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Document 62021CO0546

Auto del Tribunal de Justicia (Sala Segunda) de 15 de febrero de 2023.
Fundacja Instytut na rzecz Kultury Prawnej Ordo Iuris contra Parlamento Europeo.
Recurso de casación — Recurso de anulación — Artículo 19 del Estatuto del Tribunal de Justicia de la Unión Europea — Representación de las partes en los recursos directos antes los órganos jurisdiccionales de la Unión Europea — Abogado que tiene la condición de tercero con respecto a la parte demandante — Exigencia de independencia — Abogado que ejerce en el mismo despacho que el presidente de la parte demandante.
Asunto C-546/21 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:123

ORDONNANCE DE LA COUR (deuxième chambre)

15 février 2023 (*)

[Texte rectifié par ordonnance du 24 mai 2023]

« Pourvoi – Recours en annulation – Article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Représentation des parties dans les recours directs devant les juridictions de l’Union européenne – Avocat ayant la qualité de tiers par rapport à la partie requérante – Exigence d’indépendance – Avocat exerçant dans le même cabinet que le président de la partie requérante »

Dans l’affaire C‑546/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 31 août 2021,

Fundacja Instytut na rzecz Kultury Prawnej Ordo Iuris, établie à Varsovie (Pologne), représentée par Me K. Koźmiński, radca prawny, et Me T. Siemiński, adwokat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Parlement européen, représenté par MM. W. D. Kuzmienko et J. Rodrigues, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. F. Biltgen (rapporteur), N. Wahl et J. Passer, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, les parties et l’avocat général entendus, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 182 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, la Fundacja Instytut na rzecz Kultury Prawnej Ordo Iuris (Fondation de l’Institut Ordo Iuris pour la culture juridique, Pologne) demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 25 juin 2021, Fundacja Instytut na rzecz kultury prawnej Ordo Iuris/Parlement (T‑42/21, non publiée, ci-après l’ « ordonnance attaquée », EU:T:2021:385), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant irrecevable la demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la résolution du Parlement européen du 26 novembre 2020, relative à l’interdiction de fait du droit à l’avortement en Pologne [2020/287(RSP)] (ci-après la « résolution litigieuse »).

 Le cadre juridique

2        Aux termes de l’article 19, premier à quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce statut :

« Les États membres ainsi que les institutions de l’Union [européenne] sont représentés devant la Cour de justice par un agent nommé pour chaque affaire ; l’agent peut être assisté d’un conseil ou d’un avocat.

Les États parties à l’accord sur l’Espace économique européen, [du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3),] autres que les États membres, ainsi que l’Autorité de surveillance AELE visée par ledit accord, sont représentés de la même manière.

Les autres parties doivent être représentées par un avocat.

Seul un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen peut représenter ou assister une partie devant la Cour. »

 Les antécédents du litige

3        La requérante est une organisation non gouvernementale de droit polonais qui a pour objet la défense des valeurs protégées par la Konstytucja Rzeczypospolitej Polskiej (Constitution de la République de Pologne).

4        Le 26 novembre 2020, le Parlement européen a adopté la résolution litigieuse, dans laquelle il critique, notamment, la décision du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle, Pologne), du 22 octobre 2020, rendant illégal l’avortement dans certains cas de malformations fœtales et relève le rôle déterminant joué par la requérante dans ce contexte.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

5        Par la requête déposée au greffe du Tribunal le 26 janvier 2021, la requérante a introduit un recours en annulation contre la résolution litigieuse.

6        Le 23 mars 2021, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a posé une question écrite à la requérante, à laquelle cette dernière a répondu le 7 avril suivant.

7        Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours comme étant manifestement irrecevable, au motif qu’aucun des trois représentants en justice de la requérante, à savoir un avocat (adwokat) et deux conseils juridiques (radcowie prawni), ces derniers pouvant demander leur inscription au barreau et être habilités à représenter leurs clients devant les juridictions polonaises, ne satisfaisait aux conditions d’indépendance prévues à l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

8        En premier lieu, au point 16 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a jugé que, en raison des fonctions de président et de vice-président exercées au sein de la requérante par deux de ces trois représentants en justice, ceux-ci n’avaient pas la qualité de tiers indépendant à l’égard de la requérante et ne satisfaisaient donc pas aux conditions prévues à l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, telle que celles-ci sont interprétées dans la jurisprudence.

