Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62021CO0729

Unionin tuomioistuimen määräys (yhdeksäs jaosto) 16.1.2023.
W. Sp. z o. o. vastaan Dyrektor Izby Administracji Skarbowej w Łodzi.
Naczelny Sąd Administracyjnyn esittämä ennakkoratkaisupyyntö.
Ennakkoratkaisupyyntö – Unionin tuomioistuimen työjärjestyksen 99 artikla – Direktiivi 2006/112/EY – Arvonlisävero – 19 artikla – Käsite ”varallisuuden siirtäminen kokonaan tai osittain” – Myyntisopimus, jonka kohteena on kauppakeskus – Yrityksen luovuttaminen – Yrityksen muodostavien aineellisten ja aineettomien osien luovuttaminen osittain.
Asia C-729/21.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:74

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

16 janvier 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Directive 2006/112/CE – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Article 19 – Notion de “transmission d’une universalité totale ou partielle de biens” – Contrat de vente portant sur un centre commercial – Transfert d’entreprise – Transfert partiel des éléments corporels et incorporels de l’entreprise »

Dans l’affaire C‑729/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), par décision du 27 juillet 2021, parvenue à la Cour le 1er décembre 2021, dans la procédure

W. sp. z o.o.

contre

Dyrektor Izby Administracji Skarbowej w Łodzi,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot (rapporteur), faisant fonction de président de chambre, M. S. Rodin et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour W. sp. z o.o., par Me P. Guzowski, adwokat,

–        pour le Dyrektor Izby Administracji Skarbowej w Łodzi, par M. B. Kołodziej, Mme D. Pach et M. T. Wojciechowski,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme A. Armenia et M. I. Barcew, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 19 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant W. sp. z o.o. au dyrektor Izby Administracji Skarbowej w Łodzi (directeur de la chambre fiscale de Łódź, Pologne, ci-après l’« autorité fiscale ») au sujet de la demande de W. de déduire la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qu’elle avait acquittée lors de l’acquisition d’un centre commercial, sis en Pologne.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/112 prévoit :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

a)      les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ;

[...] »

4        L’article 19, premier alinéa, de cette directive est libellé ainsi :

« Les États membres peuvent considérer que, à l’occasion de la transmission, à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens, aucune livraison de biens n’est intervenue et que le bénéficiaire continue la personne du cédant. »

 Le droit polonais

5        L’article 2, point 27 e de l’ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et les services), du 11 mars 2004 (Dz. U. de 2004, no 54, position 535), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur la TVA »), dispose :

« Aux fins des dispositions qui suivent, on entend par établissement organisé d’une entreprise, un ensemble de biens corporels et incorporels, y compris les passifs, qui, au sein d’une entreprise existante, sont séparés sur le plan organisationnel et financier et affectés à l’exécution d’activités économiques spécifiques, qui pourrait constituer une entreprise indépendante exécutant ces activités de manière autonome. »

6        Aux termes de l’article 6 de la loi sur la TVA :

« Les dispositions de la loi ne s’appliquent pas :

1)      aux opérations de cession d’une entreprise ou d’un établissement organisé de l’entreprise ;

[...] »

7        L’ article 551 du Kodeks cywilny (code civil), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit :

« Par entreprise, on entend un ensemble organisé d’éléments incorporels et corporels affecté à l’exercice d’une activité économique.

Cet ensemble comprend notamment :

1)      la dénomination individualisant l’entreprise ou ses parties distinctes (le nom de l’entreprise) ;

2)      la propriété de biens immeubles ou meubles, y compris les installations, matériaux, marchandises et produits, ainsi que les autres droits réels sur des biens immeubles ou meubles ;

3)      les droits résultant de contrats de location et de crédit-bail concernant des biens immeubles ou des biens meubles et les droits d’usage des biens immeubles ou meubles résultant d’autres relations juridiques ;

4)      les créances, les valeurs mobilières et les liquidités ;

5)      les concessions, les licences et les autorisations ;

6)      les brevets et autres droits de propriété industrielle ;

7)      les droits d’auteur patrimoniaux et les droits voisins ;

8)      les secrets d’affaires ;

9)      les livres et documents relatifs à l’exercice de l’activité économique. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

8        W., entreprise de droit polonais, a acquis un centre commercial, situé en Pologne. Il ressort du contrat de vente du 30 août 2016 que le vendeur a ainsi transféré à W. un bien immeuble, comprenant un terrain avec un bâtiment et tous les accessoires et constructions situés sur ce terrain. En outre, W. a repris les contrats de bail relatifs aux locaux sis dans le centre commercial qui avaient été conclus avant la vente et s’est vu céder les droits et obligations y afférents. Le contrat de vente prévoyait également le transfert des droits de propriété intellectuelle liés à l’exploitation du centre commercial et des sites Internet.

