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Document 62017CJ0205
Judgment of the Court (Eighth Chamber) of 25 July 2018.#European Commission v Kingdom of Spain.#Failure of a Member State to fulfil obligations — Collection and treatment of urban waste water — Directive 91/271/EEC — Articles 3 and 4 — Judgment of the Court declaring a failure to fulfil obligations — Non-compliance — Article 260(2) TFEU — Pecuniary penalties — Penalty payment and lump sum.#Case C-205/17.
Euroopa Kohtu otsus (kaheksas koda), 25.7.2018.
Euroopa Komisjon versus Hispaania Kuningriik.
Liikmesriigi kohustuste rikkumine – Asulareovee kogumine ja puhastamine – Direktiiv 91/271/EMÜ – Artiklid 3 ja 4 – Euroopa Kohtu otsus, millega tuvastati liikmesriigi kohustuste rikkumine – Täitmata jätmine – ELTL artikli 260 lõige 2 – Rahalised karistused – Karistusmakse ja põhisumma.
Kohtuasi C-205/17.
Euroopa Kohtu otsus (kaheksas koda), 25.7.2018.
Euroopa Komisjon versus Hispaania Kuningriik.
Liikmesriigi kohustuste rikkumine – Asulareovee kogumine ja puhastamine – Direktiiv 91/271/EMÜ – Artiklid 3 ja 4 – Euroopa Kohtu otsus, millega tuvastati liikmesriigi kohustuste rikkumine – Täitmata jätmine – ELTL artikli 260 lõige 2 – Rahalised karistused – Karistusmakse ja põhisumma.
Kohtuasi C-205/17.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:606
ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
25 juillet 2018 (*)
« Manquement d’État – Collecte et traitement des eaux urbaines résiduaires – Directive 91/271/CEE – Articles 3 et 4 – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Inexécution – Article 260, paragraphe 2, TFUE – Sanctions pécuniaires – Astreinte et somme forfaitaire »
Dans l’affaire C‑205/17,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, introduit le 20 avril 2017,
Commission européenne, représentée par M. E. Manhaeve et Mme E. Sanfrutos Cano, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Royaume d’Espagne, représenté par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. M. Safjan (rapporteur) et M. Vilaras, juges,
avocat général : M. Y. Bot,
greffier : Mme L. Carrasco Marco, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 avril 2018,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :
– de constater que, en n’ayant pas pris toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE ;
– de condamner le Royaume d’Espagne à verser à la Commission une astreinte d’un montant de 171 217,2 euros pour chaque jour de retard dans l’exécution de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non-publié, EU:C:2011:260), à compter du jour du prononcé du présent arrêt et jusqu’au jour de l’exécution de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260) ;
– de condamner le Royaume d’Espagne à verser à la Commission une somme forfaitaire d’un montant de 19 303,9 euros par jour, à compter du jour du prononcé de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non-publié, EU:C:2011:260), et jusqu’à la date de l’arrêt ou jusqu’à la date de pleine exécution de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), si celle-ci a lieu avant, et
– de condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.
Le cadre juridique
2 Selon l’article 1er, premier alinéa, de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO 1991, L 135, p. 40), telle que modifiée par le règlement (CE) no 1137/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008 (JO 2008, L 311, p. 1) (ci-après la « directive 91/271 »), celle-ci concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels. Aux termes du second alinéa dudit article 1er, cette directive a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux urbaines résiduaires.
3 L’article 2 de la directive 91/271 dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
1) “eaux urbaines résiduaires” : les eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement ;
[...]
4) “agglomération” : une zone dans laquelle la population et/ou les activités économiques sont suffisamment concentrées pour qu’il soit possible de collecter les eaux urbaines résiduaires pour les acheminer vers une station d’épuration ou un point de rejet final ;
5) “système de collecte” : un système de canalisations qui recueille et achemine les eaux urbaines résiduaires ;
6) “un équivalent habitant (EH)” : la charge organique biodégradable ayant une demande biochimique d’oxygène en cinq jours (DB05) de 60 grammes d’oxygène par jour ;
[...]
8) “traitement secondaire” : le traitement des eaux urbaines résiduaires par un procédé comprenant généralement un traitement biologique avec décantation secondaire ou par un autre procédé permettant de respecter les conditions du tableau 1 de l’annexe I ;
[...] »
4 L’article 3 de cette directive énonce :
« 1. Les États membres veillent à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires :
– au plus tard le 31 décembre 2000 pour celles dont l’équivalent habitant (EH) est supérieur à 15 000
et
– au plus tard le 31 décembre 2005 pour celles dont l’EH se situe entre 2 000 et 15 000.
