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Document 62017CJ0519

    Euroopa Kohtu otsus (seitsmes koda), 30.5.2018.
    L'Oréal versus Euroopa Liidu Intellektuaalomandi Amet (EUIPO).
    Apellatsioonkaebus – Euroopa Liidu kaubamärk – Vastulausemenetlus – Sõnamärkide MASTER PRECISE, MASTER SMOKY, MASTER SHAPE, MASTER DUO ja MASTER DRAMA registreerimistaotlused – Varasem siseriiklik kujutismärk MASTERS COLORS PARIS – Registreerimistaotluste tagasilükkamine – Põhjendamise ebapiisavus – Uurimine kohtu algatusel.
    Liidetud kohtuasjad C-519/17 P ja C-522/17 P–C-525/17 P.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:348


    ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

    30 mai 2018 (*)

    « Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demandes d’enregistrement des marques verbales MASTER PRECISE, MASTER SMOKY, MASTER SHAPE, MASTER DUO et MASTER DRAMA – Marque figurative nationale antérieure MASTERS COLORS PARIS – Rejet des demandes d’enregistrement – Insuffisance de motivation – Examen d’office par le juge »

    Dans les affaires jointes C‑519/17 P et C‑522/17 P à C‑525/17 P,

    ayant pour objet cinq pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 30 août 2017,

    L’OréalSA, établie à Paris (France), représentée par Me T. de Haan, avocat, et Me P. Péters, advocaat,

    partie requérante,

    les autres parties à la procédure étant :

    Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Botis et D. Hanf, en qualité d’agents,

    partie défenderesse en première instance,

    Guinot SAS, établie à Paris (France), représentée par Me A. Sion, avocate,

    partie intervenante en première instance,


    LA COUR (septième chambre),

    composée de M. A. Rosas (rapporteur), président de chambre, Mmes C. Toader et A. Prechal, juges,

    avocat général : M. N. Wahl,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par ses pourvois, L’Oréal SA demande l’annulation, respectivement dans les affaires C‑519/17 P et C‑522/17 P à C‑525/17 P, des ordonnances du Tribunal de l’Union européenne du 26 juin 2017, L’Oréal/EUIPO – Guinot (MASTER PRECISE) (T‑181/16, non publiée, EU:T:2017:447), L’Oréal/EUIPO – Guinot (MASTER SMOKY) (T‑179/16, non publiée, EU:T:2017:445), L’Oréal/EUIPO – Guinot (MASTER SHAPE) (T‑180/16, non publiée, EU:T:2017:451), L’Oréal/EUIPO – Guinot (MASTER DUO) (T‑182/16, non publiée, EU:T:2017:448), et L’Oréal/EUIPO – Guinot (MASTER DRAMA) (T‑183/16, non publiée, EU:T:2017:449) (ci-après, ensemble, les « ordonnances attaquées »), par lesquelles le Tribunal a rejeté ses recours tendant à l’annulation des décisions de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 23 février 2016 (affaires R 2911/2014-5, R 2905/2014-5, R 2907/2014-5, R 2916/2014-5 et R 2500/2014-5), relatives à des procédures d’opposition entre Guinot SAS et L’Oréal (ci-après, ensemble, les « décisions litigieuses »).

     Le cadre juridique

    2        L’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne] (JO 2009, L 78, p. 1), dispose :

    « 1.      Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement :

    [...]

    b)      lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. »

     Les antécédents des litiges

    3        Par des demandes qui se sont vu attribuer les dates de dépôt du 12 février 2013, en ce qui concerne les signes verbaux MASTER PRECISE, MASTER SMOKY, MASTER SHAPE et MASTER DRAMA, et du 15 février 2013, en ce qui concerne le signe verbal MASTER DUO, L’Oréal a demandé l’enregistrement de ces cinq signes en tant que marques de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement no 207/2009.

    4        Les produits pour lesquels les enregistrements ont été demandés relèvent de la classe 3, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante, à savoir « Produits de maquillage pour les yeux ».

    5        Les demandes de marques de l’Union européenne concernant les signes verbaux MASTER PRECISE, MASTER SMOKY, MASTER SHAPE et MASTER DRAMA ont été publiées au Bulletin des marques communautaires no 52/2013, du 14 mars 2013. La demande de marque de l’Union européenne concernant le signe verbal MASTER DUO a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 55/2013, du 20 mars 2013.

    6        Le 24 mai 2013, Guinot a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009, à l’enregistrement des marques demandées pour les produits visés au point 4 du présent arrêt.

    7        Les oppositions étaient fondées sur la marque française figurative antérieure enregistrée le 14 décembre 2010, sous le numéro 103790207, avec une description des couleurs, à savoir « rouge : Pantone 186 C, or : Pantone 872 C », telle que reproduite ci-après :

    Image not found

    8        La marque antérieure désigne des produits relevant de la classe 3, au sens de l’arrangement de Nice, et correspondant à la description suivante, à savoir « Savons, parfums, cosmétiques, maquillages, huiles essentielles, préparations et crèmes non médicamenteuses pour le soin de la peau, du visage et du corps, lotions pour les cheveux ».

    9        Les motifs invoqués à l’appui des oppositions étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

    10      Le 4 septembre 2014, la division d’opposition de l’EUIPO a fait droit à l’opposition à l’enregistrement de la marque MASTER DRAMA, dans son intégralité, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Le 23 septembre 2014, cette division a fait droit aux oppositions à l’enregistrement des marques MASTER PRECISE, MASTER SMOKY, MASTER SHAPE et MASTER DUO dans leur intégralité, sur le même fondement.

