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Dokument 62014TJ0531

Üldkohtu (teine koda) 3. mai 2017. aasta otsus.
Leïmonia Sotiropoulou jt versus Euroopa Liidu Nõukogu.
Lepinguväline vastutus – Majandus- ja rahanduspoliitika – Liikmesriigile adresseeritud otsus ülemäärase eelarvepuudujäägi kõrvaldamiseks – Pensioniõiguste vähendamine või kehtetuks tunnistamine Kreekas – Eraõiguslikele isikutele õigusi andva normi piisavalt selge rikkumine.
Kohtuasi T-531/14.

Euroopa kohtulahendite tunnus (ECLI): ECLI:EU:T:2017:297

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

3 mai 2017 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Politique économique et monétaire – Décisions adressées à un État membre en vue de remédier à une situation de déficit excessif – Réduction et suppression de droits à pension en Grèce – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers »

Dans l’affaire T‑531/14,

Leïmonia Sotiropoulou, demeurant à Patras (Grèce), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées par Me K. Chrysogonos, avocat,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. A. de Gregorio Merino, Mmes E. Chatziioakeimidou et E. Dumitriu-Segnana, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. J.-P. Keppenne et M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que les requérants auraient prétendument subi à la suite de l’adoption des décisions du Conseil adressées à la République hellénique en activation du mécanisme prévu par l’article 126 TFUE,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin et Mme M. J. Costeira (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Régime de retraite des requérants

1        Les requérants, Mme Leïmonia Sotiropoulou et les autres requérants dont les noms figurent en annexe, sont des personnes retraitées ayant travaillé auprès de l’Organismos Tilepikinonion Ellados AE (organisme grec des télécommunications) et pris leur retraite du fait de leur âge, en application de la procédure prévue par la réglementation grecque.

2        Les requérants se sont affiliés à deux organismes d’assurance sociale, à savoir, d’une part, l’Idryma Koinonikon Asfaliseon – Eniaio Tameio Asfalissis Misthoton du Idryma Koinonikon Asfaliseon (caisse commune des salariés au sein de l’organisme grec des assurances sociales, ci-après l’« IKA »), organisme de sécurité sociale primaire, duquel ils percevaient une pension de vieillesse principale, et, d’autre part, le Tameio epikourikis asfalissis prossopikou OTE (caisse d’assurance sociale complémentaire du personnel de l’organisme grec des télécommunications), qui relève du Tameio Asfalissis trapezon kai epicheiriseon koinis ofeleias (caisse d’assurance sociale des banques et entreprises d’utilité publique), organisme de sécurité sociale complémentaire, duquel ils percevaient une pension de vieillesse complémentaire.

 Procédure de déficit excessif et mécanisme intergouvernemental d’assistance financière pour la République hellénique

3        Le 27 avril 2009, le Conseil de l’Union européenne a décidé, en vertu de l’article 104, paragraphe 6, CE (devenu article 126, paragraphe 6, TFUE), qu’il existait un déficit excessif en Grèce et a adressé à la République hellénique des recommandations l’invitant à corriger ce déficit au plus tard pour l’année 2010, conformément à l’article 104, paragraphe 7, CE (devenu article 126, paragraphe 7, TFUE) et à l’article 3, paragraphe 4, du règlement (CE) nº 1467/97 du Conseil, du 7 juillet 1997, visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs (JO 1997, L 209, p. 6). Le Conseil a, par ailleurs, fixé la date limite du 27 octobre 2009 pour qu’une action suivie d’effets soit engagée par la République hellénique.

4        Au début de l’année 2010, la République hellénique rencontrait des problèmes d’obtention de prêts de la part des marchés internationaux.

5        Le 16 février 2010, le Conseil, sur la base de l’article 126, paragraphe 9, et de l’article 136 TFUE, a adopté la décision 2010/182/UE, mettant la Grèce en demeure de prendre des mesures pour procéder à la réduction du déficit jugée nécessaire pour remédier à la situation de déficit excessif (JO 2010, L 83, p. 13). L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2010/182 prévoit que la République hellénique doit mettre fin à cette situation au plus tard en 2012.

6        Eu égard au fait que la crise de la dette grecque menaçait d’avoir des effets au sein d’autres États membres de la zone euro et mettait en danger la stabilité de cette zone dans son ensemble, les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro, lors du sommet du Conseil européen du 25 mars 2010, se sont accordés pour mettre en place un mécanisme intergouvernemental d’assistance au profit de la République hellénique. Ce mécanisme consistait en des prêts bilatéraux coordonnés à taux d’intérêts non concessionnels, c’est-à-dire sans aucun élément de subvention. L’octroi des prêts serait soumis à des conditions et devrait avoir lieu à la suite d’une demande de la République hellénique. Le mécanisme d’assistance comprendrait aussi une participation substantielle du Fonds monétaire international (FMI).

7        Le mécanisme intergouvernemental susmentionné se fonde sur deux instruments : d’une part, un « Intercreditor Agreement » (convention entre créanciers), auquel les États membres fournissant l’aide sont parties contractantes et qui contient les règles essentielles de coordination entre les bailleurs pour l’octroi de prêts et, d’autre part, un « Loan Facility Agreement » (convention de prêt) entre les États membres de la zone euro fournissant de l’aide (ainsi qu’une entité financière publique allemande, agissant sous les instructions et la garantie de la République fédérale d’Allemagne) et la République hellénique ainsi que la banque centrale grecque.

8        Le 23 avril 2010, la République hellénique a demandé l’activation du mécanisme intergouvernemental d’assistance susmentionné.

9        Le 2 mai 2010, en application de ce mécanisme, les États membres de la zone euro ont donné leur accord pour octroyer à la République hellénique le montant de 80 milliards d’euros dans le cadre d’une enveloppe financière de 110 milliards d’euros qui serait allouée en commun avec le FMI.

