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Document 61999TO0108

Esimese Astme Kohtu määrus (kolmas koda), 7. detsember 1999.
Gemma Reggimenti versus Euroopa Parlament.
Ametnikud - Mittetähtaegselt esitatud hagi - Vastuvõetamatus.
Kohtuasi T-108/99.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1999:310

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

7 décembre 1999 ( *1 )

«Fonctionnaires — Recours — Délais — Caractère d'ordre public — Distinction entre réclamation et demande au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut — Rejet de la réclamation — Recours tardif — Irrecevabilité»

Dans l'affaire T-108/99,

Gemma Reggimenti, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles, représentée par Me Claudine Junion, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de Mme Christine Nabożny, 3, rue Mathias Tresch,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. Hannu von Hertzen, chef de division au service juridique, et Yannis Pantalis, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande en annulation de la décision du Parlement européen du 18 juin 1998 refusant le versement, pour le compte et au nom de la requérante, des allocations familiales, auxquelles lui ouvre droit son enfant, aux tierces personnes ayant la garde de celle-ci, pour la période allant du 29 août au 31 décembre 1997,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. H. Jung,

rend la présente

Ordonnance

Faits et procédure

1

La requérante est fonctionnaire du Parlement européen. Dans le cadre de son divorce, une décision du tribunal de première instance de Bruxelles du 24 décembre 1991 a confié la garde de l'enfant commun au père et a condamné la requérante à verser mensuellement à ce dernier une somme indexée de 8000 BFR à titre de contribution alimentaire à l'entretien de l'enfant. Cette décision prévoyait également que le père percevrait directement du Parlement les allocations familiales auxquelles l'enfant ouvrait droit (ci-après «allocations familiales»).

2

En août 1997, l'enfant de la requérante s'est enfuie du domicile de son père, demeurant en Allemagne. Elle est allée habiter en Italie chez son oncle maternel et l'épouse de celui-ci. Le 22 septembre 1997, la requérante a prévenu l'administration du Parlement de cette situation.

3

Le 8 décembre 1997, la requérante a informé l'administration du Parlement de l'imminence d'une décision judiciaire portant sur la garde de l'enfant. En conséquence, le Parlement a décidé, le 12 décembre 1997, la suspension, à partir du 1er janvier 1998, du versement des allocations familiales jusqu'à l'obtention de cette décision.

4

Le 15 décembre 1997, le tribunal pour les mineurs des Abruzzes (Italie) a rejeté la demande de rapatriement de l'enfant formée par le père de celle-ci et a confié, avec exécution immédiate, au vu de l'urgence, la garde de l'enfant à l'oncle maternel chez lequel elle s'était réfugiée, ainsi qu'à l'épouse de celui-ci.

5

Le 9 février 1998, ayant eu communication de la décision judiciaire sus visée, le Parlement a informé, par note, la requérante que, au vu de cette décision et conformément à l'article 67 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») et aux articles 1 à 3 de l'annexe VII du statut, il cesserait, à partir du 1er janvier 1998, de verser les allocations familiales au père et les verserait, à partir de cette date, à l'oncle maternel.

6

Par lettre du 17 mars 1998, l'avocat de la requérante a demandé au Parlement si, étant donné que l'enfant résidait en Italie depuis la fin du mois d'août 1997, il n'y avait pas lieu de verser les allocations familiales à l'oncle maternel à compter du mois de septembre 1997.

7

Par réponse écrite du 1er avril 1998, le Parlement a rappelé que, selon les articles 1er, 2 et 3 de l'annexe VII du statut, les allocations familiales sont versées à une autre personne pour le compte et au nom du fonctionnaire à partir du moment où l'enfant est confié, en vertu de dispositions légales ou par décision de justice ou de l'autorité administrative compétente, à la garde de cette autre personne. Il en a conclu que, l'enfant ayant été confiée à la garde de son oncle maternel et de son épouse par la décision judiciaire susvisée du 15 décembre 1997, le paiement à cette tierce personne ne pouvait commencer qu'à partir du premier jour du mois suivant, en l'occurrence à partir du 1er janvier 1998.

