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Document 32007D0175

Décision de la Commission du 19 juillet 2006 concernant l'aide d'État C 35/2005 que les Pays-Bas envisagent de mettre à exécution dans le cadre du développement d'un réseau à large bande à Appingedam [notifiée sous le numéro C(2006) 3226] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

JO L 86 du 27.3.2007, p. 1–10 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)
JO L 86 du 27.3.2007, p. 1–1 (BG, RO)

Legal status of the document In force

ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2007/175/oj

27.3.2007   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 86/1


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 19 juillet 2006

concernant l'aide d'État C 35/2005 que les Pays-Bas envisagent de mettre à exécution dans le cadre du développement d'un réseau à large bande à Appingedam

[notifiée sous le numéro C(2006) 3226]

(Le texte en langue néerlandaise est le seul faisant foi)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2007/175/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations, conformément auxdits articles (1), et vu ces observations,

considérant ce qui suit:

I.   PROCÉDURE

(1)

Par lettre du 2 novembre 2004 (enregistrée le 18 novembre 2004 sous le numéro CP 212/2004), le câblo-opérateur Essent Kabelcom, ci-après dénommée «Essent», a déposé une plainte informelle auprès de la Commission. Cette plainte concernait une aide publique destinée à un réseau d'accès en fibre optique (réseau Fibre-to-the-Home ou FTTH) à Appingedam, ville du Nord des Pays-Bas. Essent a entre-temps confirmé que la plainte était à considérer comme officielle.

(2)

Essent, deuxième câblo-opérateur des Pays-Bas en termes d'importance, qui exploite notamment un réseau câblé à Appingedam, avait déjà introduit un recours devant un tribunal néerlandais en septembre 2004 (2). Ce tribunal a ordonné à la municipalité d'Appingedam, conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité CE, de notifier le projet d'aide à la Commission, de coopérer avec cette dernière et de suspendre le développement du réseau.

(3)

Par lettre enregistrée le 3 février 2005, les autorités néerlandaises ont notifié la mesure à la Commission «dans un souci de sécurité juridique», en indiquant qu'elle ne constituait pas une aide. Le 31 mai 2005, la Commission a prié les autorités néerlandaises de bien vouloir lui communiquer un complément d'informations. Après une prorogation du délai, les autorités néerlandaises ont répondu par lettre datée du 4 août 2005, laquelle a été enregistrée le 16 août 2005.

(4)

Par lettre du 20 octobre 2005, la Commission a informé les autorités néerlandaises de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité à l'encontre de cette mesure («décision d'ouvrir la procédure d'enquête prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité»). Cette décision a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 16 décembre 2005 (3). La Commission y invitait les intéressés à présenter leurs observations concernant la mesure.

(5)

Les autorités néerlandaises ont répondu, par lettre en date du 3 janvier 2006, à la demande d'observations formulée dans la décision d'ouverture de la procédure d'examen. La Commission a ensuite reçu des observations des parties concernées suivantes:

Essent Kabelcom B.V., reçues par lettre du 13 janvier 2006;

VECAI, reçues par lettre du 13 janvier 2006;

une association sectorielle souhaitant garder l'anonymat, reçues par lettre du 16 février 2006.

(6)

Les observations des intéressés ont été envoyées aux autorités néerlandaises le 3 mai 2006. Celles-ci ont fait savoir à la Commission le 7 juin 2006 n'avoir aucune remarque supplémentaire à formuler concernant les observations reçues.

II.   DESCRIPTION DE LA MESURE

II.1.   Contexte

(7)

La municipalité d'Appingedam estime qu'une intervention des pouvoirs publics est nécessaire afin d'assurer la disponibilité générale de services à large bande avancés pour les entreprises et les particuliers et entend, pour ce faire, soutenir le déploiement d'un réseau FTTH à Appingedam (4). Selon la commune, Essent et KPN, exploitant dans le domaine des télécommunications, proposent certes un accès internet à Appingedam, mais pas de services à large bande avancés. La commune a décidé de participer financièrement au projet en l'absence d'intérêt des opérateurs du marché à y prendre part aux conditions de marché.

II.2.   Mesure prise

(8)

La couche passive du réseau en fibre optique (droits de tranchées, conduites, fibre de verre, etc.) serait détenue par une fondation publique («Fondation Glasvezelnet Appingedam», ci-après intitulée «la fondation») mise en place et contrôlée par la municipalité. L'investissement dans la couche passive est estimé à 4,9 millions d'euros. La municipalité d'Appingedam accorderait un prêt ou une garantie pour un prêt à concurrence de ce montant. Initialement, il n'était pas prévu de lancer un appel d'offres public concernant le développement de la couche passive. La commune a néanmoins décidé, comme indiqué dans la lettre des autorités néerlandaises du 4 août 2005, de procéder de la sorte.

(9)

Une couche active serait exploitée sur la base de la couche passive. Son exploitant ne proposerait que des services de gros à des prestataires de services, qui fourniraient à leur tour des services à large bande aux utilisateurs finals (ménages et entreprises). Le coût de la couche active (appareils de télécommunication, gestion de réseau, etc.) est estimé entre 1 et 1,3 million d'euros. Les composants actifs ont une durée de vie économique estimée de 5 à 8 ans.

(10)

Les autorités néerlandaises ont initialement déclaré que la couche active serait détenue et financée par une entité (la «Stichting Damsternet») mise sur pied par certains investisseurs privés. Les parties intéressées n'étaient pas toutes connues. Selon les autorités, [...] (5), [...] et [...] ont fait part de leur intérêt.

(11)

Dans la lettre du 4 août 2005, les autorités néerlandaises ont également déclaré que la commune confierait finalement le droit d'utilisation de la couche active du réseau, en ce compris l'exploitation du réseau, à un exploitant appelé ci-après «l'exploitant». Selon les informations dont dispose la Commission, il n'est pas prévu que d'autres prestataires de services de communication électronique que l'exploitant aient directement accès à la couche passive.

(12)

À ce stade, il est difficile de savoir sous quelles conditions financières le droit d'utilisation serait octroyé. Le projet de contrat d'utilisation stipule que le détenteur du droit d'utilisation s'acquittera annuellement d'une redevance auprès de la fondation. De même, la fondation «réclamera au maximum un montant correspondant à 80 % du cash-flow généré durant l'exercice concerné». Si ce cash-flow est négatif, la fondation ne réclamera aucune redevance. Dans ce cas, elle réclamera uniquement un paiement minimum, comme indiqué dans une annexe au contrat d'utilisation. Toutefois, l'annexe ne précise pas encore le paiement prévu.

