendant les campagnes laitières de 1995-1996 et de 1996-1997, conduisant à un préjudice de 2,2 millions d'écus au détriment du budget communautaire, somme qui a été payée par la société concernée en mai 1998.

    2.2.3. Le domaine des politiques structurelles

    2.2.3.1. Financement de collèges par le Fonds Social Européen (FSE)

    Après accord des autorités britanniques, un collège a participé, au cours de la période 1994-1996, à 10 projets recevant un financement du FSE pour un total de 2,1 millions d'écus.

    A la suite d'un soupçon de pratiques irrégulières et de mauvaise gestion dans l'acquisition des fonds par le collège, l'UCLAF a entrepris, avec l'aide des autorités nationales, un contrôle de toutes les activités de ce dernier.

    L'UCLAF a principalement constaté que les fonds du FSE avaient été irrégulièrement utilisés, dans la mesure où ni les contenus des cours du FSE, ni les étudiants concernés, ne pouvaient être différenciés de l'activité principale du collège. Les étudiants étaient sélectionnés au hasard à partir de la base de données du collège, leurs départements n'étant pas non plus informés de leur position. Au bout du compte, aucun cours du FSE ne pouvait être identifié.

    La Commission a engagé les procédures administratives prévues à l'article 24 du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil [44], pour la suppression ou la réduction du concours et la récupération des montants indûment versés. Le Royaume-Uni a été invité à réviser les critères d'approbation de tels projets, lorsque, en raison notamment de la nature de l'institution scolaire, l'action du FSE ne peut pas être clairement distinguée de l'activité principale. Le contrôle de l'activité du FSE par les autorités nationales doit également être révisé. Il va être étendu à un ensemble de vingt autres collèges du Royaume-Uni, dans lesquels les mêmes irrégularités ont pu se produire.

    [44] JO L 374 du 31.12.1988, pages 1 à 14.

    Ce cas illustre la nécessité de contrôles nationaux approfondis aux différents stades du déroulement des projets financés par les fonds structurels. La Commission doit intervenir lorsqu'apparaît une insuffisance de ces contrôles.

    2.2.3.2. Fond Social européen : Pays-Bas, région «Rijnmond et Gelderland»

    En 1998, un audit financier effectué par les services de la Commission dans les régions de Rijnmond et Gelderland aux Pays-Bas, concernant des actions de formations professionnelles cofinancées dans le cadre du Fonds social européen, a révélé l'existence d'irrégularités.

    Après une analyse de la situation, la Commission a étendu l'audit à d'autres projets et a demandé aux autorités nationales de procéder à des contrôles concernant la totalité des actions cofinancées dans les régions en question.

    Les résultats des contrôles supplémentaires ont confirmé l'existence d'irrégularités à une échelle plus étendue (augmentation artificielle des dépenses, du cofinancement public, du nombre d'heures de formation) révélé l'existence de problèmes liés au fonctionnement du système de contrôle au niveau national.

    Dans le même temps, les procédures prévues à l'article 24 du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil concernant la suspension, réduction ou suppression du concours pour un montant d'environ 2,5 millions d'écus suivent leur cours.

    Des contacts ont eu lieu entre les services de la Commission et les autorités néerlandaises, et il a été convenu que celles-ci mettraient en place sans délai les moyens de procéder aux communications des irrégularités constatées non seulement dans le domaine du FSE mais aussi pour la totalité du domaine des politiques structurelles, conformément aux dispositions découlant du règlement (CEE) n° 4253/88, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2082/93 [45], et du règlement (CE) n° 1681/94.

    [45] JO L 193 du 31.7.1993.

    Des actions judiciaires ont également été entreprises.

    2.2.3.3. Le FEOGA-Orientation

    Les enquêtes ouvertes en 1997, relatives aux projets pilote et aux projets de démonstration financés en vertu de l'article 8 du règlement (CEE) n° 4256/88 du Conseil [46], dans le cadre du FEOGA-Orientation, sont toujours en cours et ont été élargies à de nouveaux projets.

    [46] JO L 374 du 31.12.1988, pages 25 à 28.

    Elles ont confirmé les résultats des enquêtes précédentes, à savoir l'existence de réseaux d'entreprises liés par des propriétaires ou des gérants identiques. Plusieurs de ces sociétés sont des sociétés offshore, constituées en même temps que les projets étaient approuvés, et ce, dans l'unique but d'obtenir des fonds communautaires pour des services pratiquement inexistants. Les financements en question ont tourné en boucle entre les diverses entreprises jusqu'à ce qu'une partie d'entre eux ne s'échappent du circuit.

    Ces flux financiers ont été réalisés grâce à de nombreuses facturations internes fictives, en l'absence de convention ou contrat préliminaire, parfois même sans les capacités opérationnelles et/ou techniques nécessaires. Le cofinancement privé tel que prévu par la Commission n'existe pas. Seule une petite partie des dépenses a réellement pu être justifiée. Il y a falsification systématique, surfacturation et facturation entre les entreprises des mêmes réseaux pour des services inexistants. Des responsabilités en ce qui concerne les sociétés de lobby, «off-shore» elles aussi, jouant le rôle d'interface entre les bénéficiaires et la Commission, ont également été découvertes dans ce système de fraude.

    Les enquêtes judiciaires menées en Espagne, en Italie et au Portugal, pays pour lesquels la Commission a procédé en 1997 à la saisine des autorités compétentes, sont toujours en cours. En 1998, le Commission a procédé à la saisine des autorités judiciaires de la France, concernant d'autres projets «article 8 du règlement 4256/88».

    En outre, en vertu de l'article 209 A du traité CE [47], les magistrats en charge dans les 5 parquets concernés ont été réunis par les soins de l'UCLAF pour être informés des travaux judiciaires et en assurer la coordination.

    [47] Article 280 du traité d'Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999.

    Il a été constaté, par ailleurs, que certains réseaux d'entreprises, bénéficiaires pour ces projets, l'étaient également s'agissant de projets relatifs au domaine de la Recherche, qui avaient, aussi, donné lieu à la saisine des autorités judiciaires italiennes.

    Il est à noter que l'un des parquets en charge de l'affaire a déjà intenté des actions judiciaires à l'encontre des responsables impliqués dans le réseau.

    En outre, la Commission a eu recours à l'article 24 du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil pour la résiliation des décisions et la récupération des montants indûment versés, dès que les résultats des enquêtes relatives à chaque projet l'ont justifié. A cet effet, pour 20 projets qui font l'objet des enquêtes judiciaires susmentionnées, la Commission a pris 19 décisions de suppression du concours et de recouvrement pour un montant total de 10 683 525 écus.

    2.2.3.4. PIC LEADER I

    Des informations reçues lors de l'enquête «article 8 du règlement n° 4256/88», et analysées au niveau de l'UCLAF, concernant des projets italiens financés dans le cadre de l'Initiative Communautaire LEADER I [48], ont conduit la Commission à entreprendre une nouvelle enquête à ce sujet.

    [48] Les initiatives communautaires sont des instruments spécifiques des politiques structurelles des Communautés. L'initiative LEADER I, lancée pour la première fois en 1989, soutient des projets de développement rural, conçus et gérés par des partenaires locaux, qui mettent l'accent sur le caractère novateur, démonstratif et transférable des actions.

    L'objectif de cette enquête était, plus particulièrement, de contrôler d'éventuels chevauchements des Fonds entre un projet «article 8» et des projets financés dans le cadre du PIC LEADER I.

    Le contrôle sur place a fait apparaître des problèmes importants. Une grande partie des dépenses présentées portent de fait sur les coûts de fonctionnement de la société gérante. Il existe aussi une certaine confusion entre la gestion du programme et les intérêts privés. Concernant plusieurs mesures ou actions, les conventions avec les bénéficiaires ont été signées hors période d'éligibilité. Toutes ces mesures ou actions sont donc non éligibles.

    La suppression de nombreuses actions a engendré un taux de réalisation extrêmement bas. Si l'on exclut les frais de fonctionnement, les projets immatériels et les études, le taux réel concernant les réalisations concrètes est extrêmement bas par rapport au taux initial proposé dans le programme. Le montant engagé, dans le cadre du projet PIC LEADER I, s'élève à 2 millions d'écus.

    2.2.3.5. Instrument Financier d'Orientation de la Pêche (IFOP) - Secteur de l'aquaculture - Surfacturation de l'équipement

    Des informations reçues et analysées au niveau de la Commission, relatives aux projets financés dans le cadre du règlement (CEE) n° 3699/93 du Conseil [49], concernant des aides aux investissements dans le domaine de l'aquaculture (IFOP), ont conduit l'UCLAF à ouvrir une enquête à ce sujet.

    [49] Règlement (CEE) n° 3699/93 du Conseil, du 21.12.1993, définissant les critères et conditions des interventions communautaires à finalité structurelle dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture ainsi que de la transformation et de la commercialisation de leurs produits (JO L 346 du 13.12.1993).

    Il s'agit en l'occurrence de projets présentés par la Grèce, cofinancés au taux de 34% par le budget communautaire, de 11,3% par le budget national, le reste émanant de bénéficiaires privés.

    L'enquête menée par la Commission a mis en évidence des surfacturations très significatives quant à un équipement en aquaculture provenant d'un deuxième État membre (Irlande). Pour cinq de ces projets, le montant des factures du fournisseur en question s'élève à 2 287 000 écus.

    L'existence de factures du même fournisseur pour d'autres projets cofinancés par l'IFOP a été découverte au sein du premier État membre cité, ainsi que dans un troisième État membre. L'enquête en cours déterminera le montant des sommes détournées.

    En outre, l'enquête a démontré que cette pratique a été mise en place par le fournisseur, via son représentant local dans l'État membre d'origine des bénéficiaires du projet (qui n'apparaît pas dans le circuit officiel). Le fournisseur et les bénéficiaires y trouvaient tous deux leur compte : l'un trouvait des clients pour ses produits, et les autres pouvaient faire supporter la totalité des factures incriminées par les financements communautaire et national.

    Une fois de plus, il a été constaté que, dans le domaine des fonds structurels également, une fraude prenant naissance dans un État membre peut conduire les enquêteurs à faire des recherches dans plusieurs autres États membres. Cette enquête montre que, dans un secteur qui permet à des entreprises travaillant à un niveau local de bénéficier d'investissements cofinancés par la Communauté, il peut y avoir des ramifications concernant plusieurs États membres pour des affaires qui, de prime abord, semblaient pouvoir se traiter au niveau local.

