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Document 62016CJ0005

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 21 juin 2018.
République de Pologne contre Parlement européen et Conseil de l'Union européenne.
Recours en annulation – Décision (UE) 2015/1814 – Détermination de la base juridique – Prise en compte des effets de l’acte – Absence – Article 192, paragraphe 1, TFUE – Article 192, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), TFUE – Mesures affectant sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique – Principe de coopération loyale – Article 15 TUE – Compétences du Conseil européen – Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime – Principe de proportionnalité – Analyse d’impact.
Affaire C-5/16.

Recueil – Recueil général – Partie «Informations sur les décisions non publiées»

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2018:483

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

21 juin 2018 ( *1 )

« Recours en annulation – Décision (UE) 2015/1814 – Détermination de la base juridique – Prise en compte des effets de l’acte – Absence – Article 192, paragraphe 1, TFUE – Article 192, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), TFUE – Mesures affectant sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique – Principe de coopération loyale – Article 15 TUE – Compétences du Conseil européen – Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime – Principe de proportionnalité – Analyse d’impact »

Dans l’affaire C‑5/16,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduit le 4 janvier 2016,

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna et Mme K. Rudzińska, en qualité d’agents, assistés de M. I. Tatarewicz, ekspert,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. A. Tamás et Mme A. Pospíšilová Padowska, en qualité d’agents,

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes M. Simm et A. Sikora ainsi que par M. K. Pleśniak, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

soutenus par :

Royaume de Danemark, représenté par Mme M. Wolff ainsi que par MM. J. Nymann-Lindegren et C. Thorning, en qualité d’agents,

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. T. Henze, en qualité d’agent,

Royaume d’Espagne, représenté par Mme A. Gavela Llopis et M. M. A. Sampol Pucurull, en qualité d’agents,

République française, représentée par MM. D. Colas, G. de Bergues, J. Traband et T. Deleuil ainsi que par Mme S. Ghiandoni, en qualité d’agents,

Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Falk, C. Meyer-Seitz, U. Persson et N. Otte Widgren ainsi que par M. L. Swedenborg, en qualité d’agents,

Commission européenne, représentée par Mmes K. Herrmann et A. C. Becker ainsi que par MM. E. White et K. Mifsud-Bonnici, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. A. Tizzano, vice‑président de la Cour, faisant fonction de juge de la deuxième chambre, M. A. Rosas (rapporteur), Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 juillet 2017,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la République de Pologne demande à la Cour d’annuler la décision (UE) 2015/1814 du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 2015, concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union et modifiant la directive 2003/87/CE (JO 2015, L 264, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

Le cadre juridique

La directive 2003/87

2

La directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 (JO 2009, L 140, p. 63, ci-après la « directive 2003/87 »), a été adoptée, sur la base de l’article 175, paragraphe 1, CE (devenu article 192, paragraphe 1, TFUE).

3

La directive 2003/87 a créé un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre au niveau de l’Union européenne (ci-après le « SEQE »).

4

Le SEQE est en service depuis le 1er janvier 2005 dans l’ensemble des États de l’Espace économique européen et il couvre environ 45 % des émissions de gaz à effet de serre. Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, de cette directive, la troisième période d’échanges, actuellement en cours, s’étend sur 8 ans, de 2013 à 2020 (ci-après la « troisième période d’échanges »).

5

Les considérants 5 et 22 de la directive 2003/87 énoncent :

« (5)

La Communauté et ses États membres sont convenus de remplir conjointement leurs engagements de réduire les émissions anthropiques de gaz à effet de serre dans le cadre du protocole de Kyoto, conformément à la décision 2002/358/CE [du Conseil, du 25 avril 2002, relative à l’approbation, au nom de la Communauté européenne, du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l’exécution conjointe des engagements qui en découlent (JO 2002, L 130, p. 1)]. La présente directive contribue à réaliser les engagements de la Communauté européenne et de ses États membres de manière plus efficace, par le biais d’un marché européen performant de quotas d’émission de gaz à effet de serre et en nuisant le moins possible au développement économique et à l’emploi.

[...]

(22)

La présente directive est compatible avec la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et avec le protocole de Kyoto. Elle devrait être réexaminée en fonction des évolutions dans ce contexte et pour tenir compte de l’expérience acquise dans sa mise en œuvre, ainsi que des progrès réalisés dans la surveillance des émissions de gaz à effet de serre. »

6

Aux termes de l’article 1er de cette directive, intitulé « Objet » :

« La présente directive établit un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté [...] afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes.

La présente directive prévoit également des réductions plus importantes des émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre les niveaux de réduction qui sont considérés comme scientifiquement nécessaires pour éviter un changement climatique dangereux.

La présente directive prévoit également des dispositions pour l’évaluation et la mise en œuvre d’un engagement plus fort de la Communauté en matière de réduction de plus de 20 %, destiné à prendre effet à la ratification, par la Communauté, d’un accord international sur le changement climatique aboutissant à des réductions d’émission de gaz à effet de serre supérieures à celles exigées à l’article 9, comme l’illustre l’engagement de 30 % approuvé par le Conseil européen de mars 2007. »

7

L’article 9 de ladite directive, intitulé « Quantité de quotas pour l’ensemble de la Communauté », prévoit, à son paragraphe 1 :

« La quantité de quotas délivrée chaque année pour l’ensemble de la Communauté à compter de 2013 diminue de manière linéaire à partir du milieu de la période 2008-2012. Cette quantité diminue d’un facteur linéaire de 1,74 % par rapport au total annuel moyen de quotas délivré par les États membres conformément aux décisions de la Commission relatives à leurs plans nationaux d’allocation de quotas pour la période 2008-2012.

[...] »

8

L’article 29 de la même directive dispose :

« Si, sur la base des rapports réguliers relatifs au marché du carbone visés à l’article 10, paragraphe 5, la Commission dispose de preuves d’un mauvais fonctionnement du marché du carbone, elle présente un rapport au Parlement européen et au Conseil. Ce rapport peut être assorti, le cas échéant, de propositions visant à rendre le marché du carbone plus transparent et contenir des mesures visant à améliorer son fonctionnement. »

La directive 2009/29

9

Les considérants 3 à 5 de la directive 2009/29 énoncent :

« (3)

Le Conseil européen de mars 2007 a pris l’engagement ferme de réduire, d’ici à 2020, les émissions globales de gaz à effet de serre de la Communauté d’au moins 20 % par rapport à leurs niveaux de 1990, voire de 30 % pour autant que les autres pays développés s’engagent à atteindre des réductions d’émissions comparables et que les pays en développement plus avancés sur le plan économique apportent une contribution adaptée à leurs responsabilités et à leurs capacités respectives. Il convient que, d’ici à 2050, les émissions mondiales de gaz à effet de serre aient diminué d’au moins 50 % par rapport à leurs niveaux de 1990. Il y a lieu que tous les secteurs de l’économie contribuent à réaliser ces réductions d’émissions, y compris le transport maritime international et le transport aérien. [...]

(4)

Dans sa résolution du 31 janvier 2008 sur le bilan de la conférence de Bali sur le changement climatique (COP 13 et COP/MOP 3) [(JO 2009, C 68 E, p.13)], le Parlement européen a rappelé que, selon lui, les pays industrialisés devraient s’engager à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 30 % d’ici à 2020, et de 60 à 80 % d’ici à 2050, par rapport aux niveaux de 1990 ; comme elle anticipe une issue positive des négociations COP 15, qui auront lieu à Copenhague en 2009, l’Union européenne devrait commencer à travailler à des objectifs plus sévères de réduction des émissions à l’horizon 2020 et au-delà et chercher à faire en sorte que, après 2013, le système communautaire autorise à placer, en cas de besoin, des plafonds d’émissions plus draconiens, ce qui participerait de la contribution de l’Union à un futur accord international sur le changement climatique [...]