10      Le 3 mai 2010, les représentants de la République hellénique et de la Commission européenne – cette dernière agissant pour le compte des États membres de la zone euro – ont signé un document intitulé « Memorandum of Understanding » (protocole d’accord), décrivant un programme d’une durée de trois ans élaboré par le ministère des Finances grec en collaboration avec la Commission, la Banque centrale européenne (BCE) et le FMI, ayant pour objectif l’amélioration des finances publiques grecques ainsi que le rétablissement de la confiance des marchés à l’égard de la situation de ces finances publiques et de l’économie grecque en général. Le protocole d’accord est constitué de trois mémorandums spécifiques : un « Memorandum of Economic and Financial Policies » (protocole relatif aux politiques économiques et financières), un « Memorandum of Understanding on Specific Economic Policy Conditionality » (protocole d’accord sur les conditions spécifiques de politique économique) et un « Technical Memorandum of Understanding » (protocole d’accord technique).

11      Le 8 mai 2010, la convention entre créanciers et la convention de prêt susmentionnées (voir point 7 ci-dessus) ont été signées.

 Décisions litigieuses

12      Le 10 mai 2010, le Conseil a adopté la décision 2010/320/UE, adressée à la Grèce en vue de renforcer et d’approfondir la surveillance budgétaire et mettant la Grèce en demeure de prendre des mesures pour procéder à la réduction du déficit jugée nécessaire pour remédier à la situation de déficit excessif (JO 2010, L 145, p. 6, rectificatif JO 2011, L 209, p. 63), qui a été modifiée par la décision 2010/486/UE du Conseil, du 7 septembre 2010 (JO 2010, L 241, p. 12), par la décision 2011/57/UE du Conseil, du 20 décembre 2010 (JO 2011, L 26, p. 15), et par la décision 2011/257/UE du Conseil, du 7 mars 2011 (JO 2011, L 110, p. 26). La décision 2010/320 a été abrogée par la décision 2011/734/UE du Conseil, du 12 juillet 2011, adressée à la Grèce en vue de renforcer et d’approfondir la surveillance budgétaire et mettant la Grèce en demeure de prendre des mesures pour procéder à la réduction du déficit jugée nécessaire pour remédier à la situation de déficit excessif (JO 2011, L 296, p. 38), et cette dernière a été modifiée par la décision 2011/791/UE du Conseil, du 8 novembre 2011 (JO 2011, L 320, p. 28), par la décision 2012/211/UE du Conseil, du 13 mars 2012 (JO 2012, L 113, p. 8), et par la décision 2013/6/UE du Conseil, du 4 décembre 2012 (JO 2013, L 4, p. 40)(ci-après, prises ensemble, les « décisions litigieuses »).

 Décision 2010/320

13      Aux considérants 4 et 5 de la décision 2010/320, il est précisé, en substance, que des événements économiques négatifs et inattendus, ayant des conséquences très défavorables sur les finances publiques, se sont produits en Grèce, de sorte qu’il était justifié de modifier le contenu de la mise en demeure initiale effectuée le 16 février 2010, par la décision 2010/182, et d’adopter une mise en demeure révisée au titre de l’article 126, paragraphe 9, et de l’article 136 TFUE.

14      Le considérant 8 de la décision 2010/320 fait référence au mécanisme intergouvernemental d’assistance financière destiné à la République hellénique, dans les termes suivants :

« La détérioration extrême des finances publiques du gouvernement grec a conduit les États membres de la zone euro à décider d’intervenir pour soutenir la stabilité en Grèce, afin de sauvegarder la stabilité financière dans l’ensemble de la zone euro, et parallèlement à une aide multilatérale fournie par le Fonds monétaire international. Le soutien fourni par les États membres de la zone euro consistera en une mise en commun de prêts bilatéraux, coordonnée par la Commission. Les bailleurs de fonds ont décidé que leur aide serait subordonnée au respect de la présente décision par la Grèce. Cette dernière devrait notamment prendre les mesures décrites dans la présente décision, conformément au calendrier indiqué. »

15      L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2010/320 reporte l’échéance pour la correction du déficit excessif de la République hellénique en 2014 (au lieu de 2012, comme cela avait été fixé dans la décision 2010/182). Quant à l’article 1er, paragraphe 2, de cette décision, celui-ci prévoit la trajectoire d’ajustement en vue de la correction du déficit excessif et fixe sa limite pour les années 2010 à 2014.

16      L’article 2 de la décision 2010/320 prévoit l’adoption par la République hellénique, conformément au calendrier indiqué, d’un certain nombre de mesures d’assainissement budgétaire visant à réduire les dépenses publiques et à augmenter les recettes de l’État, de mesures visant au renforcement de la surveillance et de la discipline budgétaire et de mesures de nature structurelle visant notamment à améliorer la compétitivité de l’économie grecque en général. Lesdites mesures concernent une multitude de domaines, à savoir, notamment, la politique fiscale, le système des retraites et les pensions, l’organisation de l’administration publique et le système bancaire.

17      L’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2010/320 prévoit que la République hellénique adopte, avant la fin du mois de juin 2010, « la suppression des primes de Pâques, d’été et de Noël versées aux retraités, tout en protégeant les titulaires de pensions modestes, dans le but d’économiser 1 900 millions d’[euros] par année entière (1 500 millions d’[euros] en 2010) ».

