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Document 62024CO0255
Order of the Court (Sixth Chamber) of 4 October 2024.#Criminal proceedings against KM and Sofiyska rayonna prokuratura.#Request for a preliminary ruling from the Sofiyski rayonen sad.#Case C-255/24.
Auto del Tribunal de Justicia (Sala Sexta) de 4 de octubre de 2024.
YL contra KM y Sofiyska rayonna prokuratura.
Petición de decisión prejudicial planteada por el Sofiyski rayonen sad.
Asunto C-255/24.
Auto del Tribunal de Justicia (Sala Sexta) de 4 de octubre de 2024.
YL contra KM y Sofiyska rayonna prokuratura.
Petición de decisión prejudicial planteada por el Sofiyski rayonen sad.
Asunto C-255/24.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:878
ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
4 octobre 2024 (*)
« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive 2012/29/UE – Normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité – Victime souffrant d’une déficience physique ou mentale – Droits procéduraux de cette personne – Réglementation nationale ne prévoyant pas l’accès d’une victime au tribunal pénal compétent pour invoquer une violation de ses droits, tirés du droit de l’Union – Possibilité pour la victime d’invoquer une telle violation uniquement devant une juridiction civile – Principe d’effectivité »
Dans l’affaire C‑255/24 [Shkotareva] (i),
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie), par décision du 4 avril 2024, parvenue à la Cour le 11 avril 2024, dans la procédure pénale contre
KM
en présence de :
Sofiyska rayonna prokuratura,
YL,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, M. L. Bay Larsen (rapporteur), vice‑président de la Cour, et M. A. Kumin, juge,
avocat général : Mme T. Ćapeta,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 9, 13 et 16 de la directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil (JO 2012, L 315, p. 57), de l’article 4, paragraphe 3, TUE ainsi que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre KM, du chef de fraude au détriment de YL.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 En vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive 2012/29, les services d’aide aux victimes, visés à l’article 8, paragraphe 1, de celle-ci, fournissent, au moins, des informations, des conseils et un soutien pertinents concernant les droits des victimes, notamment en ce qui concerne l’accès aux régimes d’indemnisation nationaux des victimes d’infractions pénales et le rôle de la victime dans le cadre de la procédure pénale, y compris la préparation en vue d’assister au procès.
4 L’article 13 de cette directive prévoit :
« Les États membres veillent à ce que la victime ait accès à une aide juridictionnelle lorsqu’elle a la qualité de partie à la procédure pénale. Les conditions ou règles de procédure régissant l’accès de la victime à l’aide juridictionnelle sont fixées par le droit national. »
5 L’article 16 de ladite directive est libellé comme suit :
« 1. Les États membres veillent à ce que la victime ait le droit d’obtenir qu’il soit statué dans un délai raisonnable sur l’indemnisation par l’auteur de l’infraction dans le cadre de la procédure pénale, sauf dans le cas où le droit national prévoit que cette décision est prise dans le cadre d’une autre procédure judiciaire.
2. Les États membres promeuvent les mesures destinées à encourager l’auteur de l’infraction à offrir une indemnisation adéquate à la victime. »
Le droit bulgare
6 L’article 15, paragraphes 2 à 4, du Nakazatelno‑protsesualen kodeks (code de procédure pénale, ci-après le « NPK ») dispose :
« (2) Les accusés et les autres personnes qui participent à la procédure pénale disposent de tous les moyens procéduraux nécessaires à la défense de leurs droits et intérêts légitimes.
(3) Le juge, le procureur et les organes d’enquête font connaître aux personnes visées au paragraphe 2 leurs droits procéduraux et leur assurent la possibilité de les exercer.
(4) La personne lésée dispose des moyens procéduraux nécessaires pour défendre ses droits et intérêts légitimes. »
7 L’article 75 du NPK énonce :
« (1) Dans le cadre de la procédure préliminaire, la personne lésée dispose des droits suivants : elle a le droit d’être informée de ses droits dans le cadre de la procédure pénale ; d’obtenir une protection pour sa propre sécurité et celle de ses proches ; d’être informée de l’évolution de la procédure pénale ; de participer à la procédure conformément aux dispositions du présent code ; de faire des demandes, des remarques et des objections ; de former un recours contre les décisions entraînant la clôture ou la suspension de la procédure pénale ; d’avoir un représentant ; de disposer d’une traduction écrite de l’ordonnance de clôture ou de suspension de la procédure pénale, si elle ne maîtrise pas la langue bulgare.
(2) L’autorité qui a engagé la procédure préliminaire en informe immédiatement la personne lésée si celle-ci a indiqué un domicile, aux fins des notifications, dans le pays.