(5)

Afin de contribuer à la réalisation de ces objectifs à long terme, il est opportun de définir une progression prévisible qui servira de base pour déterminer les réductions d’émissions auxquelles devront procéder les installations relevant du système communautaire. Pour que la Communauté puisse respecter dans des conditions économiquement acceptables son engagement de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 20 % par rapport aux niveaux de 1990, il convient que, d’ici à 2020, les quotas d’émission alloués à ces installations soient inférieurs de 21 % aux niveaux d’émissions desdites installations en 2005. »

Le règlement (UE) no 176/2014

10

Aux termes du considérant 3 du règlement (UE) no 176/2014 de la Commission, du 25 février 2014, modifiant le règlement (UE) no 1031/2010 afin, notamment, de déterminer les volumes de quotas d’émission de gaz à effet de serre à mettre aux enchères pour la période 2013-2020 (JO 2014, L 56, p. 11) :

« Il convient de tenir compte des changements exceptionnels intervenant dans les facteurs qui déterminent l’équilibre entre la demande et l’offre de quotas, notamment le nouveau ralentissement économique, ainsi que des éléments temporaires directement liés à la transition vers la phase 3 tels que le volume croissant de quotas valables pour la deuxième période d’échanges qui ne sont pas utilisés aux fins du respect des obligations durant ladite période, le volume croissant des réductions certifiées d’émissions et des unités de réduction des émissions issues de projets de réduction des émissions menés dans le cadre du mécanisme de développement propre ou de la mise en œuvre conjointe qui peuvent être utilisées à des fins de restitution par les exploitants relevant du système, la monétisation des quotas de la réserve pour les nouveaux entrants pour la troisième période d’échanges afin de soutenir des projets de démonstration de captage et de stockage du carbone et de technologies innovantes faisant appel aux énergies renouvelables (initiative NER300) conformément à la décision 2010/670/UE de la Commission, [ du 3 novembre 2010, établissant les critères et les mesures pour le financement de projets commerciaux de démonstration axés sur le captage et le stockage géologique du CO2 sans danger pour l’environnement, ainsi que de projets de démonstration de technologies innovantes liées aux énergies renouvelables, dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté établi par la directive 2003/87 (JO 2010, L 290, p. 39),] et la libération des quotas de la réserve pour les nouveaux entrants qui ne sont pas nécessaires pour la deuxième période d’échanges. Bien que tous ces facteurs comportent, à des degrés différents, une part d’incertitude, il importe de déterminer en temps voulu les corrections appropriées à apporter aux volumes à mettre aux enchères chaque année au cours de la période 2014-2020. »

11

L’article 1er de ce règlement prévoit :

« Le règlement (UE) no 1031/2010 [de la Commission, du 12 novembre 2010, relatif au calendrier, à la gestion et aux autres aspects de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre conformément à la directive 2003/87 (JO 2010, L 302, p. 1)], est modifié comme suit :

1)

Après l’article 10, paragraphe 2, deuxième alinéa, les alinéas suivants sont ajoutés :

“Pour la période 2014-2016, le volume de quotas à mettre aux enchères une année donnée, tel que calculé conformément au premier ou au deuxième alinéa du présent paragraphe, est diminué de la quantité de quotas indiquée, pour l’année correspondante, dans la deuxième colonne du tableau figurant à l’annexe IV du présent règlement.

[...]” »

Les conclusions du Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014

12

Les 23 et 24 octobre 2014, le Conseil européen a adopté des conclusions sur le cadre d’action en matière de climat et d’énergies à l’horizon 2030 (EUCO 169/14) (ci-après les « conclusions du Conseil européen de 2014 »).

13

Le point 2 de ces conclusions énonce :

« Le Conseil européen a approuvé un objectif contraignant consistant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’[Union] d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. À cette fin :

[...]

[SEQE]

2.3.

un système d’échange de quotas d’émission efficace et réformé, doté d’un instrument visant à stabiliser le marché, conformément à la proposition de la Commission, constituera le principal instrument de l’[Union] pour atteindre cet objectif ; le facteur annuel de réduction du plafond d’émissions maximales autorisées sera modifié, passant de 1,74 % à 2,2 % à partir de 2021 ;

[...] »

La décision attaquée

14

Le 6 octobre 2015, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté la décision attaquée, laquelle concerne la création et le fonctionnement de la réserve de stabilité du marché (ci-après la « RSM »).

15

Les considérants 1, 2, 4, 5 et 8 de cette décision énoncent :

« (1)

La directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil établit un [SEQE] [...] afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes.

(2)

Selon les conclusions du Conseil européen [de 2014], un [SEQE] efficace et réformé, doté d’un instrument visant à stabiliser le marché, constituera le principal instrument de l’Union pour atteindre son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

[...]

(4)

Le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’état du marché européen du carbone en 2012 a mis en évidence la nécessité de prendre des mesures pour lutter contre les déséquilibres structurels entre l’offre et la demande. Selon l’analyse d’impact relative au cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, ces déséquilibres devraient perdurer, et l’adaptation de la trajectoire linéaire pour atteindre un objectif plus ambitieux au sein de ce cadre ne serait probablement pas suffisante pour y remédier. Une modification du facteur linéaire ne fait évoluer que progressivement la quantité de quotas dans l’ensemble de l’Union (plafond du SEQE [...]). Par conséquent, l’excédent ne diminuerait également que progressivement, de sorte que le marché devrait continuer à fonctionner pendant plus d’une décennie avec un excédent d’environ 2 milliards de quotas, voire davantage, ce qui empêcherait le SEQE [...] de remplir sa fonction d’incitation à investir en vue de réduire les émissions de CO2 dans des conditions économiquement efficaces, et d’être un moteur pour l’innovation à faible intensité de carbone contribuant à la croissance économique et à l’emploi.

(5)

Pour remédier à ce problème et rendre le SEQE [...] plus résilient aux déséquilibres entre l’offre et la demande de manière à lui permettre de fonctionner sur un marché ordonné, une [RSM] [...] devrait être créée en 2018 et être opérationnelle à partir de 2019. La [RSM] renforcera également la synergie avec les autres politiques climatiques et énergétiques. Pour préserver un maximum de prévisibilité, des règles claires devraient être fixées pour le placement des quotas dans la [RSM] et leur prélèvement de la [RSM]. [...]

[...]

(8)

La réintroduction prévue de 300 millions de quotas en 2019 et de 600 millions de quotas en 2020, ainsi que le prévoit le règlement (UE) no 176/2014 de la Commission, porterait atteinte à l’objectif de la [RSM] visant à remédier aux déséquilibres structurels entre l’offre et la demande. Par conséquent, ces 900 millions de quotas ne devraient pas être mis aux enchères en 2019 et 2020 mais devraient, au lieu de cela, être placés dans la [RSM]. »

16

L’article 1er de ladite décision, intitulé « Réserve de stabilité du marché », dispose :

« 1.   Une [RSM] est créée en 2018 et le placement de quotas dans la [RSM] commence à compter du 1er janvier 2019.

2.   La quantité de 900 millions de quotas déduits des volumes à mettre aux enchères pendant la période 2014-2016, fixée dans le règlement (UE) no 176/2014 conformément à l’article 10, paragraphe 4, de la directive 2003/87/CE, n’est pas ajoutée aux volumes devant être mis aux enchères en 2019 et en 2020 mais elle est, au lieu de cela, placée dans la [RSM].

3.   Les quotas non alloués à des installations conformément à l’article 10 bis, paragraphe 7, de la directive 2003/87/CE et les quotas non alloués à des installations en raison de l’application de l’article 10 bis, paragraphes 19 et 20, de ladite directive sont placés dans la [RSM] en 2020. La Commission réexamine la directive 2003/87/CE en ce qui concerne ces quotas non alloués et, s’il y a lieu, présente une proposition au Parlement européen et au Conseil.

4.   La Commission publie le nombre total de quotas en circulation chaque année, au plus tard le 15 mai de l’année suivante. [...]

5.   Chaque année, un certain nombre de quotas égal à 12 % du nombre total de quotas en circulation, tel qu’il est défini dans la publication la plus récente visée au paragraphe 4 du présent article, est déduit du volume de quotas devant être mis aux enchères par les États membres au titre de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/87/CE et est placé dans la [RSM] sur une période de douze mois à compter du 1er septembre de l’année en question, à moins que le nombre de quotas à placer dans la [RSM] ne soit inférieur à 100 millions. Au cours de la première année de fonctionnement de la [RSM], il est procédé, entre le 1er janvier et le 1er septembre de l’année en question, au placement de 8 % (représentant 1 % par mois civil) du nombre total de quotas en circulation, tel qu’il est défini dans la publication la plus récente.

Sans préjudice du nombre total de quotas devant être déduits conformément au présent paragraphe, jusqu’au 31 décembre 2025, les quotas visés à l’article 10, paragraphe 2, premier alinéa, point b), de la directive 2003/87/CE ne sont pas pris en compte lors de l’établissement des parts des États membres contribuant à ce nombre total.

6.   Si, une année, le nombre total de quotas en circulation est inférieur à 400 millions, 100 millions de quotas sont prélevés de la [RSM] et ajoutés au volume de quotas devant être mis aux enchères par les États membres au titre de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/87/CE. Lorsque moins de 100 millions de quotas se trouvent dans la [RSM], la totalité des quotas de la [RSM] est prélevée au titre du présent paragraphe.

7.   Si, une année, le paragraphe 6 du présent article n’est pas applicable et que des mesures sont adoptées au titre de l’article 29 bis de la directive 2003/87/CE, 100 millions de quotas sont prélevés de la [RSM] et ajoutés au volume de quotas devant être mis aux enchères par les États membres au titre de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/87/CE. Lorsque moins de 100 millions de quotas se trouvent dans la [RSM], la totalité des quotas de la [RSM] est prélevée au titre du présent paragraphe.