    11      La division d’opposition de l’EUIPO a décrit comme suit les marques en cause :

    « La marque antérieure est une marque figurative composée d’une étiquette carrée de couleur rouge aux bords dorés dans laquelle sont inscrits sur plusieurs niveaux les termes “MASTERS”, “COLORS” et “PARIS” par ordre décroissant de taille. Un élément figuratif représentant une ligne horizontale dorée (plus épaisse au milieu qu’aux extrémités) est placé entre les termes “COLORS” et “PARIS”.

    [Les] marque[s] contestée[s] [sont des] marque[s] verbale[s] constituée[s] [des expressions “MASTER PRECISE”, “MASTER SMOKY”, “MASTER SHAPE”, “MASTER DUO” et “MASTER DRAMA”]. »

    12      La division d’opposition de l’EUIPO a, dans chacune des affaires, examiné les signes en cause et a considéré que, compte tenu des coïncidences visuelles, phonétiques et, pour une partie du public, conceptuelles, les signes en présence étaient similaires.

    13      Afin de déterminer l’impression d’ensemble produite par les marques en cause, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants, la division d’opposition de l’EUIPO a examiné les termes « masters », « colors » et « paris », d’une part, et « master precise », « master smoky », « master shape », « master duo » et « master drama », d’autre part. Elle a notamment considéré que les éléments figuratifs de la marque antérieure étaient peu distinctifs du fait de leur nature essentiellement décorative et que l’élément le plus distinctif de cette marque était le terme « masters ». Après avoir examiné les éléments distinctifs et dominants des signes en question, le caractère distinctif de la marque antérieure, le public pertinent et son niveau d’attention, la division d’opposition de l’EUIPO a considéré que les termes « masters » et « master » renvoyaient au même concept, que les ressemblances entre les signes en conflit l’emportaient sur les différences et qu’il existait un risque de confusion.

     Les recours devant la cinquième chambre de recours de l’EUIPO et les décisions litigieuses

    14      Le 24 septembre 2014, L’Oréal a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009, contre la décision du 4 septembre 2014 de la division d’opposition de l’EUIPO. Le 17 novembre 2014, elle a formé des recours contre les décisions du 23 septembre 2014 de cette division.

    15      Au point 4 de chacun de ces recours, L’Oréal a présenté un résumé de ses moyens, identiques quant au fond dans les cinq recours :

    « La requérante fait valoir que [les décisions de la division d’opposition de l’EUIPO sont fondées] sur une appréciation erronée du caractère distinctif de l’élément commun “MASTER/S”, car ce terme sera perçu comme descriptif et laudatif vu que, pour le consommateur français, il fait référence, en général, à la maîtrise et à l’expertise dans tous les domaines. Ainsi, “MASTER/S” n’est pas la partie la plus distinctive des signes comparés et les éléments additionnels qui composent les signes ont une importance décisive.

    La marque antérieure est une marque figurative composée de trois termes “MASTERS, COLORS [et] PARIS” placé[s] sur plusieurs niveaux et par taille décroissant sur une étiquette carrée de couleur rouge avec une bordure dorée. Entre les termes “COLORS” et “PARIS” la marque contient un élément figuratif représentant une ligne dorée plus large au milieu que dans les extrémités. Ces particularités sont suffisantes pour différencier clairement ce signe [des marques verbales contestées “MASTER PRECISE”, “MASTER SMOKY”, “MASTER SHAPE”, “MASTER DUO” et “MASTER DRAMA”]. Le caractère distinctif de chacune des marques confrontées réside dans la combinaison de tous ses composants et non dans le terme “MASTER/S”. En plus, les produits cosmétiques/de maquillage sont généralement présentés sur des rayons de façon à en permettre un examen visuel par les consommateurs.

    Compte tenu de l’impression globale produite par les signes en conflit, il y a lieu de considérer que, malgré l’existence d’une identité de produits en cause ainsi que d’une certaine similitude phonétique et d’une certaine similitude conceptuelle, limitées à l’élément commun descriptif et laudatif “MASTER”, les différences sensibles entre les signes en cause constituent des motifs suffisants pour écarter l’existence d’un risque de confusion dans la perception du public concerné. »

    16      Par les décisions litigieuses, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté les recours.

    17      Dans l’affaire R 2911/2014-5, concernant le signe verbal MASTER PRECISE, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a considéré, au point 10 de la décision du 23 février 2016 (ci-après la « décision litigieuse »), que le public pertinent était le grand public français, faisant preuve d’un degré d’attention normal à élevé. Elle a relevé que les parties ne contestaient pas la conclusion selon laquelle le territoire pertinent était la France et les produits en cause étaient identiques.

    18      La cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rappelé, aux points 11 à 13 de la décision litigieuse, la jurisprudence de la Cour relative à l’appréciation globale des marques, et notamment à l’impression d’ensemble (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, points 41 et 42, ainsi que du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, points 42 et 43). Elle a, aux points 15 à 20 de la décision litigieuse, examiné les éléments des marques en conflit, reprenant à cet égard les appréciations de la division d’opposition de l’EUIPO. Elle a notamment relevé que le signe contesté n’avait pas d’élément pouvant être manifestement considéré comme plus distinctif ou plus dominant que les autres éléments et que, en ce qui concerne la marque antérieure, le terme « masters » était l’élément plus dominant que les autres en raison de sa position et de sa taille. S’agissant des éléments figuratifs du signe de la marque antérieure, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a considéré, tout comme la division d’opposition de cet office, qu’ils sont peu distinctifs du fait de leur nature essentiellement décorative.