(3) Les droits de la personne lésée prennent naissance si elle demande expressément à participer à la procédure préliminaire et si elle indique un domicile, aux fins des notifications, dans le pays. »
La procédure au principal et les questions préjudicielles
8 Il ressort de la décision de renvoi que, le 20 juillet 2016, KM a, intentionnellement et dans le but d’acquérir pour elle-même, à des fins d’enrichissement, un avantage matériel, profité de l’inexpérience et de l’ignorance de YL, en induisant celle-ci à signer un contrat tendant à lui transférer, à titre gratuit, le droit de propriété d’un appartement sis à Sofia (ci-après le « contrat du 20 juillet 2016 »).
9 Une dénonciation de ces agissements a été déposée auprès de la Sofiyska rayonna prokuratura (parquet d’arrondissement de Sofia, Bulgarie) par EW, le père de YL, le 9 décembre 2016. Dans cette dénonciation, il était indiqué, preuves à l’appui, que YL souffrait d’un handicap mental. En outre, il était spécialement demandé à ce parquet de faire le nécessaire pour empêcher la vente de cet appartement à des tiers jusqu’à ce que l’affaire soit clarifiée. Malgré cela, ledit parquet n’a pas ouvert immédiatement une procédure pénale.
10 Bien que le contrat du 20 juillet 2016 le stipulât, YL n’a pas légalement transféré le droit de propriété sur ledit appartement, étant donné que ce contrat était nul et non avenu. Cependant, KM a, le 28 décembre 2016, vendu le même appartement à un tiers de bonne foi.
11 La procédure pénale a été ouverte le 6 mars 2017 par une ordonnance du parquet d’arrondissement de Sofia. Dans le cadre de cette procédure, YL a été interrogée le 23 mars 2017. Le procès-verbal relatif à cet interrogatoire consigne les droits de YL en vertu de l’article 75 du NPK, sans faire état de la participation d’un avocat. Un examen psychiatrique et psychologique complexe de YL a été ordonné par l’autorité chargée de l’enquête, le 15 novembre 2017, et a été exécuté le 4 février 2018. Lors de la procédure préliminaire, l’acte d’accusation contre KM pour l’infraction qu’elle avait supposément commise a été émis le 12 avril 2019. Le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie), qui est la juridiction de renvoi, a été saisi de cet acte d’accusation le 30 août 2019.
12 Tout au long de l’enquête menée dans le cadre de la procédure préliminaire, YL n’a bénéficié d’aucune aide judiciaire. La participation d’un avocat mandaté a été formellement mise en œuvre après la conclusion de cette enquête, moyennant la signature du procès-verbal de clôture de ladite enquête, le 27 mai 2019.
13 Bien que YL soit atteinte d’une déficience mentale qui la rend incapable de défendre seule ses droits et ses intérêts juridiques, le représentant du parquet d’arrondissement de Sofia n’a pas demandé au tribunal de ce même arrondissement, dans le cadre de la procédure préliminaire, de prendre des mesures destinées à garantir les prétentions de YL devant cette juridiction aux fins de la réparation du préjudice causé par l’infraction en cause. Aucune action civile tendant à faire déclarer la nullité du contrat du 20 juillet 2016 pour cause de fraude et en vue d’obtenir la restitution de l’appartement concerné n’a été engagée devant une juridiction civile contre KM, ni contre le tiers de bonne foi qui a acheté cet appartement, par le représentant de ce parquet au nom de YL. Ainsi, ce tiers a acquis le droit de propriété sur ledit appartement par la prescription acquisitive, le 28 décembre 2021.
14 En raison de ce que ledit parquet a omis, au moment de la procédure préliminaire, d’introduire en temps utile une demande de protection conservatoire visant à garantir les droits de YL, KM a, au cours de la procédure pénale, fait échouer la possibilité, pour YL, d’obtenir une indemnisation pécuniaire au titre de la réparation du préjudice résultant de l’infraction en cause, en vendant, après le dépôt de l’acte d’accusation contre elle, le seul bien dont elle était propriétaire.
15 Par un jugement du 15 septembre 2023, le tribunal d’arrondissement de Sofia a déclaré KM coupable d’avoir commis l’infraction de fraude à l’égard de YL, l’a condamnée à une peine de privation de liberté pour une durée de quatre ans et a fait droit intégralement à l’action civile de YL tendant à la réparation, sous la forme d’une indemnisation pécuniaire, du préjudice causé par cette infraction. Cette indemnisation n’a été, à ce jour, ni payée ni garantie.
