This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document 62014CO0608
Order of the Court (Ninth Chamber) of 7 May 2015.#Elena Delia Pondiche v Statul român and Consiliul Naţional pentru Combaterea Discriminării.#Reference for a preliminary ruling from the Tribunalul Sibiu.#Reference for a preliminary ruling — Charter of Fundamental Rights of the European Union — Grant of child allowance — Determination of the law applicable in accordance with the date of birth of the child and not in accordance with its date of conception — Failure to implement EU law — Clear lack of jurisdiction of the Court.#Case C-608/14.
Euroopa Kohtu määrus (üheksas koda), 7. mai 2015.
Elena Delia Pondiche versus Statul român ja Consiliul Naţional pentru Combaterea Discriminării.
Eelotsusetaotlus: Tribunalul Sibiu - Rumeenia.
Kohtuasi C-608/14.
Euroopa Kohtu määrus (üheksas koda), 7. mai 2015.
Elena Delia Pondiche versus Statul român ja Consiliul Naţional pentru Combaterea Discriminării.
Eelotsusetaotlus: Tribunalul Sibiu - Rumeenia.
Kohtuasi C-608/14.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:313
ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)
7 mai 2015 (*)
«Renvoi préjudiciel – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Octroi des allocations pour enfant à charge – Détermination de la loi applicable en fonction de la date de la naissance de l’enfant et non en fonction de la date de sa conception – Absence de mise en œuvre du droit de l’Union – Incompétence manifeste de la Cour»
Dans l’affaire C‑608/14,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Sibiu (Roumanie), par décision du 20 novembre 2014, parvenue à la Cour le 23 décembre 2014, dans la procédure
Elena Delia Pondiche
contre
Statul român,
Consiliul Naţional pentru Combaterea Discriminării,
LA COUR (neuvième chambre),
composée de Mme K. Jürimäe (rapporteur), président de chambre, M. J. Malenovský et Mme A. Prechal, juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 6 TUE, 20, 21, paragraphe 1, 24, paragraphes 1 et 2, 34 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») ainsi que des articles 3, paragraphe 1, sous b), et 4 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 166, p. 1, et rectificatif JO L 200, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Pondiche au Statul român (État roumain) et au Consiliul Naţional pentru Combaterea Discriminării (Conseil national de lutte contre les discriminations), au sujet de la demande d’allocation pour enfant à charge présentée par Mme Pondiche au titre de son enfant.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 883/2004, celui-ci s’applique notamment à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent les prestations de maternité et de paternité assimilées.
4 L’article 4 de ce règlement dispose:
«À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les personnes auxquelles le présent règlement s’applique bénéficient des mêmes prestations et sont soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de tout État membre, que les ressortissants de celui-ci.»
Le droit roumain
5 Selon l’article 1er, paragraphe 1, de l’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 148 relative à l’aide aux familles ayant des enfants à charge (ordonanţa de urgenţă nr. 148 privind susţinerea familiei în vederea creşterii copilului), du 3 novembre 2005 (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 1008 du 14 novembre 2005, ci-après l’«OUG n° 148/2005»):
«Pour les enfants nés, adoptés, confiés en vue d’un adoption, à charge, à charge selon un régime d’urgence ou de tutelle jusqu’au 31 décembre 2010, les personnes qui, au cours de la dernière année qui la date de naissance de l’enfant ou de réalisation des événements susmentionnés, ont obtenu sur douze mois des revenus professionnels soumis à l’impôt sur le revenu [...] bénéficient d’un congé parental pour élever un enfant de moins de deux ans ou, dans le cas d’un enfant handicapé, de moins de trois ans, et d’une allocation mensuelle représentant 85 % du revenu moyen des douze derniers mois. [...]»
6 À compter du 1er janvier 2012, l’OUG n° 148/2005 a été abrogée et remplacée par l’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 111 relative au congé parental et à l’allocation mensuelle pour enfant à charge (ordonanţa de urgenţă nr. 111/2010 privind concediul şi indemnizaţia lunară pentru creşterea copiilor), du 8 décembre 2010 (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 830 du 10 décembre 2010, ci-après l’«OUG n° 111/2010»), dont les articles 2 à 29 régissent, ainsi que le prévoit son article 1er, les droits accordés, notamment, aux personnes ayant des enfants nés à partir du 1er janvier 2011.