[...] »

Les antécédents du litige

17

Au mois de novembre 2012, la Commission a établi un rapport au Parlement européen et au Conseil, intitulé « État des lieux du marché européen du carbone en 2012 » [COM(2012) 652 final] (ci-après le « rapport sur l’état des lieux du marché du carbone en 2012 »), et a constaté que, au début de la troisième période d’échanges, le SEQE se caractériserait par un déséquilibre structurel croissant entre l’offre et la demande de quotas, qui se traduirait par un excédent pouvant atteindre environ 2 milliards de quotas.

18

Afin de remédier à ce déséquilibre, la Commission a présenté, le 22 janvier 2014, une proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union et modifiant la directive 2003/87, [COM(2014) 20 final] (ci-après la « proposition de la Commission de 2014 »).

19

Dans l’analyse d’impact accompagnant la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union et modifiant la directive 2003/87/CE [SWD(2014) 017 final] (ci-après l’« analyse d’impact »), la Commission affirmait que cet excédent structurel de quotas d’émission dans le SEQE, qui s’était accumulé à un rythme rapide de 2008 à 2012, pourrait compromettre la capacité dudit système à atteindre ses objectifs à long terme avec un bon rapport coût-efficacité, sauf si des mesures réglementaires étaient prises.

20

La proposition de la Commission de 2014 a été examinée par le Conseil et ses instances préparatoires au cours d’une série de réunions qui se sont tenues de la fin du mois de janvier 2014 au mois de mai 2015. Les négociations engagées avec le Parlement européen ont abouti à l’adoption de la décision attaquée le 6 octobre 2015.

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

21

La République de Pologne conclut à ce que la Cour :

annule la décision attaquée et

condamne le Parlement et le Conseil aux dépens.

22

Le Parlement et le Conseil demandent à la Cour :

de rejeter le recours dans son intégralité et

de condamner la République de Pologne aux dépens.

23

Par une décision du 1er juin 2016, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, le Royaume d’Espagne, la République française et la Commission ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil. Le Royaume de Suède a été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil à la même date.

Sur le recours

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 192, paragraphe 1, TFUE, lu en combinaison avec l’article 192, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), TFUE

Argumentation des parties

24

La République de Pologne soutient que la décision attaquée viole l’article 192, paragraphe 1, TFUE, lu en combinaison avec l’article 192, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), TFUE, en ce qu’elle a été adoptée conformément à la procédure législative ordinaire, alors qu’elle constitue une mesure affectant sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie ainsi que la structure générale de son approvisionnement énergétique au sens de cette dernière disposition. En vertu de l’article 192, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE, une telle décision aurait dû être adoptée par le Conseil à l’unanimité, conformément à la procédure législative spéciale.

25

En premier lieu, cet État membre fait valoir qu’il ressort du libellé de l’article 192, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), TFUE que le choix de cette disposition en tant que base juridique doit se fonder sur une appréciation des effets concrets, découlant de la mise en œuvre des mesures environnementales prévues par l’acte législatif en cause, et non pas des buts poursuivis par l’adoption de celui-ci.

26

La République de Pologne fait observer que, selon son libellé, l’article 192, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), TFUE vise « les mesures affectant sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique », et non pas les mesures qui visent à avoir une influence sensible sur ce choix. Partant, elle soutient que, s’il était admis que le choix de cette disposition en tant que base juridique puisse ne pas être fondé sur l’évaluation des effets concrets d’une mesure, la procédure spéciale prévue à ladite disposition serait vidée de sa substance et le seul fait, pour le rédacteur d’un projet d’acte, de déclarer que ce dernier n’a pas pour objectif d’affecter le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie suffirait pour qu’il soit fait échec à la nécessité d’appliquer la procédure législative spéciale.

27

Cet État membre soutient qu’une telle analyse n’est pas contraire à la jurisprudence de la Cour en matière de choix d’une base juridique. En particulier, il ressortirait des arrêts du 23 février 1999, Parlement/Conseil (C‑42/97, EU:C:1999:81, point 63), ainsi que du 12 décembre 2002, Commission/Conseil (C‑281/01, EU:C:2002:761, points 40 et 41), que les effets produits par un acte législatif font partie des éléments objectifs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.

28

En deuxième lieu, l’État membre requérant fait valoir que, compte tenu du contexte énergétique global existant en Pologne, la décision attaquée affecte sensiblement le choix de ses sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique.

29

À cet égard, la République de Pologne soutient qu’elle dépend des combustibles fossiles à un niveau particulièrement élevé, de telle sorte que plus de 83 % de l’électricité qui y est produite provient du charbon et du lignite. La mise en place de la RSM entraînerait une hausse des prix des quotas d’émission qui conduirait inévitablement à une modification du secteur énergétique de cet État membre. En l’occurrence, l’utilisation de gaz naturel augmenterait pour atteindre, en 2035, 700 % du niveau d’utilisation actuel. En revanche, en l’absence de la RSM, le secteur énergétique polonais continuerait de reposer principalement sur le lignite et le charbon. En outre, l’utilisation du gaz naturel dépasserait largement le niveau national actuel d’extraction de cette matière première, entraînerait une augmentation du volume des importations et, partant, affecterait la sécurité de la République de Pologne en matière d’approvisionnement énergétique.

30

Selon cet État membre, la mise en place de la RSM entraînera une hausse des prix des quotas d’émission qui conduira également à une modification de la compétitivité des différents types de centrales et de la structure de la production d’électricité au niveau national, ainsi qu’à une baisse de compétitivité du secteur énergétique et de l’économie polonais.

31

Afin de démontrer l’influence de la décision attaquée sur son propre bouquet énergétique, la République de Pologne a produit en annexe à sa réplique un document intitulé « Analyse de l’influence du mécanisme de réserve de stabilité du marché [conformément à la décision 2015/1814] sur la formation du bouquet énergétique de la Pologne », établi par le Krajowy Ośrodek Bilansowania i Zarządzania Emisjami (Centre national d’équilibrage et de gestion des émissions, Pologne).

32

En troisième lieu, la République de Pologne soutient que, en tout état de cause, il résulte directement de l’analyse d’impact accompagnant la proposition de la Commission de 2014 que la lutte contre le déséquilibre entre l’offre et la demande sur le marché des quotas d’émission est une finalité à caractère instrumental de la décision attaquée, qui tend, en réalité, à ce que le prix des quotas soit fixé à un niveau correct. Ce prix devrait, par la suite, réorienter les États membres vers les énergies renouvelables ou vers les combustibles à plus faibles émissions de carbone et, ainsi, entraîner une modification de la structure de leur approvisionnement énergétique, par sa diversification et la réduction de la part de l’énergie obtenue à partir des combustibles fossiles.

33

Il en résulterait que la correction du déséquilibre existant sur le marché, par une augmentation du prix des quotas, devrait permettre d’atteindre l’objectif principal de la décision attaquée, consistant à faire évoluer le bouquet énergétique des États membres, ce qui confirmerait que la décision attaquée aurait dû être adoptée sur le fondement de l’article 192, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), TFUE.

34

En réponse à l’argumentation du Conseil selon laquelle la modification des prix n’imposerait pas aux opérateurs d’adopter une position déterminée, car elle leur laisserait le choix soit d’acheter des quotas, soit de réduire les émissions, ou encore de répercuter les coûts sur leurs clients, la République de Pologne rétorque que, sur un marché de gros de l’énergie qui fonctionne correctement, l’opérateur dispose de possibilités limitées de répercuter les coûts sur le client. Cette répercussion serait envisageable à court terme, mais, à plus long terme, l’opérateur qui utilise du charbon devrait soit entrer en concurrence avec d’autres opérateurs, qui utiliseront, par exemple, du gaz naturel, en obtenant des coûts de production inférieurs, soit renoncer à l’utilisation du charbon au profit d’autres sources d’énergie, pour maîtriser l’augmentation des coûts de production de l’énergie.

35

Enfin, la République de Pologne conteste les arguments des institutions défenderesses relatifs à l’importance décroissante de la part réservée aux installations de combustion dans l’ensemble des États concernés par le SEQE, en raison de l’élargissement constant du champ d’application de la directive 2003/87. Les données de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) démontreraient que la part des émissions de combustion n’a pas connu de changement significatif au cours des premières années de la troisième période d’échanges et que son niveau, en Pologne, est nettement supérieur à la moyenne constatée dans l’ensemble de ces États.

36

Le Conseil et le Parlement, soutenus par les parties intervenantes, estiment que le premier moyen doit être écarté.

Appréciation de la Cour

37

Afin de statuer sur le présent moyen, il y a lieu de relever que, comme le rappellent à juste titre le Conseil et le Parlement européen, la Cour a été amenée à examiner, dans son arrêt du 30 janvier 2001, Espagne/Conseil (C‑36/98, EU:C:2001:64), la nature de l’exception prévue à l’article 192, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE, à l’occasion de l’interprétation qu’elle a faite de l’article 130 S, paragraphe 2, premier alinéa, deuxième tiret, du traité CE, correspondant à l’article 192, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), deuxième tiret, TFUE.

