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Document 61994TJ0235

    Esimese Astme Kohtu otsus (esimene koda), 27. veebruar 1996.
    Roberto Galtieri versus Euroopa Parlament.
    Ametnikud - Alusetult makstud summa tagasinõudmine.
    Kohtuasi T-235/94.

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:1996:22

    61994A0235

    Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre) du 27 février 1996. - Roberto Galtieri contre Parlement européen. - Fonctionnaires - Allocation de foyer - Répétition de l'indu - Excès de pouvoir - Confiance légitime - Dommages et intérêts. - Affaire T-235/94.

    Recueil de jurisprudence - fonction publique 1996 page IA-00043
    page II-00129


    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Parties


    ++++

    Dans l'affaire T-235/94,

    Roberto Galtieri, agent temporaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles, représenté par Me Harold Wouters, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Bertrand Assoignons, 8, rue des Girondins,

    partie requérante,

    contre

    Parlement européen, représenté par MM. Manfred Peter, chef de division au service juridique, et Kieran Bradley, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet, en premier lieu, l'annulation de la décision du Parlement européen, notifiée par lettre du 19 janvier 1994, de récupérer les sommes indûment perçues par le requérant à titre d'allocation de foyer, en deuxième lieu, la condamnation du Parlement européen à rembourser les sommes prélevées sur ses rémunérations mensuelles et, en troisième lieu, la condamnation du Parlement européen au paiement de dommages et intérêts ainsi que d'intérêts moratoires,

    LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

    (première chambre),

    composé de M. A. Saggio, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

    greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

    vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 8 novembre 1995,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    Cadre juridique et faits à l'origine du recours

    1 Un agent temporaire marié a droit, en principe, en vertu de l'article 1er de l'annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après, respectivement, «annexe VII» et «statut»), conjointement avec l'article 21 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après «RAA»), à une allocation de foyer égale à 5 % de son traitement de base. Toutefois, dans le cas où son conjoint exerce une activité professionnelle lucrative donnant lieu à des revenus professionnels supérieurs au traitement de base annuel d'un fonctionnaire du grade C 3, échelon 3, avant déduction de l'impôt, l'intéressé ne bénéficie pas de cette allocation, sauf décision spéciale de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»).

    2 En vertu de l'article 85 du statut, toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l'irrégularité de versement ou si celle-ci était si évidente qu'il ne pouvait manquer d'en avoir connaissance. En vertu de l'article 45 du RAA, l'article 85 du statut est applicable aux agents temporaires.

    3 Le requérant est agent temporaire du Parlement. A partir du mois de juillet 1980, il a été classé au grade B 2. Depuis le mois de janvier 1990, il occupe un emploi d'administrateur auprès du groupe des Verts. Depuis juillet 1984, il est marié avec Mme P. qui, elle aussi, fait partie du personnel des institutions communautaires.

    4 Le requérant a bénéficié, en vertu de l'article 1er de l'annexe VII, de l'allocation de foyer depuis le 1er juillet 1984 jusqu'au 30 novembre 1993 inclus.

    5 A partir du 1er novembre 1992, l'épouse du requérant, qui était au service du Conseil, a été classée au grade C 4, échelon 4. Par décision du Parlement du 26 novembre 1992, elle a été transférée dans cette institution avec effet au 16 novembre de la même année, sans changement de grade ni d'échelon. Par décision du Conseil du 8 décembre 1992, elle a été promue au grade C 3, échelon 1, avec effet rétroactif au 1er janvier 1992. Par décision du Parlement du 1er février 1993, annulant et remplaçant la décision du 26 novembre 1992, elle a été transférée au Parlement et classée au grade C 3, échelon 1. Enfin, après communication à l'administration du Parlement du calcul de son ancienneté d'échelon, son classement a été modifié et elle a été classée au grade C 3, échelon 2, par décision du Parlement du 17 février 1993.