9        En second lieu, s’agissant du troisième desdits représentants en justice, le Tribunal a relevé, premièrement, au point 18 de l’ordonnance attaquée, qu’il ressortait du site Internet de la requérante ainsi que de ses réponses écrites aux mesures d’organisation de la procédure que celui-ci fournissait une prestation de services juridiques au sein du service contentieux de la requérante, dans lequel les membres de cette dernière peuvent bénéficier d’une assistance juridique gratuite.

10      Deuxièmement, le Tribunal a observé, au point 19 de l’ordonnance attaquée, que le troisième des mêmes représentants en justice exerçait au sein du cabinet d’avocats dont l’un des associés assumait également les fonctions de président de la requérante.

11      Troisièmement, au point 20 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté que, dans le cadre de la représentation de la requérante aux fins de la présente affaire, le troisième des représentants en justice de la requérante avait collaboré avec le président et le vice-président de la requérante.

12      Le Tribunal en a déduit, au point 21 de l’ordonnance attaquée, que, dans ces circonstances particulières, les liens du troisième de ces représentants en justice avec la requérante portaient manifestement atteinte à la capacité de celui-ci à défendre au mieux, en toute indépendance, les intérêts de la requérante, et cela indépendamment de la circonstance que l’intéressé ne faisait pas partie de la direction de la requérante et ne lui était pas lié financièrement.

13      Le Tribunal a ajouté, au point 22 de l’ordonnance attaquée, que ce constat n’était pas remis en cause par le fait que le troisième desdits représentants en justice n’était lié à la requérante par aucun contrat de travail, une telle circonstance n’étant pas suffisante pour démontrer qu’un avocat dispose de la qualité de tiers indépendant à l’égard d’une partie requérante.

14      Par conséquent, le Tribunal a jugé, au point 28 de l’ordonnance attaquée, qu’il y avait lieu de rejeter le recours dont il était saisi comme étant manifestement irrecevable, sans qu’il soit besoin d’examiner le caractère attaquable de la résolution litigieuse et sans qu’il soit nécessaire de le signifier au Parlement.

 La procédure devant la Cour et les conclusions de la requérante

15      Le 31 août 2021, la requérante a introduit un pourvoi contre l’ordonnance attaquée.

16      Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée et de renvoyer l’affaire au Tribunal pour que ce dernier statue sur le fond ;

–        de condamner le Parlement aux dépens, et

–        de renvoyer l’affaire à la grande chambre en vertu de l’article 16, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

17      Par la décision du 13 janvier 2022, le président de la Cour a ordonné la suspension de la procédure dans l’affaire C-546/21 P dans l’attente de la décision de la Cour dans les affaires jointes C‑529/18 P et C‑531/18 P, PJ et PC/EUIPO.

18      La Cour a statué dans ces affaires jointes par l’arrêt du 24 mars 2022, PJ et PC/EUIPO (C‑529/18 P et C‑531/18 P, EU:C:2022:218).

 Sur le pourvoi

 Sur l’application de l’article 182 du règlement de procédure de la Cour

19      En vertu de l’article 182 du règlement de procédure de la Cour, lorsque cette dernière a déjà statué sur une ou plusieurs questions de droit identiques à celles soulevées par les moyens d’un pourvoi, principal ou incident, et qu’elle considère que ce pourvoi est manifestement fondé, elle peut, sur proposition du juge rapporteur, les parties et l’avocat général entendus, décider de déclarer ledit pourvoi manifestement fondé par voie d’ordonnance motivée comportant référence à la jurisprudence pertinente.

20      La requérante a précisé ne pas avoir d’objections à ce qu’il soit fait application de cet article. Le Parlement, quant à lui, a renoncé à soumettre des observations.

21      En l’espèce, il y a lieu de constater que les moyens du pourvoi soulèvent des questions identiques à celles sur lesquelles la Cour a statué dans l’arrêt du 24 mars 2022, PJ et PC/EUIPO, C‑529/18 P et C‑531/18 P, EU:C:2022:218).