[...]
Lorsque l’installation d’un système de collecte ne se justifie pas, soit parce qu’il ne présenterait pas d’intérêt pour l’environnement, soit parce que son coût serait excessif, des systèmes individuels ou d’autres systèmes appropriés assurant un niveau identique de protection de l’environnement sont utilisés.
2. Les systèmes de collecte décrits au paragraphe 1 doivent répondre aux prescriptions de l’annexe I, point A. [...] »
5 L’article 4 de ladite directive prévoit :
« 1. Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent selon les modalités suivantes :
– au plus tard le 31 décembre 2000 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 15 000,
– au plus tard le 31 décembre 2005 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 10 000 et 15 000,
– au plus tard le 31 décembre 2005 pour les rejets, dans des eaux douces et des estuaires, provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 2 000 et 10 000.
[...]
3. Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées aux paragraphes 1 et 2 doivent répondre aux prescriptions pertinentes de l’annexe I, point B. [...]
4. La charge exprimée en EH est calculée sur la base de la charge moyenne maximale hebdomadaire qui pénètre dans la station d’épuration au cours de l’année, à l’exclusion des situations inhabituelles comme celles qui sont dues à de fortes précipitations. »
6 L’article 10 de la même directive dispose :
« Les États membres veillent à ce que les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires construites pour satisfaire aux exigences des articles 4, 5, 6 et 7 soient conçues, construites, exploitées et entretenues de manière à avoir un rendement suffisant dans toutes les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées. Il convient de tenir compte des variations saisonnières de la charge lors de la conception de ces installations. »
7 L’annexe I de la directive 91/271, intitulée « Prescriptions relatives aux eaux urbaines résiduaires », est ainsi libellée :
« [...]
B. Rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires dans les eaux réceptrices [...]
1. Les stations d’épuration des eaux usées sont conçues ou modifiées de manière que des échantillons représentatifs des eaux usées entrantes et des effluents traités puissent être obtenus avant rejet dans les eaux réceptrices.
2. Les rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, traités conformément aux articles 4 et 5 de la présente directive, répondent aux prescriptions figurant au tableau 1.
[...] »
L’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260)
8 Dans son arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), la Cour a accueilli le recours en manquement introduit par la Commission au titre de l’article 258 TFUE, et a jugé que :
« en n’assurant pas :
– la collecte des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de plus de 15 000 EH de Valle de Güimar, Noreste (Valle Guerra), Valle de la Orotava, Arenys de Mar, Alcossebre et Cariño, conformément à l’article 3 de la directive [91/271], et
– le traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de plus de 15 000 EH d’Arroyo de la Miel, Arroyo de la Víbora, Estepona (San Pedro de Alcántara), Alhaurín el Grande, Coín, Barbate, Chipiona, Isla Cristina, Matalascañas, Nerja, Tarifa, Torrox Costa, Vejer de la Frontera, Gijón-Este, Llanes, Valle de Güimar, Noreste (Valle Guerra), Los Llanos de Aridane, Arenys de Mar, Pineda de Mar, Ceuta, Alcossebre, Benicarló, Elx (Arenales), Peñíscola, Teulada Moraira (Rada Moraira), Vinaròs, A Coruña, Cariño, Tui, Vigo, Aguiño-Carreira-Ribeira, Baiona, Noia, Santiago, Viveiro et Irún (Hondarribia), conformément aux paragraphes 1, 3 et, le cas échéant, 4 de l’article 4 de la directive 91/271,
le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive. »
La procédure précontentieuse au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE
9 Dans le cadre du contrôle de l’exécution de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), la Commission a demandé des informations au Royaume d’Espagne sur les mesures adoptées pour exécuter cet arrêt.
10 Les autorités espagnoles ont répondu par lettres des 29 juin 2011, 29 mars 2012, 28 novembre 2012 et 26 mars 2013, en rendant compte des mesures adoptées afin de se conformer audit arrêt et de leur état de mise en œuvre.
11 Au vu desdites réponses, la Commission a envoyé, le 31 mai 2013, une lettre de mise en demeure, reçue le même jour par les autorités espagnoles, enjoignant à ces dernières de lui faire parvenir leurs observations dans un délai de deux mois à compter de la réception de cette lettre. Dans ladite lettre, la Commission estimait que le Royaume d’Espagne n’avait pas adopté toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), en ce qui concerne l’absence de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Valle de Güimar et d’Alcossebre, conformément à l’article 3 de la directive 91/271, et l’absence de traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Alhaurín el Grande, de Barbate, d’Isla Cristina, de Matalascañas, de Tarifa, de Llanes, de Valle de Güimar, de Peñíscola, d’Aguiño-Carreira-Ribeira, d’Irún (Hondarribia), d’Estepona (San Pedro de Alcántara), de Coín, de Chipiona, de Nerja, de Gijón–Este, de Noreste (Valle Guerra), d’Arenys de Mar, de Pineda de Mar, de Ceuta, d’Alcossebre, de Benicarló, de Teulada Moraira (Rada Moraira), d’A Coruña, de Vigo et de Santiago de Compostela, conformément à l’article 4, paragraphes 1, 3 et, le cas échéant, 4, de la directive 91/271.
