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Documento 62023CO0231

Auto del Tribunal de Justicia (Sala Novena) de 18 de diciembre de 2023.
Procedimiento incoado por Eurobank Bulgaria AD.
Petición de decisión prejudicial planteada por el Sofiyski rayonen sad.
Asunto C-231/23.

Identificador Europeo de Jurisprudencia: ECLI:EU:C:2023:1008

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

18 décembre 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Réponse pouvant être clairement déduite de la jurisprudence – Protection des consommateurs – Clauses abusives – Directive 93/13/CEE – Demande d’un professionnel portant sur une partie d’une créance fondée sur un contrat conclu avec un consommateur – Jugement faisant droit à cette demande et confirmant la validité de l’ensemble de ce contrat – Procédure ultérieure relative à une autre partie de cette créance – Autorité de la chose jugée »

Dans l’affaire C‑231/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie), par décision du 12 avril 2023, parvenue à la Cour le 12 avril 2023, dans la procédure engagée par

Eurobank Bulgaria AD,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), présidente de chambre, M. J.‑C. Bonichot et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure d’injonction de payer engagée par Eurobank Bulgaria AD, un établissement bancaire, et ayant pour objet une demande de délivrance d’une injonction d’exécution immédiate d’une obligation pécuniaire issue d’un contrat de prêt conclu entre cet établissement et deux consommateurs (ci-après les « deux consommateurs »).

 Le cadre juridique

 La directive 93/13

3        L’article 6, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

4        L’article 7, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

 Le droit bulgare

 Le GPK

5        L’article 7, paragraphe 3, du Grazhdanski protsesualen kodeks (code de procédure civile, ci-après le « GPK ») dispose :

« La juridiction contrôle d’office la présence de clauses abusives dans un contrat conclu avec un consommateur. Elle donne aux parties la possibilité de faire valoir leur point de vue sur ces questions. »

6        L’article 296 du GPK est libellé comme suit :

« Sont définitives les décisions juridictionnelles :

[...]

2.      contre lesquelles aucun appel ou pourvoi en cassation n’a été formé dans le délai prévu par la loi ou contre lesquelles l’appel formé a été retiré ; dans ce dernier cas, la décision juridictionnelle est définitive à compter du jour où l’ordonnance mettant fin à la procédure est entrée en vigueur ;

[...]

7        L’article 297 du GPK prévoit :

« La décision juridictionnelle définitive est contraignante pour la juridiction qui l’a rendue et pour toutes les juridictions, institutions et municipalités de la République de Bulgarie. »

8        Aux termes de l’article 410 du GPK :

« (1)      Le demandeur peut demander la délivrance d’une injonction :

1.      pour les créances pécuniaires ou concernant des biens fongibles, lorsque la demande relève de la compétence du Rayonen sad [(tribunal d’arrondissement, Bulgarie)] ;

[...]

(3)      Lorsque la créance naît d’un contrat conclu avec un consommateur, est joint à la demande le contrat, si ce dernier se présente sous la forme écrite, accompagné de tous les avenants et annexes, ainsi que, le cas échéant, des conditions générales applicables à celui-ci. »

9        L’article 411 du GPK dispose :

« (2)       [...] La juridiction examine la demande lors d’une audience préliminaire et délivre l’injonction dans le délai prévu au paragraphe 1, sauf dans les cas où :

[...]

3.      [...] la demande est fondée sur une clause abusive figurant dans un contrat conclu avec un consommateur ou l’existence d’une telle clause peut être raisonnablement supposée ;

[...]  »