    6 Après avoir reçu les renseignements relatifs à la situation familiale du requérant pour l'année 1993, le Parlement a considéré qu'il avait cessé d'avoir droit à l'allocation de foyer à partir du 1er janvier 1992 en raison de la promotion rétroactive de son épouse au grade C 3 à cette date. Le Parlement a décidé de procéder à la récupération des sommes qu'il estimait avoir été indûment versées au requérant, lesquelles se montaient à 267 628 BFR au total. Le requérant a été informé de cette décision d'abord par la transmission de la copie d'une note du service «statut et gestion du personnel» au service «décomptes» du 22 novembre 1993, indiquant que, à compter du 1er janvier 1992, il n'avait «plus droit à l'allocation de foyer» en raison de la «promotion en C 3/2 de son conjoint». Ensuite, le chef du service «statut et gestion du personnel», Mme Puech, a adressé au requérant une lettre en date du 19 janvier 1994, lui expliquant que le montant négatif de 267 628 BFR figurant sur son bulletin de rémunération pour le mois de décembre 1993 représentait l'allocation de foyer à laquelle il n'avait plus droit depuis le mois de janvier 1992. Dans cette lettre, Mme Puech précisait que la récupération de ce montant serait échelonnée sur neuf mois, à raison de 30 000 BFR pendant les huit premiers mois, et invitait le requérant, pour le cas où cet échelonnement serait difficile à concilier avec sa situation personnelle, à prendre contact avec elle.

    7 Par lettre du 25 janvier 1994, adressée à Mme Puech, le requérant a contesté cette décision. Le Parlement ayant confirmé sa position dans une lettre motivée du 4 février 1994, le requérant a, par lettre du 22 février 1994, présenté une réclamation formelle au titre de l'article 90 du statut à l'encontre de la décision contenue dans la lettre du 19 janvier 1994. Il demandait l'annulation de cette décision et la réparation des préjudices qui en étaient résultés.

    8 Des retenues mensuelles de 30 000 BFR sur la rémunération du requérant ont été effectuées pendant cinq mois consécutifs à partir de février 1994.

    Procédure

    9 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juin 1994, le requérant a introduit le présent recours. A la même date, il a également déposé une requête tendant à obtenir le sursis à l'exécution de la décision contestée.

    10 Conformément à l'article 91, paragraphe 4, du statut, la procédure au principal devant le Tribunal a été suspendue dans l'attente d'une décision explicite ou implicite de rejet de la réclamation.

    11 Le 21 juin 1994, le Parlement a réservé une suite favorable à la réclamation du requérant pour autant qu'elle concernait la répétition des sommes versées du 1er janvier au 31 octobre 1992 inclus. Le montant de la somme prétendument due a conséquemment été réduit à 154 790 BFR.

    12 Par ordonnance du 14 juillet 1994, le président du Tribunal a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande en référé car un accord était entre-temps intervenu entre les parties, aux termes duquel la partie défenderesse avait renoncé au remboursement immédiat de la somme restant, selon elle, encore due. Les dépens ont été réservés.

    13 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale, sans procéder à des mesures d'instruction préalables ou d'organisation de la procédure.

    14 Conformément à l'article 100 du règlement de procédure, la partie requérante a été convoquée à assister à l'audience, qui avait été fixée au 8 novembre 1995, par envoi postal recommandé adressé au mandataire qu'elle avait désigné pour recevoir toutes significations à Luxembourg. Celui-ci en a accusé réception le 23 octobre 1995.

    15 La partie requérante n'a pas été représentée lors de l'audience du 8 novembre 1995. Par conséquent, seule la partie défenderesse a été entendue en sa plaidoirie et en sa réponse à une question orale du Tribunal. A l'issue de l'audience, le président a prononcé la clôture de la procédure orale.

    16 Le 13 novembre 1995, l'avocat du requérant a demandé au Tribunal de rouvrir la procédure orale au motif que, à la suite d'une erreur d'adresse commise par le mandataire luxembourgeois qu'il avait désigné pour recevoir toutes significations, il n'avait pas reçu la convocation à l'audience. Cette explication a été confirmée par ledit avocat luxembourgeois, qui, dans une lettre adressée au Tribunal, a reconnu avoir lui-même dûment reçu la convocation.

    17 Le Tribunal estime qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande. En effet, le défaut de représentation à l'audience d'une partie dûment convoquée ne saurait justifier la réouverture de la procédure orale que si cette absence était due à un cas de force majeure, lequel doit être entendu, selon une jurisprudence constante, comme des difficultés anormales, indépendantes de la volonté de la partie qui l'invoque et apparaissant inévitables, alors même que toutes les diligences auraient été mises en oeuvre (voir l'arrêt du Tribunal du 29 mai 1991, Bayer/Commission, T-12/90, Rec. p. II-219, point 44). Or, en l'espèce, le requérant se borne à faire état d'une erreur de transmission entre le mandataire qu'il a désigné aux fins de recevoir toutes significations et son conseil, circonstance qui ne saurait être qualifiée de force majeure.