38

Dans cette affaire, la Cour a rappelé que le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent, notamment, le but et le contenu de cet acte (arrêts du 30 janvier 2001, Espagne/Conseil, C‑36/98, EU:C:2001:64, points 58 et 59, ainsi que du 11 juin 2014, Commission/Conseil, C‑377/12, EU:C:2014:1903, point 34 et jurisprudence citée).

39

Bien que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 janvier 2001, Espagne/Conseil (C‑36/98, EU:C:2001:64), fût concernée l’exception figurant à l’article 192, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), TFUE, le même raisonnement doit être suivi en ce qui concerne les dispositions de l’article 192, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), TFUE. Ainsi, il ressort de cette jurisprudence que le choix de l’article 192, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), TFUE en tant que base juridique ne saurait se fonder sur des éléments différents de ceux qui sont pris en compte par la Cour de manière constante dans sa jurisprudence.

40

Le fait que, lorsque la Cour a rendu cet arrêt, le libellé de l’article 130 S, paragraphe 2, premier alinéa, deuxième tiret, du traité CE contenait le mot « concernant », et non pas le terme « affectant », ne remet pas en cause les conclusions qu’il convient d’en tirer aux fins de la résolution du présent litige. En effet, il résulte du raisonnement suivi par la Cour dans ledit arrêt que celle-ci a compris ces deux termes comme ayant un sens largement équivalent, ainsi qu’en atteste le point 52 du même arrêt, dans lequel il est précisé que l’article 130 S, paragraphe 2, premier alinéa, deuxième tiret, du traité CE vise les mesures qui affectent le territoire et les sols des États membres ainsi que leurs ressources hydrauliques en tant que telles.

41

Étant donné que, pour connaître les effets réels et concrets d’une mesure législative, il est nécessaire de procéder à l’analyse de ces effets après son entrée en vigueur, le choix du législateur devrait se fonder sur des hypothèses relatives à l’impact probable de ladite mesure, qui, par leur nature, ont un caractère spéculatif et ne constituent aucunement des éléments objectifs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, au sens de la jurisprudence citée au point 38 du présent arrêt.

42

Il y a lieu, par conséquent, de constater que l’évaluation de l’effet sur la politique énergétique d’un État membre d’un acte de l’Union ne constitue pas un élément devant être apprécié en dehors du but ou du contenu de cet acte, ou par dérogation à ceux-ci.

43

Par ailleurs, comme l’a relevé le Conseil, il convient de souligner que l’article 192, paragraphe 2, TFUE doit être lu en combinaison avec l’article 191 TFUE, qui vise à conférer à l’Union un rôle dans la préservation de l’environnement et la lutte contre le changement climatique, notamment en contractant et en exécutant des engagements internationaux à cette fin.

44

Les mesures prises à cette fin ayant nécessairement des effets sur le secteur énergétique des États membres, une interprétation large de l’article 192, paragraphe 2, premier alinéa, point c), TFUE risquerait d’avoir pour effet d’ériger en règle le recours à une procédure législative spéciale ayant le caractère d’une exception prévue par le traité FUE.

45

Or, cette conclusion ne serait pas conciliable avec la jurisprudence de la Cour selon laquelle les dispositions qui ont le caractère d’une exception à un principe doivent être interprétées de manière stricte (voir, par analogie, arrêt du 10 juin 2010, Bruno e.a., C‑395/08 et C‑396/08, EU:C:2010:329, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

46

Il en résulte que l’article 192, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), TFUE ne peut constituer la base juridique d’un acte de l’Union que s’il ressort du but et du contenu de celui-ci que le résultat premier recherché par cet acte consiste à affecter sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structure générale de l’approvisionnement énergétique de ce dernier.

47

S’agissant de l’argument de la République de Pologne selon lequel la procédure spéciale prévue à cette disposition pourrait être contournée par le rédacteur d’un projet d’acte déclarant que l’objectif visé par ce dernier ne consiste pas à affecter le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie, il convient de rappeler que non seulement l’objectif mais également le contenu de l’acte adopté constituent un élément essentiel aux fins du contrôle du bien-fondé de la base juridique de cet acte.

48

Au vu de ce qui précède, il convient d’analyser le bien-fondé du choix de la base juridique de la décision attaquée au regard du but et du contenu de celle-ci.

49

À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’acte attaqué est, certes, intrinsèquement lié à la directive 2003/87. Toutefois, en vertu d’une jurisprudence constante, la détermination de la base juridique d’un acte doit se faire en considération de son but et de son contenu propres, et non au regard de la base juridique retenue pour l’adoption d’autres actes de l’Union présentant, le cas échéant, des caractéristiques similaires (arrêt du 10 janvier 2006, Commission/Parlement et Conseil,C‑178/03, EU:C:2006:4, point 55). Partant, comme le fait valoir à bon droit la République de Pologne, l’analyse de la base juridique de la décision attaquée doit être effectuée de manière autonome par rapport à celle de la base juridique de la directive 2003/87.

50

En ce qui concerne l’objectif de la décision attaquée, il convient de rappeler les raisons qui ont justifié l’adoption de celle-ci.

51

Ainsi que l’exposé des motifs de la proposition de la Commission de 2014 le mentionne, au début de la troisième période d’échanges, le SEQE se caractérisait par un important déséquilibre entre l’offre et la demande de quotas ainsi qu’il a été rappelé aux points 17 et 18 du présent arrêt.

52

Ce déséquilibre s’explique essentiellement par l’inadéquation entre l’offre de quotas d’émission devant être mis aux enchères, laquelle est fixée d’une manière rigide, et la demande de quotas, qui est flexible et sur laquelle influent les cycles économiques, les prix des combustibles fossiles ainsi que d’autres facteurs. Dès lors, si un fléchissement de la demande va généralement de pair avec une diminution de l’offre sur le marché du carbone de l’Union, il n’en est pas de même de l’offre de quotas devant être mis aux enchères, en raison de la réglementation en vigueur.

53

Comme le souligne cette proposition ainsi que le considérant 4 de la décision attaquée, l’existence d’un excédent aussi important pouvait remettre en cause l’effet incitatif que la mise en place d’un SEQE opérationnel était censée produire et compromettre considérablement la capacité de ce système à atteindre ses objectifs lors des phases ultérieures.

54

Dès lors, le considérant 5 de la décision attaquée précise que c’est « [p]our remédier à ce problème et rendre le [SEQE] plus résilient aux déséquilibres entre l’offre et la demande de manière à lui permettre de fonctionner sur un marché ordonné, [qu’]une [RSM] [...] devrait être créée en 2018 et être opérationnelle à partir de 2019 ».

55

Le considérant 8 de cette décision souligne également que l’objectif de la RSM consiste à « remédier aux déséquilibres structurels entre l’offre et la demande ».

56

Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 22 de ses conclusions, c’est donc uniquement pour répondre à ce « déséquilibre structurel », identifié dès l’année 2012, que la décision attaquée a été adoptée.

57

En ce qui concerne le contenu de cette décision, il convient de rappeler que la RSM est conçue comme un mécanisme quantitatif sur la base duquel les volumes de quotas à mettre aux enchères sont adaptés automatiquement, en fonctions d’un certain nombre de critères, détaillés à l’article 1er de la même décision.

58

Ainsi qu’il ressort de cet article 1er, la RSM peut agir soit en bloquant l’arrivée sur le marché des quotas, soit, en cas de déficit d’offre, en libérant une partie des quotas qui avaient été placés à l’intérieur de cette réserve. La RSM a ainsi pour effet de stabiliser l’offre de quotas sur le marché, sans ajouter de quotas supplémentaires et sans en retirer définitivement.

59

En vertu de l’article 1er, paragraphe 4, de la décision attaquée, le déclenchement des transferts vers la RSM ou à partir de celle-ci est effectué en fonction des données chiffrées relatives au niveau annuel de l’offre de quotas sur le marché, publiées par la Commission.

60

Il ressort ainsi tant de l’objectif que du contenu de cette décision que la RSM a été conçue comme un outil devant, dans un premier temps, remédier aux déséquilibres actuels et, dans un second temps, rendre le SEQE plus résistant à tout futur événement de grande ampleur susceptible de perturber gravement l’équilibre entre l’offre et la demande de quotas.

61

Il s’agit, en substance, d’une intervention ponctuelle du législateur en vue de corriger une faiblesse structurelle du SEQE, qui pourrait empêcher ce système de remplir sa fonction d’incitation à l’investissement en vue de réduire les émissions de dioxyde de carbone dans des conditions économiquement efficaces et d’être un moteur pour l’innovation à faible intensité de carbone contribuant à la lutte contre le changement climatique.

62

À la lumière de ce qui précède, il ne ressort pas de l’analyse du but et du contenu de la décision attaquée que le résultat premier recherché par cette décision consiste à affecter sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique, de telle sorte que le choix de l’article 192, paragraphe 1, TFUE, comme base juridique de celle-ci serait erroné au regard de la base juridique offerte par l’article 192, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), TFUE.