    2.2.4. Le domaine des dépenses directes

    Les dépenses directes profitent aux bénéficiaires sous la forme de subventions ou de contrats directement gérés et contrôlés par les services de la Commission. Elles représentent en 1998 environ 13% des dépenses communautaires. Ce domaine est celui qui a fait l'objet d'un vaste débat au sein des institutions et de l'opinion publique. Les États membres n'intervenant pas directement dans la gestion de ces dépenses, c'est aux institutions qu'il revient de faire poursuivre les cas de fraude et d'irrégularité détectés. La Cour des comptes et la Commission collaborent dans cette optique : les contrôles de la Cour qui révèlent d'éventuelles irrégularités font systématiquement l'objet d'une transmission formelle à la Commission (UCLAF) dans le cadre d'accords passés entre les deux institutions.

    L'on sait par ailleurs que, à la suite de plusieurs enquêtes au sein des services de la Commission, un certain nombre de cas d'irrégularités graves et de mauvaise gestion avaient été identifiés par le service antifraude de la Commission (task-force «UCLAF») [50]. Le Parlement européen a été amené à soulever, sur le plan politique, la problématique des irrégularités dans la gestion de programmes communautaires tels que ECHO ou «Leonardo».

    [50] Cf. point 2.2.5 ci-après.

    2.2.4.1. Programme de formation professionnelle «Leonardo Da Vinci»

    En 1995, la Commission européenne a lancé le programme Leonardo Da Vinci, dans le but de mettre en oeuvre une politique de formation professionnelle qui supporte les initiatives conduites par les différents États membres dans ce domaine.

    Suite à un appel d'offre, un contrat a été passé avec une société belge, un bureau d'assistance technique (BAT) devant aider la Commission dans l'administration du programme pour une somme d'environ 7 millions d'écus par an.

    En 1997 et en 1998, les services de vérification de la Commission ont effectué des contrôles du fonctionnement administratif et opérationnel du BAT «Leonardo Da Vinci», et ont conclu à un manque de contrôle interne des transactions financières et à un mauvais contrôle des activités, permettant l'existence d'irrégularités au sein du BAT.

    Les contrôles de la Commission ont relevé en outre des irrégularités dans le BAT.

    Après un examen complet, l'UCLAF a identifié quatre cas d'irrégularité contenant des éléments susceptibles de poursuitres pénales qui ont été transmis à l'autorité judiciaire belge compétente. Une instruction a été ouverte.

    2.2.4.2. Les dépenses de «Recherche - Télécommunication»

    Agissant sur la base des remarques de la Cour des comptes européenne adressées au membre responsable de la Commission, les services de la Commission ont effectué une série d'enquêtes portant sur des contrats conclus avec la Commission par deux groupes de sociétés grecques.

    La Commission a établi que les deux groupes (composés essentiellement de Petites et Moyennes Entreprises) avaient passé un nombre très significatif de contrats, sur différentes bases juridiques, avec un large éventail de Directions générales de la Commission.

    Le premier groupe, comportant deux petites sociétés grecques, est ainsi partie à 17 contrats, principalement des contrats de recherche avec partage des frais, sur trois bases juridiques différentes, avec trois Directions générales distinctes, entraînant un surcoût pour la Communauté supérieur à 4 millions d'écus.

    Le deuxième groupe, comportant trois petites sociétés, deux en Grèce et une en Belgique, avait participé ou participe actuellement à 21 contrats de recherche avec partage des frais, sur deux bases juridiques, avec quatre Directions générales distinctes, ainsi qu'à sept autres contrats dans les programmes PACT [51] et «Leonardo» [52]. Dans l'ensemble, ces projets ont entraîné un coût pour la Communauté de plus de 6 millions d'écus.

    [51] Décision 93/45/CEE du Conseil (JO L 16 du 25.1.1993, page 55).

    [52] Décision 94/819/CE du Conseil (JO L 340 du 29.12.1994, page 8).

    Les résultats des investigations de la Commission dans les deux groupes, effectuées en compagnie des représentants des autorités grecques, ont confirmé que ces deux groupes avaient soumis des coûts qui ne pouvaient pas être justifiés et qui étaient systématiquement gonflés.

    Bien que les deux groupes n'aient pas présenté les documents financiers ou bancaires appropriés, il a été constaté que les coûts présentés à la fois pour la main-d'oeuvre et pour les frais généraux n'avaient aucun rapport avec le coût réel supporté. Par exemple, pour le premier groupe, les coûts de main-d'oeuvre déclarés dans les contrats étaient, en moyenne, cinq fois plus élevés que les traitements effectivement versés aux directeurs et employés. Le deuxième groupe avait irrégulièrement conservé des fonds destinés à d'autres partenaires pour certains projets.

    L'absence de présentation de la documentation appropriée justifie que les autorités grecques entreprennent des investigations complémentaires relatives à une éventuelle fraude fiscale. En ce qui la concerne, la Commission a mis un terme à ses relations contractuelles avec les deux groupes de sociétés grecques et a émis les ordres de recouvrement correspondant aux montants indûment payés.

    2.2.5. Enquêtes comprenant des aspects internes

    A la suite de plusieurs enquêtes dans le domaine des dépenses directement gérées par la Commission, plusieurs cas de mauvaise gestion pour lesquels existaient de sérieux soupçons d'irrégularité grave ont été traités par la task-force UCLAF. Certains de ces cas comprenaient un volet interne. La Commission a procédé à la révision des modalités d'exécution de ce type d'enquête, en adoptant sa décision du 14 juillet 1998 relative aux enquêtes effectuées par l'UCLAF [53].

    [53] Cf. doc. C(1998) 2049/5 du 13.7.1998.

    2.2.5.1. Contrat de gardiennage des bâtiments de la Commission

    A partir d'allégations parues dans la presse belge en août 1997, mettant en cause des responsabilités personnelles dans l'octroi du marché de gardiennage des bâtiments de la Commission pour la période 1992-1997, l'enquête effectuée par l'UCLAF en association avec les services d'audit du Contrôleur financier de la Commission a constaté une série de pratiques irrégulières.

    La sélection du contractant pour l'attribution du marché (80 millions d'écus sur 5 ans) avait été effectuée après mise en concurrence suite à appel d'offres et avis de la Commission Centrale des Achats et Marchés (CCAM), garante de la régularité des procédures applicables aux relations contractuelles de la Commission.

    Les recherches faites au sein de la Commission et principalement auprès du Bureau de Sécurité (BDS), service responsable de la mise en oeuvre et du suivi du contrat, ont conduit à de premières constatations d'infraction aux règles de procédures internes :

    - avenants au contrat sous forme d'annexes, comportant des clauses non conformes au contrat agréé par les services spécialisés de la Commission (CCAM et Contrôle Financier) ;

    - emploi de personnel affecté à des tâches administratives au sein du BDS, en marge des règles de recrutement applicables aux prestataires externes exceptionnellement recrutés pour de tels travaux.

    La poursuite de l'enquête auprès de la société titulaire du contrat a, en définitive, établi l'existence d'irrégularités aux différents stades du traitement des offres, de l'élaboration et de l'exécution du contrat.

    Les conclusions de l'enquête ont été transmises sans délai au procureur du Roi à Bruxelles, qui a diligenté ses premières investigations au début de l'année 1999 dans le cadre d'une instruction qui devrait établir d'éventuelles responsabilités personnelles, tant à la Commission qu'au sein de la société.

    Dans le même délai, la Commission a engagé des procédures disciplinaires à l'égard de quatre fonctionnaires.

    2.2.5.2. Détournement de fonds destinés aux programmes d'aides extérieures

    À la suite de soupçons concernant la destination finale des aides humanitaires prévues par quatre contrats gérés par ECHO (l'un concernant la région africaine des Grands Lacs et les trois autres l'ex-Yougoslavie, au cours de la période 1993 à 1995), l'UCLAF a décidé de lancer une enquête.

    Une première vérification à Dublin et à Luxembourg, en octobre 1997, a montré qu'une partie des fonds avait été utilisée pour financer de façon irrégulière du personnel externe travaillant pour la Commission dans et hors de ses locaux. En outre, il a été découvert que la société luxembourgeoise en cause bénéficiait par ailleurs de contrats très importants avec d'autres services de la Commission, contrats s'élevant à plusieurs dizaines de millions d'écus sur plus de deux décennies. Le montant des financements alloués par ECHO à cette structure et aux sociétés «off-shore» en dépendant s'élève à 2,4 millions d'écus.

    Une mission de contrôle en ex-Yougoslavie, à la fin de janvier 1998, a démontré que les trois contrats concernant cette région n'avaient pas été exécutés sur le terrain, et que, ni les personnes mentionnées dans les rapports finals, ni l'équipement n'ont été utilisés comme indiqué.

    En février et mars 1998, les entretiens avec les fonctionnaires qui avaient eu, au sein d'ECHO, la responsabilité hiérarchique et organisationnelle de l'exécution de ces contrats ont confirmé la constatation selon laquelle ils ont été utilisés pour financer irrégulièrement, pour partie, le recrutement de personnel externe (quelques 31 personnes extra-muros et intra-muros ont effectivement été utilisées pour contribuer au fonctionnement d'ECHO à Bruxelles entre 1992 et 1995, alors que, dans les premières années de sa création, ECHO était insuffisamment doté en ressources humaines). Malgré des tentatives pour reconstituer, faute de documentation disponible, les dépenses concernées, les efforts demeurent insuffisants pour expliquer l'utilisation de l'ensemble des fonds, et l'estimation reste en deçà des sommes concernées.

    Un contrôle sur place effectué en vertu du règlement n° 2185/96 auprès de la société luxembourgeoise qui a pris en charge l'exécution des quatre contrats en question a été conduit entre la fin mars et le début de mai 1998. Aucun enregistrement comptable n'a été présenté au cours de ce contrôle pour justifier les montants versés au titre de l'exécution des contrats.

    Un autre volet de ce cas, examiné fin juin 1998, a montré qu'un fonctionnaire d'ECHO, responsable de la gestion des dépenses couvrant les quatre contrats, avait bénéficié de paiements de sociétés directement impliquées dans cette opération pour des travaux qui n'ont apparemment jamais été effectués. Le fonctionnaire a été suspendu de ses fonctions à la mi-juillet 1998 et a été révoqué avec perte d'une partie de ses droits à pension [54].

    [54] Le directeur d'ECHO au moment des faits a, quant à lui, fait également l'objet d'une procédure disciplinaire qui n'a retenu aucune charge à son encontre.

    D'autres enquêtes menées à la fin d'août et au début novembre 1998 ont indiqué que d'autres paiements avaient été effectués par des sociétés, elles-mêmes contrôlées par la société luxembourgeoise qui a fait l'objet du contrôle sur place, au bénéfice de deux autres fonctionnaires de la Commission affectés dans des départements autres qu'ECHO, en contrepartie de services rendus, très partiels ou inexistants. Ces deux fonctionnaires ont été suspendus, l'un d'entre eux a déjà fait l'objet d'une mesure de rétrogradation, la procédure disciplinaire n'étant pas encore clôturée en ce qui concerne le deuxième.