9        À la suite de cette vente, W. a continué d’exploiter le centre commercial. À cette fin, cette entreprise a conclu de nouveaux contrats avec des fournisseurs de services de base et, dès lors qu’elle n’employait pas de personnel, a choisi un nouveau gestionnaire de ce centre.

10      Du point de vue de la TVA, les parties au contrat ont considéré que l’opération faisant l’objet du contrat de vente était l’acquisition d’un bien immeuble et de tous les accessoires et droits afférents, de telle sorte que cette opération devait être qualifiée de « livraison de biens à titre onéreux », ouvrant le droit à déduction au profit de l’acquéreur.

11      Ce faisant, les parties ont usé de la faculté, reconnue par le droit polonais, d’opter pour l’imposition de l’opération, même si, en principe, la vente d’un immeuble bâti est exonérée de TVA. Il est constant que la facture émise par le vendeur a été acquittée et que la TVA a été versée par W. 

12      L’autorité fiscale a cependant refusé à W. le droit de déduire la TVA afférente à l’opération, au motif que cette dernière consistait en la cession de l’intégralité d’une entreprise ou, à tout le moins, d’un établissement organisé de cette entreprise. Conformément à l’article 6, point 1, de la loi sur la TVA, une telle opération ne serait pas soumise à la TVA, de telle sorte que W. ne pouvait pas déduire la taxe acquittée en amont.

13      W. a contesté cette décision devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Łodzi (tribunal administratif de la voïvodie de Łódź, Pologne).

14      Ce dernier, par jugement du 10 janvier 2018, a confirmé la position de l’autorité fiscale. Selon cette juridiction, le contrat de vente en question ne prévoyait pas le transfert de l’intégralité d’une entreprise, de telle sorte que W. était contraint de conclure des contrats avec des fournisseurs de services de base et d’engager un nouveau gestionnaire afin d’exploiter le centre commercial qu’il avait acquis. Toutefois, l’intention des parties aurait été la vente d’un bien immeuble et le transfert de tous les droits et obligations indispensables à son exploitation, sans discontinuité. Les éléments corporels et incorporels effectivement cédés à W. auraient permis d’atteindre cet objectif. Partant, l’objet de l’opération de vente aurait été le « transfert d’un établissement organisé d’une entreprise », non soumis à la TVA, conformément à l’article 6, point 1, de la loi sur la TVA.

15      W. a saisi la juridiction de renvoi, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), d’un pourvoi contre ce jugement.

16      Cette juridiction doute de la compatibilité de l’article 6, point 1, de la loi sur la TVA avec l’article 19 de la directive 2006/112.

17      En effet, il découlerait de cette dernière disposition que la « succession juridique » entre le vendeur et l’acquéreur des biens constitue l’une de ses conditions d’application. Or, une telle condition n’est pas prévue par le droit polonais.

18      En outre, selon l’interprétation de l’article 6, point 1, de la loi sur la TVA actuellement retenue par les juridictions polonaises, l’applicabilité de cette disposition dépendrait de la question de savoir si l’objet d’une opération donnée est le transfert d’une « entreprise » ou d’un « établissement organisé d’une entreprise ». Cette dernière expression désignerait « un ensemble d’éléments corporels et incorporels, y compris les passifs, distinct sur le plan de l’organisation et du fonctionnement et capable d’exercer une activité économique autonome ».