63

S’agissant de l’argument de la République de Pologne selon lequel l’objectif principal de la décision attaquée consiste en réalité à faire évoluer le bouquet énergétique des États membres par une augmentation du prix des quotas, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort tant des dispositions que de l’économie de la directive 2003/87, le SEQE a été conçu comme un instrument quantitatif dans lequel une quantité prédéfinie de quotas d’émission est délivrée pour atteindre l’objectif environnemental souhaité, qui, en vertu de l’article 1er de cette directive, consiste à « favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes ». Il y a lieu également de souligner que ce système n’intervient pas directement afin de fixer un prix des quotas, ce dernier étant exclusivement déterminé par les forces du marché, sur la base, notamment, de la rareté des quotas, combinée à la souplesse offerte par la possibilité de procéder à des échanges. Le signal de prix ainsi créé à l’échelle de l’Union est censé influencer les décisions opérationnelles et stratégiques des investisseurs.

64

Or, il convient de relever, à l’instar des institutions défenderesses, que, d’une part, le prix des quotas fixé par le marché n’a aucune influence sur le fonctionnement de la RSM, qui reste, par définition, neutre sur ce point.

65

D’autre part, compte tenu des modalités régissant ledit système et, notamment, du fait que la RSM peut soit bloquer l’arrivée de quotas sur le marché, soit en libérer une partie, l’effet probable de celle-ci consistera à stabiliser le prix des émissions plutôt qu’à le faire augmenter.

66

Néanmoins, en raison du fait que la quantité totale de quotas disponible dans le SEQE diminue en fonction d’un facteur de réduction linéaire annuel, il est inhérent à la logique de ce dernier que le prix des quotas augmente graduellement au fil du temps.

67

Ainsi, dans la mesure où la décision attaquée corrige une faiblesse structurelle du SEQE, elle contribue à ce que ce système émette un signal de prix du carbone à l’échelle de l’Union, permettant à cette dernière d’atteindre ses objectifs en matière de réductions des émissions, et entraînera logiquement une augmentation du prix des quotas dans le futur.

68

Toutefois, il convient de constater que ces effets ne sont qu’une conséquence indirecte du lien étroit existant entre la décision attaquée et la directive 2003/87.

69

Partant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 24 de ses conclusions, dans la mesure où la RSM n’est conçue que comme un complément ou une correction du SEQE, c’est à bon droit que le législateur de l’Union a fondé la décision attaquée sur l’article 192, paragraphe 1, TFUE.

70

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’analyser les effets allégués de la décision attaquée sur le bouquet énergétique de la République de Pologne.

71

Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen du recours comme étant non fondé.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des compétences du Conseil européen définies à l’article 15 TUE et d’une violation de l’obligation de coopération loyale

Argumentation des parties

72

La République de Pologne soutient, en substance, que les conclusions du Conseil européen de 2014 ont fixé à l’année 2021 la date d’entrée en fonction de la RSM.

73

Or, en avançant de deux ans cette date, ainsi qu’il résulte de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, les institutions défenderesses auraient empiété sur les prérogatives du Conseil européen et remis en cause la compétence de ce dernier pour définir les orientations politiques en matière de mise en œuvre de la législation de l’Union, telles que garanties à l’article 15 TUE.

74

La République de Pologne soutient que le changement de la date de mise en œuvre de la RSM viole également le principe de coopération loyale, dès lors que la décision attaquée contiendrait un élément essentiel contraire aux conclusions du Conseil européen.

75

Les parties défenderesses et intervenantes contestent ces arguments.

Appréciation de la Cour

76

Le deuxième moyen du recours se divise en deux branches, tirées, respectivement, de la violation des compétences du Conseil européen, telles que définies à l’article 15 TUE, et de la violation du principe de coopération loyale.

77

Dans le cadre de la première de ces branches, l’État membre requérant s’appuie, en substance, sur une interprétation littérale du point 2.3 des conclusions du Conseil européen de 2014, selon laquelle ce dernier aurait fixé l’année 2021 comme date d’entrée en vigueur de la RSM.

78

À cet égard, il y a lieu de préciser que ledit point 2.3 énonce, dans sa version en langue française, ce qui suit : « un [SEQE] efficace et réformé, doté d’un instrument visant à stabiliser le marché, conformément à la proposition de la Commission, constituera le principal instrument de [l’Union] pour atteindre cet objectif ; le facteur annuel de réduction du plafond d’émissions maximales autorisées sera modifié, passant de 1,74 % à 2,2 % à partir de [l’année] 2021 ».

79

Il ressort du libellé même de ce point que la référence explicite à l’année 2021 renvoie non pas à la date de mise en œuvre du SEQE, mais à la date à laquelle le facteur annuel de réduction sera modifié.

80

Cette conclusion est corroborée également par l’analyse d’autres versions linguistiques, dans lesquelles le signe de ponctuation utilisé pour séparer les deux phrases dudit point est non pas un point-virgule, comme dans la version en langue française, mais un point.

81

Partant, il y a lieu de constater, à l’instar des institutions défenderesses, que le Conseil européen n’a pas, dans ses conclusions de 2014, explicitement fixé une date d’entrée en vigueur de la RSM.

82

La République de Pologne tire également argument du fait que le Conseil européen aurait indiqué que le SEQE devait être accompagné d’un instrument stabilisant le marché « conformément à la proposition de la Commission », laquelle, à la date où le Conseil européen s’est ainsi exprimé, prévoyait que la RSM entrerait en vigueur pendant l’année 2021.

83

À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 15, paragraphe 1, TUE définit la mission du Conseil européen comme consistant à donner « à l’Union les impulsions nécessaires à son développement et [à] en [définir] les orientations et les priorités politiques générales ». Cette disposition précise [qu’« i]l n’exerce pas de fonction législative ».

84

Le pouvoir législatif réservé au Parlement et au Conseil, à l’article 14, paragraphe 1, TUE et à l’article 16, paragraphe 1, TUE, qui s’inscrit dans le principe d’attribution des pouvoirs consacré à l’article 13, paragraphe 2, TUE et, plus largement, dans le principe d’équilibre institutionnel, caractéristique de la structure institutionnelle de l’Union, implique, en revanche, qu’il revient exclusivement à ces institutions de déterminer le contenu d’un acte législatif (voir, en ce qui concerne le pouvoir d’initiative législative reconnu à la Commission, arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 146).

85

Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 33 de ses conclusions, le fait d’interpréter la référence faite à la proposition de la Commission de 2014 comme constituant une injonction du Conseil européen de ne mettre en place la RSM qu’à compter de l’année 2021 aboutirait, d’une part, à considérer le rôle du Parlement et du Conseil comme se limitant à l’enregistrement des conclusions du Conseil européen et, d’autre part, à reconnaître à ce dernier le pouvoir d’interférer directement dans le domaine législatif, en violation du principe d’attribution des pouvoirs consacré à l’article 13, paragraphe 2, TUE.

86

Par ailleurs, la prétendue incidence de nature « politique » des conclusions du Conseil européen sur le pouvoir législatif du Parlement et du Conseil ne saurait constituer un motif d’annulation, par la Cour, de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 145).

87

La première branche du deuxième moyen doit, dès lors, être écartée comme étant non fondée.

88

Au vu des considérations qui précèdent, il convient d’écarter également la seconde branche du deuxième moyen.

89

En effet, ainsi qu’il ressort du point 85 du présent arrêt, l’interprétation à laquelle se livre l’État membre requérant aurait pour conséquence de porter atteinte aux compétences législatives du Parlement et du Conseil, au profit du respect de la volonté politique exprimée par le Conseil européen.

90

Or, selon une jurisprudence constante, la coopération loyale entre les institutions de l’Union, prévue à l’article 13, paragraphe 2, TUE, s’exerce dans le respect des limites des pouvoirs conférés par les traités à chaque institution. L’obligation résultant de cette disposition n’est donc pas de nature à modifier lesdits pouvoirs (voir en ce sens, notamment, arrêts du 14 avril 2015, Conseil/Commission, C‑409/13, EU:C:2015:217, point 64 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 octobre 2015, Conseil/Commission, C‑73/14, EU:C:2015:663, point 84 et jurisprudence citée). Par conséquent, cette coopération ne peut porter atteinte, au profit d’une institution de l’Union, à l’exercice par une autre institution de ses compétences.

91

Il s’ensuit que le deuxième moyen du recours doit, dans son intégralité, être rejeté comme étant non fondé.

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

Argumentation des parties

92

Par son troisième moyen, la République de Pologne soutient, en substance, que la date à laquelle la RSM a été instituée a été fixée en violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

93

En premier lieu, elle fait valoir que le législateur de l’Union ne pouvait valablement modifier les principes de fonctionnement du SEQE, notamment le nombre de quotas disponibles sur le marché au cours d’une certaine période d’échanges, sans compromettre la prévisibilité de ce système.

94

En effet, selon l’État membre requérant, la fixation, par la directive 2003/87, de périodes d’échanges ne poursuivrait pas seulement un but administratif, mais permettrait surtout aux entreprises de définir leur stratégie précisément en fonction de la quantité de quotas disponibles pour une période donnée.