8

Par lettre du 3 juin 1998, l'avocat de la requérante a, en réponse au courrier du Parlement du 1er avril 1998, réclamé le versement, à l'oncle maternel, des allocations familiales dues depuis le 29 août 1997, date effective de résidence de l'enfant en Italie telle que constatée par la décision judiciaire susvisée, augmentées des intérêts de retard calculés au taux légal pour la période du 29 août au 31 décembre 1997.

9

Par courrier du 18 juin 1998, le Parlement a précisé, notamment, ce qui suit:

«En ce qui concerne les allocations familiales en faveur de [l'enfant] pour la période du 29.08.1997 au 31.12.1997, je vous confirme les termes de la réponse faite par ma lettre du 01.04.1998.»

10

Le 7 août 1998, la requérante s'est adressée au Parlement, par le biais d'une lettre intitulée «réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut», en mettant en cause la décision contenue dans la lettre du Parlement du 18 juin 1998.

11

Le 1er février 1999, le Parlement a émis une décision explicite de rejet des prétentions avancées dans la lettre du 7 août 1998.

12

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 1999, la requérante a introduit le présent recours, enregistré sous le numéro T-108/99.

Conclusions des parties

13

La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision du Parlement du 18 juin 1998 refusant le versement à l'oncle maternel, au nom et pour le compte de la requérante, des allocations familiales dues pour la période du 29 août au 31 décembre 1997;

annuler la décision du Parlement du 1er février 1999 rejetant la réclamation;

condamner le Parlement aux dépens.

14

Le Parlement conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme irrecevable;

à titre subsidiaire, le rejeter comme non fondé;

statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

15

Le Parlement estime que la lettre attaquée du 18 juin 1998 ne constitue pas un acte faisant grief, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, mais un acte confirmaţii de la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»), refusant le versement des allocations familiales à l'oncle maternel avant le 1er janvier 1998, notifiée à la requérante par la note du 9 février 1998 et, en tout état de cause, par la lettre du Parlement du 1er avril 1998. Dans ces conditions, la requérante aurait omis de former, dans le délai de trois mois prévu par l'article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre la décision lui faisant grief. Le recours serait, partant, tardif et, donc, irrecevable.

16

La requérante soutient qu'elle n'a introduit que le 3 juin 1998, formellement et pour la première fois, une demande sollicitant le versement, à partir du 29 août 1997, des allocations familiales à l'oncle maternel. Le refus du Parlement de faire droit à cette demande, exprimé dans son courrier du 18 juin 1998, constituerait l'acte faisant grief susceptible de faire l'objet d'une réclamation et, en cas de rejet de celle-ci, d'un recours.

Appréciation du Tribunal

17

Aux termes de l'article 113 du règlement de procédure, le Tribunal, statuant dans les conditions prévues à l'article 114, paragraphes 3 et 4, du même règlement, peut à tout moment, d'office, examiner les fins de non-recevoir d'ordre public, au rang desquelles figure, selon une jurisprudence constante, le respect des délais de recours. En l'espèce, le Tribunal s'estime suffisamment éclairé par les pièces produites et les explications fournies par les parties pendant la procédure écrite, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ouvrir la procédure orale.

18

A titre liminaire, le Tribunal rappelle que, d'après une jurisprudence constante, même dans l'hypothèse où l'administration a répondu au stade de la phase précontentieuse aux arguments invoqués quant au fond par le réclamant, le Tribunal ne se trouve pas dispensé de vérifier le respect des délais statutaires (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, T-35/96, RecFP p. II-187, points 29 et 30).

19

Les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité d'un recours introduit par un fonctionnaire contre l'institution à laquelle il appartient à la condition d'un déroulement régulier de la procédure administrative préalable. Dans le cas où le fonctionnaire cherche à obtenir que l'AIPN prenne, à son égard, une décision, la procédure administrative doit être introduite par une demande de l'intéressé invitant ladite autorité à prendre la décision sollicitée, conformément à l'article 90, paragraphe 1. C'est seulement contre la décision de rejet de cette demande, laquelle, à défaut de réponse de l'administration, est censée intervenir à l'expiration d'un délai de quatre mois, que l'intéressé peut saisir l'AIPN, dans un nouveau délai de trois mois, d'une réclamation, conformément au paragraphe 2 de cet article. En revanche, lorsqu'il existe déjà une décision prise par l'AIPN et qu'elle constitue une décision faisant grief au fonctionnaire, il est clair qu'une demande, au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut, n'aurait aucun sens et que le fonctionnaire doit alors utiliser la procédure de la réclamation, prévue à l'article 90, paragraphe 2, du statut, lorsqu'il entend demander l'annulation, la réformation ou le retrait de la décision qui lui fait grief (ordonnance du Tribunal du 15 février 1995, Moat/Commission, T-112/94, RecFP p. II-135, points 20 et 25).