18      L’article 2, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/320 prévoit que, pour la fin du mois de septembre 2010, la République hellénique procède à :

« [L]’adoption d’une loi réformant le système des retraites en vue d’assurer sa viabilité à moyen et à long terme. La loi devrait notamment fixer à 65 ans l’âge obligatoire de départ à la retraite (y compris pour les femmes) ; la fusion des fonds de pension existants en trois fonds et un nouveau système des retraites unifié pour tous les employés actuels et futurs (applicable à partir du 1er janvier 2013), l’abaissement du plafond des retraites ; l’allongement progressif de la durée minimale de cotisation pour bénéficier de l’intégralité des prestations de retraite, cette durée passant de trente-sept à quarante ans (d’ici à 2015) ; la fixation à 60 ans de l’âge minimal de départ à la retraite d’ici au 1er janvier 2011 (y compris pour les travailleurs exerçant des métiers pénibles et laborieux et pour les travailleurs ayant cotisé pendant quarante ans) ; l’abolition des règles particulières applicables aux personnes assurées avant 1993 (tout en conservant les droits acquis) ; le raccourcissement substantiel de la liste des métiers pénibles et laborieux ; une réduction des prestations de retraite (de 6 % par an) pour les personnes qui prennent leur retraite entre 60 et 65 ans en ayant cotisé moins de quarante ans ; la création d’un mécanisme d’ajustement automatique liant l’âge de la retraite à l’allongement de l’espérance de vie (à partir de 2020) ; la création d’un revenu minimal garanti sous condition de ressources pour les personnes ayant dépassé l’âge obligatoire de départ à la retraite ; l’introduction de conditions plus strictes pour l’accès aux pensions d’invalidité et le réexamen régulier de l’admissibilité ; une modification de la formule d’octroi des retraites dans le régime basé sur les cotisations afin de renforcer le lien entre les cotisations versées et les prestations reçues (avec un taux d’accumulation annuel limité à un taux annuel moyen de 1,2 %) ; et une extension des revenus pris en compte pour le calcul de la pension de manière à englober les revenus de la vie entière (tout en conservant les droits acquis). Grâce à la mise en œuvre de cette loi, la hausse escomptée du ratio des dépenses de retraites au PIB devrait passer sous la moyenne de la zone euro dans les prochaines décennies et l’accroissement des dépenses consacrées aux retraites dans le secteur public au cours de la période 2010-2060 devrait être inférieur à 2,5 % du PIB. »

19      L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la décision 2010/320 prévoit, en substance, l’obligation pour la République hellénique de présenter au Conseil et à la Commission, tous les trimestres, un rapport exposant les mesures prises pour se conformer à cette décision, au sein duquel doivent figurer des informations détaillées sur, d’une part, les mesures concrètes mises en œuvre à la date du rapport par la République hellénique en vue de se conformer à la décision, y compris leur impact budgétaire quantifié, et, d’autre part, les mesures concrètes que la République hellénique prévoit de mettre en œuvre après la date du rapport en vue de se conformer à la décision ainsi que leur calendrier de mise en œuvre et une estimation de leur impact budgétaire.

20      Selon l’article 4, paragraphe 3, de la décision 2010/320, la Commission et le Conseil analysent les rapports susmentionnés en vue d’évaluer le respect par la République hellénique de cette décision. Dans le cadre de ces évaluations, la Commission peut indiquer les mesures nécessaires pour respecter la trajectoire d’ajustement fixée par la décision en vue de la correction du déficit excessif.

21      Aux termes des articles 5 et 6 de la décision 2010/320, celle-ci prend effet le jour de sa notification et la République hellénique en est le destinataire.

 Décisions 2010/486, 2011/57 et 2011/257

22      L’article 1er de la décision 2010/486 prévoit, dans ses paragraphes 10, 11 et 13, ce qui suit :

« 10. À l’article 2, paragraphe 3, [de la décision 2010/320], les points suivants sont ajoutés :

[...]

“ n) la publication de projections à long terme intermédiaires des dépenses de retraite jusqu’en 2060, comme prévu par les réformes législatives de juillet 2010, couvrant les principaux régimes de retraite (IKA, y compris le régime de retraite des fonctionnaires, OGA et OAEE) ;”

[...]

11. À l’article 2, paragraphe 4, [de la décision 2010/320], le point suivant est ajouté :

“ b) la publication de projections complètes à long terme des dépenses de retraite jusqu’en 2060 comme prévu par les réformes législatives de juillet 2010. Elles prennent en considération les régimes supplémentaires (auxiliaires), sur la base des données complètes recueillies et élaborées par l’autorité actuarielle nationale. Ces projections font l’objet d’un examen par les pairs et d’une validation par le comité de politique économique. ”

[…]

13. À l’article 2, paragraphe 5, [de la décision 2010/320], les points suivants sont ajoutés :

“d) une loi modifiant les principaux paramètres du système de retraite afin de limiter l’augmentation des dépenses du secteur public relatives aux retraites à moins de 2,5 % du PIB sur la période 2009-2060, si les projections à long terme visées à l’article 2, paragraphe 3, point n), et à l’article 2, paragraphe 4, point b), font apparaître que l’augmentation prévue des dépenses publiques de retraite dépasserait ce montant ;

e) une modification du fonctionnement des régimes de retraite publics complémentaires/auxiliaires en vue de stabiliser les dépenses et de garantir leur neutralité à l’égard du budget […]” »

 Décision 2011/734

23      Aux considérants 9 et 10 de la décision 2011/734, il est précisé, en substance, que, en juin 2011, il était devenu manifeste que, compte tenu du dérapage budgétaire de 2010 et de l’exécution budgétaire jusqu’en mai 2011, à politiques inchangées, l’objectif de déficit pour 2011 serait loin d’être atteint, ce qui compromettrait la crédibilité globale du programme. Dès lors, il a paru nécessaire d’actualiser des mesures budgétaires spécifiques pour permettre à la République hellénique de maintenir l’objectif de déficit fixé pour 2011 et de respecter les plafonds de déficit établis par la décision 2010/320. Ces mesures ont fait l’objet de discussions détaillées avec le gouvernement grec et ont été adoptées en accord avec la Commission, la BCE et le FMI.