II.3.   Marchés de produits ou de services concernés

(13)

Si le réseau à large bande est développé à Appingedam, les fournisseurs de services de communication électronique feront usage de l'accès de gros pour proposer des services à large bande de détail aux utilisateurs finals. Par conséquent, les marchés de gros et de détail d'Appingedam sont concernés par la mise en place du réseau à large bande prévu, que la commune doit financer.

(14)

En ce qui concerne le marché au détail des services à large bande d'Appingedam, tant KPN qu'Essent proposent ce produit aux utilisateurs finals: Essent propose actuellement des vitesses de téléchargement de l'ordre de 5 Mbit/s maximum et KPN va jusqu'à 6 Mbits. Essent et KPN proposent toutes deux un triple paquet de services (téléphonie, internet et télévision numérique/analogique). D'autres fournisseurs de services internet peuvent eux aussi proposer des services à large bande sur la base de l'accès de gros de KPN. Selon les informations dont dispose la Commission, Essent proposera dans le courant de l'année 2006 des vitesses de téléchargement allant jusqu'à 8 Mbit/s et même 15 Mbit/s pour son produit le plus avancé (6). En outre, KPN et Essent disposent toutes deux en interne des possibilités techniques permettant d'étendre la capacité à large bande de leur offre de services au moyen de leurs réseaux actuels.

(15)

En ce qui concerne les marchés de gros, l'intervention de la municipalité d'Appingedam se concentre sur la mise à disposition, par l'intermédiaire de l'exploitant, d'un réseau d'accès en fibre optique et de services à large bande de gros par l'intermédiaire de connexions en fibre optique à bande large (7). En ce qui concerne les marchés de gros que distingue la recommandation de la Commission relative aux marchés pertinents (8), il semble dans le cas présent que deux marchés spécifiques soient, directement ou indirectement, concernés par la mesure proposée. Il s'agit du marché de gros d'accès dégroupé au réseau de raccordement (marché 11 de la recommandation) et du marché de gros d'accès à large bande (marché 12 de la recommandation). À Appingedam, KPN offre un accès de gros à l'infrastructure et aux services nécessaires à la fourniture de services à large bande (9).

II.4.   Raisons ayant conduit à l'ouverture de la procédure d'examen approfondie

(16)

Dans sa décision d'ouverture de la procédure d'examen, la Commission a émis des doute concernant la compatibilité de la mesure avec le marché commun conformément à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité. En ce qui concerne la nécessité de la mesure, il était dit dans la décision d'ouverture de la procédure que la Commission doutait de la présence effective d'éléments démontrant une «défaillance du marché».

(17)

Dans la décision, la Commission indiquait que le réseau à large bande était déjà accessible à Appingedam, même si les services fournis n'étaient pas entièrement comparables aux services du réseau en projet. Elle estimait également que les réseaux existants et la mesure projetée se chevauchaient de manière significative en termes des couverture de réseau et de prestations de services.

(18)

La Commission a par ailleurs souligné la difficulté d'imaginer des applications ou des services aux citoyens et aux entreprises qui ne pourraient être proposés dans le cadre des services à large bande acheminés par les réseaux existants. Les services de détail et de gros fournis par le projet de réseau FTTH, d'une part, et les réseaux existants, d'autres part, peuvent facilement se substituer les uns aux autres. Par conséquent, la mesure pourrait affecter gravement la concurrence dans un avenir proche.

(19)

Les mesures envisagées par les autorités néerlandaises entraînent un risque majeur de voir les investissements futurs et actuels des opérateurs écartés du marché par l'intervention des autorités. En conséquence de quoi, selon la décision d'ouverture de la procédure, il n'est pas certain, dans ces circonstances, que la mesure envisagée et l'application d'une mesure d'aide proprement dite soient proportionnées à l'objectif poursuivi dans le cas présent.

III.   OBSERVATIONS REÇUES PAR LA COMMISSION

III.1.   Remarques de tiers

(20)

La Commission a reçu des observations de trois parties prenantes: Essent, VECAI et une organisation sectorielle qui souhaite conserver l'anonymat.

(21)

Essent, câblo-opérateur, tente de démontrer, en renvoyant à un rapport du CPB (10), qu'il n'est pas question défaillance du marché à Appingedam. Le CPB a enquêté sur les allégations de défaillance du marché de la large bande aux Pays-Bas (11) et a conclu que ce dernier ne présentait aucune lacune importante. Selon le rapport, il n'est pas justifié de baser des mesures stratégiques sur l'argument d'un fonctionnement de marché défaillant. Selon Essent, le ministère des affaires économiques s'est rallié aux conclusions du CPB dans une lettre adressée au parlement néerlandais en date du 5 décembre 2005, reçue par la Commission.

(22)

Essent affirme par ailleurs qu'Appingedam ne peut être considérée comme une région périphérique confrontée à un retard socioéconomique. Les services que la commune souhaite proposer en matière d'enseignement, de soins de santé et de prise en charge des personnes âgées peuvent également transiter par les réseaux existants. Essent souscrit à la conclusion de la Commission selon laquelle il est difficile d'imaginer des applications ou des services que seul peut fournir réseau FTTH, au contraire des réseaux actuels. Essent estime en outre que les tarifs d'accès au réseau à large bande pratiqués à Appingedam ne sont pas plus élevés que dans d'autres villes des Pays-Bas.

(23)

La VECAI, organisation sectorielle des câblo-opérateurs, estime que les mesures d'aide envisagées sont incompatibles avec l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité. Une aide publique dans ce secteur fausserait directement la concurrence sur un marché où celle-ci est forte.

(24)

Selon la VECAI, il n'existe actuellement aucun défaillance dans le fonctionnement du marché des services à large bande néerlandais. Pour appuyer cet argument, la VECAI, à l'instar d'Essent, invoque le rapport du CPB et la lettre du ministre des affaires économiques. L'infrastructure actuelle se prête à l'acheminement de services à large bande très avancés. Les investissements envisagés déboucheraient, selon la VECAI, sur une duplication de l'infrastructure existante au lieu de la compléter.