12 Les autorités espagnoles ont répondu par lettres des 12 août 2013, 7 janvier 2014, 20 février 2014, 20 août 2014 et 18 février 2015. À la suite de nouveaux échanges avec la Commission, les autorités espagnoles ont envoyé leurs derniers rapports en réponse à la lettre de mise en demeure du 27 septembre 2016, les 21 octobre 2016 et 8 décembre 2016.
13 Estimant, sur la base des informations ainsi obtenues, que la mise en conformité avec l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), faisait toujours défaut pour 17 agglomérations, la Commission a introduit le présent recours.
Sur le manquement
Argumentation des parties
14 Dans sa requête, la Commission expose que le Royaume d’Espagne n’a pas adopté toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), en ce qui concerne l’absence de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Valle de Güimar, conformément à l’article 3 de la directive 91/271, et l’absence de traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Alhaurín el Grande, de Barbate, d’Isla Cristina, de Matalascañas, de Tarifa, de Valle de Güimar, de Peñíscola, d’Aguiño-Carreira–Ribeira, d’Estepona (San Pedro de Alcántara), de Coín, de Nerja, de Gijón-Este, de Noreste (Valle Guerra), de Benicarló, de Teulada Moraira (Rada Moraira), de Vigo et de Santiago de Compostela, conformément à l’article 4, paragraphes 1, 3 et, le cas échéant, 4, de la directive 91/271 et que, par conséquent, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.
15 Le Royaume d’Espagne ne conteste la réalité du manquement reproché que pour l’agglomération de Valle de Güimar, au regard de laquelle un réaménagement nécessaire, à savoir la division en deux agglomérations, aurait pour conséquence qu’une violation des articles 3 et 4 de la directive 91/271 serait exclue.
16 Par ailleurs, cet État membre soutient que l’exécution de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), a entre-temps été assurée en ce qui concerne neuf agglomérations mentionnées dans la requête, à savoir celles d’Estepona (San Pedro de Alcántara), de Valle de Güimar, de Noreste (Valle Guerra), d’Aguiño-Carreira-Ribeira, de Vigo, de Santiago de Compostela, de Benicarló, de Peñiscola et de Teulada Moraira (Rada Moraira).
17 S’agissant des autres agglomérations, le Royaume d’Espagne souligne que les efforts réalisés pour se conformer à l’arrêt ont été constants et se poursuivent.
Appréciation de la Cour
18 Afin de déterminer si le Royaume d’Espagne a adopté toutes les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), il convient de vérifier si cet État membre a pleinement respecté l’article 3 et l’article 4, paragraphes 1, 3 et, le cas échéant, 4, de la directive 91/271, plus particulièrement en équipant les agglomérations concernées de systèmes de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires conformes à ces dispositions.
19 En ce qui concerne la procédure en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, il y a lieu de retenir comme date de référence pour apprécier l’existence d’un tel manquement celle de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure émise en vertu de cette disposition (arrêt du 22 février 2018, Commission/Grèce, C–328/16, EU:C:2018:98, point 49).
20 En l’occurrence, la Commission ayant émis la lettre de mise en demeure le 31 mai 2013 et cette lettre ayant été reçue le même jour, la date de référence pour apprécier l’existence du manquement est celle de l’expiration du délai fixé dans ladite lettre, à savoir le 31 juillet 2013.
21 Il y a lieu de constater que, à cette dernière date, le Royaume d’Espagne n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires afin de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 et de l’article 4, paragraphes 1, 3 et, le cas échéant, 4, de la directive 91/271.
22 En effet, il ressort du dossier soumis à la Cour que, à l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure de la Commission, le traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Alhaurín el Grande, de Barbate, d’Isla Cristina, de Matalascañas, de Tarifa, de Peñíscola, d’Aguiño–Carreira–Ribeira, d’Estepona (San Pedro de Alcántara), de Coín, de Nerja, de Gijón-Este, de Noreste (Valle Guerra), de Benicarló, de Teulada Moraira (Rada Moraira), de Vigo et de Santiago de Compostela n’était pas assuré conformément à l’article 4 de la directive 91/271.