95

En second lieu, la République de Pologne soutient que, sur la base des engagements pris auparavant par l’Union, notamment du règlement no 176/2014 ainsi que de la proposition de la Commission de 2014, un opérateur prudent et avisé n’aurait, en aucun cas, pu prévoir que le nombre de quotas d’émission disponibles sur le marché serait drastiquement limité pendant les dernières années de la période d’échanges actuelle.

96

À cet égard, la République de Pologne fait observer que le règlement no 176/2014 prévoyait que 900 millions de quotas d’émission, retirés de la vente pendant les années 2014 et 2015, seraient mis aux enchères durant les années 2019 et 2020.

97

En outre, la publication de ce règlement parallèlement à la publication de la proposition de la Commission de 2014, qui fixait l’entrée en vigueur de la RSM en 2021, aurait fait naître dans le chef des acteurs du marché l’espérance fondée que les solutions prévues par ce règlement seraient par la suite respectées.

98

La République de Pologne fait valoir, eu égard aux arguments qui précèdent, que les acteurs du marché s’attendaient légitimement à ce que les quotas temporairement retirés soient réintroduits sur le marché au cours des années 2019 et 2020 et qu’ils fondaient leurs prévisions d’activité sur la confiance qu’ils avaient placée dans cette réintroduction.

99

Les institutions défenderesses et les parties intervenantes contestent l’argumentation de la République de Pologne.

Appréciation de la Cour

100

Afin de statuer sur le troisième moyen, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que le principe de sécurité juridique, qui a pour corollaire le principe de protection de la confiance légitime, exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (arrêt du 20 décembre 2017, Global Starnet, C‑322/16, EU:C:2017:985, point 46 et jurisprudence citée).

101

Or, il convient de relever, tout d’abord, que la décision attaquée, adoptée le 6 octobre 2015, prévoit que la RSM doit être créée pendant l’année 2018, pour être opérationnelle seulement à compter du 1er janvier 2019.

102

Ensuite, ladite décision décrit d’une manière claire et précise le fonctionnement de la RSM, en détaillant, notamment, les conditions et les procédures relatives au placement des quotas dans la RSM et au prélèvement de ceux-ci de cette dernière.

103

L’article 1er de la décision attaquée prévoit que, au cours de la première année de fonctionnement de la RSM, 8 % du nombre total de quotas en circulation sont placés dans cette réserve entre le 1er janvier et le 1er septembre de ladite année. Par la suite, celle-ci doit procéder à des adaptations des volumes annuels de quotas à mettre aux enchères.

104

En vertu de cet article 1er, à partir de l’année 2019, un nombre de quotas correspondant à 12 % du nombre total en circulation est déduit du volume de quotas devant être mis aux enchères par les États membres au titre de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/87 et est placé dans la réserve sur une période de douze mois à compter du 1er septembre de l’année en question, à moins que le nombre de quotas à placer dans la réserve ne soit inférieur à 100 millions. Par ailleurs, ledit article 1er prévoit que, si, une année donnée, le nombre total de quotas en circulation est inférieur à 400 millions, 100 millions de quotas sont prélevés de la réserve et ajoutés au volume de quotas devant être mis aux enchères par les États membres au titre de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/87.

105

Le nombre total de quotas en circulation est publié par la Commission, sur la base des critères établis à l’article 1er, paragraphe 4, de la décision attaquée.

106

L’article 3 de ladite décision charge la Commission de surveiller la mise en œuvre de la RSM et les effets éventuels de cette dernière sur la compétitivité ainsi que de réexaminer de manière régulière son fonctionnement.

107

Enfin, il est prévu que les 900 millions des quotas déduits de la mise aux enchères pendant les années 2014 à 2016, en vertu du règlement no 176/2014, ne seront pas ajoutés à ceux devant être mis aux enchères durant les années 2019 et 2020, mais seront placés dans ladite réserve, afin de ne pas compromettre l’objectif de cette dernière.

108

La décision attaquée établit, par conséquent, un régime juridique objectif et transparent permettant aux personnes concernées d’être informées de manière précise et prévoit une période transitoire d’une durée suffisante pour permettre aux opérateurs économiques de s’adapter au nouveau système mis en place.

109

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la République de Pologne n’est parvenue à établir aucune violation, par la décision attaquée, du principe de sécurité juridique.

110

Quant à la possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime, il ressort d’une jurisprudence constante que celle-ci est ouverte à tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées. Au sens de cette jurisprudence, constituent des assurances susceptibles de faire naître de telles espérances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables (arrêt du 14 mars 2013, Agrargenossenschaft Neuzelle, C‑545/11, EU:C:2013:169, points 24 et 25 ainsi que jurisprudence citée).

111

En revanche, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice du principe de protection de la confiance légitime lorsque cette mesure est adoptée (arrêt du 14 mars 2013, Agrargenossenschaft Neuzelle, C‑545/11, EU:C:2013:169, point 26).

112

Par ailleurs, en ce qui concerne l’invocation du principe de protection de la confiance légitime en raison de l’action du législateur de l’Union, il convient de rappeler que la Cour a reconnu audit législateur un large pouvoir d’appréciation lorsque son action implique des choix de nature politique, économique et sociale et lorsqu’il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 57).

113

En l’occurrence, il y a lieu de constater qu’aucune assurance n’a été donnée aux opérateurs économiques participants au SEQE, qui aurait justifié que ces derniers aient placé une confiance légitime dans le fait que le nombre de quotas ne serait pas modifié au cours des périodes d’échanges.

114

Tout d’abord, ainsi que le font observer les institutions défenderesses, plusieurs dispositions de la directive 2003/87 prévoient explicitement qu’il peut être nécessaire d’adapter les règles relatives au SEQE.

115

Le considérant 22 de cette directive prévoit, notamment, que celle-ci « devrait être réexaminée en fonction des évolutions dans ce contexte et pour tenir compte de l’expérience acquise dans sa mise en œuvre ».

116

Aux termes de la clause de réexamen prévue à l’article 9, troisième alinéa, de ladite directive, « [l]a Commission réexamine le facteur linéaire et présente une proposition, le cas échéant, au Parlement et au Conseil à compter de 2020 en vue de l’adoption d’une décision d’ici à 2025 ».

117

L’article 29 de la même directive évoque explicitement l’hypothèse d’un mauvais fonctionnement du marché qui serait constaté par la Commission dans le cadre d’un rapport remis au Parlement et au Conseil, et pouvant comprendre, le cas échéant, des propositions d’amélioration.

118

Or, il y a lieu de constater qu’aucune de ces dispositions ne limite le pouvoir d’intervention du législateur de l’Union au cours des périodes d’échanges.

119

Ensuite, les diverses modifications apportées à la directive 2003/87 montrent que, à plusieurs reprises, des actes législatifs et non législatifs, par ailleurs non contestés par la République de Pologne, ont modifié la disponibilité des quotas au cours d’une période d’échanges.

120

À titre d’exemple, l’article 1er, point 9, de la directive 2009/29, modifiant l’article 9 de la directive 2003/87, a fait commencer la diminution linéaire annuelle des quotas « au milieu de la période 2008-2012 ».

121

L’article 1er de la décision no 1359/2013/UE du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, modifiant la directive 2003/87 afin de préciser les dispositions relatives au calendrier des enchères de quotas d’émission de gaz à effet de serre (JO 2013, L 343, p. 1), lequel a amendé l’article 10, paragraphe 4 de la directive 2003/87, dispose que, « [s]i une évaluation montre, s’agissant des différents secteurs industriels, qu’il n’y a lieu d’attendre aucun impact véritable sur les secteurs ou sous-secteurs exposés à un risque significatif de fuite de carbone, la Commission peut, à titre exceptionnel, adapter le calendrier pour la période visée à l’article 13, paragraphe 1, qui commence le 1er janvier 2013, de façon à garantir le bon fonctionnement du marché ».

122

Enfin, le règlement no 176/2014 de la Commission avait prévu, à son article 1er, une réduction, pour la période 2014-2016, du volume de quotas à mettre aux enchères pour chaque année donnée.

123

Partant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 42 de ses conclusions, aucune garantie n’a été donnée, que ce soit à l’occasion de l’adoption de la directive 2003/87 ou lors de l’adoption de la directive 2009/29, qui l’a modifié, selon laquelle le fonctionnement du SEQE tel que décrit originellement devrait rester inchangé ou qu’il ne pourrait être modifié qu’au terme de chaque période d’échanges de quotas.

124

Cette conclusion s’impose également en raison des caractéristiques propres au SEQE.

125

Tout d’abord, ainsi qu’il a été rappelé au point 112 du présent arrêt, le SEQE est un système complexe, dans le cadre duquel la Cour a reconnu au législateur de l’Union la faculté de recourir à une approche par étapes et de procéder en fonction de l’expérience acquise, lorsqu’il est appelé à le restructurer (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 57).