 L’arrêt interprétatif no 3/2016

10      Par son arrêt interprétatif no 3/2016, du 22 avril 2019 (ci-après l’« arrêt interprétatif no 3/2016 »), le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie) s’est prononcé au sujet de l’autorité de la chose jugée d’un jugement faisant droit à une demande visant le paiement d’une partie d’une créance. Dans cet arrêt, qui a valeur contraignante pour les juridictions nationales, le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation) a dit pour droit qu’un jugement faisant droit à une demande de condamnation au paiement d’une somme d’argent qui ne représente qu’une partie d’une créance découlant de faits juridiques donnés a l’autorité de la chose jugée en ce qui concerne les faits à l’origine de cette demande et leur qualification juridique, y compris la validité du contrat à l’origine de ladite demande. En conséquence, si une même créance est invoquée dans deux demandes en justice, mais pour des parties différentes de celle-ci, il n’est pas possible de débattre de son bien-fondé et de sa qualification juridique dans le cadre de la seconde demande, ayant pour objet le solde de cette créance.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

11      Le 7 juin 2012, les deux consommateurs ont conclu avec Eurobank Bulgaria un contrat de prêt à taux variable, d’un montant de 53 642 euros, converti en francs suisses. Ce prêt visait à refinancer un prêt antérieur, libellé en francs suisses, octroyé par ce même établissement bancaire sur la base d’un autre contrat de prêt (ci-après le « contrat de prêt antérieur »), dont une partie du montant à rembourser restait due.

12      Le contrat de prêt en cause au principal a fait l’objet de deux avenants. Le premier, conclu le 28 mars 2013, modifiait le taux d’intérêt et la devise dans laquelle ce prêt était libellé, qui est passée du franc suisse à l’euro. Le second, conclu le 30 août 2013, prévoyait une nouvelle méthode de détermination du taux annuel effectif global (TAEG).

13      Dans le courant du mois de mars 2018, Eurobank Bulgaria a déclaré exigible par anticipation la totalité du montant dû en vertu du contrat de prêt en cause au principal, en raison de l’inexécution d’obligations incombant aux deux consommateurs. Une demande de paiement a été signifiée à ces derniers le 12 avril 2018, date à laquelle la totalité de la créance concernée est devenue exigible. Par suite du défaut de paiement, Eurobank Bulgaria a intenté une action en justice et une injonction de payer portant sur une partie de cette créance a été délivrée le 13 septembre 2018.

14      Cette injonction de payer ayant été contestée par les deux consommateurs, Eurobank Bulgaria a introduit un recours devant le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie) visant à déterminer si la partie des obligations découlant du contrat de prêt en cause au principal faisant l’objet de la demande de paiement était due. Par un jugement du 30 décembre 2021, cette juridiction a déterminé les montants que les deux consommateurs devaient à cet établissement bancaire à la date de délivrance de ladite injonction de payer.

15      Ceux-ci ont alors interjeté appel contre ce jugement devant l’Apelativen sad Sofia (cour d’appel de Sofia, Bulgarie), faisant notamment valoir que la juridiction de première instance n’avait pas examiné si le contrat de prêt antérieur contenait des clauses abusives.

16      Dans son arrêt du 16 novembre 2022, l’Apelativen sad Sofia (cour d’appel de Sofia) a confirmé le jugement de première instance, constatant que le contrat de prêt en cause au principal ne contenait pas de clauses abusives et que la demande d’Eurobank Bulgaria était pleinement justifiée. Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un pourvoi devant le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation).

17      Ultérieurement, Eurobank Bulgaria a introduit une nouvelle demande d’injonction de payer à l’encontre des deux consommateurs devant le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia), qui est la juridiction de renvoi, visant le recouvrement du solde de la créance découlant du contrat de prêt en cause au principal. Eurobank Bulgaria a fondé sa demande sur l’autorité de la chose jugée de l’arrêt définitif de l’Apelativen sad – Sofia (cour d’appel de Sofia) du 16 novembre 2022 et a soutenu que la validité des clauses de ce contrat ne pouvait plus être examinée.

18      À cet égard, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à l’existence de clauses abusives dans le contrat de prêt en cause au principal. Ces doutes concernent, d’une part, la manière dont le montant à rembourser a d’abord été déterminé en francs suisses et ensuite converti en euros, et, d’autre part, la méthode de fixation du taux d’intérêt. Elle relève cependant que l’arrêt interprétatif no 3/2016 l’empêche de procéder à un contrôle du caractère abusif des clauses de ce contrat, dès lors que l’arrêt de l’Apelativen sad – Sofia (cour d’appel de Sofia), qui est revêtu de l’autorité de la chose jugée, a déjà conclu à l’absence de clauses abusives dans ledit contrat. Dans ce contexte, elle s’interroge sur la compatibilité de l’arrêt interprétatif no 3/2016 avec l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13.