(25)

La VECAI estime de surcroît qu'Appingedam ne peut être considérée comme une région périphérique. Elle affirme que la qualité de propriétaire de l'infrastructure, mais en même temps d'«autorité publique» de la municipalité (octroi des permis, droits de passage, etc.) peut, dans certaines circonstances, aboutir à un conflit d'intérêts. Il existe, en cas de soutien des initiatives en matière de large bande, un risque de conflit entre les activités publiques et privées.

(26)

L'organisation sectorielle souhaitant conserver l'anonymat est d'avis que la Commission doit soutenir le développement d'infrastructures d'accès passives ouvertes. La séparation entre services et infrastructure est de nature, selon l'organisation, à réduire les entraves à l'entrée sur le marché, à favoriser la concurrence et à stimuler l'innovation. L'organisation estime que les règles de concurrence doivent avoir pour objectif de favoriser la prospérité générale, non de protéger les opérateurs du marché existants.

(27)

L'organisation sectorielle indique que l'aide publique n'est pas nécessaire si les propriétaires de l'infrastructure existante conviennent de rendre leur infrastructure accessible à tous les autres prestataires de services de communication électronique et d'octroyer un accès sur une base honnête et conforme aux coûts. Toutefois, dans le cas contraire, on peut effectivement parler d'une défaillance dans le fonctionnement du marché et les autorités doivent pouvoir intervenir.

III.2.   Observations des autorités néerlandaises

(28)

Dans leur réponse à la demande de présentation d'observations, formulée dans la décision d'ouverture de la procédure, les autorités néerlandaises n'ont réfuté aucun des arguments avancés par la Commission lors de l'ouverture de la procédure. Elles ont produit une série de documents (rapports d'enquête) censés exposer les raisons justifiant la mesure ainsi que les possibilités du réseau.

(29)

Les rapports mettent l'accent sur les applications possibles du projet de réseau. Les autorités néerlandaises soulignent que le choix d'un réseau en fibre optique découle du fait que l'infrastructure actuelle n'offre pas la capacité à large bande ni la qualité de service requises. L'infrastructure prévue permettrait d'accéder aux connexions internet rapides, aux conférences vidéo, à la vidéo sur demande, aux jeux/à la télévision interactifs, et aux services sur réseau privé virtuel IP (12).

(30)

Les services et les applications qui devraient pouvoir être proposés par l'intermédiaire du projet de FTTH sont considérés comme importants pour l'exercice des tâches de la commune elle-même (notamment l'accès à des services administratifs en ligne), pour les soins de santé (l'aide médicale à distance et la collaboration via les différentes institutions impliquées dans les soins de santé) et pour l'enseignement (les applications d'enseignement à distance). Les autorités néerlandaises affirment à cet égard qu'Appingedam abrite un pourcentage élevé de sans-emploi et de personnes âgées pour lesquels l'accès à des services à large bande avancés est nécessaire.

IV.   PRÉSENCE D'UNE AIDE D'ÉTAT

(31)

Les autorités néerlandaises ont avancé plusieurs arguments pour démontrer que la mesure concernée ne s'accompagnait d'aucune aide publique et que le projet concernait uniquement le déploiement d'une «infrastructure publique».

IV.1.   Infrastructure d'intérêt général?

(32)

Selon les autorités néerlandaises, la mesure ne relève pas du champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité. Elle est à considérer comme une mission publique type, à savoir la mise à disposition d'une infrastructure «publique» d'intérêt général accessible à toutes les parties aux mêmes conditions.

(33)

La Commission est d'avis que ce serait le cas si une infrastructure était nécessaire à la prestation d'un service relevant de la responsabilité de l'État à l'égard du grand public et limité à la satisfaction des exigences de ce service. Il doit en outre s'agir d'un équipement que le marché est peu susceptible de proposer, faute de rentabilité économique. De surcroît, son mode d'exploitation ne peut favoriser exclusivement une entreprise spécifique.

(34)

La Commission estime par conséquent que le projet ne peut être considéré comme infrastructure d'intérêt général échappant au champ d'application du contrôle des aides d'État. Contrairement à certaines infrastructures du secteur des transports, accessibles à tous les utilisateurs potentiels à des conditions égales et non discriminatoires et fournies (déployées et/ou gérées) à des conditions ne relevant pas d'une optique purement commerciale, par le marché, ce type d'infrastructure est installé par des opérateurs de marché privés, même si ce n'est pas nécessairement aux conditions fixées par la municipalité d'Appingedam pour la mesure concernée.

(35)

Comme l'indique la présence de KPN et Essent à Appingedam, la mise à disposition d'un réseau d'accès local à la communication électronique n'est pas une mission du ressort exclusif des instances publiques. De tels réseaux sont généralement proposés par des exploitants fournissant des services de communication électronique aux ménages et aux entreprises. La mesure envisagée duplique par conséquent, dans une certaine mesure, les initiatives du marché ou organise la fourniture de services déjà disponibles.

(36)

L'absence de distorsion de la concurrence n'est pas inhérente à ce type d'équipement, elle doit être constatée au cas par cas. La situation du marché à Appingedam est telle que la mesure fausse ou menace de fausser la concurrence par la concurrence faite aux réseaux existants d'opérateurs privés, d'une part, et par son caractère dissuasif vis-à-vis d'investissements privés futurs dans des équipements similaires, d'autre part.

(37)

La Commission estime par conséquent que le projet d'Appingedam relève du champ d'application du contrôle des aides d'État et n'est pas à considérer comme une infrastructure d'intérêt général dont la responsabilité à l'égard du public incombe habituellement à l'État.

IV.2.   Fourniture d'un service d'intérêt économique général?

(38)

Bien que les autorités néerlandaises n'aient pas explicitement invoqué un service d'intérêt économique général, la possibilité de considérer le déploiement du réseau FTTH à Appingedam comme tel est examinée.

(39)

Les États membres disposent, d'une manière générale, de larges compétences dans le cadre de la reconnaissance d'un service d'intérêt économique général. Il convient cependant de tenir compte de la jurisprudence communautaire, laquelle en définit les principes généraux (13).