    Conclusions des parties

    18 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    - annuler la décision du Parlement contenue dans la lettre du 19 janvier 1994 de récupérer la somme de 267 628 BFR, montant réduit au stade de la réplique à 154 790 BFR;

    - condamner le Parlement au remboursement immédiat des sommes déjà prélevées sur sa rémunération ainsi qu'au paiement d'intérêts moratoires à partir de février 1994;

    - condamner le Parlement, en vertu de l'article 215 du traite CE, au paiement de 100 000 BFR à titre de dommages et intérêts afin de compenser le dommage causé par l'exécution de la décision, constitutive d'une faute de service;

    - condamner le Parlement aux dépens.

    19 La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    - déclarer le recours prématuré et, partant, irrecevable;

    - dire pour le surplus que le recours n'est pas fondé;

    - condamner le requérant à supporter ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

    Sur la recevabilité

    Exposé sommaire de l'argumentation des parties

    20 En ce qui concerne le recours dans son ensemble, le Parlement reproche au requérant de l'avoir introduit sans avoir attendu une décision explicite ou implicite de rejet au sujet de sa réclamation du 22 février 1994. Il rappelle que sa réponse a été communiquée au requérant par lettre du 21 juin 1994, soit dans le délai prescrit par le statut, et que, dans cette réponse, il a reconnu que la réclamation était en partie fondée. Dans ces circonstances, le recours serait prématuré et, partant, manifestement irrecevable.

    21 Le Parlement ajoute que les conditions prévues par l'article 91, paragraphe 4, du statut, en ce qui concerne la possibilité d'introduire un recours accompagné d'une demande en référé alors qu'aucune décision de rejet de la réclamation n'a encore été prise, ne sont pas remplies en l'espèce. Il fait valoir que le dépôt de la requête au principal et de la demande en référé n'est intervenu que trois mois après l'introduction de la réclamation auprès de l'AIPN. Dès lors que la saisine du Tribunal n'a pas été «immédiate», le régime dérogatoire de l'article 91, paragraphe 4, du statut ne serait pas d'application. Le Parlement ajoute qu'une interprétation extensive de l'article 91, paragraphe 4, du statut risquerait de priver la phase précontentieuse de son effet utile. Le recours serait ainsi en toute hypothèse irrecevable.

    22 A titre subsidiaire, le Parlement soutient que la demande visant à l'annulation de la décision du 19 janvier 1994 est devenue sans objet parce que cette décision a été retirée et que l'acte la remplaçant s'appuie sur une motivation tout à fait différente. Elle serait donc de toute manière irrecevable.

    23 Quant à la demande en indemnité présentée par le requérant, le Parlement fait valoir que cette demande s'appuie expressément sur l'article 215 du traité CE. Or, selon la jurisprudence, un litige dans le cadre de l'article 179 du traité CE et des articles 90 et 91 du statut serait en dehors du champ d'application des articles 178 et 215 du traité CE (voir l'arrêt de la Cour du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt/Commission, 9/75, Rec. p. 1171, point 7).

    24 A supposer que le Tribunal décide de traiter la demande en indemnité comme étant fondée sur l'article 179 du traité, le Parlement considère que sa recevabilité dépend de celle de la demande en annulation. Il rappelle que, lorsque le recours tend en même temps à l'annulation d'un acte et à l'octroi d'une indemnité pour le préjudice causé par cet acte, les demandes sont tellement liées l'une à l'autre que l'irrecevabilité de la demande en annulation entraîne celle de la demande en indemnité (ordonnance du Tribunal du 24 juin 1992, H. S./Conseil, T-11/90, Rec. p. II-1869, point 25). Ayant conclu à l'irrecevabilité de la demande en annulation, le Parlement considère la demande en indemnité comme étant également irrecevable.