7 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de l’OUG n° 111/2010:
«À partir du 1er janvier 2011, les personnes qui, au cours de l’année qui précède la date de naissance de l’enfant, ont obtenu sur douze mois des revenus salariaux, des revenus d’une activité indépendante, des revenus d’une activité agricole soumis à l’impôt sur le revenu [...] peuvent bénéficier au choix des droits suivants:
a) un congé pour enfant à charge âgé de moins d’un an, ou de moins de trois ans dans le cas d’un enfant handicapé, ainsi que d’une allocation mensuelle;
b) un congé pour enfant à charge âgé de moins de deux ans et d’une allocation mensuelle.»
8 Selon l’article 2, paragraphe 2, de l’OUG n° 111/2010, le montant de l’allocation mensuelle visée au paragraphe 1, sous a), de cet article est fixé à 85 % du revenu moyen net des douze derniers mois et ne peut être inférieur à 1,2 de l’indicateur social de référence (ci-après l’«ISR») ni supérieur à 6,8 de l’ISR.
9 En vertu de l’article 2, paragraphe 3, de l’OUG n° 111/2010, le montant de l’allocation mensuelle visée au paragraphe 1, sous b), de cet article est fixé à 85 % du revenu moyen net des douze derniers mois et ne peut être inférieur à 1,2 de l’ISR ni supérieur à 2,4 de l’ISR.
10 L’article 30 de l’OUG n° 111/2010 est ainsi libellé:
«1. Les personnes ayant donné naissance ou qui donneront naissance à un enfant au plus tard le 31 décembre 2010 [...] bénéficient des droits régis par l’[OUG n° 148/2005, telle que modifiée].
2. Pour les personnes visées au paragraphe 1, le montant de l’allocation pour enfant à charge s’élève à 85 % du revenu mensuel moyen net des douze derniers mois qui précèdent la naissance de l’enfant [...], mais ne peut être inférieur à 1,2 de l’ISR ni supérieur à 6,8 de l’ISR».
Le litige au principal et les questions préjudicielles
11 Mme Pondiche a donné naissance, le 8 février 2011, à un enfant et a demandé à l’Agenţia Naţională pentru Prestaţii Sociale (Agence nationale des prestations sociales) de lui octroyer une allocation pour enfant à charge au titre de cet enfant. Cette agence a décidé de lui accorder, conformément à l’OUG n° 111/2010, et pour une durée d’un an, une allocation s’élevant à 75 % de son revenu moyen net des douze derniers mois précédant la naissance dudit enfant, plafonnée à 3 400 lei roumains (RON).
12 Considérant que cette allocation aurait dû être calculée sur la base du texte en vigueur à la date de conception de son enfant, en l’occurrence l’OUG n° 148/2005, Mme Pondiche a introduit, le 3 octobre 2013, un recours auprès de la Judecătoria Sibiu (tribunal de première instance de Sibiu) contre le Statul român, représenté par le Ministerul Finanţelor şi Economiei (ministère des Finances et de l’Économie), et le Consiliul Naţional pentru Combaterea Discriminării. Par sa requête, elle demandait que le Statul român soit condamné à lui payer la somme de 55 200 RON au titre du préjudice matériel résultant de la discrimination dont elle s’estimait victime, assortie des intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 1er octobre 2011 et jusqu’à la date de paiement effectif.
13 Devant cette juridiction, Mme Pondiche faisait valoir que, en vertu de l’article 654, paragraphe 2, du code civil roumain, l’enfant conçu est considéré comme existant, dès lors qu’il naît vivant et viable, et a vocation à avoir des droits. Selon elle, un enfant conçu avant le 31 décembre 2010 et né après cette date ferait l’objet d’une discrimination par rapport aux enfants conçus et nés avant cette date, puisque ceux-ci, quoique placés dans une situation identique, bénéficieraient d’une allocation plus élevée sans que cela fût objectivement justifié. La demanderesse au principal en concluait que la disposition du droit national qui a exclu l’application de l’OUG n° 148/2005 aux enfants conçus avant le 31 décembre 2010 et né après cette date était contraire aux articles 2 TFUE, 3, paragraphe 2, TFUE et 6 TFUE ainsi qu’à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte.
14 Son recours ayant été rejeté par le Judecătoria Sibiu, Mme Pondiche a saisi la juridiction de renvoi.
15 Considérant que la solution du litige au principal dépend de la manière dont les dispositions du droit national doivent être interprétées à la lumière du traité UE et de la Charte, le Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«[1)] La protection sociale, les droits de l’enfant et les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, garantis par le droit [de l’Union] en vertu de l’article 6 TUE, l’article 20, l’article 21, paragraphe 1, l’article 24, paragraphes 1 et 2, l’article 34, l’article 52 de la Charte, l’article 3, paragraphe 1, sous b), et l’article 4 du règlement n° 883/2004, peuvent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des dispositions de droit interne qui limitent le montant de l’allocation pour enfant à charge en fonction de la date de naissance de l’enfant et non pas en fonction de la date de conception, alors que l’enfant conçu est considéré comme existant, dès lors qu’il naît vivant et viable, sans justification objective et raisonnable?