126

Ensuite, il convient de souligner, à l’instar des institutions défenderesses, que le SEQE en tant qu’instrument principal de la politique climatique de l’Union est un instrument permanent, non limité dans le temps, qui produit ses effets au-delà des périodes d’échanges et dans l’ensemble de celles-ci.

127

Les périodes d’échanges, adoptées afin d’aligner le SEQE sur les échéances prévues par les instruments internationaux pertinents, ne sauraient empêcher le législateur d’intervenir sur cet instrument en tant que tel, s’il s’avère que ce dernier n’est plus en mesure d’atteindre les objectifs pour lesquels il a été institué.

128

Partant, une interprétation de la directive 2003/87 selon laquelle le législateur ne pourrait adapter les règles relatives au SEQE qu’à la fin d’une période d’échanges non seulement ne trouve aucun fondement dans ladite directive elle-même, mais serait également contraire à la jurisprudence de la Cour relative au SEQE.

129

Enfin, en réponse aux arguments soulevés par la République de Pologne et résumés aux points 94 à 96 du présent arrêt, il convient de rappeler que la proposition de la Commission de 2014 constitue un acte préparatoire qui, par définition, ne peut être considéré comme étant définitif. Un tel acte ne pouvait faire naître des espérances fondées, dès lors que, eu égard à la nature même du processus législatif de l’Union, une proposition initiale fera, par hypothèse, l’objet de modifications au cours de ce processus. Par conséquent, cette proposition ne saurait fournir une assurance précise et inconditionnelle, au sens de la jurisprudence rappelée au point 110 du présent arrêt.

130

Quant aux arguments de la République de Pologne relatifs aux engagements pris par l’Union au titre du règlement no 176/2014, il y a lieu de souligner que ce dernier a été adopté dans le cadre du pouvoir d’exécution dont dispose la Commission dans le domaine concerné et qu’il ne pouvait être interprété comme constituant une garantie qu’aucune intervention législative ne rendrait caduc son contenu.

131

Par ailleurs, tant la proposition de la Commission de 2014 que le règlement no 176/2014 démontrent clairement que les institutions concernées se préoccupaient du déséquilibre endémique caractérisant le SEQE et envisageaient l’adoption de mesures appropriées.

132

À cet égard, le considérant 3 du règlement no 176/2014 énonce, notamment, qu’« [i]l convient de tenir compte des changements exceptionnels intervenant dans les facteurs qui déterminent l’équilibre entre la demande et l’offre de quotas ».

133

La proposition de la Commission de 2014 est assortie d’une analyse d’impact décrivant le déséquilibre structurel rencontré par le SEQE et signalant la nécessité de prendre des mesures réglementaires. Plusieurs options d’intervention y sont étudiées, dont certaines mentionnent une date d’entrée en fonction de la RSM antérieure à l’année 2021.

134

En outre, un sérieux dysfonctionnement du SEQE quant à sa capacité de créer un signal de prix était connu du public, au plus tard, depuis la publication du rapport sur l’état des lieux du marché du carbone en 2012. Ce rapport comportait deux types de mesures pour résoudre les problèmes identifiés, à savoir, d’une part, la révision du calendrier des enchères en tant que mesure à court terme et, d’autre part, l’adoption de mesures structurelles, déclinées alors en six options, dont celle consistant à retirer, à titre permanent, une certaine quantité de quotas au cours de la troisième période d’échanges du SEQE.

135

Or, au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater qu’un opérateur économique prudent et avisé ne pouvait s’attendre à ce que le cadre législatif en cause reste inchangé et que les institutions concernées ne prennent aucune mesure afin de remédier au déséquilibre structurel caractérisant le SEQE avant l’année 2020.

136

Dans ces conditions, il convient de rejeter le troisième moyen du recours comme étant non fondé.

Sur les quatrième et cinquième moyens

Argumentation des parties

137

Par son quatrième moyen, la République de Pologne soutient que la décision attaquée porte atteinte au principe de proportionnalité en tant que les mesures qu’elle prévoit ne satisfont pas au critère de nécessité et imposent aux entités participant au SEQE des charges excessivement lourdes.

138

La mise en place d’une RSM ne serait pas une mesure indispensable pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de 20 % à l’horizon 2020, conformément aux engagements internationaux de l’Union.

139

L’État membre requérant fait observer que le niveau de réduction prévu par le SEQE a été fixé en déterminant le nombre total de quotas d’émission autorisé pour la période 2013-2020. Par conséquent, le retrait du marché de quotas d’émission alloués pour cette période contraindrait l’Union et ses États membres à réaliser un objectif de réduction plus élevé par rapport à ceux qui sont actuellement déclarés au niveau international dans le cadre de la deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

140

Il s’ensuivrait que la décision attaquée ne satisfait pas au critère de nécessité.

141

La décision attaquée serait également disproportionnée, dans la mesure où elle imposerait aux entreprises des charges qui ne sont pas indispensables pour atteindre le niveau de réduction des émissions de 20 % fixé par l’Union, conformément à ses engagements internationaux.

142

Par son cinquième moyen, la République de Pologne fait valoir que les incidences de la décision attaquée n’ont pas été dûment examinées.

143

En premier lieu, cet État membre soutient que l’analyse d’impact qui a accompagné la proposition de la Commission de 2014 était insuffisante en ce qui concerne l’évaluation des répercussions de la décision attaquée sur les États membres ainsi que sur le marché des quotas d’émission. Ledit État membre fait valoir que cette analyse présente de nombreuses lacunes concernant des aspects fondamentaux, tels que les effets de la décision attaquée sur le marché du travail, la compétitivité des entreprises et le niveau de vie de la société.

144

En deuxième lieu, la République de Pologne soutient que les évaluations réalisées au cours des négociations préalables à l’adoption de la décision attaquée n’ont pas été rendues publiques et n’ont pas non plus fait l’objet d’une consultation publique.

145

En troisième lieu, la République de Pologne fait valoir que, en modifiant significativement la proposition de la Commission de 2014, sans avoir effectué une analyse appropriée et complète des effets des modifications envisagées, les institutions défenderesses ont méconnu l’obligation qui leur incombait d’analyser dûment ces effets.

146

Les institutions défenderesses et les parties intervenantes contestent l’argumentation de la République de Pologne présentée au soutien des quatrième et cinquième moyens.

Appréciation de la Cour

147

Par son quatrième moyen, la République de Pologne soutient, en substance, que la décision attaquée porte atteinte au principe de proportionnalité en raison du fait qu’elle a pour conséquence la réalisation d’objectifs plus élevés de réduction des émissions que ceux résultant tant des engagements internationaux liant l’Union que de la directive 2003/87.

148

Par son cinquième moyen, cet État membre reproche, d’une part, à la Commission d’avoir effectué une analyse d’impact subjective et incomplète et, d’autre part, au Parlement et au Conseil de ne pas avoir, à leur tour, analysé les conséquences des mesures qu’ils s’apprêtaient à retenir, qui différaient des propositions dont les effets avaient été analysés par la Commission. Il reproche, en outre, au Parlement et au Conseil de ne pas avoir organisé de consultations publiques ouvertes au cours de la procédure législative.

149

Il convient d’examiner ces deux moyens conjointement.

150

À titre liminaire, il y a lieu de souligner que, dans un cadre technique complexe et à caractère évolutif, le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’il adopte, tandis que le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si le législateur n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut en effet substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle du législateur à qui le traité a conféré cette tâche (arrêt du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, point 28).

151

En outre, le large pouvoir d’appréciation du législateur de l’Union, impliquant un contrôle juridictionnel limité de son exercice, s’applique non pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base (arrêts du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, C‑310/04, EU:C:2006:521, point 121, et du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, point 33).

152

Toutefois, un tel contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les institutions de l’Union, auteurs de l’acte en cause, soient en mesure d’établir devant la Cour que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir (arrêt du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, C‑310/04, EU:C:2006:521, point 122, et du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, point 34).

153

Il en résulte que ces institutions doivent, à tout le moins, pouvoir produire et exposer de façon claire et non équivoque les données de base ayant dû être prises en compte pour fonder les mesures contestées de cet acte et dont dépendait l’exercice de leur pouvoir d’appréciation (arrêt du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, C‑310/04, EU:C:2006:521, point 123).

154

À cet égard, il convient de relever que le rapport sur l’état des lieux du marché du carbone en 2012 a constitué une première base permettant d’appréhender le problème lié à l’excédent de quotas dans le cadre du SEQE et a examiné les réponses réglementaires possibles. Cette analyse a été suivie, au mois de janvier 2014, par l’analyse d’impact, qui a accompagné la proposition de la Commission de 2014.

155

Contrairement à ce que soutient la République de Pologne, il ressort de ladite analyse que la Commission a examiné en détail, au point 6 de celle-ci, différentes options permettant de remédier au déséquilibre qui caractérise le SEQE ainsi que des sous-options constituées de variantes desdites options.