    25 Le requérant fait valoir que son recours est recevable en vertu de l'article 91, paragraphe 4, du statut, ayant été introduit devant le Tribunal en même temps qu'une requête en référé. Il soutient que l'esprit et l'effet utile de l'article 90 du statut ont de toute façon été respectés en l'espèce, puisque le Parlement a pu connaître, avec une précision suffisante, ses griefs et ses desiderata (arrêt du Tribunal du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T-1/91, Rec. p. II-2145, point 24).

    26 Le requérant souligne que la recevabilité du recours doit être appréciée en fonction des circonstances existant au moment de son dépôt et estime que sa demande en annulation, pour cette raison, ne saurait être considérée comme étant sans objet. De toute façon, le Parlement continuerait de réclamer une certaine somme et, de ce fait, la demande en annulation aurait clairement un objet.

    27 Quant à la demande en indemnité, selon le requérant il n'est pas pertinent de «déterminer si c'est l'article 179 ou l'article 215 du traité CE qui s'applique» lorsque, comme en l'espèce, le recours au principal a été introduit dans les délais prévus par le statut. Il rétorque que la référence à l'arrêt Meyer-Burckhardt/Commission, précité, faite par le Parlement, n'est pas pertinente en l'espèce. Les situations ne seraient guère comparables, car, dans cette dernière affaire, le fonctionnaire avait introduit son recours au principal en dehors des délais prévus par le statut.

    Appréciation du Tribunal

    28 Quant au moyen d'irrecevabilité tiré par le Parlement du caractère prétendument prématuré du recours dans son ensemble, le Tribunal rappelle qu'en principe un recours introduit avant l'expiration du délai de réponse à la réclamation dirigée contre la décision implicite de rejet est prématuré et, comme tel, irrecevable (voir l'arrêt du Tribunal du 7 février 1991, Tagaras/Cour de justice, T-18/89 et T-24/89, Rec. p. II-53, points 49 et 50). Néanmoins, l'obligation d'épuiser la procédure administrative, édictée par l'article 91, paragraphe 2, du statut, est limitée par le paragraphe 4 du même article. Il résulte de cette disposition que l'intéressé peut, après avoir introduit auprès de l'AIPN une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, saisir immédiatement le Tribunal d'un recours, à la condition que, à ce recours, soit jointe une requête tendant à obtenir le sursis à l'exécution de l'acte attaqué ou des mesures provisoires. Le présent recours ne peut, partant, être considéré comme prématuré sans que soit préalablement examinée l'applicabilité éventuelle de cette dérogation en l'espèce.

    29 Certes, après l'introduction de sa réclamation, le requérant a attendu plus de trois mois avant d'introduire un recours devant le Tribunal. Toutefois, l'article 91, paragraphe 4, du statut ne fixe pas de délai pour la saisine du Tribunal. Celui-ci ne saurait dès lors interpréter cette disposition de façon restrictive. L'article 91, paragraphe 4, du statut tend davantage à ouvrir la possibilité de saisir le Tribunal avant l'expiration de la procédure précontentieuse à la condition de le saisir à la fois d'une requête au principal et d'une demande en référé qu'à imposer un délai strict pour la saisine du Tribunal. Par conséquent, le Tribunal ne saurait juger que le requérant était forclos à se prévaloir de la dérogation prévue par l'article 91, paragraphe 4, du statut du fait qu'il n'a saisi le Tribunal que plus de trois mois après l'introduction de sa réclamation auprès de l'AIPN. Ce moyen d'irrecevabilité doit dès lors être écarté.

    30 Quant au moyen d'irrecevabilité tiré par le Parlement de ce que la demande en annulation serait devenue sans objet à la suite de la réponse donnée à la réclamation, le Tribunal relève que le requérant conserve un intérêt à obtenir l'annulation de la décision de procéder à la répétition de l'indu. En effet, la réponse du Parlement à la réclamation a modifié la décision initiale mais n'a donné qu'en partie satisfaction au requérant. Ce moyen d'irrecevabilité ne saurait par conséquent non plus être accueilli.

    31 Le Tribunal ayant déclaré la demande en annulation recevable, le moyen d'irrecevabilité tiré par le Parlement de la règle selon laquelle l'irrecevabilité de la demande en annulation entraîne celle de la demande en indemnité doit également être écarté.