    19      La cinquième chambre de recours a considéré, tout comme la division d’opposition de cet office, que le public n’accordera pas autant d’attention à ces éléments non distinctifs ou faibles qu’à l’élément restant plus distinctif de la marque, à savoir le terme « masters ». Il serait de jurisprudence constante que « la détermination de l’élément dominant se fait autour de l’élément qui, dans une marque complexe, est visuellement plus dominant et dont les autres éléments sont négligeables ».

    20      Au point 21 de la décision litigieuse, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rappelé que « les chambres de recours ont pour habitude de restreindre la notion d’élément dominant à l’impact visuel produit par les éléments d’un signe, c’est-à-dire de l’utiliser exclusivement pour signifier que ces éléments sont “visuellement remarquables” et de laisser toute autre considération pour l’appréciation globale ». En conséquence, pour cette chambre, le caractère dominant d’un composant ou d’un signe est principalement déterminé par sa position, sa taille, sa dimension et/ou l’utilisation des couleurs, dans la mesure où ces aspects ont une incidence sur l’impact visuel qu’il produit.

    21      La cinquième chambre de recours de l’EUIPO a estimé, au point 22 de la décision litigieuse, que l’élément verbal « masters » est l’élément dominant du signe antérieur. En effet, les autres éléments verbaux et la couleur du signe antérieur produiraient une impression négligeable, secondaire par rapport à l’élément verbal « masters ». Quant à la marque demandée, il n’existerait aucun élément dominant, puisque les deux éléments verbaux sont de taille identique et que, dès lors, l’élément « precise » n’a pas de position secondaire par rapport à l’élément « master ». Elle a considéré que ce premier élément n’était pas distinctif.

    22      La cinquième chambre de recours de l’EUIPO a ensuite procédé à la comparaison des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

    23      Au point 43 de la décision litigieuse, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a considéré que la marque antérieure dans son ensemble n’a de signification en rapport avec aucun des produits en cause du point de vue du public du territoire pertinent. Dès lors, le caractère distinctif de la marque antérieure doit être considéré comme normal, malgré la présence de certains éléments non distinctifs ou faibles dans la marque.

    24      S’agissant de l’appréciation globale, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rappelé, au point 44 de la décision litigieuse, la jurisprudence de la Cour et du Tribunal relative à la prise en considération de l’interdépendance entre les facteurs pertinents [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, ainsi que du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74]. Au point 45 de la décision litigieuse, elle a soutenu que le terme « masters » de la marque antérieure est l’élément dominant et les autres éléments tant verbaux que figuratifs ainsi que la couleur rouge sont présents comme éléments de fond du signe et sont négligeables dans l’impression d’ensemble de cette marque pour le public pertinent.

    25      Au point 46 de la décision litigieuse, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a relevé que les marques en conflit coïncidaient dans les lettres M/A/S/T/E/R qui constituaient le début des deux signes en conflit. Elle a rappelé que les consommateurs ont généralement tendance à se concentrer sur le premier élément lorsqu’ils sont confrontés à une marque. Au point 47 de cette décision, elle a considéré que les différences entre les éléments verbaux et figuratifs des signes en conflit ne pouvaient pas contrecarrer l’importante similitude entre ces signes. Au point 48 de ladite décision, elle a ajouté que, « de plus, les éléments “MASTER” et “MASTERS” constituent, contrairement aux éléments “COLORS” ou “PARIS”, des éléments distinctifs et indépendants des signes. Sur le plan conceptuel, pour une partie du public, ils renvoient à la même notion d’expertise, de maîtrise ». Au point 49 de la même décision, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a noté que l’élément « precise » de la marque contestée présente un élément distinctif faible par rapport aux produits désignés par les marques en conflit et que, compte tenu du fait que ces produits sont des cosmétiques et des maquillages, cet élément est considéré comme non distinctif.

    26      En réponse à l’argument de L’Oréal relatif au prétendu caractère distinctif faible de la marque antérieure sur la base de la quantité de marques composées du mot « master » existant dans les registres nationaux et communautaires, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a, au point 51 de la décision litigieuse, confirmé la décision de la division d’opposition de cet office selon laquelle les marques enregistrées ne démontraient pas que les consommateurs avaient été exposés à un usage très répandu de marques comprenant l’élément « master » et qu’ils se seraient accoutumés à de telles marques. Au point 52 de cette décision, elle a par ailleurs confirmé que le caractère distinctif de la marque antérieure devait être considéré comme normal.

    27      Au point 53 de la décision litigieuse, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rappelé que les produits désignés par les marques en conflit sont identiques, que ce type de produits est surtout acheté après un examen visuel et que ce sont les éléments visuels qui revêtent une importance non négligeable sur la comparaison des signes. Les produits de maquillage seraient pris sur les étalages de grands magasins ou des chaînes spécialisées directement par les consommateurs. Dès lors, des similitudes visuelles des signes joueraient, ainsi que le Tribunal l’a confirmé à plusieurs reprises dans sa jurisprudence, un rôle fondamental.

    28      Au point 54 de la décision litigieuse, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a estimé que le public pourra être amené à penser que les produits identiques de la marque contestée proviennent de la même entreprise que ceux de la marque antérieure ou d’entreprises économiquement liées. Ainsi, la marque demandée pourra être perçue comme une variante de la marque antérieure, servant à distinguer une nouvelle gamme de produits. Compte tenu du « principe du souvenir imparfait » et de celui de l’interdépendance des facteurs, ladite chambre a conclu, au point 55 de la décision litigieuse, que les similitudes importantes entre les marques en conflit sont de nature à susciter un risque de confusion pour des produits tels que ceux de l’espèce.

    29      Dans les affaires R 2905/2014-5, R 2907/2014-5, R 2916/2014-5 et R 2500/2014-5, concernant respectivement les signes verbaux MASTER SMOKY, MASTER SHAPE, MASTER DUO et MASTER DRAMA, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO s’est prononcée comme il vient d’être dit aux points 17 à 28 du présent arrêt au sujet de l’affaire R 2911/2014-5 concernant le signe verbal MASTER PRECISE.