156

Il convient en outre de relever que, en ce qui concerne en particulier l’option prévoyant la création de la RSM, la Commission a également évalué, au point 7.1.3 de l’analyse d’impact, plusieurs hypothèses prévoyant des dates d’entrée en fonction différentes de cette réserve, alors que l’examen des critères relatifs à la définition des valeurs seuils pour la mise en circulation des quotas ou leur placement dans ladite réserve a fait l’objet des points 6.2.3.2 et 7.1 de cette analyse.

157

En outre, il ressort également de ladite analyse que la Commission a examiné en détail toute une série d’aspects économiques et sociaux connexes aux différentes options envisagées.

158

Ainsi, le point 7.2.3 de la même analyse d’impact contient des conclusions relatives à l’effet de la RSM sur l’évolution du prix des quotas. Les points 7.3 et 7.4 de cette analyse exposent les considérations relatives aux questions de mise aux enchères et de compétitivité. Le point 7.4.2 de ladite analyse vise plus précisément les effets indirects potentiels sur le prix de l’électricité, tandis que le point 7.5 de celle-ci porte sur les effets sociaux et les effets sur le marché du travail. Enfin, le point 7.6 de la même analyse évalue les incidences sur l’environnement.

159

Par ailleurs, il convient de rappeler que la Cour a jugé qu’une analyse d’impact ne lie pas le Parlement non plus que le Conseil (arrêt du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, point 57).

160

Il ressort du dossier soumis à la Cour que le législateur a également pris en compte d’autres constatations devenues disponibles au cours des négociations ayant précédé l’adoption de la décision attaquée.

161

Notamment, pour éclairer les débats au sein du Conseil et du Parlement, la Commission a organisé, le 25 juin 2014, une réunion d’experts consacrée aux répercussions des mesures envisagées sur le marché et le fonctionnement de la RSM. Un débat relatif à cette réserve, associant des opérateurs du marché et des experts nationaux, s’est tenu le 8 septembre 2014. Enfin, le 5 novembre de la même année, le Parlement a organisé un atelier consacré à la RSM, ouvert au public et dans le cadre duquel il a également procédé à des analyses complémentaires portant sur la date d’entrée en fonction de cette réserve.

162

En outre, il ressort également du dossier soumis à la Cour que, lors des réunions du Conseil, plusieurs délégations ont présenté leur évaluation des incidences de différentes options, au cours des réunions du groupe « Environnement ». Ainsi, les délibérations consacrées à la proposition de décision ont été alimentées par la base factuelle sur laquelle les délégués de tous les États membres se sont appuyés pour définir leur position au cours de ces réunions.

163

Il résulte de ce qui précède que, au cours de la procédure législative, le Parlement et le Conseil ont pris en compte les données scientifiques disponibles pour exercer effectivement leur pouvoir d’appréciation.

164

Ainsi que l’ont souligné les institutions défenderesses, un certain nombre de réunions et d’ateliers organisés par les institutions de l’Union au sujet de la RSM étaient publics ou, à tout le moins, le contenu de ces réunions et ateliers a été rendu public. Par ailleurs, des consultations publiques ont également eu lieu lors de l’élaboration de la proposition de décision par la Commission.

165

En tout état de cause, comme le font valoir à juste titre le Conseil et le Parlement, il convient de préciser que le caractère non public de certaines consultations ne saurait remettre en cause la légalité de la décision attaquée, le législateur n’étant pas tenu d’ignorer les faits figurant dans des documents non publics ou mentionnés lors de réunions non publiques.

166

De surcroît, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 54 de ses conclusions, il ne saurait être fait grief au Parlement, au Conseil ou à la Commission, de ne pas avoir tenu compte de la situation prétendue particulière de la République de Pologne au regard du marché du carbone.

167

En effet, il résulte de la jurisprudence de la Cour que le législateur n’est pas tenu de prendre en considération la situation particulière d’un État membre lorsque l’acte de l’Union a un impact dans tous les États membres et suppose qu’un équilibre entre les différents intérêts en présence, compte tenu des objectifs poursuivis par cet acte, soit assuré. Dès lors, la recherche d’un tel équilibre prenant en considération non pas la situation particulière d’un seul État membre, mais celle de l’ensemble des États membres de l’Union, ne saurait être regardée comme étant contraire au principe de proportionnalité (voir, par analogie, arrêt du 18 juin 2015, Estonie/Parlement et Conseil, C‑508/13, EU:C:2015:403, point 39).

168

Il s’ensuit que le législateur disposait d’éléments suffisants, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 152 et 153 du présent arrêt, pour effectuer les choix qui figurent dans la décision attaquée.

169

En ce qui concerne plus particulièrement le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler que ce principe fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient de nature à permettre la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêt du 17 octobre 2013, Billerud Karlsborg et Billerud Skärblacka, C‑203/12, EU:C:2013:664, point 34 et jurisprudence citée).

170

La Cour a également précisé que, en ce qui concerne le contrôle juridictionnel de ces conditions, ainsi qu’il a été constaté au point 150 du présent arrêt, il y a lieu, toutefois, de reconnaître au législateur de l’Union un large pouvoir d’appréciation lorsqu’il est amené à intervenir dans un domaine impliquant, de sa part, des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lequel il est appelé à effectuer des appréciations complexes. Ainsi, dans son contrôle juridictionnel de l’exercice d’une telle compétence, la Cour ne saurait substituer son appréciation à celle du législateur de l’Union. Elle ne pourrait tout au plus censurer son choix normatif que s’il paraissait manifestement erroné ou si les inconvénients qui en résultent pour certains acteurs économiques étaient sans commune mesure avec les avantages qu’il présente par ailleurs (arrêt du 17 octobre 2013, Billerud Karlsborg et Billerud Skärblacka, C‑203/12, EU:C:2013:664, point 35 et jurisprudence citée).

171

Or, ainsi qu’il a été rappelé dans le cadre de l’appréciation du premier moyen du recours, la décision attaquée a pour objectif de garantir le bon fonctionnement du SEQE et d’améliorer la capacité de la directive 2003/87 à permettre la réalisation des objectifs poursuivis par cette dernière à partir de la date d’entrée en fonction de la RSM et sans limitation dans le temps.

172

À la lumière de cet objectif, et compte tenu des données dont disposaient les institutions concernées à la date où elles sont intervenues, le contenu de l’acte adopté ne saurait être valablement contesté.

173

En effet, le rapport sur l’état des lieux du marché du carbone en 2012 avait mis en évidence le déséquilibre structurel affectant le SEQE, rendant nécessaire une intervention législative en vue du rétablissement de son bon fonctionnement. Afin de mettre fin à ce déséquilibre, il était essentiel de réduire le nombre de quotas. Toutefois, ainsi que le mentionne le considérant 4 de la décision attaquée, une modification du facteur linéaire n’aurait fait diminuer l’excédent que progressivement, de telle sorte que le marché du carbone aurait dû continuer à fonctionner pendant plus d’une décennie avec un excédent d’environ 2 milliards de quotas.

174

La création d’une RSM, dans laquelle les quotas excédentaires sont placés de manière temporaire, constituait, par conséquent, une solution appropriée pour réduire le nombre de quotas, sans supprimer ces mêmes quotas. Cette solution a également permis, d’une part, de prendre en considération l’hypothèse dans laquelle l’équilibre du système serait menacé non plus par un excédent de quotas, mais par un déficit de quotas, dès lors qu’il a été prévu que la réserve libérerait alors sur le marché les quotas qui avaient été placés provisoirement dans celle-ci, et, d’autre part, de renforcer la résilience du SEQE face à des événements de grande ampleur susceptibles de perturber gravement l’équilibre entre l’offre et la demande de quotas.

175

Le mécanisme prévu par la décision attaquée se révèle donc adapté à la poursuite de l’objectif consistant à réduire la volatilité du marché des quotas, sans aller au-delà de ce qui était nécessaire pour l’atteindre.

176

Ainsi, le choix normatif opéré par le législateur de l’Union n’apparaît pas manifestement erroné, au sens de la jurisprudence citée au point 170 du présent arrêt.

177

Enfin, la République de Pologne n’a pas démontré que les inconvénients qui résultent de ce choix sont disproportionnés par rapport aux avantages que celui-ci présente par ailleurs, en raison, d’une part, de l’absence de lien direct entre la RSM et la détermination du prix des quotas et, d’autre part, du fait que la stabilisation du prix des quotas relève manifestement de l’objectif de la décision attaquée.

178

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient d’écarter également les quatrième et cinquième moyens comme étant non fondés et, partant, de rejeter le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

179

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Le Parlement et le Conseil ayant conclu à la condamnation de la République de Pologne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par ces deux institutions.

180

Par ailleurs, conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, le Royaume d’Espagne, la République française, le Royaume de Suède ainsi que la Commission supporteront, en tant que parties intervenantes, leurs propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

La République de Pologne est condamnée aux dépens exposés par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne.

 

3)

Le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, le Royaume d’Espagne, la République française, le Royaume de Suède ainsi que la Commission européenne supportent leurs propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le polonais.

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