(40)

La mesure concernée a pour objet d'instaurer une relation contractuelle entre l'exploitant de la couche active et la municipalité/fondation, selon les règles d'un partenariat privé-public relativement classique. Elle n'a pas pour objet de confier et d'exécuter un service d'intérêt économique général. Cette constatation peut également être déduite de la communication et de la documentation du gouvernement néerlandais relatives à la mesure, dans lesquelles ne figurent nulle part les termes «services d'intérêt économique général» ni aucune autre formule comparable. Contrairement aux cas dans lesquels la Commission a conclu que le soutien public financier constituait une compensation pour un service d'intérêt économique général (cf. décision relative à Pyrénées-Atlantiques  (14)), ni la fondation ni l'exploitant n'ont été clairement mandatés, dans le cadre de la présente affaire, pour fournir un service d'intérêt économique général et proposer un accès à la large bande au grand public, aux citoyens et aux entreprises dans des zones rurales et reculées où aucun autre exploitant ne propose un accès général et payant à la large bande.

(41)

Dans l'affaire Pyrénées-Atlantiques, la mesure visait directement à rendre les services à large bande accessibles au grand public via un réseau de gros dans une région faiblement couverte. Ces conditions ne s'appliquent pas à Appingedam, où des services à large bande sont déjà proposés par l'intermédiaire de deux réseaux de services à large bande.

(42)

La Commission, considérant que la mesure ne constitue pas un service d'intérêt économique général, n'estime pas nécessaire d'évaluer la mesure à la lumière d'autres critères de l'arrêt Altmark  (15).

IV.3.   La municipalité d'Appingedam n'opère pas en tant qu'investisseur privé

(43)

Les autorités néerlandaises arguent que les investissements de la commune et de la fondation sont nécessaires justement parce que les opérateurs du marché ne sont pas disposés à investir dans le réseau FTTH passif d'Appingedam, sachant que le rendement escompté sur leur investissement serait insuffisant pour justifier celui-ci à l'aune des conditions de marché.

(44)

Selon les autorités néerlandaises, la commune a demandé à plusieurs banques de financer l'investissement dans la couche passive du réseau. Toutefois, hormis la Bank Nederlandse Gemeenten (BNG), toutes les banques ont refusé de financer le projet. La BNG est disposée à octroyer un prêt à la commune, car elle s'est bornée à évaluer la solvabilité du bénéficiaire du prêt, soit la commune, non le déploiement du réseau FTTH par la fondation ni le projet global proprement dit.

(45)

L'investissement de la commune dans la fondation et l'investissement de la fondation dans la couche passive ne répondent pas, dès lors, au «critère de l'investisseur opérant dans une économie de marché», car un opérateur de marché n'aurait pas investi dans la couche passive, comme l'a constaté la commune en approchant des investisseurs privés.

IV.4.   Appréciation de l'aide

(46)

Dans leurs premières contributions précédant la décision d'ouverture de la procédure, les autorités néerlandaises ont affirmé que la mesure projetée ne pouvait être considérée comme une aide d'État à aucun des quatre niveaux que l'on peut distinguer. Selon elles, la fondation ne serait pas favorisée, et si elle l'était, cela n'aurait aucune influence sur les échanges entre les États membres. Les autorités néerlandaises avancent par ailleurs que ni l'exploitant de la couche active ni les prestataires de services au détail ne bénéficient d'un soutien. L'exploitant calculera (devra calculer) des prix de gros conformes au marché pour les prestataires de services de détail qu'ils proposaient déjà par l'intermédiaire des infrastructures existantes. Si la Commission souhaite obtenir de la commune une garantie quant à l'application de prix de marché par l'exploitant, la commune peut fixer cette garantie dans un accord conclu entre la fondation et l'exploitant.

(47)

Enfin, les autorités néerlandaises indiquent que contrairement à la situation qui existait dans l'affaire ATLAS (16), le réseau d'Appingedam servira essentiellement à fournir des services à des ménages/citoyens n'exerçant aucune activité économique. S'il est néanmoins question d'une aide à des entreprises à Appingedam, celle-ci reste en deçà de l'intensité autorisée telle que définie dans le règlement (CE) no 69/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis  (17).

(48)

La Commission a déjà affirmé dans sa décision d'ouverture de la procédure (18) que les autorités néerlandaises n'avaient produit aucune information corroborant ces arguments. Après l'ouverture de la procédure, les autorités néerlandaises n'ont toujours fourni aucune preuve étayant leurs arguments quant à ces éléments.

(49)

Selon le traité et selon la jurisprudence consolidée, il y a aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité lorsqu'une mesure:

constitue une aide de l'État ou est accordée au moyen de ressources d'État;

favorise certaines entreprises ou certaines productions;

fausse ou risque de fausser la concurrence, et

peut affecter les échanges entre États membres.

(50)

La municipalité d'Appingedam fournira un prêt ou une garantie de prêt. Dès lors, les moyens de financement de la couche passive de ce réseau proviendraient à tout le moins partiellement de la commune d'Appingedam. Ces moyens sont par conséquent à considérer comme ressources d'État (19).

(51)

Le prêt ou la garantie à fournir par la commune favorise différents opérateurs du marché.

(52)

La fondation, créée par la commune et gérée par les soins de cette dernière, serait le propriétaire de la couche passive du réseau. La fondation met la couche passive à la disposition de l'exploitant. Le déploiement et la location de la couche passive peuvent être considérés comme activités économiques et la fondation peut, de ce fait, être entendue comme entreprise au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

(53)

Selon les informations dont dispose la Commission, la couche passive est financée par la municipalité sans la moindre contribution de la fondation. La fondation ne s'acquitte vraisemblablement pas non plus d'une rémunération pour l'utilisation du réseau. Comme indiqué dans les considérants (43) à (45) inclus, l'investissement de la municipalité d'Appingedam dans la couche passive ne répond pas au principe de l'investisseur opérant dans une économie de marché. Par conséquent, la fondation est favorisée au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité, par les ressources étatiques que fournit la municipalité.

(54)

Les autorités néerlandaises ont confirmé que l'autorisation d'exploitation de l'infrastructure passive ferait l'objet d'une procédure d'appel d'offres. En cas d'attribution à l'issue d'un appel d'offres, l'avantage au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité, dont bénéficie l'attributaire pourrait être ramené au minimum.

