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Document 62023CO0034

Euroopa Kohtu määrus (üheksas koda), 20.2.2024.
RF versus Getin Noble Bank S.A.
Eelotsusetaotlus, mille on esitanud Sąd Okręgowy w Koszalinie.
Kohtuasi C-34/23.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:203

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

20 février 2024 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Redressement et résolution des établissements de crédit – Pouvoir de restreindre l’exécution des sûretés – Disposition à interpréter n’ayant aucun rapport avec l’objet du litige au principal – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire C‑34/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Okręgowy w Koszalinie (tribunal régional de Koszalin, Pologne), par décision du 30 décembre 2022, parvenue à la Cour le 24 janvier 2023, dans la procédure

RF

contre

Getin Noble Bank S.A.,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), présidente de chambre, MM. J.‑C. Bonichot et S. Rodin, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 70, paragraphe 1, de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) n° 1093/2010 et (UE) n° 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant RF à Getin Noble Bank S.A. au sujet de la validité d’un contrat de crédit hypothécaire conclu entre ces parties.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Le considérant 5 de la directive 2014/59 est libellé comme suit :

« Il est [...] nécessaire d’instituer un régime qui fournisse aux autorités un ensemble crédible d’instruments leur permettant d’intervenir suffisamment tôt et suffisamment rapidement dans un établissement peu solide ou défaillant, de manière à assurer la continuité de ses fonctions financières et économiques critiques, tout en limitant le plus possible l’impact de sa défaillance sur l’économie et le système financier. Le régime devrait garantir que les actionnaires soient les premiers à supporter les pertes et que les créanciers assument les pertes après les actionnaires, pour autant qu’aucun créancier n’encoure des pertes plus importantes que celles qu’il aurait subies si l’établissement avait été liquidé selon une procédure normale d’insolvabilité conformément au principe selon lequel aucun créancier ne peut être plus mal traité énoncé dans la présente directive. [...] »

4        L’article 2, paragraphe 1, point 67, de cette directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

67.      “engagement garanti”, un engagement ou un élément de passif pour lequel le droit au paiement du créancier ou toute autre forme d’exécution est garanti par un droit, un gage, un privilège ou un dispositif constitutif de sûretés, y compris les engagements ou passifs qui résultent d’opérations de pension et d’autres dispositifs constitutifs de sûretés avec transfert de propriété ».

5        L’article 70, paragraphe 1, de ladite directive énonce :

« Les États membres s’assurent que les autorités de résolution ont le pouvoir de restreindre le droit des créanciers garantis d’un établissement soumis à une procédure de résolution de faire valoir les sûretés liées aux actifs dudit établissement à compter de la publication de l’avis de restriction requis par l’article 83, paragraphe 4, jusqu’à minuit dans l’État membre où l’autorité de résolution de l’établissement soumis à une procédure de résolution est établie à la fin du jour ouvrable suivant la publication. »

6        Aux termes de l’article 83, paragraphe 4, de la directive 2014/59, l’autorité de résolution publie ou veille à ce que soit publiés soit une copie de l’instruction ou de l’acte par lequel la mesure de résolution est prise, soit un avis résumant les effets de la mesure de résolution et, le cas échéant, les conditions et la durée de la suspension ou de la restriction visées aux articles 69 à 71 de cette directive.

 Le droit polonais

 La loi sur le Fonds de garantie bancaire

7        L’article 135, paragraphes 1 et 4, de l’ustawa o Bankowym Funduszu Gwarancyjnym, systemie gwarantowania depozytów oraz przymusowej restrukturyzacji (loi sur le Fonds de garantie bancaire, le système de garantie des dépôts et la résolution), du 10 juin 2016 (Dz. U. de 2016, position 996), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur le Fonds de garantie bancaire »), dispose :

« 1.      Un non‑lieu à statuer est prononcé dans toute procédure d’exécution ou de mesures conservatoires visant le patrimoine d’un établissement soumis à une procédure de résolution et ayant été introduite avant l’ouverture de celle-ci.

[...]

4.      Aucune procédure d’exécution ou de mesures conservatoires ne peut être introduite contre un établissement soumis à une procédure de résolution en cours. »

 Le code de procédure civile

8        L’article 199, paragraphe 1, de l’ustawa – Kodeks postępowania cywilnego (loi portant code de procédure civile), du 17 novembre 1964 (Dz. U. de 1964, n° 43, position 296), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code de procédure civile »), énonce :

« Le juge rejette la requête :

1)      lorsque l’action en justice est irrecevable ;

[...] »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

9        Le 31 août 2007, RF et Getin Noble Bank ont conclu un contrat de crédit hypothécaire indexé sur le franc suisse (CHF).