    Toutes les informations contenant des éléments susceptibles de poursuites pénales ont été transmises au Parquet luxembourgeois.

    2.3. La fiscalité indirecte : la TVA

    Les pertes significatives de recettes de TVA consécutives à des fraudes transnationales, déjà mises en lumière dans le rapport de l'année dernière [55], ont continué et se sont même développées en 1998. La Commission a soutenu un certain nombre d'actions de lutte contre les fraudes concernant des métaux précieux, des pièces d'ordinateur et des voitures notamment. L'une des plus grosses opérations a porté sur le secteur des téléphones portables.

    [55] Cf. rapport annuel 1997, chapitre 2, point 2.3, page 34.

    Le cas des téléphones portables

    En 1998, la fraude sur les téléphones portables a touché presque tous les États membres, pour un montant total estimé à 100 millions d'écus. L'UCLAF a tenu deux réunions de coordination avec les enquêteurs nationaux concernés afin d'échanger des informations sur les méthodes utilisées et sur l'identité de leurs organisateurs.

    Dans cette affaire, les règles relatives à la TVA dans le marché unique avaient été contournées par un consortium de criminels qui effectuait des livraisons et des acquisitions de téléphones sans paiement de la TVA. Une opération coordonnée par les États membres s'est déroulée en novembre 1998, impliquant les administrations nationales belges, danoises, allemandes, espagnoles et britanniques, opération qui a conduit à l'arrestation de dix personnes au Royaume-Uni et en Espagne, et à la saisie de sommes substantielles d'argent liquide ainsi que d'une grande quantité de téléphones portables.

    Le secteur des téléphones portables est l'un des plus sérieusement touchés par le contournement des règles relatives à la perception de la TVA, et les enquêtes continuent dans ce domaine pour limiter les pertes qui touchent le budget communautaire comme les budgets nationaux : rien qu'au Royaume-Uni, la perte liée à cette fraude est estimée à 1,4 million d'écus par mois.

    3. Évolutions marquantes dans le domaine de la protection des intérêts financiers des Communautés

    Ce chapitre présente les évolutions les plus récentes, intégrant la dimension de protection des intérêts financiers des Communautés, dans la législation sectorielle relative aux grandes politiques de l'Union en matière d'aide et de cofinancement d'actions en faveur des États membres.

    Dans le domaine douanier tout d'abord, avec le point sur la réforme du régime de transit communautaire puis, en ce qui concerne la politique commerciale de la Communauté, puis encore, dans le domaine de la fiscalité indirecte, dans le domaine agricole et des politiques structurelles ensuite. Enfin, en dernier lieu, l'état de la situation dans le domaine des dispositions pénales destinées à protéger les intérêts financiers des Communautés européennes.

    Une dernière section de ce chapitre est consacrée à la situation en ce qui concerne l'analyse comparée des rapports nationaux que les États membres ont adressés à la Commission, conformément aux conclusions du Conseil [56], sur les mesures qu'ils prennent pour enrayer les fraudes et irrégularités commises au des intérêts financiers des Communautés.

    [56] Cf. conclusions du Conseil Ecofin du 11.7.1994, JO C 292 du 20.10.1994. Cf. rapport de synthèse intitulé «Analyse comparée» et le document de synthèse COM(95) 556 final.

    3.1. La réforme du régime de transit douanier

    Dans sa communication au Parlement européen et au Conseil intitulée «Plan d'action pour le Transit en Europe - Une nouvelle politique douanière» [57], la Commission a présenté les mesures concrètes pour rétablir la sécurité et l'efficacité des régimes de transit.

    [57] COM(97) 188 final du 30.4.1997, JO C 176 du 10.6.1997, page 1.

    La mise en oeuvre de ce plan d'action passe par des modifications de la réglementation, par l'engagement de mesures opérationnelles en vue d'améliorer la gestion et le contrôle des procédures par les administrations douanières nationales, et par la poursuite de la réalisation du projet d'informatisation des procédures de transit.

    3.1.1. Mesures législatives : dispositions d'application du code des douanes communautaire et la Convention de transit commun

    Les travaux entrepris depuis juillet 1997 en vue de la réforme de la réglementation relative au transit ont débouché, au plan communautaire, sur l'adoption d'un nouveau règlement [58] visant à clarifier et à améliorer les règles de base relatives à l'apurement du régime de transit et aux responsabilités du titulaire de ce régime, aux garanties financières, à l'encadrement communautaire des procédures simplifiées et des procédures de recouvrement de la dette née à l'occasion d'une opération de transit communautaire.

    [58] Règlement (CE) n° 955/99 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 1999, modifiant le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil en ce qui concerne le régime du transit externe (JO L 119 du 7.5.1999).

    La Commission envisage également de modifier les dispositions d'application du code des douanes communautaires et les appendices à la Convention de transit commun (Convention du 20 mai 1987) suivant une approche commune pour les deux régimes de transit (transit communautaire et transit commun [59]).

    [59] Le régime du transit commun est l'extension du régime de transit communautaire aux pays de l'AELE, en vertu d'une convention de 1987.

    En effet, compte tenu du fait que la réforme des régimes de transit concerne, dans la même mesure, le transit communautaire et le transit commun, les propositions sont, mutatis mutandis, identiques pour les deux cadres légaux. Les propositions initiales de la Commission ont été plusieurs fois révisées, depuis juillet 1997, afin de tenir compte des points de vue exprimés et des arguments avancés par les administrations des douanes et par les opérateurs.

    Certaines propositions sont encore en discussion avec les États membres et les pays ayant adhéré à la Convention de transit commun à laquelle les pays de Visegrad [60] ont adhéré le 1er juillet 1996.

    [60] Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie.

    3.1.2. Mesures opérationnelles

    Suite au plan d'action transit et à l'engagement des chefs des administrations douanières concernées, certaines mesures opérationnelles ont été prises et d'autres sont à l'étude, afin d'assurer une application effective et uniforme de la réglementation, d'améliorer la coopération entre les administrations douanières et le dialogue avec les usagers :

    · un réseau de 21 coordinateurs nationaux et de 330 correspondants locaux a été créé. L'annuaire de ce réseau a été diffusé à chaque coordinateur national et correspondant local ainsi qu'aux associations professionnelles d'opérateurs. Il est également accessible sur le serveur INTERNET EUROPA [61];

    [61] «http://europa.eu.int/en/comm/dg21/publicat/workingpapers/index.htm».

    · les coordinateurs locaux de 22 pays ont établi des plans nationaux de gestion des procédures de transit pour l'année 1998, sur la base d'une structure et d'objectifs définis en commun, spécifiant les mesures prioritaires à engager par les administrations douanières. Ces mesures concernent en particulier la réduction des délais pour le renvoi de l'exemplaire de la déclaration de transit et le recours aux instruments de prévention et de contrôle tels que le Système d'information préalable (SIP) pour les marchandises sensibles [62];

    [62] Un nouvel arrangement administratif pour une meilleure utilisation du SIP est entré en vigueur en mars 1999.

    · les rapports nationaux sur la mise en oeuvre des plans de gestion et des plans de contrôle pour l'année 1998, établis par les administrations douanières, permettant à la Commission de dresser un rapport d'activité qui constituera une première évaluation de l'ensemble des actions réalisées au plan européen en 1998;

    · un système de transmission électronique des empreintes des cachets douaniers de transit est opérationnel depuis mai 1997 (« TCT » [63]). Le système permet l'échange, entre toutes les administrations douanières connectées, d'images et d'informations relatives aux cachets douaniers de transit ainsi qu'aux scellés. A présent, toutes les administrations communautaires sont connectées au système ainsi que les administrations douanières tchèque, slovaque, hongroise, norvégienne et suisse;

    [63] Cf. rapport annuel 1997, point 3.3, page 39.

    · le Groupe de contact Transit, qui a été étroitement associé au suivi de la mise en oeuvre de la réforme des régimes de transit. Ce partenariat se poursuivra en vue d'une application harmonieuse et homogène des nouvelles dispositions, notamment pour ce qui concerne l'octroi et le fonctionnement uniforme des simplifications.

    3.1.3. Le nouveau Système de transit informatisé - NSTI

    Le projet NSTI entre dans sa deuxième phase, c'est-à-dire l'élaboration, les tests et l'intégration du logiciel, du matériel informatique et des communications permettant de démarrer l'application initiale du système [64].

    [64] Le cadre juridique nécessaire a été adopté : règlement (CE) n° 502/1999 de la Commission du 12 février 1999 modifiant le règlement (CEE) n° 2454/93 fixant certaines dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO L 65 du 12.3.1999) ; décision n°1/1999 de la commission mixte CE/AELE transit commun du 12 février 1999 modifiant les appendices I, II et III de la convention du 20 mai 1987 relative à un régime de transit commun (JO L 65 du 12.3.1999) et décision n°2/1999 de la commission mixte CE/AELE transit commun du 30 mars 1999 modifiant l'appendice I de la convention du 20 mai 1987 relative à un régime de transit commun (JO L 119 du 7.5.1999).

    Afin de respecter les délais et, si possible, de rattraper en partie les retards qui ont affecté la première phase du projet (développement des spécifications techniques et fonctionnelles), il a été décidé de limiter la phase de mise en oeuvre initiale à cinq pays (Pays-Bas, Allemagne, Italie, Espagne et Suisse) et de n'utiliser que les messages indispensables au contrôle des opérations de transit (acceptation des déclarations, transmission et accusé de réception de l'avis anticipé d'arrivée, transmission de la notification d'arrivée et des résultats des contrôles et procédures simplifiées).

    Par ailleurs, une application standard minimale (Minimal Common Core) a été développée par la Commission pour être fournie aux pays qui n'auraient pas développé leur propre application pour le transit.

    En conclusion, la réforme du transit progresse. Toutefois, son succès ne peut être garanti que par l'engagement et le soutien continu de tous les acteurs ainsi que par la mise en oeuvre de certaines dispositions en cours de négociation.

    3.2. La réforme des régimes préférentiels

    En attirant l'attention sur la nécessité urgente de renforcer les règles préférentielles, et de restaurer ainsi la confiance dans l'équité du système, la Commission a proposé un train de mesures correctives [65], comprenant notamment :

    [65] Communication de la Commission du 23.7.1997 [COM(97) 402 final]. Cf. rapport annuel 1997, chapitre 2, point 2.2.1, page 27.

    · une simplification des règles relatives à l'origine;

    · des programmes d'assistance technique pour les pays bénéficiaires;

    · une meilleure analyse du risque dans les domaines sensibles;

    · un renforcement des dispositifs d'application des régimes préférentiels.