24      L’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2011/734 prévoit que la République hellénique adopte, avant la fin du mois de juin 2010, « la suppression des primes de Pâques, d’été et de Noël versées aux retraités, tout en protégeant les titulaires de pensions modestes, dans le but d’économiser 1 900 millions d’[euros] par année entière (1 500 millions d’[euros] en 2010) ».

25      L’article 2, paragraphe 3, sous h), et paragraphe 4, sous a), de la décision 2011/734 prévoit, en substance, que la République hellénique adopte, avant la fin du mois de décembre 2010, la publication de « projections à long terme intermédiaires » des dépenses de retraite jusqu’en 2060, comme cela est prévu par les réformes législatives de juillet 2010, et, avant le mois de mars 2011, la publication de « projections complètes à long terme » des dépenses de retraite jusqu’en 2060.

26      L’article 2, paragraphe 5, sous e), de la décision 2011/734 prévoit essentiellement que la République hellénique adopte, avant la fin du mois de juillet 2011, « une loi modifiant les principaux paramètres du système de retraite afin de limiter l’augmentation des dépenses du secteur public relatives aux retraites à moins de 2,5 % du PIB sur la période 2009-2060, si des projections à long terme font apparaître que l’augmentation prévue des dépenses publiques de retraite dépasserait ce montant ».

27      L’article 2, paragraphe 6, sous k), de la décision 2011/734 prévoit, en substance, que la République hellénique adopte, avant la fin du mois de septembre 2011, une révision approfondie du fonctionnement des régimes de retraite publics secondaires ou complémentaires, y compris des caisses d’assistance sociale et des systèmes à prestation forfaitaire, dont l’objectif est de « stabiliser les dépenses de retraite, de garantir la neutralité budgétaire de ces régimes et d’assurer la viabilité à moyen et [à] long terme du système ».

28      L’annexe I de la décision 2011/734 est libellée comme suit :

« La stratégie budgétaire à moyen terme (SBMT) prévue jusqu’à la fin 2015 comportera les mesures suivantes :

[…]

une réduction des prestations sociales d’au moins 1 188 millions d’[euros] en 2011, puis de 1 230 millions d’[euros] supplémentaires en 2012, 1 025 millions d’[euros] en 2013, 1 010 millions d’[euros] en 2014 et 700 millions d’[euros] en 2015, par : un ajustement des régimes de retraite complémentaires et leur gel jusqu’à la fin 2015 ; le gel des retraites de base ; une réforme du système de pensions d’invalidité ; le recensement des retraités ; le recoupement des données personnelles, la mise en œuvre généralisée du numéro de sécurité sociale et le plafonnement des retraites ; la rationalisation des critères de départ en retraite (EKAS) ; la rationalisation des prestations et de la gestion des affiliés à l’OEE, l’OEK et l’OAED ; la réduction des indemnités forfaitaires de départ en retraite ; le recoupement des données personnelles obtenues à la suite de l’instauration de plafonds pour les employés pouvant adhérer aux régimes de l’OAED ; la réduction de la retraite de base de l’OGA et des tranches inférieures des autres caisses de sécurité sociale, et le renforcement des critères liés à la résidence permanente ; la réduction des dépenses liées aux transferts sociaux, grâce au recoupement des données ; une réglementation uniforme de l’assurance santé pour toutes les caisses de sécurité sociale ; l’utilisation de contrats-types avec les hôpitaux et centres de soins privés ; le réexamen des prestations sociales en numéraire et en nature, et la suppression des moins efficaces ; le relèvement de la cotisation spéciale (loi 3863/2010) pour les retraités dont la pension mensuelle dépasse 1 700 [euros], et de la cotisation spéciale pour les retraités de moins de 60 ans dont la pension mensuelle dépasse 1 700 [euros] ; la mise en place d’une cotisation spéciale à progression automatique pour les retraites complémentaires supérieures à 300 [euros] par mois ; et la réduction des transferts vers la NAT (caisse de retraite des marins) et le régime de l’OTE, accompagnée d’une réduction concomitante des dépenses de retraite ou d’une augmentation des cotisations des bénéficiaires […] »

29      Toutes les décisions litigieuses ont comme fondement juridique l’article 126, paragraphe 9, et l’article 136 TFUE.

 Réglementation grecque mettant en œuvre les décisions litigieuses

30      Afin de mettre en œuvre les mesures d’ajustement budgétaire requises par les décisions litigieuses, la République hellénique a adopté des lois, suivies par des circulaires émises par l’IKA.

31      En vertu de l’article 3 du Nomos 3845/2010 – Metra gia tin efarmogi tou michanismou stirixis tis Ellinikis oikonomias apo ta Krati-meli tis zonis tou Evro kai to Diethnes Nomismatiko Tameio (loi 3845/2010, portant mesures d’application du mécanisme de soutien de l’économie grecque par les États membres de l’eurozone et le FMI), du 6 mai 2010 (FEK A’65/6.5.2010), ainsi que de l’Egkyklios IKA 53/2010 – Katavoli tou epidomatos adeias kai ton epidomaton eorton Christougennon kai Pascha (circulaire 53/2010 de l’IKA relative au versement des primes de congé, de Noël et de Pâques), les primes d’été, de Noël et de Pâques ont été supprimées pour les retraités âgés de moins de 60 ans et pour ceux percevant une pension principale supérieure à 2 500 euros. Pour les autres retraités, âgés de plus de 60 ans et dont la pension principale était inférieure à 2 500 euros, ces primes ont été limitées à certaines sommes.