     Les recours devant le Tribunal et les ordonnances attaquées

    30      À l’appui de son recours devant le Tribunal dirigé contre la décision litigieuse, L’Oréal a soutenu que, en considérant qu’il existait, de la part du public français, un risque de confusion entre la marque figurative antérieure et la marque demandée MASTER PRECISE, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

    31      Elle n’a pas contesté les appréciations relatives au public pertinent et à la similarité des produits désignés par les marques en conflit. Elle a cependant fait valoir l’absence de ressemblance globale entre les marques en conflit ainsi que le fait que le caractère distinctif de la marque antérieure ne résulte que de la combinaison de tous les éléments verbaux et figuratifs colorés.

    32      S’agissant de l’absence de ressemblance globale entre les marques en conflit, la requérante a soutenu que la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a mal appliqué les principes dégagés de la jurisprudence de la Cour qu’elle avait rappelés aux points 11 à 13 de la décision litigieuse. Elle a fait valoir que l’appréciation globale ne peut se faire sur la base d’un élément dominant qu’à la condition que tous les autres éléments qui composent la marque complexe soient « négligeables » dans celle-ci (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, points 35, 41 et 42, ainsi que du 22 octobre 2015, BGW, C‑20/14, EU:C:2015:714, points 36 et 37). Or, le fait qu’un élément ne soit pas dominant n’impliquerait nullement qu’il soit négligeable (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 44).

    33      S’agissant plus particulièrement des éléments « négligeables », la requérante a contesté l’appréciation, contenue aux points 22 et 45 de la décision litigieuse, selon laquelle, dans la marque antérieure, l’élément « masters » serait dominant, de telle sorte que « les autres éléments verbaux et la couleur du signe antérieur produisent une impression négligeable, secondaire par rapport à l’élément “MASTERS” ».

    34      La requérante a rappelé que, au point 21 de la décision litigieuse, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a énoncé que le caractère dominant d’un élément « est principalement déterminé par sa position, sa taille, sa dimension et/ou l’utilisation des couleurs, dans la mesure où ces aspects ont une incidence sur l’impact visuel qu’il produit ». Elle a fait valoir qu’une appréciation correcte de la marque figurative antérieure aurait dû conduire à la conclusion que, visuellement, elle était avant tout et principalement dominée par un grand carré rouge bordé d’or. Selon la requérante, l’image de la marque figurative antérieure est dominée non pas par le seul élément verbal « masters », mais par cet élément coloré qui frappe les yeux et les esprits.

    35      Selon la requérante, une appréciation correcte aurait dû conduire à la conclusion que la marque figurative antérieure était caractérisée non pas par la domination d’un seul élément verbal rendant tous les autres négligeables, mais par le fait qu’il s’agissait d’une combinaison d’éléments figuratifs frappants et colorés ainsi que des éléments verbaux « masters », « colors » et « paris », lesquels forment un tout. Si un seul élément de la combinaison ressemble à seulement une partie de la marque litigieuse, il ne pourrait valablement être conclu à la ressemblance entre les deux marques en conflit considérées chacune dans son ensemble.

    36      La requérante a soutenu, en outre, que la décision litigieuse est en contradiction avec la jurisprudence du Tribunal qui insiste sur l’importance de la prise en considération de tous les éléments visuels d’une marque complexe, surtout lorsqu’ils sont particulièrement colorés et de nature à frapper les esprits des consommateurs, et qu’il y a lieu de les comparer à des marques complexes qui ne reprennent pas ces éléments figuratifs ou, a fortiori, à des marques verbales. Elle a présenté dans sa requête les images de marques verbales et complexes considérées comme non ressemblantes par le Tribunal.

    37      S’agissant de l’appréciation des éléments distinctifs composant les marques litigieuses, la requérante a fait valoir, en premier lieu, que les termes « masters » ou « master » sont dépourvus de caractère distinctif intrinsèque pour des produits relevant de la classe 3, au sens de l’arrangement de Nice. À cet égard, elle a fait valoir que l’emploi de ces termes est généralisé en langue française et qu’ils désignent un niveau élevé de compétence ou une qualité supérieure. S’agissant des produits de maquillage pour les yeux, l’usage du mot « master » serait banal et serait perçu par le public pertinent comme une allusion purement laudative et non distinctive. La requérante a présenté à cet égard une liste d’une quinzaine d’utilisations du terme « master » pour des produits et des services relatifs au maquillage.

    38      En deuxième lieu, la requérante a fait valoir que la décision litigieuse était entachée de contradiction en ce que, au début du point 49 de celle-ci, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a affirmé que l’élément verbal « precise » est distinctif tandis que, aux points 24 et 25 et au point 49 in fine de ladite décision, elles a considéré qu’il n’est pas distinctif. Or, il s’agirait d’une question essentielle puisque même un élément qui n’est doté que d’un faible caractère distinctif peut dominer l’impression d’ensemble d’une marque composée (arrêt du 22 octobre 2015, BGW, C‑20/14, EU:C:2015:714, point 40).

    39      En troisième lieu, la requérante a soutenu que les marques en conflit n’avaient pas de ressemblance conceptuelle. Elle a fait valoir que la cinquième chambre de recours de l’EUIPO n’a pas examiné la ressemblance de ces marques prises chacune dans son ensemble, c’est-à-dire, d’une part, ce que signifie MASTERS COLORS PARIS et, d’autre part, ce que signifie MASTER PRECISE, mais a tiré des conclusions sur la base d’une comparaison des seuls éléments « masters » et « master ». Or, selon la requérante, la marque MASTER PRECISE ne revêt aucune signification pour le public français. Quant à la marque antérieure, la requérante rappelle que la division d’opposition de l’EUIPO a considéré qu’elle n’avait pas de signification claire et précise en rapport avec les produits en cause du point de vue du public du territoire pertinent.