    C'est en s'appuyant notamment sur le constat dressé par cette communication que le nouveau schéma pluriannuel de préférences tarifaires généralisées, entrant en vigueur le 1er juillet 1999 [66], renforce les possibilités de la Communauté pour la lutte contre les fraudes dans ce domaine. Il introduit en particulier une nouvelle procédure de retrait ou de suspension du traitement préférentiel à l'égard des pays bénéficiaires en cas de fraude ou d'absence de coopération administrative, qui permettra de réagir rapidement dans ces situations, y compris au moyen de la mise en oeuvre, par la Commission, de mesures prises à titre provisoire.

    [66] Règlement (CE) n° 2820/98 du Conseil, du 21.12.1998 (JO L 357 du 30.12.1998).

    Dans un contexte plus général, englobant tous les régimes préférentiels, la Commission met sur pied un programme de rénovation de ces régimes, qui comprend, outre des mesures d'accompagnement de nature technique, des propositions d'ordre réglementaire visant à :

    · améliorer leur gestion et la prévention des fraudes;

    · consolider les responsabilités des parties concernées (autorités des États membres et des pays bénéficiaires, opérateurs);

    · harmoniser les procédures de vérification, de prise de garanties et de recouvrement des droits éludés.

    Des mesures complémentaires consistent :

    · à adresser des avis aux importateurs concernés lorsque la bonne application des régimes préférentiels le justifie;

    · à accroître le contrôle par les autorités communautaires dans la délivrance des certificats;

    · à accroître également la responsabilité des pays tiers bénéficiaires eux-mêmes, pour la prévention de la fraude et des irrégularités.

    L'introduction de telles mesures permettra sans doute d'améliorer la situation ; cependant, l'expérience récoltée après plusieurs années suggère que soit reconnue, en définitive, la nécessité pour les branches commerciales qui bénéficient des régimes de préférence tarifaire de la Communauté de coopérer elles-mêmes à la gestion efficace et homogène du marché unique, à travers l'exercice d'une responsabilité qui reste primordiale.

    Malgré les mesures d'amélioration proposées par la Commission et qui font l'objet de débats au Conseil et au Parlement européen, le système préférentiel est, à court terme, susceptible de toujours représenter un secteur difficile et litigieux. Les décisions récentes de la Cour de justice des Communautés européennes [67], notamment, montrent une évolution de l'appréciation portée sur l'importateur qui a conclu une transaction impliquant l'application des règles préférentielles. Son rôle et sa responsabilité sont susceptibles de faire l'objet d'une analyse minutieuse, incluant l'examen de sa «bonne foi» dans le processus qui a conduit à une fraude ou une violation des règles. Des questions difficiles restent à résoudre quant à la répartition de la responsabilité et quant aux conséquences juridiques et financières de la fraude et des irrégularités. C'est dans ce contexte que la Commission poursuit un travail impartial d'enquête dans de nombreux secteurs concernés [68].

    [67] Affaires C-86/97 (recueil de Jurisprudence 1999 page I-1041) et C-413/96 (recueil de Jurisprudence 1998 page I-5285) ; jugements «Hilton Beef» (affaires T-50/96 et T-42/96 - recueil de Jurisprudence 1998 pages II-3773 et II-0401) et «Faroes Seefood» (affaires jointes C-153/94 et C-204/94 - recueil de Jurisprudence 1996 page I-2465).

    [68] Cf. point 2.2.1., à partir de la page 25.

    À plus long terme, bien que l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) envisage une réduction progressive des obstacles tarifaires, l'expérience acquise dans le domaine textile semble indiquer que l'octroi ou le bénéfice des systèmes de préférence tarifaire de la Communauté sont sujets à des tentatives de certains opérateurs pour bénéficier indûment des avantages financiers et conforter ainsi leur part de marché.

    En dehors de l'Union, la fraude peut aboutir à favoriser injustement des fournisseurs dans les pays tiers, alors en mesure d'acquérir une suprématie sur le marché au détriment d'opérateurs situés dans les pays les moins développés visés par la Communauté comme bénéficiaires principaux des préférences tarifaires. Dans une telle configuration, la fraude remet en cause la réalisation des objectifs des politiques de commerce extérieur et de développement de la Communauté.

    3.3. La fiscalité indirecte

    En ce qui concerne les accises, des recommandations ainsi que les grandes lignes à suivre pour renforcer la lutte contre la fraude dans ce domaine et rendre les contrôles des mouvements de biens soumis à ce régime plus performants, ont été appuyées par le Conseil Ecofin du 19 mai 1998.

    Pour la task-force UCLAF, la problématique de la lutte contre la fraude dans le domaine de la TVA, qui reste la ressource propre de la Communauté la plus élevée, constitue également une priorité, et ce, bien que les États membres soient concernés au premier chef par les pertes de recettes correspondantes. Il s'est avéré que les systèmes de fraude à la TVA relèvent, dans plusieurs des cas parmi les plus importants, de mécanismes transnationaux, ce qui nécessite une coordination de l'action des États membres au niveau communautaire [69].

    [69] Cf. point 2.3, page 38.

    Le rapport du groupe à haut niveau [70], présidé par la Commission, sur la fraude dans le domaine des accises concernant les secteurs du tabac et de l'alcool a été approuvé par les Directeurs généraux des services des douanes et de la fiscalité indirecte (États membres) en avril 1998. Les observations présentées dans ce rapport se fondent sur des éléments recueillis auprès des services de la Commission, des autorités compétentes des États membres et des organisations professionnelles les plus représentatives pour les secteurs du tabac et de l'alcool. Le rapport contient plusieurs recommandations pratiques qui partent du postulat selon lequel les systèmes actuels sont indispensables au bon fonctionnement du marché unique, et visent à leur amélioration. Il en est ainsi de l'amélioration des procédures relatives au stockage et au transport de tabac et d'alcool, aussi bien au plan des États membres qu'au niveau communautaire, en particulier sous l'angle des contrôles.

    [70] Cf. rapport annuel 1997, chapitre 3, point 3.5.1, page 42.

    Ce rapport exhorte également les États membres à la discussion d'accords de partenariat [71] avec les producteurs et les négociants de manière à renforcer la coopération dans la recherche d'informations relatives aux mouvements suspects ou illégaux de cigarettes et d'alcool.

    [71] Memorandums of understanding (MOUS).

    Suite aux travaux du groupe, la Commission, dans sa communication au Conseil sur les efforts pour combattre la fraude dans le domaine des droits d'accises [72], a proposé que le Conseil entérine les recommandations du groupe.

    [72] SEC(1998) 732 final.

    L'une de ces recommandations les plus importantes, entérinées par le Conseil Ecofin du 19 mai 1998, portait sur la nécessité de mettre en place au plus vite un système d'information préalable [73] relatif aux mouvements de tabac et d'alcool, tout en travaillant à l'élaboration, à plus long terme, d'un système informatisé de surveillance et de contrôle dans ce domaine.

    [73] Cf. point 4.5, page 54.

    La Commission conduit des actions pour renforcer le contrôle des entrepôts et pour sensibiliser les responsables de la gestion des stocks aux bonnes pratiques en la matière. De même, des réflexions sont menées pour la mise au point de techniques d'analyse et de ciblage des risques pour prévenir, détecter et poursuivre la fraude. Le cadre pratique pour le fonctionnement d'un système d'information préalable a été défini. Ce système spécifique est entré en vigueur au début de 1999 dans quelques États membres. A la lumière de l'expérience de son fonctionnement, il pourra être revu et étendu à d'autres produits si nécessaire, de sorte que les transports et les échanges de marchandises «à risque» soient l'objet de contrôles accrus à travers tout le territoire de la Communauté [74].

    [74] Suite à un appel d'offres, la Commission a signé avec une firme privée, en décembre 1998, un contrat pour la réalisation d'une étude de faisabilité concernant l'informatisation des mouvements et du contrôle des produits soumis à accises.

    - La TVA

    Si les méthodes de fraude à la TVA au plan international sont limitées en nombre, elles s'appliquent néanmoins à un large éventail de marchandises. La plupart des États membres reconnaissent que la fraude internationale à la TVA est un problème important et ce, même si la fraude à la TVA nationale est actuellement plus significative, en termes de perte totale de recettes, que la fraude à la TVA internationale.

    A tout le moins, il est raisonnable d'examiner la dimension internationale de la fraude à la TVA, de façon à prendre, en temps voulu, toute mesure nécessaire au niveau communautaire. D'autres secteurs, comme le transit communautaire et les droits d'accises sur les cigarettes et l'alcool, l'ont montré : attendre qu'il y ait une crise manifeste pour agir profite aux criminels bien organisés, prompts à réaliser d'importants bénéfices aux dépens des recettes nationales et communautaires.

    Cependant, la coopération de certaines administrations fiscales avec la Commission pour combattre des cas spécifiques de fraude à la TVA a été peu satisfaisante. La Commission traite seulement les cas de fraude que les États membres portent à son attention, même s'il est certain que la fraude à la TVA cause des pertes sérieuses dans tous les États membres. L'équipe TVA de l'UCLAF travaille plus régulièrement avec les autorités des États membres qui se sont montré favorables à la coopération. Cette coopération, généralement étroite et efficace, doit être encouragée et élargie. C'est pourquoi le programme communautaire FISCALIS [75], adopté le 30 mars 1998 par une décision du Parlement européen et du Conseil, comprend des séminaires permettant les échanges d'information sur les méthodes et les tendances de la fraude, ainsi que des contacts renforcés pour améliorer l'efficacité de la lutte contre la fraude à la TVA au niveau communautaire. Dans ce domaine, la coopération avec les services judiciaires dans certains États membres a également été accrue pour faciliter le rassemblement de témoignages nécessaires au lancement d'actions en justice.

    [75] Décision n° 888/98/CE (JO L 126 du 28.4.1998), cf. également rapport annuel 1997, chapitre 3, point 3.5.3, page 45.

    La nature et l'impact de la fraude à la TVA ne sont pas suffisamment connus, alors que cette taxe finance environ 40% des ressources du budget communautaire et représente une source importante de recettes pour les budgets nationaux. Si les États membres ne font pas le nécessaire dans la lutte contre la fraude à la TVA, et ne se montrent pas en mesure de collecter la somme suffisante de TVA, cela peut affecter la part relative des contributions nationales au budget communautaire (ressource PNB) : si un État membre se montre défaillant, cela peut avoir un impact sur la contribution des autres États membres. À la différence des domaines douanier ou agricole, il n'y a pas d'obligation pour les États membres de signaler les cas de fraude à la TVA à la Commission. Cependant des indications inquiétantes, figurant également dans plusieurs rapports nationaux, montrent qu'un problème de fraude grave existe dans le domaine de la TVA.

    - L'impact financier et le développement des enquêtes

    Depuis 1996, le sous-comité antifraude de la Commission (SCAF) étudie, en coopération avec les États membres, la situation de la fraude à la TVA dans la Communauté, afin d'en identifier la nature et les mécanismes. Une première analyse de 500 cas d'évasion fiscale, dont l'impact financier est évalué à 573 millions d'écus de perte totale de TVA, identifiés par les États membres en 1995 et 1996 comme les cas plus importants, a montré que tout le système de la TVA est sérieusement touché par la fraude.