23 S’agissant de la collecte et du traitement des eaux urbaines résiduaires de Valle de Güimar, l’argumentation du Royaume d’Espagne portant sur une prétendue nécessité de réaménager le territoire, avec pour conséquence qu’une violation des articles 3 et 4 de ladite directive serait exclue, il suffit de rappeler que cette violation a d’ores et déjà été constatée par la Cour au point 56 de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260). Or, en l’absence d’un cas de force majeure survenu à la suite dudit arrêt et rendant impossible son exécution, le Royaume d’Espagne ne saurait exciper de difficultés d’ordre interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant de l’exécution d’un arrêt constatant un manquement.
24 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas pris toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.
Sur les sanctions pécuniaires
Sur l’astreinte
Argumentation des parties
25 La Commission propose à la Cour, conformément à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, et sur la base de sa communication du 13 décembre 2005, intitulée « Mise en œuvre de l’article [260 TFUE] »[SEC(2005) 1658], telle que mise à jour par la communication de la Commission du 9 août 2016, intitulée « Mise à jour des données utilisées pour le calcul des sommes forfaitaires et des astreintes que la Commission proposera à la Cour de justice dans le cadre de procédures d’infraction » [C(2016) 5091 final] (ci-après la « communication du 13 décembre 2005 »), de condamner le Royaume d’Espagne au paiement d’une astreinte.
26 Dans ce cadre, la Commission considère que la fixation du montant de l’astreinte doit se fonder sur trois critères, à savoir la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci et la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la sanction elle-même.
27 S’agissant, tout d’abord, de la gravité de l’infraction, la Commission rappelle l’importance de la directive 91/271 du point de vue de la protection environnementale ainsi que la gravité particulière des manquements à cette directive. Cette institution relève également que l’exécution incomplète de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), comporte des risques graves de pollution de l’environnement, pouvant avoir de graves conséquences pour la santé humaine.
28 Cette situation serait aggravée par le fait que, au moment de la saisine de la Cour, plus de quinze ans se sont écoulés depuis l’échéance fixée par la directive 91/271 et plus de cinq ans depuis le prononcé de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), alors que les dispositions pertinentes de cette directive seraient claires.
29 Qui plus est, de nombreuses procédures d’infraction en cours contre le Royaume d’Espagne dans le secteur spécifique du traitement des eaux urbaines résiduaires mettraient en évidence l’existence d’un comportement infractionnel récurrent de cet État membre dans ce domaine.
30 Toutefois, et malgré les efforts incontestables réalisés par les autorités espagnoles, une agglomération dont l’EH est supérieur à 15 000 sur les 6 visées par l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), ne se serait toujours pas conformée à l’article 3 de la directive, à savoir celle de Valle de Güimar, et 17 agglomérations dont l’EH est supérieur à 15 000, sur les 37 que concerne cet arrêt, ne se seraient toujours pas conformées à l’article 4 de la directive 91/271 à l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure.
31 Cela étant, la Commission a reconnu, dans sa réplique, que sept autres agglomérations s’étaient conformées, après le délai fixé dans la lettre de mise en demeure, aux exigences de la directive 91/271, à savoir celles d’Estepona (San Pedro de Alcántara), de Noreste (Valle Guerra), d’Aguiño-Carreira-Ribeira, de Vigo, de Benicarló, de Peñiscola et de Teulada Moraira (Rada Moraira). Lors de l’audience, cette institution a également reconnu la mise en conformité pour ce qui concerne Santiago de Compostela.
32 Au regard de ces considérations, la Commission propose d’appliquer des sanctions calculées sur la base d’un coefficient de gravité de 7, sur une échelle de 1 à 20.
33 S’agissant, ensuite, de la durée de l’infraction, la Commission souligne que la Cour a rendu l’arrêt Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), le 14 avril 2011, tandis que la Commission a décidé d’introduire un recours sur le fondement de l’article 260, paragraphe 2, TFUE le 17 novembre 2016. La période écoulée entre la date du prononcé de cet arrêt et celle de l’introduction du présent recours étant de 67 mois, cette institution demande que le coefficient relatif à la durée de l’infraction soit fixé à 3, sur une échelle de 1 à 3.
34 Enfin, pour ce qui est de la capacité de paiement de l’État membre poursuivi, prise en considération au moyen du coefficient dénommé « facteur “n” », la Commission indique que ledit facteur relatif au Royaume d’Espagne est fixé à 11,99 dans la communication du 13 décembre 2005.