    40      En quatrième lieu, la requérante a contesté le caractère distinctif de la marque antérieure. Selon elle, dès lors que les mots « master », « colors » et « paris » sont dépourvus de caractère distinctif intrinsèque pour les produits de la classe 3, au sens de l’arrangement de Nice, et le public français, le caractère distinctif de la marque antérieure n’existe que grâce à la combinaison de tous les éléments verbaux et figuratifs colorés la composant. Il ne pourrait être faire abstraction des éléments visuels aux couleurs éclatantes de la marque antérieure pour déterminer ce que le consommateur garde en mémoire.

    41      La requérante a contesté l’affirmation exprimée au point 45 de la décision litigieuse. Elle a soutenu que l’élément verbal « MASTERS » ne peut être considéré comme le seul élément dominant de la marque antérieure, rendant tous les autres négligeables. La requérante a souligné à cet égard que, au point 53 de sa décision litigieuse, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a relevé que des produits de maquillage s’acquièrent surtout au terme d’un examen visuel, ce qui, selon la requérante, renforce le poids décisif à accorder au fait que les marques sont visuellement différentes.

    42      La requérante a conclu que la marque demandée ne pourra jamais « être perçue comme une variante de la marque antérieure, servant à distinguer une nouvelle gamme de produits », et que l’appréciation erronée des différents facteurs à prendre en considération a eu pour conséquence une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

    43      À l’appui de ses recours devant le Tribunal dirigés contre les décisions litigieuses autres que la décision litigieuse, L’Oréal a développé la même argumentation que celle exposée aux points 30 à 42 du présent arrêt.

    44      Aux points 18 et 19 de l’ordonnance du 26 juin 2017, L’Oréal/EUIPO – Guinot (MASTER PRECISE) (T‑181/16, non publiée, ci-après l’« ordonnance T‑181/16 », EU:T:2017:447), le Tribunal a rappelé comme suit la jurisprudence de la Cour et du Tribunal relative au risque de confusion entre des marques :

    « 18      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 32 et jurisprudence citée].

    19      En outre, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée). »

    45      En réponse au grief de la requérante reprochant à la cinquième chambre de recours de l’EUIPO d’avoir considéré que les éléments figuratifs et verbaux de la marque antérieure, autres que l’élément « masters », étaient négligeables dans l’impression d’ensemble, le Tribunal a, tout d’abord, confirmé, au point 22 de l’ordonnance T‑181/16, la jurisprudence de la Cour applicable, à savoir les arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker (C‑334/05 P, EU:C:2007:333, points 41 et 42 et jurisprudence citée), ainsi que du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI (C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, points 42 et 43), mentionnés par la requérante dans sa requête.

    46      Ensuite, le Tribunal a répondu comme suit, aux points 23 et 24 de l’ordonnance T‑181/16, audit grief de la requérante :

    « 23      À cet égard, il suffit de constater que l’argument de la requérante repose sur une lecture erronée de la décision [litigieuse]. En effet, la chambre de recours, lors de la comparaison des signes en conflit, s’est fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci. Ainsi, s’agissant de la comparaison des signes sur le plan visuel, la chambre de recours a constaté que les signes étaient similaires dans la mesure où ils coïncidaient par les lettres “m”, “a”, “s”, “t”, “e” et “r”, mais qu’ils différaient par la lettre finale “s”, par les éléments verbaux “colors” et “paris” et par les éléments figuratifs de la marque antérieure ainsi que par l’élément “precise” de la marque demandée. Sur le plan phonétique, elle a relevé que la prononciation des signes en conflit coïncidait par les lettres “m”, “a”, “s”, “t”, “e” et “r”, mais différait par les éléments “colors” et “paris” de la marque antérieure et par l’élément “precise” de la marque demandée. Sur le plan conceptuel, elle a estimé que les signes en conflit étaient similaires pour la partie du public pertinent qui comprendrait les termes “masters” et “master” comme ayant la même signification et a relevé qu’ils différaient en ce qui concernait leurs autres éléments. En conclusion, la chambre de recours a considéré que les marques coïncidaient par les lettres “m”, “a”, “s”, “t”, “e” et “r” qui constituaient le début des signes et a indiqué que les différences entre les éléments verbaux et figuratifs ne pouvaient pas contrecarrer cette importante similitude entre les signes.

    24      Il en ressort que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours ne s’est pas contentée de procéder à une comparaison du seul élément “masters” du signe antérieur avec l’élément “master” de la marque demandée, qu’elle a pris en considération les différences entre les signes en conflit et qu’elle a ainsi fondé sa conclusion concernant la similitude des signes en conflit sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci. »

    47      Le Tribunal a, en outre, relevé, au point 25 de l’ordonnance T‑181/16, que la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a utilisé le terme « négligeable » au sens de « secondaire ».

    48      Au point 28 de ladite ordonnance, le Tribunal a considéré :

    « Il ressort de la décision [litigieuse] que, pour établir le caractère dominant de l’élément “masters” de la marque antérieure, la chambre de recours ne s’est pas fondée uniquement sur la taille de cet élément par rapport aux autres éléments verbaux, mais qu’elle a également tenu compte de sa position en début du signe, du faible caractère distinctif des autres éléments verbaux “colors” et “paris” et de la nature essentiellement décorative des éléments figuratifs. »

    49      Au point 29 de l’ordonnance T‑181/16, le Tribunal a estimé que « l’argument de la requérante selon lequel l’élément figuratif constitué d’un carré rouge serait dominant parce qu’il est visuellement plus frappant n’est pas suffisant pour remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours ».