    Avec le renforcement des contrôles dans d'autres secteurs tels que le transit communautaire ou les accises, ce type de criminalité croît rapidement dans tous les États membres et menace sérieusement les intérêts financiers communautaires et nationaux. L'impact financier des 500 cas signalés par les États membres s'élève à 739 millions d'écus en 1998 (fruit d'une deuxième analyse des cas de fraude découverts durant le premier semestre 1998 - impact moyen proche de 1,5 million d'écus par cas).

    Outre les types courants de fraudes (impôt éludé sur les ventes ou récupéré sur des achats fictifs), apparaît une fraude liée au système de TVA transitoire fondé sur le principe d'imposition dans le pays de destination. Des criminels agissant en bandes organisées ont échafaudé des transactions pour profiter des règles d'exemption de TVA en matière de livraisons intra-communautaires ainsi que des règles d'exemption en faveur des exportations. Les données fournies par les États membres montrent que l'impact des fraudes reposant sur les mécanismes d'exemption est plus important : 250 cas signalés en 1998 représentent 478 millions d'écus (soit 1,9 million d'écus par cas en moyenne).

    Les transactions frauduleuses reposent sur des carrousels de marchandises et des sociétés "boîtes aux lettres" créées pour une courte période. La fraude touche particulièrement les produits à forte valeur ajoutée, de faible encombrement et aisés à transporter rapidement (par exemple : composants d'ordinateurs, téléphones mobiles, métaux précieux).

    La seule façon de détecter ces fraudes repose sur des vérifications fiscales complètes et sur la coopération étroite et rapide entre les enquêteurs fiscaux des États membres concernés, notamment pour les secteurs à risque. Un élément important est de pouvoir entreprendre des vérifications simultanées dans plusieurs États membres. Depuis l'entrée en vigueur du programme FISCALIS en juillet 1998, 13 contrôles approfondis multilatéraux ont été introduits, avec la participation, en moyenne, de 6 États membres.

    3.4. La réforme de la gestion financière (SEM 2000)

    Un bilan détaillé des actions engagées depuis la mise en route du processus SEM 2000 a été effectué par les services de la Commission [76]. Les éléments suivants, en ce qui concerne la protection des intérêts financiers des Communautés, méritent d'en être extraits.

    [76] Doc. SEC(1998) 1904/3 du 11.11.1998. Cf. également rapport annuel 1997, chapitre 1, point 1.3.1, page 14.

    La démarche suivie par la Commission, qui a conduit notamment à l'adoption du règlement (CE) n° 2064/97 du Conseil [77], a sensibilisé les États membres de manière accrue au fait que la responsabilité de l'exécution du budget, bien que reposant sur la seule Commission de par le traité [78], devait être partagée par les États membres dans la mesure où ces derniers gèrent plus de 80% des dépenses de la Communauté (politique agricole, fonds structurels). C'est ainsi également que, dans le domaine des fonds structurels, des protocoles ou accords administratifs ont été conclus avec pratiquement tous les États membres sur la coordination des contrôles financiers portant sur les fonds.

    [77] JO L 290 du 23.10.1997. Règlement arrêtant les modalités d'application de l'article 23 du règlement (CE) n° 4253/88 du Conseil.

    [78] Article 205 CE (nouvel article 274 du traité d'Amsterdam qui prévoit toutefois que «les États membres coopèrent avec la Commission pour faire en sorte que les crédits soient utilisés conformément aux principes de la bonne gestion financière»), article 206 CE en ce qui concerne la responsabilité de la Commission à l'égard de l'autorité de décharge (Parlement européen et Conseil).

    S'il est vrai que l'article 23 du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil prévoit l'obligation pour les États membres de procéder au contrôle financier des opérations cofinancées par les fonds structurels, il est aussi exact que les fonds structurels ne disposent pas d'un mécanisme d'apurement des comptes similaire à celui du FEOGA-Garantie. Néanmoins, l'article 24 du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil prévoit la possibilité de réduire, de suspendre ou de supprimer le concours financier communautaire en cas de découverte d'irrégularités. La Commission, dans ce contexte, a adopté des lignes directrices internes pour la mise en oeuvre des corrections financières. Elle fera rapport sur les corrections opérées sur la base de ces nouvelles lignes de conduite, au cours de l'année 1999.

    La Commission, dans sa proposition du 18 mars 1998 [79], envisage la modification du financement de la PAC, système reposant sur le règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil [80], modifié à diverses occasions, qui, entre autres éléments «techniques», précise les engagements des bénéficiaires ainsi que les conditions d'attribution des aides, notamment du point de vue des contrôles.

    [79] COM(1998) 158 final.

    [80] JO L 94 du 28.4.1970.

    En 1998, les efforts ont également porté sur l'exécution des propositions du programme Agenda 2000 et le renforcement de la coopération avec les pays candidats à l'adhésion [81].

    [81] Cf. point 5.1, page 56. Cf. également rapport annuel 1997, chapitre 4, section 4.1, page 47.

    3.5. Le Corpus Juris

    La Commission a effectué, suite aux résolutions du Parlement européen du 12 juin et du 22 octobre 1997, une étude comparative approfondie pour évaluer toutes les possibilités de renforcement au niveau communautaire ou de l'Union de la protection pénale des intérêts financiers européens [82]. L'objectif de cette étude consiste également à mesurer l'impact des orientations du corpus juris portant dispositions pénales pour la protection des intérêts financiers de des Communautés européennes. Cette étude permet également d'approfondir le débat de substance initié, sur ce projet d'étude de droit comparé, dans les enceintes politiques (parlements, gouvernements) de plusieurs États membres.

    [82] Cf. rapport annuel 1997, chapitre 5, section 5.6, page 54.

    Depuis l'année 1998, les membres du groupe de chercheurs chargé de cette étude de faisabilité ont procédé d'une part à l'analyse du corpus juris au regard des questions spécifiques soulevées par chacune des recommandations et, d'autre part, à l'évaluation de l'impact de ces recommandations et leur compatibilité au plan des normes de droit national. Sur cette base, une étude de droit comparé est en cours de finalisation. Le Parlement européen a apporté son soutien politique à ces travaux dans le cadre d'une résolution [83] (mars/avril 1998) et au moyen d'une audition publique organisée à Bruxelles en novembre 1998.

    [83] Résolution du 31.3.1998 sur les «poursuites judiciaires pour la protection des finances de l'Union», JO C 138 du 4.5.1998.

    La Commission examinera, en 1999, les résultats de l'étude. Elle communiquera ensuite ses conclusions aux institutions communautaires (Parlement européen, Conseil, Cour des comptes, Cour de justice).

    3.6. L'analyse comparée (rapports «209 A CE»)

    La Commission a élaboré un projet de rapport sur l'état d'application de l'ex-article 209 A CE relatif aux contrôles et aux sanctions administratives, en complément du rapport établi en novembre 1995 sur les mesures prises au niveau national pour lutter contre la fraude. Ce deuxième rapport présente la synthèse des contributions adressées à la Commission par les États membres concernant les dispositions prises sur les dépenses pour lesquelles ces derniers détiennent la responsabilité de leur exécution, de leur contrôle et du sanctionnement en cas d'irrégularité (les dépenses agricoles sont exclues de l'étude car la réglementation communautaire fixe de façon détaillée les modalités de contrôle appropriées des dépenses du FEOGA-Garantie). Côté recettes, le rapport s'en tient aux ressources propres traditionnelles.

    La conclusion générale de ce projet de rapport qui sera soumis aux États membres dans le courant de l'année 1999 indique qu'une réflexion approfondie doit être engagée sur l'opportunité d'initiatives nouvelles de la Communauté européenne pour se rapprocher de l'objectif d'effectivité et d'équivalence de la protection des finances communautaires, conformément à l'article 209 A du traité CE (nouvel article 280 CE du traité d'Amsterdam).

    4. Coopération et partenariat avec les États membres

    Ce chapitre expose tout d'abord quelques-unes des principales initiatives que les États membres ont prises en 1998 en faveur de la protection des intérêts financiers des Communautés et de la lutte contre la délinquance financière avant de conclure par le résumé des actions de formation organisées cette année par la Commission dans ces domaines.

    L'article 280 CE du traité d'Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999 offre des perspectives nouvelles en matière de coopération, au sens large, avec les États membres, une section de ce chapitre lui est consacré.

    La coopération judiciaire en matière pénale constitue un thème essentiel à la protection des intérêts communautaires. Il s'agit en effet de poursuivre, de manière homogène et crédible (en raison principalement de l'importance des sommes en jeu), les délits ou les infractions les plus graves, souvent transnationaux, commis au détriment des intérêts financiers des Communautés européennes. Des actions au plan communautaire sont en cours [84] pour tenter d'améliorer les choses, notamment suite aux différents rapports sur le sujet qu'a publiés le Parlement européen en 1997 et 1998 [85].

    [84] Cf. également point 3.5, page 47, sur le Corpus Juris, étude demandant notamment l'avènement d'un «espace judiciaire européen» face aux difficultés rencontrées par les instances politiques pour fournir des instruments de coopération judiciaire moderne et efficace.

    [85] Résolutions de 1997 (cf. rapport annuel 1997, chapitre 5, point 5.6, page 54) et de 1998 (résolution du 13.3.1998 sur la coopération judiciaire en matière pénale dans l'Union européenne, JO C 104 du 6.4.1998; résolution du 31.3.1998, déjà citée).

    Le 1er janvier 1999, l'euro est devenu la monnaie unique de l'Union européenne, du moins, des onze pays constituant la «zone euro». Or, la lutte contre la falsification de cette monnaie représente, pour la Commission, un défi qu'elle se prépare à relever depuis quelques mois [86]. Les progrès réalisés dans ce domaine sont également présents dans ce chapitre.

    [86] Cf. rapport annuel 1997, chapitre 3, point 3.4.1, page 41.

    4.1. Les initiatives des États membres pour la protection des intérêts financiers des Communautés

    L'une des principales initiatives des États membres en matière de protection des intérêts financiers des Communautés est, selon la Commission, la ratification des instruments juridiques relatifs à cet objet. En effet, deux États membres (l'Allemagne, le 24.11.1998 et la Finlande, le 18.12.1998) ont ratifié la convention relative à la protection des intérêts financiers, ainsi que son premier protocole «corruption» [87].

    [87] Deux autres États membres les ont suivis dans cette voie (l'Autriche, le 21.5.1999 et la Suède, le 10.6.1999). Seule la Finlande a aussi ratifié le deuxième protocole à la convention.