32      L’article 11 du Nomos 3863/2010 – Neo asfalistiko systima kai synafeis diataxeis, rythmiseis stis ergasiakes sxeseis (loi 3863/2010 sur le nouveau système d’assurances sociales, dispositions connexes et dispositions relatives aux relations de travail), du 15 juillet 2010 (FEK A’115/15.7.2010), et l’Egkyklios IKA 51/2010 – Parakratisi apo tis syntaxeis Eisforas Allylegkyis Syntaxiouchon apo 1/8/2010 (circulaire 51/2010 de l’IKA relative à la retenue sur les retraites d’une cotisation de solidarité des retraités à compter du 1er août 2010) prévoyaient la réduction de 3 à 10 %, à partir du 1er août 2010, des pensions principales, en fonction du montant de la pension perçue et en application du taux de réduction sur le montant total de la pension principale.

33      Conformément aux articles 12 et 44 du Nomos 3986/2011 – Epeigonta metra efarmogis Mesoprothesmou plaisiou dimosionomikis stratigikis 2012-2015 (loi 3986/2011, portant mesures urgentes de mise en œuvre du cadre de stratégie financière à moyen terme 2012-2015), du 1er juillet 2011 (FEK A’152/1.7.2011), ainsi qu’à l’Egkyklios IKA 47/2011 – Parakratisi Eisforas Allylegkyis Syntaxiouchon apo 1/8/2011 (circulaire 47/2011 de l’IKA relative à la retenue sur les retraites d’une cotisation de solidarité des retraités à compter du 1er août 2011), les réductions des pensions principales, réalisées en 2010, ont été réajustées à partir du 1er août 2011. En outre, les pensions principales ont subi, par rapport au montant antérieur visé dans la loi 3863/2010, une réduction de 3 à 14 %, en fonction du montant de la pension principale perçue et en application du taux de réduction sur le montant total de la pension principale.

34      L’article 44 de la loi 3986/2011 et l’Egkyklios IKA 61/2011 – Parakratisi apo tis syntaxeis ETEAM eidikis Eisforas Syntaxiouchon epikourikis asfalisis apo 1/9/2011 (circulaire 61/2011 de l’IKA relative à la retenue, effectuée à compter du 1er septembre 2011 sur les retraites de la Caisse commune des salariés, d’une contribution spéciale applicable aux titulaires de retraites complémentaires) mettaient en place, à partir du 1er septembre 2011, une contribution spéciale visant les retraités qui perçoivent une pension complémentaire. En outre, les pensions complémentaires ont été réduites de 3 à 10 %, en fonction du montant de la pension complémentaire perçue et en application du taux de réduction sur le montant total de la pension complémentaire.

35      L’article 2 du Nomos 4024/2011 – Syntaxiodotikes rythmiseis, eniaio misthologio-bathmologio, ergasiaki efedreia kai alles diataxeis efarmogis tou Mesoprothesmou plaisiou dimosionomikis stratigikis 2012-2015 (loi 4024/2011, portant dispositions sur les retraites, barème unitaire des salaires et des grades, réserve de main-d’œuvre et autres dispositions mettant en œuvre le Cadre de stratégie financière à moyen terme 2012-2015), du 27 octobre 2011 (FEK A’226/27.10.2011), et l’Egkyklios IKA 86/2011 – Koinopoiisi ton diataxeon tou arth. 2 tou N. 4024/2011 sxetika me tin apo 1/11/2011 perikopi ton syntaxeon, meta tin parakratisi tis Eisforas Allylegkyis Syntaxiouchon (circulaire 86/2011 de l’IKA relative à la communication des dispositions de l’article 2 de la loi 4024/2011 relatives à la baisse des retraites à compter du 1er novembre 2011, postérieurement à la retenue de la cotisation de solidarité des retraités) prévoient, à partir du 1er janvier 2011, une nouvelle réduction des pensions principales de 20 à 40 %, en fonction de l’âge du retraité combiné au montant de la pension principale.

36      L’article 2 de la loi 4024/2011 et l’Egkyklios IKA 85/2011 – Meioseis syntaxeon ETEAM apo 1/11/2011 (circulaire 85/2011 de l’IKA relative aux réductions des retraites de la Caisse commune des salariés à compter du 1er novembre 2011) imposent, à partir du 1er janvier 2011, une réduction de 30 % de toutes les pensions complémentaires.

37      Selon l’article 6 du Nomos 4051/2012 – Rythmiseis syntaxiodotikoy periechomenou kai alles epeigouses rythmiseis efarmogis tou Mnimoniou synennoisis tou N. 4046/2012 (loi 4051/2012, portant dispositions relatives aux retraites et autres dispositions urgentes mettant en œuvre le Mémorandum d’accord visé par la loi 4046/2012), du 29 février 2012 (FEK A’40/29.2.2012), et l’Egkyklios IKA 34/2012 – Koinopoiisi ton diataxeon tou arth. 6 tou N. 4051/2012 sxetika me tin apo 01/01/2012 perikopi ton syntaxeon (circulaire 34/2012 de l’IKA relative à la communication des dispositions de l’article 6 de la loi 4051/2012 relatives à la baisse des retraites à compter du 1er janvier 2012), les montants des pensions principales mensuelles des retraités de l’IKA-ETAM qui dépassent 1 300 euros ont été réduits de 12 % à partir du 1er janvier 2012.

38      Sur le fondement de l’article 6 de la loi 4051/2012 et de l’Egkyklios IKA 41/2012 – Koinopoiisi eggrafon odigion tou ETEAM schetika me tis meioseis syntaxeon aftou apo 01/01/2012 kat’efarmogi tou arthrou 6 tou N. 4051/2012 (circulaire 41/2012 de l’IKA relative à la communication d’instructions écrites de la Caisse commune des salariés concernant les baisses des retraites de cette caisse à compter du 1er janvier 2012 en application de l’article 6 de la loi 4051/2012), les montants des pensions complémentaires mensuelles versées par l’ETEAM ont, à partir du 1er janvier 2012, été réduits jusqu’à 20 %, en application du taux de réduction sur le montant total de la pension complémentaire.