    50      Le Tribunal, au point 31 de ladite ordonnance, a synthétisé comme suit l’argument de la requérante relatif au caractère distinctif des éléments des marques en conflit :

    « Par un deuxième grief, la requérante fait valoir, en substance, que les termes “masters” ou “master” sont dépourvus de caractère distinctif intrinsèque pour des produits relevant de la classe 3 [au sens de l’arrangement de Nice]. À cet égard, elle fait valoir que l’emploi de ces termes est généralisé en français et qu’ils désignent un niveau élevé de compétence ou une qualité supérieure. S’agissant des produits de maquillage pour les yeux, l’usage du mot “master” serait banal et serait perçu par le public pertinent comme une allusion laudative et non distinctive. »

    51      Le Tribunal, aux points 32 et 33 de l’ordonnance T‑181/16, a répondu comme suit à cet argument :

    « 32      Il y a lieu de relever que, s’agissant de la marque antérieure, la chambre de recours a indiqué que l’élément “colors”, signifiant “couleurs”, était faiblement distinctif pour des produits de maquillage et que l’élément “paris” constituait une indication de l’origine des produits et n’était pas distinctif. Elle a considéré que les éléments figuratifs de cette marque étaient peu distinctifs du fait de leur nature essentiellement décorative. Elle en a conclu que le public pertinent n’accorderait pas autant d’attention à l’ensemble de ces éléments non distinctifs ou faiblement distinctifs qu’à l’élément le plus distinctif, à savoir l’élément “masters”.

    33      Il suffit de constater que la requérante n’a pas contesté l’absence de caractère distinctif ou le caractère distinctif faible des éléments verbaux et figuratifs de la marque antérieure autres que l’élément “masters”. Elle n’a donc avancé aucun argument de nature à remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’élément “masters” était l’élément le plus distinctif de la marque antérieure. »

    52      En réponse à l’argument de la requérante selon lequel la cinquième chambre de recours de l’EUIPO se serait contredite en reconnaissant à l’élément « precise » un caractère distinctif et, ensuite, en lui niant tout caractère distinctif, le Tribunal a statué comme suit au point 36 de l’ordonnance T‑181/16 :

    « À cet égard, il suffit de relever qu’il ressort clairement de la décision [litigieuse] que la chambre de recours a considéré que l’élément “precise” était non distinctif et que l’élément “master” était l’élément le plus distinctif de la marque demandée. Le fait que la chambre de recours ait indiqué que l’élément “precise” était “non distinctif” ou “faiblement distinctif” dans la décision [litigieuse] n’est pas susceptible de remettre en cause sa conclusion selon laquelle l’élément “master” était l’élément le plus distinctif de la marque demandée. L’argument de la requérante est donc inopérant. »

    53      Au point 42 de l’ordonnance T‑181/16, le Tribunal a synthétisé comme suit l’argument de la requérante relatif à l’absence de risque de confusion :

    « Par un quatrième grief, la requérante fait valoir que, en raison de l’absence de caractère distinctif des différents éléments de la marque antérieure, cette marque ne dispose d’un caractère distinctif que par la combinaison de tous ses éléments verbaux et figuratifs. Cette combinaison n’étant pas reproduite dans la marque demandée, cette dernière ne reproduirait pas le caractère distinctif de la marque antérieure et il n’existerait pas de risque de confusion. »

    54      Il y a répondu comme suit, au point 43 de ladite ordonnance :

    « Par ce grief, la requérante semble procéder à une comparaison des caractères distinctifs des marques en conflit. Or, il suffit de constater qu’une telle appréciation est étrangère à l’analyse d’un risque de confusion. »

    55      Aux points 46 à 52 de l’ordonnance T‑181/16, le Tribunal a, par diverses appréciations, répondu au grief de la requérante selon lequel il convenait d’accorder un poids décisif à la considération selon laquelle les signes en conflit sont visuellement différents.

    56      Ayant rejeté chacun des griefs, le Tribunal a rejeté le recours comme manifestement non fondé.

    57      Par les ordonnances attaquées autres que l’ordonnance T‑181/16, le Tribunal s’est prononcé dans des termes semblables à ceux exposés aux points 44 à 56 du présent arrêt.

     La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

    58      Par décision du président de la Cour du 21 novembre 2017, les affaires C‑519/17 P et C‑522/17 P à C‑525/17 P ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt, conformément à l’article 54 du règlement de procédure de la Cour.

    59      L’Oréal demande à la Cour :

    –        d’annuler les ordonnances attaquées ;

    –        de renvoyer les affaires au Tribunal, et

    –        de réserver les dépens ou, à titre subsidiaire, de condamner l’EUIPO à supporter les dépens afférents tant à la procédure de pourvoi qu’à celle de première instance.

    60      L’EUIPO demande à la Cour de rejeter les pourvois et de condamner L’Oréal aux dépens.

    61      Guinot demande à la Cour de rejeter les pourvois et de condamner L’Oréal aux dépens afférents aux procédures de première instance et de pourvoi.

     Sur le pourvoi dans l’affaire C519/17

    62      L’Oréal présente deux moyens. Par le premier, elle reproche au Tribunal d’avoir commis une dénaturation des faits et de son argumentation. Par le second, elle soutient que le Tribunal a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

     Sur le premier moyen

     Argumentation des parties

    63      Par son premier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a manifestement dénaturé l’argumentation que celle-ci avait présentée dans sa requête lorsqu’il a affirmé, au point 33 de l’ordonnance T‑181/16, qu'« [e]lle n’a donc avancé aucun argument de nature à remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’élément “masters” était l’élément le plus distinctif de la marque antérieure ».