(55)

Même si le projet ne fournira pas un rendement disproportionné à l'exploitant auquel le marché sera attribué, il accédera néanmoins à la couche passive du réseau à des conditions qui, selon toute vraisemblance, ne refléteront pas les charges dont la municipalité et/ou la fondation supporteront pour le déploiement du réseau et qui n'ont pas été définies de manière à permettre à la commune de retirer un bénéfice maximal du projet. Même si, comme il ressort des considérants (8) et (9), les conditions financières auxquelles l'autorisation serait octroyée sont incertaines, il est vraisemblable que le prix de l'accès sera, grâce aux aides publiques, inférieur aux coûts et qu'il ne se fondera probablement pas sur les prix du marché en vigueur pour un accès à un réseau passif comparable.

(56)

L'exploitant pourrait exploiter un réseau financé par les autorités et entrer sur le marché des services de gros à des conditions qui ne seraient normalement pas accessibles sur ce marché. L'exploitant se trouve dès lors favorisé par les interventions publiques.

(57)

Même si tous les prestataires de services de communication électronique intéressés ont accès, via l'exploitant, au réseau de fibre optique à des conditions transparentes et égales, il est vraisemblable dans ce cas également que le prix de cet accès sera, grâce aux aides publiques, inférieur aux coûts et qu'il ne se fondera probablement pas sur les prix du marché en vigueur pour des services à large bande de gros comparables. Les prestataires de ces services sont par conséquent favorisés, puisqu'ils sont mis en mesure de pénétrer sur le marché des services à large bande rapide de détail et d'exercer leur activité économique à des conditions normalement inconnues sur le marché.

(58)

Ce qui précède permet de conclure que l'avantage dont bénéficient l'exploitant, les prestataires de services et les divers fournisseurs de services de télécommunication se traduit également par un avantage pour les ménages et les entreprises d'Appingedam. Les ménages ne sont pas couverts par les règles en matière d'aide d'État, mais les entreprises de la zone géographique envisagée tireraient un avantage d'une offre de services élargie et de tarifs réduits par rapport aux offres de lignes louées ou aux connexions par satellite dont ils pourraient disposer à des conditions purement commerciales. Elles pourraient de surcroît bénéficier d'un avantage par comparaison avec des entreprises implantées dans d'autres régions des Pays-Bas. Les autorités néerlandaises ont en outre indiqué que les utilisateurs finals étaient tous des petites et moyennes entreprises (PME), sans toutefois préciser la raison justifiant un soutien à ce groupe. De plus, il est clair que l'aide ne se limite pas aux seuls utilisateurs finals.

(59)

Les autorités néerlandaises ont réitéré leur point de vue selon lequel, s'il y a une aide aux entreprises à Appingedam, celle-ci ne dépasse pas l'intensité prévue par le règlement (CE) no 69/2001. La Commission reconnaît que l'avantage de chacune des entreprises-consommateurs finals ne dépasse pas le seuil de minimis. Toutefois, il n'est pas exclu que l'aide dépasse les limites du règlement concerné ou soit contraire aux règles en matière de cumul des aides.

(60)

L'intervention projetée par l'État modifie les conditions de marché existantes à Appingedam en permettant un accès subsidié au marché de gros pour les services à large bande rapide (l'exploitant) et en donnant aux prestataires de services la possibilité de pénétrer, entre autres, sur les marchés de services à large bande et de communication au détail plus en aval dans la filière. En prenant leurs décisions d'investissement et d'entretien de leur réseau, les prestataires existants que sont Essent et KPN ont basé leurs calculs sur la supposition que d'autres prestataires de services de communication électronique devraient supporter l'intégralité des coûts d'un nouveau réseau ou devraient acquitter un prix de marché pour accéder aux services de gros, ce qui ne semble plus être le cas après l'intervention publique prévue. Le fait qu'un nouveau réseau soit disponible, à des conditions vraisemblablement inférieures au prix de marché, induit également une distorsion de concurrence sur les marchés des services à large bande de détail et d'autres services de communication électronique en aval dans la filière.

(61)

Sachant que l'intervention publique peut avoir des répercussions sur les exploitants du secteur des télécommunications d'autres États membres, la mesure a des conséquences sur les échanges. Les marchés des télécommunications permettent une concurrence sans cesse accrue entre les prestataires de services de communication électronique et les prestataires de services, qui déploient le plus souvent des activités impliquant des échanges entre les États membres. Ainsi, plusieurs câblo-opérateurs et prestataires de services internet opérant aux Pays-Bas font partie de groupes internationaux actifs dans toute l'Europe et disposant d'investissements aux Pays-Bas, mais aussi dans d'autres pays.

(62)

Eu égard à ce qui précède, la Commission estime que la fondation, l'exploitant et les prestataires de services sont favorisés par le projet financé au moyen de ressources d'État, ce qui se traduit, partiellement du moins, par un avantage économique pour les entreprises d'Appingedam. Le projet fausse la concurrence et affecte les échanges entre États membres.

(63)

Attendu que les mesures constituent des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, il convient d'examiner si elles peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun.

V.   APPRÉCIATION DE LA COMPATIBILITÉ

(64)

L'article 87, paragraphe 1, du traité CE énonce le principe général de l'interdiction des aides d'État dans la Communauté. L'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité CE cite les exceptions au principe général d'incompatibilité visé à l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

(65)

L'article 87, paragraphe 2, définit les cas dans lesquels une exception peut être consentie à l'interdiction générale des aides d'État prévue à l'article 87, paragraphe 1. Aucune des exceptions prévues à l'article 87, paragraphe 2, n'est applicable dans la présente affaire. En ce qui concerne l'article 87, paragraphe 2, point a), il convient de constater que le projet ne peut être considéré comme une aide à caractère social et qu'elle n'est pas attribuée uniquement à des utilisateurs individuels.

(66)

Les exceptions visées à l'article 87, paragraphe 3, points b) et d), du traité, sont sans objet elles aussi. Il convient néanmoins de signaler qu'Appingedam se trouve dans une région éligible aux aides régionales (20) et peut de ce fait, en principe, prétendre à des aides régionales en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité. La Commission a arrêté des lignes directrices en matière d'aides régionales (ci-après intitulées les «lignes directrices») (21) sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité. Ces lignes directrices ne peuvent cependant justifier la mesure pour les raisons avancées au considérant (67).

