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Document 32006D0261

    2006/261/CE: Décision de la Commission du 16 mars 2005 concernant le régime d'aides n o C 8/2004 (ex NN 164/2003) mis à exécution par l'Italie en faveur de sociétés récemment cotées en bourse [notifiée sous le numéro C(2005) 591] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

    JO L 94 du 1.4.2006, p. 42–49 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)

    Legal status of the document In force

    ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2006/261/oj

    1.4.2006   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    L 94/42


    DÉCISION DE LA COMMISSION

    du 16 mars 2005

    concernant le régime d'aides no C 8/2004 (ex NN 164/2003) mis à exécution par l'Italie en faveur de sociétés récemment cotées en bourse

    [notifiée sous le numéro C(2005) 591]

    (Le texte en langue italienne est le seul faisant foi.)

    (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

    (2006/261/CE)

    LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

    vu le traité instituant la communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

    vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

    après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément aux dits articles (1),

    considérant ce qui suit:

    I   PROCÉDURE

    1.

    Le 2 octobre 2003 est entré en vigueur en Italie, le jour de sa publication au Journal officiel de la République italienne no 229 du 2 octobre 2003, le décret-loi no 269 du 30 septembre 2003 portant «Dispositions urgentes visant à favoriser et à corriger l'évolution des finances publiques» («Disposizioni urgenti per favorire lo sviluppo e per la correzione dell'andamento dei conti pubblici», «DL 269/2003»). L'article premier, paragraphe 1, point d), et l'article 11 du DL 269/2003 prévoient des incitations fiscales spécifiques pour les sociétés admises à la cote officielle d'un marché réglementé de l'Union européenne dans la période comprise entre le 2 octobre 2003 et le 31 décembre 2004. L'article premier, paragraphe 1, point d), et l'article 11 du DL 269/2003 ont ultérieurement été convertis sans modification en loi no 326 du 24 novembre 2003 («L 326/2003»), publiée au Journal officiel de la République italienne no 274 du 25 novembre 2003.

    2.

    Par lettre du 22 octobre 2003 (D/56756), la Commission a invité les autorités italiennes à fournir des informations sur les incitations en cause et sur leur entrée en vigueur, afin de vérifier si elles présentent éventuellement le caractère d'aide au sens de l'article 87 du traité. Dans cette même lettre, la Commission a rappelé à l'Italie l'obligation de notifier à la Commission, avant d'y donner exécution, toute mesure constituant une aide au sens de l'article 88, paragraphe 3, du traité.

    3.

    Par lettres du 11 novembre 2003 (A/37737) et du 26 novembre 2003 (A/38138), les autorités italiennes ont communiqué les informations demandées. Le 19 décembre 2003 (D/58192), la Commission a de nouveau rappelé à l'Italie ses obligations découlant de l'article 88, paragraphe 3, du traité et a invité les autorités italiennes à informer les bénéficiaires potentiels des aides en question des conséquences résultant – en vertu du traité et de l'article 14 du règlement d'application no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (2), de la constatation éventuelle du fait que les incitations en cause constituent une aide illégale mise à exécution sans l'autorisation préalable de la Commission.

    4.

    Par lettre du 18 février 2004 (SG 2004 D/200644), la Commission a informé l'Italie de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité à l'encontre des avantages fiscaux accordés par l'Italie aux sociétés récemment cotées en bourse.

    5.

    Par lettre du 22 avril 2004 (A/32918), les autorités italiennes ont présenté leurs observations.

    6.

    La décision de la Commission d'ouvrir la procédure formelle d'examen, par laquelle la Commission invite les intéressés à présenter leurs observations, a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 3 septembre 2004. (3)

    7.

    Les 16 et 27 septembre 2004 se sont tenues deux réunions ad hoc entre des représentants de la Commission et de l'administration fiscale italienne afin d'examiner certains aspects de la mesure.

    8.

    Par télécopie du 4 octobre 2004 (A/37459) sont parvenues des observations émanant de la société Borsa Italiana SpA. Par lettre du 28 octobre 2004 (D/57697), la Commission a transmis ces observations aux autorités italiennes. Par lettre du 2 décembre 2004 (A/39473), les autorités italiennes ont communiqué leurs commentaires concernant les observations transmises.

    II   DESCRIPTION DE L'AIDE

    9.