    64      La requérante rappelle les éléments qu’elle a présentés aux points 18 à 22 de sa requête devant le Tribunal, relatifs au caractère distinctif de l’élément « master ». Elle fait valoir, par ailleurs, que le Tribunal aurait dû lui-même procéder à une appréciation factuelle.

    65      L’EUIPO et Guinot soutiennent que la seconde phrase du point 33 de l’ordonnance T‑181/16 doit être interprétée à la lumière de la première phrase de ce point, dans laquelle le Tribunal a constaté que « la requérante n’a pas contesté l’absence de caractère distinctif ou le caractère distinctif faible des éléments verbaux et figuratifs de la marque antérieure autres que l’élément “masters” ».

    66      Selon l’EUIPO, au point 33 de l’ordonnance T‑181/16, le Tribunal a relevé non pas une absence d’argument de la part de la requérante, mais bien le caractère inopérant de l’argument qu’elle a avancé, apprécié à la lumière des faits qui n’ont pas été contestés.

     Appréciation de la Cour

    67      Il est de jurisprudence constante que la motivation d’un arrêt ou d’une ordonnance du Tribunal doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (arrêts du 26 mai 2016, Rose Vision/Commission, C‑224/15 P, EU:C:2016:358, point 24, et du 1er décembre 2016, Klement/EUIPO, C‑642/15 P, non publié, EU:C:2016:918, point 24).

    68      Il y a lieu de constater que, au point 32 de l’ordonnance T‑181/16, le Tribunal a reproduit un argument de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO sans préciser s’il considérait que cet argument était fondé.

    69      Par la première phrase du point 33 de cette ordonnance, le Tribunal a considéré qu'« [i]l suffit de constater » que la requérante n’a pas contesté l’absence de caractère distinctif ou le caractère distinctif faible des éléments verbaux et figuratifs de la marque antérieure autres que l’élément « masters ». Toutefois, le Tribunal n’a pas explicité quelle était la pertinence de cette constatation et pourquoi elle était suffisante pour répondre au grief de la requérante qui faisait partie d’un moyen fondé sur l’erreur d’application des principes résultant de la jurisprudence de la Cour relatifs à l’appréciation globale des marques.

    70      Dans la seconde phrase du point 33 de ladite ordonnance, le Tribunal a considéré que la requérante n’avait avancé aucun argument de nature à remettre en cause l’appréciation de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO selon laquelle l’élément « masters » était l’élément le plus distinctif de la marque antérieure. Cette phrase peut être interprétée en ce sens que la requérante n’a pas avancé d’argument ayant pour objet de remettre en cause l’appréciation de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO selon laquelle l’élément « masters » était l’élément le plus distinctif de la marque antérieure. Or, ainsi que la Cour a pu le constater, la requête déposée devant le Tribunal contient une liste d’utilisations du terme « master » pour des produits et des services relatifs au maquillage présentées à titre de preuve du caractère banal, laudatif et non distinctif de ce terme.

    71      Ladite phrase peut également être interprétée en ce sens que la requérante n’a pas avancé d’argument ayant pour effet de remettre en cause l’appréciation de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO selon laquelle l’élément « masters » était l’élément le plus distinctif de la marque antérieure. Toutefois, aucun élément ne permet de considérer qu’une telle interprétation correspondrait à ce qu’a souhaité exprimer le Tribunal.

    72      Ainsi que le suggère l’EUIPO, la seconde phrase du point 33 l’ordonnance T‑181/16 pourrait également être interprétée à la lumière de la première phrase de ce point, et être comprise en ce sens qu’il était vain, pour la requérante, de contester le caractère distinctif de l’élément « masters » si celle-ci n’avait pas contesté d’abord l’absence de caractère distinctif ou le caractère distinctif faible des éléments verbaux et figuratifs de la marque antérieure autres que l’élément « masters ». Toutefois, le seul élément en faveur de cette interprétation est le mot « donc », qui n’est conforté par aucune motivation permettant d’assurer que tel est bien le sens de la seconde phrase du point 33 de cette ordonnance.

    73      Notamment, le Tribunal n’a mentionné aucune jurisprudence qui aiderait à l’interprétation de ladite phrase. Or, la motivation de l’ordonnance T‑181/16 était d’autant plus nécessaire qu’il existe une jurisprudence du Tribunal selon laquelle, lorsque les éléments de similitude entre deux signes tiennent au fait qu’ils partagent un composant présentant un caractère distinctif faible, l’impact de tels éléments de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion est lui-même faible [arrêt du 22 février 2018, International Gaming Projects/EUIPO – Zitro IP (TRIPLE TURBO), T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91, point 73 et jurisprudence citée].

    74      Il ressort de ces éléments que la motivation de l’ordonnance T‑181/16 est équivoque et incomplète et n’a pas permis à la requérante de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel.

     Sur le second moyen

     Argumentation des parties

    75      Par la première branche du second moyen, la requérante conteste le point 43 de l’ordonnance T‑181/16, par lequel le Tribunal a déclaré que, par son quatrième grief, « la requérante semble procéder à une comparaison des caractères distinctifs des marques en conflit. Or, il suffit de constater qu’une telle appréciation est étrangère à l’analyse d’un risque de confusion ». La requérante relève que, par ce grief, elle comparait non pas les caractères distinctifs de ces marques, mais bien lesdites marques elles-mêmes.