39      Le Nomos 4093/2012 – Egkrisi Mesoprothesmou plaisiou dimosionomikis stratigikis 2013-2016 – Epeigonta metra efarmogis tou N. 4046/2012 kai tou Mesoprothesmou plaisiou dimosionomikis stratigikis 2013-2016 (loi 4093/2012, portant sur l’approbation du cadre de stratégie financière à moyen terme 2013-2016 – Mesures urgentes de mise en œuvre de la loi 4046/2012 et du cadre de stratégie financière à moyen terme 2013-2016), du 12 novembre 2012 (FEK A’222/12.11.2012), et l’Egkyklios IKA 81/2012 – Koinopoiisi ton diataxeon tis ypoparagrafou IA.5 tou arth. 1 tou N. 4093/2012, sxetika me ti meiosi ton syntaxeon apo 01/01/2013 (circulaire 81/2012 de l’IKA relative à la communication des dispositions du sous-paragraphe IA.5 de l’article 1er de la loi 4093/2012, relatives à la baisse des retraites à compter du 1er janvier 2013) prévoient, à partir du 1er janvier 2013, la suppression de toutes les primes restantes, à savoir celles de Noël, de Pâques et d’été.

 Procédure et conclusions des parties

40      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 juillet 2014, les requérants ont introduit le présent recours.

41      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 novembre 2014, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991. Par ordonnance du Tribunal du 12 juin 2015, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond.

42      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 janvier 2015, les requérants ont déposé leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité.

43      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 novembre 2014, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 29 juin 2015, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

44      Le 14 septembre 2015, le Conseil a, conformément à l’article 114, paragraphe 4, second alinéa, du règlement de procédure du 2 mai 1991, et en dépit de la contestation soulevée par les requérants, déposé son mémoire en défense.

45      Le 1er décembre 2015, les requérants ont déposé leur réplique.

46      Le 1er décembre 2015, la Commission a déposé son mémoire en intervention.

47      Le 25 janvier 2016, le Conseil a déposé sa duplique.

48      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, la présente affaire a été attribuée à la deuxième chambre, dans laquelle un nouveau juge rapporteur a été désigné. 

49      Le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, de son règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

50      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de condamner le Conseil :

–        à réparer le préjudice matériel subi du 1er janvier 2014 au 31 mai 2014, d’un montant total de 870 504,11 euros ; 

–        à leur verser à chacun d’eux la somme de 3 000 euros, à titre d’indemnisation du préjudice moral ;

–        au paiement des dépens. 

51      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

52      La Commission conclut au rejet du recours comme manifestement irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé.

 En droit

 Sur la recevabilité

53      Par acte séparé déposé au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Conseil, soutenu par la Commission, a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre du présent recours.

54      À l’appui de cette exception d’irrecevabilité, le Conseil fait essentiellement valoir que les décisions litigieuses, qui seraient prétendument à l’origine du dommage subi par les requérants, ne contiendraient que des mesures de nature générale dont le contenu spécifique devrait être déterminé par le législateur et l’administration de la République hellénique. En conséquence, le Tribunal ne serait pas compétent pour statuer sur le présent recours. En revanche, le préjudice prétendument subi par les requérants devrait faire l’objet d’un recours devant les juridictions grecques, qui seraient exclusivement compétentes pour connaître de la responsabilité non contractuelle en vertu des actes que le législateur ou l’administration de la République hellénique auraient adoptés en se fondant sur une autonomie et une marge d’appréciation importantes.

55      Les requérants contestent l’exception d’irrecevabilité. Ils considèrent que le législateur grec était contraint d’adopter des lois mettant en œuvre les décisions litigieuses, dès lors que la République hellénique était sous la menace de se voir infliger les sanctions prévues à l’article 126, paragraphes 9 et 11, TFUE. De plus, les décisions litigieuses imposeraient l’adoption de mesures concrètes consistant en un catalogue très détaillé de dispositions qui couvriraient un très vaste éventail de politiques publiques, y compris celles relatives à la sécurité sociale et au système de pensions.

56      La compétence du Tribunal en matière de responsabilité non contractuelle est prévue à l’article 268 TFUE et à l’article 340, deuxième et troisième alinéas, TFUE. Conformément à ces dispositions, le Tribunal est uniquement compétent pour connaître des recours en réparation de dommages causés par les institutions, les organes et les organismes de l’Union européenne ou par leurs agents dans l’exercice de leurs fonctions. En revanche, les dommages causés par les institutions nationales ne sont susceptibles de mettre en jeu que la responsabilité de ces institutions et les juridictions nationales demeurent seules compétentes pour en assurer la réparation (arrêt du 26 février 1986, Krohn Import-Export/Commission, 175/84, EU:C:1986:85, point 18).

57      Il convient de souligner que la vérification de l’imputabilité d’un comportement litigieux à l’Union peut être pertinente, d’une part, dans le cadre de l’examen de la recevabilité d’un recours, dans la mesure où le juge de l’Union est incompétent pour connaître de la réparation d’un préjudice imputable non aux institutions, organes et organismes de l’Union ou à leurs agents, mais à un État membre et, d’autre part, dans le cadre de l’examen au fond d’un recours, étant donné qu’elle fait partie des éléments permettant de déterminer si l’une des trois conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union, à savoir l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché à une institution, à un organe ou à un organisme et le préjudice allégué, est remplie.

58      En l’espèce, en premier lieu, la demande en indemnité introduite par les requérants est fondée sur la prémisse selon laquelle le dommage allégué est la conséquence directe des décisions litigieuses et, partant, serait imputable au Conseil.

59      En second lieu, l’examen de l’argument relatif à l’absence de tout lien pertinent entre les décisions litigieuses et les préjudices allégués relève du fond (voir, en ce sens, arrêt du 8 avril 1992, Cato/Commission, C‑55/90, EU:C:1992:168, points 16 et 17).