    La mesure en cause prévoit deux ensembles d'incitations fiscales pour la cotation en bourse des sociétés assujetties à l'impôt italien sur les sociétés.

    10.

    Aux termes de l'article 11 du DL 269/2003, les sociétés dont les actions sont admises à la cote sur d'un marché réglementé d'un État membre de l'Union européenne pendant la période comprise entre le 2 octobre 2003 et le 31 décembre 2004 peuvent bénéficier pendant trois ans d'un taux d'impôt sur le revenu réduit à 20 % (taux normalement appliqué: 35 % en 2003 et 33 % en 2004). Cette «prime de cotation» ne s'applique que lorsque les sociétés admises à la cote enregistrent une progression de leur actif net d'au moins 15 % du fait de l'offre publique initiale (OPI) de leurs actions et pour autant que les sociétés bénéficiaires ne soient pas déjà cotées auprès d'une bourse de valeurs européenne. Le montant maximum du revenu pouvant bénéficier du taux réduit étant de 30 millions d'euros par an, l'aide peut s'élever jusqu'à un maximum de 4,5 millions d'euros en 2003 (35 – 20 % = 15 % de 30 millions), tandis qu'en 2004, elle ne peut dépasser 3,9 millions (33 – 20 % = 13 % de 30 millions).

    11.

    Dans l'hypothèse où une société cotée en bourse pendant la période visée ci-dessus serait par la suite exclue de cette cotation, l'aide ne s'applique que pour la ou les périodes où la société a été effectivement cotée en bourse. Le bénéfice de l'aide est maintenu aux mêmes conditions si une société est ensuite cotée sur une autre bourse de valeurs européenne garantissant un niveau de protection des investisseurs équivalent à celui assuré par la bourse de valeurs italienne.

    12.

    Pour les sociétés admises à la cote qui satisfont aux conditions définies à l'article 11 du DL 269/2003, l'article premier, paragraphe 1, point d), du DL 269/2003 prévoit que soit déduit du revenu imposable un montant égal aux dépenses de cotation exposées pour l'OPI en 2004. Cette déduction du revenu imposable s'ajoute à la déduction normale des dépenses engagées pour l'OPI qui sont considérées, en termes fiscaux, comme toute autre dépense de l'entreprise. Les dépenses encourues pour les transactions effectuées dans le cadre de l'OPI recouvrent notamment les dépenses consacrées à l'analyse approfondie de la société (analyse de «due diligence»), les frais de conseil externe et les dépenses réglementaires de la transaction qui, pour la bourse de valeurs italienne, s'élèvent à un total compris entre 3,5 % et 7 % du montant négocié lors de l'opération de cotation. Pour pouvoir bénéficier de cette déduction du revenu imposable, les sociétés doivent obtenir d'un commissaire aux comptes externe une certification des dépenses effectivement encourues.

    13.

    La déduction du revenu imposable prévue à l'article premier, paragraphe 1, point d), du DL 269/2003 a pour effet de réduire la charge fiscale réelle appliquée en 2004, puisque le montant de l'impôt à acquitter est diminué de 33 % (soit un taux égal à l'impôt sur le revenu des sociétés établi pour 2004, abstraction faite du taux nominal réduit de 20 % appliqué du fait de la prime de cotation visée ci-dessus) du montant des dépenses éligibles exposées pour la cotation. Dans le cadre du système italien de paiement anticipé de l'impôt sur les sociétés, les sociétés bénéficiaires s'acquittent en deux tranches de l'impôt exigible pour l'exercice 2004 sur la base d'une estimation des impôts qu'ils prévoient de payer pour 2004, compte tenu de la réduction prévue par le régime en cause. Afin d'éviter que cet avantage ne s'applique également aux acomptes provisionnels de 2005 (ce qui serait le cas si les acomptes étaient calculés sur la base des impôts – réduits – acquittés en 2004), l'article premier, paragraphe 1, point d), du DL 269/2003 prévoit que l'acompte provisionnel payé pour 2005 soit calculé sur la base de l'impôt exigible en 2004, en l'absence de l'avantage fiscal considéré.

    14.

    Les deux incitations prévues respectivement par l'article premier, paragraphe 1, point d), du DL 269/2003 et l'article 11 du DL 269/2003 ont donc une durée de validité différente. Alors que l'incitation reposant sur la déduction du revenu imposable n'est applicable qu'en 2004, l'incitation liée à la prime de cotation s'applique à compter de la date d'admission à la cote et pour une durée de trois ans. Les autorités italiennes ont confirmé que ces incitations n'ont aucune implication sur l'acompte provisionnel dû en 2003 mais ne sont applicables qu'en 2004 et, s'agissant spécifiquement de l'article 11 du DL 269/2003, pendant les trois années suivant l'admission à la cote.