10      Le 29 septembre 2022, le Bankowy Fundusz Gwarancyjny (Fonds de garantie bancaire, Pologne) a adopté une décision en vue de l’ouverture d’une procédure de résolution dirigée contre Getin Noble Bank, ce qui a conduit au transfert des activités de celle-ci à un établissement-relais créé par ce Fonds.

11      Le 20 novembre 2022, RF a introduit un recours devant le Sąd Okręgowy w Koszalinie (tribunal régional de Koszalin, Pologne), qui est la juridiction de renvoi, en vue de constater la nullité du contrat de crédit hypothécaire conclu avec Getin Noble Bank ainsi que de condamner celle-ci au paiement de la somme de 80 657,30 zlotys polonais (PLN) (environ 18 645 euros), augmentée des intérêts. À titre subsidiaire, RF demande qu’il soit constaté que certaines clauses de ce contrat sont abusives et ne lui sont donc pas opposables ainsi que la condamnation de Getin Noble Bank au paiement de la somme de 8 780,01 PLN (environ 6 655 euros), augmentée des intérêts.

12      RF a également présenté une demande de mesure conservatoire consistant à suspendre, pour la durée de l’instance, son obligation de payer les mensualités de remboursement du crédit hypothécaire en cause au principal.

13      La juridiction de renvoi considère qu’il y a lieu, en principe, de faire droit à cette demande de mesure conservatoire, car RF a démontré prima facie l’existence d’une créance non pécuniaire, consistant en la constatation de la nullité du contrat en cause au principal, ainsi que son intérêt à demander une telle mesure.

14      Toutefois, cette juridiction relève que, en vertu de l’article 135, paragraphe 1, de la loi sur le Fonds de garantie bancaire, un non‑lieu à statuer doit être prononcé dans toute procédure d’exécution ou portant sur une demande de mesure conservatoire visant le patrimoine d’un établissement soumis à une procédure de résolution et ayant été introduite avant l’ouverture de celle-ci. Elle relève également que, en vertu de l’article 135, paragraphe 4, de cette loi, qui constituerait la transposition dans le droit polonais de l’article 70, paragraphe 1, de la directive 2014/59, aucune procédure d’exécution ou portant sur une demande de mesures conservatoires ne peut être introduite contre un tel établissement.

15      La juridiction de renvoi expose qu’il existe, en droit national, deux courants jurisprudentiels. Le premier, qui s’appuierait sur une interprétation littérale de l’article 70, paragraphe 1, de la directive 2014/59, conduit au rejet, sans examen au fond, des demandes de mesures conservatoires visant le patrimoine d’un établissement soumis à une procédure de résolution, sur le fondement de l’article 135 de la loi sur le Fonds de garantie bancaire, lu en combinaison avec l’article 199, paragraphe 1, point 1, du code de procédure civile. Selon le second courant, il y aurait lieu, en revanche, de faire droit à de telles demandes.

16      La juridiction de renvoi considère dès lors que l’article 70, paragraphe 1, de la directive 2014/59 interdit uniquement de faire valoir des sûretés garantissant des créances par voie d’exécution forcée, sans interdire l’introduction de toute demande tendant à l’octroi de mesures conservatoires à l’égard d’un établissement soumis à une procédure de résolution.

17      En outre, cette disposition ne viserait que des actifs faisant déjà partie du patrimoine de l’établissement soumis à une procédure de résolution, seuls susceptibles d’être soustraits à ce patrimoine en raison de mesures d’exécution ou conservatoires.

18      Le principe selon lequel aucun créancier ne devrait être plus mal traité en cas de procédure de résolution qu’en cas de procédure normale d’insolvabilité, énoncé au considérant 5 de la directive 2014/59, s’opposerait également au rejet de la demande de mesure conservatoire en cause au principal.

19      Dans ces conditions, le Sąd Okręgowy w Koszalinie (tribunal régional de Koszalin) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’interdiction énoncée à l’article 70, paragraphe 1, de la directive [2014/59] concerne-t-elle exclusivement le droit de faire valoir des sûretés à l’égard de créances pécuniaires par voie d’exécution forcée ou également celui d’introduire toute procédure tendant à l’octroi de mesures conservatoires [à l’égard d’]un établissement soumis à une procédure de résolution ? »

 La procédure devant la Cour

20      La juridiction de renvoi a demandé que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à une procédure accélérée, au motif que, selon le code de procédure civile, l’examen d’une demande de mesures conservatoires à l’égard d’une créance non pécuniaire doit être effectué sans délai.