60      Il s’ensuit que cette demande en indemnité relève de la compétence du Tribunal et que l’examen de la condition de l’imputabilité du dommage à l’Union doit être apprécié au titre des conditions d’engagement de sa responsabilité.

61      Il résulte de ce qui précède que le recours est recevable.

 Sur le fond

62      À l’appui de leur recours en indemnité, les requérants font valoir, en substance, l’illégalité des décisions du Conseil adressées à la République hellénique en application du mécanisme prévu par l’article 126 TFUE, lesquelles auraient contraint le législateur grec à adopter les lois nationales qui ont réduit leurs pensions. Ces décisions auraient causé des préjudices matériels, pour chacun des requérants, pour la période du 1er janvier 2013 au 31 mai 2014 ainsi qu’un préjudice moral, évalué, pour chacun d’eux, à 3 000 euros.

63      Le Conseil, soutenu par la Commission, précise, d’une part, qu’il n’a pas commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers et, d’autre part, qu’il n’existe aucun lien de causalité entre les décisions litigieuses et les préjudices allégués par les requérants.

64      Il convient de souligner que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêt du 28 avril 1971, Lütticke/Commission, 4/69, EU:C:1971:40, point 10 ; voir, également, arrêts du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 106 et jurisprudence citée, et du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C‑419/08 P, EU:C:2010:147, point 40 et jurisprudence citée).

65      Selon une jurisprudence également constante, dès lors que l’une de ces trois conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de ladite responsabilité (arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 81, et du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, EU:T:2002:34, point 37).

66      En l’espèce, le Tribunal estime qu’il convient d’examiner d’abord la condition tenant à l’illégalité des décisions litigieuses.

67      Dans le cadre de l’illégalité du comportement reproché au Conseil, les requérants présentent deux griefs. Dans le premier grief, ils font valoir la violation du principe d’attribution des compétences et du principe de subsidiarité, prévus aux articles 4 et 5 TUE. Dans le second grief, ils invoquent le fait que les décisions litigieuses portent atteinte à leur droit à la dignité humaine ainsi qu’à leur droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux, tels que consacrés par les articles 1er, 25 et 34 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

68      S’agissant du premier grief, les requérants précisent, en substance, que les décisions litigieuses reprennent le contenu du protocole d’accord, qui a défini de manière détaillée les mesures de politique fiscale et sociale et les mesures de politique des revenus et de politique relative au système des assurances sociales et des retraites que la République hellénique devait adopter afin de réduire son déficit public. Les requérants font valoir que ces politiques relèvent de la compétence exclusive des États membres, conformément au principe d’attribution des compétences, tel qu’il résulte des articles 2 à 6 TFUE, et que les décisions litigieuses ont été prises sur la base des articles 126 et 136 TFUE et relèvent du chapitre de l’exercice de la politique économique. Par conséquent, les décisions litigieuses, étant donné qu’elles ont fixé de façon détaillée la politique devant être suivie par la République hellénique dans les secteurs précités, auraient été adoptées en excédant les compétences reconnues au Conseil par le TUE et le TFUE.

69      À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la condition tenant à l’illégalité du comportement reproché exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 42, et du 26 octobre 2011, Dufour/BCE, T‑436/09, EU:T:2011:634, point 190).

70      Deuxièmement, il convient de relever que la jurisprudence a déjà précisé que le principe d’attribution des compétences, concernant le système de répartition des compétences entre institutions de l’Union, a pour but d’assurer le respect de l’équilibre institutionnel prévu par le traité et non la protection des particuliers (arrêt du 13 mars 1992, Vreugdenhil/Commission, C‑282/90, EU:C:1992:124, point 20).

71      Troisièmement, il ressort du principe de subsidiarité, énoncé à l’article 5, paragraphe 3, TUE, que l’Union n’intervient dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive que si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau de l’Union (arrêt du 4 mai 2016, Pologne/Parlement et Conseil, C‑358/14, EU:C:2016:323, point 111).

72      Or, les principes d’attribution des compétences et de subsidiarité, invoqués, en l’espèce, par les requérants, régissent, respectivement, la répartition des compétences entre les États membres et l’Union et l’exercice de celles-ci par l’Union et ne sauraient être considérés comme ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. Partant, l’éventuelle violation de ces principes ne saurait, à elle seule, suffire à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

73      En tout état de cause, les décisions litigieuses ne sauraient, en l’espèce, porter atteinte aux principes d’attribution des compétences et de subsidiarité, étant donné qu’elles ont été prises en vue de renforcer et d’approfondir la surveillance budgétaire ainsi que de mettre la République hellénique en demeure de prendre « des mesures pour procéder à la réduction du déficit jugée nécessaire pour remédier à la situation de déficit excessif ». Partant, les décisions litigieuses correspondent à l’exercice des compétences qui sont expressément attribuées au Conseil par l’article 126, paragraphe 9, et l’article 136 TFUE.

74      Il en irait différemment si les décisions litigieuses avaient été adoptées en méconnaissance non seulement de la répartition des compétences, mais également, en ses dispositions matérielles, d’une règle supérieure de droit protégeant les particuliers (arrêts du 13 mars 1992, Vreugdenhil/Commission, C‑282/90, EU:C:1992:124, point 22, et du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 81), ce qu’il revient au Tribunal d’examiner dans le cadre du second grief.

75      S’agissant du second grief, les requérants soulignent, en substance, que l’ensemble des réductions de pensions apparaît comme excessif et disproportionné, ne respectant pas le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et celles de la protection de leurs droits fondamentaux, consacrés aux articles 1er, 25 et 34 de la charte des droits fondamentaux, à savoir leur droit à la dignité humaine et leur droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux.