    15.

    Lors de la présentation du décret-loi instituant cette incitation fiscale, le gouvernement italien avait estimé que cette mesure concernerait 10 bénéficiaires potentiels en 2003 et 25 en 2004 et aurait un impact négatif en termes de recettes fiscales de 7,2 millions d'euros en 2003 et de 27,7 millions d'euros en 2004. Aucune estimation n'avait été fournie concernant les deux années suivantes de l'application de la mesure.

    III   MOTIFS DE L'ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE

    16.

    En ouvrant la procédure formelle, la Commission a considéré que la mesure en cause répondait à tous les critères prévus pour pouvoir être considérée comme une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité. La Commission a observé en particulier que la mesure confère deux types d'avantages économiques. En premier lieu, elle introduit en faveur des sociétés admises à la cote d'une bourse de valeurs réglementée un taux réduit de 20 % de l'impôt sur le revenu des sociétés, augmentant ainsi pendant trois ans le bénéfice net réalisé par ces sociétés dans le cadre de toute activité économique. Grâce à la réduction du taux nominal, les entreprises bénéficiaires enregistrent en effet une réduction des impôts exigibles pendant l'année de l'admission à la cote ainsi que pendant les deux années suivantes. En second lieu, le régime a pour effet, suite à la déduction du revenu imposable d'un montant équivalent aux dépenses exposées pour l'OPI, de réduire le revenu imposable pendant l'exercice fiscal au cours duquel a lieu l'opération d'admission à la cotation en bourse. Ces réductions se traduisent en outre par l'application d'un taux d'imposition réel plus bas sur les revenus de 2004.

    17.

    La Commission a observé que les facilités visées ci-dessus semblent favoriser certaines entreprises. Elle a notamment constaté que les incitations fiscales en cause sont de nature à favoriser les entreprises ayant leur siège en Italie. Une société étrangère opérant en Italie par le biais d'un établissement stable, ou d'un autre établissement constitué sous forme d'agence, de succursale ou de filiale au sens de l'article 43 du traité, bénéficie de la réduction du taux réel uniquement pour la part de son activité imputable à ces établissements italiens. Or une telle distinction, justifiable fiscalement selon la logique territoriale du système fiscal, n'est pas acceptable dans le cas d'une mesure d'aide, dans la mesure elle constitue, pour les sociétés étrangères opérant en Italie, un handicap concurrentiel manifeste par rapport aux sociétés italiennes.

    18.

    La Commission a également constaté qu'en dépit du fait que les avantages octroyés par le régime sont formellement accessibles à toute société admise à la cote auprès d'un marché réglementé européen et qu'en conséquence ce régime n'opère apparemment pas de discrimination entre les sociétés admises à la cote en Italie et celles admises à la cote d'une bourse de valeurs d'un autre État, en réalité cette mesure favorise uniquement les sociétés admises à la cote pour la première fois pendant la brève période indiquée. La Commission a relevé à cet égard que les dispositions régissant l'admission à la cote prévoient l'application de plusieurs conditions rigoureuses et en particulier la nécessité de démontrer la solidité de la situation patrimoniale et financière, dûment attestée par les états financiers et l'avis d'auditeurs externes. Les sociétés demandant à être admises à la cote doivent être constituées en sociétés par actions, de manière à assurer la pleine transférabilité des actions, et satisfaire à certaines conditions minimales en matière de capitalisation. La Commission considère que de nombreux bénéficiaires potentiels sont de facto exclus des avantages visés en raison des délais prescrits par le régime en cause.

    19.

    La Commission a souligné dans sa décision relative à l'ouverture de la procédure que la mesure suppose, par la renonciation à des rentrées fiscales qu'elle implique, l'utilisation de ressources d'État et qu'elle est susceptible de fausser la concurrence entre les entreprises et les échanges au sein du marché commun, étant donné que les sociétés bénéficiaires, qui sont des sociétés cotées, opèrent sur des marchés caractérisés par une forte dynamique concurrentielle et où s'effectuent des échanges intracommunautaires.

    20.