    32 Il résulte de ce qui précède que le recours doit être déclaré recevable.

    Sur le fond

    33 Le Tribunal relève tout d'abord que, compte tenu de la réponse que le Parlement a donnée à la réclamation du requérant le 21 juin 1994, soit après le dépôt du présent recours, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de celui-ci dans la mesure où elles visent la période antérieure au 1er novembre 1992. La question qui doit être examinée par le Tribunal en l'espèce est celle de savoir si la répétition des versements que le requérant a perçus à titre d'allocation de foyer du 1er novembre 1992 au 30 novembre 1993 inclus doit être considérée comme étant justifiée ou non.

    La demande en annulation

    34 Le requérant a invoqué trois moyens. Le premier moyen est tiré d'une application erronée de l'article 85 du statut. Le deuxième moyen est pris d'un excès ou d'un abus de pouvoir. Le troisième moyen est tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime.

    Sur le premier moyen tiré d'une violation de l'article 85 du statut

    - Exposé sommaire de l'argumentation des parties

    35 Se référant à l'arrêt de la Cour du 11 octobre 1979, Berghmans/Commission (142/78, Rec. p. 3125), le requérant soutient que, pour qu'une somme versée sans justification puisse être répétée, il est nécessaire d'administrer la preuve que le bénéficiaire avait une connaissance effective du caractère irrégulier du paiement ou que l'irrégularité du versement était si évidente que le bénéficiaire ne pouvait manquer d'en avoir connaissance.

    36 Selon le requérant, le Parlement n'a ni prouvé ni même soutenu qu'il a eu une connaissance effective du caractère irrégulier des versements qu'il a perçus à titre d'allocation de foyer jusqu'au 30 novembre 1993. Par ailleurs, il rappelle que, pour apprécier le caractère évident de l'irrégularité des versements litigieux, il faut examiner les circonstances dans lesquelles les versements ont été effectués (arrêt de la Cour du 27 juin 1973, Kuhl/Conseil, 71/72, Rec. p. 705).

    37 Le requérant soutient que, en l'espèce, l'irrégularité n'était pas évidente. Il se prévaut de sa diligence et de sa bonne foi et fait valoir que, son épouse étant classée à un grade inférieur au grade C 3, échelon 3, il pouvait légitimement considérer avoir droit à l'allocation de foyer jusqu'à la promotion éventuelle de son épouse à ce grade. Il ajoute que l'administration du Parlement disposait de l'ensemble des renseignements nécessaires pour contrôler s'il avait droit à l'allocation litigieuse, la rémunération de son épouse étant également versée par le Parlement. Le requérant fait valoir, en outre, que les calculs à effectuer pour déterminer les revenus professionnels à prendre en considération et les plafonds applicables étaient complexes. Cette complexité serait confirmée par le fait que les services du personnel du Parlement se seraient eux-mêmes trompés plusieurs fois.

    38 A l'appui de son argumentation, le requérant cite aussi l'arrêt du 10 février 1994, White/Commission (T-107/92, RecFP. p. II-143) dans lequel le Tribunal aurait jugé que, en cas de faible dépassement du plafond, l'erreur commise par l'administration peut échapper à l'attention d'un fonctionnaire normalement diligent. Il fait valoir que, en l'espèce, le dépassement, qui selon ses calculs était de 83 BFR par mois, est particulièrement minime et en conclut que le versement de l'allocation de foyer ne présentait pas un caractère d'irrégularité évidente.

    39 La partie défenderesse considère que le recours est sans le moindre fondement.

    40 Selon le Parlement, les calculs à effectuer étaient relativement simples, et le requérant avait les capacités intellectuelles lui permettant de se rendre compte que les revenus de son épouse dépassaient le plafond statutaire. Le Parlement souligne que le terme «revenus professionnels» utilisé à l'article 1er de l'annexe VII doit être interprété comme étant équivalent au terme «rémunération» et non pas à celui de «traitement de base».

    41 Le Parlement soutient qu'il était évident, dès au moins le 1er novembre 1992, que les revenus professionnels de l'épouse du requérant dépassaient le plafond statutaire. A cette date, elle a été en effet classée au grade C 4, échelon 4. Peu après, sa promotion au grade C 3, échelon 1, et l'adaptation annuelle des rémunérations, deux événements connus du requérant, auraient encore augmenté le dépassement. Selon le Parlement, il y avait donc bien lieu d'appliquer l'article 85 du statut.