(67)

La mesure ne se fonde pas sur une aide régionale bien délimitée. De surcroît, un secteur déterminé, dans une seule commune de la région concernée, en bénéficie. Les lignes directrices stipulent pourtant qu'«une aide individuelle ad hoc accordée [..] à un seul secteur d'activité peu[ven]t avoir un effet important sur la concurrence dans le marché concerné (sur les autres exploitants dans le cas présent), tandis que leurs effets sur le développement régional risquent d'être trop limités. [..] La Commission considère que [..] ces aides ne remplissent pas les conditions [..][des lignes directrices]» (22).

(68)

La Commission a par ailleurs conçu d'autres lignes directrices et réglementations-cadre fixant des règles en matière d'aides d'État susceptibles d'entrer en ligne de compte concernant l'exception de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité. Aucune de ces lignes directrices n'est applicable dans la présente affaire. Étant donné que la mesure n'est pas non plus couverte par l'une des autres réglementations-cadre ou lignes directrices existantes, la Commission estime que l'appréciation de la compatibilité de la mesure avec le marché commun doit s'effectuer directement sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité (23).

(69)

Selon l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun «les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun».

(70)

Une aide peut être couverte par l'exception de l'article 87, paragraphe 3, point c), si la mesure concernée vise un objectif d'intérêt commun d'une manière nécessaire et proportionnée au but à atteindre.

(71)

La Commission vérifiera par conséquent:

a)

si le projet de mesure vise un objectif précis d'intérêt commun, c'est-à-dire s'il remédie à une défaillance du marché ou sert un autre objectif d'intérêt commun tel que la cohésion.

Dans ce cas, la vérification visera également à établir si

b)

l'aide est conçue de manière à atteindre l'objectif commun, avec notamment l'obligation de répondre aux questions suivantes:

i.

L'aide constitue-t-elle un instrument adéquat? En d'autres termes, l'aide permet-elle d'atteindre l'objectif ou existe-t-il d'autres moyens, incontestablement plus appropriés, d'y parvenir?

ii.

La mesure produit-elle un incitant? En d'autres termes, modifie-t-elle le comportement des entreprises?

iii.

L'aide est-elle proportionnée à l'objectif à atteindre? En d'autres termes, serait-il possible de provoquer un changement comportemental identique avec une aide plus réduite ou un moyen qui cause moins de distorsions?

c)

Les distorsions de concurrence et les conséquences sur les échanges sont-elles limitées, de sorte que le résultat final est positif?

(72)

La Commission doit vérifier s'il y a aux Pays-Bas, plus particulièrement à Appingedam, une défaillance du marché de la large bande qu'une aide publique pourrait résoudre. Des informations récentes (24) confirment que les Pays-Bas connaissent une vive concurrence et une offre très diversifiée sur le marché de la large bande. Celle-ci connaît le taux de pénétration le plus élevé de la Communauté (environ 30 % mi-2006 et ce pourcentage poursuit une croissance rapide).

(73)

Le marché de la large bande néerlandais se caractérise par la rapidité de son évolution. Les prestataires de services de communication électronique, câblo-opérateurs et prestataires de services internet sont sur le point d'introduire sur le marché néerlandais des services à large bande de très grande capacité (25). Des «réseaux de la prochaine génération» devraient être déployés dans les années à venir, sans aide publique (26). En outre, les opérateurs de téléphonie de la troisième génération sont actuellement en train d'introduire des services à large bande mobiles aux Pays-Bas. Selon les informations dont dispose la Commission, la couverture de ces services atteint déjà quelque 70 % du territoire néerlandais (27).

(74)

Les informations factuelles dont dispose la Commission (rapport du CPB, rapport de la Commission, analyse de l'OCDE, etc.) indiquent clairement que les interactions du marché aboutiraient de manière suffisante à l'émergence de la couverture et de la quantité souhaitées de services sur le marché de la large bande néerlandais (28). À cela vient également s'ajouter que la mesure proposée, en tant qu'investissement public, risque d'évincer l'initiative privée et de ne pas aboutir à une amélioration de l'offre générale de services à large bande.

(75)

Le rapport du CPB indique explicitement que les marchés de la bande large néerlandais ne présentent, d'une manière générale, aucune défaillance, que les entreprises reçoivent suffisamment d'incitants à l'investissement dans la large bande et que la meilleure politique des pouvoirs publics est une politique de retenue laissant le marché suivre son cours. Le rapport indique que la défaillance du marché existante est limitée et est liée principalement à une position dominante et à des problèmes de production minimes. Selon le rapport, la surveillance assurée par l'OPTA, instance de contrôle néerlandaise, et l'octroi de certaines subventions destinées à la recherche et au développement paraissent traiter ces deux points de manière appropriée (29).

(76)

En ce qui concerne plus particulièrement Appingedam, KPN et Essent proposent toutes deux des services à large bande sur le marché de détail. Essent propose actuellement des services caractérisés par des vitesses de téléchargement de l'ordre de 5Mbit/s maximum et KPN va jusqu'à 6 Mbits. Essent et KPN proposent toutes deux des services triples (téléphonie, internet et télévision numérique/analogique). Ces deux entreprises disposent des possibilités techniques et feront usage de celles-ci afin de développer la capacité en large bande de leur offre sur la base de leurs réseaux existants, pour autant que ces services fassent l'objet d'une demande suffisante. D'autres vendeurs de services internet peuvent eux aussi proposer des services à large bande en faisant usage des services de gros de KPN.

(77)

En ce qui concerne les marchés de gros, l'OPTA, instance de contrôle, a imposé des restrictions concernant certains marchés à l'opérateur dominant qu'est KPN. Cette dernière propose également un accès de gros à son réseau et des services visant à la fourniture de services à large bande (30). Certains câblo-opérateurs, notamment Essent, proposent eux aussi une forme d'accès de gros à la large bande aux tiers sur le marché néerlandais (31).

(78)

Dans les autres cas concernant des aides d'État en faveur de la bande large ayant à ce jour requis une décision de la Commission, celle-ci a effectivement conclu que les aides d'État destinées aux réseaux de gros pouvaient constituer un instrument approprié pour aborder certains aspects d'une défaillance de marché et/ou d'un financement insuffisant. Dans ces dossiers, qui concernaient généralement des régions «blanches» ou «grises» (32), le marché ne se prêtait toutefois pas à une offre concurrentielle de services à large bande ou des obstacles structurels s'opposaient au déploiement de celle-ci (33).