    La Commission a enfin estimé que le caractère sélectif des avantages fiscaux en cause n'apparaît pas justifié par la nature ou la structure générale du système fiscal italien et que le régime ne semble pas destiné à compenser d'éventuelles dépenses engagées, dans la mesure où le montant de l'aide n'est pas proportionné aux coûts spécifiques exposés pour l'admission à la cote. Aucune des dérogations prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3, ne semble non plus pouvoir s'appliquer.

    IV   OBSERVATIONS DE L'ITALIE ET DES PARTIES INTÉRESSÉS

    21.

    Les autorités italiennes et la société Borsa Italiana SpA, la seule partie intéressée à avoir présenté des observations, ont fait valoir trois objections essentielles.

    22.

    Premièrement, les autorités italiennes et Borsa Italiana SpA estiment que le régime d'aides doit être considéré comme une mesure générale de politique fiscale visant à promouvoir la cotation de sociétés italiennes, afin d'infléchir la tendance négative enregistrée ces dernières années, et à en renforcer la capitalisation et la compétitivité sur les marchés mondiaux. En tant que tel, ce régime n'entre pas dans le champ d'application du contrôle des aides d'État.

    23.

    Deuxièmement, le régime n'affecte pas la concurrence dans la mesure où toute société est susceptible de bénéficier de l'aide en se faisant admettre à la cote d'une bourse de valeurs européenne. Il s'applique d'une manière générale à tous les secteurs économiques et industriels. Il s'agit donc d'une mesure non sélective.

    24.

    Troisièmement enfin, le régime n'affecte pas la concurrence dans la mesure où sa durée et sa dotation budgétaire sont limitées et où les entreprises étrangères sont admises au bénéfice des aides concernées.

    V   APPRÉCIATION DE L'AIDE

    25.

    Après avoir pris en considération les observations présentées par les autorités italiennes, la Commission confirme la position qu'elle avait fait valoir dans sa lettre du 18 février 2004 annonçant l'ouverture de la procédure formelle d'examen, selon laquelle le régime en cause constitue une aide d'État dans la mesure où il répond aux critères prévus en la matière par l'article 87, paragraphe 1, du traité.

    26.

    La Commission estime que la mesure en cause confère des avantages sélectifs évidents, dans la mesure où elle déroge au fonctionnement normal du système fiscal et favorise certaines entreprises ou productions, puisqu'elle constitue un régime spécifique dont ne peuvent bénéficier que les sociétés en mesure de se faire admettre à la cote durant la période couverte par le régime, ce qui exclut les entreprises déjà cotées, celles qui ne remplissent pas les conditions requises pour être cotées et celles qui décident de ne pas se faire coter pendant la période considérée.

    27.

    L'argument de l'Italie selon lequel le régime en cause constitue une mesure de politique fiscale n'entrant pas dans le champ d'application des dispositions sur les aides d'État n'est pas recevable et la dérogation que le régime instaure par rapport au régime fiscal normal n'est pas justifiable au regard de la nature du système fiscal italien, dans la mesure où il ne répond à aucune distinction pertinente du point de vue fiscal entre la situation des sociétés cotées en bourse et celle des sociétés non cotées. Le régime prévoit notamment une réduction du taux d'imposition applicable aux bénéfices futurs réalisés par les bénéficiaires et il ne peut à ce titre être considéré comme proportionné, ces bénéfices n'ayant aucun lien avec le fait que les bénéficiaires ont été admis à la cote, avec la structure de leur capital ni avec les autres caractéristiques associées à la cotation en bourse. Enfin, ce régime n'est pas justifiable non plus au regard de ses objectifs spécifiques, étant donné que sa brève durée d'application le rend de fait inaccessible à un grand nombre de bénéficiaires potentiels.

    28.

    De manière analogue, la déduction du revenu imposable constitue elle aussi une aide exceptionnelle, puisqu'elle s'ajoute à la déduction normale des dépenses. Même si une telle mesure pourrait éventuellement être considérée comme justifiée par l'objectif spécifique poursuivi par le régime, conformément à la jurisprudence de la Cour (4), la Commission note que la brève durée d'application de la mesure est en contradiction avec l'objectif spécifique de promotion de la cotation de sociétés, puisqu'il exclut de facto de nombreux bénéficiaires potentiels.

    29.