19      En particulier, la juridiction de renvoi relève que, conformément à la jurisprudence de la Cour, notamment l’arrêt du 17 mai 2022, Ibercaja Banco (C‑600/19, EU:C:2022:394), le caractère contraignant de l’autorité de la chose jugée dont est revêtue une décision juridictionnelle en ce qui concerne le contrôle du caractère éventuellement abusif de clauses d’un contrat conclu par un consommateur suppose que cette décision soit motivée « au moins sommairement ». Or, selon elle, d’une part, l’arrêt de l’Apelativen sad – Sofia (Cour d’appel de Sofia), tout en se référant aux principes régissant la possibilité de modifier le taux d’intérêt stipulé, ne comporte aucune appréciation concrète en ce qui concerne les conditions spécifiques du contrat de prêt en cause au principal et ses avenants. D’autre part, cet arrêt ne contient pas non plus de considérations quant aux clauses contractuelles relatives à la conversion de la devise du prêt ni quant au caractère éventuellement abusif des clauses du contrat de prêt antérieur. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s’interroge sur les critères qu’il convient d’appliquer pour déterminer si la motivation de l’examen du caractère éventuellement abusif des clauses concernées a été énoncée « au moins sommairement », au sens de la jurisprudence de la Cour.

20      Dans ces conditions, le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)       L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] permettent-ils une jurisprudence nationale en vertu de laquelle, dans le cas où seule une partie de la créance découlant d’un contrat conclu avec un consommateur et contenant éventuellement des clauses abusives a fait l’objet d’une décision juridictionnelle définitive, ayant acquis autorité de la chose jugée, la conclusion de la juridiction qui a rendu [cette] décision selon laquelle les clauses contractuelles lient le consommateur et ne sont pas abusives lie les juridictions saisies de demandes ultérieures tendant à obtenir la condamnation du consommateur au paiement du solde restant dû lorsque ce solde est exigible ?

2)       En cas de réponse affirmative à la première question [...], l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] permettent-ils une telle jurisprudence si la décision juridictionnelle concluant à l’absence de clauses abusives est motivée à cet égard, mais que les motifs [y figurant] ne sont pas suffisamment clairs ou rattachés aux clauses concrètes du contrat ? Quels sont les critères devant guider le juge national dans la seconde procédure pour apprécier le caractère suffisant de la motivation [de cette décision] ? »

 Sur les questions préjudicielles

21      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure de la Cour, celle-ci peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence.

22      Il convient également de rappeler que la coopération judiciaire instaurée par l’article 267 TFUE est fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour. D’une part, la Cour est habilitée non pas à appliquer les règles du droit de l’Union à une espèce déterminée, mais seulement à se prononcer sur l’interprétation des traités et des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a., C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 201 ainsi que jurisprudence citée). D’autre part, conformément au point 11 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1), il revient aux juridictions nationales de tirer dans le litige pendant devant elles les conséquences concrètes des éléments d’interprétation fournis par la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2018, Roche Lietuva, C‑413/17, EU:C:2018:865, point 43).

23      En l’occurrence, la Cour estime que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée par la juridiction de renvoi peut être clairement déduite des arrêts du 26 janvier 2017, Banco Primus (C‑421/14, EU:C:2017:60), et du 17 mai 2022, Ibercaja Banco (C‑600/19, EU:C:2022:394).

24      Il y a donc lieu de faire application de l’article 99 du règlement de procédure dans la présente affaire.

25      Ainsi qu’il ressort du point 22 de la présente ordonnance, il reviendra à la juridiction de renvoi de tirer les conséquences concrètes, dans le litige au principal, des éléments d’interprétation découlant de cette jurisprudence de la Cour. 