22      Par conséquent, il convient de faire application de l’article 182 du règlement de procédure de la Cour dans la présente affaire.

 Sur le fond

23      À l’appui du pourvoi, qui est dirigé uniquement contre la partie de l’ordonnance attaquée contenant l’appréciation de l’indépendance d’un des trois représentants en justice de la requérante (ci-après l’« avocat concerné »), cette dernière soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une interprétation erronée de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, le second, d’une violation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal ainsi que du principe de protection de la confiance légitime.

 Argumentation de la requérante

24      Par le premier moyen de pourvoi, la requérante fait valoir que le Tribunal a excédé les limites d’interprétation fixées dans la jurisprudence de la Cour relative à l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en jugeant, d’une part, que l’exigence d’indépendance d’un avocat à l’égard de son client impliquait également l’absence de tout rapport antérieur entre eux, et, d’autre part, que l’absence de rapport d’emploi entre cet avocat et son client n’était pas un critère suffisant pour considérer que ledit avocat était un tiers indépendant.

25      La requérante estime qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que le devoir d’indépendance incombant à un avocat s’entend comme étant l’absence non pas de tout lien quelconque avec son client, mais de liens qui portent manifestement atteinte à sa capacité à assurer sa mission de défense en servant au mieux les intérêts de son client (arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA, C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73, point 64). Toutefois, ne constitueraient pas de tels liens ceux qu’un avocat et son client entretiennent en raison de rapports professionnels de longue date ou en raison de nombreuses prestations juridiques antérieures.

26      En raison d’une réalité économique complexe et de la dynamique du marché concerné, il serait difficile, voire impossible, d’imposer une exigence d’absence de liens entre les avocats et leurs clients. L’interprétation du Tribunal, selon laquelle un avocat doit exercer sa mission sans avoir aucun rapport avec son client, aurait des « conséquences déraisonnables en pratique », aboutissant à l’interdiction de la représentation d’un client devant les juridictions de l’Union par un mandataire qui a déjà représenté ce client dans le cadre d’affaires antérieures.

27      La requérante fait valoir que, en l’état actuel de la jurisprudence de la Cour, il ne saurait y avoir, en substance, « autoreprésentation » d’une partie non privilégiée devant les juridictions de l’Union, c’est-à-dire qu’une telle partie et son avocat doivent constituer deux personnes distinctes et indépendantes l’une à l’égard de l’autre. En outre, la requérante rappelle que l’exigence d’indépendance de l’avocat est étroitement liée à la satisfaction d’une condition positive, à savoir le respect par l’avocat des exigences de la discipline professionnelle, et d’une condition négative, à savoir l’absence d’un rapport d’emploi entre l’avocat et son client. Or, en l’espèce, l’avocat concerné ne serait ni juriste d’entreprise au sein de la requérante ni lié par une quelconque relation de subordination à l’égard de celle-ci.

28      La requérante estime que rien ne permet de conclure qu’une relation juridique antérieure liant une partie et son avocat risque d’influer sur la qualité de l’avis juridique exprimé par ce dernier. Adopter une autre interprétation serait contraire aux principes de proportionnalité et de subsidiarité, car cela conférerait aux institutions de l’Union une compétence exclusive pour décider des personnes qui peuvent effectivement représenter les parties dans le cadre des procédures devant les juridictions de l’Union.

 Appréciation de la Cour

29      S’agissant de la représentation devant les juridictions de l’Union d’une partie non visée à l’article 19, premier et deuxième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, il y a lieu de rappeler que l’article 19, troisième et quatrième alinéas, de ce statut, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 56 dudit statut, prévoit deux conditions distinctes et cumulatives, à savoir, la première, que les parties non visées à l’article 19, premier et deuxième alinéas, du même statut doivent être représentées par un avocat et, la seconde, que seul un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen peut représenter ou assister une partie devant les juridictions de l’Union (arrêt du 24 mars 2022, PJ et PC/EUIPO, C‑529/18 P et C‑531/18 P, EU:C:2022:218, point 58 ainsi que jurisprudence citée).