    Quant à l'objection selon laquelle le régime ne confère pas d'avantage spécifique et ne peut donc avoir pour effet de fausser la concurrence et les échanges au sein de la Communauté dans la mesure où il favorise des entreprises soumises à des législations fiscales différentes, la Commission rappelle la jurisprudence pertinente de la Cour (5), laquelle confirme qu'une mesure fiscale dérogatoire non justifiée par la nature du système fiscal ou par la nature spécifique de la mesure peut constituer une aide d'État.

    30.

    La Commission relève que dans un autre arrêt (6), la Cour a confirmé l'évaluation de la Commission selon laquelle une mesure fiscale nationale, bien que présentant formellement un caractère général, constituait une aide car elle favorisait de facto dans une plus large mesure certains secteurs industriels nationaux. Dans le cas à l'examen, la Commission estime que l'incitation fiscale accordée par dérogation au traitement fiscal normal en faveur de toutes les entreprises imposables en Italie qui se font admettre à la cote d'un marché réglementé exerce un effet notable sur les entreprises d'une certaine dimension et est susceptible de fausser la concurrence en améliorant la position concurrentielle de ces entreprises par rapport aux entreprises concurrentes non enregistrées en Italie. De plus, cette aide étant octroyée par le biais du système fiscal, elle bénéficie principalement à des entreprises italiennes, puisque pour celles-ci, les allégements fiscaux s'appliquent aux bénéfices réalisés au niveau mondial, tandis que les entreprises étrangères ne peuvent bénéficier de ces mesures que pour la part de leurs bénéfices réalisée en Italie et se trouvent à cet égard défavorisées. Une telle disparité de traitement peut normalement se justifier par la nature du système fiscal mais dans le cas d'espèce, une telle justification est exclue par le fait que le régime constitue une aide exceptionnelle non justifiable dans le cadre de la gestion normale du système fiscal.

    31.

    S'agissant de la période de validité limitée de ce régime, l'Italie affirme que la limitation du nombre de bénéficiaires potentiels (uniquement les sociétés admises à la cote avant le 31 décembre 2004) est imposée par des contraintes budgétaires. Cela constituerait du reste un autre élément à l'appui de la thèse selon laquelle la mesure exercerait un effet assez mineur sur la concurrence. La Commission considère que le budget restreint alloué à l'aide n'en supprime par pour autant le caractère de subvention ni les distorsions de concurrence qui en découlent. Le régime induit (à travers le traitement fiscal) une altération de la position concurrentielle de certaines entreprises exerçant des activités commerciales dans des secteurs ouverts à la concurrence internationale et constitue de ce fait une aide menaçant de fausser la concurrence.

    32.

    La Commission conclut en conséquence que la mesure octroie à certains bénéficiaires des avantages fiscaux spécifiques qui ont pour effet de réduire les coûts normalement supportés par ceux-ci dans le cadre de leur activité économique.

    33.

    La Commission estime que les avantages en cause sont octroyés par l'État ou au moyen de ressources d'État. L'Italie n'ayant pas présenté d'objections sur ce point, la Commission confirme l'évaluation qu'elle avait formulée lors de l'ouverture de la procédure formelle, selon laquelle l'avantage est imputable à l'État, puisqu'il résulte de la renonciation à des recettes fiscales normalement perçues par le Trésor italien.

    34.

    Au vu des effets de la mesure considérée, la Commission confirme l'évaluation faite lors de l'ouverture de la procédure formelle, selon laquelle la mesure peut fausser la concurrence entre les entreprises et les échanges entre les États membres, étant donné que les sociétés bénéficiaires peuvent opérer sur des marchés internationaux et exercer des activités commerciales et d'autres activités économiques sur des marchés caractérisés par une forte concurrence. Selon la jurisprudence consolidée de la Cour (7), pour qu'une mesure fausse la concurrence, il suffit que le destinataire de l'aide soit en concurrence avec d'autres entreprises sur des marchés ouverts à la concurrence.

    35.