35 Afin de calculer le montant de l’astreinte sur la base de la communication du 13 décembre 2005, la Commission indique qu’il y a lieu de multiplier le montant forfaitaire de base, s’élevant à 680 euros, par le coefficient de gravité, le coefficient de durée et le facteur « n ». Ainsi, en l’occurrence, la Commission propose, dans sa requête, une astreinte journalière d’un montant de 171 217,2 euros, laquelle a été réduite à un montant de 78 120,421 euros dans la réplique et, enfin, à 53 441,527 euros lors de l’audience, au regard de la mise en conformité par étapes de huit agglomérations au total, postérieurement à l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure.
36 Dans le même temps, la Commission estime qu’il convient de réduire progressivement le montant de l’astreinte en fonction des progrès réalisés dans l’exécution de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260). Cette institution propose ainsi d’appliquer une astreinte journalière décroissante, dont le montant effectif serait calculé tous les six mois, en réduisant le montant total relatif à chacune de ces périodes d’un pourcentage correspondant à la proportion d’EH qui a été mise en conformité avec l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260).
37 À ce dernier égard, la Commission indique, dans sa requête, que le nombre total d’EH non conformes était de 1 227 324. Lors de l’audience, cette institution a précisé que, au regard des progrès accomplis par le Royaume d’Espagne au cours de la présente procédure, le nombre d’EH non conformes s’élève à 379 017.
38 La Commission souligne, néanmoins, que l’application de cette réduction ne devrait avoir lieu que si le Royaume d’Espagne lui communique des éléments établissant que la mise en conformité a été réalisée dans les agglomérations concernées.
39 Le Royaume d’Espagne soutient, premièrement, que la demande de la Commission tendant à l’imposition d’une somme forfaitaire est irrecevable car disproportionnée. À cet égard, il souligne les difficultés qu’implique l’exécution de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), et les progrès qu’il a réalisés en dépit de la crise économique grave qu’il a traversée. Par ailleurs, cet État membre insiste sur la coopération loyale avec la Commission dont il aurait fait preuve.
40 Deuxièmement, le Royaume d’Espagne est d’avis que la Commission n’aurait pas dû inclure les agglomérations de Teulada Moraira (Rada Moraira), de Benicarló, de Peñiscola et d’Estepona (San Pedro de Alcántara), dans la requête aux fins du calcul des sanctions financières demandées, au motif que ces agglomérations auraient déjà été mises en conformité avec la directive 91/271 bien avant l’introduction de la requête, à savoir, respectivement, les 29 mars, 27 avril et 29 novembre 2015, et le 30 novembre 2016.
41 Ensuite, pour ce qui concerne les éléments permettant d’établir la mise en conformité d’une agglomération, cet État membre soutient que l’article 4 de la directive 91/271 n’impose pas, aux fins d’établir la conformité des rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires aux prescriptions de l’annexe I, point B, de cette directive, que des prélèvements d’échantillons soient effectués durant une année entière. Ainsi, dès lors qu’un État membre est en mesure de présenter un échantillon répondant aux prescriptions prévues à l’annexe I, point B, de la directive 91/271, les obligations découlant de l’article 4 de cette dernière devraient être considérées comme respectées.
42 À cet égard, le Royaume d’Espagne a notamment fait valoir, lors de l’audience, qu’il a établi la mise en conformité de l’agglomération de Tarifa au moyen d’échantillons représentatifs prélevés les 30 janvier, 9, 14, 21 et 27 février ainsi que les 7, 14 et 21 mars 2018.
43 En réponse, la Commission refuse toutefois de reconnaître que le Royaume d’Espagne a établi la mise en conformité de l’agglomération de Tarifa en arguant qu’il n’y a pas encore d’échantillon représentatif obtenu pendant la période où la charge annuelle est la plus élevée. En effet, afin de pouvoir vérifier si le fonctionnement d’une station nouvellement construite, ou d’une station ancienne rénovée, est conforme aux dispositions de l’article 4 de la directive 91/271, cette institution devrait être certaine que l’installation en question a la capacité nécessaire pour traiter la charge de l’agglomération concernée, exprimée en EH, calculée sur la base de la charge moyenne maximale hebdomadaire qui pénètre dans la station d’épuration au cours de l’année, à l’exclusion des situations inhabituelles comme celles dues à de fortes précipitations.
Appréciation de la Cour
44 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées, notamment pour prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 63).
45 Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’infliction d’une astreinte ne se justifie, en principe, que pour autant que perdure le manquement tiré de l’inexécution d’un précédent arrêt jusqu’à l’examen des faits par la Cour (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 64).
46 En l’occurrence, il y a lieu de constater que, à la date de l’audience dans la présente affaire, les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), n’avaient pas encore été intégralement adoptées.