    D'autre part, et pour la Commission, cela constitue également un motif de satisfaction, les relations nouées entre les services nationaux compétents, que ceux-ci aient été adaptés à la dimension communautaire de la lutte contre la fraude ou créés à cet effet, et la Commission sont quasi quotidiennes. Elles ont lieu dans le cadre d'enquêtes transnationales notamment [88].

    [88] Cf. point 2.1, à partir de la page 21.

    En 1998 encore, les contacts entre l'UCLAF et certains services nationaux se sont développés. Ainsi, en Italie, avec le corps des Carabinieri [89], dont la présence sur tout le territoire de la péninsule, dans tous les milieux de la communauté italienne, leur assure une information de premier niveau sur les faits divers et, en l'occurrence, sur les évolutions des courants d'irrégularités, de fraudes ou de manoeuvres à caractère mafieux.

    [89] Policiers dont la majeure partie des agents est affectée dans des zones rurales. Visite à Bruxelles du commandement du CCTNCA (Commando Carabinieri Tutela Norme Communautarie e Agroalimentari), dépendant du Ministère de l'agriculture et mandaté pour le contrôle de toutes les aides communautaires dans les secteurs agricole et agro-alimentaire.

    De ce point de vue, la mise en place d'une coopération spécifique entre l'UCLAF et la Direzione Nationale Antimafia (DNA) [90] a été discutée entre ces deux organismes pour assurer une action plus efficace contre la grande délinquance économique et financière et le crime organisé qui tirent profit de la fraude, de la corruption et du blanchiment d'argent au détriment des finances communautaires. Cela pourrait se concrétiser par des modalités pratiques qui établiraient des contacts permanents de coopération entre les deux services et organiseraient l'échange des informations.

    [90] Parquet anti-mafia dont la mission est de coordonner et d'encourager en quelque sorte les activités d'enquête contre la criminalité organisée.

    En tout état de cause, la coopération horizontale entre plusieurs services internationaux, parfois de nature différente (services de l'agriculture, des douanes, des finances, de la police ou de la justice), se développe de manière positive. Cette tendance s'est vérifiée à plusieurs reprises dans le cadre d'affaires transnationales et correspond d'ailleurs aux recommandations figurant au programme d'action contre la criminalité organisée adopté par le Conseil en 1997 [91] (recommandations n°s 1 et 2).

    [91] JO C 251 du 15.8.1997. Cette idée a également été reprise dans le second rapport, du 10.9.1999, du Comité d'experts indépendants (cf. introduction du présent rapport, page 6) sur la réforme de la Commission.

    4.2. L'article 280 CE et la responsabilité partagée entre la Communauté et les États membres pour la protection des finances de l'Europe

    Nouveau cadre juridique de la protection des intérêts financiers et de la lutte contre la fraude et contre toute autre activité illégale préjudiciable aux intérêts financiers communautaires, l'article 280 CE associe désormais la Communauté et les États membres dans une responsabilité partagée pour réaliser une protection équivalente, partout dans la Communauté.

    L'article 280 CE du traité d'Amsterdam [92] attribue un rôle et une responsabilité spécifiques à la Commission, en ce qui concerne la protection des finances de la Communauté et la lutte contre la fraude, pour coopérer de façon étroite et régulière avec l'ensemble des autorités nationales compétentes, c'est-à-dire les autorités administratives, judiciaires et policières, dans leur action de lutte contre la fraude au détriment des intérêts financiers de la Communauté. Cet article précise désormais clairement qu'il s'agit d'une responsabilité partagée entre les États membres et la Communauté, les mesures prises devant offrir une protection effective dans tous les États membres.

    [92] Traité entré en vigueur le 1.5.1999.

    Également, le traité, avec ce nouvel article 280 CE constituant une nouvelle base juridique, spécifique et large, pour prendre les mesures nécessaires en matière de prévention et de lutte contre la fraude et toute autre activité illégale au détriment des intérêts financiers de la Communauté, dans le cadre de la codécision, crée des potentialités nouvelles qui s'ajoutent encore à l'acquis en insufflant une dynamique importante, de bon augure pour le développement futur du cadre légal de la protection des intérêts financiers communautaires [93].

    [93] La première application concrète de cette nouvelle base juridique a d'ailleurs été l'adoption des deux règlements du Conseil n°S 1073/99 et 1074/99 relatifs aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), institué par décision de la Commission du 28 avril 1999 (JO L 136 du 31.5.1999).

    4.3. La coopération judiciaire

    La Commission (UCLAF) apporte, à leur demande, une assistance technique et opérationnelle aux autorités nationales chargées de poursuivre les fraudeurs dans le cadre d'investigations transnationales. Des réunions sont organisées entre des parquets nationaux, chargés des poursuites, pour faciliter les échanges d'informations. Ce fût le cas en 1998 dans le cadre d'une enquête importante relative à un cas de contrebande de produits textiles [94] (T-shirts) impliquant plusieurs personnes physiques et morales en Suisse, en Italie et en Belgique. Les magistrats en charge du dossier, constatant la nécessité d'une gestion coordonnée des investigations et, notamment, des commissions rogatoires internationales à exécuter en Espagne et en Suisse, avaient demandé l'intervention de l'UCLAF (cellule de liaison et d'expertise pénale).

    [94] 9 millions d'écus (ressources propres traditionnelles/droits de douane), au bas mot, sont en jeu dans cette affaire.

    Les magistrats sont une large majorité à constater et à dénoncer, dans le cadre d'affaires de ce type, les difficultés et les lenteurs qui affligent l'entraide judiciaire. Le rôle de l'UCLAF, dans de telles affaires, est de proposer son appui pour essayer de surmonter ces difficultés.

    L'UCLAF a pu apporter son aide dans d'autres affaires transnationales importantes. Ce fût le cas également dans le cadre des enquêtes pour fraude aux restitutions pour des exportations de semoule de blé dur vers l'Algérie, pour trafic de poudre de lait, trafic dans le domaine de l'huile d'olive, trafic de beurre et un dossier d'introduction illégale de viande britannique sur le territoire de la Communauté. Des enquêteurs spécialisés de l'UCLAF avaient pu, d'une part, apporter leur connaissance des dossiers aux différentes autorités nationales et, d'autre part, établir des liaisons directes entre les différents lieux d'intervention en vue d'optimiser les résultats des recherches en cours.

    De même, en ce qui concerne des affaires de fraude à la TVA, l'UCLAF a pu intervenir dans un dossier d'achats de sucre autrichien par une société italienne effectués par le biais de deux sociétés-écran. La dette de TVA avait été concentrée frauduleusement sur les sociétés-écran, totalement insolvables et destinées à disparaître rapidement, de manière à permettre à la société destinataire des marchandises de disposer de quantités importantes de sucre à un prix réduit [95]. L'UCLAF a été sollicitée pour apporter l'assistance nécessaire à la préparation et à l'exécution d'une commission rogatoire internationale en Autriche. En l'occurrence, 17 jours seulement se sont écoulés entre l'envoi de la demande d'entraide et l'accomplissement de la perquisition par les autorités compétentes.

    [95] Les montants imposables des transactions atteignent environ 50 millions d'écus.

    En ce qui concerne la lutte contre le crime organisé en Europe, l'UCLAF a rencontré, sur la base d'un échange de lettres des Commissaires responsables avec le Conseiller fédéral suisse de la Justice, tout au long de l'année 1998, des représentants de l'administration fédérale suisse afin d'analyser conjointement les problèmes posés dans le cadre de l'application du protocole additionnel à l'accord de libre échange relatif à l'assistance administrative en matière douanière [96] et dans le cadre de la coopération judiciaire. Les cas pour lesquels la coopération actuelle est jugée insuffisante (domaines du droit douanier et de la fiscalité indirecte) ont été plus particulièrement traités.

    [96] Accords entrés en vigueur le 1er juillet 1997 ; décision du Conseil 97/403/CE du 2.6.1997, JO L 169 du 27.6.1997.

    L'UCLAF considère que l'amélioration des instruments de coopération permettant de lutter contre les irrégularités portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté européenne est une nécessité de première importance. Cela concerne non seulement le trafic de marchandises entre la Suisse et la Communauté, mais également les activités relevant de bandes organisées, effectuées sur le territoire suisse, dont les effets, dans le domaine de la fiscalité indirecte, se font ressentir sur le territoire douanier de la Communauté, sans qu'il y ait des échanges transfrontaliers de marchandises.

    Un groupe d'experts procède à ces analyses et devra faire connaître ses conclusions, sous la forme d'un rapport, avant la fin de l'année 1999.

    4.4. La protection de l'euro

    La menace que constitue la contrefaçon de l'euro sera réellement «palpable» au moment où les billets et les pièces seront mis en circulation, c'est-à-dire au 1er janvier 2002. Il est donc essentiel de mettre en place, dès avant cette date, afin de disposer du temps nécessaire pour le tester, un système de prévention et de lutte effectif, d'autant que l'euro constituera une monnaie de réserve et d'échange internationale.

    Dans la continuité des travaux commencés en 1997 et en 1996 [97], la Commission a poursuivi la réflexion engagée avec un groupe d'experts, spécialistes nationaux de la question du faux-monnayage, qui a tenu deux cycles de réunions importantes en 1998 dans le cadre du comité consultatif pour la coordination dans le domaine de la lutte antifraude (COCOLAF).

    [97] Cf. rapport annuel 1997, chapitre 3, point 3.4.1, page 41.

    La Commission (UCLAF) a produit un premier rapport d'étape [98], en avril 1998, et l'a soumis à la présidence britannique du Conseil qui a demandé la présentation d'un document formel traitant notamment des problèmes de formation et d'échange d'informations dans le domaine de la protection de l'euro. Dans l'intervalle, le Conseil Ecofin du 19 mai 1998, en prenant acte des travaux accomplis, a demandé à la Commission de poursuivre ses initiatives en vue de faciliter les échanges d'informations et la mise en place d'une coopération étroite et régulière, dans le respect du principe de subsidiarité et du partage des compétences inscrits dans le traité sur l'Union européenne.

    [98] SEC(1998) 624.

    4.4.1. La communication de la Commission du 22 juillet 1998

    Dans cette communication sur la protection de l'euro [99], adressée au Conseil, au Parlement européen et à la Banque centrale européenne, la Commission a précisé ses orientations politiques selon quatre thèmes :

    [99] COM(1998) 474 final.

    · la formation,

    · l'échange d'informations,

    · la coopération sur le plan européen,

    · le rapprochement des législations.

    Il est en effet primordial de prévoir une politique de sensibilisation et de formation destinée à l'ensemble des professionnels appelés à jouer un rôle dans la détection des faux (services de police, établissements financiers). Un projet-pilote est à l'étude, il pourrait débuter en 1999 et servir de base à l'établissement d'un programme pluriannuel de formation professionnelle au niveau communautaire.