    42 Le Parlement fait valoir que le comportement du requérant n'a été aucunement diligent. Le requérant aurait eu, comme tous les fonctionnaires et autres agents, le devoir de signaler tout changement de sa situation familiale qui pouvait avoir des répercussions sur ses droits statutaires. Or, son omission d'informer l'administration de la promotion de son épouse au grade C 4, échelon 4, à partir du 1er novembre 1992, serait à l'origine des versements erronés. Le Parlement fait observer que le requérant n'a même pas contacté l'administration afin de clarifier les critères permettant de déterminer les revenus professionnels à prendre en considération et les plafonds applicables, contact qui aurait été conforme à son devoir de loyauté et de coopération.

    43 Il rappelle aussi que, selon la jurisprudence, un fonctionnaire qui, pour avoir tardé à signaler à son administration un changement intervenu dans sa situation familiale, s'est placé par son propre comportement dans une situation irrégulière, ne saurait invoquer sa bonne foi en vue d'être libéré de l'obligation de restituer une allocation qu'il a indûment continué à percevoir (arrêt White/Commission, précité, point 50).

    44 Enfin, le Parlement estime que, sur la base d'un calcul correct, le dépassement du plafond s'est élevé à 110 000 BFR par an et n'était donc nullement minime.

    - Appréciation du Tribunal

    45 Le Tribunal rappelle que, aux termes de l'article 85 du statut, toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l'irrégularité de versement ou si celle-ci était si évidente qu'il ne pouvait manquer d'en avoir connaissance. En l'espèce, au vu de l'argumentation des parties, il suffit au Tribunal d'examiner si l'irrégularité des versements en cause était si évidente que le requérant ne pouvait manquer d'en avoir connaissance.

    46 Selon une jurisprudence constante, l'expression «si évidente» figurant dans cette disposition ne signifie pas que le fonctionnaire bénéficiant de paiements indus est dispensé de tout effort de réflexion ou de contrôle. Au contraire, une restitution est due dès qu'il s'agit d'une erreur qui n'échapperait pas à un fonctionnaire normalement diligent qui est censé connaître les règles régissant son traitement (voir, en dernier lieu, l'arrêt du Tribunal du 24 février 1994, Burck/Commission, T-93/92, RecFP p. II-201, point 29, et l'arrêt White/Commission, précité, point 33). Pour apprécier si le fonctionnaire concerné s'est montré suffisamment diligent, il convient de tenir compte de sa capacité à procéder aux vérifications nécessaires (arrêt du Tribunal du 24 février 1994, Stahlschmidt/Parlement, T-38/93, RecFP p. II-227, point 19).

    47 En l'espèce, la règle régissant le bénéfice de l'allocation litigieuse est contenue à l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII, selon lequel le fonctionnaire ne bénéficie pas de l'allocation de foyer, sauf décision spéciale de l'AIPN, dans le cas où son conjoint exerce une activité professionnelle lucrative donnant lieu à des «revenus professionnels supérieurs au traitement de base annuel d'un fonctionnaire du grade C 3 au troisième échelon ... avant déduction d'impôt».

    48 Cette règle doit être considérée comme étant suffisamment claire pour qu'un fonctionnaire de la catégorie A, qui travaille dans les institutions communautaires depuis 1980, puisse identifier le plafond décisif au-delà duquel il n'a plus droit à l'allocation de foyer, sauf décision spéciale de l'AIPN. En ce qui concerne la rémunération de son épouse, le Tribunal estime que le requérant était censé la connaître, ce qu'il n'a d'ailleurs pas contesté.

    49 Le Tribunal considère que le requérant aurait dû, au moins, signaler le changement intervenu dans sa situation familiale, puisque celle-ci détermine le droit aux allocations familiales. Or, il a omis d'informer le Parlement de la promotion de son épouse par le Conseil au grade C 4, échelon 4, à partir du 1er novembre 1992. Il convient de rappeler que, selon l'arrêt White/Commission, précité (point 50), un fonctionnaire qui, pour avoir tardé à signaler à son administration un changement intervenu dans sa situation familiale, s'est placé, par son propre comportement, dans une situation irrégulière ne saurait invoquer sa bonne foi en vue d'être libéré de l'obligation de restituer une allocation qu'il a indûment continué à percevoir.