(79)

Les autorités néerlandaises avancent comme argument que «les services de contenu et les applications de l'avenir» nécessitent des réseaux de capacité supérieure à celle des réseaux en cuivre ou des réseaux hybrides en cuivre/fibre optique existants. Une enquête révèle cependant qu'il est difficile d'imaginer que les applications destinées au grand public ne pourraient pas, dans un avenir proche et à moyen terme, être proposées par l'intermédiaire des réseaux existants (34). Cela signifie que le degré d'interchangeabilité entre les services fournis via les «réseaux de la prochaine génération» et les services empruntant les réseaux existants est élevé, d'une part, et que la mesure restera potentiellement très susceptible de fausser la concurrence dans un proche avenir, d'autre part.

(80)

En résumé, on peut conclure qu'il n'y a pas, à Appingedam, de défaillance du marché de la large bande nécessitant une aide financière publique.

(81)

Bien qu'Appingedam se trouve dans une région périphérique des Pays-Bas, l'intervention publique se situe dans une commune où des services à large bande en gros et au détail sont déjà disponibles par l'intermédiaire de différents prestataires de services de communication électronique et réseaux à des conditions de fourniture et à des tarifs comparables à ceux en vigueur dans d'autres régions.

(82)

Le rapport du CPB susmentionné conclut à l'absence d'élément démontrant l'existence d'une «substantial geographical or social digital divide in the Netherlands. Broadband is available in almost all regions. Most consumers can choose between roughly 80 Internet subscriptions in densely populated areas and between approximately 30 in remote areas» [une importante fracture géographique ou sociale aux Pays-Bas sur le plan numérique. La large bande est disponible dans presque toutes les régions. La plupart des consommateurs peuvent choisir entre environ 80 souscriptions à l'internet dans les zones fortement peuplées et entre une trentaine dans les zones éloignées]. Le rapport reconnaît certes l'existence éventuelle d'une dichotomie sociale (les personnes âgées sont sous-représentées en matière d'utilisation de la bande large), mais le gouvernement peut très bien stimuler l'utilisation de l'internet par ces personnes par des mesures agissant sur la demande, par des campagnes de sensibilisation par exemple (35).

(83)

Par conséquent, la mesure concernée ne vise pas à réaliser un objectif de la politique de cohésion. L'aide publique n'est pas nécessaire pour stimuler l'offre de services à large bande à Appingedam et fausse la concurrence de manière disproportionnée. Faute d'objectif d'intérêt commun, la mesure ne répond pas aux critères de compatibilité avec le marché commun énoncés à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE.

VI.   CONCLUSION

(84)

Pour les raisons susmentionnées, la Commission conclut que la mesure contient une aide publique à la fondation, à l'opérateur du réseau de fibre optique et aux prestataires de services à large bande de détail. La mesure d'aide ne visant pas à faciliter le développement de certaines formes d'activité économique ou de certaines économies régionales sans que les conditions des échanges s'en trouvent modifiées au point de porter préjudice à l'intérêt commun, l'aide ne peut se justifier sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c) du traité CE et est par conséquent incompatible avec le marché commun.

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L'aide d'État que les Pays-Bas envisagent de mettre à exécution en vue du développement d'un réseau à large bande à Appingedam est incompatible avec le marché commun.

Cette aide ne peut, pour cette raison, être mise à exécution.

Article 2

Les Pays-Bas informent la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.

Article 3

Les Pays-Bas sont destinataires de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 19 juillet 2006.

Par la Commission

Neelie KROES

Membre de la Commission


(1)  JO C 321 du 16.12.2005, p. 7.

(2)  Affaire portant la référence AQ8920, disponible sur www.rechtspraak.nl.

(3)  Cf. note en bas de page no 1.

(4)  Les services à large bande, définis en tant que services de communication «always-on» permettant le transfert de quantités importantes de données, peuvent être fournis grâce à l'utilisation de différentes combinaisons de technologies de communication en réseau («plates-formes»). Il peut s'agir d'infrastructures de transmission fixes ou recourant aux ondes radio, lesquelles peuvent se substituer les unes aux autres ou se compléter en fonction de chaque situation. Dans le cas des services à large bande actuels destinés au grand public, les vitesses de téléchargement se situent généralement entre 512 Kbits/s et 1 Mbit/s. Des vitesses beaucoup plus élevées sont nécessaires pour les entreprises.

(5)  Secret d'affaires

(6)  Selon les informations transmises par Essent à la Commission.

(7)  La communication de la Commission concernant les marchés pertinents pour les services de télécommunication électronique n'intègre encore aucun marché relatif à l'accès de gros aux conduites ou aux fibres sombres (non éclairées). Par conséquent, le cadre législatif européen relatif aux communications électroniques ne prévoit actuellement aucune disposition explicite concernant l'accès des tiers à l'infrastructure constituée par les conduites ou les fibres. Recommandation 2003/311/CE de la Commission du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (JO L 114 du 8.5.2003, p. 45).

(8)  Cf. note en bas de page no 6.

(9)  KPN détient une position dominante notable sur les marchés de gros en matière d'accès dégroupé et de fourniture en gros de lignes louées spécifiques. KPN est par conséquent tenue au respect de certaines règles d'accès relatives aux intrants importants quant à la fourniture de services à large bande, tels les travaux de raccordement ou la location de lignes en gros. KPN fournit par ailleurs un accès bitstream, produit d'accès de gros, de manière volontaire.

(10)  Le Bureau central du plan (Centraal Planbureau) est un institut de recherche indépendant qui réalise des analyses économiques indépendantes. Le CPB est indépendant sur le plan du contenu, mais fait formellement partie du gouvernement central dans le même temps.

(11)  «Do market failures hamper the perspectives of broadband?», Bureau central du plan, décembre 2005.

(12)  Internet-protocol based Virtual Private Network services.

(13)  Comme précédemment indiqué par la Commission concernant l'accès aux services à large bande, par exemple au point 46 de la décision relative à un projet à large bande dans la région française des Pyrénées-Atlantiques, décision de la Commission du 16 novembre 2004 dans l'affaire N381/04 «Pyrénées-Atlantiques» (France), JO C 162 du 2.7.2005, p. 5.