20

Il convient également de rappeler que, aux termes de l'article 90, paragraphe 1, du statut, tout fonctionnaire peut demander à l'AIPN de prendre, à son égard, une décision. Toutefois, selon une jurisprudence constante, cette faculté ne permet pas au fonctionnaire d'écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut, pour l'introduction de la réclamation et du recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d'une telle demande, une décision antérieure qui n'avait pas été contestée dans les délais (arrêt de la Cour du 13 novembre 1986, Becker/Commission, C-232/85, Rec. p. 3401, point 8, et ordonnance du Tribunal du 24 mars 1998, Becret-Danieau e.a./Parlement, T-232/97, RecFP p. II-495, point 38).

21

Il convient donc d'en déduire que, dès lors que l'autorité compétente a pris, à l'égard d'un fonctionnaire, une décision faisant grief à ce dernier, celui-ci n'est plus recevable à engager la phase précontentieuse au stade de la demande, mais doit présenter directement à l'AIPN une réclamation dirigée contre cet acte lui faisant grief, comme le prescrit l'article 90, paragraphe 2, du statut.

22

En l'espèce, le Parlement a, dans sa lettre du 1er avril 1998, pris, sans ambiguïté, la décision de ne verser les allocations familiales à l'oncle maternel qu'à partir du 1er janvier 1998 et non pas, comme le souhaitait la requérante, à partir du 29 août 1997. C'est cet acte qui a affecté directement et immédiatement la situation juridique de la requérante et, partant, lui a causé grief.

23

La lettre attaquée du 18 juin 1998, rendue à la suite de la demande de la requérante du 3 juin 1998, ayant pour objet de solliciter le paiement des allocations familiales à partir du 29 août 1997, ne contient aucun élément nouveau par rapport à la situation de droit ou de fait ayant existé au moment où la décision du 1er avril 1998 a été adoptée. Elle se limite formellement à en confirmer les termes et ne peut donc pas être considérée comme une décision nouvelle par rapport à celle-ci.

24

Il résulte des considérations qui précèdent que la requérante, à la suite de la décision du 1er avril 1998, aurait dû introduire directement une réclamation, telle que prévue à l'article 90, paragraphe 2, du statut, et dans les délais y énoncés, au lieu, comme elle l'a fait, d'une demande au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut.

25

Or, en date du 3 juin 1998, la requérante a adressé à l'administration une lettre qu'elle a qualifiée, dans sa lettre titrée «réclamation» du 7 août 1998, de demande au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut, par laquelle elle a contesté le contenu de la décision du 1er avril 1998.

26

Néanmoins, il incombe au Tribunal de procéder à la qualification juridique exacte de cette lettre, comme demande ou comme réclamation, qui, d'après la jurisprudence, relève de la seule appréciation du juge et non de la volonté des parties (voir, par exemple, ordonnances du Tribunal du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, T-14/91, Rec. p. II-235, point 39, et du 20 mars 1998, Ferai/Comité des régions, T-301/97, RecFP p. II-471, point 22). Le fait que la requérante ait qualifié sa lettre du 3 juin 1998 de demande ne porte, dès lors, pas à conséquence.

27

Il y a lieu de rappeler encore que, selon une jurisprudence constante, la lettre par laquelle un fonctionnaire, sans demander expressément le retrait de la décision en cause, vise clairement à obtenir satisfaction de ses griefs à l'amiable ou encore la lettre qui manifeste clairement la volonté du requérant de contester la décision qui lui fait grief constituent une réclamation (ordonnance Weyrich/Commission, précitée, points 39 et 40, et la jurisprudence y citée et, par exemple, arrêt du Tribunal du 14 juillet 1998, Brems/Conseil, T-219/97, RecFP p. II-1085, point 45).