    50 Certes, dans l'arrêt White/Commission, précité (point 35), le Tribunal a jugé que l'exigence d'évidence caractérisant l'irrégularité des versements n'était pas satisfaite dans les circonstances de l'espèce dans lesquelles figurait, parmi d'autres raisons ayant conduit à cette conclusion, le fait que le dépassement du plafond était très limité. Dans cette affaire, le dépassement considéré comme ne donnant pas lieu à répétition était de l'ordre de 16 000 à 38 000 BFR par an. En revanche, le Tribunal a estimé qu'un dépassement de l'ordre de 110 000 BFR par an était «important» et ne pouvait échapper à un fonctionnaire normalement diligent.

    51 Dans la présente espèce, les calculs des parties divergent en ce qui concerne la mesure dans laquelle les revenus professionnels de l'épouse du requérant ont dépassé le plafond, c'est-à-dire le traitement de base d'un fonctionnaire du grade C 3, échelon 3, avant déduction de l'impôt.

    52 Selon les calculs du Parlement, qui spécifiaient toutes les composantes des revenus professionnels de l'épouse du requérant, lorsqu'elle était classée au grade C 4, échelon 4, ces revenus s'élevaient à 110 020 BFR par mois, alors que le plafond était de 100 745 BFR par mois. Dans cette situation, le dépassement était, toujours selon les calculs du Parlement, de 9 275 BFR par mois, soit de l'ordre de 110 000 BFR par an. Après sa promotion au grade C 3, échelon 1, les revenus professionnels de l'épouse du requérant étaient, selon les calculs décrits en détail dans la lettre de Mme Puech au requérant du 4 février 1994, de 108 925 BFR par mois, tandis que le montant du plafond était à cette époque de 101 651 BFR par mois. Dans ces circonstances, le dépassement s'élevait, d'après les calculs du Parlement, à 7 274 BFR par mois, ce qui fait quelque 87 000 BFR par an.

    53 Le Tribunal constate d'ailleurs que le Parlement a affirmé que, dès avant le 1er novembre 1992, les revenus professionnels de l'épouse du requérant avaient dépassé le plafond. Selon ses calculs, les revenus professionnels de l'épouse du requérant s'élevaient en octobre 1992 à 97 778 BFR par mois, alors que le plafond était de 96 777 BFR. Le Parlement a expliqué avoir cependant considéré que le caractère irrégulier d'un dépassement de 1 001 BFR par mois pouvait avoir échappé à un fonctionnaire normalement diligent et qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer l'article 85 du statut dans ces circonstances.

    54 Le requérant, pour sa part, s'est borné à faire savoir dans sa réclamation, à laquelle il s'est référé dans sa réplique, que les revenus professionnels de son épouse au mois de janvier 1994 étaient de 101 734 BFR, alors que le plafond applicable était de 101 651 BFR par mois, et qu'ainsi la différence n'était que de 83 BFR par mois. Il n'a pas présenté de décomposition du montant des revenus professionnels de son épouse et le Parlement a contesté ses calculs.

    55 Le Tribunal constate que le requérant n'a pas fourni d'éléments permettant d'établir le caractère erroné des calculs produits par le Parlement. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure en l'espèce que le dépassement en question était d'au moins 87 000 BFR par an, montant qui ne peut être considéré comme négligeable et qui ne peut échapper à un fonctionnaire normalement diligent.

    56 Le Tribunal en conclut que, en faisant preuve d'une diligence normale, le requérant aurait dû se rendre compte de l'irrégularité évidente des versements en cause. Le Parlement était ainsi en droit de procéder à la répétition des sommes indûment versées à titre d'allocation de foyer du 1er novembre 1992 au 30 novembre 1993. En outre, le requérant s'est placé par son propre comportement - en omettant de signaler à l'administration la promotion de son épouse au grade C 4, échelon 4, intervenue le 1er novembre 1992 - dans une situation irrégulière et ne saurait invoquer sa bonne foi en vue d'être libéré de l'obligation de restituer l'indu.

    57 Pour l'ensemble de ces raisons, le moyen tiré d'une violation de l'article 85 du statut doit être écarté.

    Sur le deuxième moyen tiré d'un excès ou d'un abus de pouvoir

    - Exposé sommaire de l'argumentation des parties

    58 Le requérant a précisé dans sa réplique que ce moyen vise une faute de service prétendument commise par l'administration du Parlement, lorsque il a été procédé aux prélèvements sur sa rémunération sans qu'il ait été préalablement prouvé qu'il avait eu ou aurait dû avoir connaissance de l'irrégularité des versements litigieux.