19      Cette interprétation du droit polonais correspondrait à celle de l’article 19 de la directive 2006/112 retenue par la Cour dans ses arrêts du 27 novembre 2003, Zita Modes (C‑497/01, EU:C:2003:644), et du 10 novembre 2011, Schriever (C‑444/10, EU:C:2011:724). Il découlerait de ces arrêts que l’accent doit être mis sur la capacité des éléments corporels et incorporels cédés à permettre la poursuite autonome des activités économiques.

20      Or, cette approche susciterait des problèmes de sécurité juridique pour les contribuables, liés à la difficulté de distinguer, d’une part, la vente d’un actif ou d’une partie des actifs d’une entreprise devant être qualifiée de « livraison de biens imposable » et, d’autre part, le transfert d’une entreprise ou d’un établissement organisé de celle-ci.

21      Par ailleurs, la juridiction de renvoi s’interroge sur la nature de la condition de « succession juridique » qui serait prévue à l’article 19 de la directive 2006/112 et soulève, notamment, la question de savoir s’il s’agit d’une forme de succession spécifique ou si cette notion vise simplement le transfert d’un droit de propriété.

22      Dans l’hypothèse où il y aurait lieu de considérer que, en vertu du droit polonais, le transfert d’un établissement organisé d’une entreprise, au sens de l’article 6, point 1, de la loi sur la TVA, entraîne une « succession juridique », la juridiction de renvoi cherche à obtenir, en outre, des précisions lui permettant de distinguer un tel transfert, non soumis à la TVA, d’une livraison de biens imposable. En particulier, elle demande si, aux fins de l’application de l’article 6, point 1, de la loi sur la TVA, il est nécessaire que l’acquéreur reprenne tous les actifs et passifs qui forment la partie distincte de l’entreprise qui fait l’objet de la vente ou s’il suffit que seuls les éléments essentiels qui sont nécessaires ou suffisants à son fonctionnement soient transmis.

23      La juridiction de renvoi précise que, dans l’affaire qui lui est soumise, un promoteur immobilier a construit un centre commercial et l’a « développé » par la conclusion de contrats de bail et par l’organisation de son exploitation, notamment en concluant un contrat avec un gestionnaire. Or, l’entreprise ainsi créée n’a pas été cédée entièrement à W., dès lors que les contrats de gestion et d’assurance n’ont pas été inclus dans le contrat de vente. Il conviendrait donc de déterminer si cette vente doit néanmoins être qualifiée de « transfert d’entreprise ».

24      La juridiction de renvoi souligne à cet égard l’importance de la gestion d’une infrastructure immobilière complexe, telle que le centre commercial cédé à W. Elle relève toutefois que les éléments corporels et incorporels acquis par W. lui ont permis de continuer l’exploitation de ce centre commercial, alors même que les contrats d’assurance et de gestion qu’avait conclus le vendeur ne faisaient pas partie de la cession.

25      À toutes fins utiles, la juridiction de renvoi relève que, en 2016, W. avait demandé un rescrit fiscal afin de s’assurer de la licéité de la taxation de l’opération de vente, tout en indiquant que ce volet de l’affaire ne concerne pas sa demande de décision préjudicielle.

26      Dans ces conditions, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les règles du droit de l’Union en matière de TVA doivent-elles être interprétées en ce sens qu’il est admissible d’appliquer une disposition nationale – telle que l’article 6, point 1, de loi sur la TVA – qui soustrait à l’application de la taxe la livraison d’un établissement organisé d’une entreprise sans que cela ne dépende de la condition visée à l’article 19 de la directive 2006/112, à savoir que le cessionnaire continue la personne du cédant ?

2)      Dans l’affirmative, tous les éléments de l’établissement organisé du cédant doivent-ils être transférés pour que l’opération soit soustraite à l’application de la TVA conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la loi sur la TVA, et tout assouplissement à cet égard (notamment l’absence de reprise des contrats d’assurance et de gestion des biens cédés) implique-t-il qu’il s’agit d’une livraison de biens imposable ? »

 Sur les questions préjudicielles

27      En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

28      Il convient de faire application de ladite disposition dans la présente affaire.

 Sur la première question

29      À titre liminaire, il y a lieu de relever qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’article 6, point 1, de la loi sur la TVA vise à transposer l’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112 dans l’ordre juridique polonais. Si la première disposition exclut de l’application de la loi sur la TVA les « opérations de cession d’une entreprise ou d’un établissement organisé de l’entreprise », la seconde n’emploie pas ces termes, mais se réfère à la « transmission, à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens ».