16 La juridiction de renvoi indique que la garantie d’une représentation juridique obligatoire pour les personnes lésées souffrant d’un handicap mental les rendant incapables de protéger leurs droits et leurs intérêts juridiques par elles-mêmes n’est pas prévue par le NPK en tant que pouvoir d’office des instances décisionnelles dans les procédures pénales. Dès lors, cette juridiction doute que le NPK soit compatible avec l’article 47 de la Charte, avec l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi qu’avec les articles 9, 13 et 16 de la directive 2012/29.
17 Ladite juridiction précise que, dans l’hypothèse où la Cour considérerait que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui ne prévoit pas expressément le pouvoir, pour l’instance décisionnelle compétente, de désigner d’office un représentant spécial, à savoir, en l’occurrence, un avocat pour une personne lésée par une infraction qui souffre de déficiences mentales l’empêchant de se défendre elle‑même, elle constatera une violation suffisamment caractérisée des règles inconditionnelles et suffisamment précises de l’Union garantissant des droits à cette personne, sur le fondement de laquelle ladite personne tirerait directement du droit de l’Union le droit d’obtenir une indemnisation conformément au principe d’effectivité du droit de l’Union.
18 Cependant, les dispositions pertinentes du NPK ne confèrent pas à la juridiction pénale, à laquelle est attribuée une compétence de contrôle pour toutes les questions pertinentes pour la procédure pénale, le pouvoir d’établir et de déclarer qu’une violation du droit de l’Union commise dans le cadre d’une procédure pénale pendante est suffisamment caractérisée. En réalité, la personne lésée devra intenter une action séparée devant le juge civil et apporter une preuve indépendante de tous les éléments d’une telle violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union commise dans le cadre de la procédure pénale, ainsi que de la compétence des autorités dans le cadre de la procédure pénale concernée, dont les actes, actions ou omissions illégaux ont causé cette violation.
19 Eu égard aux règles procédurales nationales régissant la manière dont YL peut, en tant que personne lésée, obtenir une indemnisation en raison d’une violation du droit de l’Union, le tribunal d’arrondissement de Sofia expose que, dans le cas où il serait amené à considérer, à la suite de la décision interprétative de la Cour, que la violation procédurale substantielle irrémédiable du droit de YL d’être assisté d’une manière effective par un avocat et par le ministère public, commise dans la procédure au principal, au cours de la procédure préliminaire, constitue une violation substantielle suffisamment caractérisée du droit de l’Union, YL n’aura pas la possibilité légale d’obtenir, de la juridiction pénale compétente pour contrôler la procédure concernée, une décision constatant cette violation, fût-ce sous la forme de motifs exposés par cette dernière juridiction et faisant partie intégrante de sa décision.
20 La juridiction de renvoi souligne que, si elle était amenée, à la suite de cette décision interprétative, à considérer qu’une violation des droits de YL découlant du droit de l’Union a été commise dans la procédure au principal, laquelle constituerait une violation suffisamment caractérisée de ce droit, et que la législation nationale ne prévoit pas, pour se défendre contre une telle violation, de moyens de recours suffisamment effectifs, elle pourrait, dans la décision rendue à ce stade de cette procédure, constater cette violation. Or, cette constatation pourrait avoir force probante devant la juridiction civile au cas où celle-ci serait saisie par YL d’un recours contre l’État en réparation du dommage résultant de ladite violation.
21 Dans ces conditions, le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Une réglementation nationale telle que celle prévue à l’article 101 du [NPK], qui ne prévoit pas expressément le pouvoir de l’instance décisionnelle compétente dans la procédure pénale de désigner d’office un représentant spécial – avocat, si un tel représentant n’est pas intervenu dans la procédure – pour une personne lésée dans la procédure souffrant de déficiences mentales ou physiques qui l’empêchent de se défendre elle-même, est-elle compatible avec l’article 47 de la [Charte], avec l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi qu’avec la directive [2012/29], et notamment avec l’article 9 de cette dernière, qui exige d’assurer, outre des informations et des conseils, aussi un soutien en ce qui concerne l’accès suffisamment effectif à la justice, ainsi qu’avec les articles 13 et 16 de cette directive, qui exigent que soit garanti l’accès des personnes lésées à l’aide juridictionnelle et un droit d’obtenir qu’il soit statué sur l’indemnisation dans un délai raisonnable, droit qui dépend de l’accès effectif à l’aide judiciaire ?