    59 Le Parlement fait valoir que ce moyen est dépourvu de tout fondement.

    - Appréciation du Tribunal

    60 Le Tribunal constate que par ce moyen le requérant ne vise en substance qu'à démontrer que le Parlement a méconnu, en l'espèce, l'article 85 du statut. Or, étant donné que le Tribunal a jugé, dans le cadre de l'examen du moyen précédent, que l'application de l'article 85 du statut a été correcte, le moyen tiré d'un excès ou d'un abus de pouvoir est également sans fondement et doit être rejeté.

    Sur le troisième moyen tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime

    - Exposé sommaire de l'argumentation des parties

    61 Le requérant considère que le Parlement a violé le principe de la confiance légitime en ce qui concerne son droit à une rémunération mensuelle. Il soutient qu'il n'y a pas lieu à répétition lorsque le comportement de l'administration a créé dans l'esprit de l'intéressé la certitude raisonnable d'avoir droit à ce qui lui a été versé (arrêt Berghmans/Commission, précité). A cet égard, il fait valoir que le Parlement lui a communiqué, par une note aux décomptes datée du 16 novembre 1992, le transfert de son épouse dans cette même institution «tout en confirmant ... la régularité du droit à l'allocation familiale» et sans attirer son attention sur la nécessité de vérifier le montant de la rémunération de son épouse.

    62 Le Parlement fait valoir que ce moyen est lui aussi dépourvu de tout fondement.

    - Appréciation du Tribunal

    63 Selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s'étend à tout particulier dans le chef duquel l'administration a fait naître des espérances fondées. En revanche, une violation dudit principe ne peut pas être invoquée en l'absence d'assurances précises fournies par l'administration (arrêt du Tribunal du 30 novembre 1994, T-498/93, Dornonville de la Cour/Commission, RecFP p. II-813, point 46).

    64 Or, le Tribunal constate que la note aux décomptes à laquelle le requérant se réfère indique seulement que l'administration du Parlement a pris connaissance du changement d'activité du conjoint du requérant, à savoir son transfert dans cette même institution. Dans ces conditions, le Tribunal estime qu'elle ne peut être interprétée comme ayant été de nature à faire naître des espérances fondées dans le chef du requérant en ce qui concerne le maintien de son droit à l'allocation de foyer ni comme une assurance précise fournie par l'administration.

    65 A supposer même que la note en cause ait pu être interprétée comme une assurance précise, elle ne saurait avoir fait naître une confiance légitime dans le chef du requérant dans la mesure où une telle assurance n'aurait pas été conforme aux dispositions du statut.

    66 Pour ce qui est du droit du requérant à une rémunération mensuelle, le Tribunal relève que l'exécution d'une décision légale de répétition de l'indu ne saurait être considérée comme portant atteinte à ce droit.

    67 Le moyen tiré d'une violation du principe de la confiance légitime doit également être écarté.

    68 Tous les moyens invoqués à l'appui de la demande en annulation étant ainsi sans fondement, ladite demande en annulation doit être rejetée.

    La demande de remboursement et d'intérêts moratoires

    69 Cette demande présuppose que la nullité de l'acte attaqué ait été établie. Or, étant donné que le Tribunal vient de rejeter la demande en annulation, la présente demande est sans fondement et ne peut donc être accueillie.

    La demande en indemnité

    70 Le requérant demande que le Parlement soit condamné au paiement d'une somme de 100 000 BFR afin de réparer le dommage moral qui lui a été causé par l'exécution de la décision litigieuse.

    71 Le Tribunal a jugé que, en l'espèce, l'application de l'article 85 du statut n'était pas entachée d'illégalité. Dans ces circonstances, la demande en indemnité, qui est basée sur cette prétendue illégalité, ne peut non plus être accueillie.

    72 Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    73 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, aux termes de l'article 88 du règlement de procédure, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en ses conclusions, chaque partie supportera ses propres dépens, y compris les dépens afférents à la procédure en référé.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL

    (première chambre)

    déclare et arrête:

    1) Le recours est rejeté.

    2) Chaque partie supportera ses propres dépens, y compris les dépens afférents à la procédure en référé.

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