    En demandant à être admises à la cote d'une bourse de valeurs réglementée, les sociétés poursuivent différents objectifs financiers importants, parmi lesquels a) augmenter et différencier les sources de financement pour l'achat d'actifs et d'actions; b) augmenter leur propre capacité financière vis-à-vis de détenteurs de titres de créance, de fournisseurs et d'autres créditeurs qui acceptent les actions comme garanties du crédit; c) obtenir une évaluation du marché, de manière à faciliter à tout moment les opérations de fusion et d'acquisition. En accordant un avantage fiscal exceptionnel aux sociétés qui décident de se faire coter en bourse, le régime concerné améliore la position concurrentielle et la capacité financière de ces sociétés par rapport à leurs concurrents. Étant donné que les effets précédemment décrits peuvent favoriser des bénéficiaires italiens opérant sur des marchés où s'effectuent des échanges intracommunautaires, la Commission estime à ce titre également que le régime affecte les échanges et fausse la concurrence.

    36.

    La Commission note en outre qu'à la date du 31 décembre 2004, dix sociétés ont été admises à la cote de bourses de valeurs italiennes (ce qui représente une hausse de 100 % par rapport à l'année précédente) (8). Le régime confère aux sociétés qui se font admettre à la cote le droit à des avantages fiscaux proportionnels à leurs bénéfices futurs. Les sociétés admises à la cote des bourses italiennes appartiennent à différents secteurs, tous ouverts à la concurrence internationale, depuis le secteur manufacturier jusqu'aux services d'utilité publique. Ni les autorités italiennes ni les parties intéressées n'ont fait valoir d'arguments tendant à montrer qu'en vertu de certaines caractéristiques propres aux bénéficiaires, les avantages accordés ne peuvent affecter la concurrence et les échanges intracommunautaires. Sur la base de prévisions fondées sur les profits réalisés par les bénéficiaires durant les trois années précédant leur admission à la cote, la Commission a calculé que chacune de ces sociétés pourra bénéficier de substantiels allégements fiscaux. Les calculs de la Commission montrent par exemple que la baisse d'impôts dont pourrait bénéficier à lui seul l'un de ces bénéficiaires pourrait s'élever jusqu'à 75 millions d'euros sur la période 2004-2007. Néanmoins, du fait de la clause de limitation de l'aide contenue à l'article 11 du DL 269/2003 et décrite plus haut, le bénéfice ne pourrait pas dépasser 11,7 millions d'euros pendant les trois années concernées. Les arguments présentés par l'Italie ne permettent toutefois en aucun cas de conclure que les aides accordées aux bénéficiaires peuvent entrer dans le cadre des aides de minimis.

    37.

    La Commission en vient à la conclusion que la distorsion de concurrence induite par le régime dans les différents secteurs d'activité des bénéficiaires est significative, compte tenu du fait que ceux-ci jouent souvent un rôle de premier plan en Italie dans les divers secteurs concernés, ce qui justifie l'évaluation négative qui est faite dudit régime.

    38.

    Les autorités italiennes ont donné exécution au régime sans notification préalable à la Commission, en violation par conséquent de l'obligation prévue à l'article 88, paragraphe 3, du traité. Étant donné qu'il s'agit d'une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité et qu'elle a été mise à exécution sans l'accord préalable de la Commission, la mesure constitue une aide illégale.

    39.

    La mesure en cause constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité et sa compatibilité avec le marché commun doit donc être évaluée à la lumière des dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 2, et à l'article 87, paragraphe 3, du traité.

    40.

    Les autorités italiennes n'ont pas explicitement contesté l'évaluation de la Commission présentée dans sa lettre du 18 février 2004, relative à l'ouverture de la procédure formelle d'examen, selon laquelle aucune des dérogations visée à l'article 87, paragraphes 2 et 3 du traité, en vertu desquelles les aides d'État peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun, n'est applicable en l'occurrence, et la Commission n'a pas trouvé de nouveaux éléments venant infirmer cette conclusion.

    41.

    Dans le cas d'espèce, les avantages accordés ne sont liés à aucune dépense ou sont liés à des dépenses non éligibles aux aides en vertu des règlements sur les exemptions par catégorie ou des lignes directrices communautaires.

    42.

    Les dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 2, du traité, relatives aux aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, aux aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires et aux aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne, ne s'appliquent pas en l'occurrence.

    43.

    La dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité, qui prévoit d'autoriser les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, n'est pas non plus applicable, étant donné que la mesure considérée s'applique sur tout le territoire de l'Italie et non pas seulement dans les régions italiennes visées par ce même article 87, paragraphe 3, point a). Enfin, le régime ne semble pas contribuer de quelque façon que ce soit au développement de ces régions.

    44.