2) Une réglementation nationale telle que le [NPK] (article 248, paragraphes 1 et 2, article 249, paragraphes 1, 2 et 4, ainsi qu’articles 301 et 305 du NPK) et le Zakon za otgovornostta na darzhavata i obshtinite za vredi (loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour les dommages causés) (article 2c, paragraphe 1, point 2, [de cette loi]), qui ne prévoit pas, pour la personne lésée dans une procédure pénale, un accès à la juridiction compétente en matière de procédure pénale pour que cette dernière constate une violation, dans cette procédure, des droits de la personne lésée découlant du droit de l’Union, laquelle constitue une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union, et qui ne prévoit à cet effet qu’un accès à la juridiction civile pour la personne lésée, selon les modalités prévues à l’article 2c, paragraphe 1, point 2, de ladite loi, juridiction devant laquelle la personne lésée supportera la charge de la preuve complète et principale en application du Grazhdanski protsesualen kodeks (code de procédure civile) et devra apporter une preuve indépendante de tous les éléments de la violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union commise dans le cadre de la procédure pénale ainsi que de la compétence des autorités dans le cadre de la procédure pénale, dont les actes, actions ou omissions illégaux ont causé la violation, est-elle conforme au principe d’effectivité du droit de l’Union et du droit découlant de l’article 47 de la [Charte], lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, [TUE], tels qu’interprétés par la Cour [au point 125 de l’arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev (C‑571/16, EU:C:2018:807)] ? »
22 La juridiction de renvoi a demandé à la Cour de soumettre la présente affaire à la procédure préjudicielle accélérée prévue à l’article 105 du règlement de procédure de la Cour.
Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle
23 En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
24 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
25 Selon la jurisprudence de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher. La justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige. Comme il ressort des termes mêmes de l’article 267 TFUE, la décision préjudicielle sollicitée doit être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle se trouve saisie. En effet, la mission de la Cour, dans le cadre d’une procédure préjudicielle, est d’assister la juridiction de renvoi dans la solution du litige concret pendant devant elle. Dans le cadre d’une telle procédure, il doit ainsi exister entre ledit litige et les dispositions du droit de l’Union dont l’interprétation est sollicitée un lien de rattachement tel que cette interprétation réponde à un besoin objectif pour la décision que la juridiction de renvoi doit prendre (ordonnance du 8 avril 2024, Dramanova, C‑558/23, EU:C:2024:283, point 27 et jurisprudence citée).
26 En l’occurrence, il convient, d’abord, de relever que, ainsi qu’il est mentionné au point 15 de la présente ordonnance, par un jugement du 15 septembre 2023, la juridiction de renvoi a condamné KM, la personne poursuivie, à une peine de privation de liberté au motif qu’elle avait commis une infraction de fraude à l’égard de YL, la personne lésée, et a fait droit intégralement à l’action civile de cette dernière tendant à la réparation, sous la forme d’une indemnisation pécuniaire, du préjudice causé par cette infraction.
27 Ensuite, il n’apparaît pas que YL ait demandé, dans le cadre de la procédure pénale ni en dehors de ce cadre, que la juridiction de renvoi constate une violation suffisamment caractérisée, dans cette procédure, de ses droits de personne lésée découlant du droit de l’Union.
28 Enfin, la juridiction de renvoi indique que, si elle était amenée, à la suite de la décision interprétative de la Cour, à considérer qu’une violation suffisamment caractérisée des droits que la personne lésée tire du droit de l’Union a été commise et qu’il manque, au niveau national, des moyens de recours suffisamment effectifs, elle pourrait constater, dans sa décision, une telle violation. Or, cette constatation pourrait avoir force probante devant la juridiction civile au cas où celle-ci serait saisie par cette personne d’un recours contre l’État en réparation du dommage résultant de cette violation.
29 Il s’ensuit, d’une part, que les questions préjudicielles apparaissent étrangères à l’objet du litige au principal et, d’autre part, qu’une réponse à celles-ci ne pourrait être utile que dans le cadre d’une hypothétique procédure ayant pour objet un recours contre l’État en réparation du dommage résultant d’une violation du droit de l’Union.
30 Dans ces conditions, la demande de décision préjudicielle ne fait pas ressortir en quoi l’interprétation du droit de l’Union sollicitée serait nécessaire, au sens de l’article 267 TFUE, pour permettre à la juridiction de renvoi de rendre son jugement.
31 Eu égard aux considérations qui précèdent, la présente demande de décision préjudicielle est, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, manifestement irrecevable. Dès lors, la demande visée au point 22 de la présente ordonnance n’a plus d’objet.
Sur les dépens
32 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare :
La demande de décision préjudicielle introduite par le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie), par décision du 4 avril 2024, est manifestement irrecevable.
Signatures
* Langue de procédure : le bulgare.
i Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.