(14)  Cf. note en bas de page no 11.

(15)  Arrêt du 24 juillet 2003, affaire C-280/00, Altmark Trans und Regierungspräsidium Magdeburg, Jurispr. p. I-7747.

(16)  Cf. décision de la Commission du 9 septembre 2004 dans l'affaire N 213/2003 — projet ATLAS au Royaume-Uni; réglementation de l'infrastructure de la bande large pour les zones d'activité.

(17)  JO L 10 du 13.1.2001, p. 30.

(18)  Point 10.

(19)  Comme indiqué au point 2.1.2. de la communication de la Commission sur l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État sous forme de garanties (JO C 71 du 11.3.2000, p. 14), il y a aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité, même si l'État n'est pas amené à faire des paiements au titre de la garantie accordée. Même si aucun transfert direct et manifeste de ressources d'État n'a été effectué, des ressources d'État ont néanmoins été mises en jeu, cf. arrêt du 1er décembre 1998 dans l'affaire C-200/97, Ecotrade contre AFS, Jurispr. p. I-7907, point 43, et arrêt du 13 juin 2000 dans les affaires jointes T-204/97 et T-270/97, EPAC, Jurispr. p. II-2267, points 80 et 81.

(20)  Carte des aides régionales aux Pays-Bas 2000-2006 (Aide publique N 228/2000, réf. SG (2000) D/106075 du 8.8.2000).

(21)  Lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale, JO C 74 du 10.3.1998.

(22)  Cf. lignes directrices, chapitre 2, champ d'application, p. 10.

(23)  La Commission a également suivi cette approche dans d'autres dossiers, cf. par exemple les décisions suivantes en matière d'aides d'État au Royaume-Uni: N126/04 «Services à large bande pour les PME au Lincolnshire» du 14 décembre 2004, N199/04 «Broadband business fund» du 16 novembre 2004, N307/04 «Télécommunication à large bande en Écosse — régions éloignées et rurales» du 16 novembre 2004.

(cf.: http://europa.eu.int/comm/secretariat_general/sgb/state_aids/).

(24)  «Réglementation et marchés des communications électroniques en Europe en 2005» (11e rapport) COM (2006)68 du 20.2.2006. Selon des informations datant d'octobre 2005, la part de marché détenue par l'opérateur établi dans les lignes à large bande de détail s'élevait à environ 44 %, tandis que la part de marché des lignes ADSL de détail atteignait quelque 72 %. La part de l'opérateur fixe dans les lignes ADSL de détail continue à diminuer. Les statistiques publiées par l'OCDE en décembre révèlent par ailleurs que les Pays-Bas comptent également parmi les pays à la pointe dans le domaine de la large bande: www.oecd.org/sti/ict/broadband.

(25)  Selon les informations dont dispose la Commission, Essent teste actuellement une solution symétrique Ethernet-to-the-Home d'une vitesse de 100 Mbit/s, UPC prépare aux Pays-Bas l'introduction d'un produit d'une vitesse de 50 Mbits/s et KPN déploie des services VDSL dont la vitesse de diffusion peut atteindre 50 Mbit/s.

(26)  Cf. par exemple OPTA: KPN's Next Generation Network: All-IP, Issue Paper, 22 mai 2006.

(27)  Cf. http://145.7.218.175/covcheck/main.asp and http://umtscoveragetool.vodafone.nl/UMTSdekking.html#. Le site Internet de KPN indique que l'UMTS est accessible à 9 millions de personnes dans 130 villes aux Pays-Bas: http://www.kpn.com/kpn/show/id=716554.

(28)  Un pourcentage réduit de la population néerlandaise n'a toujours pas accès aux services à large bande, notamment parce que les intéressés résident à une distance trop importante de la centrale locale pour pouvoir utiliser des services Digital Subscriber Line (DSL) et/ou n'ont pas accès à un réseau de télévision câblée.

(29)  Rapport du CPB, p. 103.

(30)  KPN dispose d'une puissance significative sur le marché de gros de l'accès dégroupé et de la location de lignes spécifiques. C'est pourquoi KPN est soumise à des règles concernant les intrants importants dans le cadre de la fourniture de services à large bande, notamment le réseau de raccordement ou la location de lignes. En outre, KPN propose volontairement un accès à certains services à large bande.

(31)  Essent propose par exemple un WBA à ISP Introweb (limité aux usagers professionnels), les câblo-opérateurs Stichting CAI Harderwijk et Kabel Noord proposent un WBA à l'ISP Chello et le câblo-opérateur Cogas propose un WBA à l'ISP @Home. Cf. affaire NL/2005/0281 Accès à la large bande de gros aux Pays-Bas — remarques en vertu de l'article 7, paragraphe 3, de la directive 2002/21/CE du 2 décembre 2005.

(32)  La bande large est totalement absente des «zones blanches». Les «zones grises» sont comparables à un monopole naturel au sein duquel le réseau est contrôlé par un exploitant unique ne donnant pas accès à son infrastructure de base. Appingedam peut en revanche être considérée comme une «zone noire» dans laquelle la situation du marché se caractérise par la disponibilité de différents services à large bande empruntant au minimum deux infrastructures concurrentes (par exemple les réseaux téléphoniques et de télédistribution). Dans le cas des projets relatifs à des «zones noires» uniquement, il existe un risque majeur de voir le financement public évincer les investissements privés futurs et actuels.

(33)  Dans la récente affaire irlandaise N284/05 «Programme de large bande régional — phase II et phase III du programme Metropolitan Area Network-programma (MAN)», décision de la Commission du 8 mars 2006, la Commission a approuvé l'aide publique destinée au déploiement d'une infrastructure de gros ouverte, notamment dans les régions géographiques où l'opérateur établi fournissait déjà des services de base à large bande, en raison de l'important retard existant dans ce domaine et des caractéristiques particulières du marché irlandais (absence d'infrastructures alternatives, répartition de la population, introduction très tardive de la large bande par l'opérateur en place, etc.).

(34)  Cf. par exemple UK Broadband Stakeholder Group, «Predicting UK Future Residential Bandwidth Requirements», mai 2006; IDATE, «Étude sur le développement du très haut débit en France», mars 2006.

(35)  P. 14 du rapport concerné du CPB.


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