 Sur la première question

26      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une jurisprudence nationale qui interdit au juge saisi d’une demande d’un professionnel visant à la condamnation d’un consommateur au paiement du solde restant dû de la créance découlant d’un contrat conclu avec celui-ci d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif des clauses de ce contrat lorsque, par une décision antérieure revêtue de l’autorité de la chose jugée et portant sur une autre partie de la même créance, il a déjà été statué sur la validité de ces clauses au regard de cette directive.

27      À cet égard, la Cour a jugé, au point 49 de l’arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C‑421/14, EU:C:2017:60), que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une règle nationale qui interdit au juge national de réexaminer d’office le caractère abusif des clauses d’un contrat conclu par un consommateur avec un professionnel, lorsqu’il a déjà été statué sur la légalité de l’ensemble des clauses de ce contrat au regard de cette directive par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, ce qu’il appartient à ce juge de vérifier.

28      Néanmoins, la Cour a précisé au point 52 du même arrêt que, dans l’hypothèse où, lors d’un précédent examen d’un tel contrat ayant abouti à l’adoption d’une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, le juge national s’est limité à examiner d’office, au regard de la directive 93/13, une seule ou certaines des clauses de ce contrat, cette directive lui impose, s’il est régulièrement saisi ultérieurement par le consommateur concerné, d’apprécier, à la demande des parties ou d’office lorsqu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, le caractère éventuellement abusif des autres clauses dudit contrat, dès lors que, en l’absence d’un tel contrôle, la protection du consommateur se révélerait incomplète et insuffisante, et ne constituerait un moyen ni adéquat ni efficace pour faire cesser l’utilisation de ce type de clauses, contrairement à ce que prévoit l’article 7, paragraphe 1, de cette directive.

29      Il y a lieu de constater que les principes issus dudit arrêt trouvent à s’appliquer dans l’hypothèse où la procédure ultérieure porte sur une autre partie de la créance du professionnel découlant du contrat ayant fait l’objet d’un examen au regard de la directive 93/13 dans le cadre de la décision antérieure revêtue de l’autorité de la chose jugée. Il en résulte que cette directive impose au juge saisi de la seconde demande de ce professionnel d’examiner le caractère éventuellement abusif des seules clauses ou parties de clauses de ce contrat sur lesquelles était fondée la première demande dudit professionnel que le juge saisi de celle-ci n’aurait pas examinées.

30      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une jurisprudence nationale qui interdit au juge saisi d’une demande d’un professionnel visant à la condamnation d’un consommateur au paiement du solde restant dû de la créance découlant d’un contrat conclu avec celui-ci, d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif des clauses de ce contrat lorsque, par une décision antérieure revêtue de l’autorité de la chose jugée et portant sur une autre partie de la même créance, il a déjà été statué sur la validité de ces clauses au regard de cette directive. En revanche, ces dispositions s’opposent à ce que ce juge ne puisse pas contrôler d’office le caractère éventuellement abusif de clauses ou de parties de clause dudit contrat qui n’ont pas été examinées dans le cadre de cette décision antérieure.

 Sur la seconde question

31      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une jurisprudence nationale qui interdit au juge saisi d’une demande d’un professionnel visant à la condamnation d’un consommateur au paiement du solde restant dû de la créance découlant d’un contrat conclu avec celui-ci d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif des clauses de ce contrat lorsque, par une décision antérieure revêtue de l’autorité de la chose jugée et portant sur une autre partie de la même créance, il a déjà été statué sur la validité de ces clauses au regard de cette directive, dans l’hypothèse où cette décision antérieure est assortie d’une motivation qui manquerait de clarté à cet égard et ne comporterait pas une appréciation concrète desdites clauses. La juridiction de renvoi demande également à la Cour de préciser les critères devant guider le juge national pour apprécier le caractère suffisant de cette motivation dans ce cadre.