30      Pour ce qui est de la première condition, relative à la notion d’« avocat », il ressort de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne qu’une « partie », au sens de cette disposition, quelle que soit sa qualité, n’est pas autorisée à agir elle-même devant une juridiction de l’Union, mais doit recourir aux services d’un tiers (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2022, PJ et PC/EUIPO, C‑529/18 P et C‑531/18 P, EU:C:2022:218, point 61 ainsi que jurisprudence citée).

31      Cette exigence est conforme à l’objectif de la représentation par un avocat des parties non visées à l’article 19, premier et deuxième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne qui consiste, d’une part, à empêcher que les parties privées agissent elles-mêmes en justice sans avoir recours à un intermédiaire et, d’autre part, à garantir que les personnes morales soient défendues par un représentant qui est suffisamment détaché de la personne morale qu’il représente (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2022, PJ et PC/EUIPO, C‑529/18 P et C‑531/18 P, EU:C:2022:218, point 63 ainsi que jurisprudence citée).

32      À cet égard, la Cour a rappelé que l’objectif de la mission de représentation par un avocat, telle que celle-ci est visée à l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et qui s’exerce dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, consiste avant tout à protéger et à défendre au mieux les intérêts du mandant, en toute indépendance ainsi que dans le respect de la loi et des règles professionnelles et déontologiques (arrêt du 24 mars 2022, PJ et PC/EUIPO, C‑529/18 P et C‑531/18 P, EU:C:2022:218, point 64 ainsi que jurisprudence citée).

33      Ainsi, l’exigence d’indépendance se définit non seulement de manière négative, c’est-à-dire par l’absence d’un rapport d’emploi entre l’avocat et son client, mais également de manière positive, à savoir par une référence à la discipline professionnelle de l’avocat (arrêt du 24 mars 2022, PJ et PC/EUIPO, C‑529/18 P et C‑531/18 P, EU:C:2022:218, point 66 ainsi que jurisprudence citée).

34      S’agissant de la définition positive de cette exigence d’indépendance, la Cour a souligné expressément que cette indépendance doit être comprise comme l’absence non pas de tout lien quelconque de l’avocat avec son client, mais uniquement de liens portant manifestement atteinte à la capacité de l’avocat à assurer sa mission de défense en servant au mieux les intérêts de son client, dans le respect de la loi ainsi que des règles professionnelles et déontologiques (arrêt du 24 mars 2022, PJ et PC/EUIPO, C‑529/18 P et C‑531/18 P, EU:C:2022:218, point 69 ainsi que jurisprudence citée).

35      En effet, afin de tenir compte de l’objectif de la mission de représentation par un avocat, l’exigence d’indépendance imposée par le droit de l’Union aux représentants des parties non privilégiées doit être interprétée de sorte à limiter les cas d’irrecevabilité en raison d’une défaillance dans la mission de représentation aux hypothèses où il apparaît manifestement que l’avocat concerné n’est pas en mesure d’assurer sa mission de défense en servant au mieux les intérêts de son client, de telle sorte qu’il doit être écarté dans l’intérêt de ce dernier (arrêt du 24 mars 2022, PJ et PC/EUIPO, C‑529/18 P et C‑531/18 P, EU:C:2022:218, point 74).

36      Or, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 18 et 21 de l’ordonnance attaquée, le fait pour l’avocat concerné de fournir une prestation de services juridiques au sein du service contentieux de la requérante ne saurait constituer une situation de nature à porter manifestement atteinte à sa capacité à défendre les intérêts de cette dernière.

37      Ainsi qu’il ressort des réponses de la requérante aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, l’avocat concerné fournissait des services juridiques à la requérante et aux bénéficiaires de celle-ci par l’intermédiaire du service contentieux de cette dernière uniquement dans le cadre de son activité professionnelle en tant que collaborateur du cabinet d’avocats concerné. Partant, l’avocat concerné offrait des services de représentation aux bénéficiaires de la requérante non pas dans le cadre d’une relation de subordination à l’égard de cette dernière, mais en tant que service à sa cliente, la requérante, sans que ces liens unissant l’avocat concerné et la requérante étaient susceptibles de porter manifestement atteinte à la capacité de l’avocat à défendre les intérêts de sa cliente ou des bénéficiaires en question en respectant le critère d’indépendance.