28

En l'espèce, il ressort de la lettre du 3 juin 1998 que la requérante entendait obtenir satisfaction par rapport à ses griefs et qu'elle y contestait la décision du 1er avril 1998. Par conséquent, ladite lettre du 3 juin 1998 constitue une réclamation, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, et non pas une simple demande, au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut, comme le soutient l'intéressée.

29

Il résulte de ces considérations que la réclamation introduite le 3 juin 1998 contre la décision du 1er avril 1998 n'a pas été introduite tardivement.

30

Mais il s'ensuit également que la lettre adressée par la requérante au Parlement en date du 7 août 1998, qualifiée par elle de «réclamation», ne peut constituer une réclamation, mais doit être analysée comme une simple réitération de la réclamation du 3 juin 1998. Elle ne peut donc avoir pour effet de prolonger la procédure précontentieuse (ordonnance du Tribunal du 25 février 1992, Torre/Commission, T-67/91, Rec. p. II-261, point 32).

31

Or, tel qu'il a été exposé, les délais statutaires étant d'ordre public, le Tribunal se trouve amené à examiner également d'office la recevabilité du recours, non seulement par rapport au délai d'introduction de la réclamation, mais également par rapport au délai d'introduction de la requête qui a été déposée, en l'espèce, le 3 mai 1999. Il convient, à cet effet, d'analyser, d'abord, à quelle date est intervenue la réponse du Parlement consécutivement à la réclamation du 3 juin 1998.

32

A supposer que la lettre susvisée du 18 juin 1998, par laquelle le Parlement répond à la réclamation du 3 juin 1998, doive être considérée comme une décision explicite de rejet de celle-ci, le délai pour l'introduction du recours est expiré trois mois après la date de réception de cette lettre, donc en septembre 1998.

33

A supposer même qu'il n'y ait pas lieu de considérer la lettre du 18 juin 1998 comme une décision explicite de rejet de la réclamation, une décision implicite de rejet de la réclamation est intervenue, conformément à l'article 90, paragraphe 2, in fine, du statut, à l'expiration d'un délai de quatre mois à partir de l'introduction de la réclamation, à savoir le 3 octobre 1998. Il s'ensuit que, dans ce cas de figure, le délai de trois mois pour l'introduction du recours a expiré le 3 janvier 1999.

34

Par conséquent, dans les deux hypothèses, le recours, déposé le 3 mai 1999, a été introduit tardivement.

35

Il convient d'ajouter, par ailleurs, que, en ce qui concerne la seconde hypothèse susvisée, la lettre adressée le 1er février 1999 par le Parlement à la requérante en réponse à sa lettre du 7 août 1998, qualifiée par lui de réclamation, est sans incidence. En effet, il est de jurisprudence constante que le rejet explicite d'une réclamation, après que le délai de recours contre le rejet implicite a expiré, ne contenant aucun élément nouveau par rapport à la situation de droit ou de fait au moment du rejet implicite constitue un acte purement confirmatif, non susceptible de faire grief (voir arrêts de la Cour du 25 juin 1970, Elz/Commission, 58/69, Rec. p. 507, du 7 juillet 1971, Müllers/CES, 79/70, Rec. p. 689, et du 10 décembre 1980, Grasselli, 23/80, Rec. p. 3709). Or, en l'espèce, à la date du 1er février 1999, le délai de recours de trois mois contre le rejet implicite intervenu le 3 octobre 1998 était expiré et la lettre du 1er février 1999 ne contenait aucun élément nouveau par rapport à la situation existant au moment du rejet implicite. Dès lors, cette lettre n'a pas pu porter réouverture des délais de recours contentieux.

36

Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté comme irrecevable.

Sur les dépens

37

Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les litiges entre les Communautés et leurs agents restent à la charge de celles-ci.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne:

 

1)

Le recours est rejeté comme irrecevable.

 

2)

Chacune des parties supportera ses propres dépens.

 

Fait à Luxembourg, le 7 décembre 1999.

Le greffier

H. Jung

Le président

K. Lenaerts


( *1 ) Langue de procédure: le français.

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