30      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion de « transmission [...] d’une universalité totale ou partielle de biens » doit être interprétée en ce sens qu’elle couvre le transfert d’un fonds de commerce ou d’une partie autonome d’une entreprise, comprenant des éléments corporels et, le cas échéant, incorporels qui, ensemble, constituent une entreprise ou une partie d’une entreprise susceptible de poursuivre une activité économique autonome, mais qu’elle ne couvre pas la simple cession de biens, telle que la vente d’un stock de produits (arrêt du 10 novembre 2011, Schriever, C‑444/10, EU:C:2011:724, point 24 et jurisprudence citée).

31      Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, en droit polonais, les termes « établissement organisé de l’entreprise » désignent « un ensemble d’éléments corporels et incorporels, y compris les passifs, distinct sur le plan de l’organisation et du fonctionnement et capable d’exercer une activité économique autonome ».

32      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition de droit national qui prévoit que la « transmission d’une universalité totale ou partielle de biens » n’est pas soumise à la TVA, sans subordonner son applicabilité à une condition tenant à ce que le bénéficiaire continue la personne du cédant.

33      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112 est rédigé en des termes identiques à l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1), et qu’il y a lieu de l’interpréter au regard de la jurisprudence de la Cour relative à cette dernière disposition (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, Mailat, C‑17/18, EU:C:2018:1038, point 13).

34      Il y a également lieu de rappeler que, aux termes de cet article 19, premier alinéa, les États membres peuvent considérer que, à l’occasion de la transmission, à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens, aucune livraison de biens n’est intervenue et que le bénéficiaire continue la personne du cédant.

35      Il s’ensuit que, lorsqu’un État membre a fait usage de cette faculté, la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens n’est pas considérée comme une livraison de biens aux fins de la directive 2006/112 et n’est donc pas soumise à la TVA en vertu de l’article 2 de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2011, Schriever, C‑444/10, EU:C:2011:724, point 20 et jurisprudence citée).

36      L’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112 prévoit, en outre, qu’il y a lieu de considérer que « le bénéficiaire continue la personne du cédant ». Il ressort du libellé clair de cette disposition que, contrairement à ce que la juridiction de renvoi suggère dans l’énoncé de sa première question, la continuation qu’elle vise est non pas une condition de son application, mais une conséquence du fait qu’aucune livraison n’est censée avoir eu lieu (voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 2003, Zita Modes, C‑497/01, EU:C:2003:644, point 43, et du 19 décembre 2018, Mailat, C‑17/18, EU:C:2018:1038, point 29).

37      Cette interprétation de l’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112 est corroborée par l’objectif de cette disposition qui vise à permettre aux États membres de faciliter les transferts d’entreprises ou de parties d’entreprises, en les simplifiant et en évitant de grever la trésorerie du bénéficiaire d’une charge fiscale démesurée qu’il aurait, en tout état de cause, récupérée ultérieurement par une déduction de la TVA acquittée en amont (arrêt du 10 novembre 2011, Schriever, C‑444/10, EU:C:2011:724, point 23 et jurisprudence citée).

38      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition de droit national qui prévoit que la « transmission d’une universalité totale ou partielle de biens » n’est pas soumise à la TVA, sans subordonner son applicabilité à une condition tenant à ce que le bénéficiaire continue la personne du cédant.

 Sur la seconde question

39      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, par sa seconde question, la juridiction de renvoi cherche à déterminer dans quelles circonstances le transfert d’un « établissement organisé de l’entreprise », au sens de l’article 6, point 1, de la loi sur la TVA, doit être qualifié de « transmission [...] d’une universalité totale ou partielle de biens », visée à l’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112.

40      En outre, ainsi qu’il ressort du point 31 de la présente ordonnance, en droit polonais, les termes « établissement organisé de l’entreprise » désignent « un ensemble d’éléments corporels et incorporels, y compris les passifs, distinct sur le plan de l’organisation et du fonctionnement et capable d’exercer une activité économique autonome ».