38      En outre, en ce qui concerne le fait que l’avocat concerné exerçait dans le même cabinet que le président de la requérante, il convient de rappeler que la profession d’avocat est exercée sous différentes formes, allant de l’exercice individuel à l’exercice au sein de grands cabinets internationaux, et qu’il appartient aux avocats associés de définir librement les modalités de leur collaboration et de leurs relations contractuelles, sous réserve du respect de la loi, des règles professionnelles nationales et des règles déontologiques. Or, il doit être présumé qu’un avocat collaborateur dans un cabinet répond aux mêmes exigences d’indépendance qu’un avocat exerçant individuellement ou comme associé dans un cabinet (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2022, PJ et PC/EUIPO, C‑529/18 P et C‑531/18 P, EU:C:2022:218, point 79).

39      Aux points 19 et 21 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a toutefois considéré, sans tenir compte de cette présomption d’indépendance, que le fait que l’avocat concerné exerçait dans le même cabinet d’avocats que celui dont le président de la requérante est un associé contribuait à l’atteinte à sa mission de défendre, en toute indépendance, les intérêts de la requérante. En omettant de prendre en compte cette présomption, le Tribunal a procédé à une interprétation erronée du critère d’indépendance, au sens de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

40      En outre, le fait que le président de la requérante a également la qualité d’associé du cabinet d’avocats dans lequel l’avocat concerné collabore ne suffit pas à renverser cette présomption. En effet, la requérante est une personne morale tierce par rapport à ce cabinet d’avocats et le fait que deux avocats travaillent pour un même cabinet d’avocats, l’un en qualité d’associé et l’autre en qualité de collaborateur, ne démontre pas, en tant que tel, que cet associé peut exercer un contrôle effectif sur ce collaborateur. Il en irait différemment dans l’hypothèse où la requérante serait une personne physique, elle-même coassociée ou membre fondatrice du cabinet concerné, de sorte que, de ce fait, celle-ci serait en mesure d’exercer un contrôle effectif sur ce collaborateur (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2022, PJ et PC/EUIPO, C‑529/18 P et C‑531/18 P, EU:C:2022:218, point 81). Partant, en l’espèce, le fait que le président de la requérante est également l’un des associés du cabinet d’avocats dans lequel l’avocat concerné collabore ne soulève pas de difficulté au regard des exigences d’indépendance d’un avocat.

41      Par ailleurs, c’est à tort que le Tribunal a jugé que les relations de collaboration existant entre l’avocat concerné, d’une part, et le président et le vice-président de la requérante, d’autre part, portaient manifestement atteinte à l’indépendance de cet avocat.

42      En effet, dans la mesure où la requérante, en tant que personne morale, doit nécessairement agir par l’intermédiaire de personnes physiques, la collaboration de l’avocat concerné avec le président et le vice-président de la requérante, en vue de la représentation en justice de cette dernière dans le cadre de la présente affaire, ne saurait, en elle-même et en l’absence d’éléments concrets démontrant la dépendance de l’avocat concerné, constituer un élément de nature à remettre en cause l’indépendance de cet avocat.

43      Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que cet avocat qui effectuait une prestation de services juridiques aux bénéficiaires de la requérante au sein du centre de contentieux de cette dernière, et qui exerçait au sein du cabinet d’avocats où le président de la requérante est associé tout en collaborant, aux fins de la représentation en justice de la requérante, avec le président et le vice-président de celle-ci, n’était pas indépendant par rapport à sa cliente.

44      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen de pourvoi comme étant manifestement fondé et, partant, d’annuler l’ordonnance attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen de pourvoi.

 Sur le recours devant le Tribunal

45      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, soit statuer définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

46      En l’espèce, dès lors que, sur le fond, le litige n’est pas en état d’être jugé, il convient de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

 Sur les dépens

47      Le litige étant renvoyé devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens afférents au pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) ordonne :

1)      Tel que rectifié par ordonnance du 24 mai 2023 L’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 25 juin 2021, Fundacja Instytut na rzecz Kultury Prawnej Ordo Iuris/Parlement (T42/21, non publiée, EU:T:2021:385), est annulée.

2)      L’affaire T42/21 est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.

3)      Les dépens sont réservés.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.

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