32      À cet égard, la Cour a jugé au point 51 de l’arrêt du 17 mai 2022, Ibercaja Banco (C‑600/19, EU:C:2022:394), que la directive 93/13 ne s’oppose pas à ce que l’autorité de la chose jugée dont est revêtue une décision antérieure fasse obstacle à l’examen d’office du caractère potentiellement abusif de clauses contractuelles au regard de cette directive, dans le cadre d’une procédure ultérieure relative à un même contrat, si le juge ayant rendu cette décision antérieure a indiqué explicitement dans celle-ci, en particulier, qu’il a procédé à un examen d’office du caractère abusif des clauses du contrat en question et que cet examen, motivé au moins sommairement, n’a révélé l’existence d’aucune clause abusive.

33      Il en résulte que, lorsque, dans le cadre d’une première procédure, un professionnel a déjà obtenu la condamnation d’un consommateur au paiement d’une partie de la créance découlant d’un contrat conclu avec celui-ci par une décision juridictionnelle définitive, le juge saisi dans le cadre d’une seconde procédure d’une demande de ce professionnel visant à la condamnation de ce consommateur au paiement d’une autre partie de la même créance doit, en se référant à la motivation de la décision rendue à l’issue de la première procédure, être en mesure d’identifier les clauses ou parties de clause de ce contrat qui ont été examinées au regard de la directive 93/13 dans le cadre de cette première procédure et, d’autre part, les raisons, même sommairement exposées, pour lesquelles le juge saisi dans le cadre de ladite première procédure a estimé que ces clauses ou parties de clause étaient dépourvues de caractère abusif.

34      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une jurisprudence nationale qui interdit au juge saisi d’une demande d’un professionnel visant à la condamnation d’un consommateur au paiement du solde restant dû de la créance découlant d’un contrat conclu avec celui-ci d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif des clauses de ce contrat lorsque, par une décision antérieure revêtue de l’autorité de la chose jugée et portant sur une autre partie de la même créance, il a déjà été statué sur la validité de ces clauses au regard de cette directive, si cette décision antérieure comporte une motivation qui permet à ce juge d’identifier les clauses ou parties de clause qui ont fait l’objet d’un contrôle dans le cadre de la première procédure ainsi que, même sommairement exposées, les raisons pour lesquelles le juge saisi dans le cadre de cette procédure a estimé que ces clauses ou parties de clause étaient dépourvues de caractère abusif.

 Sur les dépens

35      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils ne s’opposent pas à une jurisprudence nationale qui interdit au juge saisi d’une demande d’un professionnel visant à la condamnation d’un consommateur au paiement du solde restant dû de la créance découlant d’un contrat conclu avec celui-ci, d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif des clauses de ce contrat lorsque, par une décision antérieure revêtue de l’autorité de la chose jugée et portant sur une autre partie de la même créance, il a déjà été statué sur la validité de ces clauses au regard de cette directive. En revanche, ces dispositions s’opposent à ce que ce juge ne puisse pas contrôler d’office le caractère éventuellement abusif de clauses ou de parties de clause dudit contrat qui n’ont pas été examinées dans le cadre de cette décision antérieure.

2)      L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13

doivent être interprétés en ce sens que :

ils ne s’opposent pas à une jurisprudence nationale qui interdit au juge saisi d’une demande d’un professionnel visant à la condamnation d’un consommateur au paiement du solde restant dû de la créance découlant d’un contrat conclu avec celui-ci d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif des clauses de ce contrat lorsque, par une décision antérieure revêtue de l’autorité de la chose jugée et portant sur une autre partie de la même créance, il a déjà été statué sur la validité de ces clauses au regard de cette directive, si cette décision antérieure comporte une motivation qui permet à ce juge d’identifier les clauses ou parties de clause qui ont fait l’objet d’un contrôle dans le cadre de la première procédure ainsi que, même sommairement exposées, les raisons pour lesquelles le juge saisi dans le cadre de cette procédure a estimé que ces clauses ou parties de clause étaient dépourvues de caractère abusif.

Signatures



*      Langue de procédure : le bulgare.

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