    En outre, le régime en cause ne peut être considéré comme un projet important d'intérêt européen commun, pas plus qu'il n'est destiné à remédier à une perturbation grave de l'économie italienne, aux termes de l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité. Il ne vise pas non plus à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, aux termes de l'article 87, paragraphe 3, point d), du traité.

    45.

    Enfin, le régime doit être évalué à la lumière de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité. Cet article stipule que les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques peuvent être acceptées à condition qu'elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Les avantages fiscaux octroyés par le régime ne sont pas liés à des investissements spécifiques, à la création d'emplois ou à des projets spécifiques. Ils constituent simplement une réduction des charges qui doivent normalement être supportées par les entreprises concernées dans le cadre de leurs activités économiques et doivent donc être considérés comme des aides d'État au fonctionnement qui sont incompatibles avec le marché commun.

    VI   CONCLUSIONS

    46.

    La Commission en vient à la conclusion que les avantages fiscaux octroyés par la mesure en cause constituent un régime d'aides d'État au fonctionnement auquel aucune des dérogations à l'interdiction générale en vigueur pour ces aides ne s'applique et qui est par conséquent incompatible avec le marché commun. La Commission estime en outre que l'Italie a donné illégalement exécution à la mesure en cause.

    47.

    La constatation du fait qu'une aide d'État a été illégalement accordée et est incompatible avec le marché commun implique normalement que cette aide soit récupérée auprès des bénéficiaires. La récupération de l'aide rétablit dans la mesure du possible la position concurrentielle telle qu'elle existait avant l'octroi de l'aide.

    48.

    Même si la présente procédure a été clôturée peu après la fin du premier exercice fiscal au cours duquel le régime exerce ses effets et donc avant que l'impôt dû par la majeure partie des bénéficiaires n'ait été payé, la Commission ne peut exclure que certaines entreprises aient déjà bénéficié de l'aide sous forme par exemple d'une réduction des acomptes provisionnels pour la période fiscale en cours.

    49.

    La Commission constate en outre que suite à l'ouverture de l'enquête formelle, les autorités italiennes ont publiquement informé les bénéficiaires potentiels du régime des conséquences possibles de la constatation par la Commission que la mesure en cause constitue une aide incompatible avec le marché commun. La Commission estime qu'il est en tout état de cause nécessaire de récupérer les aides éventuellement déjà accordées aux bénéficiaires.

    50.

    À cette fin, la Commission doit demander à l'Italie de mettre en demeure les bénéficiaires potentiels du régime, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, de rembourser les aides majorées des intérêts calculés sur la base du chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en oeuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (9). En particulier, lorsque l'aide a déjà été accordée sous forme d'une réduction des impôts exigibles pour l'exercice fiscal en cours, l'Italie doit recouvrer la totalité de l'impôt dû lors du dernier versement prévu pour 2004. En tout état de cause, la récupération totale doit être achevée avant la fin du premier exercice fiscal suivant la date de notification de la présente décision.

    51.

    La Commission doit mettre en demeure l'Italie de fournir les informations nécessaires en dressant une liste des bénéficiaires concernés et en spécifiant clairement les mesures prévues et celles déjà adoptées en vue d'assurer la récupération immédiate et effective des aides d'État illégales. La Commission doit demander à l'Italie de présenter dans les deux mois suivant la notification de la présente décision tous les documents prouvant l'ouverture effective de la procédure de récupération auprès des bénéficiaires potentiels des aides illégales.

    52.

    La présente décision concerne le régime en tant que tel et doit être exécutée immédiatement, y compris en ce qui concerne la récupération des aides accordées dans le cadre du régime. Elle ne préjuge toutefois pas de la possibilité que les aides accordées individuellement soient considérées, en tout ou en partie, comme compatibles, notamment aux termes de l'article 5, point b), du règlement d'exemption par catégorie relatif aux aides en faveur des petites et moyennes entreprises.

    A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

    Article premier

    Le régime d'aides d'État mis à exécution par l'Italie sous forme d'incitations fiscales en faveur de sociétés admises à la cote d'un marché réglementé européen, conformément à l'article premier, paragraphe 1, point d), et à l'article 11 du décret-loi no 269 du 30 septembre 2003, est incompatible avec le marché commun.

    Article 2

    L'Italie est tenue de supprimer le régime d'aides visé à l'article 1er à compter de l'exercice fiscal au cours duquel intervient la date de notification de la présente décision.