    76      Elle souligne que le Tribunal aurait dû faire une analyse correcte et globale du risque de confusion, c’est-à-dire en tenant compte de tous les facteurs du cas d’espèce. Elle fait valoir que l’élément verbal « master » ne pouvait être artificiellement isolé et considéré comme le seul élément dominant de la marque figurative antérieure rendant tous les autres éléments négligeables. Et même si le Tribunal devait à nouveau estimer que l’élément « masters » est faiblement distinctif, il devrait admettre que les autres éléments de la marque complexe antérieure, considérés de manière globale, ainsi que l’élément verbal « precise » accolant l’élément « master » de la marque demandée, sont de nature à éviter tout risque de confusion de la part d’un public raisonnablement attentif et avisé.

    77      L’EUIPO relève que, au point 42 de l’ordonnance T‑181/16, le Tribunal a repris l’argument figurant au point 30 de la requête en première instance, selon lequel, « [d]ès lors que cette combinaison [de tous les éléments verbaux et figuratifs colorés] ne se retrouve pas dans la marque verbale litigieuse, il faut en conclure que celle-ci ne reproduit pas le caractère distinctif de celle-là. Il n’y a dès lors pas de risque de confusion possible ». La requérante ne saurait dès lors reprocher au Tribunal d’avoir qualifié cet argument d’invitation à comparer les signes distinctifs des marques en conflit.

    78      Guinot fait valoir, en premier lieu, qu’il ressort du point 24 de l’ordonnance T‑181/16 que le Tribunal a procédé à une comparaison globale des signes en présence. En deuxième lieu, elle rappelle que, selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci (arrêt du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 23). Par ailleurs, un composant d’une marque complexe serait considéré comme distinctif et dominant lorsqu’il est susceptible de dominer à lui seul l’image de la marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 33]. Guinot relève à cet égard, que, aux points 28 et suivants de l’ordonnance T‑181/16, le Tribunal a considéré que l’élément dominant des signes en cause était le terme « masters » et, au point 49 de cette ordonnance, que « deux marques peuvent être considérées comme similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents ». En l’espèce, il existerait un risque de confusion incontestable.

    79      Par la seconde branche du second moyen, la requérante soutient que le point 36 de l’ordonnance T‑181/16 16 est entaché d’une contradiction dans la mesure où, en utilisant le degré de comparaison « le plus distinctif » par rapport à l’élément verbal « master » de la marque contestée, le Tribunal a reconnu implicitement un certain caractère distinctif à l’autre élément verbal composant cette marque, à savoir l’élément verbal « precise ». Néanmoins, il a confirmé ensuite les constatations de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO selon lesquelles ce dernier élément était non distinctif ou faiblement distinctif.

     Appréciation de la Cour

    80      Il y a lieu de constater que le quatrième grief de la requérante présenté devant le Tribunal faisait partie d’un moyen fondé sur une erreur d’application des principes de la jurisprudence relatifs à l’appréciation globale des marques. Ce grief était compréhensible, ainsi que cela ressort de la réponse proposée par Guinot dans son mémoire en réponse devant le Tribunal.

    81      En l’espèce, le Tribunal n’a pas répondu audit grief et, en tout état de cause, n’a pas motivé son affirmation, au point 43 de l’ordonnance T‑181/16, selon laquelle une comparaison des caractères distinctifs des marques en conflit serait étrangère à l’analyse d’un risque de confusion entre ces marques.

    82      Par conséquent, il y a lieu de constater que le Tribunal n’a pas répondu de façon complète au grief de la requérante et, en tout état de cause, n’a pas motivé à suffisance de droit sa réponse.

    83      Il résulte de l’examen du premier moyen et de la première branche du second moyen que l’insuffisance de motivation de l’ordonnance attaquée n’a pas permis à la requérante de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel. Il y a lieu, dès lors, d’annuler l’ordonnance T‑181/16, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la seconde branche du second moyen.

     Sur les pourvois dans les affaires C522/17 à C525/17

    84      Les pourvois dans les affaires C‑522/17 à C‑525/17 étant dirigés contre les ordonnances attaquées autres que l’ordonnance T‑181/16 dont le contenu est identique à celui de cette dernière, il y a lieu d’annuler ces ordonnances en raison de leur insuffisance de motivation, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 67 à 74 et 80 à 83 du présent arrêt.

     Sur les recours devant le Tribunal

    85      Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour peut statuer définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

    86      En l’espèce, le Tribunal n’ayant pas répondu aux moyens de la requérante de manière structurée, suffisante et motivée, il y a lieu de lui renvoyer les cinq affaires.

     Sur les dépens

    87      Les cinq affaires étant renvoyées devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens afférents aux présentes procédures de pourvoi.

    Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

    1)      Les ordonnances du Tribunal de l’Union européenne du 26 juin 2017, L’Oréal/EUIPO – Guinot (MASTER PRECISE) (T181/16, non publiée, EU:T:2017:447), L’Oréal/EUIPO – Guinot (MASTER SMOKY) (T179/16, non publiée, EU:T:2017:445), L’Oréal/EUIPO – Guinot (MASTER SHAPE) (T180/16, non publiée, EU:T:2017:451), L’Oréal/EUIPO – Guinot (MASTER DUO) (T182/16, non publiée, EU:T:2017:448), et L’Oréal/EUIPO – Guinot (MASTER DRAMA) (T183/16, non publiée, EU:T:2017:449), sont annulées.

    2)      Les affaires T181/16, T179/16, T180/16, T182/16 et T183/16 sont renvoyées devant le Tribunal de l’Union européenne.


    3)      Les dépens sont réservés.

    Rosas

    Toader

    Prechal

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 mai 2018.

    Le greffier

    Le président de la VIIème chambre

    A. Calot Escobar

     

    A. Rosas


    *      Langue de procédure : le français.

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