    De même, la collecte, l'échange des informations sur les activités et les faits relatifs aux billets et pièces contrefaits, ainsi que leur analyse, seront fondamentales pour la protection de l'euro. Les services de police disposent de renseignements stratégiques et opérationnels concernant les pratiques, les circuits et les réseaux de faux-monnayage. Ces données devront être rassemblées, recoupées et analysées. Une réglementation communautaire devra fournir le cadre juridique nécessaire à la collecte et à l'échange d'informations entre autorités chargées de la protection de la monnaie unique dans la lutte anti-contrefaçon. C'est pourquoi il est nécessaire de prévoir un système d'information et une base de données intégrée permettant l'accès en ligne à ces renseignements. Ce système, accessible en temps réel, doit être alimenté et mis à jour de manière continue et obligatoire selon des standards permettant la comparabilité des données. Transportant des données souvent confidentielles et contenant des informations liées aux personnes, il répondra aux normes de protection de telles données, tout comme les systèmes actuels d'échange dans le domaine douanier [100], qui comportent également des données sensibles couvertes par les règles relatives à la protection de telles données.

    [100] Cf. point 0 ci-après.

    La protection de l'euro devra être équivalente, partout dans la Communauté. Ceci suppose que les autorités et les institutions nationales coopèrent et coordonnent leurs activités de façon effective de manière à atteindre cet objectif, qui est celui de la protection des intérêts financiers des Communautés en général, inscrit dans le traité [101].

    [101] Article 209A CE, nouvel article 280 du traité d'Amsterdam.

    Enfin, parallèlement au cadre réglementaire à mettre en place pour la collecte et l'échange d'informations, ainsi que pour la coopération, la Commission estime, dans sa communication, qu'il se révèle également nécessaire d'aborder la protection de l'euro sous l'aspect du droit pénal.

    4.4.2. Les échanges d'informations et la coopération

    L'euro est la monnaie commune et unique des États membres participants à l'Union monétaire. Sa protection relève d'une approche globale. L'UEM a été placée dans le premier pilier, il s'agit donc essentiellement d'une question d'intérêt communautaire, pour laquelle une réglementation communautaire spécifique doit préciser les droits et obligations de tous les partenaires, principalement en matière d'échange d'informations et de coopération.

    Cette approche vise à développer, dans le cadre juridique communautaire, une coopération étroite et régulière entre les autorités de police nationale, les banques centrales, les instituts d'émission, les autorités communautaires (Commission, BCE), Europol et Interpol. Cela est bien souligné dans la communication de la Commission, les rôles et les fonctions susceptibles d'être assumés par les institutions communautaires et de l'Union y sont clairement identifiés.

    Ainsi, la BCE sera responsable de la sécurité technique des billets et assurera, à ce titre, la gestion de la base de données technique et la mise en place d'un CAC (centre d'analyse de la contrefaçon des billets) [102]. Europol, de son côté, peut mettre à la disposition des États membres son système d'information et faciliter la coopération des services de police sur le plan opérationnel.

    [102] Cf. également la recommandation sur la contrefaçon, adoptée par la BCE le 7.7.1998, JO C 11 du 15.1.1999.

    Le Conseil Ecofin du 23 novembre 1998 a invité la BCE et la Commission à réfléchir sur la nécessité d'établir une législation communautaire relative à la coopération et à l'échange obligatoire d'informations entre les banques nationales et les autorités compétentes des États membres. Cette réflexion a donné lieu, en 1998, à la publication d'un nouveau document de travail des services de la Commission [103] et se poursuivra en 1999 avec un troisième cycle de réunions qui se sont déroulées dans le cadre du COCOLAF. L'objectif est de préparer des propositions législatives destinées à mettre en place un système et un réseau de droits et d'obligations entre États membres et institutions, soumis au contrôle juridictionnel de la Cour de justice des Communautés européennes.

    [103] SEC(1998) 2248 du 23.12.1998.

    4.5. La coopération douanière

    Le nouveau système d'information douanier (SID) a été déployé en 1998 [104]. Ce système informatique, qui permet aux administrations nationales des États membres d'échanger rapidement et de manière sécurisée des informations relatives à des cas de fraude dans le domaine douanier, a été complété de données concernant les services opérationnels de lutte contre la fraude afin de permettre à tous les enquêteurs dans les États membres d'améliorer l'efficacité de leurs recherches.

    [104] Cf. rapport annuel 1997, chapitre 3, point 3.2, page 38.

    La lutte contre la fraude exigeant l'intervention de plusieurs services au plan national, la notion d'AFIS (AntiFraud Information System) a été introduite. Il s'agit de permettre l'accès aux informations (et leur échange), selon le même principe que le SCENT/SID [105], à toutes les administrations nationales concernées. C'est le cas du «Système d'Information Préalable» ou SIP qui permet d'échanger des messages et de suivre les mouvements de transit dans la Communauté [106]. Une autre application destinée à renforcer la lutte contre la fraude dans le domaine douanier est en phase de développement, il s'agit de MARINFO (Maritime Information) qui est destinée à assister les autorités douanières dans le suivi des mouvements maritimes de marchandises.

    [105] System for Customs Enforcement NeTwork : système d'échange de courrier électronique, qui permet l'accès des autorités douanières à des bases de données externes, auquel est associé le SID.

    [106] Cf. point 3.1, page 39.

    4.6. Les actions de formation concernant la protection des intérêts financiers

    La Commission a mis l'accent, en 1998, conformément à la politique qu'elle suit en matière de formation depuis quelques années déjà, sur l'organisation d'actions ciblées à l'intention des services nationaux chargés de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes. Le tableau en annexe montre tout l'aspect spécifique et ciblé de cette formation. Cela illustre aussi clairement l'importance que l'UCLAF accorde à la formation des agents des services judiciaires nationaux à la protection des intérêts financiers des Communautés. La motivation de ces services et leur entière coopération sont indispensables pour assurer le succès, sur le terrain, de la lutte contre la fraude.

    Au total, 28 actions de formation ont été réalisées en 1998 (voir le tableau en annexe), à l'initiative de la Commission. Ces actions ont, pour la plupart, impliqué plusieurs États membres et ont été ouvertes aux pays candidats à l'adhésion [107] afin de promouvoir la coopération avec ces derniers. Ce sont, en tout, près de 2 500 agents qui ont pu approfondir leurs connaissances dans divers domaines, principalement la recherche, la poursuite et la répression des fraudes communautaires.

    [107] Cf. point 5.1, page 56.

    La Commission continue également de fournir une aide financière aux États membres, sur leur demande, pour l'organisation de formations ayant pour thème la protection des finances des Communautés européennes. De même s'attache-t-elle à fournir, dans la mesure de ses moyens, des participants capables de faire partager leurs expériences en la matière.

    Dans ce contexte, mérite d'être notamment signalé le «séminaire européen sur la prévention et la répression des fraudes communautaires» organisé par l'UCLAF et la Guardia di Finanza italienne, du 11 au 17 mai 1998, dans les locaux de l'École des sous-officiers du Corps, à l'Aquila en Italie.

    En effet, ce séminaire, qui n'a pas de précédent en matière de formation de jeunes enquêteurs au plan européen, a été préparé sur la base d'un programme réalisé par l'UCLAF, avec la Guardia di Finanza, et par les représentants des écoles des services d'enquête de la plupart des États membres. L'objectif de ce séminaire était de former environ 1 000 élèves de la Guardia et une centaine de jeunes cadres ou d'enquêteurs des États membres. L'organisation de «workshops» (ateliers de travail) aura notamment contribué à faire de ce séminaire un bon exercice de sensibilisation dans la perspective de la création éventuelle d'une structure européenne de formation des enquêteurs [108].

    [108] Le Conseil européen de Tampere (octobre 1999), en Finlande, a envisagé la création d'une «académie européenne de police» qui consistera, dans un premier temps, en un «réseau d'instituts nationaux de formation».

    5. Coopération et partenariat avec les pays tiers

    La création, dans les pays candidats à l'adhésion, de systèmes et de services de contrôle fiables et formés à la protection des intérêts économiques et financiers de l'Europe devient une priorité de plus en plus importante, au fur et à mesure qu'une éventuelle adhésion se dessine. Avec la Pologne par exemple, cet objectif se réalise. Ce pays est en train de créer une structure administrative qui sont en cours de «mise aux normes» en ce qui concerne la protection des finances de l'Europe. La Pologne est bien consciente de la nécessité d'instaurer des relations étroites avec l'UCLAF qui, elle-même, au nom de la Commission, avait entamé des démarches en ce sens, destinées aujourd'hui à servir d'exemple pour tous les autres pays candidats et leurs administrations.

    5.1. La stratégie de pré-adhésion

    Le programme de travail 1998/1999 de la Commission en matière de lutte antifraude [109] met l'accent sur l'intégration de cette dimension dans la stratégie de pré-adhésion. Il s'agit d'entreprendre des actions concrètes qui s'intègrent dans les partenariats pour l'adhésion [110] et qui doivent permettre, d'ici avant l'adhésion, la réalisation d'une protection équivalente des finances communautaires et, ainsi, l'accomplissement des conditions indispensables à la réalisation de l'élargissement.

    [109] COM (98) 278 final du 6.5.1998.

    [110] Règlement (CE) n° 622/98 du Conseil relatif à l'assistance en faveur des pays candidats dans le cadre de la stratégie de pré-adhésion et, en particulier, à l'établissement de partenariats pour l'adhésion, JO L 85 du 20.03.1998.

    Dans ce cadre, il importe de préparer à la fois les candidats à l'adhésion à participer aux finances communautaires et à assurer dans l'Union élargie un niveau de protection des intérêts financiers de la Communauté au moins égal à son niveau actuel.

    La reprise de l'acquis communautaire en la matière sous sa seule forme législative n'est pas suffisante. Les pays candidats doivent, dans l'esprit de l'article 280 CE du traité d'Amsterdam, prendre toutes mesures nécessaires pour combattre la fraude et coopérer de manière étroite avec les États membres et la Commission, notamment dans le cadre d'actions opérationnelles transnationales. Pour la Commission, il est important que les pays candidats tiennent compte, dès à présent, de la spécificité de la lutte antifraude et de ses implications en termes d'organisation administrative.

    L'exigence d'une protection équivalente partout dans la Communauté ne permet pas d'envisager, pour ce domaine, aux pays candidats des régimes transitoires lors de la mise en application d'un éventuel Acte d'adhésion.

    En 1998, l'UCLAF ne disposait pas des ressources nécessaires pour concrétiser cette approche dans les 11 pays candidats en même temps. C'est pourquoi elle a ciblé son action sur la Pologne, non seulement parce qu'elle est le plus grand pays candidat et le plus important bénéficiaire des fonds Phare, mais aussi en raison de l'intérêt que représente la coopération avec ce pays du fait qu'il constitue la prochaine frontière extérieure de la Communauté.