76      Dès lors, dans la mesure où les dispositions de la charte des droits fondamentaux, dont la violation est alléguée, constituent des règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, il y a lieu de vérifier si leur éventuelle violation est, en l’espèce, de nature à engager la responsabilité de l’Union.

77      En ce qui concerne l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée, le régime dégagé par la Cour en matière de responsabilité non contractuelle de l’Union prend notamment en compte la complexité des situations à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes et, plus particulièrement, la marge d’appréciation dont dispose l’auteur de l’acte mis en cause [voir arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 50 et jurisprudence citée].

78      Ainsi, le critère décisif permettant de considérer qu’une violation du droit de l’Union est suffisamment caractérisée est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Nikolaou/Cour des comptes, C‑220/13 P, EU:C:2014:2057, point 53 et jurisprudence citée).

79      Cette exigence d’une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union vise à éviter que le risque de devoir supporter les dommages allégués par les personnes concernées n’entrave la capacité de l’institution concernée à exercer pleinement ses compétences dans l’intérêt général, tant dans le cadre de son activité normative ou impliquant des choix de politique économique que dans la sphère de sa compétence administrative, sans pour autant laisser peser sur des particuliers la charge des conséquences de manquements flagrants et inexcusables (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 34 et jurisprudence citée).

80      En l’espèce, il convient de constater que le Conseil, lors de l’adoption des décisions litigieuses, bénéficiait d’un large pouvoir d’appréciation.

81      En effet, lesdites décisions constituent la mise en œuvre des prérogatives qui sont attribuées au Conseil par l’article 126, paragraphe 9, et l’article 136 TFUE dans le cadre de la procédure concernant les déficits excessifs des États membres de la zone euro. Ces dispositions déterminent uniquement le type de mesures que le Conseil peut adresser à l’État membre concerné, en vue des objectifs fixés. En outre, ces prérogatives impliquent, essentiellement, des choix de politique économique justifiant que les traités laissent à l’institution un large pouvoir d’appréciation.

82      Dès lors, il y a lieu d’examiner si le Conseil, en adoptant les décisions litigieuses, a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites de ce pouvoir d’appréciation.

83      À cet égard, il convient de rappeler que les décisions litigieuses ont été adoptées à la suite de la décision du Conseil du 27 avril 2009, par laquelle il a constaté qu’il existait un déficit excessif en Grèce et adressé à la République hellénique des recommandations l’invitant à corriger ce déficit au plus tard pour l’année 2010, conformément à l’article 104, paragraphe 7, CE (devenu article 126, paragraphe 7, TFUE).

84      Par ailleurs, les décisions litigieuses ont été adoptées à la suite du constat selon lequel la détérioration des finances publiques de la République hellénique constituait une menace pour sa stabilité financière et, plus généralement, pour celle de la zone euro. Ainsi, les États membres de la zone euro se sont accordés pour mettre en place un mécanisme intergouvernemental d’assistance au profit de la République hellénique. Ce soutien fourni par les États membres de la zone euro consistait en une mise en commun de prêts bilatéraux, complétée parallèlement par une aide fournie par le FMI (voir considérants 5 et 8 de la décision 2010/320).

85      Dans ce contexte, les mesures budgétaires énoncées dans les décisions litigieuses ont fait l’objet de discussions détaillées avec le gouvernement grec et ont été adoptées d’un commun accord par la Commission, la BCE et le FMI (voir considérant 9 de la décision 2011/734). En particulier, la réduction des pensions et la suppression des primes avaient déjà été prévues par le protocole d’accord signé le 3 mai 2010.

86      Ainsi, au regard de l’ensemble de ce qui précède, il n’était pas manifestement injustifié de prévoir l’adoption de mesures d’économie concernant différentes dépenses, y compris celles liées au système des retraites.

87      Partant, en adoptant les décisions litigieuses, le Conseil n’a pas dépassé les limites de son large pouvoir d’appréciation.

88      Par ailleurs, en admettant que les décisions litigieuses étaient susceptibles de produire le préjudice invoqué par les requérants, ce qu’il faudrait encore établir dans le cadre de l’examen de l’existence d’un lien de causalité, il convient d’observer que les droits d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux allégués par les requérants ne sont pas des prérogatives absolues. En effet, leur exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union, ainsi que l’atteste l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, dès lors qu’elles sont nécessaires et répondent effectivement à de tels objectifs.

89      Or, les mesures ayant pour objectif de réduire le montant des retraites répondent, en l’espèce, à des objectifs d’intérêt général, à savoir ceux qui consistent à assurer l’assainissement budgétaire, la réduction des dépenses publiques et le soutien du système de pensions de cet État membre. Par conséquent, ces mesures répondent également à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union, à savoir ceux qui consistent à assurer la discipline budgétaire des États membres dont la monnaie est l’euro et à assurer la stabilité financière de la zone euro.

90      Compte tenu de ces objectifs et eu égard au risque imminent qui pesait sur la solvabilité de cet État membre, ces mesures – concrétisées par les lois nationales mentionnées aux points 30 à 39 ci-dessus – ne sauraient être considérées comme des restrictions injustifiées des droits invoqués par les requérants et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir, par analogie, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 70 à 75).

91      Partant, il ne saurait être considéré que, en adoptant les décisions litigieuses, le Conseil a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s’imposaient à l’exercice de ses pouvoirs.

92      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que les requérants ne sont pas parvenus à démontrer que le Conseil avait commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

93      Par conséquent, dès lors que l’une des conditions cumulatives d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, prévue à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, fait défaut, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

95      Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

96      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Leïmonia Sotiropoulou et les autres requérants dont les noms figurent en annexe sont condamnés aux dépens.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Prek

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mai 2017.

Signatures


* Langue de procédure : le grec


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.

Üles