21      L’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour prévoit que, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut décider, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais.

22      Une telle procédure accélérée constitue un instrument procédural destiné à répondre à une situation d’urgence extraordinaire (arrêt du 21 décembre 2021, Randstad Italia, C‑497/20, EU:C:2021:1037, point 37 et jurisprudence citée).

23      En l’occurrence, par une décision du 8 mars 2023, le président de la Cour a décidé, la juge rapporteure et l’avocate générale entendues, qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à la demande visée au point 20 de la présente ordonnance.

24      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, ne sauraient suffire, en tant que tels, pour justifier le recours à la procédure accélérée, ni le simple intérêt des justiciables, pour important et légitime qu’il soit, à ce que soit déterminée le plus rapidement possible la portée des droits qu’ils tirent du droit de l’Union (ordonnance du président de la Cour du 22 novembre 2018, Globalcaja, C‑617/18, EU:C:2018:953, point 14 et jurisprudence citée), ni la circonstance que la demande de décision préjudicielle a été introduite dans le cadre d’une procédure ayant, dans le système national, un caractère urgent ou que la juridiction de renvoi est tenue de tout mettre en œuvre pour assurer un règlement rapide de l’affaire au principal (ordonnance du président de la Cour du 25 janvier 2017, Hassan, C‑647/16, EU:C:2017:67, point 12 et jurisprudence citée).

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

25      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsqu’une demande ou une requête est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

26      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

27      Selon une jurisprudence constante, la procédure instituée par l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 1992, Meilicke, C‑83/91, EU:C:1992:332, point 22, ainsi que ordonnance du 17 janvier 2019, Rossi e.a., C‑626/17, EU:C:2019:28, point 20).

28      Dans le cadre de cette coopération, les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Cependant, une demande formée par une juridiction nationale doit être rejetée lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., C‑94/04 et C‑202/04, EU:C:2006:758, point 25, ainsi que ordonnance du 17 janvier 2019, Rossi e.a., C‑626/17, EU:C:2019:28, point 21).

29      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 70, paragraphe 1, de la directive 2014/59 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale interdisant l’accueil d’une demande de mesure conservatoire visant à la suspension de l’obligation de paiement des mensualités futures de remboursement d’un crédit hypothécaire octroyé par un établissement soumis à une procédure de résolution, dont l’emprunteur poursuit l’annulation en raison du caractère abusif de clauses qu’il contient.

30      Getin Noble Bank conteste la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, notamment au motif que l’article 70, paragraphe 1, de la directive 2014/59 aurait été transposé dans le droit polonais non pas par l’article 135, paragraphe 4, de la loi sur le Fonds de garantie bancaire, comme cela est soutenu par la juridiction de renvoi, mais par l’article 142 de cette loi, comme le soutiennent aussi le gouvernement polonais et la Commission européenne.

31      Conformément à l’article 70, paragraphe 1, de la directive 2014/59, les États membres s’assurent que les autorités de résolution ont le pouvoir de restreindre le droit des créanciers garantis d’un établissement soumis à une procédure de résolution de faire valoir les sûretés liées aux actifs dudit établissement à compter de la publication de l’avis de restriction requis par l’article 83, paragraphe 4, de cette directive jusqu’à minuit dans l’État membre où l’autorité de résolution de l’établissement soumis à une procédure de résolution est établie à la fin du jour ouvrable suivant cette publication.

32      Or, indépendamment du fait qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier dont dispose la Cour que la demande en cause au principal aurait été introduite au cours de la période comprise entre la publication de l’avis de restriction, au sens de l’article 83, paragraphe 4, de la directive 2014/59, et la fin du jour ouvrable suivant cette publication, cette demande vise à l’octroi d’une mesure conservatoire, sans lien avec une quelconque sûreté. En outre, RF, qui est une consommatrice ayant introduit un recours afin de faire constater la nullité d’un contrat de crédit hypothécaire qu’elle a conclu avec Getin Noble Bank, n’a pas la qualité de « créancier garanti » de cette banque, au sens de l’article 70, paragraphe 1, de la directive 2014/59.

33      Par conséquent, le litige au principal ne relève manifestement pas du champ d’application de cette disposition, de sorte que la question préjudicielle, qui porte exclusivement sur l’interprétation de celle-ci, n’a aucun rapport avec l’objet de ce litige.

34      Dans ces conditions, il convient de constater, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, que la présente demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

35      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne :

La demande de décision préjudicielle introduite par le Sąd Okręgowy w Koszalinie (tribunal régional de Koszalin, Pologne), par décision du 30 décembre 2022, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.

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