    C'est dans ce cadre que l'UCLAF, en étroite coopération avec la mission de représentation de la Pologne auprès de l'Union européenne à Bruxelles, a pu sensibiliser les autorités polonaises, au plus haut niveau (gouvernement et parlement), à la création d'une structure centrale multidisciplinaire avec laquelle elle sera en mesure de coopérer directement sur le terrain dans les plus brefs délais.

    Lors d'une visite du directeur de l'UCLAF à Varsovie, le Premier ministre a souhaité confirmer les grandes lignes d'action envisagées, c'est-à-dire :

    - création d'une unité pluridisciplinaire spécialisée dans la lutte contre la fraude et la criminalité organisée,

    - installation de cette structure auprès de l'IGD [111] avec des compétences en matière d'enquête pour les dépenses et les recettes,

    [111] Le service choisi par le Premier ministre pour être l'autorité d'accueil de la structure pluridisciplinaire pour la protection des intérêts financiers de la Communauté sera l'IGD («Inspection générale des Douanes»), service créé récemment (1997) qui dépend directement du ministre de finances avec pour mission de rechercher toute infraction aux législations concernant le commerce des produits et des biens avec les pays étrangers et de lutter contre la corruption. Il a des pouvoirs d'action qui vont au-delà des pouvoirs des autorités douanières polonaises, notamment : accès direct aux bureaux et documents, utilisation des mesures coercitives, interrogation des témoins...

    - conclusion, entre l'IGD et les différents départements responsables de gestion et contrôle des fonds pré-adhésion et sous le patronage des services du Premier ministre des accords de coopération afin de permettre à l'IGD de coordonner les enquêtes antifraude,

    - élaboration d'un projet de financement dans le cadre du programme Phare 1999, visant à donner les moyens nécessaires à l'IGD pour l'accomplissement de cette nouvelle mission [112].

    [112] Le projet de financement a été établi par les autorités polonaises sur la base de principes établis en étroite collaboration entre l'UCLAF et l'IGD. Un programme de 3,5 millions d'écus a été présenté puis accepté par le Comité Phare du 7.5.1999. Les 3,5 millions d'écus représentent +/- 1,4% du total du programme Phare pour la Pologne dans le cadre du budget pour 1999. Ce projet prévoit, dans une première phase, le détachement auprès de l'IGD de quatre fonctionnaires, experts en disciplines différentes, recrutés par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), dont un coordinateur de niveau suffisamment élevé pour assurer le contact permanent avec l'ensemble des autorités responsables en Pologne.

    5.2. Les accords d'assistance mutuelle entre la Communauté et les pays tiers

    Au 31 décembre 1998, la Communauté avait conclu des accords comprenant des dispositions relatives à l'assistance mutuelle en matière douanière avec trente-trois pays tiers (accords qui sont entrés en vigueur en ce qui concerne vingt-neuf de ces pays [113]), dont quasiment tous ses voisins physiques sur le continent européen et ses partenaires commerciaux les plus importants. Il s'agit tant d'accords globaux comportant un protocole d'assistance mutuelle en matière douanière que d'accords spécifiques sur la coopération et l'assistance mutuelle administrative en matière douanière.

    [113] Il s'agit de 27 accords qui concernent 29 pays tiers. 26 accords ont été conclus avec 26 pays tiers différents, l'accord EEE concerne l'Union européenne et trois pays tiers : le Liechtenstein, la Norvège et l'Islande.

    Les dispositions spécifiques de ces accords et protocoles fournissent aux services des parties contractantes, responsables des enquêtes douanières, une base juridique pour demander et pour fournir l'assistance administrative lors de la poursuite d'enquêtes visant à assurer la bonne application de la réglementation douanière, qu'il s'agisse de celle de la Communauté ou de celle du pays partenaire.

    En 1998, des accords européens comprenant un protocole relatif à l'assistance mutuelle en matière douanière sont entrés en vigueur avec chacun des pays baltes le 1er février 1998 [114]. Un accord sur la coopération et l'assistance mutuelle administrative en matière douanière avec le Canada est entré en vigueur le 1er janvier 1998.

    [114] Pays baltes : Estonie, Lettonie et Lituanie ; les accords européens remplacent les accords sur la libéralisation des échanges et l'institution de mesures d'accompagnement conclus avec chacun de ces pays (entrée en vigueur le 1er janvier 1995) qui contenaient également un protocole sur l'assistance mutuelle en matière douanière.

    Un accord sur la coopération et l'assistance mutuelle administrative en matière douanière entre la Communauté et Hong Kong (Chine) a été paraphé le 3 novembre 1998. L'accord est entré en vigueur le 1er juin 1999.

    Plusieurs accords comprenant un protocole d'assistance mutuelle en matière douanière ont déjà été signés avant 1998 avec plusieurs pays tiers. Il s'agit des accords avec les pays suivants : Azerbaïdjan, Belarus, République kirghize, Maroc, Ouzbékistan, Tunisie et Turkménistan. En 1999, les accords suivants sont entrés en vigueur : Azerbaïdjan (le 1er mars), République kirghize et Ouzbékistan (le 1er juillet).

    Des négociations visant la conclusion d'accords globaux (comportant un protocole relatif à l'assistance mutuelle en matière douanière) ou spécifiques (accord sur la coopération et l'assistance mutuelle administrative en matière douanière) se poursuivent ou sont prévues, en 1999, avec une vingtaine d'autres pays tiers, dont l'Albanie, l'Afrique du Sud, l'Égypte, le Liban, Chypre, la Chine, le Chili, et certains partenaires asiatiques de l'ASEM [115].

    [115] ASEM : Rencontres Asie-Europe (Asian Europe Meeting) entre l'Union européenne et l'Asie. Partenaires asiatiques : Brunei-Darussalam, Chine, Indonésie, Japon, Malaisie, Corée, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam.

    Tableau «formation»

    >TABLE>

    Tableau 1

    Cas de fraude et autres irrégularités communiqués par les États Membres conformément au règlement n° 1552/89

    RESSOURCES PROPRES TRADITIONNELLES

    1998

    >TABLE>

    * constatés et estimés

    Tableau 2

    Cas de fraude et autres irrégularités communiqués par les États Membres conformément au règlement n°s 595/91

    FEOGA -GARANTIE

    1998

    >TABLE>

    Tableau 3

    Cas de fraude et autres irrégularités communiqués par les États Membres conformément aux règlements n°s 1681/94 et 1831/94

    ACTIONS STRUCTURELLES

    VENTILATION PAR FONDS

    1998

    >TABLE>

    Tableau 4

    Cas de fraude et autres irrégularités communiqués par les États membres conformément aux règlements n°s 1681/94 et 1831/94

    ACTIONS STRUCTURELLES

    1998

    >TABLE>

    Graphique 1

    RESSOURCES PROPRES TRADITIONNELLES

    Fraudes et autres irrégularités communiquées par les EM

    >TABLE>

    N.B.: Les chiffres pour les années 1995-1997 ont été revus sur base des nouvelles communications des Etats membres par voie électronique

    Graphique 2

    RESSOURCES PROPRES TRADITIONNELLES

    Enquêtes UCLAF

    >TABLE>

    Graphique 3

    FEOGA GARANTIE

    Fraudes et autres irrégularités communiquées par les EM

    >TABLE>

    Graphique 4

    FEOGA GARANTIE

    Enquêtes UCLAF

    >TABLE>

    Graphique 5

    ACTIONS STRUCTURELLES

    Fraudes et autres irrégularités communiquées par les EM

    >TABLE>

    Graphique 6

    ACTIONS STRUCTURELLES

    Enquêtes UCLAF

    >TABLE>

    N.B. Les montants pour les années 1995 -1997 ont été révisés suite aux évolutions constatées dans le cadre des enquêtes.

    Graphique 7

    DEPENSES DIRECTES

    Enquêtes UCLAF

    >TABLE>

    * Y inclus les dépenses du FED et de la CECA, mais sans les dépenses pour l'administration

    N.B. Les montants pour les années 1995 - 1997 ont été révisés suite aux évolutions constatées dans le cadre des enquêtes

    GLOSSAIRE

    CE : Communauté Européenne (appellation utilisée depuis l'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne)

    AELE : Association Européenne de Libre-Echange (comprenant l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse)

    EEE : Espace Economique européen (accord concernant les 15 pays de l'Union européenne et les pays de l'AELE, sauf la Suisse)

    OMC : Organisation Mondiale du Commerce

    TUE : Traité sur l'Union Européenne

    UCLAF : (Unité de) Coordination de la Lutte AntiFraude (Direction figurant à l'organigramme du Secrétariat général de la Commission, transformée en Task-Force par une décision de la Commission le 1er mai 1998)

    OLAF : Office européen de lutte antifraude

    IRENE : Acronyme pour IRrégularités, ENquêtes, Exploitation (base de données de la Commission, gérée par l'UCLAF)

    SEM 2000 : Programme de la Commission notamment pour améliorer, à l'horizon 2000, la gestion des crédits communautaires (Sound and Efficient Management - Gestion saine et efficace)

    Agenda 2000 : Communication de la Commission sur l'élargissement de l'Union à l'horizon 2000

    JO : Journal Officiel des Communautés européennes (JO L : série L, JO C : série C)

    TIR : Transport International Routier

    CoCoLAF : Comité Consultatif pour la coordination dans le domaine de la Lutte AntiFraude

    CPCA : Comité Permanent de la Coopération Administrative dans le domaine de la fiscalité indirecte. Présidé par la Commission, Direction générale des douanes et de la fiscalité indirecte (DG XXI), ce comité s'occupe des questions liées à la mise en oeuvre du système transitoire de TVA intra-communautaire

    SCAF : Sous-Comité AntiFraude (dans le domaine de la fiscalité indirecte). C'est le sous-groupe antifraude du CPCA

    SCENT : System for a Customs Enforcement Network

    SID : Système d'Information Douanier

    SIP : Système d'Information Préalable

    NSTI : Nouveau Système de Transit Informatisé

    TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée

    PECO : Pays d'Europe Centrale et Orientale

    UEM : Union Economique et Monétaire

    ANASE : Association des nations de l'Asie du Sud-Est

    SPG : Système des Préférences Généralisées, système "préférentiel" autonome

    FSE : Fonds Social Européen

    FEDER : Fonds Européen de Développement Régional

    FED : Fonds Européen de Développement

    PIC : Programme d'Initiative Communautaire

    PAC : Politique Agricole Commune

    FEOGA : Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole (section garantie: FEOGA-Garantie, section orientation: FEOGA-Orientation)

    PHARE : Programme d'aide à la reconstruction économique des PECO, pays d'Europe centrale et orientale

    OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique

    BDS : Bureau de Sécurité

    ECHO : Programme humanitaire de la Commission

    BAT : Bureau d'Assistance technique

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