41      Il ressort également de cette demande de décision préjudicielle que, dans le cadre de l’opération de cession en cause au principal, à l’exception de certains contrats de gestion et d’assurance notamment, tous les éléments corporels et incorporels de l’entreprise en question ont été transmis à l’acquéreur.

42      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par sa seconde question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « transmission d’une universalité totale ou partielle de biens » le transfert d’une partie d’une entreprise, alors même que tous les éléments corporels et incorporels qui la constituent n’ont pas été cédés à l’acquéreur.

43      À cet égard, ainsi qu’il ressort du point 30 de la présente ordonnance, la notion de « transmission [...] d’une universalité totale ou partielle de biens » doit être interprétée en ce sens qu’elle couvre notamment le transfert d’une partie autonome d’une entreprise, comprenant des éléments corporels et, le cas échéant, incorporels qui, ensemble, constituent une entreprise ou une partie d’une entreprise susceptible de poursuivre une activité économique autonome.

44      La Cour a souligné à cet égard que, pour qu’un transfert d’une partie autonome d’une entreprise puisse être constaté, il faut que l’ensemble des éléments transférés soit suffisant pour permettre la poursuite d’une activité économique autonome (voir, en ce sens, arrêts du 10 novembre 2011, Schriever, C‑444/10, EU:C:2011:724, point 25, et du 19 décembre 2018, Mailat, C‑17/18, EU:C:2018:1038, point 15).

45      À cette fin, il convient d’effectuer une appréciation globale des circonstances de fait caractérisant l’opération en cause. Dans ce cadre, une importance particulière doit être accordée à la nature de l’activité économique dont la poursuite est envisagée (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2011, Schriever, C‑444/10, EU:C:2011:724, points 26 et 32).

46      En outre, il y a lieu de préciser que, pour relever de la notion de « transmission d’une universalité totale ou partielle de biens », visée à l’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112, il faut que le cessionnaire ait eu l’intention d’exploiter le fonds de commerce ou la partie d’entreprise transmis et non simplement de liquider immédiatement l’activité concernée ainsi que, le cas échéant, de vendre le stock (arrêt du 19 décembre 2018, Mailat, C‑17/18, EU:C:2018:1038, point 25 et jurisprudence citée).

47      À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les intentions de l’acquéreur peuvent ou, dans certains cas, doivent être prises en compte lors d’une appréciation globale des circonstances d’une opération, à condition qu’elles soient étayées par des éléments objectifs (arrêt du 19 décembre 2018, Mailat, C‑17/18, EU:C:2018:1038, point 26 et jurisprudence citée).

48      À toutes fins utiles, il convient encore de relever qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle que, en l’occurrence, les éléments corporels et incorporels transmis à W. lui ont permis de continuer l’exploitation de l’entreprise qu’il a acquise et cela même en l’absence de transfert de certains éléments incorporels.

49      Toutefois, il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer, en tenant compte de toutes les circonstances dans lesquelles s’est déroulée l’opération en cause au principal, si celle-ci doit être qualifiée de « transmission [...] d’une universalité totale ou partielle de biens », au sens de l’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112 (voir, par analogie, arrêt du 29 octobre 2009, SKF, C‑29/08, EU:C:2009:665, point 73).

50      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que l’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « transmission d’une universalité totale ou partielle de biens » le transfert d’une partie d’une entreprise, alors même que tous les éléments corporels et incorporels qui la constituent n’ont pas été cédés à l’acquéreur, à condition que l’ensemble des éléments transmis soit suffisant pour permettre à cette entreprise la poursuite d’une activité économique autonome.

 Sur les dépens

51      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à une disposition de droit national qui prévoit que la « transmission d’une universalité totale ou partielle de biens » n’est pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, sans subordonner son applicabilité à une condition tenant à ce que le bénéficiaire continue la personne du cédant.

2)      L’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112

doit être interprété en ce sens que :

relève de la notion de « transmission d’une universalité totale ou partielle de biens » le transfert d’une partie d’une entreprise, alors même que tous les éléments corporels et incorporels qui la constituent n’ont pas été cédés à l’acquéreur, à condition que l’ensemble des éléments transmis soit suffisant pour permettre à cette entreprise la poursuite d’une activité économique autonome.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.

Top