    Article 3

    1.   L'Italie prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de ses bénéficiaires, l'aide visée à l'article 1er et déjà illégalement mise à leur disposition.

    2.   La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision.

    3.   La récupération est menée à bien dans les meilleurs délais. En particulier, lorsque l'aide a déjà été accordée sous forme d'une réduction des impôts dus pour l'exercice fiscal en cours, l'Italie doit recouvrer la totalité de l'impôt dû lors du dernier versement prévu pour 2004. Dans tous les autres cas, l'Italie récupère l'impôt exigible au plus tard à la fin du premier exercice fiscal au cours duquel intervient la date de notification de la présente décision.

    4.   Les aides à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu'à la date de leur récupération.

    5.   Les intérêts sont calculés sur la base du chapitre V du règlement (CE) no 794/2004.

    6.   Dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, l'Italie met en demeure tous les bénéficiaires des aides visées à l'article premier de rembourser les aides illégales majorées des intérêts.

    Article 4

    Dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, l'Italie informe la Commission, en utilisant le questionnaire qui figure dans l'annexe 1 de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer. L'Italie présente dans le même délai tous les documents prouvant l'ouverture effective de la procédure de récupération auprès des bénéficiaires des aides illégales.

    Article 5

    La République italienne est destinataire de la présente décision.

    Fait à Bruxelles, le 16 mars 2005.

    Par la Commission

    Neelie KROES

    Membre de la Commission


    (1)  JO C 221 du 3.9.2004, p. 2.

    (2)  JO L 83 du 27.3.1999, p. 1. Règlement modifié par l'acte d'adhésion de 2003.

    (3)  Cf. note 1.

    (4)  Affaire C-143/99, Adria-Wien Pipeline, Rec. 2001, p. I-8365.

    (5)  Affaire 173/73, Italie/Commission, Rec. 1974, p. I-03671.

    (6)  Affaire 203/82, Italie/Commission, Rec. 1983, p. 2525.

    (7)  Cf. affaire T-214/95 Het Vlaamse Gewest/Commission, Rec. 1998, p. II-717.

    (8)  Il s'agit des sociétés suivantes: 1) Trevisan SpA, établissements de peinture industrielle; 2) Isagro SpA, produits pharmaceutiques; 3) Digital Multimedia Technologies (DMT) SpA, médias; 4) Terna SpA, services d'utilité publique (électricité); 5) Procomac SpA, installations d'embouteillage; 6) Azimut Holding SpA, services financiers; 7) Greenvision Ambiente SpA, services; 8) Panariagroup SpA, céramiques; 9) RGI SpA, applications informatiques ; 10) Geox SpA, habillement.

    (9)  JO L 140 du 30.4.2004 p. 1.


    ANNEXE

    Informations concernant l'exécution de la décision de la Commission du 16.03.2005 concernant le régime d'aide no C8/2004 (ex NN164/2003) mis à exécution par l'Italie en faveur de sociétés récemment cotées en bourse

    1.   Nombre total de bénéficiaires et montant total de l'aide à récupérer

    1.1

    Indiquer en détail de quelle façon sera calculé le montant de l'aide à récupérer auprès des différents bénéficiaires:

    capital,

    intérêts.

    1.2

    Quel est le montant total de l'aide illégale à récupérer (équivalent-subvention brut; prix de …) accordée sur la base du régime?

    1.3

    Quel est le nombre total de bénéficiaires auprès desquels doit être récupérée l'aide octroyée illégalement dans le cadre du présent régime?

    2.   Mesures prévues et déjà adoptées pour récupérer l'aide

    2.1

    Indiquer en détail quelles mesures sont prévues et quelles mesures ont déjà été adoptées pour procéder à la récupération immédiate et effective de l'aide. Spécifier la base juridique desdites mesures.

    2.2

    Pour quelle date la récupération sera-t-elle achevée?

    3.   Informations relatives aux différents bénéficiaires

    Dans le tableau joint, indiquer les données relatives à chaque bénéficiaire auprès duquel l'aide octroyée illégalement dans le cadre du régime doit être récupérée.

    Nom du bénéficiaire

    Montant de l'aide octroyée illégalement (1)

    valeur: …

    Montants remboursés (2)

    valeur: …

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


    (1)  Montant de l'aide mis à la disposition du bénéficiaire (en termes d'équivalent-subvention brut; prix de …).

    (2)  

    (°)

    Montants bruts remboursés (intérêts compris).


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