47 En effet, si, ainsi que la Commission l’a explicitement reconnu lors de l’audience, les systèmes de traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations d’Estepona (San Pedro de Alcántara), de Nordeste (Valle Guerra), d’Aguiño-Carreira-Ribeira, de Vigo, de Benicarló, de Peñiscola, de Teulada Moraira (Rada Moraira) et de Santiago de Compostela sont désormais conformes aux obligations découlant de la directive 91/271, en revanche, les systèmes des neuf autres agglomérations visées par le présent recours ne satisfont toujours pas à ces obligations.
48 Certes, s’agissant d’une de ces neuf agglomérations, à savoir celle de Tarifa, le Royaume d’Espagne soutient qu’il a réalisé la mise en conformité de celle–ci. À cet égard, il y a néanmoins lieu de relever que des échantillons prélevés en dehors de la période estivale, où la charge est la plus élevée, ne sauraient être considérés comme satisfaisant aux exigences de la directive 91/271.
49 Dans ces conditions, la Cour considère que la condamnation du Royaume d’Espagne au paiement d’une astreinte constitue un moyen financier approprié afin d’inciter cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au manquement constaté et pour assurer l’exécution complète de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260).
50 Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que l’astreinte doit être arrêtée en fonction du degré de persuasion nécessaire pour que l’État membre défaillant à exécuter un arrêt en manquement modifie son comportement et mette fin à l’infraction en cause (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 68).
51 Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière, il incombe à la Cour de fixer l’astreinte, de sorte que celle-ci soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 69).
52 Les propositions de la Commission concernant l’astreinte ne sauraient lier la Cour et ne constituent qu’une base de référence utile. De même, des lignes directrices telles que celles contenues dans les communications de la Commission ne lient pas la Cour, mais contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission elle-même lorsque cette institution fait des propositions à la Cour. En effet, dans le cadre d’une procédure fondée sur l’article 260, paragraphe 2, TFUE, relative à un manquement qui persiste dans le chef d’un État membre nonobstant le fait que ce même manquement a déjà été constaté à l’occasion d’un premier arrêt rendu au titre de l’article 258 TFUE, la Cour doit demeurer libre de fixer l’astreinte infligée au montant et sous la forme qu’elle considère adéquats pour inciter cet État membre à mettre fin à l’inexécution des obligations découlant de ce premier arrêt de la Cour (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 70).
53 Aux fins de la fixation du montant de l’astreinte, les critères de base qui doivent être pris en considération pour assurer la nature coercitive de cette dernière, en vue d’une application uniforme et effective du droit de l’Union, sont, en principe, la gravité de l’infraction, sa durée et la capacité de paiement de l’État membre en cause. Pour l’application de ces critères, il y a lieu de tenir compte, en particulier, des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts privés et publics ainsi que de l’urgence qu’il y a à ce que l’État membre concerné se conforme à ses obligations (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 71).
54 En premier lieu, s’agissant de la gravité de l’infraction, il convient de rappeler, d’une part, que, ainsi qu’il résulte de l’article 1er, second alinéa, de la directive 91/271, celle-ci a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux urbaines résiduaires. L’absence ou l’insuffisance de systèmes de collecte ou de traitement des eaux urbaines résiduaires sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement et doivent être considérées comme particulièrement graves (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2015, Commission/Grèce, C‑167/14, non publié, EU:C:2015:684, point 55, et du 22 juin 2016, Commission/Portugal, C‑557/14, EU:C:2016:471, point 71).
55 D’autre part, l’importance de l’atteinte à l’environnement est fonction, dans une large mesure, du nombre d’agglomérations visées par le manquement reproché (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 72).
56 En l’occurrence, le nombre d’agglomérations pour lesquelles le Royaume d’Espagne n’a pas fourni, à la date de l’audience, la preuve de l’existence de systèmes de collecte et/ou de traitement des eaux urbaines résiduaires conformes à la directive 91/271, soit 9, est certes encore significatif, mais a été considérablement réduit par rapport à celui des agglomérations ne disposant pas de tels systèmes de collecte et/ou de traitement conformes à la directive 91/271, mentionnées dans l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), à savoir 17.
57 En outre, ainsi que la Commission le concède explicitement, le Royaume d’Espagne a consenti des efforts importants pour exécuter l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260).
58 Toutefois, il convient de considérer comme aggravante la circonstance selon laquelle l’exécution complète de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), n’interviendrait, selon les indications figurant dans le mémoire en défense du Royaume d’Espagne, pas avant l’année 2019, ce qui équivaut à un retard de 18 ans, par rapport à la date à laquelle les États membres devaient assurer le respect des articles 3 et 4 de la directive 91/271.