[2)] L’OUG n° 111/2010 institue-t-elle une mesure discriminatoire entre des personnes qui se trouvent dans une situation identique, à savoir entre les enfants conçus et nés jusqu’au 31 décembre 2010 et les enfants conçus jusqu’au 31 décembre 2010 et nés après cette date?»
Sur la compétence de la Cour
16 En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’elle est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire ou lorsqu’une demande est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
17 Il convient de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
Sur la première question
18 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’interpréter les articles 6 TUE, 20, 21, paragraphe 1, 24, paragraphes 1 et 2, 34 et 52 de la Charte ainsi que les articles 3, paragraphe 1, sous b), et 4 du règlement n° 883/2004, afin de savoir si ces dispositions s’opposent à une réglementation nationale relative aux allocations pour enfant à charge qui prévoit que celle-ci est applicable ratione temporis aux enfants nés à compter de la date de son entrée en vigueur et non aux enfants conçus à compter de cette date.
19 À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE, la Cour peut uniquement interpréter le droit de l’Union dans les limites des compétences attribuées à l’Union européenne (voir ordonnances Vino, C‑161/11, EU:C:2011:420, point 25; Corpul Naţional al Poliţiştilor, C‑434/11, EU:C:2011:830, point 13, et Schuster & Co Ecologic, C‑371/13, EU:C:2013:748, point 14).
20 S’agissant notamment de la Charte, l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci prévoit que ses dispositions s’adressent «aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre de droit de l’Union». L’article 6, paragraphe 1, TUE, qui attribue une valeur contraignante à la Charte, de même que l’article 51, paragraphe 2, de cette dernière, précise que les dispositions de la Charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que définies dans les traités (voir, en ce sens, arrêt Siragusa, C‑206/13, EU:C:2014:126, point 20; ordonnances Balázs et Papp, C‑45/14, EU:C:2014:2021, point 20, ainsi que Yumer, C‑505/13, EU:C:2014:2129, point 25).
21 Or, lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions éventuellement invoquées de la Charte ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence (voir arrêts Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, point 22; Torralbo Marcos, C‑265/13, EU:C:2014:187, point 30, et Pelckmans Turnhout, C‑483/12, EU:C:2014:304, point 20).
22 Selon la description de la juridiction de renvoi, le litige au principal concerne l’applicabilité dans le temps d’une réglementation nationale fixant les modalités de calcul des allocations pour enfant à charge. Or, aucun élément de la décision de renvoi ne laisse supposer que cette réglementation nationale viserait à mettre en œuvre le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.
23 Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que la juridiction de renvoi se réfère, notamment, aux articles 3, paragraphe 1, sous b), et 4 du règlement n° 883/2004, la première de ces dispositions déterminant le champ d’application de ce règlement et la seconde énonçant le principe d’égalité de traitement entre les personnes auxquelles s’applique la législation d’un État membre et les ressortissants de celui-ci. En effet, aucun élément figurant dans la décision de renvoi ne permet de considérer que la situation en cause au principal relèverait du champ d’application dudit règlement.
24 Il s’ensuit que la différence de traitement alléguée au principal relève uniquement du droit national dont l’interprétation appartient exclusivement à la juridiction de renvoi. Par conséquent, la compétence de la Cour pour répondre à la première question n’est pas établie.
Sur la seconde question
25 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi invite la Cour à interpréter la réglementation nationale en cause au principal, à savoir l’OUG n° 111/2010.
26 À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, la Cour n’est pas compétente pour interpréter le droit interne d’un État membre, cette mission incombant exclusivement à la juridiction de renvoi (voir, notamment, arrêts Georgiev, C‑250/09 et C‑268/09, EU:C:2010:699, point 75, ainsi que Kelly, C‑104/10, EU:C:2011:506, point 50).
27 Par conséquent, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question préjudicielle.
28 Dans ces conditions, il convient de constater que, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, celle-ci est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par le Tribunalul Sibiu.
Sur les dépens
29 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit:
La Cour de justice de l’Union européenne est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par le Tribunalul Sibiu (Roumanie), par décision du 20 novembre 2014.
Signatures
* Langue de procédure: le roumain.