59 En deuxième lieu, en ce qui concerne la durée de l’infraction ayant justifié la saisine de la Cour, celle-ci doit être évaluée en prenant en considération le moment auquel la Cour apprécie les faits et non pas celui où cette dernière est saisie par la Commission (arrêt du 22 février 2018, Commission/Grèce, C‑328/16, EU:C:2018:98, point 99). Il n’y a donc pas lieu d’examiner si la Commission n’aurait pas dû inclure dans sa requête, aux fins de calculer l’astreinte proposée, les agglomérations dont le Royaume d’Espagne considère avoir établi la mise en conformité.
60 En l’occurrence, la durée de l’infraction, à savoir sept ans à compter de la date du prononcé de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), est considérable.
61 En effet, bien que l’article 260, paragraphe 1, TFUE ne précise pas le délai dans lequel l’exécution d’un arrêt doit intervenir, l’intérêt qui s’attache à une application immédiate et uniforme du droit de l’Union exige, selon une jurisprudence constante de la Cour, que cette exécution soit entamée immédiatement et aboutisse dans des délais aussi brefs que possible (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 79).
62 Les justifications invoquées par le Royaume d’Espagne à cet égard, notamment que le retard dans l’exécution de cet arrêt serait dû à des difficultés juridiques et économiques internes ne sauraient être retenues dès lors que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, un État membre ne saurait exciper de difficultés d’ordre interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 80).
63 En troisième lieu, s’agissant de la capacité de paiement de l’État membre en cause, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il convient de prendre en compte l’évolution récente du produit intérieur brut d’un État membre, telle qu’elle se présente à la date de l’examen des faits par la Cour (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 81).
64 En outre, la Commission a proposé à la Cour de réduire progressivement le montant de l’astreinte en fonction des progrès réalisés dans l’exécution de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260).
65 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, même si, pour garantir l’exécution complète de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), l’astreinte doit être exigée dans son intégralité jusqu’à ce que l’État membre ait pris toutes les mesures nécessaires pour mettre fin au manquement constaté, dans certains cas spécifiques, toutefois, une sanction qui tient compte des progrès éventuellement réalisés par l’État membre dans l’exécution de ses obligations peut être envisagée (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 83).
66 Compte tenu de l’ensemble des circonstances de la présente affaire, la Cour considère comme appropriée l’imposition d’une astreinte dégressive d’un montant de 60 000 euros par jour.
67 En ce qui concerne la périodicité de l’astreinte, la composante dégressive de celle-ci sera fixée, conformément à la proposition de la Commission, sur une base semestrielle, étant donné que la fourniture de la preuve de la conformité à la directive 91/271 peut exiger un certain délai et afin de tenir compte des progrès éventuellement réalisés par l’État membre défendeur (voir, par analogie, arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 87). Ainsi, il conviendra de réduire le montant total relatif à chacune de ces périodes d’un pourcentage correspondant à la proportion représentant le nombre d’EH des agglomérations dont les systèmes de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires ont été mis en conformité avec l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260).
68 Il convient donc de condamner le Royaume d’Espagne à payer à la Commission une astreinte d’un montant de 10 950 000 euros par semestre de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution complète de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), dont le montant effectif doit être calculé à la fin de chaque période de six mois en réduisant le montant total relatif à chacune de ces périodes d’un pourcentage correspondant à la proportion représentant le nombre d’EH des agglomérations dont les systèmes de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires ont été mis en conformité avec l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), à la fin de la période considérée par rapport au nombre d’EH des agglomérations ne disposant pas de tels systèmes au jour du prononcé du présent arrêt.
Sur la somme forfaitaire
Argumentation des parties
69 S’agissant de la somme forfaitaire, la Commission estime que le montant adéquat à infliger au Royaume d’Espagne pour chaque jour écoulé entre la date du prononcé de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), et celle du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire ou jusqu’à la date à laquelle cet État membre exécutera intégralement l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), s’élève à 19 303,9 euros. Ce montant serait obtenu en multipliant le forfait de base uniforme de 230 euros par le coefficient de gravité et par le facteur « n ».
70 Conformément à la pratique suivie par la Commission, celle-ci a également examiné si la somme forfaitaire fondée sur le montant journalier dépasse la somme forfaitaire minimale fixée pour le Royaume d’Espagne dans la communication du 13 décembre 2005. Cette institution a, ainsi, calculé la somme forfaitaire à compter du prononcé de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), jusqu’à la date de la décision de la Commission d’introduire le présent recours, à savoir le 17 novembre 2016.
71 À cet effet, la Commission indique que, 2 410 jours s’étant écoulés entre ces deux dates, la somme forfaitaire totale calculée à la date de la décision d’introduire le présent recours s’élève ainsi à 46 522 999 euros. Dès lors que ce montant dépasse la somme forfaitaire minimale fixée pour le Royaume d’Espagne dans la communication du 13 décembre 2005, à savoir 6 760 000 euros, la Commission considère qu’il convient de fixer la somme forfaitaire journalière au montant de 19 303,90 euros par jour, sous réserve d’un montant total minimal de 46 522 999 euros.
72 Toutefois, afin de tenir compte des développements intervenus au cours de la présente procédure, la Commission a, dans sa réplique, proposé de maintenir un montant journalier de la somme forfaitaire de 19 303,90 euros pour la période comprise entre le prononcé de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), et la date de réception du mémoire en réponse, et de 9 257,485 euros pour la période comprise entre la date de réception du mémoire en réponse et la date du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire.
73 Le Royaume d’Espagne soutient que la demande d’imposition d’une somme forfaitaire est irrecevable car disproportionnée. En tout état de cause, en s’appuyant en substance sur les mêmes arguments que ceux relatifs à l’astreinte, au sujet de la gravité et de la durée de l’infraction, le Royaume d’Espagne conteste le montant de la somme forfaitaire proposée par la Commission.
Appréciation de la Cour
74 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la Cour est habilitée, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré dans le domaine considéré, à imposer, de façon cumulative, une astreinte et une somme forfaitaire (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 96).
75 La condamnation au paiement d’une somme forfaitaire et la fixation du montant éventuel de cette somme doivent, dans chaque cas d’espèce, demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre concerné par la procédure initiée sur le fondement de l’article 260 TFUE. À cet égard, celui–ci investit la Cour d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider de l’infliction ou non d’une telle sanction et de déterminer, le cas échéant, son montant (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 97).
76 Dans la présente affaire, l’ensemble des éléments de droit et de fait ayant abouti à la constatation du manquement considéré, notamment le nombre d’agglomérations dont les systèmes de collecte et/ou de traitement des eaux urbaines résiduaires n’ont toujours pas été mis en conformité avec les exigences de la directive 91/271, ainsi que l’existence de nombreuses procédures en manquement à l’encontre du Royaume d’Espagne dans ce domaine, constituent des indicateurs de ce que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union est de nature à requérir l’adoption d’une mesure dissuasive, telle que la condamnation au paiement d’une somme forfaitaire.
77 Dans ces circonstances, il appartient à la Cour, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de fixer le montant de cette somme forfaitaire de sorte qu’elle soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée à l’infraction commise (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 99).
78 Figurent notamment au rang des facteurs pertinents à cet égard des éléments tels que la gravité de l’infraction constatée et la période durant laquelle celle-ci a persisté depuis le prononcé de l’arrêt l’ayant constatée (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, non publié, EU:C:2018:358, point 100).
79 Les circonstances de l’espèce devant être prises en compte ressortent notamment des considérations figurant aux points 54 à 63 du présent arrêt, relatives à la gravité et à la durée de l’infraction ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre en cause.
80 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 12 millions d’euros le montant de la somme forfaitaire que le Royaume d’Espagne devra acquitter.
81 Il convient, par conséquent, de condamner le Royaume d’Espagne à payer à la Commission la somme forfaitaire de 12 millions d’euros.
Sur les dépens
82 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne et le manquement ayant été constaté, il y a lieu de condamner cet État membre aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :
1) En n’ayant pas pris l’ensemble des mesures nécessaires que comporte l’exécution de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.
2) Dans le cas où le manquement constaté au point 1 persiste au jour du prononcé du présent arrêt, le Royaume d’Espagne est condamné à payer à la Commission européenne une astreinte d’un montant de 10 950 000 euros par semestre de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution complète de l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), dont le montant effectif doit être calculé à la fin de chaque période de six mois en réduisant le montant total relatif à chacune de ces périodes d’un pourcentage correspondant à la proportion représentant le nombre d’équivalents habitants des agglomérations dont les systèmes de collecte et/ou de traitement des eaux urbaines résiduaires ont été mis en conformité avec l’arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C‑343/10, non publié, EU:C:2011:260), à la fin de la période considérée, par rapport au nombre d’équivalents habitants des agglomérations ne disposant pas de tels systèmes au jour du prononcé du présent arrêt.
3) Le Royaume d’Espagne est condamné à payer à la Commission européenne une somme forfaitaire d’un montant de 12 millions d’euros.
4) Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure : l’espagnol.